changements climatiques et transformation des relations nord/sud
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changements climatiques et transformation des relations nord/sud
CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET TRANSFORMATION DES RELATIONS NORD/SUD Rapport rédigé par des étudiants de l’École Nationale d’Administration (ENA) française, pour le numéro 75 de la revue Liaison Énergie-Francophonie (2007) www.iepf.org/ressources/lef.php Mlles. ANDRIANARISOA Bodo (Madagascar), ANNOUZ Nadia (Maroc), KRHOUNEK Kimberley (Etats-Unis), VALERE Sandrine (Maurice), WALCOTT Yasmine (Ste Lucie), M. MOPA Modeste (Cameroun) , SOKONA Youba Strasbourg, le 5 juin 2007 1 - Introduction La conférence de Rio en 1992 est à l’origine de la prise de conscience que le réchauffement climatique doit entraîner une transformation des relations Nord/Sud. L’humanité pour la première fois, confrontée à un phénomène dont les enjeux intéressent toutes les parties prenantes et dont la solution ne peut qu’être globale, est contrainte de dépasser les égoïsmes qui jusque là ont régi les rapports entre ses composantes. S’agissant des enjeux en effet, pour les pays développés, le phénomène du changement climatique appelle la modification de modes de vie, de production et de consommation ainsi que la recherche de nouvelles technologies respectueuses de l’environnement. Certains parlent même d’une nécessité de décroissance. Ce qui est certain, c’est qu’ici, on a conscience qu’un climat en évolution rapide entraînera de coûteux et complexes efforts d’adaptation qui reviendront d’autant plus chers à la collectivité que le phénomène ne sera pas vite maîtrisé. Les enjeux pour le Nord sont donc culturels (changements de mode de vie) mais surtout économiques. C’est ce qui explique d’ailleurs que sous la pression d’intérêts privés, les actions concrètes dans le Nord ont jusque là été assez insuffisantes allant même jusqu’au refus pur et simple de tout engagement des Etats-Unis dans le Protocole de Kyoto. Pour le Sud, l’enjeu est celui de la survie si on prend le cas des Etats insulaires dont l’inquiétude face à un phénomène de montée des eaux est perceptible. Il en est de même des Pays les Moins Avancés (PMA) qui à cause de leur fragilité économique ne peuvent se payer les efforts coûteux d’adaptation mais savent qu’ils seront les premières victimes d’un emballement climatique. Une dernière catégorie des pays du Sud est celle constituée de pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud) qui ayant amorcé la pente du développement sur le modèle désormais dans l’impasse de l’occident sont désormais conscients que le changement climatique modifie la donne et peut remettre en cause l’épanouissement longtemps espéré. Et puis, il y a des enjeux communs à toute l’humanité. En effet, dans un monde déjà instable, les tensions supplémentaires générées par les changements climatiques risquent de se traduire par des flux migratoires incontrôlables voire par des conflits (autour de l’eau par exemple). Le GIEC estime à environ 150 millions de personnes à l’horizon 2050 le nombre de potentiels réfugiés climatiques. Les spécialistes reconnaissent que même s’il peut sembler tard (les concentrations de CO2 atmosphérique soient déjà à un niveau dont personne ne peut affirmer avec certitude qu’il n’est pas dangereux), des mesures pourraient atténuer les effets du réchauffement. En matière agricole par exemple, le recours à des variétés plus résistantes, à des races animales robustes, à des techniques culturales améliorées constituent autant de pistes d’adaptation. Pour les pays du Nord, nul doute que cet effort d’atténuation et d’adaptation est commencé. A l’inverse, pour les pays du Sud, le problème reste entier. Il semble incontournable, pour des raisons évidentes que pour s’adapter, ces pays auront besoin de solidarité à travers notamment une aide agronomique et scientifique ainsi que d’importants investissements. La question est donc de savoir si au vu de l’évolution actuelle, le Nord qui détient le savoir et les capitaux est résolu à soutenir les pays du Sud ? La mise en œuvre concrète des engagements pris au Sommet de la Terre s’est traduite essentiellement par le Protocole de Kyoto de 1997 avec notamment la fixation d’objectifs de performances énergétiques et économiques contraignants vis-à-vis des Etats à travers les quotas de réduction fixés aux pays industrialisés. Si on met de côté le refus américain de signer ledit protocole, on note surtout que pour l’essentiel, les moyens mis en œuvre pour la lutte contre le réchauffement climatique ont pris un tournant inquiétant pour les pays les moins avancés. En effet les questions de développement et de renforcement de la coopération pourtant en bonne place à Rio semblent faire l’objet d’une évacuation insidieuse du champ des négociations. Dans ce cadre, certaines questions restent entières : S’agissant de l’équité par exemple, peut-on dire que l’approche actuelle qui consiste pour le Nord (hormis les Etats-Unis et l’Australie pour qui la Chine et l’Inde doivent faire des efforts au même titre que les autres pollueurs) à reconnaître sa responsabilité historique dans le phénomène du changement climatique et à s’amender en permettant aux pays du Sud de continuer à polluer pour rattraper leur retard de croissance et de développement soit efficace ? Surtout lorsqu’on sait que 2 ne profite du mécanisme de développement propre qu’une poignée de pays du Sud dits émergents ? Quel sort réserve t-on dès lors aux PMA et aux Etats îles ? En ce qui concerne le développement du Sud, le changement climatique a-t-il réellement commencé à influencer la transformation et le rythme de l’approche du développement ? En d’autres termes, les pays du Nord, au-delà de la prise de conscience de la nécessité urgente du développement du Sud pour faire face au phénomène du changement climatique semblent-ils plus disposés que par le passé à transiger avec le Sud en prenant dorénavant en compte le point de vue de celui-ci ? Tels sont les angles sous lesquels sera abordée la problématique de la transformation des relations Nord/Sud à l’aune du changement climatique. 2 – La question de l’équité dans la transformation des relations Nord/Sud La première difficulté à surmonter dans la négociation internationale sur le changement climatique a été, et demeure encore, celle de la répartition des efforts. Elle renvoie à la question de l’équité entre pays dont l’histoire, le niveau de développement ou les intérêts ne sont pas les mêmes. La question de l’équité est polémique dès lors qu’on parle des responsabilités et des capacités respectives de pays différents. Dans le débat sur les causes du changement climatique et les propositions pour répondre aux à ce phénomène, il existe de grandes différences d’opinions entre pays développés et pays moins avancés et émergents, une vraie division Nord/Sud. Cette division résulte des positions politiques divergentes concernant la responsabilité historique et les moyens acceptables au Nord comme au Sud pour faire face aux répercussions des changements climatiques. En outre, la question d’équité dans les relations se pose entre des pays du Sud qui sont séparés par les divisions internes dues à des soucis et à des objectifs bien différents. En effet, les îles et les pays aux deltas peuplés représentent les principales victimes du changement climatique, tandis que les grands pays émergents comme la Chine et l’Inde s’inquiètent essentiellement de l’impact des négociations sur leur croissance économique. 2.1 - Les changements climatiques : des responsabilités communes mais différenciées Du fait de leur responsabilité historique dans les causes du dérèglement climatique, les pays du Nord doivent donc agir les premiers pour lutter contre ce phénomène. Pour leur part, les pays du Sud notamment les plus pauvres, ont des besoins spécifiques et sont les plus vulnérables face aux dérèglements causés par les changements climatiques. 