Echanges mondiaux de produits alimentaires
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Echanges mondiaux de produits alimentaires
CIRAD ECOPOL agridoc Echanges mondiaux de produits alimentaires Zone géographique Mots clés Monde ; Asie ; Amérique latine ; Union Européenne ; Etats-Unis Produits alimentaires ; Echanges commerciaux ; Marché Mondial ; OMC Résumé Les échanges mondiaux de produits alimentaires (hors produits de la pêche) stagnent depuis le milieu des années 90, après avoir connu une forte croissance de 1985 à 1995. Leur composition a évolué au cours des deux dernières décennies : les céréales, anciennement le premier groupe de produits échangés, ont été supplantées par les fruits et légumes. Les marchés des viandes sont également dynamiques, alors que ceux des boissons tropicales (thé – cacao – café) et du sucre sont en stagnation, voire régression. L’Asie a émergé comme la zone la plus dynamique, profitant de sa spécialisation dans l’exportation de fruits et légumes. Elle s’est également affirmée comme la principale zone d’absorption des produits alimentaires, et cette tendance n’a pas été fondamentalement remise en cause par la crise économique frappant la région à la fin des années 90. Les marchés mondiaux de produits alimentaires sont pour la plupart cloisonnés par de multiples accords et protocoles spécifiques rendant difficile l’accès à de nombreux marchés, surtout au Nord. Ils font l’objet d’enjeux de négociation importants à l’Organisation Mondiale du commerce (OMC), mais l’évolution récente de la politique américaine, introduisant de nouvelles mesures de soutien interne et de protection aux frontières, tend à montrer que la libéralisation des marchés ne se fera pas à court ou moyen terme. Comprendre Les échanges mondiaux de produits alimentaires ont connu des évolutions contrastées depuis 1980. Après avoir stagné de 1980 à 1985, les échanges se sont largement développés durant les 10 années suivantes pour passer d’une valeur de 143 milliards de dollars en 1985 à 320 milliards en 1996. Depuis, la valeur des échanges est en constante diminution, pour atteindre tout juste 280 milliards de dollars en 2000. Cette évolution, résultante des volumes de produits échangés et de la baisse tendancielle des cours mondiaux (prix des denrées échangées), s’est accompagnée d’une transformation de la Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères composition des échanges en termes de produits ainsi que d’une évolution de la géographie des exportations et des importations. Composition des échanges Les différents groupes de produits alimentaires ont connu des évolutions fortement différenciées depuis le début des années 80, comme le montre le tableau n°1. Fruits, légumes, viandes et produits laitiers ont respectivement gagné des parts dans la composition des échanges, tandis que les céréales, les boissons tropicales (café, thé, cacao) et le sucre voient au contraire leur part diminuer tendanciellement au cours des 20 dernières années. Ces évolutions différenciées s’expliquent partiellement par l’évolution des modèles de consommation. La hausse des revenus a entraîné une modification des structures de consommation qui privilégie les fruits et les viandes au détriment des céréales. Du fait de ces évolutions, les fruits et légumes sont devenus le principal groupe de produits alimentaires échangés, avec une part de 25 % ; les céréales ont nettement perdu de l’importance : leurs échanges sont pratiquement équivalents à ceux des viandes, alors qu’ils étaient le double il y a 20 ans. Les boissons tropicales, victimes de la faible croissance des volumes échangés et de cours internationaux durablement déprimés, sont en voie de marginalisation dans les échanges mondiaux. Tableau n°1 : Composition des échanges mondiaux Fruits et légumes Céréales Viandes Café, thé, cacao Produits laitiers et œufs Sucre 1985 18,9 % 25,2 % 12,6 % 16,1 % 7,7 % 7,7 % 1990 23,0 % 20,7 % 15,3 % 9,5 % 9,5 % 7,7 % 1995 23,1 % 19,1 % 15,5 % 10,9 % 9,9 % 6,3 % 2000 24,2 % 18,9 % 15,7 % 10,3 % 9,3 % 5,0 % Source : FAO Géographie des échanges Géographie des importations : le poids intra européen et le basculement asiatique Si les importations