si c`etait a refaire - Cours de theatre Paris

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si c`etait a refaire - Cours de theatre Paris
SI C’ETAIT A REFAIRE
de Laurent RUQUIER
PERSONNAGES :
DR JOUVENCE, SOPHIE, CLAUDINE
DR JOUVENCE : Dites-moi, tout est naturel chez vous ?
CLAUDINE : Oui, c’est même ça qu’on me reproche, d’être trop naturelle.
DR JOUVENCE : Vous direz aux clients que je vous ai refais la bouche ou même les joues.
CLAUDINE : Pourquoi ?
DR JOUVENCE : C’est mieux parce que c’est un métier où faut savoir mentir, vous comprenez.
N’allez pas me les complexer, elles le sont déjà assez comme ça en arrivant. Donc il faut les
désangoisser. Un peu de sérénité, beaucoup d’humour. Pensez à ça l’humour ! Ensuite : Ne
jamais prononcer le nom d’une cliente devant une autre cliente, même au téléphone. Alors ici, il
n’y a pas de cliente, il n’y a que des patientes. Notez ça : des patientes.
CLAUDINE : Des patientes.
DR JOUVENCE : Vous savez, la plupart des clientes arrivent ici le matin, maintenant avec les
nouvelles technologies elles peuvent repartir chez elles le soir.
CLAUDINE : Ah bah oui, grâce au TGV.
DR JOUVENCE : Non, non, grâce aux ultrasons, à l’endoscopie, au botox, et alors fin du fin, au
laser.
CLAUDINE : J’en apprend des choses avec vous ! Mais quand même, il y a des risques à se
faire opérer, il y a des ratés.
DR JOUVENCE : Écoutez, tous les jours, en prenant votre voiture ou en traversant la rue, vous
prenez le risque d’être défigurée, et ben en venant ici vous prenez le risque d’être belle.
CLAUDINE : Oh là là, mais qu’est-ce que c’est beau ce que vous venez de dire !
DR JOUVENCE : C’est-ce que vous direz aux clientes quand elles s’inquiètent. Ah aussi,
toujours un œil sur les voyants du bureau ! Ça c’est Madame Carnot qui s’impatiente ! Il y a une
nouvelle cliente qui arrive à 13h, c’est pour la poitrine. Vous lui faite remplir la fiche de
renseignement et vous la faite…
CLAUDINE : Clienter… euh patienter !
Claudine :Alors 13h…Frantini…Sophie Frantini…
SOPHIE : Oh oui, c’est moi !
CLAUDINE : Excusez-moi, je ne vous ai pas entendu sonner. Vous venez pour votre poitrine.
Bien, alors, je vais vous faire remplir une fiche comme toutes les nouvelles clientes…patientes et
je vous demanderai de bien vouloir patienter.
SOPHIE : Vous à ma place vous la feriez refaire cette poitrine, franchement ?
CLAUDINE : C’est-à-dire que là faut pas la faire refaire, faut la faire !
SOPHIE : Mais vous avez raison ! Non seulement j’ai rien mais en plus elle tombe, et rien qui
tombe, ça tombe quand même. Mon fiancé, il me dit : « Moi, je te trouve belle » mais il n’y a rien
de pire comme compliment. Ça veut dire t’es moche, mais je t’aime quand même ».
CLAUDINE : Y’en a qu’aiment ça deux petits œufs aux plat. Il suffit que lui, il ait de la brioche.
Un café, un jus d’orange…ça vous fait un brunch !Allez, écoutez, moi franchement je vous trouve
mignonne. Si j’étais vous je ne toucherai à rien. Mais je ne vais pas vous dire ça, si le docteur
m’entend il me fera les gros yeux. Enfin bon, si vous préférez qu’il vous fasse les gros seins !
SOPHIE : Vous avez des chaussettes ?
CLAUDINE : Des chaussettes ?
SOPHIE : Oui, dans votre soutien-gorge. Vous n’y avez jamais eu à surveiller, pendant toute une
soirée, si vos chaussettes roulaient, si vos mouchoirs en papier ne dépassaient pas de votre
décolleté?
CLAUDINE : Ah non, jamais !
SOPHIE : C’est l’enfer. Moi je veux régler cette angoisse une bonne fois pour toute. Vous savez
combien il va me prendre ?
CLAUDINE : Ah non, je suis nouvelle, j’ai pas les tarifs. Mais ça va certainement vous coûter plus
cher qu’une bonne paire de chaussettes !
SOPHIE : C’est pas grave. Y’en a qui dépensent toutes leurs économies pour s’acheter une
voiture ou un écran plasma. Moi je préfère mettre l’argent dans ma poitrine.
Mon mari m’avait promis que je pouvais me payer des jolis seins après mon nouveau nez.
