«Santé et territoires : l`accès à l`offre de soins de proximité en Pays
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«Santé et territoires : l`accès à l`offre de soins de proximité en Pays
PÔLE DE RECHERCHE URBAINE DES PAYS DE LA LOIRE «Santé et territoires : l’accès à l’offre de soins de proximité en Pays de la Loire» Synthèse de la rencontre du Pôle de Recherche Urbaine des Pays de la Loire du 24 mai 2011 Une trentaine de personnes a participé à cette rencontre consacrée à l’accès à l’offre de soins de proximité en Pays de la Loire. Le lien entre «santé et territoires» a été approché sous plusieurs angles. Pascale ECHARD-BEZAULT, chargée de mission à la DATAR porte un regard sur la santé en terme de politiques d’aménagement du territoire, Pierre BLAISE de l’agence régionale de la santé des Pays de la Loire dresse un état des lieux démographique et des indicateurs de la santé dans la région avant de présenter le nouveau paysage institutionnel sanitaire et le projet régional de santé dont il est le directeur. Philippe ALGÖET, médecin et maire de Vihiers en Maine et Loire présente le contexte et les difficultés de mise en place du projet de pôle de santé de la communauté de communes du Vihiersois. Adeline SCANVION, médecin à la permanence d’accès aux soins de santé (PASS) de Nantes expose le dispositif de prise en charge médico-sociale des personnes les plus démunies au travers de la consultation Jean-Guillon mais aussi ses limites. Pour conclure, Sébastien FLEURET, géographe à l’université d’Angers revient sur les déterminants de la santé audelà du soin, la responsabilité large des acteurs et en particulier des collectivités locales et appuie sur l’importance de la prise en compte des territoires vécus, des territoires de projets. CETE de l’Ouest - Division Villes et Territoires Octobre 2011 La santé : un enjeu des politiques d’aménagement du territoire Pascale ECHARD-BEZAULT, chargée de mission santé / cohésion sociale, DATAR Les déterminants de la santé Pascale ECHARD-BEZAULT commence par rappeler que les disparités territoriales de santé – en termes d’espérance de vie ou de causes de mortalité par exemple – sont très importantes en France. Ces disparités sont le fruit à la fois d’inégalités sociales entre territoires, et d’inégalités d’accès aux services de santé, ces dernières étant elles-mêmes liées à l’inégale répartition des professionnels sur les territoires et, dans certains cas, à des problèmes d’accessibilité «physique». Pascale ECHARD-BEZAULT évoque aussi le rôle d’autres facteurs, comme le niveau d’éducation (notamment des mères) ou les conditions de logement, et plus généralement, les conditions de vie et de travail. Elle insiste sur l’influence extrêmement forte que ces facteurs ont sur l’état de santé des individus et indique que, parce qu’ils sont très hétérogènes selon les territoires, ils sont largement responsables des disparités territoriales de santé. Pascale ECHARDBEZAULT cite ainsi le cas de Gennevilliers, dont la proximité avec le périphérique parisien a un effet notable sur le nombre de cas d’asthme et de problèmes pulmonaires, ou encore celui de Roissy, où la consommation de tranquillisants et de somnifères est nettement plus élevée qu’ailleurs. Elle poursuit en soulignant que ces déterminants de santé expliquent près de 80% de l’augmentation de l’espérance de vie, quand les progrès de la médecine n’en expliquent que 20%. Aborder la problématique de la santé au niveau des politiques locales A la lumière de ces éléments, on comprend donc que la problématique de la santé est très largement impactée par les politiques d’aménagement du territoire, à la fois par l’importance que revêtent les questions d’accessibilité et par l’impact des actions en matière d’urbanisme, de logement ou de localisation des infrastructures sur la qualité et le niveau de vie des individus. Cela plaide donc pour une prise en compte de la santé dans l’ensemble des politiques publiques d’aménagement, et notamment celles menées au niveau local. Quelques collectivités vont relativement loin dans ce sens, comme la Communauté Urbaine de Strasbourg par exemple, qui s’est dotée d’un Vice-Président à la Santé, chargé de veiller à la bonne prise en compte des enjeux de santé dans les CETE de l’Ouest - Division Villes et Territoires différent(e) s politiques et plans sectoriel(le) s, comme les PLH ou le PDU. Plus généralement, Pascale ECHARD-BEZAULT souligne que la problématique de la santé, à travers la question de l’accès aux services par exemple, peut tout à fait être abordée dans les SCoT ou schémas de services, qui se doivent de réfléchir aux questions