Atelier d`écriture 10 mai 2013 - Mediatheque

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Atelier d`écriture 10 mai 2013 - Mediatheque
vendredi des mots
Un vendredi par mois, à la médiathèque de
Barbezieux, un moment libre pour écrire, découvrir &
partager des textes
10 mai 2013
# Cadavres-exquis à partir d’un tableau d’Henri
1
[Les n° correspondant aux différents écrivains]
Histoire : A
2. Nous jouions à la pétanque ce samedi-là dans le parc voisin. Lucien dit Lulu,
Michel, André dit Dédé, Fredo et moi. Nous avions une discussion animée sur
qui remportait le point quand je vis arriver en face, l'air affolé et faisant de
grands signes du bras, ma petite voisine Fatima. Je compris tout de suite que la
partie allait s'arrêter là.
7. En effet, Fatima m'apprit que son frère avait disparu. Elle l'avait
laissé seul quelques minutes à peine, le temps d'aller chercher le pain
au coin de la rue, et quand elle revint, il n'y était plus. Elle eut beau
l'appeler et le chercher dans toutes les pièces Momo ne réapparut pas . Je
lui proposais de revisiter la maison pendant que les copains feraient le
tour du quartier avant d'alerter les parents.
1.
Le sang des boulistes ne fit qu'un tour dans leurs organismes déjà passablement alcoolisés et
ils ne tardèrent pas à se mettre en route, à la recherche de Momo, armés de leurs lourdes munitions ;
Dédé ne put s'empêcher de glisser que ne n'était pas la peine d'emporter le cochon pour rechercher
un petit, même arabe. La blague fit long feu car tous, bien qu'éthyliques à un point qui les avait fait
surnommer les « bleus pétrole », adoraient Mohammed dit « Momo ».
4. Fatima remit un peu d'ordre dans les rangs de ce joyeux tohubohu. Bien que la plus jeune, c'est elle qui prit l'initiative de scinder
le groupe en deux pour augmenter leurs chances de retrouver
Momo au plus vite. En effet, vu leur état, ces solides gaillards
n'étaient juste bons qu'à écouter les ordres de la fillette, pas
davantage.
8.
Mais comment allaient-ils parvenir à retrouver leur « disparu » ? Ils
auront beau prier et réfléchir, comment l'imaginer se réveillant tout éberlué à
Paris, Parc Montsouris ? Lui qui, tout juste vêtu de son slip, va devoir demander
son chemin dans une ville dont il a tout juste entendu le nom ?
5. D'ailleurs, oui, en slip ! Mais que fait-il là dans ce parc ? Dans cette
tenue ? Il cherche, réfléchit, regarde autour de lui... étrange ! Personne ne
semble le remarquer … oh ! Il y a bien de temps en temps un regard
interrogateur, puis … rien. Et oui, c'est qu'on est à Paris !! Quand même en
slip ! Et là, sur le marcel, c'est quoi tout ce rouge ?
3. Du sang ? Mon Dieu du sang, c'est le cri de Dédé qui le premier a vu Momo,
là, assis près de la fontaine. Que fait-il ? Il essaie de retirer le rouge de son
marcel ! Il ne paraît pas blessé pourtant ! C'est quoi tout ce rouge ?
2
6.
Alors Momo c'est quoi ce rouge ? Le gamin, les yeux hagards, se mit à
rigoler et à tituber. Ben où tu étais ? Ben, j'suis allé vous voir aux boules et
comme vous étiez occupés et ben j'ai bu le jus de raisin qui était dans la sacoche
de Lulu. C'est rud'ment bon … et le gamin abasourdi s'allongea sur le banc sous
le regard penaud de la bande à Lulu.
Histoire B : Tu la tires ou tu la pointes ?
1. A l'ombre des tilleuls du mail, les joueurs avaient bien du mal à se départager ; l'enjeu était
pourtant de taille puisque l'issue de cette partie apparemment tranquille serait fatale pour la
victime désignée de la paire des vaincus. Alors, pour un millimètre, serait décidé qui irait
appuyer la détente de l'arme du meurtre commandité par un parrain local …
5.
