Excellence HA
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JUILLET 2015 4 Excellence HA THE BRIDGE BETWEEN RESEARCH AND FIELD APPLICATION IN PURCHASING Mot de la rédaction P.2 Mot d’introduction du « guest editor » P.3 Note aux futurs contributeurs de la revue « Excellence HA » P.4 DOSSIER N°1 P.5 La relation PME-Grands groupes : Ou comment développer les effets des stratégies achats des Grands Groupes en optimisant leurs relations avec les PME MÉLODY BRARD, ERIC VINONNEAU, EVAN VALAT, FRANÇOISE ODOLANT ET GUY ELIEN Le point de vue d’une chercheuse P.17 Les Acheteurs comme acteurs d’une économie Responsable MARIE GOMEZ-BREYSSE DOSSIER N°2 P.19 Le métier d’acheteur, une contribution à la responsabilité de l’entreprise ? JULIETTE DUPILLE Le point de vue d’une chercheuse P.28 FABIENNE FEL DOSSIER N°3 Et si parfois bien acheter c’était être fidèle ? P.30 RICHARD CALVI Le point de vue d’un praticien JEAN POTAGE P.41 PRÉSENTATION DES THÈSES P.44 Acheter en Europe plutôt qu’en Chine : une question de responsabilité sociétale de l’acheteur ? P.45 êt Intér al r géné ?? ? ANNE BOURBIGOT La contribution des achats d’emballages à une politique d’achats durables P.48 LUCILA RODARO CRITIQUE CROISÉE D’OUVRAGES P.54 COMITÉ DE RÉDACTION ET COMITÉ SCIENTIFIQUE / EDITORIAL BOARD P.55 itrer Achats Responsables : Les 3Ws Comment mesurer la performance durable tout en définissant des best practices P.51 Arb JEAN-LOUIS MARTIN e iqu h t E MOT DE LA RÉDACTION Hugues Poissonnier, Nicolas Kourim, Rédacteur en chef Président du Comité Scientifique / Editorial Board Richard Calvi, François Girard membre du comité de rédaction membre du comité de rédaction L a notion d’Achats Responsables se développe et s’étend à travers les secteurs de notre économie. Est-ce juste un effet de mode, qui suit dans le sillon du grand frère de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et du Développement Durable (DD) ? Une nouvelle façon pour les Directions Générales – et les Directions Achats – de montrer que nos entreprises sont de bons élèves au niveau national et international ? Ou alors est-ce un vrai mouvement de fond, qui accompagne la nouvelle quête du sens de nombreux acteurs économiques – individuels et collectifs. Un premier pas dans la direction d’une économie plus sociale et plus solidaire ? Parfois on semble vouloir faire du neuf avec du vieux, en rajoutant tout simplement le terme de « Responsables » à une définition somme toute traditionnelle des Achats. L’expérience montre malheureusement qu’il ne suffit pas de repeindre l’emballage pour que le contenu change. Parfois on trouve une définition plus complète, qui mentionne les aspects environnemental, social, économique et éthique de manière structurée. Mais est-ce que ce vaste thème, qui englobe à la fois méthodes, culture et état d’esprit, peut à ce jour être réduit à une simple explication technique ? Ce qui semble certain est que c’est un sujet qui ne laisse pas indifférent et qui semble porter en lui le potentiel d’une évolution substantielle de notre métier. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de le couvrir à plusieurs reprises, sous des angles différents, dans les années à venir. A travers toutes ces facettes des Achats Responsables, nous avons constaté avec surprise qu’on ne parle toutefois que très rarement de la Responsabilité de l’Acheteur. Et pourtant l’Acheteur a une vraie responsabilité sociétale dans son rôle. Il fait et défait, directement ou indirectement, des entreprises, des économies – à travers ses actions et ses décisions d’acheter, d’acheter de manière responsable, ou de ne pas ou plus acheter. L’Acheteur doit donc pouvoir « monter en grade » grâce au poids de cette mission et en assurant une approche professionnelle de son déploiement, mais il devra en contrepartie, assumer la responsabilité globale de son rôle, et avoir le Courage de faire des choix, parfois à l’encontre de la pression à court terme de sa hiérarchie, dans un objectif de développement « responsable » et « durable ». Les Achats Responsables nous semblent donc à la fois une vraie opportunité, pour notre métier et pour nos sociétés, et un profond changement de posture pour l’Acheteur, nous