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ceo* Le magazine des décideurs. juin/août 2004 La Russie, puissance économique. De nouveaux leaders. Une nouvelle solidité. Kuoni. Comment tirer une nouvelle force des crises. Récit d’une navigation. Christian Eschler AG. La maille futée. Ou quand la concurrence rend inventif. Grand Hôtel Victoria-Jungfrau. Le bien-être se mesure. Le succès aussi. Éditeur: PricewaterhouseCoopers SA, magazine ceo, Stampfenbachstrasse 73, 8035 Zurich Rédacteurs en chef: Alexander Fleischer, [email protected], Franziska Zydek, [email protected] Directeur de la création: Dario Benassa, [email protected] Concept, rédaction et conception: purpur ag, publishing and communication, Zurich, [email protected] Photos: titres Tesarek/laif, page 3 Bertschi, page 5 Russland Biskup/laif, page 13 Schulze, page 42 Pache Lithographie: CMS Sticher AG, Impression: Sticher Printing, Lucerne Copyright: magazine ceo PricewaterhouseCoopers. Les opinions exprimées par les différents auteurs ne correspondent pas forcément à celles de l’éditeur. Le magazine ceo paraît trois fois par an en français, en allemand et en anglais. Tirage: 40 000 exemplaires Commande d’abonnements gratuits et changements d’adresse: [email protected] Les effets de la réglementation croissante concernent aussi bien nos clients que notre secteur d’activité. Nous devrions donc tous ensemble nous mobiliser pour que les mesures de réglementation n’entravent pas la croissance de l’économie suisse. Markus R. Neuhaus, Administrateur-délégué PricewaterhouseCoopers, Suisse Vous avez entre les mains le premier numéro de notre nouveau magazine ceo. Le concept a été revu et adapté à l’évolution des besoins de nos lecteurs: à l’avenir, le contenu s’adressera aussi davantage à tous ceux qui ont directement à faire avec le patron, en particulier le conseil d’administration et les cadres supérieurs d’une entreprise. Dans notre forum, des personnalités de premier plan s’exprimeront régulièrement sur des sujets d’actualité. Il s’agit cette fois des interactions entre «créativité et contrôle». Le contrôle revêt une importance croissante, y compris dans notre secteur, car nous y observons une évolution fulgurante dans le domaine de la réglementation. Les effets de cette réglementation concernent aussi bien nos clients que notre secteur d’activité. Nous sommes convaincus qu’en Suisse, les entreprises et les sociétés d’audit et de conseil ont un intérêt commun dans le bon fonctionnement du marché des capitaux. C’est pourquoi nous devrions tous ensemble nous mobiliser pour que les mesures de réglementation créent des conditions de base fiables sans entraver simultanément la croissance de l’économie suisse. Pour ouvrir le débat, j’aimerais vous présenter les positions de PricewaterhouseCoopers à propos de la réglementation de l’économie. La croissance reste au premier plan des préoccupations Une réglementation supplémentaire de l’économie doit agir sur le marché des capi- taux comme sur celui des ventes et de l’approvisionnement de manière à créer la confiance. Une réglementation décidée dans son propre intérêt ou comme sanction est nuisible. Pas de croissance sans confiance dans le marché des capitaux Pour connaître l’expansion, les entreprises ont besoin du marché des capitaux au sens large du terme. Ceci est valable pour les PME comme pour les grandes entreprises. En règle générale, les investisseurs et autres partenaires importants ne peuvent pas se faire directement une idée du soin avec lequel leurs capitaux sont gérés ou leurs relations commerciales entretenues. C’est pour cette raison que la confiance joue un grand rôle. La confiance se mérite par les preuves de résultats apportées par la direction de l’entreprise. Cependant, elle est aussi assortie de règles du jeu dont le respect est vérifié et évalué. Le travail des auditeurs est un autre maillon important de la chaîne des mesures instaurant la confiance. Au cours des trois dernières années, nous avons vu combien a souffert la confiance accordée à l’économie et combien étaient nécessaires d’autres mesures instaurant la confiance. Les actionnaires et d’autres groupes de pression demandent aujourd’hui aux sociétés de faire davantage pour étayer la crédibilité des informations qu’elles transmettent. La transparence crée un climat de confiance L’économie suisse vit dans une large mesure du commerce international. Les règles qui ont été adoptées en Suisse doivent donc pouvoir supporter la comparaison internationale. Cependant, même des règles détaillées ne servent à rien si le comportement d’un acteur est guidé par un manque d’intégrité. Une intégrité manifeste, une plus grande disposition à la transparence et à la traçabilité, ainsi que la reconnaissance de la nécessité de rendre des comptes au marché des capitaux constituent un investissement gage d’économies futures. L’auditeur porte une responsabilité Le fait est que là où la réglementation oblige l’auditeur à des tâches supplémentaires, celles-ci ne peuvent être accomplies qu’au prix d’un supplément de temps passé. L’excès de réglementation existant aux EtatsUnis signifie, pour nous également, des coûts supplémentaires lourdes à supporter. En tant que numéro un de notre branche, nous militons activement en faveur d’une simplification du contrôle des PME suisses, qui ne peut que servir la croissance de l’économie suisse. Notre ambition est d’occuper la position de leader du secteur également dans le développement et la mise en œuvre intelligente de technologies et de méthodologies, et de parvenir ainsi à une amélioration constante de notre efficacité. Nos prestations doivent présenter le maximum d’avantages pour nos clients. Markus R. Neuhaus ceo/éditorial 03 Leader. Pourquoi les hôtes se sentent-ils mieux traités au Grand Hôtel VictoriaJungfrau d’Interlaken que dans d’autres établissements de premier ordre? Rosmarie et Emanuel Berger, directeurs, s’expriment sur la mesurabilité du bien-être et le Total Quality Management. 46 expertise pwc Transmission d’une entreprise. Remettre à temps, entre de bonnes mains, l’œuvre de toute une vie constitue un véritable défi. 27 Trend. Des voitures plus rapides, des ordinateurs plus performants, des chaînes de télévision dont le nombre ne cesse d’augmenter: que faire avec tout cela? Gerhard Schulze, professeur de sociologie, propose, simplement, de respirer à fond… 12 Imposition de produits financiers structurés. Comment éviter que le fisc frappe encore après la survenance d’une perte. 30 La place fiscale suisse. Quand il se justifie, pour un Suisse fortuné, de consulter un conseiller fiscal. 32 Cinq minutes pour apprendre. Bâle II, Leveraged Buy Out, Fairness Opinion, délits économiques et PCAOB. 33 Des recettes à succès pour transactions M&A. Garder sous contrôle les points critiques dans chaque phase de la procédure. 34 Evénements, études et analyses. Abonnements et adresses. Comment accéder au savoir de nos experts. 37 Business en Russie: un rapport sur le difficile chemin qui conduit du communisme au capitalisme. Interlocuteurs: Oleg Kiselev, président de la banque d’investissement Renaissance Capital, et Alexander Abramov, PDG du groupe sidérurgique EvrazHolding. 38 PricewaterhouseCoopers Global. Collaboration avec le Global Fund: lutte contre la malaria au Burundi. 50 ceo1/04. juin/août sommaire Forum1. Thomas Held, Avenir Suisse, sur le thème de la créativité et du contrôle. Pourquoi la crise menant à plus de productivité dans les entreprises ne conduit pas forcément à des réformes dans le domaine politique. Forum2. Peter Wüst, Valora, sur le thème de la créativité et du contrôle. Pourquoi l’une des tâches les plus importantes du patron consiste à créer un climat créatif à tous les niveaux de l’entreprise. Forum3. Franziska Tschudi, Wicor Holding, sur le thème de la créativité et du contrôle. Pourquoi des erreurs, si elles sont corrigées à temps, peuvent déclencher une poussée créative. 06 08 10 Christian Eschler AG. Que faire si l’on veut survivre là où d’autres ferment? Avoir toujours une longueur d’avance! Peter et Alex Eschler s’expriment sur les niches globales, la flexibilité et la stratégie de succès de leur entreprise textile d’Appenzell. Kuoni. Terrorisme, guerres, débâcle de Swissair et maladies sont sources de stress dans le monde des vacances. Comment Hans Lerch, le patron, et son équipe ont profité du marasme pour développer de nouvelles visions et lancer une offensive massive. 14 20 ceo/sommaire 05 forum1. créativité et contrôle Thomas Held, directeur d’Avenir Suisse: La crise qui mène à plus de productivité et de croissance dans le monde de l’entreprise ne déclenche pas impérativement des réformes libérales dans le domaine politique. Depuis le 1er janvier 2001, Thomas Held, 58 ans, est directeur d’Avenir Suisse, Think Tank for Economic and Social Development. La génération précédente a vu une grande partie du monde occidental confrontée au diagnostic de stagflation. En Angleterre, Margaret Thatcher avait engagé un tournant pour plus de marché et de compétition qui a amorcé la plus longue période de croissance des temps modernes. Un commentaire du «Frankfurter Allgemeine Zeitung» intitulé «Angela Thatcher» le rappelait récemment. En dépit de leur expérience, beaucoup placent leurs espoirs dans les «policy angels» pour les sortir du blocage des réformes soumises aux défis du bouleversement démographique et de la mondialisation. Depuis le 10 décembre 2003, la Suisse ellemême espère ces «nouveaux politiciens». En collaboration avec Avenir Suisse, l’économiste Thomas Straubhaar a récemment décrit dans son ouvrage «L’économie de la réforme» (Ökonomik der Reform) les exigences envers ces nouveaux politiciens qui doivent tout d’abord briser le «corset du consensus» au début du processus de réforme. Ils doivent (1) créer les conditionscadres pour ouvrir une brèche donnant à chacun plus de liberté d’action et de responsabilité, (2) rechercher un bénéfice politique dans les innovations plutôt que dans le maintien des structures établies, (3) remettre leur propre position en jeu pour imposer ces réformes et générer ainsi la crédibilité vis-à-vis du public. 06 ceo/forum Les politiciens de cette trempe n’ont jamais été légion. Et le système suisse de concordance et d’égalisation est conçu justement pour empêcher ce type d’élan créateur. Quoi qu’il en soit, les processus créatifs de la politique et de l’économie ne peuvent être comparés que dans une certaine mesure. Dans le monde de l’entreprise, le processus de «destruction créatrice» génère de nouvelles créations d’entreprises, tandis que d’autres acteurs du marché disparaissent. Richesse et emploi sont perdus. Mais seule cette joute impitoyable permet de créer de nouvelles richesses et des emplois à plus long terme. La créativité d’entreprise crée ce que les contrôles nationaux n’obtiendront jamais par la protection, l’intervention et la subvention. Ce qui est une énorme chance pour le gagnant est une catastrophe pour le perdant – mais seulement dans l’intervalle considéré. La prochaine fois, tout sera différent. Cependant, cette «destruction créatrice» ne doit pas se propager à l’Etat: celui-ci ne peut ni ne doit disparaître. Au pire, il glisse dans la crise ou se fige. Quand bien même l’obstacle aux réformes semble extrêmement élevé, les intérêts privés triomphent sur l’intérêt économique commun à la compétition. Les instances nationales n’ont aucun intérêt à s’amputer elles-mêmes. Il en résulte une augmentation permanente des tâches et des dépenses de l’Etat et – en cas de stagnation de la croissance – une part plus importante de contribution fiscale au produit intérieur brut. La crise menant à une «destruction créatrice» dans le monde de l’entreprise, à des bonds de la productivité et à une croissance plus élevée ne déclenche donc pas automatiquement des réformes libérales dans le domaine politique. Malgré les exemples de réussite en Angleterre, en Finlande, au Danemark, en Suède notamment, les réactions tendent aujourd’hui, dans les principaux pays européens et surtout en Suisse, à un renouveau de contrôle portant des titres avantageux tels que «primauté de la politique» ou «service public». La forme la plus dangereuse de ce contrôle est le protectionnisme. Mais il convient de ne pas sous-évaluer non plus l’intervention, petite sœur du protectionnisme: dès qu’un «problème» surgit, on exige l’intervention de l’Etat et, si possible, on demande une loi. L’illusion de plus de sécurité par une meilleure réglementation ne s’harmonise pas avec l’idée fondamentale de la «destruction créatrice». Le souhait illusoire de toujours tout contrôler conduit non seulement à des coûts inacceptables mais limite surtout de plus en plus la créativité sociale et politique. Actuellement, dans le contexte mondial, les indicateurs oscillent plutôt en faveur du contrôle que de la créativité. On peut difficilement modifier cette tendance. Mais c’est justement la raison pour laquelle nous devons veiller à ce que, dans le domaine politique, facile à influencer, et surtout en politique économique, la réglementation – et l’excès d’autoréglementation! – ne soit pas jugulée, de sorte que le potentiel de créativité déjà menacé ne soit pas davantage réduit. Photo: Mathias Braschler forum2. créativité et contrôle Peter Wüst, PDG de Valora: La créativité sans contrôle ne fonctionne pas. Et le contrôle sans créativité est la mort d’une société. Il appartient donc au patron de créer des structures pour les processus créatifs – et de canaliser les idées sur l’objectif visé. En 2003, Peter Wüst, 51 ans, est devenu responsable du secteur Sourcing & Marketing du groupe Valora et a été nommé président de la direction la même année. Avec 12 220 employés dans 14 pays, l’entreprise bernoise a réalisé en 2003 un chiffre d’affaires de plus de 3 milliards de francs et fournit 1,5 million de clients par jour. La créativité est toujours payante. Toutefois, la faisabilité de chaque idée doit être vérifiée afin de pouvoir l’appliquer pour le bien de la société: en définitive, l’innovation doit augmenter le chiffre d’affaires. Pour assurer le succès à long terme d’une entreprise, il est essentiel d’inventer et de modifier les processus dans tous les domaines et de les appliquer de manière créative. Je prends personnellement beaucoup de plaisir à tester les nouveautés et à considérer les choses sous tous les angles. Les workshops «incubateurs» d’idées nouvelles m’ont permis de recueillir de nombreuses expériences positives au cours de ma carrière. On invite des professionnels, des individualistes, des fournisseurs et des profanes à une réflexion commune pendant quelques jours: qu’est-ce qui n’existe pas encore? Comment peut-on améliorer ce qui existe déjà? Que souhaitent vraiment les clients? Dans notre secteur par exemple, la branche kiosque, nous avions sous-évalué le potentiel des prestations de service électroniques et nous avons dû faire face à l’urgence de développer des nouveautés présentant des 08 ceo/forum avantages décisifs pour la clientèle. Nous avons abordé le thème sur plusieurs fronts et invité des groupes internes et externes de compositions différentes, dont un groupe de jeunes de 14 ans, à développer des idées sur ce thème. Des suggestions applicables en sont sorties et nous pourrons à l’avenir offrir plus de services électroniques via notre propre réseau de points de vente, et donc élargir notre offre de marchandises et de prestations. Cette année, nous abordons aussi notre plan d’activité sous deux angles: conventionnel et créatif. Le plan d’activité sera établi selon les règles habituelles dans l’équipe traditionnelle. Parallèlement, nous avons invité dix jeunes collaborateurs à développer leur vision de l’avenir de notre entreprise dans le cadre d’un groupe de travail. Finalement, nous comparerons le plan d’activité classique avec les idées des jeunes talents et nous prendrons le meilleur des deux mondes. Nous espérons ainsi créer de nouvelles impulsions – voire, dans l’idéal, de véritables innovations. Bien sûr, les idées générées doivent être analysées en termes de faisabilité et de coûts. En règle générale, sur cinq propositions exploitables, seules deux sont véritablement réalisables. Nous sommes parfois surpris de leur simplicité: par exemple, nous avons constaté que pratiquement personne ne comprend le mode d’emploi de son appareil photo numérique. Face à ce constat, nous proposons désormais des cours d’utilisation de ce type d’appareil – avec beaucoup de succès. En Finlande, nous avons développé un concept permet- tant de fabriquer soi-même des timbres avec ses propres photos par un procédé électronique et de donner ainsi une note personnelle à sa correspondance. Ce procédé est agréé par l’Etat et souvent utilisé par les firmes comme élément de Corporate Design, par exemple. Une idée un peu folle mais, malgré tout, réalisable, ce qui prouve que beaucoup de choses sont possibles! Je suis convaincu que la créativité peut surgir à tout moment et partout. Pas seulement dans les workshops mais à tous les niveaux de la hiérarchie, dans tous les services d’une société. De nombreux collaborateurs – des personnes possédant des connaissances professionnelles et un don d’observation – ont des idées remarquables dans leur domaine. Ils doivent prendre conscience de l’importance d’exprimer ces idées. La routine rend parfois difficile le transfert de motivation. Il faut que les supérieurs hiérarchiques soient à l’écoute et sans préjugés. Parfois, de bonnes idées se perdent car un supérieur s’est considéré comme le garant des traditions. C’est un grand risque car une entreprise qui ne génère aucune nouveauté pourra difficilement conserver ses clients, sans parler d’en acquérir de nouveaux. L’une des tâches principales de la direction consiste à créer un climat propice à une culture créatrice. Photo: Mathias Braschler forum3. créativité et contrôle Franziska Tschudi, PDG de Wicor Holding AG: Un chef d’entreprise qui présente chaque jour une idée nouvelle surmène son équipe. Inversement, s’il réduit sa fonction à un simple contrôle, il démotive son personnel et conduit son entreprise à la stagnation. Appartenant à la 4ème