européennes totalisent plus de 40 % des importations mondiales, c’est avant tout le fait d’échanges intra européens ; en effet, les importations européennes en provenance de l’extérieur de l’Union européenne (UE) ne représentent plus que 11,6 %. L’autre fait marquant est la montée en puissance du continent asiatique comme zone d’importation alimentaire. La part de ce continent est passée de 21 % en 1980 à plus de 26 % en 2000, le Japon à lui seul passant de 6 à 9 %, et cela malgré la crise économique que traverse le pays depuis le milieu des années 90. Dans le même temps, les parts respectives de l’UE, hors échanges intra européens, et de l’Afrique subsaharienne sont en diminution. Tableau n°2 : Géographie des importations Part de chaque région dans les importations mondiales Union européenne 15 UE 15 excluant échanges intra Asie Dont Japon Etats-Unis Amérique latine Afrique subsaharienne 1980 42,4 % 21,3 % 6,0% 7,3 % 6,4 % 3,3 % 1985 1990 41,5 % 47,7 % 16,6 % 14,0 % 22,7 % 21,5 % 6,7% 10,3 % 4,7 % 3,2 % 1995 45,0 % 13,1 % 26,3 % 7,1% 7,4 % 4,5 % 2,1 % 8,9% 6,9 % 5,6 % 2,1 % 2000 40,8 % 11,6 % 26,4 % 8,6% 9,9 % 7,0 % 2,0 % Source : FAO Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères Géographie des exportations : avantage à l’Asie du Sud-Est La géographie des exportations a été marquée par des évolutions importantes au cours des 20 dernières années. Le continent américain, traditionnel pourvoyeur mondial en produits alimentaires a subi la concurrence de l’Union européenne mais surtout de l’Asie en développement, emmenée par la Chine, la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie et le Vietnam. L’Asie a en effet gagné d’importantes parts de marché sur la période, faisant de cette zone le premier exportateur mondial de produits alimentaires. La capacité exportatrice de l’Amérique latine a été fragilisée par la crise économique des années 80, tandis que les Etats-Unis ont dû faire face à la stagnation des marchés de ses principales exportations (les céréales représentaient les deux tiers des exportations US en 1980) Tableau n°3 : Géographie des exportations : Part de chaque région dans les exportations mondiales Union européenne 15 UE 15 excluant échanges intra Asie Etats-Unis Amérique latine Afrique subsaharienne 1980 37 % 10,5 % 16,5 % 16,2 % 4,8 % 1985 38 % 11,4 % 12,3 % 13,0 % 17,4 % 4,6 % 1990 48 % 11,3 % 12,2 % 12,2 % 12,4 % 2,7 % 1995 47 % 11,6 % 13,7 % 12,8 % 11,7 % 2,5 % 2000 43 % 11,8 % 14,3 % 13,3 % 12,8 % 2,4 % Source : FAO Eclairages Des spécialisations géographiques à l’exportation en voie d’évolution Tableau n°4 : Evolution de la structure des exportations par grande zone géographique Zones géographiques Asie USA UE hors intra Amérique latine Afrique subsaharienne Principaux produits alimentaires exportés en 2000 Principales évolutions sur 20 ans Fruits et légumes 34%, céréales 20%, café – cacao Stabilité de la structure des - thé 15%, viandes 9% exportations Céréales 31%, fruits et légumes 22%, viandes 20% Forte baisse des céréales (de 66 à 31%) Forte hausse des fruits et légumes (de 11 à 22%) et de la viande (de 5 à 20%) Céréales 23%, fruits et légumes 15%, produits Stabilité de la structure des laitiers 15%, viande 13% exportations Fruits et légumes 31%, café – cacao - thé 19%, Forte baisse part du sucre (de 29 céréales 11%, viande 10%, sucre 10% à 10%) et des boissons tropicales (de 34 à 19%) Forte hausse part des fruits et légumes (de 12 à 31%) Café- cacao - thé 58%, fruits et légumes 13%, Tassement de la part de cafésucre 10% cacao - thé (de 70 à 58%), hausse part des légumes (de 6 à 13%) L’analyse de la structure des exportations alimentaires par zone géographique montre des spécialisations claires : les céréales constituent le principal produit d’exportation pour les Etats-Unis (31 % de ses exportations alimentaires) et l’Union européenne (23 %), alors que ce sont les fruits et légumes qui jouent Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères ce rôle pour l ‘Asie et l’Amérique latine (respectivement 34 et 31 % de leurs exportations), et l’ensemble café - cacao - thé pour l’Afrique subsaharienne (58% de ses exportations). Des recompositions de la structure de ces exportations