forçant à « sortir de l’ombre », à prendre des risques, à assumer ouvertement et activement nos convictions en interne plus encore que vis-à-vis de l’extérieur, et nous aidant par conséquent à grandir – avec tous les droits et tous les devoirs qui incombent aux Grands. Dans ce contexte nous devrons plus que jamais chercher le contact avec nos pairs à l’extérieur de nos organisations pour nous permettre de partager les succès et les échecs et profiter du soutien de la communauté des Acheteurs « Responsables » dans des moments critiques, lorsque nous serons face à des choix nouveaux, et parfois difficiles. C’est à cet effet que nous aimerions engager le débat avec vous, recueillir vos expériences, vos suggestions, vos commentaires via [email protected] – pour continuer à identifier des pistes d’évolution et donner chair peu à peu à cette belle notion d’Achats Responsables. n Nicolas Kourim 2/56 Excellence HA n°4 MOT D’INTRODUCTION DU « GUEST EDITOR » E n tant qu’enseignant-chercheur, travaillant depuis de nombreuses années sur la mise en œuvre de politiques responsables dans les services Achats des sociétés françaises, j’ai pris beaucoup de plaisir à coordonner ce numéro spécial d’Excellence HA, dédié au thème de la « Responsabilité de l’Acheteur ». Et à constater, qu’au-delà des « simples » politiques d’achats durables, au cœur de nombreuses recherches depuis plusieurs années, cette notion de responsabilité s’étend aujourd’hui à la notion de responsabilité envers les fournisseurs, aussi bien qu’à la notion de responsabilité sociétale, ou plus exactement territoriale. Fabienne Fel De par sa position aujourd’hui stratégique dans l’entreprise, l’acheteur est en effet à même d’influer sur son environnement, interne mais surtout externe, notamment au travers de ses relations avec les fournisseurs. Certes, comme l’ont démontré de nombreuses études, il peut amener ces derniers à se comporter de façon plus respectueuse de l’environnement et de ses salariés, sous réserve que ne soient pas simplement attendus des « savings » de sa part. Mais il peut aussi gérer de façon plus éthique les relations avec ses fournisseurs, surtout s’il s’agit de PME, dans une relation classiquement qualifiée de « gagnant-gagnant ». Il peut aussi choisir de se tourner vers des fournisseurs européens, voire Français, pour aider au rétablissement du tissu industriel national. Professeur Associé ESCP Europe, Directrice Scientifique du Mastère Spécialisé en Management Stratégique des Achats et de la Supply Chain Les dossiers présentés dans ce numéro ont pour but d’étayer cette démonstration, au travers d’exemples vécus –ou observés- par les auteurs. A la tête du Pôle Acheteurs, Chartes et Label pour la Médiation inter-entreprises et la Médiation des Marchés Publics, Françoise Odolant nous livre, avec les étudiants du Master Achat à l’international de Paris-Saclay, et sous le regard croisé de Marie Gomez-Breysse, ses recommandations pour un meilleur déploiement des PME, fournisseurs de grands groupes aux comportements responsables, montrant que les acheteurs des grands groupes ont un rôle à jouer pour tirer parti de la richesse d’innovation des PME, tout en contribuant à la restructuration du tissu industriel français. Juliette Dupille, forte de son expérience de consultante, nous suggère de nombreux leviers d’actions pour une politique d’achats « responsables » -au sens classique du terme-, menant à une redéfinition du métier d’acheteur. Richard Calvi, Professeur des Universités à l’IAE Savoie Mont-Blanc, et témoin du parcours de Pierre Jarniat, alors Directeur des achats de Salomon, définit la notion de « courage de l’acheteur », dans la mise en place d’une politique d’achats à long terme, malgré les multiples ruptures dans la vie d’une entreprise (fusions, acquisitions), s’attachant à la défense d’un éco-système de fournisseurs performants, sous le regard croisé de Jean Potage, ancien Directeur des achats du groupe Thalès, qui souligne de son côté l’importance du relationnel fournisseurs. Enfin, ce numéro ne serait pas complet si nous ne mentionnions pas les thèses professionnelles réalisées par des étudiants concernés par le sujet : c’est ainsi qu’Anne Bourbigot (ESCP Europe) étudie le rôle des acheteurs dans les décisions de nearshorring, que Jean-Louis Martin (DESMA) analyse la contribution des achats d’emballages à une politique d’achats durables, et que Lucila Rodaro (GEM) définit trois « best practices » et neuf KPIs permettant aux entreprises de se situer dans la mise en œuvre de leurs achats responsables. Nous vous souhaitons autant de plaisir à la lecture de ce numéro que nous en avons pris à le réaliser. Excellence HA n°4 n 3/56 NOTE AUX FUTURS CONTRIBUTEURS DE LA REVUE « EXCELLENCE HA » Comme dans les numéros précédents voici un court rappel des consignes sur la forme et la quantité des contributions avec lesquelles nous souhaitons régulièrement alimenter les différentes rubriques de la revue. Nous comptons sur votre participation active que vous soyez académique ou praticien. Dans Excellence HA nous appelons de nos vœux plusieurs types de publications : : d Dossiers académiques : Des contributions d’acteurs académiques dont les recherches portent sur la fonction Achats et plus largement les relations clientsfournisseurs. Il peut s’agir de contributions originales ou de la refonte d’articles précédemment publiés dans une revue (avec rappel de cette publication antérieure). d Dossiers professionnels : Des réflexions et points de vue de professionnels de la fonction Achats ou de consultants en Achats. Excellence HA favorisera des contributions de ce type lorsqu’elles sont ambitieuses, innovantes et argumentées. d Enrichissements : Pour favoriser le croisement des regards, chaque contribution sera soumise à un commentaire d’un expert du comité scientifique. Un praticien pour la contribution d’un académique, et inversement pour la contribution d’un praticien. L’objectif sera d’enrichir chaque contribution par un regard croisé d’un membre de l’autre communauté. d Thèses/Mémoires : Des fiches synopsis des meilleurs mémoires réalisés dans le cadre des formations Achats (Master, MBA, ..). Nous proposons aux responsables de ces nombreuses formations de se servir de cette tribune pour faire connaître les meilleurs travaux de leurs étudiants. d Critiques d’ouvrage : Un commentaire sur un ou plusieurs ouvrages innovant orientés Achats ou considérés par le comité de rédaction comme utile à l’exercice de la fonction. d Espace d’évènement : Un court résumé des évènements en relation directe avec l’objet de la revue (Conférences, activité des Think tanks…). Toutes ces contributions doivent transiter par le comité de rédaction ([email protected]). Ce dernier, après une première expertise, leur attribuera deux relecteurs du comité éditorial pour avis et conseils. Lorsqu’un article est définitivement accepté, l’auteur fournit à la revue Excellence HA une version électronique au format Word. Les articles acceptés pour publication en fonction des thématiques annoncées dans notre politique éditoriale ou dans ordre des dates d’acceptation. L’auteur s’engage à ne pas publier son article dans un autre support sans autorisation de la rédaction d’Excellence HA. Format des articles : 1. Les articles sont, sauf exception à justifier, d’une longueur maximum de 16 pages de 2 800 caractères chacune, en tenant compte de l’espace pour les informations additionnelles (voir paragraphe suivant). Ils comprennent une photo de haute résolution de l’auteur, une bibliographie d’une longueur maximum d’un tiers de page, ou 1000, et sont précédés d’un bref résumé de 1000 caractères maximum (en français et en anglais) mettant en évidence l’importance ou l’originalité de la contribution. S’adressant principalement à un lectorat de praticiens, les textes proposés ne comportent que les développements théoriques et méthodologiques nécessaires à la compréhension du propos. Enfin ces articles doivent pouvoir être utiles à la communauté Achats. Les notes sont placées en bas de page et numérotées dans l’ordre d’insertion. Leur nombre ne doit pas excéder une note par page. Les références bibliographiques sont rédigées selon les modèles suivants : d Ouvrage : Nom de l’auteur et initiale du prénom, Titre de l’ouvrage, Editeur, Lieu d’édition, date de publication (exemple : Poissonnier H., Philippart M., Kourim N., 2012, Les achats collaboratifs : Pourquoi et comment collaborer avec vos fournisseurs, Edition De Boeck) d Article : nom de l’auteur et initiale du prénom, « Titre de l’article », Titre de la revue, vol. x, n° x, date de publication, p. x-y, (exemple : Calvi R., Paché G., Jarniat P. 2010, Lorsque la fonction achats devient stratégique : de l’éclairage théorique à la mise en pratique, Revue Française de Gestion, vol 36, n° 205 juin-juillet, p 119-138. Les références doivent être citées ainsi dans le corps du texte : Philippart et al. (2012) ; Calvi et al. (2010)… 2. 