génération, Franziska Tschudi, 45 ans, dirige l’entreprise familiale Wicor (groupe Weidmann) avec 3700 employés environ et 450 millions de francs de chiffre d’affaires. L’entreprise, leader dans le domaine de l’isolation haute tension pour la construction de transformateurs, a son siège social à Rapperswil et des filiales dans le monde entier. En fin de compte, les nouvelles idées se mesurent à leur succès sur le marché. Le travail débute avec l’innovation. Je comprends le contrôle au sens anglosaxon de «controlling» – c’est-à-dire non seulement surveiller, mais diriger. Les nouvelles idées et leur «controlling» sont tous deux nécessaires. Moi-même, je ne suis pas très créative. Les gens et leurs interactions m’intéressent. Je sais négocier et je suis ouverte aux innovations. Je ne recule pas devant les décisions, je fais volontiers évoluer les choses et préfère être le moteur et l’initiatrice qu’une simple accompagnatrice. Ma tâche est de permettre la créativité et de l’encourager. Nous travaillons avec des équipes internationales de spécialistes dans lesquelles non seulement diverses nationalités doivent cohabiter, mais aussi différents caractères. C’est comparable à une équipe sportive: un coach ne peut 10 ceo/forum pas lui-même marquer les buts. Il doit faire des joueurs des éléments d’équipe et leur attribuer les positions adéquates pour avoir du succès. Appliqué à notre business, cela signifie être plus rapide que les autres et mieux contrôler les coûts. Le moment où la question de la rentabilité des innovations est posée est décisif. Trop tôt, je tue les bonnes idées. Trop tard, cela coûte cher. Cet exercice permanent de haute voltige constitue ma responsabilité. Dans une firme comprenant de nombreux techniciens, il faut ajouter que la communication est souvent oubliée et notamment le transfert des connaissances. Pour y remédier, nous organisons non seulement des groupes de travail institutionnalisés mais aussi des endroits informels où les échanges sont possibles. Dans notre entreprise, les hiérarchies sont peu marquées, ce qui facilite beaucoup de choses. Notre site suisse ne possède pas de système de propositions primées. La réflexion fait partie du travail. Nous posons les jalons lors du choix du personnel. Les innovations ne sont pas l’apanage des départements high-tech et développement, mais doivent également exister en assurance qualité ou dans le domaine des finances. Notre firme n’existerait pas depuis de nombreuses décennies sans un développement permanent. Nous sommes sous-traitants et nous devons offrir à nos clients de nouveaux composants de matière synthétique ou systèmes d’isolation là où ils les réclament – et ce avec des processus optimisés. Là aussi, la créativité est nécessaire. Actuellement, nous créons deux nouvelles usines dans le domaine de la technologie du plastique pour l’industrie automobile, en Allemagne et aux Etas-Unis. Les gros clients désirent nous avoir sur place. Les délais sont très courts. Des erreurs peuvent se produire. C’est inévitable. J’accepte les erreurs. Cette tolérance est primordiale car souvent les erreurs sont source d’élan pour les nouveaux développements indispensables. Ce qui importe, c’est de les reconnaître rapidement et de les corriger en allant de l’avant. Simultanément, nous devons être en mesure de gérer nos ressources humaines et financières. C’est la raison pour laquelle nous coopérons avec des concurrents. Ainsi, nous pouvons unir nos forces. Une collaboration génère souvent de meilleurs résultats – elle motive et stimule à la fois. Dans le domaine de la technologie médicale, nous avons la chance de fournir en systèmes une grande firme pharmaceutique avec un de nos partenaires et concurrents. Il est impossible d’appliquer toutes les innovations que nous concevons. Tant que cette situation durera, je ne me fais aucun souci pour notre entreprise. La difficulté surgit uniquement du manque d’idées. Photo: Christian Schnur ceo/forum 00 trend. Objectif atteint. Que faire ensuite? Des voitures plus rapides, des ordinateurs plus performants, des chaînes de télévision dont le nombre ne cesse d’augmenter. La spirale du «toujours plus» qui caractérise notre époque nous entraîne continuellement vers de nouveaux superlatifs. La question qui se pose est alors: que faire avec tout cela? Le professeur Gerhard Schulze1 propose, simplement, de respirer à fond… Interview: Belinda Grace Gardner Gerhard Schulze, sociologue allemand et auteur de best-sellers, a observé chez l’homme, individuellement, un besoin accru d’expériences personnelles vécues avec intensité. Dans ce cadre, nous privilégions aujourd’hui la qualité de certaines rencontres exceptionnelles plutôt qu’une quantité excessive de sollicitations. Le professeur, qui enseigne à Bamberg, nous parle de cette ébauche de mutation sociale et de ses conséquences. ceo: Professeur Schulze, dans votre bestseller «La société événementielle» vous avez décrit la conscience de vivre telle qu’elle existait avant le changement de millénaire. Comment cette période apparaît-elle aujourd’hui? Gerhard Schulze: La société événementielle des années 90 a engendré un modèle que l’on peut qualifier de «rationalisation de l’ex- 1 Le professeur Gerhard Schulze, né en 1944, a fait ses études à Munich et à Nuremberg et enseigne à Bamberg. Schulze exerce également une activité de conseiller auprès de groupes industriels, de partis et d’autres organisations. Dans son livre «Die beste aller Welten» (Le meilleur des mondes possibles), le sociologue se penche sur la manière dont la société va évoluer au 21ème siècle. Dans «Die Erlebnisgesellschaft» (La société événementielle), il a analysé la conscience de vivre des années 80 et 90. 12 ceo/trend périence». On croyait pouvoir augmenter l’intensité de l’expérience subjective de la même manière que l’on améliore le fonctionnement des machines ou la capacité de rendement des surfaces agricoles. Un tel mécanisme d’augmentation est très perceptible à la télévision, où les prises de vue sont cassées en séquences toujours plus courtes, avec des changements de perspectives de plus en plus rapides, pour offrir au public le maximum d’expériences dans le minimum de temps. Quelle est pour vous la conséquence de cette ivresse de la vitesse? Nous nous rendons compte maintenant très clairement que la vie intérieure de l’homme ne fonctionne pas selon les critères auxquels nous a habitués le monde technologique, dans lequel on peut être certain d’arriver à ses fins en ayant recours à tel ou tel moyen. Notre attitude par rapport aux voyages, par exemple, révèle cette nouvelle prise de conscience: de plus en plus d’individus en arrivent à la conclusion que ce n’est pas nécessairement en entreprenant des voyages toujours plus lointains vers des destinations toujours plus extrêmes qu’ils augmenteront leur expérience, mais que jeter un regard depuis son balcon constitue déjà une expérience pleine d’intensité. La question n’est pas tellement ce que l’on regarde, mais bien plus la façon dont on regarde. Ceci reflète un changement progressif du mode de pensée de l’homme. Voyez-vous des parallèles avec la situation économique stagnante de nombreux pays? En général, dans les pays industrialisés, on observe un net ralentissement de ce que l’on appelle la croissance: s’il en allait autrement, cela conduirait à des situations parfaitement absurdes. Nous distinguons déjà, aujourd’hui, les excès de la diversification toujours plus grande dans l’industrie cosmétique, par exemple. On va jusqu’à proposer des lotions capillaires pour différentes tranches d’âge. Sans parler bien sûr de l’informatique et des télécommunications: les logiciels sont surchargés de fonctions jamais utilisées. Des téléphones portables si petits qu’il devient presque impossible de téléphoner avec arrivent sur le marché. L’augmentation de l’offre est souvent devenue en contradiction manifeste avec l’accroissement des avantages pour les consommateurs. A votre avis, la spirale de la croissance s’est-elle freinée d’elle-même? Les sociétés industrialisées sont sur la voie de la croissance depuis très longtemps déjà. Il est donc de plus en plus difficile de maintenir cette dynamique au même niveau, car certains objets sont tout simplement allés déjà très loin dans leur évolution, voire arrivés au terme de cette évolution. «Nous vivons à une époque où il existe deux axes complètement différents pour penser, agir et trouver ses objectifs. L’axe du «pouvoir», offrant toujours plus de choix d’actions, et celui de l’«être», où il s’agit de se comporter de manière judicieuse dans le cadre des possibilités offertes.» Et qu’attendez-vous pour la suite? Si la croissance cesse progressivement d’être l’objectif principal d’une société, se pose alors la question: existe-t-il d’autres objectifs tout aussi importants pour nous? A l’époque où nous vivons, il est manifeste qu’il existe deux axes complètement différents sur lesquels se place l’homme pour penser, agir et trouver ses objectifs. L’axe du «pouvoir», de ce que l’homme peut accomplir, offrant toujours plus de choix d’actions, et celui de l’«être», où il s’agit de se comporter de manière intelligente et judicieuse dans le cadre des possibilités offertes. Qu’est-ce que cela signifie concrètement? Dans la pratique, cela s’exprime d’une manière très variée selon les secteurs. Pensez, par exemple, à l’évolution du secteur automobile au cours du 20ème siècle. Au début, le produit fabriqué faisait certes sensation, mais il présentait encore de très nombreux défauts. Aujourd’hui, les voitures ne rouillent plus et elles peuvent rouler beaucoup plus vite que ne le permettent les conditions de circulation et la vitesse de réaction des conducteurs. Il existe encore d’autres potentiels de croissance, notamment en matière d’efficacité énergétique, mais il viendra un moment où, là aussi, la limite aura été atteinte. Avec un tel produit, ce qui importe avant tout maintenant – et ce changement est très perceptible actuelle- ment dans le paysage automobile – c’est le confort de la voiture, le plaisir de la conduite, l’expression de son identité personnelle au travers de son véhicule, l’esthétique. Il s’agit d’un mode d’utilisation de la voiture qui n’est pas centré sur ses performances extérieures, mais sur la possibilité offerte à chaque individu de profiter intrinsèquement de sa voiture. Si la façon d’être de l’homme dans sa voiture devient peu à peu plus importante que les capacités de son véhicule, le constructeur sera dans l’obligation de se préoccuper autrement des individus pour lesquels il fabrique ses produits. Cela veut-il dire que les objets eux-mêmes prennent une nouvelle dimension? C’est parfaitement évident dans la perception des clients. De nos jours, ils ne s’enquièrent plus des avantages objectifs d’une voiture, devenus naturels, mais vont plutôt l’examiner pour déterminer si elle déclenche en eux une réaction subjective, s’ils se sentent bien dans cette auto. Aujourd’hui, ce que recherche intellectuellement l’homme, c’est manifestement une forme d’esthétique, que la notion de «rencontre» décrit sans doute le mieux: la rencontre d’une œuvre et d’un observateur individuels. Cette idée peut être reprise pour tous les produits de consommation: mieux se passe la rencontre, plus il est possible de réussir à faire du produit, même de masse, un objet tout à fait personnel. Qu’est-ce que cela signifie pour l’avenir? Imaginez une sorte de système de coordonnées avec deux axes. Dans ce système, tout ce que vous faites, les objectifs que vous vous fixez, sont proches soit de l’axe du pouvoir, soit de l’axe de l’être. L’une des tâches décisives de notre époque consiste à reconnaître le caractère bidimensionnel du pouvoir et de l’être. Ce caractère bidimensionnel concerne aussi bien le fabricant d’un produit que les clients auxquels il est destiné. Le fabricant doit tenir compte du fait que ses clients souhaitent tirer un certain avantage objectif de son produit, mais veulent aussi le rencontrer de façon subjective. «Pouvoir» et «être» se conditionnent-ils mutuellement? L’homme est fait pour exploiter les deux concepts: créer des possibilités et en tirer parti. Il serait donc aberrant de dire: l’époque du pouvoir est révolue, ne nous en préoccupons plus dorénavant. Le pouvoir sans l’être est absurde, et l’être sans le pouvoir est tout simplement impensable. ceo/trend 13 La maille futée. Ou quand la concurrence rend inventif. En Asie orientale, on produit pour 70 centimes de l’heure. Un secteur entier délocalise. Que faire si l’on préfère rester en Suisse? L’entreprise textile Christian Eschler AG, située dans le canton d’Appenzell, montre la voie. 00 ceo/eschler Depuis 1996, les deux frères Peter (à g.) et Alex Eschler dirigent l’entreprise Christian Eschler AG. ceo/eschler 15 Les ateliers de broderie et de bonneterie ultramodernes de Münchwilen. En dépit du parc de machines high-tech, de nouveaux emplois ont pu être créés. Texte: Bernhard Raos Photos: Roth & Schmid C’est un rien d’étoffe arachnéenne, douce et agréable au toucher. Peter Eschler en est légitimement fier: «Ces dernières années, ces fonds à broder sont, en quelque sorte, devenus notre nouvelle économie textile», dit, en faisant glisser un tube de tissu très fin entre ses doigts, le copropriétaire et responsable du marketing de Christian Eschler AG, dont le siège social se trouve à Bühler. C’est avec des fonds à broder made by Eschler que des marques de lingerie tendance comme Chantelle, La Perla et Triumph confectionnent leurs luxueux tangas, strings, soutiens-gorge et bodies. Luxueux égale onéreux, et une part de ce rentable gâteau revient donc aussi au fabricant de tissus. Mais quelle recette se cache derrière un tel article de grande diffusion pour qu’il soit encore produit en Suisse, pays où les coûts sont au plus haut? Un pays où les entreprises textiles doivent fermer les unes après les autres (voir l’encadré en page 18)? La réponse de Peter Eschler est simple: «Il faut 16 ceo/eschler innover et, sur ce marché de niche, avoir un volume de production suffisant pour s’y retrouver.» L’innovation, dans les fonds à broder, c’est la technologie de production. Alors que les machines à broder sont de plus en plus rapides, sollicitant donc davantage l’étoffe, la mode exige des matériaux toujours plus fins et plus légers. Il faut donc des tissus à la fois vaporeux et résistants. Les techniciens d’Eschler produisent le fil approprié, et font ainsi partie des trois fabricants qui dominent le marché mondial des fonds à broder. Pour l’instant. En effet, la concurrence a elle aussi découvert ce marché lucratif. La chaîne italienne Intimissimi et la maison allemande de VPC Tchibo diffusent par exemple des dessous brodés à des prix très bas. Pour Eschler, cela se traduit par une pression accrue sur les marges. Répondre aux besoins du marché On a réagi, entre autres, en créant une coentreprise en Thaïlande, où des fonds à broder sont produits à Petchburi depuis deux ans. 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et pour des salaires horaires plus de dix fois en dessous du niveau helvétique. Cette délocalisation partielle – on continue aussi à produire des fonds à broder en Suisse – n’a pas seulement été motivée par une maind’œuvre moins chère. «Si nous ne voulons pas perdre le marché, nous devons être proches de nos clients», déclare Peter Eschler. Ces dernières années, les grandes entreprises de broderie ont presque toutes délocalisé leurs sites de production en Extrême-Orient. Ceux qui n’ont pas suivi sont depuis longtemps devenus sous-traitants. Et l’usine thaïlandaise contribue à la préservation des emplois en Suisse. Ces deux dernières années, Eschler a créé environ 30 nouveaux postes sur ses sites de Bühler et de Münchwilen. Pour Eschler, flexibilité et haut degré d’intégration verticale constituent un avantage sur la concurrence. La firme produit de très petites quantités dans les plus courts délais et ne se contente pas de tricoter et de broder des tissus, mais elle teinte et apprête. Eschler peut ainsi être présente dans les collections et les premières séries des grandes maisons de lingerie, telle l’américaine Victoria’s Secret. Généralement, le mélange de matériaux reste inchangé par la suite et la firme d’Appenzell est donc bien placée pour emporter alors le marché. Elle fixe les «Il faut se précipiter sur chaque ouverture du marché.» tendances tout en étant, comme le dit Peter Eschler en plaisantant, le «pharmacien du secteur», faisant ainsi allusion aux petites quantités, comparativement produites à doses homéopathiques. La raison: «Il faut se précipiter sur chaque ouverture du marché.» Prévoir les besoins Les fonds à broder, qui représentent environ 40% du chiffre d’affaires total de 46 millions de francs (2003), sont toujours l’un des piliers de l’activité de Eschler AG. Le sportswear, premier support d’image, représente également un volume important. Lorsque, à chaque printemps, revient la fièvre du VTT, la plupart de ceux qui pédalent à travers champs pour garder la forme sont assis sur une protection Eschler. Sous la marque Swisspad, Peter Eschler fournit à Descente, Gonso ou Nike les différents modèles de garniture pour fond de cuissard, véritables objets précieux avec leur structure à nervures longitudinales sur la surface de contact, leur système de circulation d’air à quatre canaux ou leur dispositif d’absorption des chocs spécifique: «Une garniture de cuissard doit être confortable, solide et respirante, tout en ne retenant pas la transpiration.» Cela requiert des compétences dans différentes disciplines, notamment médicales: coureurs cyclistes et vététistes de sexe masculin imposent en effet beaucoup à la partie la plus sensible de leur anatomie. Non seulement des chocs, mais aussi un fort échauffement. Au-delà d’une certaine température, les spermatozoïdes humains capitulent, entraînant une stérilité momentanée. Cela peut être évité grâce à Coolpad, une garniture de cuissard à micro-capsules intégrées renfermant de la paraffine, laquelle se liquéfie à haute température et absorbe la chaleur, produisant ainsi un effet réfrigérant. C’est largement plus qu’un gag de marketing