d’accessibilité, de mobilité, et d’organisation des transports. Mais au-delà des seules politiques d’aménagement, les actions menées dans le cadre de politiques culturelles, associatives ou sociales constituent également des leviers au service des collectivités locales pour agir sur l’état de santé des populations, notamment les plus âgées (on sait par exemple que l’intensité des relations sociales est un déterminant majeur de l’état de santé des populations en situation de perte d’autonomie). Les interrelations entre santé et choix d’aménagement, de transport, de logement ou d’urbanisme poussent donc à une meilleure coordination entre les différentes politiques publiques et de manière plus générale, à l’intégration des projets de santé dans des projets de territoire plus globaux (éventuellement avec un axe «santé» spécifique), appuyés sur des diagnostics partagés et définissant les grandes orientations en matière sociale, d’emploi, d’éducation, de développement économique, ou encore de polarisation et d’accès aux services. A ce titre, les EPCI et pays apparaissent comme les échelles véritablement pertinentes pour mener à bien des projets de santé, à la fois parce que c’est à cette échelle que sont souvent portés les projets de territoire, parce que leurs périmètres correspondent pour partie aux bassins de vie et s’articulent avec les territoires vécus, et enfin parce qu’ils peuvent assurer la recherche de financements et le portage financier des projets. En conclusion, Pascale ECHARD-BEZAULT évoque l’étude que pilote actuellement la DATAR sur l’accessibilité aux services de santé dans les territoires. Cette étude, qui associe entre autres acteurs des élus et le ministère de la santé, vise à caractériser les territoires en y confrontant la densité de professionnels (médecins, kinésithérapeutes, infirmiers) accessibles en moins de 20 minutes, et les besoins et leurs évolutions possibles à l’horizon 2020. Ses résultats définitifs devraient être diffusés au second semestre 2011. Octobre 2011 2 Projet Régional de Santé, Santé et 3 Territoires Pierre BLAISE, Directeur du Projet Régional de Santé, ARS des Pays de la Loire Etat des lieux démographique et indicateurs de santé dans la région Pierre BLAISE commence son intervention en rappelant ce que sont les traits caractéristiques de la démographie et des indicateurs de santé dans la région. La région Pays de la Loire gagne de l’ordre de 32 000 habitants par an, avant tout du fait d’échanges migratoires bénéficiaires avec les autres régions françaises. Ce dynamisme démographique important à l’échelle régionale masque toutefois de profondes disparités selon les départements, mais également au sein des départements (différence entre le littoral et l’arrière-pays par exemple). Région plus jeune que la moyenne nationale, les Pays de la Loire n’échappent pas au vieillissement de la population, notamment dans les villes qui concentrent d’ailleurs la plupart des plus de 75 ans de la région. Au niveau régional, l’espérance de vie est légèrement supérieure à la moyenne nationale, mais là encore, avec quelques disparités entre les départements (les habitants de Vendée et LoireAtlantique ont une espérance de vie légèrement inférieure à ceux de la Sarthe, mais surtout de la Mayenne et du Maine et Loire). Concernant les causes de surmortalité, la région se distingue du reste du territoire national par l’importance du suicide (deuxième cause de mortalité avant 65 ans chez les hommes) et des «pathologies» liées à la consommation d’alcool (cirrhose et psychose alcooliques, mais également accidents de la route). Pierre BLAISE poursuit en évoquant l’émergence de nouveaux risques, dont certains s’avèrent très prégnants dans la région : on peut citer notamment les problèmes de santé et risques psycho-sociaux associés au travail, comme la surmortalité liée à l’amiante (+ 60% en LoireAtlantique, conséquence de l’importance de la filière de la construction navale) ou l’exposition aux substances cancérigènes (qui concerne 25% des ouvriers de la région). La région est également concernée par les risques liés à l’environnement, comme l’exposition au radon par exemple (qui représente la 2ème cause de mortalité par cancer du poumon en France, après le tabac). Pierre BLAISE précise enfin que les inégalités sociales de santé restent fortes en Pays de la Loire (la mortalité masculine des 24-54 ans est trois fois plus importante chez les agriculteurs et ouvriers que chez les cadres), et qu’elles tendent CETE de l’Ouest - Division Villes et Territoires vraisemblablement à s’accentuer (comme au niveau national). Concernant l’offre, la densité de médecins