3. Les Enrichissements de dossiers comportent un maximum de deux pages à 2 800 caractères chacune, espaces compris. Les Thèses professionnelles sont présentées sous forme d’un bref résumé de 2 à 3 pages de 2 800 caractères maximum par page (en français et en anglais), espaces compris, mettant en évidence l’importance ou l’originalité de la thèse. Elles comprennent une photo de haute résolution de l’auteur, une bibliographie d’une longueur maximum d’un huitième de page, ou 500 caractères – ces derniers éléments devant être inclus dans le nombre total de caractères autorisé. Ces dernières sont aussi choisies selon leur lien avec le thème du dossier 4. Les Thèses académiques récemment soutenues reprennent le format des thèses professionnelles avec des limites x 2 sur toutes les dimensions. Il n’y a pas la contrainte du lien avec le thème du dossier. 5. 6. La critique d’ouvrage est écrite sur un maximum de deux pages à 2 800 caractères chacune, espaces compris. Les résumés d’évènements et de travaux des Think Tanks se font sur un maximum de deux pages à 2 800 caractères chacune, espaces compris n Hugues Poissonnier et Richard Calvi Aucune contribution ne doit comporter des notions de publicité, directe ou indirecte, pouvant être interprétées comme ayant une vocation commerciale. Pour toute question ou proposition : [email protected] 4/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R N ° 1 DES ÉTUD I ANTS : DES PROFESSIONNELS EXPÉR I MENTÉS : De gauche à droite : Mélody BRARD, Eric VINONNEAU et Evan VALAT. Etudiants du Master II Achats à l’International de l’Université Paris-Saclay. Promotion 2014-2015. Après Sciences Po Paris et un MBA ISA HEC, Françoise ODOLANT a occupé différentes fonctions en Contrôle Financier puis en Supply Chain et Directions Achats dans des grands groupes français et étrangers : dans l’industrie, dans les services et dans le secteur bancaire. Elle a créé en 2008 son cabinet conseil spécialisé en management des achats et en optimisation des relations clients-fournisseurs. En septembre 2010, elle a rejoint l’équipe de la Médiation Inter-entreprises. Elle est Responsable du Pôle Acheteurs, Chartes et Label pour la Médiation inter-entreprises et la Médiation des Marchés Publics. Associé en charge de la « Pratique Achat » du cabinet Clarans à Paris. Fort de plus de 30 années d’expertise opérationnelle des fonctions Achats, Supply-Chain et Optimisation Industrielle Guy ELIEN a collaboré en qualité de Directeur des Achat avec plusieurs grands groupes. Depuis 2008, Il conseille les entreprises françaises et étrangères en matière de déploiement stratégique achat ainsi que dans la gestion du changement et l’adaptation des organisations à leurs nouveaux enjeux. Il est intervenant-Expert auprès de l’Ecole Polytechnique Féminine et du Master Achat à l’international de Paris XI Jean Monnet. LA RELATION PME-GRANDS GROUPES : Ou comment développer les effets des stratégies achats des Grands Groupes en optimisant leurs relations avec les PME Résumé en français : L’acheteur, acteur de l’économie responsable Le diagnostic pour relancer notre économie nationale est connu : le redressement passera par l’émergence et le développement de PME plus innovantes, plus fortes et plus agiles qui créeront les emplois et porteront la croissance. On attend tous beaucoup des capacités entrepreneuriales de la génération montante, mais lui donne-t-on les moyens d’accomplir ses ambitions et l’opportunité de prospérer aux côtés de nos fleurons traditionnels, les grands groupes ? Nous constatons souvent au quotidien, que nous avons quelques difficultés à tourner les pages d’un Colbertisme du 