bien trouvé, comme l’a confirmé une étude médicale de l’Institut des sciences sportives de l’Université de Bayreuth. Miser sur les mailles rapides Lance Armstrong et des athlètes comme Marion Jones ou Cathy Freeman portaient déjà, lors de leurs victoires, des tenues recouvrant tout le corps, fabriquées dans des tissus Eschler. Mais ce sont leurs «mailles rapides» qui ont rendu mondialement célèbres les «bricoleurs» de génie d’Appenzell: depuis bientôt 30 ans, Eschler fournit le tissu pour les tenues de compétition des skieurs suisses. Les tissus Hightex sont taillés directement sur le corps chez Descente, au Japon. A partir de la saison prochaine, quand les champions autrichiens se glisseront eux aussi dans des «peaux de compétition» Eschler, l’entreprise suisse occupera de facto une position de monopole. Environ 10 000 tenues de compétition en tissu stratifié multicouches sont actuellement confectionnées chaque année. C’est surtout l’aérodynamique superficielle qui fait l’objet de tous les soins. Des tests en soufflerie ont ainsi révélé que des tenues structurées sont plus rapides jusqu’à 70 km/h, tandis qu’audelà de cette limite, des matériaux lisses autorisent une vitesse supérieure. Mais être leader n’est pas de tout repos dans le monde ultrasensible du sport de haut niveau. Si les skieurs suisses, la saison passée, sont la plupart du temps arrivés derrière la concurrence, il devait bien y avoir des raisons. En recherchant les causes de ces contre-performances, les spécialistes de la descente, conduits par Didier Cuche, ceo/eschler 17 «Sans idées originales, nous aurions sans doute disparu depuis longtemps.» ont mis en cause les nouvelles tenues de compétition, certains préférant alors faire confiance aux mailles de la saison passée. Les Suisses ne sont pas allés plus vite pour autant. Entre-temps, Peter Eschler a pris ce psychodrame vestimentaire avec philosophie: «C’est un problème mental», estimet-il, car «compte tenu de leurs propriétés, les anciennes tenues ne peuvent pas être plus rapides que les nouvelles.» Un test objectif effectué dans les conditions de la compétition doit confirmer cette appréciation. Eschler réalise environ deux tiers de son chiffre d’affaires en sportswear avec les sports d’hiver, mode ski pour des marques comme Bogner, Belfe et Prada incluse. A vrai dire, à l’origine de cette importante contribution aux résultats, il y a une douloureuse expérience du responsable d’alors de l’entreprise, Kurt Eschler, au début des années 80. En faisant du ski de fond, il fut victime de coliques néphrétiques, et il en rendit responsable ses vêtements trempés. De là naquit la marque déposée EschlerErgonomic-Clothing-System EEC, une gamme de vêtements de sport respirants conçus pour aller les uns avec les autres selon le principe de l’oignon: une couche intérieure de sous-vêtements fonctionnels, absorbant la sueur, la répartissant sur une grande surface et transmettant le reste d’humidité à la couche intermédiaire. Cette couche tampon, la plupart du temps en laine polaire, constitue un vêtement chaud ou une isolation. La couche extérieure protège le sportif des intempéries et des influences mécaniques. 18 ceo/eschler La chaîne de production verticale Eschler prouve également son intérêt dans le sportswear. Selon leurs besoins, les clients choisissent les trois couches, ou ils achètent seulement, par exemple, la polaire. La position de Peter Eschler est claire: «Tant que, dans un secteur déterminé, nous faisons partie des fournisseurs les plus importants, nous avons une chance. Sinon, il vaut mieux arrêter.» Démultiplier les bons concepts Pour Peter Eschler, l’innovation consiste aussi à étendre la niche sportive aux vêtements de travail et d’entreprise (Corporate Wear). Avec environ 5% du chiffre d’affaires, ce secteur en est encore à ses balbutiements. Le personnel hospitalier constitue là un groupe-cible: comme, dans les salles d’opération, les peluches des vêtements en coton bouchent les climatiseurs, certains hôpitaux demandent à leurs chirurgiens de porter des sous-vêtements jetables, chose inacceptable tant pour des raisons de confort que d’écologie. Entre-temps, les retours d’un hôpital cantonal de Suisse orientale ont rendu Peter Eschler optimiste: depuis que des sous-vêtements en tissu Eschler y sont distribués, les nouvelles commandes pleuvent. Les médecins portent aussi ces vêtements en dehors de l’hôpital. Un projet de recherches, mené par Eschler en collaboration avec l’armée suisse et le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche LFEM de Saint-Gall, montre comment démultiplier un bon concept: des vêtements à quatre couches portant le nom évocateur de «Sweatmanagement» ont été testés avec succès à partir de 2002 au centre d’instruction de combat en montagne d’Andermatt. Eschler a obtenu pour son produit le label de qualité «approved by armasuisse». A Bühler comme à Münchwilen, on espère maintenant que la comman- Saignée dans l’industrie suisse du textile L’industrie suisse du textile est en crise. Si, en 1992, le nombre total d’employés dans les industries du textile et de l’habillement s’élevait à 40 700, il n’était plus que de 18 100 fin 2003. En une décennie, le secteur a ainsi vu disparaître plus de la moitié de ses effectifs. Et la saignée continue. Début 2004, deux filatures centenaires, Streiff, à Aathal, et la filature de l’Uznaberg, ont annoncé leur fermeture. 300 emplois supplémentaires vont disparaître. Seules les entrepri- ses de broderie ont pu, dans une certaine mesure, sauver leur production, alors que pour les filatures, elle a diminué de quatre cinquièmes en 20 ans. La mondialisation pousse un secteur entier vers l’ExtrêmeOrient, où aujourd’hui, en Chine, on produit, pour des salaires horaires de 70 centimes, 30 fois moins cher qu’en Suisse. Seuls des entrepreneurs innovants qui trouvent des niches rentables peuvent survivre en Suisse. Eschler est spécialisée dans des tissus répondant aux exigences les plus sévères, de la tenue de compétition aux dessous brodés les plus délicats. de de nouvelles tenues militaires ne sera pas annulée et qu’un fabricant s’approvisionnant chez Eschler obtiendra le marché. Susciter l’émotion Peter Eschler, 45 ans, ne manque pas d’idées: «L’innovation est notre moteur et, sans idées originales, nous aurions sans doute disparu depuis longtemps.» Il parle des chemises aux extraits d’Aloe Vera et de textiles techniques pour le bâtiment ainsi que des chiffons de nettoyage absorbant la poussière. Ou d’une série de tests avec le LFEM, qui doivent prouver l’effet positif des vêtements sur l’analyse sensorielle tactile. Les tissus de «bien-être» promettent des marges confortables, en parfait accord avec la devise de la société: aucune réduction sur l’émotion. Alors que Peter Eschler est plutôt le visionnaire, démontrant aussi dans la conversation sa capacité à s’enthousiasmer rapidement, son frère Alex, de trois ans plus jeune, contrôleur de gestion et directeur pour la Suisse, est plus le garçon patient qui tient les rênes. Ils ne sont pas toujours du même avis, s’opposant sur certaines décisions. Mais tous deux affirment que leurs tempéraments et leurs méthodes de Les innovations font partie d’une tradition familiale vieille de 77 ans Depuis 1996, les deux frères Peter (45 ans) et Alex Eschler (42 ans), de la troisième génération, dirigent l’entreprise Christian Eschler AG. Peter assure la direction commerciale, Alex est à la tête des deux entreprises suisses de Bühler AR (teinturerie, apprêt, contrôle des produits finis notamment) et Münchwilen TG (tricotage, bonneterie). Leur cousin Matthias dirige l’usine Eschler de Balingen (Allemagne), qui produit des textiles techniques. Depuis 2002, une partie de la bonneterie est fabriquée en Thaïlande dans une jointventure. Le directeur est un beaufrère d’origine malaise, donc aussi membre de la famille. Au total, sur ses quatre sites, l’entreprise compte 230 employés. La succession a été réglée de manière à ce que l’entreprise ne soit pas morcelée. La deuxième génération n’a plus aucune responsabilité opérationnelle, mais avec Christian et Kurt Eschler, elle joue encore un rôle au CA. Trois autres membres, sans lien de parenté, participent au gouvernement d’entreprise. L’entreprise a été fondée en 1927 par Christian Eschler, un passementier originaire du sud de l’Allemagne, qui avait alors 23 ans. En remontant dans l’histoire de l’entreprise, qui vient de fêter ses 77 ans, on trouve plusieurs innovations dans le domaine du textile, telles que rayonne mate, nylon pour chemises, tissu élastique bouclé par chaîne pour draps de dessous, tissus respirants pour vêtements de sport sur le principe de l’oignon et premières tenues de compétition une pièce des champions de ski suisses Russi et Colombin. direction différents se complètent bien. Ils habitent tous deux à Teufen et sont attachés au canton d’Appenzell. Ainsi, il y a deux ans, ils n’ont pas réfléchi longtemps lorsque le ruisseau qui traverse le village de Bühler a inondé leur entreprise, causant pour 15 millions de francs de dommages. Avec le personnel, ils ont retroussé les manches, utilisant la somme versée par l’assurance pour rénover entièrement le bâtiment en y ajoutant un montant considérable d’investissement sur fonds propres. Aujourd’hui, en parcourant les halls de production de Bühler, vous découvrirez une entreprise «top». A l’avenir, le taux d’investissement, qui représente 10% du chiffre d’affaires, sera également maintenu. Où sera Eschler dans cinq ans? Toujours sur son site principal, en Suisse, avec la possibilité de produire en outre dans des pays stratégiquement importants, répondent, unanimes, les frères Eschler. Simultanément, il y a la volonté de renforcer prestations de service, service après-vente et intégration verticale. Et d’ici là, Eschler sera peut-être présente sur le marché sous sa propre marque. Une production peu polluante au standard Bluesign En matière de production durable, avec notamment sa dernière collection de lingerie, Christian Eschler AG se situe au premier rang du secteur. Les qualités de cette lingerie et une grande partie de la collection sport sont conformes au standard industriel Bluesign, qui préconise d’éviter le plus possible l’utilisation de substan- ces nuisibles et de recycler biologiquement et techniquement tous les composants. Des organisations de protection de l’environnement aussi critiques que Greenpeace et le WWF considèrent qu’avec Bluesign un pas a été fait dans la bonne direction. ceo/eschler 19 Bon voyage. En dépit de la tempête et du marasme. Le 11 septembre 2001, l’action Kuoni a plongé. Depuis, dans le secteur du voyage, rien n’est plus comme avant: terrorisme, guerres, interdictions de vol et maladies sont sources de stress au quotidien. Comment, pour un leader, maintenir le cap de son navire dans une période agitée? Récit d’une navigation. ceo/kuoni 20 Hans Lerch, président de la direction: il est resté maître de la situation en période de crise et a donné une nouvelle impulsion à l’entreprise. Texte: Corinne Amacher Photos: Hans Schürmann Au soir du 11 mars 2004, on a recommencé à trembler. Des bombes avaient explosé dans la gare centrale de Madrid; le terrorisme islamique faisait violemment son entrée en Europe occidentale. Les jours suivants, dans son classique bureau directorial, tout de verre et de cuir, Hans Lerch, le directeur de Kuoni, consultait son ordinateur avec un peu plus d’impatience que de coutume. Chaque matin, l’écran le renseigne sur les réservations de la veille, classées par produit et par destination. Pour Lerch, un chiffre d’affaires de cinq millions de francs pour la Suisse est un «maximum» et avec trois millions il est «satisfait». Que les recettes baissent pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, et le voilà inquiet. Heureusement, cela n’a pas été le cas après l’attentat terroriste de Madrid. Pour le 15 mars, le système annonçait des réservations à hauteur de 4,1 millions de francs. Il est encore trop tôt dans l’année pour s’extasier. Toutefois, Lerch espérait que le tassement de la demande allait enfin cesser et se traduire par des réservations, ce qui semble se confirmer. 2004 a nettement mieux débuté que les deux années précédentes, avec une hausse de 25% du chiffre d’affaires dans les quatre premiers mois. L’envie de voyager semble peu à peu l’emporter sur la peur du terrorisme. «Les hommes s’habituent à tout», déclare Lerch, «ils constatent que la sécurité absolue n’existe pas.» Des catastrophes tous les mois Après ces anni horribiles au cours desquelles le chiffre d’affaires de Kuoni Suisse est tombé sous la barre symbolique du milliard de francs, Hans Lerch a préparé le plus important voyagiste suisse pour la reprise, annonçant son retour avec des prix plus bas, des catalogues attrayants et une vaste campagne de publicité pour les trois marques Kuoni, Helvetic Tours et Reisen Netto. Depuis le 11 septembre 2001, pratiquement tous les mois, un événement s’est produit remettant en question l’affaire de Lerch. Swissair a implosé – Kuoni était son principal client – et les attentats de Djerba et de Bali ont suivi. Ensuite, ont commencé le chantage à la guerre contre l’Irak, puis la 22 ceo/kuoni guerre elle-même. L’épidémie de pneumopathie SRAS s’est déclarée. Et maintenant, le terrorisme règne partout dans le monde, y compris en Europe occidentale. Bien que Lerch parle de «facteur d’accoutumance», chaque nouvelle bombe ou épidémie suscite aussitôt un regain d’attention au siège social de Kuoni à Zurich. Comme à l’époque où deux avions ont foncé sur le World Trade Center, tuant des milliers de personnes. Ce jour-là, Lerch était à quelques miles seulement du lieu de la catastrophe. Il s’apprêtait à lancer une campagne de promotion à partir de New York avec Max Katz, le directeur des finances. Lorsqu’il a allumé la télévision à l’hôtel, après son jogging et sa douche, le reportage sur l’attentat commençait tout juste. Lerch a pris son portable pour s’enquérir du cours de l’action Kuoni et n’en a pas cru ses oreilles: comme tous ceux du secteur touristique, le titre avait plongé. «C’est là que j’ai compris qu’il s’était passé quelque chose qui avait secoué le monde», dit-il. Des coups de téléphone à Zurich l’ont confirmé: dans tout le groupe, c’était le calme plat au niveau des réservations et les annulations pleuvaient. De retour à Zurich, il a tenu une réunion de crise avec le management. La procédure à suivre était claire. Pour endiguer les pertes, il fallait d’abord baisser les coûts, en particulier aux Etats-Unis, où les affaires étaient complètement paralysées. Les effectifs aux Etats-Unis ont été réduits de moitié. Des emplois ont également été supprimés ailleurs, comme par exemple en France, en Italie et en Scandinavie, plusieurs centaines en tout dans le monde entier. «Pour être insensible aux licenciements, il faudrait être sadique ou masochiste», déclare Lerch, un homme pourtant peu suspect de sentimentalisme. Au cours des trois dernières années, pour l’ensemble du groupe, le nombre des employés est passé de 8301 à 7931. De plus, pour le cas probable d’une période de vaches maigres, Lerch avait besoin d’une nouvelle limite de crédits. Les hauts représentants des banques habituelles, invités d’urgence à une réunion du conseil d’administration, ne l’ont cependant pas entendu de cette oreille. Après les attentats, ils avaient sans tarder adapté en conséquence le profil de risque des groupes du secteur touristique. Plutôt que d’injecter de l’argent dans cette branche de l’économie, a-t-on entendu au cours des négociations, mieux vaudrait tenter sa chance à la roulette. Plus les semaines passaient sans que la demande ne reprenne, plus Lerch s’inquiétait. Kuoni disposait certes d’un bilan solide, mais l’argent baissait dans les caisses. Fin novembre 2001, Lerch préférait ne plus regarder les réservations: «Cela ne servait à rien car de toute façon, il n’y en avait presque pas.» Même le patron de Kuoni, qui en avait vu d’autres, est devenu nerveux. Il se rappelle avoir dit à Max Katz, le directeur financier: «Max, si la situation ne s’améliore pas, nous devrons déposer le bilan au mois de mai.» Le groupe coûtait alors 80 millions de francs par mois et il en restait 400 dans les caisses. Vaches maigres et nuages noirs La manière dont peut se dégonfler un matelas financier en apparence solide s’est révélée dans toute son acuité. Pour Hans Lerch, l’impasse financière qui menaçait constituait une expérience nouvelle, les caisses de Kuoni ayant toujours été pleines à craquer. Elles le sont à nouveau aujourd’hui. Fin 2003, le groupe disposait de liquidités à hauteur de 617 millions de francs. Lerch est toujours à la recherche de sociétés à racheter dans ce secteur, mais la plupart des offres sur le marché sont de qualité médiocre. C’est justement vers la fin 2001, alors qu’il avait déjà assez à faire avec les conséquences du 11 septembre, que le patron de Kuoni a dû payer les frais d’une telle acquisition. Le voyagiste Apollo et la société de charters Novair, que Lerch avaient approchés en Scandinavie, avaient besoin d’être assainis. L’expansion dans le grand Nord et les pertes enregistrées par les autres sociétés nationales ont été à l’origine de coûts de restructuration élevés. Lerch s’est lancé Pour Hans Lerch, l’impasse financière qui menaçait a constitué une nouvelle expérience: les caisses de Kuoni avaient toujours été pleines à craquer. Elles le sont à nouveau aujourd’hui. Les réservations par Internet s’amplifient Pour la distribution, la stratégie de Kuoni utilise plusieurs canaux. Outre les agences de voyages classiques, les voyages sont également vendus par téléphone et Internet. Lentement mais sûrement, les ventes en ligne gagnent en importance au sein du groupe Kuoni. Les réservations effectuées par Internet constituent 3% du chiffre d’affaires de Kuoni Suisse, et 4% de celui du groupe. Les stratèges de Kuoni ont apporté leur propre réponse à la question de savoir comment, pour un voyagiste de la vieille école, vendre au mieux ses voyages en ligne. Ils ne se contentent pas de numériser les catalogues pour les mettre sur le Web, mais proposent une offre en ligne en plusieurs parties. Le client internaute type réserve des vols secs, des nuits d’hôtel ou des voitures de location. Financièrement, les ventes réalisées au comptoir numérique sont intéressantes pour Kuoni car il n’y a pas de commission pour les agences de voyage. Cependant, pour des voyages plus complexes, le client devrait, à l’avenir, continuer à s’adresser à son agence de voyages. A long terme, Kuoni estime la part du chiffre d’affaires en ligne à 15 à 20% au maximum. «Je ne connais personne qui réserve son voyage de noces par Internet», déclare Thomas Stirnimann, responsable pour la Suisse. Thomas Stirnimann, responsable pour la Suisse: il a acheté à des conditions intéressantes. ceo/kuoni 00 Satisfait de la réussite de sa campagne: Gianni Moccetti, responsable du marketing. 