généralistes est, ici encore, extrêmement variable : on observe ainsi des densités élevées dans les villes, des densités proches de la moyenne nationale en Loire-Atlantique et dans le Maine et Loire, mais des situations de déficit dans certains territoires de la Mayenne ou de la Sarthe. Pierre BLAISE indique toutefois que si l’analyse de la densité de médecins et de son évolution dans les années à venir apporte des éléments utiles quant à la situation de l’offre, cela ne suffit toutefois pas à la caractériser correctement : notamment, le développement des temps partiels chez les médecins peut modifier de manière substantielle la réalité de l’offre sur les territoires, sans qu’il soit toujours possible de le mesurer précisément. A noter enfin que l’offre médico-sociale est plutôt bien développée dans la région des Pays de la Loire (notamment les structures pour personnes âgées dépendantes) alors que l’offre hospitalière est plus faible qu’ailleurs. Plus globalement, Pierre BLAISE évoque aussi les conditions de vie qui s’améliorent, le fait que le développement de la prévention permet de mieux identifier et maîtriser les facteurs de risques de maladies, que les avancées médicales peuvent soigner plus de maladies et plus rapidement, que l’espérance de vie augmente mais que cela s’accompagne aussi de maladies chroniques auxquelles il faut pouvoir mieux répondre. Ces évolutions modifient le travail des professionnels de la santé : les maladies chroniques sont de plus en plus traitées en médecine ambulatoire, les passages à l’hôpital sont plus courts et le vieillissement complexifie la prise en charge des patients. Ces changements impactent aussi le système de santé dans son ensemble : les difficultés à assurer la permanence des soins non programmés sont plus fréquentes, les services d’urgence fonctionnent à flux tendus, l’hôpital public subit des injonctions paradoxales (assurer l’accès aux soins de tous à toute heure, faire de l’activité pour assurer des ressources, raccourcir les séjours pour diminuer les coûts..), les structures aval sont engorgées, les soins et services d’accompagnement à domicile sont insuffisamment coordonnés et ce, alors même que les professionnels de santé aspirent de plus en plus à d’autres conditions de travail (moins de temps passé au travail, le choix d’une double activité..). Octobre 2011 Un nouveau paysage institutionnel sanitaire Parallèlement à cela, sous l’impulsion de lois successives, le paysage sanitaire institutionnel (services de l’Etat, organismes régulateurs relatifs à l’assurance maladie) a beaucoup changé ces dernières années. Des agences régionales de l’hospitalisation se sont créées, un rapprochement des secteurs public et privé s’est opéré puis une structure régionale unique a vu le jour au travers des Agences Régionales de Santé (ARS, issues de la loi Hôpital Patients Santé et Territoire du 21 juillet 2009). Ces dernières sont compétentes sur le champ des soins hospitaliers public et privé, des soins ambulatoires, de la prévention et de l’accompagnement médico-social des adultes et enfants handicapés et des personnes âgées (ce qu’elles partagent avec les Conseils Généraux). Dans le cadre de cette nouvelle organisation, des commissions de coordination des politiques publiques ont été mises en place, ainsi que des conférences de territoires qui permettent de travailler en partenariat avec les collectivités territoriales. Chaque agence régionale de santé est également chargée d’élaborer un Projet Régional de Santé (PRS) à partir d’un diagnostic de territoire et dans le cadre d’une démarche partenariale. Le Projet Régional de Santé des Pays de la Loire Au regard des constats exposés précédemment, le diagnostic réalisé (dans un calendrier très serré) en Pays de la Loire a permis d’identifier trois défis à relever : - le défi des inégalités de santé territoriales, environnementales et sociales, - le défi démographique et épidémiologique, - le défi de l’évolution nécessaire de l’offre de soins et de l’accompagnement médico-social. Ces derniers ont ainsi permis de construire le PRS de la région autour de l’objectif majeur d’améliorer l’état de santé de la population, en faisant progresser l’efficience du système de santé et en réduisant les inégalités, le tout dans un contexte de forte contrainte budgétaire. L’enjeu est donc d’aller vers un système plus intégré, alliant prévention, soins et accompagnement coordonné. Le PRS se décline ensuite en orientations stratégiques (voir infra), puis en objectifs opérationnels au travers de trois schémas (schéma de prévention et de promotion de la santé, schéma d’organisation des