27/10/2008 La bibliothèque ibérique et latino
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27/10/2008 La bibliothèque ibérique et latino
27/10/2008 La bibliothèque ibérique et latino-américaine d'Emmanuel Roblès : un homme à travers ses livres (Contribution de Florence Chaudoreille au colloque d’Oran des 4 et 5 novembre 2008 « Emmanuel Roblès et l’hispanité en Oranie ») Les ouvrages du domaine ibérique et latino-américain de la bibliothèque d'Emmanuel Roblès viennent d'intégrer le catalogue du fonds Roblès de la bibliothèque universitaire de Lettres de Montpellier. Ces ouvrages n'avaient pas été traités lors du dépôt du fonds en 1996, sans doute parce qu'alors l'accent avait été mis sur la partie maghrébine de la bibliothèque d'Emmanuel Roblès. Il est vrai que celle-ci, qui comprend actuellement 956 titres, s'est accrue depuis le dépôt de la bibliothèque de Roblès d’ouvrages de critique, de mémoires et de thèses, et également d'oeuvres de fiction maghrébine contemporaine de langue française, ce qui maintient le fonds vivant. La partie de la bibliothèque d'Emmanuel Roblès dédiée à l'Espagne (et également au Portugal) comprend 331 titres, pour moitié environ en langue espagnole et pour moitié en langue française. Ces ouvrages se répartissent entre recueils de poésie, romans, essais, critique littéraire. La partie de cette bibliothèque dédiée au continent sud-américain (Mexique, Guatemala, Argentine, Chili, Pérou, Uruguay, et également Brésil) comprend 285 titres, qui se répartissent également entre oeuvres littéraires, essais et critique littéraire. Evidemment la distinction entre ces deux parties est parfois de pure forme, pour les auteurs sud-américains par exemple s'intéressant à l'histoire espagnole, ou pour des auteurs espagnols qui ont dû s'exiler en Amérique du sud. Sur le total de 661 ouvrages 92 sont dédicacés ce qui permet de retracer les contacts noués par Emmanuel Roblès lors de ses voyages, et de voir se détourer des amitiés marquantes. Que trouve-t-on dans cette bibliothèque ? Des classiques de la littérature espagnole tout d'abord : Calderon de la Barca, Lope de Vega, Gongora, et surtout Cervantès : 6 éditions de Don Quichote en espagnol, 1 en français, 2 belles éditions des oeuvres complètes de Cervantès, de 1947 et 1956, et des ouvrages de critique publiés entre 1926 et 1968 comme « A la gloire de Cervantès » de Jean Babelon (1939) ou « Don Quichotte : Cervantès et le 16ème siècle : essai » d'Etienne Burnet (publié à Tunis en 1954), des biographies comme « Vie de Miguel de Cervantès Saavedra (étude physiologique) » de José Gomez Ocana, publié en 1919 ou « Cervantès par lui-même » de Pierre Guenoun, publié au Seuil en 1971. Emmanuel Roblès a suivi l'évolution de la critique sur l'oeuvre de Cervantès sur plus de cinquante ans. Sur un autre thème littéraire espagnol figure l’ouvrage intitulé « Don Juan et le donjuanisme : essais» de Gregorio Maranon, publié aux éditions Stock en 1958. Sur le théâtre espagnol figure dans cette bibliothèque le texte d'un discours de Max Aub de 1956 intitulé « El teatro español sacado a luz de las tinieblas de nuestro tiempo », ainsi qu'une somme critique « Literatura dramática española » d'Angel Valbuena, de 1950. Sont également présents les tomes 1 et 3 du Théâtre de Federico Garcia Lorca, parus en 1956-57 aux éditions Gallimard, traduction entre autres d'André Bellamich, qui a dédicacé ces volumes à Emmanuel Roblès. On trouve plusieurs ouvrages de dramaturges contemporains de Roblès, surtout d'Antonio Buero Vallejo (ceux-ci dédicacés), mais