18° (progrès industriel, corporatisme, protectionnisme, impact de l’Etat sur l’économie), et d’un Jacobinisme culturel (souveraineté nationale, centralisation, technocratie). Nos principaux partenaires économiques, ont eux, privilégiés le régionalisme et l’adaptation permanente de leurs structures à l’environnement économique si l’on considère le modèle Excellence HA n°4 lll 5/56 allemand et ses Mittelstand, à la fois performantes et percutantes sur la scène internationale de l’économie des marchés. Appréhendant leur futur rôle d’acheteur, les étudiants Master Achat à l’international de Paris-Saclay nous livrent ici un état des lieux de leurs réflexions et de leurs recommandations pour permettre le renforcement et le déploiement nos PME sous l’ombrelle des grands Groupes La dynamique développée par les 26 premières entreprises labélisées « Relations fournisseur responsables » nous montre la voie d’une nouvelle façon de traiter les relations d’affaires. Le parti pris de ces « labélisés » nous permet aujourd’hui de capitaliser sur leurs expériences et de partager les meilleures pratiques pour des relations clients-fournisseurs collaboratives, durables et équilibrées. Le rôle de l’acheteur « Acteur de l’économie Responsable » y prend ici toute sa place. English : The diagnosis to recover our national economy is well known: recovery will go through the emergence and development of innovative SMEs, stronger and more agile that will create jobs and growth. We all expect strong and entrepreneurial skills of the younger generation, but do we give it the levers to fulfill its ambitions and the opportunity to grow alongside our flagship of our economy? On a day-to-day basis, in France, we meet some difficulty in turning the pages of a Colbertism of the 18th century (industrial progress, corporatism, protectionism, impact of the State in the economy), and a cultural Jacobinism (national sovereignty, centralization, technocracy). But our main economic partners, have them privileged regionalism and continuously adapt their structures to the economic environment - we consider here the German model and its Mittelstand, both powerful and punchy on the international scene of the economy of markets. Fearing their future role of buyer, the students of the Master of international Purchasing of Paris-Saclay deliver here an overview of their thoughts and recommendations to help strengthen our SMEs and deployment under the umbrella of the major Groups. The dynamics developed by the first 26 labeled companies in “Responsible supplier relationship” shows us the way to a new approach of dealing with business relationship. The preferred choice of these «labeled companies» allows us today to capitalize on their experiences and share in detail their best practices for collaborative customer-supplier relationships, sustainable and balanced. The role of the buyer as a “key player of the sustainable economy” will take its place here. Introduction : Le tissu économique français est aujourd’hui structuré de telle sorte que deux grandes formes d’entreprises sont quotidiennement confrontées : les PME et les Grands Groupes. En tant qu’acteur de l’économie responsable, l’acheteur se doit d’optimiser leurs relations de manière durable. En prenant en compte de manière réaliste le point de vue des deux parties, il pourra développer des situations de marchés mutuellement bénéfiques. Cet article présente les bases d’une relation saine avec les PME, souvent négligée par les Grands Groupes. Les PME possèdent pourtant de nombreux avantages. A travers ce dossier, et dans une logique éthique de la vie des affaires, nous présenterons dans un premier temps les avantages ainsi que les réticences d’une relation PME - Grands Groupes. Si l’Etat français porte depuis plusieurs années une vision en faveur de relations inter-entreprises collaboratives - au contraire des relations historiques empreintes de rapports de force -, les premiers labélisés « Relations fournisseur 6/56 responsables » , en nous autorisant à publier les bonnes pratiques qu’ils ont mises en œuvre, invitent tous les grands donneurs d’ordre à prendre du recul et à développer leur méthode pour créer de la valeur dans