Le prélèvement à la source de l`impôt sur le revenu est

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Le prélèvement à la source de l`impôt sur le revenu est
Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu
est définitivement adopté
La réforme, validée hier dans le cadre du projet de loi finances pour 2017, a fait
l'objet de nombreux ajustements au cours des débats. Les parlementaires ont
notamment modifié le périmètre des revenus exceptionnels perçus en 2017 - qui
seront imposés -, ainsi que la grille du taux par défaut.
L’une des dernières réformes du quinquennat Hollande a finalement franchi le cap du Parlement.
Le
projet de loi de finances (PLF) pour 2017, qui la contient (article 60), a été adopté hier,
en lecture définitive, par l’Assemblée nationale. Non sans mal. Violemment critiqué dès sa
présentation l’été dernier, le projet de prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu (IR)
a failli passer à la trappe lors de son parcours parlementaire (lire notre article). Alors que
beaucoup - y compris des députés - suggéraient de généraliser le système actuel du
prélèvement mensuel, la version finale du texte garde l’idée initiale d’un prélèvement
contemporain de l’impôt via une retenue à la source effectuée par le tiers payeur (employeur…)
pour les traitements, salaires et pensions, ou via un acompte pour les autres catégories de
revenus (notamment des indépendants). Cependant, le dispositif a subi plusieurs modifications
au fil des discussions à l'Assemblée nationale (le Sénat a rejeté l'ensemble du PLF lors des deux
lectures), parfois à l'initiative du gouvernement.
Périmètre des revenus exceptionnels à géométrie variable
L’un des principaux ajustements porte sur le périmètre des revenus exceptionnels et des revenus
non exceptionnels. Cette distinction est d’importance puisqu’elle permet de flécher les revenus
perçus en 2017 qui seront imposés ou non en 2018. Pour rappel, la réforme s'applique aux
revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2018 et, afin d'éviter la double imposition en
2018 (sur les revenus perçus en 2017 et en 2018), un mécanisme de crédit d’impôt de
modernisation du recouvrement (CIMR) permettra d'annuler l'imposition des revenus non
exceptionnels perçus en 2017. A l’inverse, les revenus exceptionnels 2017 resteront soumis au
sort fiscal actuel dans l’objectif de ne pas ouvrir la porte à des effets d’aubaine.
Ainsi, les parlementaires ont inclus dans le champ des revenus non exceptionnels les indemnités
de fin de CDD ou de fin de mission, les indemnités compensatrices de préavis (perçues lorsque
l’employeur dispense le salarié d’effectuer son préavis et qui correspondent à la rémunération
que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé pendant le préavis), ainsi que les indemnités
compensatrices de congés payés (dont bénéficie le salarié qui ne liquide pas la totalité de ses
congés payés acquis avant son départ). Les (autres) indemnités de rupture du contrat de travail
restent en revanche des revenus exceptionnels.
Dans la catégorie des revenus exceptionnels, ont été ajoutées les indemnités versées et les
avantages accordés à raison de la prise de fonction de mandataire social ("golden hellos"), les
primes de signature et les indemnités liées aux transferts des sportifs professionnels, ainsi que
les sommes issues de la monétisation des droits d’un compte épargne temps (CET) lorsqu’elles
correspondent à des droits excédant une durée de 10 jours. Les parlementaires ont également
précisé que les "gratifications surérogatoires" - qui constituent des revenus exceptionnels s’entendent des "gratifications accordées sans lien avec le contrat de travail ou le mandat social,
ou allant au-delà de ce qu’ils prévoient, quelle que soit la dénomination retenue".
Quels traitements et salaires seront imposés au titre de 2017 ?
Revenus exceptionnels
Notamment : - Indemnités de rupture du contrat de
travail (sauf 3 cas, cf ci-contre) ;
Revenus non exceptionnels
- Indemnités versées à l’occasion de la cessation des
fonctions des mandataires sociaux et dirigeants ;
- Indemnités versées ou avantages accordés en raison
de la prise de fonction de mandataire social ;
- Indemnités de clientèle, de cessation d'activité et
celles perçues en contrepartie de la cession de
la valeur de la clientèle ;
- Indemnités, allocations et primes versées en vue de
dédommager leurs bénéficiaires d'un changement de
résidence ou de lieu de travail ;
- Tous les revenus non mentionnés
dans la catégorie des revenus
exceptionnels
- Prestations de retraite servies sous forme de capital ; + Indemnités de fin de CDD ou de
fin de mission
- Aides et allocations capitalisées servies en cas de
Indemnités compensatrices de
conversion ou de réinsertion ou pour la reprise
préavis
d'une activité professionnelle ;
Indemnités compensatrices de
- Sommes issues de la participation ou de
congés
payés
l'intéressement et non affectées à un plan d'épargne
salariale ;
- Sommes issues de la monétisation de droits inscrits
sur un compte épargne-temps et correspondant à des
droits de plus de 10 jours ;
- Gratifications surérogatoires ;
- Revenus qui correspondent par leur date normale
d'échéance à une ou plusieurs années antérieures ou
postérieures ;
- Tout autre revenu qui, par sa nature, n'est pas
susceptible d'être recueilli annuellement.