soins hospitaliers et ambulatoires, schéma d’organisation médicosocial) et de programmes d’actions (programme régional de gestion des risques, programme CETE de l’Ouest - Division Villes et Territoires régional d’accès à la prévention et aux soins – PRAPS –, programme de télémédecine, programmes territoriaux de santé, programme interdépartemental des handicaps et de la perte d’autonomie – PRIAC). Les orientations stratégiques retenues sont au nombre de trois. Elles sont le fruit de la réflexion de groupes de travail transversaux, ayant eu à réfléchir à quatre grandes problématiques : la personne, l’accès, les parcours, les inégalités. La première orientation est de mettre la personne au cœur du système de santé, en adaptant le système aux besoins et attentes des individus (alors que jusqu’à présent, c’était plutôt à chacun de s’adapter à un système devenu illisible). Il s’agit ainsi de rendre les personnes plus autonomes, de mieux les associer aux décisions qui les concernent (sans oublier les aidants), afin de mettre le projet de santé au service du projet de vie. Cela passe notamment par un accès facilité aux soins de proximité, la construction de parcours plus individualisés, une meilleure prévention des risques et une lutte plus efficace contre les inégalités sociales, environnementales, territoriales moyennant le développement de partenariats qui dépassent les seuls professionnels de la santé. Il s’agit aussi de coordonner l’exercice pluriprofessionnel, articuler les soins de premier recours et les services spécialisés et à la personne. La seconde orientation est d’organiser la proximité. Cela consiste à accompagner le virage ambulatoire (soins sans hospitalisation), en évoluant progressivement vers un système organisé, gradué et coordonné. Cela passe par un renforcement du premier recours (identifié comme le pivot du système), une meilleure organisation de l’accès au recours spécialisé (service hospitalier ou libéral) afin de permettre un accès au bon moment et au bon endroit, et la facilitation des parcours entre domicile, établissement médico-sociaux et hôpital. La troisième orientation enfin, est de maîtriser les risques en santé, en donnant toute sa place à la prévention (renforcement des systèmes de veille, mutualisation des approches et des méthodes des opérateurs spécialisés…) et en misant sur la réduction des inégalités (d’accès aux soins, d’accès à la connaissance sur les problématiques de santé…). Pour conclure, Pierre BLAISE revient sur le lien entre PRS et territoire, en soulignant que démographie médicale, conditions d’accès aux soins, qualité de l’accompagnement médicosocial, maîtrise des risques et des inégalités de santé et vitalité des territoires sont intimement liés. Octobre 2011 4 Le Vihiersois : rural ? projet de pôle de santé de la communauté de communes du exemple de réponse aux besoins de santé dans un territoire 5 un Philippe ALGOËT, Médecin et maire de Vihiers Maire de Vihiers (une commune du sud du Maine et Loire de 4 300 habitants, intégrée dans un bassin de vie de 15 000 habitants) depuis 1995 et Président de la Communauté de Communes du Vihiersois depuis 2008, Philippe ALGOËT est également médecin. Il présente le contexte dans lequel a émergé le projet de Pôle de Santé dans sa commune. Avec 9 médecins généralistes, 4 infirmiers, 5 dentistes et 6 kinésithérapeutes, la communauté de communes de Vihiers ne connaît pas encore de déficit criant en matière d’offre de soins de santé. Néanmoins, l’arrêt brutal de l’activité d’un collègue en pleine épidémie de grippe hivernale il y a quelques années, a mis en évidence la fragilité du système de prise en charge, et poussé les professionnels du secteur médical et paramédical à se réunir pour anticiper une situation de désertification médicale sur le territoire. De là est ressorti la nécessité d’une nouvelle organisation de l’offre de soins à l’échelle de la communauté de communes, associant consultations individuelles, mais également renforcement des dispositifs de prévention et amélioration du dialogue et des échanges entre professionnels. Philippe ALGOËT insiste alors sur la «révolution» qu’ont représenté ces pistes de projet pour des professionnels de santé (notamment les médecins généralistes) qui gardent souvent une vision très individualiste de leur profession et de son exercice. Une association, regroupant une vingtaine de professionnels a ainsi été créée, et a permis, à travers une convention signée avec l’ARS, la constitution d’une enveloppe financière destinée à financer l’organisation de rencontres regroupant professionnels et patients (ces rencontres peuvent prendre la