9 La question de la responsabilité historique des pays du Nord Malgré plusieurs différences internes, en général les pays du Sud s’accordent sur le point selon lequel les pays du Nord industrialisés portent la principale responsabilité des émissions de gaz à effet de serre qui menacent le monde entier. Les pays développés auraient déjà accumulé plus de 80% des émissions polluantes dans le monde1. Ce qui signifie qu’ils ont bénéficié de « crédits gratuits » dans leurs émissions polluantes depuis plus de 150 ans. Puisque les pays industrialisés ont déréglé l’horloge climatique, il leur revient en priorité de limiter les dégâts, clament les pays du Sud : Ils ont contracté de ce fait une "dette écologique" vis-à-vis du Sud et des générations à venir. La dette écologique des pays du Nord a été reconnue pour la première fois en 1992 par la Convention des Nations unies sur les changements climatiques. Les 176 Etats signataires de ce texte fondateur se sont engagés à « protéger le système climatique au bénéfice des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en accord avec leurs responsabilités communes, mais différenciées. En conséquence, les pays développés devraient prendre les rênes de la lutte contre le changement du climat ». 1 « contraction and convergence and the changing climate”, report of the UK Royal Commission on environemental pollution (RCEP) of june 16, 2006. 3 Cette conclusion est particulièrement évoquée par des pays émergents qui connaissent actuellement une industrialisation rapide et qui craignent l’impact d’une limitation de leur consommation d’énergie sur leur développement. La question de la responsabilité historique ne fait pas l’unanimité dans les pays du Nord. En effet, si certains pays sont prêts à accepter un régime dont les limitations des émissions polluantes s’appliquent plutôt aux pays développés pour des raisons historiques, ce qui constitue le cœur du Protocole de Kyoto de 1997 signé et ratifié par les pays d’Europe et le Japon. D’autres pays notamment les Etats-Unis et l’Australie mettent en avant l’inefficacité d’une solution qui ne prend pas en compte la responsabilité des grands pays émergents qui sont des émetteurs croissants de gaz à effet de serre. Les autres arguments avancés par ces pays résident dans le refus d’accepter la culpabilité pour des années d’activités industrielles quand tout le monde ignorait les conséquences et les impacts récemment mis en évidence ou même s’abritent même derrière un doute sur la responsabilité des activités humaines sur le changement climatique. Ce dernier argument est surprenant, mais il est soutenu par une minorité de la communauté scientifique du Nord qui conteste les résultats et les prévisions annoncés par le Groupe international d’experts sur le climat. Les sceptiques, parmi lesquels on trouve des scientifiques de renom comme Richard Lindzen, chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston, n’admettent pas que l’activité humaine ait un effet néfaste sur le climat. Ils estiment que la science du climat est immature et que le climat change en permanence2. Dans un entretien récent, M. Lindzen constate les insuffisances de la base scientifique des conclusions du rapport du GIEC. Selon lui, le groupe d’experts a conclu que l’effet de serre considéré comme la cause du gros réchauffement observé depuis 50 ans a été imputé aux activités humaines pour la seule raison que ces experts « ne voyaient pas ce que cela pouvait être d’autre »3. Même si le débat demeure vif entre les sceptiques et ceux qui affirment la responsabilité des activités humaines sur le réchauffement climatique, l’administration Bush s’est servie, à un moment donné, des sceptiques pour défendre sa position sur la non-participation des Etats-Unis au Protocole de Kyoto. Ces comportements sont dommageables par voie de conséquence à la crédibilité du nord et donc au dialogue nord – sud. 9 Les impacts des changements climatiques menacent surtout les populations les plus vulnérables du Sud Dans de nombreuses régions de la planète, les conséquences des changements climatiques menacent les activités humaines et parfois l’existence même des pays les plus vulnérables. Par ailleurs, les communautés rurales des pays du Sud qui tirent la quasi-totalité de leurs moyens d’existence des ressources naturelles locales sont donc très vulnérables à l’instabilité climatique et n’ont pas les moyens d’acheter les techniques de protection et d’adaptation coûteuses. o Les accidents climatiques vont se multiplier 2 3 « Effets de serre : la voix d’un septique », Les Echos, 18/04/2007. Idem. 4 Les événements météorologiques extrêmes (tempêtes, sécheresses, inondations, vagues de chaleur, etc.) qui sont par définition imprévisibles, tant pour leur localisation que pour leur gravité, risquent d’être de plus en plus fréquents. Ainsi, certaines régions du Sud devront faire face à davantage de vagues de chaleur ou de cyclones, entraînant des sécheresses ou des inondations aux conséquences catastrophiques sur les récoltes. Ces épisodes climatiques hors normes obligeront des populations entières à migrer créant ainsi des “réfugiés climatiques” qui devront être pris en charge soit temporairement par les Etats ou par les organismes humanitaires soit, pour certains, définitivement relogés loin de leur lieu de vie. En juillet août 2002, les pluies torrentielles en Inde, au Népal et au Bangladesh ont causé des coulées de boue et des inondations qui ont coûté la vie à 1200 personnes et ont obligé 4 millions de personnes à quitter leur maison. o La montée des eaux conduirait des dizaines de millions de personnes à l’exode La montée du niveau des mers pour les pays comprenant des zones côtières densément peuplées ou pour les îles de basse altitude comme les Maldives ou les îles Marshall causerait le déplacement forcé de millions de personnes. Or, la moitié de la population mondiale réside sur les zones littorales. Une élévation du niveau des mers de 80 cm aurait pour effet de déplacer 118 millions de personnes vers l’intérieur des terres. La plupart iraient s’ajouter aux habitants des quartiers pauvres des grandes villes. Cette montée des eaux entraînerait également des pertes de terres cultivables ou habitables : 17,5 % du territoire au Bangladesh et 6 % aux Pays-Bas. La montée des eaux, même si elle reste limitée, risque d’entraîner la salinisation des deltas et des nappes phréatiques côtières, rendant l’eau potable encore plus rare et appauvrissant la biodiversité de ces zones. La pénurie croissante en eau douce pourrait également être à l’origine de tensions entre communautés et régions d’un même pays et entre pays voisins qui voudraient s'approprier la ressource. En 2025, les deux tiers de l’humanité pourraient être dans une situation de stress hydrique qualifié de modéré à grave. L’appropriation des ressources en eau est un enjeu stratégique ancien qui risque d’être de plus en plus pressant. La raréfaction de l’eau attisera encore davantage les conflits ou tensions intra ou interétatiques. On en compte une quarantaine aujourd’hui déjà. o La sécurité alimentaire en péril Ce changement climatique perturbera immanquablement les systèmes agricoles. Les paysans ont un savoir spécifique, hérité d’une longue expérience et d'une organisation adaptée à une certaine régularité climatique. Ils rencontreront beaucoup de difficultés à adapter leurs pratiques (sélection des variétés de culture, perturbation des cycles végétatifs, adaptation des systèmes d’irrigation, de drainage, etc.) au nouvel état du climat et à son instabilité. La sécurité et la souveraineté alimentaires de certaines nations, principalement en Afrique et en Asie, mais également dans certains pays du Nord, pourraient donc être remises en cause. La situation est encore plus préoccupante pour les populations déjà dépendantes des importations et/ou de l’aide alimentaire. o Les économies du Nord comme du Sud seront touchées La facture des catastrophes naturelles a doublé tous les dix ans depuis 1960 et pourrait atteindre 150 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. La recrudescence d’inondations, de cyclones et de tempêtes endommagerait fortement les infrastructures. Celles-ci sont bâties selon des critères techniques s’appuyant sur des données climatiques régulières et relativement prévisibles, mais bientôt obsolètes : diamètres des canalisations, localisation des constructions par rapport à la mer ou aux fleuves, hauteur des ponts, résistance des constructions aux vents, etc. Peu de constructions françaises résisteraient aux assauts répétés de vents comparables à ceux des tempêtes de 1999. Qu’en serait-il de la sécurité des centrales nucléaires situées le long des fleuves et qui en France ont déjà connu des alertes significatives ? 