- « Tu pointes là Aldo, tu le dégages d'ici, fais un carreau vas-y tu
peux ! » Aldo parle calmement, cependant sa gorge est nouée, ouil il faut
la gagner cette partie, amis le tirage au sort ne lui a pas donné le meilleur
des pointeurs !
Est-il bon tireur au moins !
2.
Aldo sent un filet de sueur couler le long de sa tempe alors qu'il ajuste son
tir. Dans quelle histoire s'est-il laissé embringuer par son beau-frère ? C'est bien
parce qu'il avait un peu trop arrosé sa victoire à un concours de pétanque cette
soirée-là et puis il avait toujours du mal à dire non à ceux qu'il aimait bien .
Alors voilà, s'il loupait son tir, il allait devoir se convertir en criminel, lui qui
avait toujours pris soin d'éviter les ennuis depuis qu'il était devenu papa.
8. Les genoux flageolants, Aldo se décide à lancer sa boule. Celle-ci voltige
dans la lumière, alors que dans le contre- jour aveuglant, un observateur
extérieur pourrait voir la silhouette d'un autre tireur dont la boule semble
suivre la même direction.
3. Mon Dieu, où va cette boule intruse ? Elle se glisse et dévie la boule d'Aldo.
Aldo a le dos trempé de sueur. Sa boule ralentit et se place. Hourra ! Contre
toute attente, la boule intruse a permis à celle d'Aldo d'être juste là où il faut !
Hourra ! Ouf pour Aldo.
6. Sûr que ce gars qui m'a stoppé ma boule, il me connaît ;
D’ailleurs je crois reconnaître une silhouette, mais le soleil rasant
m'interdit de voir son visage. Je le vois partir d'un pas rapide, comme si
son acte était prémédité. Il savait quelque chose et me connaissait, mais
qui est-ce donc ???
4.
ça y est, ça me revient ! C'était à cette fameuse soirée, celle de
mon unique victoire depuis tant d'années. Je revois son visage, mais
je n'ai plus aucun souvenir de ce que nous avons échangé … il faut
dire que j'en avais un sacré coup dans le cornet ! La seule chose dont
j'ai gardé le souvenir, c'est un mal de tête atroce qui m'a duré
3
plusieurs jours et ce pistolet que j'ai retrouvé dans ma poche le
lendemain …
7. Et puis j'ai compris ; cet homme n'avait pas essayé de me nuire , au
contraire , je l'avais probablement couvert ou peut-être même aidé lors
d'un de ses méfaits et pour m'en remercier il venait de m'éviter de me
compromettre dans un nouveau meurtre. Peut-être finalement
devrais-je éviter de boire et de jouer aux boules si je veux vraiment
éviter les ennuis ?
Histoire C :
7. c'était la fin d'un bel après-midi de printemps sur le parc Montsouris.
Les mères et les nounous rassemblaient leur marmaille pour rentrer, les
amoureux volaient leurs derniers baisers, les joueurs de pétanque
sortaient l'apéro pour fêter la victoire. Seul au détour d'un bosquet, un
homme semblait chercher son chemin.
8. Personne ne semble l'avoir aperçu. Et lui, malgré son allure hagarde et ses
vêtements incongrus, s'en étonne mais cela le rassure. Il se demande bien, ce
qu'il fait dans ce parc Montsouris – à Paris – alors qu'il termine son « périple »
de début d'après-midi, sur un banc public de la Plaine, à Marseille, par un beau
soleil d'été.
5. Paris ? Marseille ? Où est-il vraiment ? C'est sûr, il avance au milieu de ce
petit monde joyeux, amoureux, joueur ; il avance les mains dans les poches.
Mais, qu'y a-t-il là sous sa main droite ? Il tâte, retâte, touche …
1. et sort la pièce de monnaie qui, lui semble-t-il, pourrait lui permettre de choisir son destin géographique
– pile Paris, face Marseille ! Il lance haut la pièce qui retombe en tournoyant et se fiche horizontalement dans le sable du
boulodrome : il devient bleu de stupéfaction et se demande quel sort lui a été jeté. Soudain, son visage
s'éclaire, il a compris : il est à la Tranche, sur Mer, peut-être !