sont toutefois en cours dans certaines zones. Si la structure des exportations est assez stable dans le temps pour l’Union européenne et l’Asie, et à un degré moindre pour l’Afrique, il n’en est pas de même pour les Etats-Unis et l’Amérique latine : dans le cas des Etats-Unis, les céréales, qui représentaient les deux tiers des exportations en 1980, n’en représentent plus que 31 % en 2000 et on assiste à un rééquilibrage de la structure des exportations US avec la montée en puissance des fruits et légumes et de la viande, deux marchés en pleine croissance au plan mondial. L’Amérique latine, quant à elle, s’est également réorientée sur les marchés les plus dynamiques en se désengageant des exportations de café - cacao et thé (dont la part a chuté de 34 % en 1980 à 19 % en 2000) et surtout de celles de sucre (chute particulièrement significative de la part de ce produit dans les exportations alimentaires latino-américaines de 29 % en 1980 à 10 % en 2000) pour se positionner clairement sur le marché des fruits et légumes, avec une progression spectaculaire de la part de ce produit de 12 à 31 %. Des importations de céréales au Sud, de fruits et légumes au Nord Tableau n°5 : Evolution de la structure des importations par grande zone géographique Zones géographiques Principaux produits alimentaires importés en 2000 Principales évolutions sur 20 ans Asie Céréales 27%, viandes 19%, fruits et légumes 18% Nette baisse part des céréales (de 43 à 27%), hausse part des viandes (de 10 à 19%) et des fruits et légumes (12 à 18%) USA Fruits et légumes 36%, café - cacao - thé 17%, Forte baisse part du café - cacao viandes 14%, céréales 10% - thé (de 41 à 17%) Forte hausse des fruits et légumes (de 15 à 36%) et des céréales (de 2 à 10%) UE hors intra Fruits et légumes 37%, café - cacao - thé 20%, Baisse de la part de café - cacao viande 10% - thé (de 36 à 20%), hausse de la part des fruits et légumes (de 27 à 37%) Amérique latine Céréales 35%, fruits et légumes 16%, viande 13% Afrique subsaharienne Céréales 49%, produits laitiers 9%, sucre 9%, fruits Stabilité de la structure des et légumes 8% importations alimentaires Baisse part des céréales (de 49 à 35%), hausse part des fruits et légumes (de 13 à 16%) et de la viande (de 6 à 13%) A l’évidence, la structure des importations alimentaires est liée au niveau de développement : les importations des USA et de l’UE sont dominées par les fruits et légumes (37 et 36 % de leurs importations respectives), alors que les céréales constituent le premier groupe de produits importés par l’Afrique subsaharienne, de l’Amérique latine et de l’Asie. L’évolution de la structure des importations sur 20 ans est notoire dans la plupart des continents. Au Nord, les fruits et légumes se sont progressivement substitués au café - cacao - thé ; le phénomène, observable en Europe, est particulièrement marqué aux USA, où la part des boissons stimulantes a fortement chuté de 41 à 17 % pendant que celle des fruits et légumes passait de 15 à 36 %. Au Sud, les céréales restent dominantes, mais leur part est toutefois en diminution au profit des viandes et des fruits et légumes ; cette évolution est particulièrement marquée Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères pour l’Asie, à un degré moindre pour l’Amérique latine, mais peu perceptible en Afrique subsaharienne, zone pour laquelle les céréales représentent toujours la moitié des importations alimentaires. Débattre Les principaux enjeux à l’OMC La plupart des produits alimentaires font l’objet d’une intervention importante de la part des Etats, particulièrement ceux du Nord, si bien que les marchés de ces produits sont loin de fonctionner librement. C’est la raison pour laquelle leur libéralisation est devenue l’un des enjeux majeurs des négociations commerciales à l’OMC depuis l’Accord de Marrakech en 1994. Les tensions sont vives entre les Etats1 Unis et l’Europe d’une part, entre ces deux blocs et le groupe de Cairns d’autre part. L’enjeu est toutefois très différent selon les produits. Tableau n°6 : principaux enjeux par produit Produits Céréales Viande Fruits et légumes Sucre Café, cacao Fonctionnement du marché Fort soutien à la production au