l’esprit de « mieuxvivre ensemble ». La nécessaire collaboration PME/Grands Groupes : L’étude présentée ci-dessous a été réalisée en 2015 par les étudiants du Master 2 Achat à l’International de l’Université jean Monnet de Paris sud, en synthèse d’un séminaire ayant pour thème « La relation PME-Grands-Groupes », ou : « Comment développer les effets des stratégies achats des grands groupes en optimisant leurs relations avec leurs fournisseurs de type PME » . Pour les besoins de ce dossier, la filière agro-alimentaire et ses relations avec les enseignes de la Grande Distribution ont servi de fil rouge pour illustrer l’intérêt et la possibilité d’une autre voie que celle de la « guerre des prix ». Excellence HA n°4 D O S S I E R La relation entre les Grands Groupes et les PME est caractérisée par une différence immédiatement notable : au-delà du seul effet de taille, ces deux agents de l’économie française ont des attentes et des stratégies très différentes et très variées qui tiendrait presque de l’oxymore. Travailler ensemble mérite donc d’ouvrir chacune de ces contraintes, afin de pouvoir s’en affranchir. L’un des objectifs majeurs d’une entreprise privée étant d’assurer la croissance de ses actifs tout en réduisant ses risques en vue d’assurer sa pérennité, la relation PMEGrands Groupes offre des opportunités de par la complémentarité de leurs profils. L’intérêt pour la PME : Le premier intérêt identifié pour une PME de collaborer avec un Grand Groupe est l’assurance d’une croissance rapide de son Chiffre d’Affaires et une certaine stabilité de ses revenus, par la nature même de l’effet volume à traiter. Quand le Chiffre d’Affaires d’un Grand Groupe représente vite des milliards, la PME plafonne plus souvent à 50 Millions d’euros. Les volumes concernés reposent sur des échelles complètement différentes, la PME étant le plus souvent positionnée sur des segments de marché assez spécialisés (voire des marchés de niche). Proche d’un Grand Groupe sur un marché bien plus important via sa couverture géographique et la diversité des marchés couverts, son Chiffre d’Affaire se voit exponentiellement augmenté quand elle décroche un contrat avec un Grand Groupe. Avoir l’opportunité de traiter avec un Grand Groupe permet à la PME de s’ouvrir de nouveaux débouchés commerciaux et de dynamiser rapidement son activité. Par cette entremise, la PME s’offre même parfois une visibilité directe de la part du client final, le consommateur. Ainsi un fournisseur de type PME traitant sous sa marque avec un Grand Groupe de la distribution agro-alimentaire s’expose à la possibilité d’une diffusion de son nom à grande échelle. La couverture du marché permise par les contrats de grande distribution revêt un avantage considérable pour la PME : la diffusion de son image, de sa notoriété en même temps que l’accès facilité dans les rayons de ses produits et services aux consommateurs. La question de la couverture géographique revêt un aspect stratégique dans un marché guidé par les effets de mode et une communication de masse. Plus le produit est consommé, plus il intègre les habitudes d’achat, voire les tendances de consommation. N ° 1 Les Grands enseignes de la distribution ayant des bases de données transversales, toutes les entités du groupe ont les informations sur le fournisseur et des procédures simplifiées pour leur passer commandes. De fait, dans tous les secteurs d’activité, être au panel d’un Grand Groupe permet à un fournisseur de diffuser son image de manière globale et rapide, et représente un levier de communication avec les autres sites, entités, filiales, pays, avec lesquels il n’a pourtant pas encore traité. Plus la performance économique d’une PME sera diffusée en interne au sein de l’organisation de son client, plus sa promotion sera forte. Repérer de manière pertinente les attentes sur ses premiers marchés et donner satisfaction à ses premiers interlocuteurs aux achats et chez les utilisateurs et prescripteurs, lui permettra souvent d’être sollicitée sur de nouveaux besoins et d’accéder à de nouveaux marchés. On remarque également que lorsqu’une PME est referencee par un Grand Groupe, cela lui sert de levier de communication externe, et