4. C'est Yvonne qu'en ferait une de ces têtes de le savoir là ! Elle qui,
de son vivant, n'a jamais quitté son p’tit deux pièces …
Pourtant elle en rêvait et Dieu sait combien, elle l'avait tanné pour
qu'ils bougent un peu. Et ben v’là t’y pas que le jour-même de sa
retraite, elle m'a fait une attaque et que moi, j'ai touché le billet
gagnant à la loterie ! C'est un comble, non !
2. Dans l'autre poche, sa main se serre sur une petite clé de la consigne de gare
où il a déposé sa mallette pleine de billets. Parce les banques, il a jamais eu
4
confiance. Alors y déposer tout son magot, non ! D'ailleurs, il veut larguer les
amarres et ne même pas garder un numéro de compte en banque. Il veut que
personne ne puisse le retrouver. Il veut oublier son passé. Ce gros lot , c'est
l'occasion. Alors ?
Paris pour prendre l'avion vers l'Amérique latine ou Marseille et prendre un
bateau l'Afrique ?
6. Quand même partir sans Yvonne, m'enfin, elle, elle a bien largué les amarres
vers une destination inconnue, alors faut pas que j'me gêne, hein ! Ma Nyvonne
qui était ni bonne ni conne !
Allez je vais vers les Amériques avant qu'on vienne me piquer mon pactole, et
tu verras ma Nyvonne , on va voir du pays !
3.
On va voir du pays, d'accord, mais finalement tous les deux , on ira.
Parce que je ne peux pas partir sans toi. La Seine, c'est quel côté la Seine ?
Et plouf ! Il est parti retrouver Yvonne, et tous les deux, ils feront le tour du
monde …
Histoire D :
8.
En ce temps-là, tous les hommes étaient vêtus de bleus – (de couleur
éponyme, qui avait déteint sur le nom de leur vêtement).
C'était au temps de la lutte des classes. Chacun, par sa tenue, marquait son
appartenance. Aujourd'hui, il n'y a plus de lutte des classes. Ce n'est plus
nécessaire, dit-on. Nous sommes tous des déclassés. Donc, tous les hommes
en bleus. Ils sont six tout devant. À l'ombre des platanes.
1. Bleu de Sienne dit à Bleu de Bresse :
- « Je crois que Bleu de Prusse est plus près que Bleu Outremer » .
Bleu de Bresse a mesuré le point et découvre que finalement si Bleu de Travail tire la boule de
Palsan Bleu , sa triplette fera les deux points gagnants :
« c'est la lutte des casses » dit-il …
7. mais Bleu de Prusse, qui a des années d'empire derrière lui, n'entend
pas se faire écarter par un Bleu de Bresse ou d'ailleurs. Il défendra
chèrement son point à coups de boules si besoin est. La partie dégénère et
5
la lutte des masses s'engage.
2. Les canons de rouge qu'ils ont descendus au p-tit Caf avant de
commencer la partie échauffent les esprits et libèrent des pulsions
agressives habituellement retenues. De gros bleus ornent bientôt les orbites
de nos pétanqueurs. Soudain, un coup de sifflet.
6. Alignés dans un même travail, dans une même tenue. Le conformisme
les outrage – chacun essaie de se croire supérieur à son camarade d'un jeu
qui devrait être apaisant et convivial.
Mais non, les têtes maculées de bleus virant au rouge vif. Le sang
dégoulinant sur leurs vestes chargées de la sueur du travail les ramène à
leur condition d'homme, chacun identique à l’autre.
3.
Vite ! Ne restons pas ainsi, le rouge, le bleu, tout se mêle et se mélange.
Vite, allons à la pharmacie, ou au dispensaire, avant que le rouge et le bleu
dans une belle fusion ne devienne un violet où chacun aura perdu son
identité !
5. Une femme voilée de bleu arrive en courant, en hurlant . Son pas est
titubant, non elle n'était pas au petit Caf du matin. Elle vient les voir,
s'approche et gémit en s'écroulant en pleurs !