forme de soirées combinant exposés de spécialistes – podologues, orthophonistes…– et débats). Ce fonctionnement se met progressivement en place, mais peu à peu s’impose l’idée que le regroupement physique des professionnels serait gage d’efficacité (notamment pour le partage des dossiers médicaux). Trois médecins généralistes manifestent leur intérêt pour un tel projet, qui bute néanmoins sur un problème de financement. En tant qu’élu, Philippe ALGOËT entame alors une recherche de subventions afin de regrouper les 3 millions d’euros nécessaires au projet, lesquels représentent un CETE de l’Ouest - Division Villes et Territoires investissement très lourd pour une commune de moins de 5 000 habitants. Un dossier de Pôle d’Excellence Rurale est ainsi déposé, mais n’est finalement pas retenu. Philippe ALGOËT insiste alors sur la difficulté que représente le temps nécessaire à l’aboutissement d’un tel projet : pour lui, les 5 à 7 ans de gestation avant concrétisation constituent un frein important pour des professionnels de santé, qui, habitués à travailler vite (les consultations durent 20 minutes) ne sont pas du tout dans les mêmes temporalités. Il évoque également la complexité du montage technique et les questions majeures que pose un projet de pôle de santé : quelles sont les responsabilités respectives des pouvoirs publics et des professionnels de santé ? Fautil mobiliser des investissements privés ? Quid de l’engagement des professionnels de santé à rester sur un territoire pas toujours attractif ? A ce jour, malgré une motivation relativement partagée par les professionnels de santé et les élus sur le Vihersois, les subventions demandées n’ont pas toutes été obtenues et le projet n’a pas encore abouti. Pour Philippe ALGOËT un appui technique pourrait s’avérer nécessaire pour le consolider : un accompagnement des délégations départementales des ARS au montage et à la mise en place de ce type de projets serait ainsi très utile tout comme une meilleure information sur les financements publics pour l’investissement et le fonctionnement auxquels peuvent prétendre les collectivités locales (cf. le plan de développement des maisons de santé). En conclusion, Philippe ALGOËT reconnaît qu’il faut beaucoup d’opiniâtreté pour mener à bien ce type de projet afin de convaincre, accompagner les changements de pratiques professionnelles, et rechercher les subventions. Il indique également qu’au-delà du projet médical, un pôle de santé doit aussi être pensé en termes d’aménagement et d’urbanisme, puisque le regroupement d’une vingtaine de professionnels de santé en un même lieu n’est pas sans conséquences sur le fonctionnement du territoire : il impose par exemple une réflexion sur les conditions d’accès aux soins, via une offre de transport adaptée, mais aussi un renouvellement des formes d’urbanisation, jouant plus la carte de la proximité. Octobre 2011 Les problèmes de l’accès aux soins en milieux urbains consultation Jean Guillon : l’expérience de la Adeline SCANVION, Praticien hospitalier, Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) – «consultation Jean Guillon», CHU de Nantes Le dispositif PASS Issues de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions (elle-même précisée par la circulaire du 17 décembre 1998 relative «à la mission de lutte contre l’exclusion sociale des établissements de santé participant au service public hospitalier et à l’accès aux soins des personnes les plus démunies»), les Permanences d’Accès aux Soins de Santé (PASS) sont des dispositifs de prise en charge médico-sociale des personnes les plus démunies. Aujourd’hui, on en dénombre environ 350 en France. La PASS de Nantes : la consultation JeanGuillon La PASS de Nantes (Consultation Jean Guillon) a été créée au sein du CHU en novembre 1999 dans l’objectif de faciliter l’accès aux soins des personnes en situation de précarité. En ce sens, la PASS fournit une aide aux usagers pour lever les obstacles d’accès aux soins qu’ils peuvent rencontrer, leur permet d’accéder à des soins de qualité sans facturation (accès aux plateaux techniques et consultations spécialisées du CHU, délivrance de médicaments) et facilite leur retour vers le système de droit commun. Son équipe est composée d’un médecin généraliste, d’assistantes sociales, d’infirmières et d’aides soignantes, ainsi que d’une secrétaire ; 4 médecins assurent également quelques vacations. Lors de leur première visite, les usagers disposent d’une consultation sociale destinée à évaluer leur situation, les informer et les orienter en conséquence, et d’une consultation de médecine générale, qui marque le début la prise en charge