2.2 - Equité et Protocole de Kyoto La Convention Cadre des Nations Unis sur les Changements Climatiques (CCNUCC) et le Protocole de Kyoto intègrent explicitement l’idée d’équité et de responsabilité historique des pays du Nord. Ces derniers doivent être, de ce fait, les premiers à agir. 5 Le Protocole de Kyoto impose un régime où seuls les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 5,2% d’ici à 2008/2012 4 Les pays qui ne font pas partie de l’annexe 1 n’ont aucun engagement de ce type. En outre, les pays industrialisés se sont engagés également à financer les coûts supportés par les pays en développement pour respecter leurs engagements. Il mentionne aussi le transfert de technologies, les financements nouveaux et additionnels pour renforcer les capacités du Sud et le soutien à l‘adaptation pour les pays les plus vulnérables. En effet, le Protocole établit une obligation pour les pays les plus riches à aider les pays les plus pauvres. Cette approche prend en compte les aspirations des pays du Sud au développement économique et social. Le Protocole, qui est entré en vigueur le 16 février 2005, compte maintenant 169 pays signataires, ce qui démontre bien que l’approche est acceptable par la plupart des pays du monde. Par ailleurs, il est aussi reconnu qu’un plus large accès à l’énergie est une condition essentielle du développement économique et social. Or, ceci rend plus difficile les efforts de la stabilisation ou de la réduction des émissions globales de gaz à effet de serre. Actuellement, les Etats-Unis produisent un quart des émissions totales de CO2, mais les émissions des pays en développement sont en forte croissance, du fait de la dynamique démographique et des changements structurels de leurs économies. Les émissions chinoises ont maintenant rattrapé celles des Etats Unis. Cette forte croissance parmi les pays en voie de développement est une des raisons pour laquelle les Etats-Unis continuent à résister à adhérer aux contraintes du Protocole du Kyoto. Pour l’administration Bush, la politique plus rationnelle pour atteindre les objectifs environnementaux est d’encourager la « décarbonisation » des économies par le développement des énergies renouvelables et de nouvelles technologies. Le Conseil Mondial de l’Energie est aussi divisé sur ce sujet. En effet, si certains membres voient dans l’adhésion au Protocole de Kyoto une absolue priorité, d’autres se focalisent sur des partenariats internationaux viables pour traiter le problème. Le Conseil a proposé de lier les émissions d’un pays à une combinaison de facteurs comme la population, l’activité économique, le revenu, la consommation d’énergie, les ressources énergétiques et le niveau de développement technologique. Cette définition d’équité pourrait être plus acceptable par les pays du Nord qui rejettent le Protocole de Kyoto. En réalité, les diverses propositions faites dans le cadre des débats sur le changement climatique ont toutes été critiquées du fait justement de la difficulté à définir l’équité : ces propositions étaient soit plutôt favorables aux pays en développement, soit plutôt favorables aux pays industrialisés. En effet, lorsque la proposition est basée sur les émissions par habitant, il s’en dégage des écarts importants entre les pays. Par exemple, des quotas d’émissions au prorata des émissions actuelles ou cumulées favoriserait les pays industrialisés et pénaliserait les pays en développement qui n’auraient pas la même marge de manœuvre pour augmenter leurs émissions dans l’avenir. Enfin, si les actions des gouvernements ne restent que sur une base volontaires et de consentement à payer, comme l’administration Bush le préconise, les pays les plus petits ou les plus pauvres continueront à souffrir des impacts négatifs du changement climatique sans bénéficier de l’assistance suffisante. En conséquence, la probabilité est faible qu’une règle unique soit acceptable par tous et seules les solutions « mixtes » apparaissent suffisamment « équitables » et à même de garantir la participation des tous les pays. 9 Pour une équité plus globale : instaurer une solidarité Nord/Sud active L’équité dans les relations Nord/Sud en matière de lutte contre le changement climatique doit nécessairement passer par un renforcement du rôle des pays de Sud dans les négociations tout en prenant en considération les besoins spécifiques de développement de ces pays. o Renforcer la participation des pays du Sud aux négociations Les processus de négociation dans les enceintes internationales sont essentiellement définis par les pays industrialisés. Les pays du Sud restent mal représentés et n’ont pas les capacités techniques pour mesurer l’ampleur des conséquences de telles décisions politiques dans leur propre pays. Cela pourrait expliquer que de nombreuses délégations représentent trop souvent les 4 Les parties figurant à l’annexe 1 de la convention comprennent les pays de l’OCDE, l’Union Européenne et les pays en transition vers une économie de marché. 6 seuls intérêts économiques, au détriment de ceux des populations les plus vulnérables. Ce facteur pèse très lourd dans les décisions prises. Le renforcement de la participation des pays du Sud aux négociations suppose que : L’équité procédurale : Ce qui implique l’égal pouvoir de chacun pour définir les procédures de négociation au plan international. Les capacités des délégations faibles doivent être renforcées. Des financements doivent être dégagés pour faciliter leur participation et leur appréhension des enjeux. L’implication des communautés locales dans la conception de mesures qui vont les toucher : Les critères d’octroi des crédits internationaux n’incluent que très partiellement la nécessité de protéger le climat. Ainsi, les institutions financières internationales, les organes publics de coopération et les agences de crédit à l’exportation, qui encouragent souvent un développement non durable, doivent intégrer des critères d’intervention tenant compte de l’objectif climatique. 9 Concilier climat et développement : une nécessité pour les pays du Sud L’attitude des pays du Sud face au changement climatique est influencée aussi par la nécessaire conciliation entre le développement et les politiques de changement climatique. Il est regrettable à cet égard de constater la place limitée accordée aux Changements climatiques dans les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) établis en 2000 par l’Organisation des Nations Unies. Outre le fait qu’en regard des « progrès » réalisés à ce jour, les OMD ne pourront être atteints à l’échéance prévue (2015), la formulation même de ces objectifs reste trop limitée dans ses perspectives, car elle ne prend pas la mesure de l’impact des changements climatiques en cours. Or, les tendances de ces dernières années indiquent à quel point les effets des dérèglements du climat affectent ou risquent d’affecter tant les revenus, l’éducation et l’environnement des populations les plus vulnérables ainsi que l’égalité des sexes et les efforts de développement. Une approche multidimensionnelle de la pauvreté couplée à des démarches participatives permettra de mettre en œuvre des projets sociaux locaux d’atténuation et d’adaptation à l’impact des bouleversements climatiques, des projets aux retombées positives pour la vie quotidienne des personnes les plus exposées et pour les écosystèmes. 3 - L’impact des changements climatiques sur la remise en question des rapports Nord/Sud en matière de développement La question se pose de savoir si un développement consistant en une stricte protection de l’environnement et des ressources serait soutenable pour les pays du Sud. En effet, pour les pays du Nord, les pays en développement doivent prendre leur part de responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre. Ceux du Sud en revanche, opposent leur droit au développement. L’unanimité semble pourtant se faire sur la nécessité d’intégrer la lutte contre les changements climatique dans le cadre d’un développement durable. 