- « Il m'a violée ! »
4. Et tous, de réagir en chœur , à cette intrusion et de vociférer :
« - Le commissariat, c'est la porte à côté !! »
Histoire E
4.
Comme chaque samedi, depuis que le beau temps était revenu,
Pedro, Antonio, Roberto, Pepito, Juan et Pablo avaient pris
l'habitude de se retrouver au square, pour leur partie de boules
hebdomadaire. Mais ce samedi-là, il régnait une ambiance un peu
particulière. Les deux trios n'étaient pas au complet. Juan manquait à
l'appel sans qu'on sache pourquoi. Et cela ne laissait pas d'inquiéter
ses camarades. On lui connaissait une liaison, avec une femme
mariée ? Et d'après les dires de Juan, le mari n'était pas un gars
commode...
6.
La partie de pétanque était le masque de nos interrogations. Nous
faisions semblant de jouer sauf Antonio qui parlait à Pepito des boules et de
6
leur place pour tuer le silence. Dans une communion secrète de tous les amis,
on sentait qu'ils iraient à la rencontre de Juan...
3. Pablo sentait monter l'inquiétude dans les cœurs amis. Qui rompra le
silence, ce silence plus lourd que le poids des boules. Qui osera ? Pablo se lance.
7 -« Il faut faire quelque chose ! On ne peut pas rester là à se
morfondre ! »
- « Allons chez cette femme ! » , proposa Antonio et tous approuvèrent.
Ils rangèrent les boules lentement, revissèrent leur casquette et
ajustèrent leur veste ; ils étaient prêts à affronter l'amante et son
mari pour retrouver leur ami. Parvenus au 106 de la rue des combes, ils
sonnèrent.
5. Roberto se demandait ce qu'il faisait là !
Après tout si Juan avait cette liaison que tout le monde se passait de bouche
à bouche, il savait ce qu'il faisait ! Et pourquoi, le mari de la dame mariée
était-il à redouter ?
Non, franchement Roberto pensait à cette partie, abandonnée, à son cher
square... Ah ! Qu'il y était bien !
Et juan, il l'avait bien vu ce matin, il allait justement vers le parc...
Ah ! Mais oui , maintenant, il réalise, il l'a bien vu la casquette de Juan sur
le banc du square …
1.
Oui, la casquette de Juan comportait bien latéralement, de chaque côté de la visière ridicule,
deux trous qui laissaient deviner chez le porteur, des appendices pour le moins cartilagineux ;
pourquoi se le cacher ? Juan était un cocu magnifique …
2.
Non ! Où était-il parti divaguer ainsi avec ces foutues cornes de cocu ? Ce
devait être un refus d'imaginer une signification plus grave à la présence de ces
deux trous dans la casquette de son ami. Il continuait d'avancer vers le 106 de la
rue des Combes mails il savait qu'il n'y verrait pas Juan, qu'il ne le verrait jamais
plus sourire de toutes ses dents magnifiques, qu’il ne le verrait plus vivant.
8. C'est à cet instant même que la boule bleue, lancée par le tireur inconnu,
(celui que la lumière crue empêche de bien distinguer au beau milieu de la
place), atteint son but après une bien longue, longue, très longue course dans
l'espace, et frappe Roberto en pleine nuque.
Raide mort.
Il ne reverrait plus Juan de son vivant …
7
Histoire F :
3.
Ce jour-là, à Marseille, le soleil plombe dans ce square, c'est la pause des
joueurs de boule. Une pause après une rude journée, là-bas aux chantiers du
port. Eux, quand ils plombent, ils parlent de la pétanque ; et ils parlent
beaucoup. Sans faire attention aux enfants qui jouent derrière les platanes.
Jeux de ballons, tiens il y a aussi un marchand de ballons. Une balançoire
avec un enfant de chaque côté, pieds au sol pour s'élever, mais de l'autre côté ce
n'est pas un enfant, c'est un adulte. C'est bizarre, un adulte là !
4.