représente donc un atout pour prospecter d’autres grands groupes. Les exigences d’un Groupe étant particulières, savoir s’y conformer est un gage d’agilité et d’adaptation de la PME. En effet, la flexibilité et les qualités de services dont doivent savoir faire preuve les PME en traitant avec un Grand Groupe sont applicables aux autres clients de même taille dont les demandes sont bien souvent caractérisées par les mêmes exigences : fiabilité, différenciation, compétitivité, délais courts, disponibilité... Les grandes enseignes de la distribution agro-alimentaires stimulent l’innovation en organisant des concours permettant de challenger les PME. Comme elles offrent aux PME de formidables opportunités d’accès à une large diffusion de leurs produits dans de nombreux points de vente, cela représente un levier considérable pour l’innovation. Pour convaincre, les PME doivent porter une attention toute particulière à leur différenciation produit. Une fois soutenue commercialement par un Grand Groupe, l’innovation va connaître un déploiement rapide au travers de réseaux de distribution élargis, et la PME va accroitre sa couverture du marché cible. L’intérêt pour le Grand Groupe : Travailler avec une PME représente une opportunité pour un Grand Groupe, qui sous-estime généralement la valeur ajoutée potentielle de ces acteurs de niche. Depuis 2006, la dépense externe des Grands Groupes envers les PME a augmenté de 10%, ce qui souligne l’importance des PME Excellence HA n°4 lll 7/56 dans notre activité commerciale. Dans la grande distribution, cette présence est très marquée : en 2010, les PME françaises fournissaient, sous leurs marques ou sous les marques distributeurs, 54,2% du Chiffre d’Affaires de la grande distribution. Cette collaboration étroite et grandissante ouvre le Grand Groupe sur des avantages qui doivent encore être explicités. En effet, si les PME ont l’avantage de pouvoir soutenir leurs besoins de financement via les Grands Groupes, ces derniers ont celui de pouvoir profiter de leurs innovations. Pour le Grand Groupe, l’accès à l’innovation sur laquelle la PME aura travaillé lui donnera un avantage concurrentiel certain. Cet avantage très singulier profite aux deux parties en améliorant leurs ventes, et en servant la notoriété du Grand Groupe, quand il sert de vitrine au savoir-faire de la PME. Etant hyper spécialisée, la PME est dotée d’un savoir-faire que ne revendiquent pas les Grands Groupes généralistes, qui ne disposent pas des ressources pointues compétentes pour tenter de rivaliser. Les qualités opérationnelles et terrain de la PME permettent de générer une grande implication dans le projet innovant et un fort dynamisme pour surmonter les difficultés et lui faire voir le jour. C’est notamment via des contrats de distribution que l’innovation va profiter au distributeur. Le consommateur étant sensible au développement de nouvelles offres, le choix du magasin où il va faire ses courses peut être influencé par les particularités ou spécificités des produits qu’il pourra espérer y trouver. Ceci va donc permettre à l’Enseigne une plus grande couverture de son marché par la captation de nouveaux clients, voire leur fidélisation grâce à une offre plus étoffée et originale. Les grandes enseignes tirent avantage de leurs relations de partenariat avec des entreprises dont la flexibilité et la réactivité créent une valeur complémentaire en augmentant la fréquentation et l’animation des points de vente. La PME présente souvent la souplesse d’être capable de produire une petite série spéciale, et sa capacité à prendre rapidement des décisions est un atout considérable pour répondre à une nouvelle demande de leur client. L’adaptation au client et aux évolutions du marché sont des clés de succès parfaitement intégrées à leur ADN. Cette adaptation est d’autant plus utile que l’offre de la grande distribution est sensible aux saisonnalités et aux tendances courtes de consommation. Faire appel à une PME peut permettre aussi de sous-traiter des activités qui sortent du cœur du métier de la grande entreprise, mais qui restent nécessaires au quotidien. Pour 8/56 des catégories d’achats comme la propreté, la sécurité ou le gardiennage, le