9 Le Sud face aux enjeux du développement La préoccupation des Pays en développement est de déterminer les actions les mieux adaptées à leurs priorités futures de développement, leurs intérêts et leurs circonstances actuelles. Mais ils se trouvent face à un dilemme : parier sur le développement et endurer les effets des émissions de gaz à effet de serre dont ils ne sont pas les premiers responsables, ou lutter contre le changement climatique en tournant le dos aux énergies fossiles sur lesquelles le Nord a construit son propre développement. Aujourd’hui, la lutte contre la pauvreté constitue la priorité majeure des pays en développement et les actions contribuant à la lutte contre la pauvreté sont plus nombreuses que celles engagées à l’encontre des changements climatiques. Pourtant la prise en compte effective du changement climatique ne peut que résulter d’une approche intégrée avec les politiques de développement. L’ironie de la situation est que pour vraiment réussir un développement durable, le Sud doit adapter ses politiques de développement aux risques des changements climatiques. Mais faire face aux changements climatiques demande des investissements financiers massifs qui, bien sûr, constituent un frein pour les pays en développement d’autant plus que les besoins financiers sont hors de proportion avec les moyens du Fonds d’adaptation prévu par les Nations Unies. 7 9 Les politiques de développement et la question de l’adaptation aux changements climatiques On voit que l’orientation des priorités des pays en développement et les pays les plus endettés va plutôt dans le sens de la recherche d’une croissance rapide et l’exploitation maximale de leurs ressources naturelles que vers des préoccupations environnementales. Pourtant, ces pays seront les plus vulnérables face aux risques des changements climatiques. Il faudrait qu’ils intègrent dans les phases précoces du développement les préoccupations environnementales et apprennent à s’adapter aux changements climatiques s’ils veulent sauver leurs populations et leurs moyens de subsistance. Pour s’adapter donc aux changements climatiques, deux exigences incombent aux Pays en développement : d’une part comprendre les impacts du changement climatique et d’autre part recueillir les fonds nécessaires pour s’adapter à ce phénomène. Pourtant que les pays riches rechignent à aider les pays du sud à s’adapter aux changements climatiques. Selon Mario Herrero, co-auteur du rapport intitulé, « Cartographier la vulnérabilité au climat et la pauvreté en Afrique », les paysans auront besoin d'aide afin de s'adapter aux fréquentes sécheresses et inondations qui devraient frapper les régions arides et semi-arides du continent au cours des prochaines années. Il est vrai que les coûts d’adaptation sont difficiles à estimer mais selon Oxfam, cela ne devrait pas constituer une excuse pour les pays riches. On peut applaudir les initiatives de la Banque mondiale, l’un des chefs de file, des efforts menés pour aider les pays à s’adapter aux risques climatiques, en instaurant des projets d’assurance novateurs dans la région des Caraïbes, ainsi qu’en Amérique latine et en Asie du Sud. La tâche consistera désormais à transposer les enseignements et tirer des leçons de cette expérience initiale à une échelle plus large, et tout particulièrement en Afrique subsaharienne et dans les îles du Pacifique, deux régions fortement menacées par les changements climatiques. Les gouvernements du Sud doivent aussi revisiter leurs stratégies de développement en prenant en compte les effets du changement climatique avant de mettre en oeuvre des projets, notamment en matière d’agriculture, de construction, de transports. On ne conteste plus le droit des pays du sud à atteindre un certain niveau de développement, mais la question posée est de savoir si leur modèle de développement peut à la fois réduire les inégalités sociales et empêcher les catastrophes environnementales. 9 Le Sud face au paradoxe de son développement et de ses responsabilités en matière de lutte contre les changements climatiques Alors que les pays en développement tardent à réviser leur modèle de société, les pays industrialisés émergents n’acceptent pas de voir entraver leur propre développement économique, ce qui suscite des débats avec le Nord qui voudrait que le Sud, notamment les pays « BRICS 5» assume ses responsabilités dans l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Il est indiscutable que ces pays s’accordent pour ne pas déroger au modèle de développement capitaloindustriel. Mais peut-on envisager un autre développement rompant avec le système dominant ? La grande question serait donc de savoir comment articuler les liens entre développement des pays pauvres et maintien des équilibres climatiques. On voit bien que leur mode de développement risque de reproduire celui des pays riches ; un développement basé sur les énergies fossiles, les industries polluantes et l’agriculture intensive. Pour les pays du sud et particulièrement les pays émergents, on prévoit un triplement des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 et la multiplication des catastrophes naturelles. Le Brésil défendant l’idée que la responsabilité de la hausse actuelle de la température tient aux émissions passées, donc à celles des pays riches et qu’il ne peut, compte tenu de ses exigences de développement, se fixer des objectifs de réduction avant cinquante ans. Pourtant, définir un autre modèle de développement agricole devient nécessaire. En effet, ses émissions de gaz proviennent en majeure partie de l’agriculture, de la sylviculture et de l’utilisation des sols (entre 70 et 80%). De plus, la déforestation de l’Amazonie, libère des gaz à effet de serre à cause des brûlis et de la libération du carbone du sol et diminue la capacité d’absorption de la forêt. Tout comme le Brésil, la Chine, au nom de son niveau actuel de développement n’entend pas réduire ses émissions de gaz à effet de serre comme l’y autorise le protocole de Kyoto. D’ailleurs, 5 - Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud. 8 la Chine a officiellement déclaré qu’elle n’envisagerait pas de limiter ses émissions avant d’avoir atteint un revenu d’environ 5 dollars par tête. En Inde, les gouvernements refusent aussi de s’engager sur des objectifs chiffrés de réduction de gaz à effet de serre, argumentant que la lutte contre la pauvreté qui nécessite un développement important de l’économie. Pourtant les prévisions parlent d’un triplement des émissions d’ici 2050 en même temps qu’une multiplication des catastrophes. Cependant ces pays sont conscients des dangers qui pèsent sur leurs pays. Les dirigeants chinois ont donc intégré la question climatique dans les commissions de planification et cherchent à développer des sources énergétiques alternatives comme le solaire et la biomasse aussi bien que le nucléaire. Le Brésil se lance dans la même voie et l’Inde multiplie les projets de mécanisme de développement propre. Pour les pays les plus pauvres, ces questions se posent différemment dans la mesure où la plupart d’entre eux, notamment les pays africains se trouvent dans le « non développement ». Trente-trois pays sur les quarante-neuf moins développés sont situés sur le continent africain. Les projections indiquent que la hausse de la température sera plus forte en Afrique qu’ailleurs, d’où la probabilité accrue des phénomènes climatiques dévastateurs. Au vu de ces attitudes, la question majeure serait donc de savoir comment intégrer la lutte contre les changements climatiques et le développement. Une solution que tente d’apporter le protocole de Kyoto, mais dont les résultats sont bien faibles. 