Et pourtant ce n'est pas la première fois que je le vois. Je me
souviens de cet autre jour où je l'ai remarqué. Yann avait tiré le
ballon un peu trop fort, et il avait atterri dans les fourrés au pied de
cet homme. Il m'avait fait une impression désagréable. « Tiens ! »
m'avait-il dit en me rendant mon ballon et j'étais revenu bien vite
vers les copains qui m'attendaient pour reprendre la partie de foot
interrompue.
6, C'est vrai, depuis que mon père a quitté ma mère, je n'aime pas les messieurs
qui me parlent.
Pourtant il m'avait rendu mon ballon, mais quelque chose en moi était troublé.
C'est comme s'il s'intéressait à moi, et ça, ça me semblait louche. Seuls maman,
grand-père et les copains me rendaient heureux mais celui-là, il semblait
m'épier.
5.
Et là aujourd'hui, il est là assis de l'autre côté de la balançoire. Il
sourit. Yann, je le connais lui, c'est mon copain de palier , et il est là assis de
l'autre côté de la balançoire. Est-ce qu'il sourit ?
Ah oui, là il sourit, son côté vient de toucher par terre et il a fait un léger
« décollage » du siège, et hop ! Le voilà reparti en l'air, mais waouh ! Que ça
décolle vite ! …
1.
Finalement, je me demande si le monsieur louche ne surveille pas un peu tout le monde dans
ce parc !
On dit que la police cherche à arrêter dans le quartier un dangereux trafiquant de boules , nous, avec
Yann, on s'en balance et on a assez à s'occuper à surveiller les tireurs dont l'adresse vacille au fur et
à mesure que la soirée s'avance : les ombres portées deviennent bleutées et l'ensemble compose
comme un tableau de Monsieur Vanetti, l'homme au pénéqué d'acier.
7.
Mais ce n'est pas le moment de s'endormir ; soudain l'homme louche sort un
couteau de sa poche, le place sous la gorge de Yann et , me couvrant la bouche de son
autre main, nous ordonne de le suivre, sans alerter personne si nous tenons à la vie.
8.
Tremblants de peur, la gorge sèche à ne même pas pouvoir crier, nous
voilà embarqués, l'on ne sait comment, hors du temps et de l'espace où nous
jouions, pour nous retrouver parc Montsouris, à Paris … Quelle aventure ! Et
8
quelle surprise de nous retrouver devant le frère de Mélissa, presque nu, alors
que tous le cherchent et se demandent bien, morts d'inquiétude où et comment
le retrouver ! …
Mais nous, comment allons-nous revenir ?
2. Le frère de Mélissa nous explique qu'il s'est laissé entraîner à dealer de la
drogue et qu'il a voulu jouer au plus malin avec son fournisseur. Celui-ci cherche
maintenant un moyen de récupérer son fric. Il veut envoyer les gamins comme
messagers et garder le frère de Mélissa en otage après nous avoir montré qu'il
était toujours vivant. nous devons convaincre son père de payer une rançon.
HISTOIRE G :
6.
Le regard rivé vers les feuillages de l'arbre, je suis inquiet et soucieux,
pourvu que le vent ou le ballon d'un enfant ne vienne ébranler le sac aux
couleurs du feuillage, camouflé. J'entends mon compagnon de jeu me parler,
mais j'ai le regard pensif, ailleurs. Vite il faut que je me reconcentre, sinon ils
vont se douter de quelque chose, mais non, rassure-toi, cela fait longtemps que
tu es à ce club de bouliste, que veux-tu qu'il t'arrive, dis-je en moi-même.
2.
Tout à coup, alors que j'en prenais sur moi pour ne pas me laisser happer
par l'angoisse et les souvenirs, un bruit de coup de feu retentit. Je sursautais
hagard et cherchant de tout côté les signes d'un déploiement de forces. Mais non,
c'était juste un gamin qui venait de lancer un pétard.
4.
Quelle frousse ! La sueur qui coulait le long de mes tempes et
me ruisselait dans le dos, était glacée ! Je fus parcouru de frissons.
Ah, non ce n'était pas le moment de flancher !
3. Une rumeur arrive. Quelques personnes parlent,elles viennent vers nous.
Les voix sont plus précises. Un vol, quel vol ? Le quartier proche est en émoi,
un bijoutier a été braqué.