CLAUDINE : Oh, mais c’est après l’accouchement que vous avez tout perdu. Mais ça c’est
normal.
SOPHIE : Non, non, je parle du nez.
CLAUDINE : Mais oui vous avez un beau nez ! Et un bonnet, une paire de chaussettes, vous
êtes habillée pour l’hiver ! De l’humour, toujours de l’humour qu’il a dit le docteur !
SOPHIE : Mais pour la poitrine, il n’y a pas trop de risques d’échecs ?
CLAUDINE : Écoutez : « Tous les jours, en prenant votre voiture ou en traversant la rue, vous
prenez le risque d’être défigurée, et ben en venant ici…et bien c’est pareil !
DR JOUVENCE : Mlle Frantini, c’est vous qui avez appelé hier ?
SOPHIE : Oui, bonjour docteur !
DR JOUVENCE : Je suis à vous ! Alors faites moi voir ça.
SOPHIE : Et bien y’a rien a voir hélas !
DR JOUVENCE : Bon, bon, approchez. Et bien où ils sont ? Ah les voilà ! Bon écoutez, une
bonne hipopalasie mammaire. Vous allez voir on va faire des merveilles ensemble. Vous avez
déjà eu recours à la chirurgie esthétique ?
CLAUDINE : Oui, trois nouveaux nez, des triplés !
DR JOUVENCE : Donnez moi la fiche Claudine. (il prend la fiche) Alors quel est le collègue qui
vous a fait ça ? Oh là faut pas aller voir n’importe qui !… En trois fois ? Qu’est-ce qui s’est passé
?
SOPHIE : On me l’a râper une première fois. Râpé et raté. Alors le Docteur Marcellin a prit un
peu d’os au niveau de la hanche pour me sculpter un nez de rechange. Puis bon, comme j’avais
une petite dent qui poussait sous la peau à l’emplacement de la cicatrice, il a refallut un petit
coup de râpe. Mais maintenant ça y est, en trois fois mais c’est un beau résultat.
CLAUDINE : C’est un chirurgien qui devenait gâteux. Il commençait à raboter ! Vous m’avez dit
de l’humour.
DR JOUVENCE : Oui mais là tout le monde est détendu, merci Claudine ! Alors pour votre
poitrine, Mlle Frantini, on va tout faire en une fois.
SOPHIE : Mais les deus quand même ?
DR JOUVENCE : Oui, bien sûr ! Je vais vous montrez une simulation sur ordinateur.
SOPHIE : Ah oui, vous allez me les faire en silicone, j’ai vu les résultats dans les magazines.
DR JOUVENCE : Non, moi je n’utilise pas le silicone. Il y a encore trop de risques de fuites.
CLAUDINE : Ah non, je ne dirai rien, ça ne sortira pas d’ici !
DR JOUVENCE : Des fuites de gel de silicone Claudine. Oui parce que au cas où la prothèse se
fissurait, le silicone trop fuide pourrait remonter jusque sous les aisselles.
CLAUDINE : Déjà qu’elle a un bout de hanche dans le nez, si elle a les seins sous le bras.
DR JOUVENCE : Non, ça s’est amélioré depuis, mais je ne suis pas très adepte. Non, on a tout
essayé, l’ivoire, l’éponge, le plastique…oui…l’eau, l’huile, la graisse… ah oui y a rien qui…
CLAUDINE : Mais puisque c’est pour mettre dans les seins, pourquoi pas du lait ? Ça aurait été
logique ! Vous n’avez jamais pensé à du lait ?
DR JOUVENCE : Claudine, ici on ne pense pas à du « lait », on pense à du « beau » !
CLAUDINE : Oh Docteur !
DR JOUVENCE : (à Sophie) Bon ce que je vous propose, ce sont deux belles prothèses à base
de sérum physiologique et vous pourrez choisir la forme.
SOPHIE : Ah bon ?
DR JOUVENCE : Je vais vous proposer un devis et vous aurait un minimum de 15 jours pour
réfléchir.
SOPHIE : Oh, mais c’est tout réfléchi docteur !
DR JOUVENCE : Ah non, attention, je ne veux pas faire de vous une bimbo. Un bonnet 90 A ou
B tout au plus. Car il faut être raisonnable !
SOPHIE : Ils ne seront pas trop figés tout de même ?
DR JOUVENCE : Rassurez-vous, ils bougeront en même temps que vous !
SOPHIE : Vous ne me dites pas : « Si j’étais vous , je changerais rien » ?
DR JOUVENCE : Qui vous a d…Claudine, vous me ferez 2 heures de colle ! (A Sophie)
Et vous, venez dans mon cabinet, avec vos deux seins ! Une deux, une deux…