2. Le Mécanisme de Développement Propre, la principale réponse du Protocole de Kyoto aux enjeux du développement Pour réaliser leurs réductions d'émissions, les pays doivent prendre des mesures nationales. Ils peuvent en outre avoir recours à des mécanismes économiques, dits “mécanismes de flexibilité”. Sous l'influence, en particulier des Etats-Unis, en plus du MDP, deux autres mécanismes de flexibilité ont été élaborés pour réaliser des réductions au moindre coût et pour permettre aux pays du Nord de mettre en œuvre des mesures nationales fortes. Les développements qui suivent mettent l’accent essentiellement sur le MDP, ses missions et les limites à l’efficacité de son action. 9 La place du Mécanisme de Développement Propre dans les Relations Nord/Sud L’importance de l’adhésion des pays du Sud s’est traduite par la création dans le Protocole de Kyoto du Mécanisme de Développement Propre (MDP) car cela implique concrètement la réalisation de projets permettant à des entités de secteur public ou privé de pays du Nord ayant des objectifs de réduction d’émissions à atteindre d’investir dans des activités de réduction d’émissions dans des pays en voie de développement en échange de crédits de réduction d’émissions. Les secteurs concernés par des projets MDP sont surtout : l’énergie, le traitement des déchets, l’industrie, l’agriculture, le secteur forestier et la réduction d’émissions de gaz fluorés. Le MDP est aussi considéré comme un outil visant à faire bénéficier les pays du Sud du transfert de technologies non polluantes. Les perspectives pour l’Afrique par exemple, dépendront de la possibilité qu’auront ces pays de développer des infrastructures de base pour l’énergie, de mettre en œuvre des programmes visant la maîtrise de l’énergie, de renforcer la coopération régionale et d’intensifier les systèmes de production. Ces objectifs de développement font que le MDP pourrait inciter les pays du Sud à poursuivre activement leur participation au Protocole de Kyoto. Le potentiel de réduction des émissions dans les pays en voie de développement au moyen du MDP est considérable. En raison de leur fort taux de croissance, la Chine et l’Inde peuvent accueillir de nombreux projets et faire bénéficier des baisses d’émissions qui en résultent. Il a été estimé, selon le Fonds de Carbone Européen (2005), que l’aménagement de parcs éoliens et la récupération de méthane des décharges et des mines de charbon pourraient réduire les émissions de 300 millions de tonne en Chine seulement. En ce qu’il s’agit des pays du Nord, le MDP leur offre la possibilité d’abaissement de frais de réduction d’émissions car c’est souvent plus économique de lancer des projets MDP que de réduire les émissions dans ces pays. 9 Bilan mitigé du Mécanisme de Développement Propre 9 Officiellement, le MDP a démarré en 2000 car les pays signataires de la convention climat avaient décidé un démarrage rapide de ce mécanisme (prompt start). En pratique, il a fallu plusieurs années pour que les développeurs élaborent les premières méthodologies et enregistrent les premiers projets, dans un contexte où l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto était encore très incertaine. Le premier projet MDP a été enregistré en novembre 2004 et les premiers crédits MDP ont été générés en octobre 2005. Au 1er juillet 2006, la situation était la suivante : 229 projets ont été enregistrés et devraient générer 69,9 MteCO2/an (et 460 MteCO2 d’ici 2012). 35 projets enregistrés génèrent déjà des crédits pour un montant de 7,098 MteCO2/an. 31 projets sont dans le processus d’enregistrement ; 567 projets sont au stade de la validation et n’ont pas encore été soumis au Conseil exécutif qui gère les projets de MDP pour enregistrement. Au total, on estime que 860 projets MDP sont en cours de montage et pourraient générer 1 035,85 Millions de crédits d’ici 2012 (152 MteCO2/an) (source : PNUE). Cela représente 0,6 % des émissions mondiales liées à l’énergie (25 100 MteCO2 en 2002) et 1,57 % des émissions en 2002 des pays annexe B ayant ratifié le protocole (9 658 MteCO2). Selon E. Haites (2004) qui a effectué une revue de la littérature sur l’offre et la demande en crédits carbone, la demande des pays annexe B (hors Australie et Etats-Unis) pour la période Kyoto serait de l’ordre de 925 MteCO2 en 2010 (fourchette : entre 600 et 1 150 MteCO2). L’offre globale d’unités de quantités attribuées (unités Kyoto des Etats) devrait être supérieure à la demande puisque la Russie et l’Ukraine pourront à elle seules vendre 1144 MteCO2 par an (fourchette entre 500 et 1562 MtCO2) et que les autres vendeurs de l’Annexe B pourront vendre environ 169 MteCO2. C’est pourquoi les modèles suggèrent que la Russie et l’Ukraine ont intérêt à vendre seulement 40 % de leur excédent de quotas (entre 10 et 75%) soit 539 MteCO2 (fourchette 250 à 1100 MteCO2) pour augmenter leur revenu. Le prix du CO2 serait alors de $11,4/tCO2 en 2010 (fourchette entre $1 et $33/tCO2) et la demande de crédits MDP des Etats pourrait être de 250 MteCO2 par an (fourchette entre 50 et 500 MteCO2). Or selon Haites, l’offre potentielle de crédits MDP à ce prix pourrait être de 335 millions de crédits (entre 215 et 405 millions de crédits). Néanmoins, selon Haites, une telle offre ne pourra être réalisée que si les investisseurs ont des certitudes sur la valeur des crédits MDP post 2012, sans quoi l’offre ne sera que de 50 à 90 millions de crédits par an. Le montant actuel des crédits MDP des projets en cours de montage est encore inférieur au potentiel estimé par Haites mais il est déjà loin d’être négligeable. Les projets MDP en cours de développement devraient générer plus d’1 milliards de crédits carbone, ce qui représente entre 25 et 35 % des besoins en permis des pays annexe B ayant ratifié le Protocole. De ce point de vue, on peut dire que le MDP est un succès : il délivre maintenant des résultats concrets. En ce qui concerne le prix de vente des crédits MDP, le prix des contrats dits « standard offtake», avec une livraison non-garantie, est actuellement dans une fourchette large allant de 8 à 13 €. Le prix pour une garantie de livraison est maintenant à une moyenne de 15 € alors que le prix d’un quota européen était d’environ 17 € au 15 juillet 2006. Le principal attrait du MDP est qu’il permet aux pays qui ont des engagements de réduction dans le protocole de Kyoto d’accéder aux réductions d’émissions les moins chères. Le MDP fait appel au secteur privé, essentiellement des entreprises industrielles, qui a la capacité de trouver les opportunités de réduction les plus intéressantes économiquement. Certains projets MDP auront un impact significatif sur les émissions dans certains secteurs : sur les 9 unités de production de HFC23 en Chine, 6 sont en train d’installer des équipements de destruction du HFC via le MDP (un des gaz fluorés pris en compte par le protocole de Kyoto). Le Brésil compte 26 projets pour améliorer l’efficacité de l’utilisation de la bagasse sur les 343 raffineries de sucre existantes (0,492 MteCO2/an). Les secteurs où il y a le plus grand nombre de projets MDP en cours de développement sont la production d’électricité à partir de biomasse (194 projets), l’hydroélectricité (145), l’efficacité énergétique pour l’usage industriel (110), le secteur éolien (100) et l’agriculture (91). Les projets sur l’énergie renouvelable (biomasse, hydroélectricité, éolien, solaire, biogaz) représentent plus de la moitié des projets en cours de montage (477 projets) ; néanmoins ils ne génèreront que 19,7 % des crédits potentiels. 