00 ceo/kuoni Les nouveaux catalogues Kuoni se présentent sous la forme d’élégants magazines, avec des textes soignés et des photos parlantes. A lui seul, le catalogue de vacances balnéaires Kuoni a été tiré à plus de 190 000 exemplaires. dans une vaste opération de restructuration, inscrivant à l’exercice 2001 des pertes de 282 millions de francs. Il a ainsi pu repartir sur de nouvelles bases pour l’année 2002. La crise a créé des opportunités Lorsque l’espoir a refleuri, à la fin provisoire de la guerre en Irak, le SRAS s’est déclaré. Plus personne ne voulait monter dans un avion. Le vacancier allait en voiture à Adelboden, celui qui devait effectuer un déplacement professionnel négociait par vidéoconférence avec son patron à l’autre bout du monde. Chez Kuoni, à Hong-Kong, les bureaux étaient désinfectés quatre fois par jour. Hans Lerch s’est demandé s’il devait encore réduire les effectifs, bien qu’il les ait déjà ramenés au niveau minimum. «Nous nous efforcions de nous adapter à la situation», dit-il, «et nous avions l’impression que le monde réagissait de façon excessive.» La décision qu’il a prise venait des tripes et était «dictée par l’espoir», comme il l’a luimême dit. Hong-Kong n’a pas été fermé. Le site a même été revalorisé: Lerch a saisi l’occasion pour porter à 100% la part de Kuoni dans le capital du voyagiste local P&O, «à un prix très intéressant». Kuoni a également appris que les crises pouvaient offrir des chances dans un autre domaine: l’achat de chambres d’hôtel et de places d’avion. Thomas Stirnimann, responsable de Kuoni pour la Suisse et homme de confiance de Hans Lerch, est responsable de ce secteur sensible. «Au cours des deux dernières années, en Méditerranée orientale et en Egypte, les hôteliers ont sévèrement souffert», explique-t-il. Lorsqu’au printemps 2003, avec ses acheteurs et ses producteurs, il a élaboré l’offre pour la saison 2004, les choses se sont passées comme dans les bazars turcs. «Nous avons pu acheter à des conditions intéressantes», dit-il. En moyenne, les prix catalogue ont diminué de 10%. En lançant son offensive sur les prix, Stirnimann veut regagner les parts de marché perdues. Il espère en outre, de la sorte, vendre davantage de voyages au tarif normal dès le début de la saison au lieu de les brader en dernière minute. Les clients ne sont pas les seuls à bénéficier de ces réductions. Le fait que la marge brute de bénéfice de Kuoni ait atteint l’année dernière la valeur record de 28,3% tient principalement à l’amélioration des conditions d’achat. Les catalogues de l’été 2004 devaient être mis en chantier au printemps 2003, au milieu de la guerre en Irak, alors que le secteur était au creux de la vague. «Il était difficile d’avoir une vision précise pendant une telle période», déclare Stirnimann. Mais ils y ont réussi. Au début de l’année, lorsque les catalogues sont arrivés dans les agences de voyage, la concurrence a été désagréablement déconcertée et la clientèle agréablement surprise: les nouveaux catalogues Kuoni se présentent sous la forme d’élégants magazines, avec des textes soignés, une mise en page généreuse et des photos parlantes. A lui seul, le Concentration sur les voyages de vacances Avec un chiffre d’affaires de 3,3 milliards de francs, dont 0,9 milliard en Suisse, Kuoni est de loin le voyagiste le plus important du pays. Après l’exercice 2001, fortement déficitaire, les résultats augmentent de nouveau depuis 2002. En 2003, le groupe a réalisé un bénéfice de 65 millions de francs. En Suisse, avec les marques Kuoni, Helvetic Tours et Reisen Netto, le voyagiste couvre tous les domaines d’activités: la marque Kuoni propose de luxueux voyages individuels, Helvetic Tours est spécialisé dans les voyages à prix forfaitaire plus intéressant, notamment les vacances balnéaires familiales, et Reisen Netto offre des vacances en vente directe aux prix les plus bas. Kuoni souhaite se concentrer sur les voyages de vacances, et se défaire petit à petit des domaines d’activités qui ne font pas partie de ses compétences principales. C’est ainsi par exemple qu’en décembre 2003, il a vendu le secteur des déplacements professionnels. catalogue de vacances balnéaires Kuoni, un pavé de 368 pages, a été tiré à 190 000 exemplaires. On trouve déjà ces catalogues dans les cabinets dentaires et sur les tables des salons. Pour la création de son instrument de marketing principal, Kuoni dépense environ neuf millions de francs par an; à l’avenir, l’insertion de petites annonces doit permettre de rentrer en partie dans les frais. Pour la première fois depuis trois ans, Hans Lerch a également octroyé des budgets plus importants pour la publicité classique. Le directeur du marketing, Gianni Moccetti, se réjouit d’avoir «un bon million» à sa disposition pour attirer l’attention sur la multinationale du voyage au moyen d’affiches et de petites annonces et, qui plus est, pour la première fois, à nouveau au profit des trois marques Kuoni, Helvetic Tours et Reisen Netto: «Nous avons longtemps économisé sur la publicité. Cette année, nous voulons de nouveau être considérés comme le numéro un, y compris pour ce qui est de la publicité.» De l’énergie pour de nouvelles offensives L’alerte n’est pas encore levée, mais depuis que ses coûts ont été réduits et que son image a été rafraîchie, Kuoni a de bonnes chances de repartir rapidement de l’avant si la demande continue d’augmenter durablement. Hans Lerch veut abandonner le rôle de l’éternel optimiste et ne livrer que des faits lorsqu’il quittera son poste de directeur général en mai 2005 pour se retirer au conseil d’administration. Le patron de Kuoni est un battant opiniâtre, à la tête des mêmes troupes depuis des années. A la fin des années 80, alors qu’il était responsable de la production, il a rassemblé autour de lui une demi-douzaine d’hommes de sa trempe. Afin de souder l’équipe, Lerch l’a sans cesse soumise à de nouvelles épreuves, par exemple en 1993, lorsque ce passionné de courses d’endurance a participé au marathon de New York avec presque tout son staff. Il est convaincu que ce genre d’entraînement est un ciment pour son équipe. Il peut donc aussi tirer des trois dernières années, les plus difficiles de ses 34 ans de carrière chez Kuoni, un bilan absolument positif: «Elles ont constitué un ‹team-building exercise› idéal», dit-il, «les périodes de difficultés me motivent, car dans les moments faciles, on n’a pas besoin de moi.» ceo/kuoni 25 ceo1/04.expertise pwc Planification de la succession: Entre émotion et calcul. Page 27 Imposition de produits financiers structurés: Comment éviter l’imposition après la survenance d’une perte. Page 30 La place fiscale suisse: Comment un particulier fortuné peut-il faire des économies d’impôts? Page 32 Cinq minutes pour apprendre: Rappel sur des termes du monde de l’économie. Page 33 Des recettes à succès pour les transactions M&A: Garder sous contrôle les points critiques dans chaque phase de la procédure. Page 34 Evénements, études et analyses: Comment accéder au savoir de nos experts. Page 37 26 ceo/expertise pwc Planification de la succession: Entre émotion et calcul. Remettre à temps, entre de bonnes mains, l’œuvre de toute une vie constitue un véritable défi. Pour trouver la bonne solution, il faut une compétence rationnelle dans les domaines de la fiscalité, du personnel, des finances et du droit – mais aussi une bonne dose de compétence émotionnelle. [email protected] [email protected] Le plus grand défi pour un entrepreneur consiste à planifier sa succession à temps et avec succès. En effet, on veut que ce que l’on a mis tout son cœur à construire et que l’on a développé à la sueur de son front continue de subsister avec beaucoup d’attachement. L’expérience montre que nombre de patrons ont du mal à se détacher de leur entreprise. Personne n’aime être confronté avec son remplacement, le fait de vieillir, l’abandon de ses responsabilités, l’estimation réaliste des capacités de son successeur ou l’examen de variantes de succession. Ces thèmes, que l’on ressent souvent comme désagréables, sont volontiers repoussés et le quotidien reprend le dessus. L’urgent devient alors rapidement l’ennemi de l’important. Les émotions, un obstacle La planification de la succession s’accompagne souvent d’émotions négatives: abandon du pouvoir et du contrôle, perte du statut de chef d’entreprise et de chef de famille, peur du «trou noir» par la suite. On ne peut régler une succession avec succès que si ces obstacles émotionnels sont surmontés et que si le chef d’entreprise adopte une attitude positive face à toute cette procédure. Il y parvient notamment s’il a élucidé son avenir personnel, que ce soit en se réjouissant d’une retraite bien méritée ou en trouvant, en dehors – ou à l’intérieur – de l’entreprise, d’autres champs d’activité qui donnent un sens à sa vie. Des aspects rationnels S’il existe des obstacles émotionnels à surmonter, les aspects organisationnels, 1 Peter Schmid est associé, Conseil juridique et fiscal, PricewaterhouseCoopers, St-Gall, et responsable d’Ambition PME, Markus Langenegger est manager, Zurich, Ambition PME. économiques, financiers, juridiques et fiscaux devront eux aussi être analysés. On élaborera pour ce faire un concept incorporant également la sphère privée du chef d’entreprise. Indépendamment de la variante de succession retenue, les divers aspects devront être abordés suffisamment tôt et les variantes possibles examinées minutieusement avec leurs conséquences fiscales et juridiques. Exemple 1 Ulrich Jüstrich Holding AG: du blocage à la scission Hansueli Jüstrich, président du Conseil d’administration d’Ulrich Jüstrich Holding AG, insiste sur le fait qu’il n’est jamais trop tôt mais bien souvent trop tard pour commencer à régler sa succession. Fort de ce principe, c’est ce qu’il a fait à l’âge de 42 ans déjà. Auparavant toutefois, il a dû s’occuper des structures historiques de la société. En 1930, son grand-père, Ulrich Jüstrich, a posé à Walzenhausen la première pierre de l’entreprise familiale qui s’est spécialisée dans les produits de soins naturels. A l’époque, il avait réglé sa succession en répartissant, à parts égales, les actions de l’entreprise entre ses trois enfants. Après le décès de leur sœur, les deux fils, Ernst et Hansruedi, se sont partagé la part de cette dernière. Peu de temps après, Ernst Jüstrich a remis sa part à ses deux fils, Hansueli et Marcel. C’est ainsi que la seconde et la troisième génération ont détenu des parts dans l’entreprise et y ont travaillé en partie activement. Les deux branches familiales ont bientôt reconnu que si elles poursuivaient les mêmes objectifs, elles voulaient les atteindre par des voies différentes. Les stratégies divergentes ont entraîné une situation de blocage. Les propriétaires ont dès lors décidé, d’une part, de réorganiser la société (professionnalisation du conseil d’administration, gérants externes) et, d’autre part, d’examiner des solutions possibles pour surmonter cette situation. Les variantes sérieusement envisagées à cet égard ont été l’IPO (Initial Public Offering), la vente et la scission. Après avoir beaucoup pesé le pour et le contre, mis sur la table tous les intérêts en jeu et procédé à une analyse scrupuleuse, les deux branches familiales ont finalement opté pour une scission. C’est là que de nouvelles questions ont surgi autour des conséquences fiscales, du financement et des nouvelles structures. La nécessité de faire appel à des experts est alors apparue, et notamment dans les domaines suivants: - évaluation; - fiscalité; - financement. Les branches familiales ont entamé la discussion en janvier 1999 pour n’aboutir à une succession réglée avec succès qu’en juin 2002. C’est là que l’on constate une fois de plus l’importance du facteur temps. De bonnes décisions méritent un examen minutieux, et donc du temps. L’histoire de l’entreprise familiale Ulrich Jüstrich Holding AG montre aussi qu’il peut être préférable de ne pas toujours choisir la voie la plus facile. Hansueli Jüstrich souligne à quel point il est important que le patron ait le courage de prendre des décisions en fonction des aptitudes individuelles. Il est convaincu que ce sont les successeurs capables d’assumer aussi la gestion active qui doivent participer à l’entreprise. Exemple 2 Kilchenmann AG: des détours pour parvenir à une solution optimale Klaus Kilchenmann, vice-président du Conseil d’administration de Kilchenmann AG, ceo/expertise pwc 27 Berne-Kehrsatz, société spécialisée dans les techniques de communication, la télématique et les médias électroniques, voyait initialement ses fils lui succéder à la tête de l’entreprise qu’il avait lui-même reprise de son père. Le bouleversement subi par la branche durant les années 90 et les nouvelles voies empruntées l’ont contraint à repenser la stratégie actuelle et à rechercher une nouvelle solution pour la succession à la tête de l’entreprise familiale. Après en avoir longuement et ouvertement débattu avec Herbert Wenger, son collaborateur de longue date, Klaus Kilchenmann a pu envisager assez tôt une solution de MBO (Management Buy Out). C’est ainsi qu’il a été décidé en 1998 de vendre l’entreprise aux cadres dirigeants. Durant cette phase, Herbert Wenger a pris pour la première fois conscience qu’il était placé dans une situation tout à fait nouvelle vis-à-vis de son employeur. D’employé, il s’était transformé en acquéreur de l’entreprise, un événement-clé pour l’administrateur-délégué en poste. Au moment de la réalisation du MBO, Herbert Wenger a mis l’accent sur les trois domaines suivants: - business plan; - financement; - équipe. Pour Herbert Wenger, il est important d’établir un business plan sérieux, même dans le cadre d’un MBO, et donc de pouvoir estimer de manière objective les perspectives et les risques. Mais c’est surtout la faisabilité pour l’équipe MBO qu’il convient d’examiner aussi. La capacité et les possibilités de financement ont dû être analysées et des variantes examinées. Une telle phase absorbe les capacités de gestion et exige beaucoup d’engagement de la part de tous les cadres. Des défis élevés sont imposés à l’équipe, aussi bien sur le plan humain que professionnel. La proximité de la clientèle et la fidélité des collaborateurs ne doivent en aucun cas en pâtir. En outre, des connaissances du secteur technique et entrepreneurial, tout comme la gestion des finances et des coûts, doivent être disponi- 28 ceo/expertise pwc bles ou, à défaut, il faut les acquérir. Pour pouvoir remplir toutes ces exigences, l’équipe MBO a organisé des cours de communication et d’information de la clientèle ainsi qu’une formation supplémentaire destinée à tous les collaborateurs, plus particulièrement axée sur la gestion, le travail en équipe et la vente. En outre, l’équipe MBO a également fait appel à un conseiller externe qui a aussi bien accompagné l’équipe comme coach, fourni des connaissances professionnelles que participé à la construction de la «nouvelle» Kilchenmann AG. C’est ainsi qu’il a été possible d’organiser une succession fiscalement avantageuse et d’obtenir un financement. Herbert Wenger compte sur le fait que la procédure de MBO, y compris le remboursement des prêts, sera achevée en 2007. Planification de la succession: aspects à prendre en compte Exemple 3 4B Holding AG: des perspectives prometteuses pour cible Hans-Ruedi Kronenberger représentait la quatrième génération à la tête d’une entreprise familiale saine et prospère: Kronenberger AG à Ebikon, spécialisée dans la construction de façades. La famille ne comptait aucun successeur possible. Dans l’intérêt des clients et des collaborateurs, Hans-Ruedi Kronenenberger avait toutefois à cœur de ne pas vendre son entreprise à n’importe quel investisseur n’ayant pas manifesté clairement ses intentions. Pour Hans-Ruedi Kronenberger, trois points étaient particulièrement importants: - la reprise devait avoir un sens stratégique; - le successeur devait prouver qu’il avait réussi et avoir des capacités de gestion; - les cultures d’entreprise devaient concorder. La société 4B Holding AG, Hochdorf, en pleine expansion, avait quant à elle procédé à une analyse du marché et, sur la base de celle-ci, pris la décision stratégique de se lancer dans l’activité «façades». C’est là que se sont croisés les chemins de HansRuedi Kronenberger et des frères Mark Bachmann, président de la direction, et Ivo Bachmann, président du Conseil d’administration de 4B Holding AG. Des points communs ont rapidement été décelés: entreprises familiales prospères se récla- mant d’une longue tradition et de philosophie et de culture d’entreprise similaires, fournisseurs de qualité sur leurs marchés, avec des dimensions faciles à cerner. Ces conditions communes ont rapidement conduit les deux parties à décider d’entamer des négociations. Les deux sociétés ont alors été présentées à leurs actionnaires respectifs, les négociateurs désignés et le mandat d’évaluation confié. Une première offre de reprise sans engagement a été faite à Kronenberger AG. La réglementation de la succession s’est ainsi globalement divisée en trois phases: négociation, Due Diligence et conclusion du contrat. La Due Diligence avait été demandée dès le départ par 4B. Elle avait donné une vue d’ensemble complète de l’entreprise à reprendre, ce qui a débouché sur l’offre de reprise définitive et la conclusion du contrat. Aspects personnels/familiaux