également d'Agustin Gomez-Arcos, Ramon Gomez de la Serna : il s’agit de recueils d'aphorismes, de romans, d’essais, mais bizarrement pas de pièces de théâtre. La poésie espagnole est bien représentée, par deux anthologies parues en 1946, l'une historique, l'autre contemporaine par Octavio Paz, par des études critiques comme « La poesia contemporanea de Max Aub » (1956) ou « Estudios sobre poesía española contemporánea » de Luis Cernuda (1969), et par des recueils de poésie, souvent dédicacés, d'Arturo Serrano Plaja, d'Eulogio Munoa Navarrete, poète marocain écrivant en espagnol, dont un des recueils s’intitule « Differente ulises ». L'essai critique sur la poésie d'Octavio Paz « El arco y la lira : el poema, la revelacion poetica, poesia y historia », figure dans son édition originale de 1956, dédicacé par l'auteur à Emmanuel Roblès. Cette relation n'a pas été suivie, car d'Octavio Paz ne figurent que deux autres titres, en traduction, datant des années 1980. Est présent le numéro spécial de Poésie 41, de Pierre Seghers, intitulé « Poésie espagnole », anthologie d’auteurs classiques espagnols comme Gongora, Lope de Vega, Saint Jean de la Croix, et d’auteurs du 20ème siècle : Antonio Machado, Garcia Lorca, Rafael Alberti. Les numéros de cette revue emblématique de la résistance française sont très peu présents dans les bibliothèques publiques. En ce qui concerne les essais on trouve onze titres de l’écrivain de la génération de 98 Miguel de Unamuno, livres datés de 1934 à 1966. On peut supposer une influence importante de Unamuno sur la pensée d’Emmanuel Roblès. Sur la littérature espagnole du 20ème siècle en général figure un « Panorama de la littérature espagnole contemporaine » de Jean Cassou (1931) et l'ouvrage « Los heroes universales de la literatura espanola » de Juan Cabal (paru à Barcelone en 1942). L'histoire de l'Espagne est bien présente, surtout l'histoire religieuse, avec les titres « Histoire spirituelle des Espagnes : étude historico-psychologique du peuple espagnol », de Carles Cardo (1946), « Espana y su historia : cristianos, moros y judios », d'Americo Castro (publié à Buenos Aires en 1948), « Histoire de l'Espagne chrétienne » de Jean Descola (1951), et plus précisément l'histoire de l'Inquisition avec les trois titres « Histoire de l'Inquisition espagnole », d'Henry Kamen (1966), « Inquisicion espagnola : poder politico y control social » de Bartholomé Bennassar (Barcelone, 1981) et « Inquisicion y moriscos : los processos del tribunal de Cuenca » de Mercedes Garcia-Arenal (Madrid, 1983). L'intérêt porté par Emmanuel Roblès à l'Espagne arabe apparaît à travers les titres « La civilisazion arabe en Espana », de E. Lévi-Provençal, traduction d'un ouvrage français, publié à Madrid en 1982 et « Poemas arabigoandaluces », présentés par Emilio Garcia Gomez (Madrid, 1942), l'intérêt porté à la communauté juive se reflète dans l’ouvrage « Usos y costumbres de los Sefardies de Salonica » (1950) ou l'ouvrage illustré « Los Judios en Toledo y sus sinagogas » (1958). A la marge on trouve deux livres sur la mystique : « Les mystiques espagnols » de Jean Chuzeville (Grasset, 1952) et « La vie de Sainte Thérèse d'Avila », biographie de Marcelle Auclair, parue au Seuil en 1960, et également sur la sorcellerie : « Las brujas y su mundo » de Julio Caro Baroja (Madrid, 1966). La guerre d'Espagne est un centre d'intérêt important qui se dégage sous différents aspects. Par exemple des témoignages et prises de positions de première main comme « Le Romancero de la guerra civil », paru à