10 Les projets qui génèrent les montants de crédits les plus importants sont les projets HFC, N20 (protoxyde d’azote) et de récupération du biogaz des décharges. Les projets dans l’industrie chimique (élimination des émissions de HFC et de N2O) représentent 51,8 % des crédits potentiellement générés d’ici 2012. Cela s’explique en partie par le fait que ces deux gaz ont des potentiels de réchauffement très élevés, comparé au CO2, respectivement 11700 pour le HFC23 et 310 pour le N20. De plus, ces projets nécessitent de faibles investissements, génèrent de grandes quantités de crédits (10 MteCO2/an pour certains projets et d’être très clairement additionnels. Cette suprématie est très critiquée par le fait qu’il y a un seul projet dans le domaine des transports et que les projets sur l’efficacité énergétique représentent une trop faible part des réductions d’émission (114 projets en cours de montage qui génèreront 6,4 % des crédits MDP potentiels) alors que ces deux secteurs sont jugés comme les principaux secteurs sur lesquels il faut agir et qui contribuent au développement durable en infléchissant leurs émissions à long terme. En ce qui concerne la répartition des projets par pays, les pays africains se plaignent d’accueillir très peu de projets MDP. Il est vrai que les investissements MDP en Afrique sont concentrés soit dans les pays les plus développés (Afrique du Sud (10 projets), certains pays d’Afrique du Nord (Egypte, Maroc) et le Ghana, soit dans des secteurs liés à la production pétrolière (Nigeria). Le reste du continent en bénéficie peu. Les pays qui ont le plus de projets enregistrés sont la Chine, le Brésil, la Corée du Sud, l’Inde et le Mexique : ils représentent 90 % des crédits provenant des projets enregistrés. Lorsqu’on regarde la répartition des crédits qui seront générés par les projets maintenant en cours de montage, les mêmes pays restent en tête. Si on compare la part des crédits MDP potentiellement générés d’ici 2012 à la part des émissions de chacun de ces pays dans les émissions globales des pays non annexe 1, on voit que l’Inde, le Brésil, la Corée du Sud, et l’Argentine sont effectivement largement surreprésentés dans le MDP ; l’Inde par exemple va générer 20 % des crédits MDP d’ici 2012 alors qu’elle ne représente que 11,4 % des émissions des pays non annexe 1. La réponse à ces deux critiques est que le MDP est un instrument de marché. Il a été construit pour atteindre les réductions d’émissions les moins chères sur la base de projets privés. Les développeurs de projets s’intéressent en priorité aux projets dans les pays en développement les plus stables institutionnellement (pour limiter le risque) ou les pays et technologies qui représentent une forte proportion des émissions mondiales et donc un fort potentiel de réplicabilité. Le MDP est aussi critiquable sur le manque de transfert de technologie observé et l’absence de contribution au développement durable des pays hôtes. Or sur ce dernier point, les parties ont jugé qu’il était du ressort des pays en développement d’évaluer dans quelle mesure les projets correspondent à leurs critères de développement durable et de les accepter ou non. Ce principe du choix de développement de la part des pays concernés est important et doit être préservé : il est hors de question que les parties au protocole de Kyoto commencent à juger quels sont les « bons » projets pour les pays en développement. Il est essentiel à l’avenir que les gouvernements des pays en développement soient plus proactifs sur le choix des projets et sur la définition de leurs critères de développement durable. Le MDP est un succès quoique à double tranchant, car aujourd’hui il cristallise toutes les attentes et les intérêts : il subit des pressions contradictoires des ONG, des pays africains, des industriels... Les gouvernements doivent se préserver de la pression actuellement exercée par les milieux industriels pour rendre l’instrument moins contraignant. Il est essentiel de préserver l’intégrité environnementale du mécanisme en évitant le laxisme. Des incertitudes pèsent aussi sur l’avenir du MDP puisque sa pérennité après 2012 n’est pas assurée. Or, étant donné le temps de préparation d’un projet et la durée d’approbation des projets par le Conseil exécutif du MDP, certains craignent que l’intérêt des industriels pour le MDP diminue rapidement à moins qu’un signal de pérennité au delà de 2012 soit envoyé dans un futur proche. Cependant, il n’est pas dans l’intérêt des pays développés d’apporter de telles certitudes alors même que les négociations sur le post 2012 viennent juste d’être lancées. Mais, le MDP ne sera pas suffisant pour infléchir durablement les trajectoires d’émission des pays en développement. En ce qui concerne la proposition de mise en place de « MDP pour des politiques », les pays développés sont confrontés à un problème de fond : ils ne peuvent pas financer l’intégralité des politiques de développement dans les pays du Sud. Etant donné les montants en jeu, il faut à l’avenir imaginer des instruments innovants qui permettront aux pays du Sud de participer d’une façon accrue à l’effort commun de réduction. 11 3. Changements climatiques et transferts de technologies La réclamation d’une aide financière supplémentaire, la demande des transferts de technologies, et la forte défense du principe de souveraineté nationale sur l’exploitation des ressources naturelles sont autant de revendications qui marquent le discours du Sud dans les négociations sur les changements climatiques. Dans un contexte d’interdépendance des problèmes environnementaux et de pressions internes, les pays du Nord, quant à eux, cherchent à universaliser les régimes environnementaux qu’ils dessinent. Ils souhaitent surtout limiter la création de nouvelles institutions et rejettent les demandes d’aide financière supplémentaire à moins qu’ils n’en contrôlent l’utilisation. Ils tentent aussi d’imposer un sens des responsabilités commun. Dans la montée actuelle du débat sur les changements climatiques, il est clair que les pays développés comme les pays en développement cherchent à tirer le meilleur profit des négociations. Quel bilan peut-on maintenant tirer des mécanismes existants de coopération Nord - Sud, de leur efficacité et quelles perspectives se dégagent ? 9 L’utilisation des « mécanismes de flexibilité » doit être strictement encadrée L'efficacité environnementale, le caractère durable et la contribution à la solidarité Nord-Sud des projets MDP est souvent difficile à établir. On peut craindre que ces mécanismes ne favorisent que des projets motivés par des préoccupations de pur développement industriel et ne répondant pas aux besoins réels des communautés locales concernées : un nouveau commerce des gaz à effet de serre sur fond de fraude et de colonialisme risque de voir le jour. Le marché international des permis négociables pourrait ne pas répondre à ses objectifs. Mais les principaux risques encourus portent sur l’instabilité de tous ces niveaux systèmes dans leur phase actuelle de rodage. Cette instabilité, cette imprévisibilité est bien évidemment surtout préjudiciable aux pays en développement. L’ “air chaud” russe et l’injection continue des crédits d’émission MDP et MOC pourraient aboutir à court terme à un marché où les crédits carbone seraient maintenus à des prix très bas, incitant les pays industrialisés et leurs industries à acheter de tels crédits plutôt qu’à réviser leurs systèmes de production et leur mix énergétique nationaux. Cela constituerait un piège pour les Etats tentant d’échapper ainsi aujourd’hui à leurs responsabilités de réduction. Car, plus ils attendent, plus les mesures à mettre en œuvre lors des futures périodes d’engagement seront coûteuses. Le temps perdu ne se rattrape pas, sauf à consentir des efforts financiers considérables On redoute un autre effet pervers : que les investissements des Etats dans des projets MOC/MDP destinés à récupérer des crédits carbone se fassent au détriment de leur aide publique au développement, au lieu de la compléter. En 2005, les pays industrialisés auraient dû démontrer les progrès accomplis sur la voie des réductions d'émissions. Cette étape a posé problème puisque, comme on le constate déjà (dans l’Union Européenne notamment, où certains Etats membres, dont la France, peinent à respecter leurs engagements) voire où leurs émissions ne cessent de croître (Espagne). Lors de négociations du Protocole, les Etats ont finalement accepté le principe de mise en place d’un organe d’observance chargé de veiller aux engagements des pays. Pilier de l'efficacité de la Convention à long terme, cet organe d’une importance capitale, est malheureusement démuni de toute capacité effective de sanction. Le Fonds pour l'adaptation a pour objectif de contribuer au financement de programmes en faveur des communautés et des écosystèmes touchés par les changements climatiques. Le volet "changement climatique" du Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) est