Aspects juridiques Planification de la succession Aspects entrepreneuriaux Aspects fiscaux Aspects financiers Mark et Ivo Bachmann n’ont jamais eu l’intention de «fusionner» avec Kronenberger AG, ce que traduit le fait que cette dernière continue de fonctionner comme filiale indépendante même si certaines unités ont été regroupées conformément au business plan. Pendant toute la procédure, les deux frères ont été conscients qu’une telle reprise, et donc l’extension stratégique de leur secteur d’activité, ne pouvait fonctionner que si les personnes-clés étaient définies, intégrées dans la procédure et la poursuite de leur collaboration réglée par contrat. Ces étapes ont pu être réalisées jusqu’ici avec succès. Mark et Ivo Bachmann estiment que la procédure n’est pas encore totalement achevée et comptent sur deux années supplémentaires pour l’intégration complète. Planification, compétence et organisation, des facteurs de réussite Ces trois exemples très différents de réglementation réussie d’une succession montrent clairement ceci: les facteurs de succès d’une planification de la succession résident dans les domaines calendrier des opérations, compétences et organisation du projet. Il faut en général compter entre deux et cinq ans pour qu’une succession puisse être réglée avec succès. On peut même aller audelà des cinq ans si un successeur doit encore être mis en place ou s’il faut envisager d’autres variantes. Une planification de la succession ayant des répercussions dans les domaines les plus divers, il est nécessaire de disposer de compétences en fiscalité, en ressources humaines, en finances et en droit. La compétence émotionnelle est, elle aussi, requise: tant celui qui transmet une entreprise que celui qui lui succède doivent être capables de faire un pas en arrière et d’examiner avec soin toutes les options. Ce qui est évident n’est pas toujours ce qu’il y a de mieux, que ce soit pour l’entreprise, le chef d’entreprise, la famille ou le successeur. Les exemples qui viennent d’être évoqués ne sont pas les seuls à montrer qu’un examen approfondi de toutes les solutions possibles requiert beaucoup de temps; tout chef d’entreprise qui s’est déjà penché sur ces questions le confirmera aussi. Il est évident qu’une telle procédure doit être organisée en conséquence. Le plus grand défi réside toutefois dans la nécessité de trouver la voie entre la raison et le cœur, mais aussi entre l’émotion et le calcul. Pour de plus amples informations sur ce thème, se référer à l’ouvrage de PwC «La planification de la succession dans l’entreprise», à commander auprès de [email protected]. ceo/expertise pwc 29 Imposition de produits financiers structurés: Comment éviter l’imposition après la survenance d’une perte. Comme les investisseurs et les émetteurs des produits structurés, les gérants de fortune et les conseillers en placements doivent connaître le régime d’imposition complexe des instruments dérivés, ce qui devrait permettre aux investisseurs de réaliser un rendement optimal après impôts, avec protection du capital. [email protected] Au contraire des gains en capital, les rendements de la fortune sont imposables. Néanmoins, la distinction entre les deux devient très difficile en raison de l’opacité de la pratique fiscale suisse dans ce domaine. Lors d’un changement de situation sur les marchés financiers nécessitant la création de nouveaux instruments financiers, il est impératif de s’interroger sur les règles d’imposition qui les régiront. Produits à capital garanti Nombre de produits structurés offerts sur les marchés financiers garantissent un remboursement minimal. De plus, de tels instruments associent une composante de placement à faible risque avec une composante à risque plus élevé. La question déterminante concernant leur imposition est de savoir si ces deux composantes sont négociables séparément, si elles peuvent être distinguées sur le plan analytique (imposition comme «produit transparent» ou «produit non transparent»). L’accroissement de valeur des «produits non transparents» est en principe entièrement soumis à l’impôt sur le revenu (au titre de rendement de la fortune), y compris la part représentant les gains en capital. Pour les investisseurs, cette règle n’a aucun avantage. Les émetteurs doivent dès lors s’efforcer de démontrer la possibilité d’une imposition comme «produit transparent» afin de préserver l’attrait des produits qu’ils offrent. Si les deux composantes sont négociables séparément ou peuvent être distinguées sur le plan analytique, l’accroissement de valeur relatif à la part risque est considéré comme un gain en capital exonéré. En revanche, la 1 Andreas Risi est associé, secteur Conseil juridique et fiscal, PricewaterhouseCoopers, Zurich. 30 ceo/expertise pwc part représentant les rendements de fortune versés au remboursement du titre demeure imposable. Cependant, lors de la vente d’un instrument financier, seul un montant est versé à l’investisseur (prix de vente). Du fait de l’imposition de la part représentant les rendements de fortune, l’intérêt couru sur cette part jusqu’à la vente doit être déterminé. A cet égard, les émetteurs doivent garantir avec Telekurs la mise à disposition de la valeur de la part représentant les rendements de la fortune, et ce pour chaque jour où le titre est négociable. Ceci permettra à la banque chargée du décompte d’établir une pièce justificative à l’attention de l’investisseur. L’inconvénient de l’exonération des gains en capital résultant des produits financiers combinés «transparents» est le suivant: les intérêts reçus par l’investisseur sont soumis à l’impôt sur le revenu bien qu’il puisse être amené à subir une perte sur la part risque. A titre d’exemple, un investisseur peut ne recouvrer que les 90% garantis de son investissement initial (donc subir une perte de 10% non déductible) et être malgré tout imposé sur la composante «intérêt». De nombreux investisseurs sont trop peu conscients de ce double risque (perte en capital non déductible/imposition de la composante «intérêt») lorsqu’ils acquièrent un produit, en apparence sûr. En période de faible volatilité, le risque lié à l’investissement est faible, raison pour laquelle les produits combinés avec une garantie du capital connaissent actuellement un regain de popularité. Le choix judicieux des instruments financiers ainsi que la connaissance de la pratique fiscale en la matière sont absolument nécessaires lorsque l’investisseur souhaite profiter d’un rendement optimal après impôts, avec protection du capital. Instruments comportant le versement d’une somme en cash ou la remise de titres L’Administration fédérale des contributions (AFC) exonère de l’impôt sur le revenu les primes d’options attribuables à la fortune privée. Cette pratique est importante surtout pour les produits dits «Reverse Convertibles» ou «Discount» (p. ex. REVEXUS, BLOC, GOAL, TORO, etc.) pour lesquels l’investisseur reçoit un titre à l’échéance lorsque le cours boursier de l’action sur laquelle repose l’opération est inférieur à un plancher. Lorsque le cours boursier dépasse cette valeur, l’investisseur reçoit un montant fixe en cash. De son point de vue, sur le plan économique et suivant la façon dont on considère l’opération, cela représente une combinaison entre un placement en capital et une émission d’options Put ou encore une combinaison entre un achat et une vente de différentes options Call. Ainsi, l’investisseur vend pour ainsi dire la volatilité du sous-jacent. En période de grandes incertitudes, il peut donc profiter des fluctuations de cours escomptées et réaliser un rendement plus élevé ou acquérir, avec un escompte, le titre à la base de l’opération. La pratique de l’AFC distingue les instruments dits Reverse Convertibles à court terme d’une durée égale ou inférieure à un an des Reverse Convertibles à long terme d’une durée supérieure à un an. Les bénéfices sur les Reverse Convertibles à court terme sont considérés comme des gains en capitaux. En effet, l’interprétation économique de la combinaison entre l’achat et la vente de différentes options Call l’emporte. Les Reverse Convertibles à long terme sont considérés comme des obligations, interprétation qui ne laisse d’étonner car l’investisseur n’a aucune garantie quant au remboursement d’un montant fixe. Pour les produits à long terme tels que REVEXUS, l’émetteur ventilera les revenus annuels du produit en deux composantes, la composante «intérêts» et la composante «primes d’option». Seule la première est soumise à l’impôt sur le revenu. Bénéfice et perte pour les placements en actions et les Reverse Convertibles 1200 1000 800 600 400 200 0 -200 -400 Bénéfice/perte placements en actions Bénéfice/perte Reverse Convertibles -600 Cours des actions à la fin de la durée des Reverse Convertibles -800 Certificats sur indices et sur paniers d’actions Les certificats sur indices et sur paniers d’actions correspondent, sur le plan économique, à un investissement sur les marchés des actions (certificats sur indices), sur des paniers d’actions (certificats sur paniers d’actions) ou, plus récemment, sur d’autres valeurs de base tels les métaux précieux. Du point de vue fiscal, les bénéfices provenant de l’aliénation de certificats traditionnels (dits «classiques») constituent un gain en capital exonéré chez l’investisseur privé. En revanche, les paiements compensatoires (de même qu’un escompte d’émission et un agio de remboursement) sont considérés comme des rendements de la fortune. L’émetteur de certificats classiques sur indices et sur paniers d’actions ne garantissant pas le remboursement d’un montant fixe, le produit n’a pas la caractéristique d’obligation. Au contraire des certificats traditionnels sur indices ou sur paniers d’actions, l’émetteur gère les certificats dynamiques. En dépit du changement de composition de l’indice ou du panier d’actions pendant la durée de vie de l’instrument, on considère, du point de vue fiscal, qu’il s’agit d’un «certificat classique» lorsque les conditions suivantes sont remplies cumulativement: - les actions, matières premières, métaux précieux, etc. contenus dans l’indice ou le panier sont sélectionnés et gérés selon des critères objectifs et fixés d’avance; - les critères déterminants doivent être consignés dans les spécifications et sont immuables pendant la durée de vie du certificat; - la durée de l’indice ou du panier d’actions n’est pas limitée et l’indice ou le panier d’actions est enregistré comme une marque auprès de l’office des brevets compétent. Les certificats dynamiques qui ne remplissent pas les conditions précitées sont en principe qualifiés d’actifs analogues à un fonds de placement, avec les conséquences que cela entraîne en matière de fiscalité et éventuellement de surveillance. Les certificats sans durée fixe sont considérés, selon les principes ci-dessus, comme des certificats classiques ou dynamiques, lors- que l’investisseur bénéficie d’un droit de dénonciation annuel. La prudence est de mise pour les certificats sur paniers d’actions portant sur des obligations et des fonds de placement. Dans le cas des certificats sur obligations, le détenteur du certificat ayant les mêmes opportunités et les mêmes risques qu’un porteur ordinaire d’obligations, les certificats sur obligations sont traités comme des obligations et dès lors soumis, par analogie, aux prescriptions d’imposition de ces dernières. Pour les certificats sur fonds de placement, on se référera également au traitement fiscal des valeurs sous-jacentes, c’est-à-dire que le certificat sera traité fiscalement comme une part de fonds de placement. La vigilance est payante Les gérants de fortune, les conseillers en placement, les investisseurs et les émetteurs de produits structurés doivent être familiarisés avec cette matière complexe qu’est le mode d’imposition des instruments dérivés. Le risque de réaliser des pertes et de devoir néanmoins payer des impôts est effectif. ceo/expertise pwc 31 La place fiscale suisse: Comment un particulier fortuné peut-il faire des économies d’impôts? A quel point notre pays est-il encore attrayant pour quiconque dont la fortune ou les revenus sont supérieurs à la moyenne? Quand vaut-il la peine de consulter un conseiller fiscal? Réponses de Matthias Schweighauser1. La place fiscale suisse est-elle encore attrayante pour les particuliers suisses fortunés – ou ceux-ci sont-ils désavantagés par rapport aux étrangers fortunés au bénéfice d’un régime spécial? A quelques exceptions près, la place fiscale suisse peut encore être qualifiée d’attrayante pour les particuliers suisses fortunés en remarquant toutefois que le choix du domicile joue un rôle central. On ne peut pas dire non plus que les Suisses soient désavantagés par rapport aux étrangers fortunés. Il arrive certes que la charge fiscale de certains étrangers fortunés soit nettement moins élevée que celle de Suisses. Cela s’explique par l’application de l’«imposition selon la dépense», qui est réglée par la loi. On entend par là l’application d’une base de calcul spécifique pour les impôts et non d’un régime spécial. Une telle imposition ne peut toutefois s’appliquer qu’en présence de certaines conditions et c’est justement pour cette raison qu’elle ne pourrait pas convenir sans autre pour nombre de citoyens helvétiques. La charge fiscale résultant de l’imposition selon la dépense est en outre toujours assez élevée en chiffres absolus, ce que l’on a tendance à oublier. Quand vaut-il la peine de consulter un conseiller? Face à des structures de fortune et de revenus complexes, dans le cas de situations intercantonales et internationales ou, d’une manière générale, en cas de charge fiscale marginale élevée. Le recours à un expert est particulièrement recommandé lorsque l’on s’attend à d’importants changements de la situation personnelle, tels que la modification de l’état civil, la succession à la tête d’une entreprise, l’abandon de l’activité lucrative ou le transfert du domicile à l’étranger. Par ailleurs, il ne faut pas seulement s’assurer que la charge fiscale est aussi réduite que possible mais également que l’investisseur satisfait à ses obligations de contribuable de manière intégrale et dans les délais. Que peuvent attendre les investisseurs fortunés du conseil fiscal? En premier lieu, une optimisation souple et à long terme de la charge fiscale en minimisant les risques fiscaux éventuels. Tant la situation individuelle que les objectifs à moyen et à long termes du client doivent être analysés dans le cadre d’une planification financière globale et les mesures en vue d’abaisser la charge fiscale seront adaptées en fonction de cette analyse. Le fisc suisse s’efforce de combler toutes les lacunes fiscales. Cela signifie qu’il existe toujours moins de possibilités légales de faire des économies d’impôts. Que peut encore faire le conseiller fiscal dans ce cas? Une stratégie à long terme d’optimisation des impôts ne peut pas reposer simplement sur l’utilisation à court terme de lacunes fiscales. Une planification minutieuse et axée sur l’avenir pourra également permettre de réduire la charge fiscale, même sans lacune fiscale. Jusqu’où le conseil fiscal peut-il aller? Où rencontre-t-il ses limites? La législation fiscale, qui permet souvent en Suisse une interprétation différenciée, fixe automatiquement les limites. Des solutions 32 ceo/expertise pwc conduisant à une soustraction possible d’impôts sont taboues. Le conseiller fiscal doit dès lors informer ses clients des risques fiscaux éventuels que peut comporter une solution. Le client devrait donc savoir où il est possible que le fisc qualifie une situation ou une solution autrement que ce que ferait le contribuable ou son conseiller. Faut-il donc s’attendre à voir la charge fiscale augmenter encore en Suisse ces prochaines années? L’évolution conjoncturelle joue un rôle important à cet égard. La forte croissance de la quote-part fiscale doit sans doute aussi être considérée en relation avec l’extension des dépenses et des prestations publiques au cours des dix années écoulées. Par conséquent, la volonté des décideurs politiques est décisive pour un revirement de tendance. Compte tenu de la constellation actuelle, je suis relativement optimiste quant à l’avenir et espère que les décideurs opteront pour une imposition modérée de façon que la Suisse demeure attrayante pour les entreprises, les chefs d’entreprise et les particuliers. 