médicale proprement dite. A l’issue de ces deux consultations, les patients bénéficiant d’une couverture sociale / médicale sont généralement réorientés vers le système de droit commun (médicine et pharmacie «de ville»), les autres sont maintenus dans le dispositif pour une durée maximale de 6 semaines, durée pendant laquelle ils sont dispensés du paiement des soins. A l’interface ville-hôpital, la PASS de Nantes souhaite ne pas apparaître comme un service à part au sein du CHU. A ce titre, Adeline SCANVION insiste sur la réalité de son inscription dans les nombreux réseaux médico-psycho-sociaux de CETE de l’Ouest - Division Villes et Territoires l’hôpital et des liens qu’elle entretient avec les autres acteurs médicaux ou sociaux locaux, tels que les associations caritatives et travailleurs sociaux, mais également la médecine libérale, les pharmaciens, l’ARS, les collectivités locales, ou encore les facultés de médecine et les écoles…. L’activité de la PASS En 2009, la PASS a réalisé près de 4 000 consultations, à destination d’une population principalement étrangère (84%) et non francophone (76%), et dont l’absence complète d’assurance maladie (80%) constitue le principal obstacle à l’accès aux soins. Les pathologies rencontrées, liées à la précarité et/ou à la migration (hépatites, VIH, parasitose, diabète, tuberculose, lèpre, stress post-traumatique), sont bien sûr à mettre en relation avec le public et imposent bien souvent un dépistage précoce : elles illustrent donc l’intérêt d’un dispositif comme la PASS, qui permet en effet un début de prise en charge (et notamment un dépistage) même en l’absence d’assurance maladie. Depuis sa mise en place, le public de la PASS a connu quelques évolutions marquantes. Audelà d’un léger rajeunissement de la population venant consulter (âge moyen passé de 29 à 27,9 ans), ce sont avant tout l’origine des patients et les motifs de consultation qui ont connu des transformations importantes. Ainsi, les patients français ne représentent plus aujourd’hui que 16% de la population venant consulter, quand ils en représentaient 53% il y a 10 ans ; l’absence complète de couverture sociale concerne aujourd’hui 2 fois plus de patients qu’en 2000 (72% contre 38%) et les problèmes de logements (qui expliquent souvent l’absence de médecin traitant) sont 5 fois plus fréquents aujourd’hui qu’avant (62% contre 12%). Les limites du dispositif Si l’action de la PASS au service des populations les plus démunies est reconnue, le dispositif connaît quelques limites. Notamment, sa fréquentation par une population très largement étrangère contribue à une forme de stigmatisation, qui limite sa fréquentation par certaines catégories de personnes, comme Octobre 2011 6 les travailleurs pauvres. Le dispositif souffre également d’une certaine méconnaissance et son installation dans les locaux mêmes de l’hôpital peut dissuader la venue de patients peu à l’aise dans leurs rapports avec les institutions ou contraints dans leur mobilité (habitants des zones périurbaines ou rurales). Enfin, le caractère limité dans le temps de la dispense de facturation (6 semaines seulement) n’est Offre parfois pas suffisant pour permettre la mise en place de droits (couvertures médicale et/ou sociale minimales) et ainsi pérenniser la prise en charge médicale des patients. Pour remédier à certaines de ces limites, une réflexion a été engagée à l’échelle des 21 PASS de la région Pays de la Loire, dans le but – notamment – de favoriser leur mise en réseau et leur coordination. de soins ou offre de santé pour tous ? Quelques éléments d’analyse critique Sébastien FLEURET, Géographe à l’université d’Angers (Laboratoire ESO- Angers) Les déterminants de la santé En guise d’intervention conclusive, Sébastien FLEURET revient sur les déterminants de la santé. Au-delà du soin à proprement parler, on identifie généralement 3 autres déterminants majeurs : - le premier renvoie à des dimensions individuelles telles que l’âge, le sexe, la constitution, l’importance des soins apportés au corps, les styles de vie ; - le second renvoie à une dimension environnementale et sociale (situations socioéconomique, culturelle mais aussi mode d’habitat ou niveau d’éducation...) ; - le troisième enfin, relève des réseaux sociaux et communautaires dans lequel est inséré l’individu. En somme rappelle Sébastien FLEURET, plus on est inséré, on a un capital social fort et des ressources individuelles, meilleurs sont les indicateurs de santé. Il explique alors que l’importance de ces 3 types de facteurs est souvent sous-estimée, alors même qu’une étude américaine a pu montré qu’ils expliquent plus des 