devenu un des principaux rouages financiers. A l'heure actuelle, un tiers de l’argent engagé par ce Fonds porte sur des projets concernant l'effet de serre. L'alimentation du Fonds se fait tous les quatre ans par des contributions volontaires des Etats ; ceci rend peu lisible et incertain le montant de sa reconstitution périodique. Mais, le principal problème du FEM tient dans le fait qu'il ne peut financer qu'une faible partie du coût des projets "propres" : il s'agit de leur coût additionnel qui, schématiquement, est le surcoût lié au volet environnemental du projet. Au final, ces fonds ne sont pas suffisants pour faire face à l'ampleur des dégâts constatés sur la planète. Il est nécessaire 12 d'accroître les fonds de solidarité et d’adaptation aux changements climatiques. L’aide publique au développement reste un recours indispensable. Autre difficulté : les enjeux en matière d'environnement devenant de plus en plus globaux, les conventions internationales et autres protocoles se multiplient : biodiversité, désertification, déchets dangereux, couche d'ozone…, mais, chaque convention reste isolée et des mesures sont prises sans cohérence avec les autres conventions, ce qui est une autre illustration de l’absence de gouvernance mondiale en matière d’environnement. 9 Les mécanismes mis en place dans le financement de la coopération Nord-Sud restent insuffisants Dans la coopération Nord-Sud sur les changements climatiques, la multiplicité des acteurs à l’œuvre est frappante. Il émerge que le système multilatéral est le plus efficace et reste incontournable à ce jour, d’où la nécessité de se pencher sur les institutions existantes dans ce domaine. Dans le système multilatéral, on remarque une multiplication des Organisations intergouvernementales oeuvrant dans le domaine de l’environnement. Les plus actives sont actuellement au nombre de 35. Elles comprennent celles rattachées au système des Nations Unies, certaines banques internationales de développement, des organisations indépendantes de l’ONU et certaines organisations régionales. A celles-là s’ajoutent toutes les organisations vouées à la gestion des ressources communes spécifiques : ressources halieutiques, lacs et cours d’eau... o Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) Le Fonds pour l’environnement mondial est la première organisation mondiale vouée au financement de la lutte contre les problèmes d’environnement à l’échelle du globe. Elle représente une structure de collaboration unique entre la Banque Mondiale et le système des Nations Unies. Depuis son lancement à l’initiative de la France et de l’Allemagne en 1991, il est devenu un important moyen d’intégrer les priorités environnementales d’ordre mondial dans les politiques nationales de développement. Il finance des projets dans les domaines des changements climatiques, de l’appauvrissement de la couche d’ozone, de la biodiversité, de la pollution des eaux internationales, de la désertification, des polluants organiques persistants ainsi que certaines activités intersectorielles. Il est le mécanisme financier de quatre conventions : climat, biodiversité, polluants persistantes et désertification. Le FEM fonctionne sur le modèle que la Banque Mondiale utilise pour ses propres projets. En 2002, quatre banques régionales de développement, auxquelles s’ajoutent le FIDA, la FAO et l’ONUDI sont également devenues des agences d’exécution du FEM. Depuis 1994, les structures du FEM ont évolué pour répondre aux critiques des pays en développement et des ONG qui les estimaient peu démocratiques. Il est gouverné par un conseil de 32 pays (14 pays développés, 16 pays en développement et 2 pays en transition) et possède son propre secrétariat. L’Assemblée du FEM, composée de 173 Etats membres, se réunit tous les trois ou quatre ans depuis 1998, et un groupe de suivi et d’évaluation a été mis en place sur la performance du fonds et des projets qu’il finance, ainsi qu’un groupe consultatif pour la science et la technologie (STAP) qui fournit des avis stratégiques au FEM et constitue une ressource d’expertise. o Le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement) Le PNUE est un organisme subsidiaire créé par l’ONU à laquelle il est rattaché. L’ONU assure son financement et le supervise par l’intermédiaire du Conseil économique et social (Ecosoc). Le PNUE n’est pas doté d’un mandat opérationnel, son rôle principal est de stimuler et de coordonner d’autres organisations internationales, de diffuser de l’information et d’aider les Etats à mettre en place des politiques d’environnement et à améliorer leur politique de développement durable. Ses activités se regroupent en trois catégories : évaluation de l’environnement, gestion de l’environnement (écosystèmes terrestres, technologies rationnelles, activités industrielles, océans et zones côtières et désertification), et mesures de soutien (information, éducation et formation, planification du développement, administration de l’environnement et le développement du droit international). Le PNUE a éprouvé des difficultés à s’imposer comme un acteur légitime auprès des organisations intergouvernementales et des gouvernements. Sa localisation géographique et ses faibles ressources ont présenté de grands handicaps. Malgré ses limitations, le PNUE a quand même eu quelques succès, car il a contribué de manière significative au développement du droit international et national de l’environnement. Le PNUE affronte néanmoins un avenir incertain et 13 son budget demeure négligeable. La création de la Commission du développement durable (CDD) a contribué à cette situation. Source : http://web.univ-pau.fr o La CDD (Commission du développement durable) L’AG de l’ONU en 1992 crée la CDD à la suite de la conférence de Rio, afin de superviser la mise en œuvre du programme d’action Agenda 21. Un des grands succès de la CDD a été de faciliter la pleine participation de la société civile à un forum de l’ONU. La CDD est le seul endroit où les acteurs pertinents peuvent identifier et débattre de l’intégration des trois piliers du développement durable, l’économique, le social et l’environnemental. Mais elle rencontre des obstacles dans ses actions, notamment des conflits avec d’autres organisations onusiennes ou non onusiennes (comme l’OCDE) ce qui ne lui permet pas d’examiner certaines questions en profondeur. Programme de travail de la CDD 2007-2017 2004-2005 Eau, problèmes sanitaires, établissements humains 2006-2007 Energie, développement industriel, pollution de l’air, changements climatiques 2008-2009 Agriculture, développement rural, sols, sécheresse, désertification, Afrique 2010-2011 Transports, produits chimiques, gestion des déchets, mines, modes de consommation durables 2012-2013 Forêts, biodiversité, biotechnologie, tourisme, montagnes 2014-2015 Océans et mers, ressources marines, petits Etats insulaires en développement, gestion des 14 catastrophes et de la vulnérabilité 2016-2017 Evaluation générale de la mise en œuvre de l’Agenda 21 et du Plan d’action de Johannesburg Source : Philippe Le Preste : « Protection de l’environnement et relations internationales-les défis de l’éco politique mondiale », Armand Colin, Editions Dalloz, 2005, page 85 9 L’engagement des pays en développement est nécessaire o Les engagements politiques Certains pays du Sud ont particulièrement été actifs au plan des propositions sur le changement climatique. Dés le début des négociations sur le climat, les pays de l’APEID (Alliance des petits états insulaires en développement) mené par le Vanuatu ont ainsi lancé la proposition de création d’un Fonds d’assurance financé par les cotisations obligatoires de tous les pays et qui serait destiné à dédommager les pays victimes des conséquences de la hausse du niveau de la mer. Ils jouent un rôle décisif dans l’émergence d’une conscience mondiale. Les pays du Sud se regroupent également dans les structures régionales et sous-régionales pour faire entendre leurs voix et leurs engagements. Il y a quatre types d’engagements principaux que le Sud peut mettre en place : des engagements de type politique, des engagements