1 Matthias Schweighauser est associé, secteur Private Clients du Conseil juridique et fiscal, PricewaterhouseCoopers, Bâle, [email protected]. Cinq minutes pour apprendre: Rappel sur des termes du monde de l’économie. Leveraged Buy Out (LBO) Achat d’une entreprise financé par un crédit accordé par un groupe d’investisseurs, lequel investit peu ou pas du tout de capitaux propres. En lieu et place, il accorde par exemple des prêts (Junk Bonds) jusqu’à hauteur du prix d’achat, les intérêts et les amortissements étant payés à partir des recettes courantes ou de la vente de parties de l’entreprise acquise. Le Leveraged Buy Out sert en règle générale à réaliser aussi rapidement que possible un bénéfice par la revente de secteurs d’entreprise encore bénéficiaires. En revanche, la reprise, financée par crédit, par la propre direction (Management Buy Out [MBO]) doit permettre d’assurer à long terme la pérennité de l’entreprise. Délits économiques Bâle II Désignation courante de la nouvelle version de l’Accord de Bâle sur les fonds propres de 1992 (Bâle I) édité par le Comité de contrôle bancaire siégeant à Bâle. Ce comité se compose de représentants des banques centrales ainsi que des autorités de contrôle bancaire des pays suivants: Allemagne, Belgique, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas, Suède et Suisse. Le but de cet accord consiste à mieux saisir que par le passé les risques économiques inhérents à l’octroi de crédits. Par exemple en introduisant une nouvelle procédure de notation qui permet de définir et de vérifier la solvabilité des entreprises. En outre, des obligations élargies doivent être introduites dans différents domaines de la profession bancaire. L’élaboration de l’Accord de Bâle II a débuté en 1999 et doit s’achever fin 2006 par sa mise en vigueur. Bâle II est très important, notamment en matière d’octroi et de conditions de crédit, pour les PME dont les besoins de crédits sont supérieurs à la moyenne. Au cours de ces deux dernières années, 37% de toutes les entreprises du monde ont été victimes de fraudeurs, ce qui a occasionné des dommages moyens de plus de 2 millions de dollars US. Les champions en matière de criminalité économique sont l’Afrique, avec 51% d’entreprises concernées, et l’Amérique du nord, avec 41%. En Suisse, 24% des entreprises ont été victimes de tels délits. Pour les cinq prochaines années, la majeure partie des entreprises s’attend à une recrudescence des cas. A l’heure actuelle, 35% des entreprises du monde et 39% des entreprises suisses considèrent que le plus grand risque de fraude réside dans l’abus de biens sociaux. PCAOB Le Sarbanes-Oxley Act (SOA) a créé un organe officiel de surveillance de la révision, le Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB). L’objet de la surveillance est constitué par les exigences strictes en matière de qualité des comptes annuels ainsi que d’indépendance de l’organe de révision. Toute société d’audit d’une entreprise cotée à la bourse américaine doit se faire enregistrer au PCAOB et est dès lors soumise à ses contrôles de qualité. Fairness Opinion Un rapport dans lequel un prix offert pour des parts de fonds propres ou un rapport d’échange fait l’objet d’une vérification du point de vue financier pour savoir s’il est approprié. Le résultat de ce rapport est la qualification de fair – ou unfair. La Fairness Opinion s’adresse la plupart du temps au conseil d’administration, lequel la met à la disposition des actionnaires. Elle est établie par des experts indépendants, principalement en relation avec des décisions d’entreprise stratégiques, telles que les fusions et acquisitions. Alors que ce sont les valeurs absolues qui sont décisives pour les acquisitions ou les ventes, c’est l’égalité de traitement – et donc les valeurs relatives – qui jouent un rôle décisif pour le rapport d’échange dans l’appréciation des fusions. La Fairness Opinion constitue une base de décision pour les organes de gestion. Pour les tiers, elle permet de faire la transparence pour la prise de décision. D’importants travaux d’évaluation sont nécessaires pour pouvoir délivrer une Fairness Opinion. ceo/expertise pwc 33 L’approche intégrée des transactions M&A Stratégie Evaluation Importance stratégique de la transaction Due Diligence Identification des entreprises-cibles (acquisition) Quantification synergies réalisables Modèle d’évaluation Quantification coûts et synergies Letter of Intent Des recettes à succès pour transactions M&A: Garder sous contrôle les points critiques dans chaque phase de la procédure. Une procédure M&A dûment structurée et documentée est à la fois un élément décisif de la responsabilité en matière de gouvernement d’entreprise et une contribution essentielle au succès d’une acquisition. [email protected] [email protected] [email protected] Au cours des années et mois écoulés, un certain nombre d’entreprises tant internationales que nationales ont fait la une de la presse par suite de débâcle ou de graves difficultés financières. A l’origine de ces difficultés, on trouve en général le manque ou encore l’échec de stratégies d’acquisition ou l’absence de gouvernement d’entreprise lors de l’exécution de la transaction. 1 Philipp Hofstetter (Corporate Finance), Amity Forrest (Transaction Services), Barbara Brauchli (Tax M&A), associés, PricewaterhouseCoopers, Zurich. 34 ceo/expertise pwc Cela pourrait expliquer aussi pourquoi on rencontre depuis quelque temps de nouveau plus de sérieux et de professionnalisme dans l’analyse de transactions anticipées. Les transactions sont devenues toujours plus délicates, complexes et soumises à la concurrence. C’est ainsi que, dans la procédure de vente publique, des acheteurs stratégiques sont en concurrence avec des établissements de Private Equity, lesquels ont déjà de l’expérience en matière de transactions. Celui qui gagne la procédure court le risque de payer vraisemblablement un prix (trop) élevé pour la prime, ce qui, dans un environnement de transparence croissante sur les marchés internationaux des capitaux, sera passé au crible par les autorités, mais aussi, et de plus en plus, par les propres actionnaires. Les décisions relatives aux fusions, acquisitions, alliances et ventes d’entreprises ou de parts d’entreprises font dès lors partie des étapes les plus délicates engagées par les entreprises. Il est donc particulièrement important que de telles décisions ne soient prises dans un environnement de contrôle efficace qu’après une analyse approfondie des répercussions de la transaction prévue sur les activités présentes et futures de l’entreprise. En raison des risques financiers de la transaction, la qualité des bases de décision et la gestion des procédures revêtent une importance fondamentale. Conclusion Intégration Surveillance Négociation (sur la base des résultats de la Due Diligence) Application de la stratégie d’intégration Surveillance et appréciation du résultat de la transaction Consolidation plus-values Fixation des conditions Walk-away Contrôle des résultats Ex-post Assessment (déroulement, coûts et synergies) Sauvegarde des clauses de garantie Les cinq phases d’une transaction M&A Une transaction M&A peut en principe se subdiviser en cinq phases pour pouvoir bénéficier d’une procédure structurée et réplicable: 1. Stratégie Cette phase doit permettre de déterminer les objectifs visés – et la façon de les atteindre. S’il ressort de cette procédure (présentée ici de manière simplifiée) que la croissance ne saurait être atteinte sans acquisitions stratégiques, la prochaine étape consiste à identifier les entreprises-cibles appropriées qui doivent faire l’objet d’un examen minutieux. Il convient de déterminer l’importance stratégique de la transaction pour l’exécution de la stratégie d’entreprise et le développement des affaires. Cela nécessite d’élaborer un White Paper documentant, sur le plan formel, les objectifs stratégiques à la base de la transaction et la liste de chiffres-clés financiers clairs comme critères de base du résultat de la transaction. Les coûts et les synergies éventuelles devront en outre être quantifiés. Le cas échéant, des Deal Breakers, envisageables dès cette phase, devraient entraîner logiquement une interruption de ce scénario de transaction parti- Indicateurs d’une procédure M&A mal engagée: - le pouvoir de décision à l’intérieur de la société n’est pas clairement défini et les équipes et individus engagés dans les différentes phases n’ont pas le savoir-faire ou l’expérience nécessaires pour garantir une exécution professionnelle de la transaction; - le directeur général et le directeur financier s’engouent pour une transaction «boiteuse» et profitent de l’absence de gouvernement d’entreprise ou de sa défaillance (p. ex. supervision par le conseil d’administration) pour conduire cette transaction à son terme; culier. Une telle procédure permet de déceler à temps des variantes possibles. Il ne faudrait pas aborder dans le détail la phase d’évaluation d’une transaction avant que la stratégie et une première estimation du résultat de la transaction n’aient pu être expliquées clairement au comité d’investissement. Il conviendrait néanmoins de procéder à une évaluation sommaire pour déterminer si l’on peut s’offrir la société visée. Si tel est le cas, on pourra commencer à négocier une lettre d’intention sans engagement (Letter of Intent – LOI) pour documenter globalement les conditions de la transaction avant de procéder à une Due Diligence formelle. 2. Evaluation Un contrôle de Due Diligence standardisé, réplicable et non soumis aux influences est réalisé durant la phase d’évaluation. Il offre la possibilité de comprendre les activités et les éléments qui ont un impact positif sur la valeur, de vérifier la qualité des informations historiques. Il offre aussi la - l’évaluation de la transaction (Due Diligence et évaluation) n’est pas exécutée avec la compétence nécessaire. ceo/expertise pwc 35 possibilité de réaliser des synergies ainsi que d’identifier les opportunités, les risques et les Deal Breakers avant de conclure et d’exécuter la transaction. Un responsable de projet chargé de la direction opérationnelle de la transaction, y compris de la Due Diligence, et de la réalisation des objectifs préalablement définis doit être désigné (l’idéal serait qu’il le soit à plein temps). Un modèle d’évaluation réalisable aide à déterminer et à négocier un prix d’achat ou de vente avantageux. En règle générale, ce modèle comporte au minimum un scénario de base et un scénario de synergie tenant compte des coûts d’intégration. Les résultats obtenus à l’issue du contrôle de Due Diligence et les secteurs à problèmes identifiés doivent être quantifiés et intégrés au modèle d’évaluation car c’est ainsi seulement que l’on garantira un prix approprié pour la transaction. 3. Conclusion de la transaction La phase d’évaluation est suivie par la phase de conclusion, dans laquelle la priorité est donnée à l’application effective des résultats issus du contrôle de Due Diligence, à la négociation d’une transaction avantageuse avec des paramètres de risques acceptables ainsi qu’à la définition de conditions Walk-away. En aucun cas, il ne faudrait, pour régler les problèmes identifiés dans la phase d’évaluation, attendre jusqu’à la conclusion de la transaction. Dès lors, on procédera soit à une rectification du modèle d’évaluation, soit à la formulation d’une position de négociation tenant compte de ces problèmes ou encore, on couvrira les problèmes identifiés autant que possible au moyen de clauses de garantie dans le contrat de vente. Il faudrait éviter de dévoiler une transaction au public trop tôt durant le processus de négociation car on pourrait aussi risquer de perdre une part importante de la marge de négociation. Une publication prématurée ne devrait être envisagée que si elle entraîne des avantages indéniables. 36 ceo/expertise pwc 4. Intégration La stratégie d’intégration doit être appliquée de manière ciblée, à l’aide de responsabilités et de jalons clairement définis, afin de pouvoir atteindre les synergies attendues dans les délais prévus. Des retards dans la mise en application peuvent conduire en fin de compte à l’échec de l’acquisition ou à une perte substantielle de plusvalue. 5. Surveillance Enfin, on procédera à une surveillance et à une appréciation critiques du résultat effectif de la transaction en la comparant avec les attentes initiales et les valeurs prévisionnelles préalablement définies. Pour ce faire, on établira de manière indépendante une analyse et une évaluation de l’activité-clé et des facteurs d’influence quantifiables de la transaction effectuée. Les corrections nécessaires seront signalées et apportées. Conclusion Une procédure M&A formalisée et réplicable aide à faire des économies de temps, de coûts et de nerfs, à augmenter la qualité des décisions et leur transparence et, bien après la réalisation de la transaction, à fournir la preuve que toutes les parties ont satisfait à leurs engagements de responsabilité accrue dans l’environnement actuel à l’égard des parties prenantes. Etude «PwC Swiss wide survey on Merger Law»: les responsables M&A saluent la nouvelle loi sur la fusion. 88% de tous les responsables M&A sont convaincus que la nouvelle loi sur la fusion offrira davantage de souplesse pour les réorganisations et les transactions M&A. Tels sont les résultats de l’étude «PwC Swiss wide survey on Merger Law» pour laquelle PricewaterhouseCoopers a interrogé les responsables M&A de grandes entreprises suisses. D’après l’étude, la nouvelle loi sur la fusion est considérée comme une simplification formelle des transactions entre sociétés du groupe (transfert de fortune au sein du groupe) ainsi que des exigences juridiques pour les reprises de biens par transaction. L’étude montre aussi que les décisions relevant de motifs d’exploitation l’emportent en général sur les critères fiscaux, et ce même compte tenu du fait que, dans le cas de quasi-fusions comportant un échange de droits de participation, des participations avec une quote-part inférieure à 20% peuvent également être transférées en franchise d’impôt. Les allégements relatifs à l’impôt sur les achats et ventes de titres sont déclarés bienvenus par 54% des responsables M&A. L’étude montre en outre que 87% des personnes interrogées constituent, pour les transactions M&A, des équipes ad-hoc composées de spécialistes internes et externes. 13% seulement disposent d’équipes M&A internes fixes. L’étude «PwC Swiss wide survey on Merger Law» peut être commandée pour le prix de 250 francs auprès de [email protected]. Evénements, études et analyses: Comment accéder au savoir de nos experts. Etudes: Avant-première: European Business Forum (EBF) est une publication qui paraît tous les trimestres et s’adresse aux cadres du monde entier. En réunissant des dirigeants d’entreprise, des universitaires et des conseillers indépendants, EBF se donne pour objectif de faire entendre la voix de l’Europe dans le dialogue international sur les thèmes de management. EBF paraît quatre fois par an en anglais, 96 pages, 110 euros p.a., sur facture. Informations: www.ebfonline.com Abonnement: [email protected] Swiss Economic Forum – Best Practice, vendredi 22 octobre 2004, Thoune Global CEO Survey 2004 Plus de 80% des quelque 1400 dirigeants d’entreprise interrogés dans le monde s’attendent à une première hausse du chiffre d’affaires d’ici 12 mois et à une seconde vague dans les trois prochaines années. La plus grande menace pour la croissance réside, à leur avis, dans la situation concurrentielle de plus en plus âpre, la perte d’un collaborateur-clé, un surcroît de réglementation, les fluctuations monétaires ou le terrorisme. Selon les dirigeants, une gestion rigoureuse des risques dans le monde est essentielle pour améliorer la rentabilité. La plupart des personnes interrogées en Europe sont bien conscientes qu’il s’agit de respecter les prescriptions du gouvernement d’entreprise. L’étude «Global CEO Survey 2004» peut être obtenue gratuitement auprès de: [email protected] Cette manifestation s’adresse aux jeunes chefs d’entreprise de Suisse et des pays voisins, qu’ils soient déjà actifs ou en passe de l’être. Au programme, des exposés de cadres dirigeants combinés à des ateliers. D’intéressantes manifestations cadres et soirées networking sont en outre prévues. Chaque participant peut composer lui-même son programme parmi tous les sujets qui lui sont proposés. Pour de plus amples informations: www.swisseconomic.ch BioScience, Business & Health Forum: The Future of Medicine, Zurich mardi 21 septembre 2004: Diabète. mardi 2 novembre 2004: Cancer. Ces manifestations ont pour but de créer un réseau de connaissances sur le thème des sciences médicales d’avenir et d’informer sur les progrès de cette industrie en rapide croissance. La médecine moderne entend lutter par tous les moyens contre les maladies les plus graves de notre époque. Les forums BioScience, Business & Health sont organisés par «First Tuesday». Informations et inscriptions: www.firsttuesday.ch Service lecture: Pour de plus amples informations sur les thèmes techniques de ce magazine ceo: directement par Internet auprès des auteurs (l’adresse e-mail est toujours indiquée). Vous trouverez une liste complète des publications de PricewaterhouseCoopers sous: www.pwcglobal.com Commandes des publications de PwC et abonnements auprès de [email protected] ou fax 01 630 18 55. Abonnements: ceo, le magazine des décideurs de PricewaterhouseCoopers qui propose un forum dans lequel des leaders s’expriment sur des thèmes d’actualité, des portraits d’entreprise et de chefs d’entreprise et de nombreuses informations, paraît trois fois par an (français, allemand, anglais, 52 pages). Abonnement gratuit. Indiquer la langue souhaitée: [email protected] Adresse: PricewaterhouseCoopers, magazine ceo, Stampfenbachstrasse 73, 8035 Zurich. Prière de préciser la langue de correspondance (français, allemand, anglais) ceo/expertise pwc 37 Alexander Abramov Nouveaux leaders, nouveau sérieux: la Russie se redresse. Des taux de croissance dépassant 6%: la Russie est en passe de devenir une puissance économique. La force qui l’anime est celle d’une nouvelle génération de leaders, parmi lesquels nos interlocuteurs, Oleg Kiselev, président de la banque d’investissement Renaissance Capital, et Alexander Abramov, patron du groupe sidérurgique EvrazHolding. Texte: Rolf Hosfeld, Stephan Hille, Photos: Gueorgui Pinkhassov/Magnum Photos, Mia Foster 38 ceo/russie Oleg Kiselev ceo/russie 00 Parfois, les choses se déroulent comme une partie d’échecs. Un roque, et la situation change radicalement. Oleg Kiselev est l’un de ces joueurs d’échecs. Il est assis dans un bureau fonctionnel sobrement décoré de l’immeuble inondé de lumière de la banque d’investissement Renaissance Capital, en plein centre ville, à proximité immédiate de la résidence officielle de Youri Loujkov, le maire de Moscou. Il y a 15 ans, cet ancien scientifique n’aurait pas osé imaginer qu’il deviendrait l’un des leaders économiques les plus importants du pays. Récemment, Oleg Kiselev s’est vu décerner pour la deuxième fois le titre de «Banquier de l’année». «A vrai dire, je ne vois aucun rapport entre ma carrière actuelle d’homme d’affaires et mon passé de scientifique», dit-il en riant, «sinon peut-être que mes connaissances mathématiques m’ont appris à penser d’une manière strictement logique.» Kiselev n’a jamais étudié les investissements bancaires, mais, dans ce secteur, il est aujourd’hui 40 ceo/russie plus demandé que quiconque en Russie. Ce n’est pas un joueur, mais un stratège. Aujourd’hui, en Russie, des gens comme Oleg Kiselev sont représentatifs d’une mentalité misant sur le sérieux. L’effervescence de la perestroïka et les défis parfois un peu aventureux de la période Eltsine appartiennent depuis longtemps déjà au passé. «Au début», déclare Kiselev, qui fut l’un