Nord et marchés cloisonnés Marché mondial divisé en deux zones distinctes : Atlantique et Pacifique L’UE absorbe plus de 50 % des importations mondiales. Marchés relativement libres à l’exception de quelques fruits tels que la banane Protocoles sucre restreignant l’accès aux marchés européen et nord-américain Marchés libéralisés. Abandon des systèmes de régulation tels que l’Accord International sur le café Enjeux à l’OMC Baisse du soutien UE et USA Accès aux marchés du Nord Baisse du soutien UE et USA Arrêt des subventions aux exportations Ouverture du marché européen Forte pression du groupe de Cairns pour accéder aux marchés du Nord Peu d’enjeux Certains produits tropicaux tels que le café et le cacao ont un marché libéralisé pour lequel il y a peu d’enjeux. Les zones de production sont au Sud, les zones de consommation sont au Nord, et il n’y a donc pas de concurrence entre pays développés et pays en développement. En conséquence, il n’y a pas pratiquement pas de barrières tarifaires et les principales questions portent sur la qualité et le respect de normes (par exemple, matières végétales autres que cacao pour le chocolat). La plupart des marchés des autres produits demeurent toutefois très cloisonnés et difficiles d’accès. Ils font souvent l’objet d’accords spécifiques entre blocs dans le cadre de protocoles ou de quotas tarifaires. Il existe alors pour un même produit plusieurs circuits d’échanges très segmentés et cloisonnés, avec des prix différents sur chacun des circuits. C’est notamment le cas de la banane, du sucre, et de la viande dans une moindre mesure. Deux principaux types de revendications sont formulés à l’encontre de l’Europe et des Etats-Unis : 1 Le groupe Cairns rassemble 18 pays nettement agro-exportateurs qui soutiennent peu leur agriculture. Ce groupe est très actif à l’OMC pour demander une libéralisation totale des marchés agricoles. Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères - Les pays structurellement exportateurs, regroupés au sein du groupe de Cairns (emmenés par l’Australie, la Nouvelle Zélande, le Brésil, les pays du Sud-est asiatique), demandent un abaissement du soutien interne à la production et un accès plus facile aux marchés des pays développés - Les pays en développement ayant des difficultés à assurer leur sécurité alimentaire dénoncent le soutien interne et les subventions à l’exportation de l’Europe et des Etats-Unis qui sont de nature à déstabiliser leur production nationale par une concurrence déloyale. L’annonce récente des principales mesures de la nouvelle politique agricole nord-américaine pour la période 2002-2007 (renforcement du soutien interne à la production, notamment par un soutien direct sur les prix à la production) illustre le fait que ces différentes revendications ne sont pas près d’être satisfaites. Auteur : Vincent RIBIER, Cirad Ecopol Saisie le : 04/2002 POUR ALLER PLUS LOIN Contact CYCLOPE, les marchés mondiaux, 1, rue Euler, 75008, PARIS, France Tel. : 06 84 98 63 74 , Fax : 01 40 70 54 87 Site web : www.economica.fr PRODUITDOC, AFD 5, rue Rolland Barthès, 75598, Paris Cedex 12 Tel : 01 53 44 31 31 Fax : 01 44 87 99 39 CIRAD – AMIS - Programme Economie Politiques et Marchés (Ecopol) 45, bis avenue de la Belle Gabrielle 94736 Nogent sur Marne, cedex, France Tel : 01 43 94 73 22 Fax : 01 43 94 73 11 E-mail : [email protected] - Site web : www.cirad.fr Références bibliographiques Benoît Daviron. Quelques faits marquants de la dynamique récente des échanges de produits alimentaires. Economie rurale, n°234-235, octobre 1996. Sous la direction de P.Chalmin. Les marchés mondiaux. Cyclope. Economica. Edition annuelle V. Ribier et R. Blein, Editeurs scientifiques. Etude des complémentarités et des concurrences entre agricultures de l’UE et des ACP, 2002. Sites utiles Produitdoc Produits documentaires AFD, synthèse mensuelle et annuelle sur l’évolution des marchés des matières premières. http://www.afd.fr/publications/index.cfm Produits tropicaux (données chiffrées jusqu'en 1999) www.cirad.fr/publications/documents/produitstrop/home.html Agridoc est un réseau d’information et de documentation financé par le ministère français des Affaires étrangères