quantifiés et des engagements sur les émissions par habitant. Les engagements de type politique permettent des approches sectorielles (développement de l’accès à l’énergie et à l’électricité, qualité de construction, développement des énergies renouvelables, structuration urbaine…) ; Les engagements d’évolution des émissions calculés à partir des émissions par habitant, mais ils pénalisent les pays à plus forte croissance ; Les engagements quantifiés consistent à mettre en place une indexation des objectifs sur l’intensité carbone du PIB ; ils permettraient de fixer des objectifs aux grands pays émergents ; Et des mécanismes d’intéressement qui associeraient à la tenue d’objectifs de moindre croissance des émissions de gaz à effet de serre par les pays les plus pauvres, une rémunération financière via le marché international du carbone au prorata des réductions d’émissions obtenues au-delà de l’objectif fixé. o Les mécanismes spécifiques Pour aider les pays en développement à faire face aux impacts négatifs liés au réchauffement climatique, les pays du Sud au « Ministérial INDABA » (Conseil des Ministres et des chefs de délégation) en Afrique du Sud en juin 2006 ont proposé plusieurs mécanismes, dont l’assurance et le co-financement. Ces derniers sont appliqués soit au niveau national soit au niveau régional pour augmenter le volume des fonds disponibles. La proposition d’un Fonds pour l’acquisition multilatérale de technologie a également été faite durant ce conseil, avec pour objectif d’acquérir les droits de propriété intellectuelle et acquérir des technologies propres et privées à déployer dans les pays en développement. Les participants ont reconnu que les Gouvernements peuvent jouer un rôle important dans la création d’un environnement ouvert, en encourageant l’investissement du secteur privé par la voie des initiatives réglementaires ou politiques. Ce conseil ministériel a aussi proposé des activités d’adaptation dans le cadre de la coopération non seulement Nord-Sud mais aussi entre les pays du Sud, particulièrement dans le secteur des technologies. Des incitations positives ont aussi été discutées, à savoir la liaison entre les incitations et les marchés économiques, pour réduire les émissions dues à la déforestation dans les pays en développement ou l’incorporation de mesures incitatives dans les plans de développement public. Conclusion Au-delà de la polémique, la notion d’équité, à notre sens, oblige à transcender la division simplificatrice Nord/Sud selon laquelle il y aurait un Nord pollueur qui doit faire des sacrifices et un Sud victime qui resterait dans une position attentiste. L’équité suppose qu’à l’intérieur de ces deux grands blocs déjà, chacun prenne ses responsabilités. Ainsi au Nord par exemple, la récente prise 15 de position américaine, qui augure de son retour en scène dans cette lutte déclarée aux changements climatiques, est un signe encourageant. Au sud, il est souhaitable qu’à l’instar de ce qui se passe au sein de l’Union européenne par exemple, le G77 et la Chine instaurent plus d’équité, notamment à travers une plus grande prise de responsabilité des pays émergents vis-à-vis des Pays les moins avancés. A cet égard, l’ouverture affichée par la chine et l’Inde est un exemple encourageant, qui montre leur bonne disposition à collaborer dans la lutte à condition que les Etats-Unis donnent le ton. Un rapprochement semble donc se dessiner dans les rapports Nord/Sud en matière de lutte contre les changements climatiques. C’est celui de l’urgence de bâtir un monde où les rapports entre les plus nantis et les plus pauvres du passé évolueraient et seraient fondés sur des principes de solidarité, d’égalité et de démocratie. L’inégale répartition des richesses, loin de faire le bonheur des uns, montre chaque jour qui passe qu’elle est source d’enlisement pour tous. Dans un monde globalisé, la maison du voisin qui brûle est l’affaire de tous. La lutte contre les changements climatiques est bien à ce titre l’affaire de tous. Dans ce combat d’essence planétaire, les pays pauvres ont aussi leur place. Mais il est impossible d’espérer un effort collectif de l’humanité vers un mode de vie plus sobre sans au préalable une réelle réduction des inégalités. On sait en effet que « ventre affamé n’a point d’oreilles », c’est-à-dire que la misère éloigne des préoccupations environnementales. Demander à des populations qui vivent sous le seuil de pauvreté de renoncer à la déforestation alors qu’elle est leur unique moyen de se chauffer et de se procurer des moyens de subsistance est illusoire. Il semble indécent et inefficace de demander des efforts de modération à des habitants des régions du monde en difficulté qui, dans leur immense majorité, émettent chaque année 10 fois moins de carbone que ceux des pays de l’OCDE par exemple. Le seul scénario acceptable pour la planète semble être un développement rapide des pays du sud. Mais ce développement par définition durable ne doit plus être calqué sur le modèle du nord. Il doit être adapté pour être moins polluant. Mais parce qu’il doit être moins polluant, il sera nécessairement plus coûteux pour ces pays sinon inaccessible au regard de la faiblesse des capacités de ceux-ci à intégrer la gestion des risques climatiques dans leur processus de développement. Et c’est là l’enjeu de la coopération future entre le Nord et le Sud : il ne s’agira plus comme par le passé de consacrer des crédits à n’importe quel type de développement. Les fonds doivent en effet être consacrés à des projets aux critères écologiques rigoureusement définis. L’objectif étant de contribuer dans ces pays à promouvoir une agriculture durable, à renforcer les modes de production et les marchés locaux, à lutter contre l’effet de serre et à encourager la conservation de la diversité biologique. Bref, la coopération à venir devrait se traduire par un appui du nord au sud à travers les technologies les plus économes issues des pays industrialisés, et qui permettraient ensuite un rythme de développement mondial fonction des ressources et des technologies disponibles. Mais déjà, les pays du sud doivent au-delà de cette nécessaire solidarité prendre résolument en mains leur destin en comprenant qu’ils seraient les premières victimes de tout emballement climatique et que l’effort à entreprendre aujourd’hui, aussi coûteux soit-il, leur sera bénéfique à long terme. Bibliographie 1- Philippe Le Preste, « Protection de l’environnement et relations internationales-les défis de l’écopolitique mondiale », Armand Colin, Editions Dalloz, 2005 ; 2- Pierre Radanne, « Initiative climat et développement de la francophonie- vers un scénario gagnant pour les pays en développement dans la négociation climat » Synthèse et enseignements de l’atelier de Paris d’avril 2007 ; 3- « Quel avenir pour le Protocole de Kyoto ? » Réseau Action Climat France, le 10 février 2005 ; 4- « Living with Global Warming, » Newsweek, special double issue, le 16-23 avril 2007; 5- « Equity in climate change the great divide », Benito Müller, Oxford Institute for Energy Studies, 2002; 6- Rapport du colloque “Ministerial Indaba on Climate action”, South Africa, 27/06/2006 ; 16 7- IPCC 2nd Regional experts’ meeting on “development equity and sustainability”, Havana, Cuba, 23-25 February 2000; 8- “Contraction and convergence” and the changing climate”, David Chaytor MP, Chair Globe UK Royal Commission on Environmental Pollution, 16/06/2006 ; 9- « Etat des négociations à venir sur le changement climatique, introduction au séminaire de Montréal », mars 2004 ; 10- « Effet de serre : la voix d’un septique », Les Echos du 18/04/2007 ; 11- « Contraction and Convergence » and the changing climate » report of the UK Royal Commission on Environmental Pollution (RCEP) of June 16, 2006; 12- “Effet de serre: la voix d’un sceptique”, entretien dans le journal Les Echos de mercredi, 18 avril 2007 ; 13- “L’Energie et le Changement Climatique,” Document de travail du Conseil Mondial de l’Energie, publié dans le cadre du matériel disponible lors du 19ème Congrès Mondial de l’Energie de Sydney, septembre 14- Sites web : www.mediaterre.org Web.univ-pau.fr 17