des premiers entrepreneurs russes indépendants, «nous avons eu le sentiment que la perestroïka n’était qu’un jeu momentané des communistes. Naturellement, la situation a changé en 1991, avec la désintégration de l’Union soviétique. Cependant, ce que sont véritablement les affaires, quels sont les critères internationalement admis, nous ne l’avons appris qu’après la crise du rouble, en 1998.» A l’époque – rouble en chute libre et caisses de l’Etat vides – de nombreux investisseurs ont, du jour au lendemain, tourné le dos au pays. Certains sont toutefois restés, et cela s’est avéré payant. Aujourd’hui, les spécialistes sont unanimes à considérer comme prometteur l’avenir de la Russie en tant que puissance économique. «Nous pensons que l’économie russe se développe mieux et obtient de meilleurs résultats que celle de nombreux autres pays», a déclaré Anne Krueger, directrice adjointe du FMI, lors d’une visite à Moscou l’an dernier. Le chef économiste de la Banque mondiale à Moscou, Christoph Rühl, a récemment confirmé ce pronostic positif. Au cours des quatre dernières années, pour la première fois depuis la fin de l’Union soviétique, la Russie a connu une période de stabilité politique et économique. Les taux de croissance se sont situés, en moyenne, autour de 6,8%, donc nettement au-dessus des 4,7% observés ailleurs en Europe de l’Est. La consommation privée a Au cours des quatre dernières années, pour la première fois depuis la fin de l’Union soviétique, la Russie a connu une période de stabilité politique et économique. Une nouvelle classe moyenne émerge en Russie. Ce phénomène a des conséquences sur l’économie: la consommation privée augmente de 8,4% chaque année. ceo/russie 00 Pour les investisseurs étrangers, le climat s’est nettement amélioré, comme un forum, organisé à Londres par le magazine russe «Expert», le «Financial Times» et PricewaterhouseCoopers, a permis de le constater. même augmenté de 8,4% par an, après avoir reculé pendant les dernières années de l’ère Eltsine. Le taux de chômage est passé de 12,5 à 8,8%, le budget de l’Etat est équilibré. La Russie se redresse à grands pas. Les secteurs-clés de ses industries traditionnelles font de même. Par exemple, EvrazHolding, le groupe sidérurgique d’Alexander Abramov, est une conséquence heureuse de la crise de 1998. A l’époque, Abramov, qui, à l’instar de Kiselev, a un background scientifique et universitaire, a assaini des combinats sibériens en faillite avec l’aide du groupe international Duferco, de Lugano, pour les transformer en entreprises rentables capables de s’affirmer sur le marché mondial. La philosophie stratégique d’Abramov: pas de gros investissements sans management à la hauteur. Lui aussi incarne le nouvel esprit de sérieux russe. Pour les investisseurs étrangers, le climat s’est nettement amélioré, comme un forum, organisé à Londres par le magazine russe «Expert», le «Financial Times» et PricewaterhouseCoopers, a permis de le constater au printemps. C’est peut-être le fabricant de meubles suédois IKEA qui envoie les signaux les plus prometteurs, voulant investir, au cours des prochaines années, dans 20 nouveaux magasins entre Moscou, St-Pétersbourg et Novossibirsk, en Sibérie. Les Suédois escomptent sept millions de clients russes et espèrent faire des bénéfices à partir de 2005. Aujourd’hui même, affirme Lennart Dahlgren, directeur général d’IKEA pour la Russie, les deux magasins moscovites existants «font partie des plus performants du monde». Cependant, le long chemin de la Russie vers les délices de l’Occident est, aujourd’hui encore, semé d’obstacles. Pour l’essentiel, la croissance des dernières années a trop été le résultat de circonstances heureuses dues au prix constant du pétrole. «Maintenant, l’économie doit être sérieusement reprise en main», estimait l’agence russe Novosti au printemps, peu après la réélection de Vladimir Poutine. Il y a fort à faire. Le système bancaire est toujours fragile, la sécurité juridique n’existe pas partout, la corruption et l’arbitraire administratif posent encore de gros problèmes. La Russie va-t-elle devenir une société ouverte? L’affaire Ioukos et l’arrestation du magnat Mikhaïl Khodorkovski ont encouragé le scepticisme, mais Alexander Abramov, par exemple, est optimiste à long terme. «Je pense», dit-il, «que l’affaire Ioukos est plutôt un cas isolé.» La Russie se trouve à nouveau à la croisée des chemins, mais aujourd’hui les conditions d’une évolution positive sont meilleures que jamais. «Cette fois, il ne s’agit pas seulement de survivre», estime l’analyste Leonid Grigoriev, «mais, à l’heure de la mondialisation, d’augmenter à long terme la compétitivité de la société russe.» Plusieurs réformes sont en cours, du moins dans le domaine de la législation économique. Des séries de lois visant à réguler le marché financier et à libéraliser les marchés de l’électricité et du gaz, annoncées pour cet été, figurent au premier rang des préoccupations du président. Ce serait, selon les experts unanimes, des pas importants dans la bonne direction. «En Russie, il règne une atmosphère très particulière.» Daniel Gremaud, responsable des projets russo-suisses. Le siège social de PwC à Moscou emploie 800 personnes environ – dont une équipe de 20 experts en fiscalité, chargée exclusivement des projets russo-suisses. Cette équipe aide les clients russes à implanter un commerce international via la Suisse. A l’inverse, ce réseau est à la disposition des clients suisses qui s’intéressent aux investissements et aux activités en Russie. Daniel Gremaud, associé, International Tax Services, PricewaterhouseCoopers Lausanne, se consacre intensément depuis des années aux relations commerciales avec la Russie. Il est, entre autres, spécialiste de la législation russe et expert en projets russo-suisses. «En Russie, il règne une atmosphère très particulière de renouveau et de changement. Presque chaque jour, on assiste à l’apparition de nouveautés qui modifient et bouleversent la politique et l’économie», déclare Gremaud. Son engagement professionnel et personnel lui a ouvert des perspectives particulières et permis de nouer des contacts. Ceux-ci se sont concrétisés par un bureau suisse-russe-ukrainien, dans le cadre duquel les structures juridiques et économiques pour une coopération internationale sont définies et établies. Dans ce contexte, une délégation de politiciens suisses, dont le conseiller fédéral Couchepin, a rendu visite en juillet dernier à des politiciens et entreprises en Russie. Informations et contact: [email protected] 42 ceo/russie Interview «La Russie est un marché intéressant.» Oleg Kiselev1 nous parle de croissance, d’argent et d’investissements, ainsi que de l’avenir du secteur bancaire russe. ceo: M. Kiselev, vous êtes entré chez Renaissance Capital cette année, au mois de janvier. Quel est aujourd’hui le profil de cette société? Oleg Kiselev: Renaissance Capital est une société mixte, ce qui n’est pas très habituel en Russie. Nous sommes à moitié russes et à moitié internationaux. Cela signifie que nous avons adopté les standards de qualité internationaux et une vision russe de la manière dont on peut faire des affaires en Russie. Mon rôle principal, et mes intentions, consistent à combiner plus étroitement les deux points de vue, l’international et le russe. Quels seront les défis personnels les plus importants à relever pour vous? Il s’agira en premier lieu d’ouvrir de nouvelles branches commerciales, en particulier dans le secteur des investissements bancaires. Cependant, notre premier défi concernera le marché de la consommation, financé à 100% par nos partenaires. Je souhaite augmenter la valeur de ce secteur. Développer en notre faveur les opérations bancaires privées, un secteur qui ne fonctionne pas bien en Russie, représentera aussi pour nous un défi important. Jusqu’à présent, quelles ont été vos affaires les mieux réussies? L’un de nos derniers projets portait sur le placement d’un fonds de 100 milliards de roubles pour le géant de l’énergie Gazprom, 1 Oleg Kiselev a été directeur adjoint de l’Institut de physique chimique de l’Académie des Sciences soviétique avant de devenir, dès 1989, l’un des premiers entrepreneurs indépendants russes en fondant Alpa Photo. Il a notamment fait partie du directoire de l’Impexbank avant d’intégrer celui de Renaissance Capital au début de l’année. Elu «Banquier de l’année» à deux reprises, Kiselev est également vice-président de l’Union russe des industriels et des entrepreneurs. que nous soutenons. C’est, à ce jour, le placement de titres le plus important réalisé pour une société russe. Auparavant, le plus gros placement avait été de cinq milliards de roubles, toujours pour Gazprom. Nous jouons un rôle très important sur ce marché. Nous surveillons ces titres et sommes impliqués dans des affaires similaires dans différents secteurs. Les analystes occidentaux accordent une grande confiance au marché russe des capitaux et à la croissance à en attendre. Le marché des capitaux va se développer et j’ai parfois l’impression que la croissance y progresse plus rapidement que dans l’économie elle-même. La Russie est un marché intéressant: c’est pour cela qu’il entre plus d’argent que ce dont le marché a besoin ou que ce qu’il peut traiter. Cela crée parfois un effet de bulle, par exemple sur le marché surchauffé de l’immobilier. C’est pourquoi, en tant qu’entreprise, nous sommes très prudents avec nos clients. On dit que la Russie a encore un système bancaire très fragile. Lorsque les opérations bancaires privées ont commencé en Russie, nous avions des lois très libérales. Personne ne considérait que des dispositions plus strictes étaient nécessaires. Avant le krach de 1998, les banques étaient les principaux acteurs de l’économie russe. A cette époque, l’argent circulait de deux façons. D’un côté, il y avait le budget de l’Etat et les banques. Ce flux d’argent s’auto-entretenait. De l’autre côté, nous avions la véritable économie, où l’argent manquait et où, à la place, on faisait des ceo/russie 43 «Le marché des capitaux va se développer et j’ai parfois l’impression que la croissance y progresse plus rapidement que dans l’économie elle-même.» Oleg Kiselev opérations de troc, une sorte d’échange en nature: marchandise contre marchandise ou marchandise contre prestation de service, et où l’on négociait des titres douteux. Bien entendu, cette situation était intenable. A vrai dire, c’est l’une des principales raisons qui ont conduit à la crise de 1998. Avec la crise du rouble, tout a changé. Aujourd’hui, la situation s’est nettement améliorée. Quelques problèmes vont subsister. Lesquels? Dans le secteur bancaire orienté vers les consommateurs, nous avons encore quelques problèmes. Le premier concerne la banque d’Etat Sberbank et son monopole, que nous espérons abolir. Toutes les banques doivent bénéficier des mêmes droits. En second lieu, sur ce marché, les lois sont très insuffisantes en matière d’insolvabilité. Il y a eu des cas où des banques qui étaient déjà en faillite depuis longtemps étaient encore autorisées à effectuer des opérations. Enfin et surtout, nous devons aussi augmenter le capital social dont une banque a besoin pour être agréée. Heureusement, les décisions prises par les spécialistes de la banque centrale semblent aller dans la bonne direction, même si elles ne sont pas aussi énergiques que le souhaiterait le monde des affaires. Qu’avez-vous déjà obtenu? Beaucoup de paperasses inutiles, de dispositions et de rapports bureaucratiques régissant les relations entre la banque centrale et les banques privées ont été supprimés. Des discussions visant à mettre un terme aux garanties accordées par le gouvernement à la Sberbank sont en cours. Le relèvement du capital social pourrait inciter les petites banques à se rapprocher. Actuellement, des négociations sont en cours pour savoir comment simplifier de tels rapprochements ou le démarchage de banques. Que peut-on attendre de telles avancées, en particulier pour un investisseur étranger? Tous les changements dans le secteur bancaire vont s’effectuer lentement. Aux investisseurs et aux banquiers étrangers qui souhaitent investir, je conseille la chose suivante: je ne crois pas que les investissements commerciaux dans le secteur bancaire soient rentables, si l’on compare avec le secteur industriel. La marge bénéficiaire est très réduite. La rentabilité des banques russes ne peut pas être comparée à celle du secteur industriel. Cependant, à l’avenir, peut-être dans cinq ou sept ans, le secteur bancaire pourrait devenir très intéressant. C’est pourquoi je conseille aux banques occidentales de s’y préparer. Que pensez-vous du climat pour les investissements en Russie? Je suis optimiste: nos prévisions font état de stabilité. C’est pourquoi, pour les investissements, le climat s’améliore de plus en plus. Il est vrai qu’avant l’affaire Ioukos, j’étais encore plus optimiste. Cependant, je n’en suis pas devenu pessimiste pour autant. 44 ceo/russie Interview «Je pense que nous sommes sur la bonne voie.» Alexander Abramov1 parle des forces et des faiblesses de l’économie russe – et de son plus gros potentiel: les hommes. ceo: La Russie a-t-elle désormais devant elle un avenir plus stable? Alexander Abramov: Absolument. Nous avons des matières premières, ce qui est un gros avantage. Par ailleurs, nous disposons d’une main-d’œuvre très qualifiée dans l’industrie sidérurgique. Au cours des cinq dernières années, les instances dirigeantes des entreprises privées ont toutes été remplacées. Notre plus grand défi consiste maintenant à attirer des individus nouveaux et à instaurer une nouvelle mentalité, y compris dans les entreprises d’Etat. EvrazHolding existe depuis 1992. A l’époque, vous êtes entré dans le secteur sidérurgique et vous avez commencé à moderniser des entreprises. Quels ont été vos principaux problèmes? La plupart des entreprises sidérurgiques que nous avons prospectées étaient dans une très mauvaise situation financière. Nous avons introduit la gestion individuelle de l’entreprise, élaboré des standards industriels et financiers et consacré beaucoup de temps à créer chez nos employés une motivation appropriée. Après seulement, nous avons investi massivement. Le plus gros défi consistait à tout mettre en ordre L’un des problèmes de l’économie russe est sa dépendance vis-à-vis de matières premières comme le pétrole ou le gaz. Que faut-il faire pour apporter de la diversification dans l’économie? Nous avons choisi la meilleure solution, mais il faut du temps. Ce n’est un secret pour personne qu’en Russie des obstacles administratifs hérités du passé entravent la marche des affaires, situation qui doit naturellement changer complètement. Les finances publiques restent dépendantes des matières premières, mais il ne faut pas que cela dure éternellement. Il faut avant toute chose investir dans les hommes, non seulement du point de vue financier, mais aussi en termes de patience, de temps et dans la manière d’aborder les problèmes de façon positive. Après seulement, il faudra penser à investir dans la technologie. «Ce n’est un secret pour personne qu’en Russie des obstacles administratifs hérités du passé entravent la marche des affaires, situation qui doit naturellement changer complètement.» Alexander Abramov du point de vue de la gestion. Une fois ces étapes franchies, Evraz a investi plus d’un milliard de dollars au cours des cinq dernières années. Quel est l’état de l’industrie sidérurgique russe? Il n’existe actuellement plus de grande différence entre les usines sidérurgiques américaines et leurs équivalents russes, bien que le mythe selon lequel les Russes disposent de piètres installations soit encore vivace. Ce n’est pas vrai, ce sont là des entreprises modernes du point de vue de la technologie et de la gestion. Et qui sont très rentables. Quelle est la particularité d’EvrazHolding? A la différence de nos concurrents d’Extrême-Orient ou européens, nous occupons une position importante sur le marché des produits semi-finis. Ils représentent 60% de notre chiffre d’affaires. Ils ne sont pas soumis aux barrières protectionnistes des marchés étrangers, ce dont nous tirons profit. Notre avantage par rapport à la concurrence réside dans le fait que nous faisons partie des leaders mondiaux dans le secteur des produits semi-finis, tout en ayant des coûts de production réduits. En quoi consistent vos rapports avec PricewaterhouseCoopers? A un moment donné, Evraz a décidé qu’il était temps de rationaliser davantage sa structure d’entreprise. La meilleure solution consistait à s’adresser à un conseiller étranger, et nous avons choisi PwC. La collaboration a été particulièrement poussée. PwC a préparé l’architecture de nos structures juridiques, organisationnelles et de gestion. Cette coopération a été très profitable aux deux parties et je voudrais ajouter que nous sommes très satisfaits du résultat. Le marché russe de la consommation est-il appelé à connaître la croissance dans les années à venir? Je l’espère. Ces cinq dernières années, le pouvoir d’achat des consommateurs a augmenté. Mais pour la Russie, il est encore plus important que les hommes deviennent plus actifs du point de vue économique. Les industries nationales doivent se développer: les Russes dépensent trop d’argent pour importer des marchandises. Les industries satisfaisant les besoins nationaux disposent d’un fort potentiel de croissance. La situation s’améliore chaque année et je pense que nous sommes sur la bonne voie. Encore un mot sur la bureaucratie et la corruption. Et sur le climat pour les investissements. La bureaucratie prospère, mais la corruption a fortement reculé. Aujourd’hui, en Russie, nous vivons sur une autre planète, comparativement à la situation qui prévalait il y a huit ans. Concernant le climat pour les investissements, au cours des deux ou trois prochaines années, EvrazHolding va investir environ 600 millions de dollars, contre 150 seulement l’année dernière. Ces faits parlent d’eux-mêmes. 