Possibilité de rescrit sur les éléments de rémunération
Conscients des difficultés de qualification de certains revenus, les parlementaires ont introduit la
possibilité pour les employeurs de demander à l’administration fiscale de prendre formellement
position sur le traitement fiscal applicable aux éléments de rémunération versés aux salariés.
Bercy aura trois mois pour se prononcer ; à défaut, son silence vaudra acceptation tacite de la
demande de d’employeur. Un décret doit encore en préciser les modalités d'application,
notamment le contenu, le lieu et les modalités de dépôt de cette demande.
Une grille de taux par défaut à 20 tranches
Au cours des débats, l'Assemblée a également remanié la grille "de taux par défaut", qui
s’appliquera lorsque le débiteur de la retenue à la source ne dispose pas d’un taux calculé par
l’administration fiscale ou lorsque l’année des derniers revenus connus est trop ancienne. Il est
appliqué un taux proportionnel de prélèvement, croissant avec le niveau des revenus, sachant
que le même taux s’applique à l’ensemble des revenus du contribuable. Dans la version finale du
texte, le nombre de tranches de la grille est passé de 12 à 20, et les taux applicables pour les
différents niveaux de revenus sont moins élevés.
Un dispositif particulier a été ajouté pour les salaires versés lors des deux premiers mois
d’embauche aux titulaires d’un CDD d’une durée initiale inférieure ou égale à 2 mois ou dont le
terme est imprécis. Un abattement égal à la moitié du montant mensuel du Smic leur sera
appliqué avant l’application de la grille, de sorte que les contribuables concernés "dont le salaire
versé par un employeur au cours du mois sera inférieur à 1,6 Smic ne feront pas l’objet d’un
prélèvement à la source, ce qui devrait concerner l’immense majorité des salariés titulaires de
contrats courts", estiment les députés auteurs de l'amendement.
Nouveau cas de modification du taux de prélèvement
Parmi les autres modifications adoptées : la prise en compte de l’augmentation des charges de
famille (résultant d'une naissance, adoption ou recueil d'un enfant mineur) comme changement
de situation donnant lieu à calcul d’un nouveau taux de prélèvement par l’administration fiscale.
Cet évènement s’ajoute aux cas de mariage ou conclusion d'un Pacs, de décès de l’un des
conjoints ou partenaires de Pacs soumis à imposition commune, et de divorce ou rupture d'un
Pacs. Par ailleurs, les parlementaires ont expressément exclu l'application d'une amende de 150
euros (article 1729 B du code général des impôts) en cas de défaut de production d'une
déclaration de changement de situation dans les délais (60 jours).
Souplesse
Enfin, une souplesse est apportée quant à la mise en œuvre de cette réforme et sa coordination
avec la déclaration sociale nominative (DSN). C'est en effet par ce biais que les personnes
tenues d'effectuer la retenue à la source devront remplir leur nouvelle obligation de déclarer
chaque mois à l'administration fiscale des informations relatives au montant prélevé sur le revenu
versé à chaque bénéficiaire. Pour réaliser le prélèvement à la source, deux ou trois données
seront ajoutées à la DSN mensuelle (selon dsn-info), et ce à compter de 2018. La DSN se
substitue progressivement aux déclarations existantes depuis 2013 - la phase 3 est en cours - et
cette future déclaration n'y échappera pas.
Cependant, la mise en oeuvre du PAS "dans des conditions optimales à compter de 2018 (...)
conduit à modifier l'ordre selon lequel la DSN se substitue à l'ensemble des déclarations
existantes" pour tenir compte de l'inscription de cette future déclaration parmi celles
obligatoirement substituées par la DSN, justifie le gouvernement, auteur de l'amendement. Il est
ainsi donné au pouvoir réglementaire "la possibilité d’adapter le calendrier de substitution de la
DSN pour les autres déclarations [que la future déclaration fiscale] dont la suppression est
initialement prévue à titre obligatoire dès 2017". Et donc de pouvoir décaler la prise en compte de
certaines déclarations particulières (intermittents…) "afin que leur substitution par la DSN
coïncide avec les travaux du prélèvement à la source". Une façon aussi de faire face à quelques
couacs de mise œuvre de l’intégration de formalités au périmètre de la DSN. Le secrétaire d’Etat
au budget reconnaît lui-même "quelques avatars à gérer" et "quelques difficultés de mise en
œuvre". "Celles-ci ne sont d’ailleurs pas nécessairement liées aux employeurs ; elles peuvent
être le fait d’organismes de collecte des retraites complémentaires, de petites structures, a
expliqué Christian Eckert lors des débats parlementaires. Nous insérons ici un peu plus de
souplesse pour permettre une mise en place parfaitement satisfaisante de la DSN".
La réforme du prélèvement à la source doit à présent être validée par le Conseil constitutionnel.
Mais son avenir demeure incertain : qui dit que ce dispositif ne serait pas remis en cause par le
successeur de François Hollande à l'Elysée (lire notre article) ?