Madrid en 1936, ainsi que sa traduction française de 1937 par Gabriel Audisio, aux Editions sociales internationales, comme «Espagne, Espagne !» de Jean-Richard Bloch paru aux mêmes éditions en 1936 (l’exemplaire de cet ouvrage étant dédicacé par l'auteur à Andrée Viollis, journaliste engagée, auteur en 1935 de l'ouvrage Indochine S.O.S., possédé en deuxième main par Roblès donc), également « Contre-attaque en Espagne » de Ramón J. Sender, toujours aux mêmes éditions en 1937. De septembre 1937 figure le numéro spécial de la revue « Commune : revue littéraire pour la défense de la culture » dédié au deuxième congrès pour la défense de la culture, avec, entre autre, des articles de José Bergamin et Tristan Tzara depuis Valence, de Jean Cassou et André Malraux depuis Madrid, et d’André Chamson, Nicolás Guillén, Julien Benda et Ramón Sender à Paris. Cette revue, parue de juillet 1933 à septembre 1939, était éditée par l’association des écrivains et des artistes révolutionnaires. Egalement présent : « Madrid de corte a cheka », de Agustin de Foxa, deuxième édition corrigée et augmentée, publié à San Sebastian à la Libreria international en 1938. Sont présents trois numéros de la revue Hora de Espana, revue publiée de janvier 1937 à novembre 1938 et qui compta 23 numéros. Cette revue a publié entre autres Antonio Machado, Miguel de Unamuno, Arturo Serrano Plaja, Luis Cernuda. Ces numéros de revue, rescapés de l'histoire, sont de vraies raretés, il n'en existe pas d'autres dans les collections publiques françaises (un reprint est paru dans les années 1970). On trouve également des analyses postérieures comme « Dernières nouvelles de la guerre d’Espagne » de Max Aub, ou « La guerre d’Espagne » de Hugh Thomas, tous deux parus en 1967 et un ouvrage publié au Seuil en 1989 « La guerre d’Espagne » de Guy Hermet. Si l'on s'intéresse à la Guerre d'Espagne à travers le prisme de la littérature, on trouvera dans le fonds l'ouvrage « La Guerre civile espagnole et la littérature française » de Maryse Bertrand de Muñoz (1972). Federico Garcia Lorca est très présent bien sûr - Roblès a été un des premiers à traduire ses écrits poétiques - et sous des angles variés : une édition du « Romancero gitan », traduite par Felix Gattegno, et parue chez Charlot en 1941, une bio-bibliographie-anthologie par Angel del Rio (New York, 1941), la seconde édition des Obras completas (en sept volumes, Buenos Aires, 1944-1945), de la critique, des études sur des aspects particuliers comme « Garcia Lorca as a painter » (Londres, 1946), un ouvrage historique « La represion nacionalista de Granada en 1936 y la muerte de Federico Garcia Lorca » , de Ian Gibson (Paris, éditions Ruedo iberico, 1971). Selon la même perspective, Antonio Machado, poète engagé à la fin de son existence du côté du parti républicain, et mort lors de sa fuite vers la France, en 1939, est très bien représenté dans cette bibliothèque : douze titres, les œuvres en espagnol, la critique en français. Emmanuel Roblès a contribué à la construction de la postérité littéraire de la Guerre d’Espagne. Conséquence de la Guerre d'Espagne la mémoire du sort des exilés perdure à travers un essai comme « Exodos : historia oral del exilio republicano en Francia : 1939-1945 », d'Antonio Soriano, publié à Barcelone en 1989, et également à travers l'oeuvre de Rafael Alberti, très bien représentée dans le fonds par seize titres, surtout des éditions originales des années 1940 et 1950 : recueils de poèmes, anthologie poétique, théâtre. Est ainsi conservé un exemplaire signé par