2/3 de l’état de santé global des individus. Ce résultat met ainsi en évidence que les principaux leviers pour agir sur la santé relèvent d’abord et avant tout d’actions sur les modes de vie et sur l’environnement, bien plus que d’actions sur le système de santé et l’offre de soins. Or, la tendance consiste encore trop souvent à se focaliser sur le curatif, la part des efforts consacrés à la prévention des risques individuels restant encore par exemple nettement inférieure à la part des dépenses pour les maladies (2,5% environ) ; Sébastien FLEURET souligne que l’on gagnerait pourtant énormément en efficacité en développant la prévention et en agissant sur la globalité de la personne (agir sur les CETE de l’Ouest - Division Villes et Territoires causes) plutôt qu’en se limitant au traitement des seules pathologies médicales (agir sur les symptômes). La santé, une responsabilité partagée Sébastien FLEURET fait par ailleurs référence aux travaux du sociologue Didier FASSIN sur la biopolitisation de la santé publique pour rendre compte, sur l’histoire longue, de la place et de la représentation de la santé dans la société ou l’espace public. Il cite notamment l’exemple des suicides qui ont longtemps été perçus comme une question morale et religieuse avant d’entrer dans le champ social et médical. C’est ainsi qu’un certain nombre de problématiques sociales ont été progressivement prises en charge partiellement par le champ médical. Réciproquement, une partie des soins ou plus exactement de l’accompagnement des soins relève désormais plutôt du médico-social ou du social (notamment depuis l’adoption de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions). Sébastien FLEURET indique également que l’on assiste depuis quelques années déjà à un transfert de charge des établissements sanitaires vers le «territoire» notamment pour des raisons économiques (développement des soins ambulatoires, externalisation de certains services incluant le non-médical et les soins de longue durée, externalisation aussi des aides à la vie quotidienne vers la sphère de l’individu, de sa famille et de sa communauté, raccourcissement des temps d’hospitalisation). C’est ainsi que l’on distingue les soins de santé conventionnels (accent mis sur la maladie et la guérison, soins curatifs épisodiques, relation limitée au moment de la consultation) des soins primaires centrés sur la personne (accent mis sur les besoins sanitaires, soins complets et continus, responsabilité de la santé de tous au Octobre 2011 7 sein de la collectivité et pendant toute la vie). A titre d’exemple, il cite le cas de la prise en charge de la dépendance : l’entrée en établissement se fait en moyenne à 85 ans, et l’espérance de vie y est de 1,8 ans, ce qui veut dire que l’essentiel de la prise en charge se fait à domicile (via la famille, des aidants…), et que cela soulève donc des enjeux territoriaux majeurs. De plus en plus, la familles, les aidants prennent en charge les personnes âgées et personnes handicapées. Les associations jouent également un rôle fondamental pour développer les services à domicile. Pour assurer une prise en charge globale de qualité, il importe d’articuler un grand nombre d’acteurs sur un territoire donné. Le rôle des collectivités locales Pour Sébastien FLEURET, la construction d’une offre primaire de santé ou de prévention relève aussi de l’initiative des collectivités locales ; il cite alors l’exemple des ateliers «santé-ville» dans les quartiers d’habitat social (issus de la loi CETE de l’Ouest - Division Villes et Territoires de lutte contre les exclusions). Dans ce cadre, des actions relatives à la nutrition, à l’éducation, à la prévention, à l’information sur la santé et plus largement sur les déterminants de la santé sont proposés. Mais plus généralement, l’orientation de politiques urbaines peut aussi contribuer à la santé d’une population dès lors, par exemple, que la marche à pied ou le vélo, les transports en commun sont favorisés (priorité donnée à l’exercice physique et aux contacts sociaux, à la réduction de la pollution). En conclusion, Sébastien FLEURET mentionne que les conditions d’accès aux soins de proximité et à la santé dépendront des choix faits par l’ARS (partenariats constitués, intersectoralité, place accordée aux déterminants non médicaux) et des acteurs du territoire (au sens large). Ce dernier point illustre donc toute l’importance qu’il convient d’accorder aux contrats locaux de santé, aux territoires de projet et territoires vécus, au-delà des découpages administratifs sur lesquels se déclinent classiquement les politiques publiques de santé Octobre 2011 8