7 . Ce n'est plus de la sueur qui ruisselle mais des vagues glacées qui
parcourent tout mon corps et trempent mon T.shirt. Tout se brouille
soudain devant mes yeux, les voix me parviennent maintenant de
manière lointaine et confuse, j'oscille lentement et finalement
m'effondre au milieu des boules. Le choc me réveille et aussitôt mes
camarades me traînent jusqu'à l'arbre auquel ils m'adossent.
Eh bien, dans l’état où tu es, ce n’est pas le moment de grimper aux arbres !
–
Pourquoi veux-tu que je grimpe aux arbres ?
1, Ah ! Le ton détaché qu'il me faudrait à ce moment précis pour rester dans le cadre du
tableau. Je dois me ressaisir rapidement et pour cela faire absolument le prochain point, un
9
carreau même si possible . Rien n'est perdu !
5.
Mais si, tout est perdu ! Le quartier maintenant grouille de flics, ils
sont là, tout près à la bijouterie cambriolée. Comment aller là-bas,
prendre mon arme et descendre ce salaud qui couche avec ma femme !
Ah ! Ils ont bien rigolé en parlant du gars pas drôle ! Et lui qui en
rajoutait en voulant me faire grimper aux arbres . Attends mon gaillard.
- Hey ! Pedro, tu vas mieux ?
- Oui, mais je voudrais aller soulager Popaul ! Tu m'aides ? Juan lui prend
le bras, ils vont vers l'arbre , vers les feuillages. Ils disparaissent … PAN !
PAN ! Un coup de feu retentit...
HISTOIRE H :
5.
Quartier St Cybard, c'est un début d'après-midi doux. Simon,
Julien, Marcel, Aldo et Fernand se sont retrouvés sur la place des Lilas,
près du parc pour leur incontournable partie de boules. La troisième
partie est bien engagée. Aldo discute le coup... autour d'eux d'autres
joueurs et au fond dans le parc des enfants jouent, leurs voix criardes et
jeunes résonnent entre les arbres feuillus. Soudain …
3.
deux personnages, deux hommes entre les platanes se penchent, ils
semblent se disputer. Avec un objet que chacun voudrait prendre à l'autre, la
dispute devient sérieuse.
8. quel est donc l'objet de cette dispute ? Nul ne s'en soucie, et le vieil invalide
qui porte ses ballons de baudruche n'en a cure, pas plus que l'ânière faisant son
tour de place avec les premiers enfants sur le dos de son âne frison.
Pourtant, entre les arbres, dans la lumière crue une boule semble voler dans
une direction surprenante.
6.
Comme si la dispute grossissant, l'homme voulait faire diversion, en
envoyant à côté des deux belliqueux une boule pour marquer sa présence,
espérant que le coup porté dissipera la mésentente pour se rapprocher des deux
zigotos.
2. Mais loin de les calmer, la boule a un effet explosif quand elle arrive à leurs
10
pieds. Explosif ! c'est le cas de le dire car en fait de boule, c'est une grenade qui
explose semant le cauchemar dans cette fin d'après-midi printanière.
4. Immédiatement, c'est la panique ! Les gens courent de tous côtés...
les mères, affolées, crient après leurs enfants … L'âne gît, le ventre et
les tripes à l'air et sa maîtresse pleure, sur sa belle fourrure
ensanglantée, agenouillée tout contre lui
7. S'agit-il d'Al Quaïda ? de l'IRA ? L’ETA ? Les Tchéchènes ? Les
Touaregs ? Les Tibétains ? Les Iraniens ou les Afghans ? Peu importe,
le résultat est le même, le tableau est complètement bouleversé, les
différents bleus se mélangent, la balançoire s'effondre, les arbres
perdent leurs feuilles, le parc disparaît.
1. le peintre reprend un peu d'essence de térébenthine sur son chiffon et d'un geste rageur, il efface
tout jusqu'aux traces ensanglantées de l'explosion de sa colère ; il se rassied et reprend un peu de
bleu qu'il pose délicatement sur les personnages, redevenus un à un sereins et comme remplis de la
beauté de la lumière de cette fin de soirée d'été.
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