l'éditeur de « Poèmes », textes français et espagnols en regard, édité en 1952 aux éditions Guy Lévis Mano, en tirage limité. Les ouvrages d'autres exilés sont présents : quatre titres du romancier, dramaturge et biographe Ramón Gómez de la Serna (1888-1963), deux titres du romancier et dramaturge Agustin Gomez-Arcos, deux titres du poète et dramaturge, lié à la génération de 36 Miguel Hernández (1910-1942), un recueil de poèmes (de 1946, dédicacé et exemplaire unique en France) d'Antonio Aparicio, poète et journaliste émigré au Chili. Emmanuel Roblès a entretenu des amitiés avec des exilés espagnols : Arturo Serrano Plaja en particulier : vingt-deux de ses ouvrages, s'étalant sur une longue période, de 1936 à 1982, et quasiment tous dédicacés, figurent dans le fonds : recueils de poèmes, textes critiques, une « Antologia de los misticos espanoles » (publiée à Buenos Aires en 1946). Est présent le recueil d’Arturo Serrano Plaja « Les mains fertiles. El hombre y el trabajo », publié aux éditions Charlot en 1947, traduction d’Emmanuel Roblès, qui reprend la préface de Machado de l’édition de septembre 1938. L’intérêt porté à cette génération d’écrivains exilés apparaît dans l’ouvrage : « Escribir en Paris : entrevistas con Fernando Arrabal, Adela de Blasquez, Jose Corrales Egea, Julio Cortazar, Agustin Gomez Arcos, Juan Goytisolo, Augusto Roa Bastos, Severo Sarduy y Jorge Semprun », publié à Barcelone en 1983. Le continent sud-américain est bien présent, quasiment autant représenté que l'Espagne en nombre d'ouvrages. Sur les Indiens figurent quinze livres : deux des années 1930 : « La civilisation aztèque » et « Histoire de la civilisation indienne », une édition du « Popol-vuh » de 1953, des essais comme « Le massacre des Indiens », de Lucien Bodard (1969), « La conquête de l’Amérique, la question de l’autre », de Tzvetan Todorov (1982), le récit historique « La conversion des Indiens de NouvelleEspagne », du franciscain Bernardino de Sahagun (1505-1590), présenté par l'anthropologue Christian Duverger (1987), deux livres de Jacques Soustelle, ethnologue spécialiste de l’Amérique pré-colombienne. Sur les Aztèques en particulier cette bibliothèque recèle neuf titres. Sur le Pérou indien on trouve : « Douze poèmes incaïques » (1945), un récit de voyage : « Féerie péruvienne », 1956, l’ouvrage « Les pistes de Nazca : pour qui, pour quoi, comment ? » (ces deux derniers titres de Waisbard). Egalement l’ouvrage « Gracilaso de la Vega, Inca : primer mestizo peruano » (1970). De ces ouvrages on peut déduire un intérêt de Roblès pour une civilisation étrangère, la question de la rencontre – non pacifique – de deux cultures, le métissage vécu de l'intérieur. Sur les conquistadores on peut trouver des biographies : « La vie de Fernand Cortès » de Jean Babelon, paru chez Gallimard en 1928, alors que Roblès avait quatorze ans. Malheureusement comme Emmanuel Roblès ne datait pas ses livres, on ne saura pas précisément à quand remonte sa rencontre avec ce livre. Deux biographies de Cortès, une de Christophe Colomb des années 1950, une de Magellan de 1946, intitulée « Primer viaje en torno del globo », deux biographies de Pizarre : « La vie de François Pizarre » de Louis Baudin, Gallimard 1930, et « Vida de Francisco Pizarro » de Manuel José Quintana, publié à Buenos Aires en 1943. Egalement des récits de la conquête : « Naufrages et relation du voyage fait en Floride », d’Alvar Nuñez Cabeza de Vaca, qui figure en espagnol et en français, et du pont de vue des Indiens « Le crépuscule des Aztèques : récits