1 Alexander Abramov a débuté sa carrière en travaillant comme physicien et mathématicien à l’Académie des Sciences soviétique. Il est fondateur et membre du directoire de l’entreprise sidérurgique EvrazHolding qui, avec 125 000 employés, est l’une des plus importantes entreprises industrielles russes. Cet homme, élu «Meilleur manager de l’année 2000» est également membre du conseil d’entrepreneurs du gouvernement de la Fédération de Russie. ceo/russie 45 Les sentiments sont-ils mesurables?… Emanuel et Rosmarie Berger, directeurs et copropriétaires du Victoria-Jungfrau Grand Hotel & Spa à Interlaken, comptent parmi les hôtes les plus prévenants du monde. Selon le magazine américain «Hotels», ce sont même des «hôteliers accomplis». Pourquoi les visiteurs du monde entier se sentent-ils si bien chez eux? Leur secret: le Total Quality Management. Texte: René Ammann Photos: Markus Bertschi Nous sommes tous trois installés dans la brasserie du Victoria-Jungfrau Grand Hotel & Spa, à Interlaken. Mon regard se promène sur de fastueuses peintures, de hauts miroirs, une pièce somptueuse des années de fondation, un parquet plus que centenaire… «Nous pouvons échanger nos places, si vous voulez.» – «Pourquoi?» me demande Emanuel Berger. «Parce que vous n’avez aucune vue d’ensemble. Je croyais que les hôteliers ne devaient jamais tourner le dos à la porte d’entrée!?» – «Non, non, nous sommes très bien ainsi», dit Rosmarie Berger. «Autrement, nous ne pourrions pas nous concentrer sur notre conversation», ajoute Emanuel Berger. Ils sourient. Ce n’est pas un sourire d’hôtelier, qu’un client pourrait deviner immédiatement. Tous deux sont réellement amusés. Rosmarie et Emanuel Berger incarnent une philosophie d’entreprise qui fait de simples clients des habitués fidèles. «Nous vendons des sentiments. Nous réalisons des rêves. Nous préparons un théâtre pour permettre 46 46 ceo/leader ceo/leader l’entrée en scène de nos clients», dit Emanuel Berger. Aucun désir n’est trop fou pour être exaucé. Jamais les collaborateurs du Victoria-Jungfrau ne vous diront: «Nous ne faisons jamais comme cela» ou «Nous avons toujours fait ainsi». «Nous essayons toujours de surpasser les attentes de nos clients, quelles qu’elles soient», explique Rosmarie Berger. Mais une telle philosophie coûte cher. En 2003, l’entretien de cet hôtel de 222 chambres – c’est-à-dire plus de 222 salles de bain, d’innombrables pièces annexes, salles et halls, des couloirs interminables recouverts de tapis ou de parquet, des kilomètres de conduites d’eau, des chauffages conçus comme pour un village entier – a coûté à lui seul 7% du chiffre d’affaires. Résoudre immédiatement les problèmes Dans un établissement qui reçoit chaque jour 400 personnes – sans compter les restaurants (un millier de convives, par exemple, a été reçu au mois de mai au dîner de gala du Swiss Economic Forum, en plus des clients de l’hôtel) –, l’organisation est déterminante. Comment apparaissent les problèmes et que peut-on faire pour les éviter? «Chez nous, les défis sont toujours imminents et ne peuvent pas attendre», dit Emanuel Berger. «Nous devons répondre sur-le-champ aux désirs et aux lubies de chacun de nos clients. Le temps qui nous est nécessaire pour résoudre un problème décide si le client se sent bien chez nous ou pas. Lorsqu’un client souhaite brancher son ordinateur dans sa chambre, il veut le faire maintenant et non pas dans une heure. Il nous faut donc exaucer chaque désir, aussi lapidaire soit-il, en quelques minutes. Cela fait partie de nos prestations.» Mais comment y parvient-on? «Chacun de nos collaborateurs est un combattant solitaire», dit Emanuel Berger. «Il représente le produit dans sa totalité. L’individu est déterminant, quelle que soit sa charge. Un serveur peut transformer un dîner en une soirée merveilleuse – ou le gâcher. C’est pourquoi chacun d’entre nous doit collaborer, reconnaître l’importance de son travail et assumer ses responsabilités – et ce en quelques secondes, de manière compétente et efficace.» Pour cela, il est nécessaire de soumettre tous les collaborateurs à une formation rigoureuse et systématique. La philosophie des Berger veut, en effet, qu’on se sente sûr de soi pour pouvoir jouer son Rosmarie et Emanuel Berger: satisfaire tous les désirs. D’une beauté intemporelle depuis 1865: la façade du Victoria-Jungfrau. Concentration avant l’affluence: formation de la brigade d’accueil. Quatre des 250 employés: chacun d’eux fait le maximum au service du client. rôle d’hôte avec joie et aisance. Ainsi, puisqu’il faut «entraîner l’entraîneur», tous les niveaux de la hiérarchie de l’hôtel se soumettent en permanence à une formation continue: des réunions quotidiennes aux cours de langue facultatifs, en passant par les cours obligatoires sur l’hygiène et la protection contre les incendies. La formation est gratuite pour tous ceux qui y participent; les absents doivent payer. C’est un principe simple mais efficace. Emanuel Berger explique: «Si vous formez vos collaborateurs de façon professionnelle et les adaptez au profil de l’établissement, tous seront disposés à prévoir les pannes et à les enrayer. Les responsables sont les directeurs des divers départements et sections – ainsi que ma femme et moimême. Nous jouons très souvent le rôle des pompiers. C’est la fonction des patrons.» Les nouvelles installations thérapeutiques du spa. L’hôtel en chiffres Le Victoria-Jungfrau Grand Hotel & Spa dispose aujourd’hui de 222 chambres, dont 66 suites junior, 18 suites, 9 suites duplex et, le nec plus ultra du luxe, la «Turm-Suite» sous le dôme. Une vaste zone de thérapie d’une valeur de 17 millions de francs a été ouverte en décembre 2003 dans le spa (lui-même créé en 1991), ainsi que dix nouvelles suites de 56 mètres carrés. Le chiffre d’affaires s’élevait à 35,4 millions de francs en 2003 (soit 4,7% de moins que l’année précédente) et le nombre de nuitées, après une baisse de 2,1%, à 71 027. La société Victoria-Jungfrau AG Le capital social de la société Victoria-Jungfrau AG s’élève à 28 millions de francs en actions nominatives. Le plus grand actionnaire, le Kuwait Investment Office (KIO), à Londres, aurait aimé prendre la majorité en 1978, ce qui s’est révélé impossible en raison de la Lex Friedrich. L’actionnariat se compose actuellement de KIO London (23,8%), UBS SA (15,11%), Swiss Re (9,82%), Assuricum AG/Zürich Versicherungen, Emanuel Berger, Banque cantonale bernoise, F. Hoffmann-La Roche, Galenica, Assurance immobilière Berne, Novartis, Roche et pas moins de 7142 actionnaires particuliers. La cote de l’entreprise s’élève à 275–280 francs par action. Selon Emanuel Berger, délégué du conseil d’administration, moins de 3% des actions changent de main chaque année. En 1997, afin de créer des synergies, la société Victoria-Jungfrau AG a acquis l’hôtel Palace de Lucerne, autre établissement de première catégorie, et l’a rénové en 2003. Les dividendes ont été annulés pendant l’exercice 2003 pour permettre les travaux de rénovation à Lucerne. www.victoria-jungfrau.ch 48 ceo/leader Le succès n’est pas le fruit du hasard Le succès peut se programmer, les Berger en sont convaincus. «Nous avons donc appliqué un système pouvant garantir un rendement maximal 24 heures sur 24 et 365 jours par an.» A la base de toutes les activités du Victoria-Jungfrau se trouve un Total Quality Management (TQM), qui englobe les différents domaines d’activité et les relie entre eux. Un plein placard de classeurs contient, étayée de minutieuses descriptions et de diagrammes, la définition exacte de tous les processus de direction et de travail – contrôle financier, aménagement du jardin, encadrement des apprentis, comportement en cas de réclamation, règles d’hygiène dans le spa… et même une recette de croissants au beurre. A présent, une grande partie de l’ouvrage de référence est accessible aux collaborateurs sur l’intranet. Chacun peut se renseigner sur les chiffres d’affaires quotidiens de l’hôtel ou sur le déroulement des activités dans sa section. «Par exemple, cela permet à chaque collaborateur de contrôler son supérieur lors de la signalisation des pannes, etc.», explique Emanuel Berger. «Ce système nous permet aussi de rester attentifs, car il nous donne la possibilité de juger notre travail avec un esprit critique.» Chaque année, l’hôtel recourt également à des conseillers exter- Auparavant, le Victoria-Jungfrau prospérait grâce aux Anglais. De nos jours, un client sur deux est Suisse et dépense, en moyenne, 500 francs par jour. nes qui contrôlent les différents domaines du TQM, en théorie et en pratique, afin d’actualiser continuellement le système et de remédier à ses insuffisances. Autre outil de management, un livre d’un kilo retrace tous les événements de l’hôtel au cours de l’année. On y trouve des tableaux avec des données détaillées sur les recettes et les dépenses dans tous les domaines d’activité ainsi que le nombre mensuel de clients dans chaque restaurant et dans le spa; même les réclamations sont enregistrées statistiquement. Cette rétrospective complète de l’année sert de reporting au conseil d’administration et d’instrument de travail à l’établissement même. Mesurer les émotions «Ces données de management nous indiquent chaque année si nous avons atteint nos objectifs et comment. Nous définissons alors de nouveaux buts pour l’année suivante», explique Emanuel Berger. Dans chaque domaine d’activité, de la réception au service des chambres, les différentes équipes contrôlent leurs résultats, donnent leur avis sur les problèmes qui se sont posés, cherchent des possibilités d’amélioration et définissent de nouveaux objectifs pour l’année suivante. «Notre produit est une affaire d’émotions. Et les émotions sont, très souvent, une question d’appréciation. Mais nous ne pouvons nous améliorer que si nous rendons nos prestations clairement mesurables. Nous avons donc créé des instruments qui nous permettent d’effectuer des mesures objectives», dit Emanuel Berger. Lorsqu’une chose est critiquée deux fois de suite dans l’un des centres de profits, un processus d’amélioration se déclenche – ce mécanisme se propageant dans les différentes sections de l’hôtel. Pourtant, cet établissement exemplaire (nommé «Hôtel de l’année» par le guide gastronomique Gault-Millau 2000) et ses hôteliers (élus «Hôteliers de l’année 2003» par 60 000 lecteurs du magazine américain «Hotels») ont senti, eux aussi, les effets de la récession, des attentats terroristes et de l’impopularité croissante de l’avion en tant que moyen de transport. En 2003, l’hôtel n’a accueilli presque aucun visiteur d’Extrême-Orient. Les Américains désirent moins voyager en raison de la guerre en Irak, et les Allemands n’ont pas assez de temps ni d’argent. «La clientèle devenant de moins en moins fréquente, nous avons profité de cette période pour faire des travaux», dit Emanuel Berger. Le réaménagement du luxueux spa, de ses 16 salles de thérapie et des dix immenses suites a coûté 17 millions de francs. «En outre, nous avons essayé de transférer à Interlaken des congrès et séminaires qui devaient avoir lieu ailleurs.» Tandis que, pendant les périodes plus prospères, les directeurs d’entreprise étaient tentés d’offrir des séjours exotiques dans de lointains pays aux participants de leurs séminaires, ils préfèrent aujourd’hui, depuis deux ans, la sécurité liée à la qualité et au luxe. C’est une chance dont bénéficient les établissements suisses de première catégorie. Le Victoria-Jungfrau propose à ses partenaires commerciaux de planifier un séminaire en un seul entretien – et se charge gratuitement de l’organisation complète, de l’arrivée et du transfert des participants au décompte final, en passant par les excursions et les programmes complémentaires. «Pour nous, ce service est un instrument de fidélisation des clients», explique Emanuel Berger. «Il peut arriver que nous subissions des pertes financières. Mais, après tout, c’est justement ce qui nous permet de nous assurer la loyauté de nos clients. Ceci est d’une importance déterminante à long terme.» L’hôtel n’a supprimé quasiment aucun emploi pendant la récession. Aucun département n’a été transféré, aucune section n’a été fermée, aucun salaire n’a été diminué. Le Victoria-Jungfrau est un employeur sûr depuis plus de 100 ans. Le pourcentage de collaborateurs suisses augmente depuis des années. Quant à la coordination des différentes tâches (portiers, réceptionnistes, serveurs, chefs de service, F&B, chefs de rang, chefs de partie, sauciers, commis, etc.), «c’est le rôle du patron», dit Emanuel Berger. «Motiver tous les collaborateurs de façon qu’ils travaillent consciemment, avec inspiration et productivité, c’est comme diri- ger un orchestre pour en assurer l’harmonie et la sonorité.» L’estime mutuelle est primordiale. «Nous créons des rapports de confiance, dans lesquels les collaborateurs sentent qu’on accorde de l’importance à leurs besoins», dit Rosmarie Berger. Cette attitude se reflète, par exemple, dans les confortables appartements que l’hôtel a mis à la disposition de ses collaborateurs ainsi que dans leur restaurant, une pièce claire et accueillante dotée d’une grande terrasse ensoleillée. Là, les collaborateurs peuvent et doivent avoir l’impression d’être des invités – ils commandent à la carte, et le menu est volontairement adapté aux goûts nationaux et individuels. Qu’en est-il des fluctuations au niveau du personnel, un problème important dans l’hôtellerie? «Les jeunes doivent connaître différentes entreprises, ils vont et viennent», explique Rosmarie Berger. «Chez les cadres, nous constatons une stabilité qui nous est extrêmement précieuse.» Motiver par les expériences passées Le Victoria-Jungfrau est ouvert 365 jours par an – «366 jours en 2004», comme le précise Emanuel Berger. Mais chaque jour n’est pas un jour de pointe. Comment motiver une équipe pendant la basse saison? «Il est impossible de motiver qui que ce soit durant les périodes calmes. La motivation est un état qui requiert l’engagement de chaque collaborateur», explique Emanuel Berger. «Le mieux est de se motiver par les expériences passées.» Les dates immuables telles que Noël, Pâques et la Fête des mères sont alors des occasions idéales: «Nous ne pouvons pas modifier ces périodes de pointe traditionnelles dans l’hôtellerie et la restauration, donc nous nous y préparons.» A ces dates (l’hôtel et les restaurants sont alors complets), il arrive que les hôteliers et leurs collaborateurs parcourent une distance supérieure à 30 kilomètres à l’intérieur de l’établissement, ce qu’Emanuel Berger a vérifié lui-même à l’aide d’un podomètre. Ces chiffres sont – eux aussi – enregistrés dans les données de management. ceo/leader 49 Le Burundi, soutenu par les subventions du Fonds Global, ouvre la lutte contre la malaria: des zones d’habitat entières sont protégées par des insecticides. Partenariat à l’échelle mondiale: engagement contre la malaria au Burundi. Près de 2,8 millions de cas de malaria ont été signalés au Burundi en 2001. Des épidémies locales graves ont pesé lourd sur le système de santé, enlevant des ressources à d’autres programmes sanitaires. La gravité de la situation a été exacerbée par la guerre, les mouvements de réfugiés et les déplacements de population à l’intérieur du pays. Néanmoins, le gouvernement burundais a été l’un des premiers du continent africain à réaliser la nécessité d’abandonner les traitements antipaludéens existants, d’une inefficacité croissante contre des formes résistantes du paludisme, au profit de nouvelles thérapies combinées à base d’artémisinine (TCA/ACT). Dès juin 2001, le gouvernement burundais a préconisé l’utilisation des TCA et a en outre exempté de taxes d’importation moustiquaires et insecticides. Une subvention de 14 millions de dollars US du Fonds Global soutient un programme gouvernemental visant à réduire le nombre 50 ceo/global de cas de malaria de moitié en trois ans grâce à l’utilisation massive des TCA, un meilleur dépistage et la distribution de moustiquaires traitées aux insecticides. Sur une population globale de six millions, près de cinq millions de personnes vivant dans les régions affectées du pays bénéficieront du programme. Un tiers des fonds sera consacré à l’acquisition de TCA pour traiter deux millions de personnes par an. Le reste servira à renforcer d’autres mesures telles que les programmes de traitement par pulvérisation des zones habitées. Avec l’aide du Fonds Global, le programme anti-malaria burundais est en bonne voie pour atteindre ses objectifs. PricewaterhouseCoopers et le Fonds Global Fondé en 2001 à l’initiative des Nations Unies, le Fonds Global est un partenariat public/privé visant à combattre dans le monde entier le sida, la tuberculose et la malaria. Le fonds est une organisation financière qui soutient les projets et les stra- tégies mis en place à l’intérieur des pays par les gouvernements et les organisations humanitaires. Pour veiller à ce que les moyens soient injectés dans les canaux appropriés et contrôler les transactions financières, il engage dans le monde entier des personnes de confiance, les Agents locaux du fonds (LFA). PricewaterhouseCoopers a pris en charge cette mission en Tanzanie, en Ouganda, au Ghana, au Malawi, au Burundi et au Bénin et sera aussi, à l’avenir, le partenaire du Fonds Global au Kenya et en Zambie. Par ailleurs, PricewaterhouseCoopers travaille pour le fonds dans onze autres pays. Avec son réseau mondial, sa forte présence au niveau local et sa grande crédibilité, PricewaterhouseCoopers constitue le partenaire idéal pour le Fonds Global. Les interventions de PwC sont coordonnées à Genève, où le Fonds Global a lui aussi son siège. Photo: Ian Berry/Magnum Photos ceo* *connectedthinking ceo forum/créativité et contrôle Peter Wüst «Je suis convaincu que la créativité peut surgir partout et en tout temps. Et pas seulement dans des ateliers, mais aussi à tous les niveaux hiérarchiques, dans tous les services d’une société.» 08 Thomas Held «Le désir fou d’avoir la haute main sur tout n’entraîne pas seulement des frais insurmontables, mais surtout limite sans cesse la créativité sociale et politique.» Franziska Tschudi «Les innovations ne se réduisent pas seulement au high-tech et aux services de développement. L’assurance qualité ou le domaine financier ont eux aussi besoin de progrès.» 06 10