indigènes de la conquête » (1965). Simon Bolivar, libérateur mythique du Venezuela du début du 19ème siècle, a inspiré Roblès, qui s’en est inspiré dans sa pièce « Montserrat » : on trouve dans le fonds quatre biographies ou ouvrages historiques sur Bolivar, datés de 1928, 1955, 1983 et 1988. L’intérêt pour les humbles en Amérique du sud transparaît à travers deux ouvrages en particulier : « Ceux d’en bas », de Mariano Azuela, romancier mexicain, ouvrage publié en France en 1930 avec une préface de Valéry Larbaud, constamment republié depuis en espagnol, un intérêt plus politique se faisant jour à travers l’ouvrage « Essais sur le socialisme, tome 1, Les Incas du Pérou », de Louis Baudin, ouvrage classique d’histoire économique de la période de la deuxième guerre mondiale et de l’immédiate après-guerre. On discerne un grand intérêt pour les mouvements politiques en Amérique du sud, que Roblès a suivi de près parfois sur place. Ainsi sur la période 1970-1973 au Chili, avec de nombreux documents de première main : « Chili de l'unité populaire » d'Antoine Acquaviva, paru aux éditions sociales en 1971, « La via chilena del primer mensaje del Presidente Allende ante el congres pleno : 21 de Mayo de 1971 », de Salvador Allende, « Chile al rojo : reportaje de una revolucion que nace » (1971), « El pensamiento politico de Salvador Allende » (1971), « Chili, les communistes dans la marche au socialisme » (1972), « Entretien avec Allende sur la situation au Chili » de Régis Debray (1971), « Vie et mort du Chili populaire », d'Alain Touraine (1973). Figurent trois ouvrages de ou sur Che Guevara : « La guerre de guerilla » d’Ernesto Guevara, éditions Maspero (1962), « Che Guevara, vie et mort d’un ami » de Ricardo Rojo (1968), « La guerilla du Che » de Régis Debray ( 1974). Sur la situation politique au Guatemala : « Guatemala : terrorisme d’état » (1981), des numéros de la Revue Solidarité Guatemala de 1987. Sur la Guerre des Malouines : « Malvinas : el colonialismo de las multinacionales », « La guerre du bout du monde : Iles Falkland » (1982), « Comandos en accion : el ejército en Malvinas », publié à Buenos Aires en 1987. Durant ses voyages en Amérique du sud Roblès a fait provision d'amitiés : avec Miguel Asturias, dont douze titres sont présents, certains dédicacés, avec Nicolás Guillén, dont les « Chansons cubaines et autres poèmes » (de 1955, exemplaire dédicacé) figurent dans le fonds, avec Enriquillo Rojas Abreu (diplomate et écrivain, poète) : « Parabola del viaje » (1959) et « Antipuerto » (1966, poèmes, exemplaire dédicacé). Ces deux derniers titres semblent particulièrement en résonance avec la sensibilité de Roblès. Sur Fidel Castro le livre de Robert Merle intitulé « Moncada premier combat de Fidel Castro » est dédicacé à Emmanuel Roblès « mon cher compatriote ». Particulièrement marquante était l’amitié avec Max Aub, écrivain espagnol né à Paris, qui après avoir combattu en Espagne du coté des Républicains, fut déporté en Algérie au camp de Djelfa et émigra au Mexique. Vingt-quatre de ses titres figurent dans le fonds, dédicacés, dont le premier publié : « Geografia », qui date de 1929, vestige de l’Espagne d’avant-guerre qui fut sans doute remis en cadeau à Emmanuel Roblès lors de son voyage au Mexique en 1954, ainsi que « Fable verte », publié à Bruxelles en 1937 par les Cahiers du journal des poètes, et qui porte une dédicace illustrée d’un portrait de Stravinsky. En fait cet exemplaire offre un éclairage sur la supercherie littéraire que constitue l'ouvrage « Josep Torres Campalans » de Max Aub, biographie imaginaire d'un artiste cubiste contemporain de Picasso, présenté avec des illustrations et un appareil critique. Supercherie tellement plausible qu'elle abusa pas mal de lecteurs et de critiques, et peut-être également Emmanuel Roblès. Cette dédicace de « Fable verte » est en faite double : endessous du dessin de Stravinsky figure : « Retrato a Stravinsky pour madame Roblès. Josep Torres Campalans. » et de l'autre côté de la page figure « A Emmanuel. Paris, 1958. Max. » A vous de déterminer s'il s'agit du dévoilement de la supercherie littéraire ou de sa confirmation. Deux autres biographies imaginaires de Max Aub sont présentes : « Luis Alvarez Petrena » (1965), qui se présente comme la publication de la correspondance retrouvée de ce personnage, et « La verdadera historia de la muerte de Francisco Franco » (1960). De Max Aub toujours on trouvera dans le fonds le « Diario de Djelfa », un exemplaire de la rare première édition de 1944, dédicacé par Aub à Roblès à Mexico, et un exemplaire d’une édition de 1970. De la collaboration de Roblès avec Luis Bunuel reste en témoignage dans le fonds la biographie de Jean-Claude Carrière parue en 1982 « Mon dernier soupir ». Jorge Luis Borges est présent, par des œuvres datées des années 50, et par deux ouvrages de critique, publiés au Seuil dans les années 1970-1980. Un titre de Borges, « Evaristo Carriego », est présent en espagnol, tardivement (publié en 1985). Trace de l’intérêt intellectuel construit pour un auteur, dans le cadre d’une communauté adossée à une maison d’édition, on trouve dans le fonds six ouvrages d’Ernesto Sabato , philosophe et homme de lettres argentin, ouvrages publiés aux éditions du Seuil dans les années 1970-1980. Dans le même ordre de filiation intellectuelle, on trouve dans le fonds l’ouvrage de Juan Goytisolo « Juan sans terre », publié au Seuil en 1977 et dédicacé, puis en 1993 l’ouvrage « Cahier de Sarajevo », sur le siège de Sarajevo en 1992 et la situation en Bosnie-Herzégovine . On peut citer un livre inclassable dans cette bibliothèque: « Mascarones de proa y exvotos marineros » (Barcelone, 1949) : qui réunit l'intérêt pour la mer et la piété populaire. Trois livres de tauromachie : « La tauromaquia » de Francisco Goya, dans une édition de semi-bibliophilie du Club Français du livre de 1963, « Le taureau et son combat » de Claude Popelin (1952) et « Qué es torear : introduccion a la tauromaquia de Joselito », de Gregorio Corrochano, dédicacé à Emmanuel Roblès par José Alonso, journaliste et critique taurin. Egalement cinq livres sur l'histoire du tango et Carlos Gardel, intérêt tardif des années 1970-1980. Et pour boucler la boucle on peut citer un tiré à part de Charles Leselbaum sur Oran dans la littérature espagnole, et plus précisément une pièce publiée à Madrid en 1664, qui réunit en quelques pages de nombreux intérêts viscéraux de Roblès : Oran, l'Espagne, l'histoire, la critique et la littérature. Tiré à part offert par l'auteur évidemment, histoire de rajouter la dimension amicale, qui devait donner tout son sens à un tel document aux yeux d'Emmanuel Roblès. En conclusion on peut signaler que cette partie de la bibliothèque d’Emmanuel Roblès fait déjà l’objet de demandes de consultations de lecteurs, qui y trouvent des ouvrages en espagnol peu courants en France. Il reste à la communauté universitaire, aux hispanistes en particulier, mais aussi aux comparatistes et aux historiens, à se saisir de l’ensemble intellectuel cohérent qu’il constitue, afin d’en assurer la perpétuation.