prestataire de la taille d’une PME permet de coller au plus près du besoin. Ces personnels sont au contact direct des clients qui les perçoivent comme appartenant à l’enseigne ou tout du moins faisant partie de leur expérience dans leur parcours dans le magasin ou centre commercial. Le service apporté est donc stratégique pour que les clients aient envie de revenir et de consommer et l’acheteur est attentif à valoriser cette dimension dans son choix et la gestion du prestataire. D’un point de vue maitrise des processus, bien cibler l’intervention d’une PME permet de tirer parti de la valeur ajoutée d’un acteur complémentaire au bon moment dans la chaîne de valeur. Traiter avec une PME permet au Grand Groupe de bénéficier du bon savoir-faire, via la flexibilité de la petite structure, au bon endroit. La nécessité de raisonner en filière : Une structuration de l’économie en cascade de relations entre acteurs existe de fait puisque les Grands Groupes ont besoin du tissu industriel local, compose en France principalement de PME. Mais c’est seulement quand les acteurs clients et fournisseurs comprennent leur interdépendance, que la notion de filière fait son apparition : elle englobe des acteurs hétérogènes qui interviennent a tous les stades de la chaine de valeur, différents d’un secteur d’activité à l’autre. L’objectif des Grands Groupes devrait être de renforcer leur filière, de migrer vers le modèle d’une filière dite « intégrée » ou chaque acteur peut bénéficier des capacités économiques et logistiques de l’autre. Ainsi, à titre d’exemple, les pôles de compétitivité mis en place en France depuis une dizaine d’années et dont l’impact est grandissant : Grands Groupes et PME sont concentrés géographiquement et fonctionnent ensemble sur des thématiques qui leur sont communes. L’innovation, l’information et la communication entre les acteurs y sont facilitées et accélérées. C’est par cette approche que l’on peut apprécier la valeur ajoutée des petits producteurs locaux qui permettent à la grande surface de séduire et fidéliser ses clients. La tendance étant par exemple au bio et à la consommation locale, la PME permet l’ancrage de l’Enseigne sur un territoire via la connaissance et l’adaptation de son offre au regard des saisons et des habitudes de consommation sur la zone de chalandise. Pour garantir la pérennité de leurs activités, dans tous les secteurs d’activité, les Grands Groupes s’entourent de plus en plus de PME aux compétences et caractéristiques Excellence HA n°4 D O S S I E R clairement identifiées, techniquement essentielles a la conquête de nouveaux clients. Ce sont en effet de plus en plus les PME qui détiennent majoritairement les connaissances, l’innovation et la souplesse nécessaire a leur mise en action. Les acheteurs peuvent en tirer parti en proposant à la PME de co-développer ces innovations, en décidant de faire des pilotes puis en les implémentant sur de larges volumes et enfin en utilisant la puissance structurelle de leur organisation sur l’ensemble de leur périmètre. Mais tous ces moteurs de la collaboration se heurtent à d’autres tensions internes qui poussent à l’égocentrisme aussi bien chez les PME que chez les grandes entreprises et génèrent des difficultés dans la relation. Les difficultés dans la relation : Les stratégies des PME : Le dirigeant de la PME, en acteur local, va choisir la stratégie la plus adaptée à son positionnement stratégique sur un marché visé. On observe plusieurs stratégies qui peuvent être globales pour une PME : La première, la différenciation, aussi appelée stratégie de niche, consiste à se différencier grâce à des produits, des services associés à son image. Elle lui permet de limiter l’impact concurrentiel en se positionnant, de manière forte, sur un segment de marché très spécifique. La différenciation est souvent associée à l’innovation et à la qualité, corollaires de surcoûts de production. Deux possibilités s’offrent alors à l’entreprise : assumer les coûts supplémentaires de la différenciation en ne les répercutant pas sur le prix de vente (elle s’y retrouvera par les volumes) ou faire payer les coûts supplémentaires à ses clients (quand la proposition est jugée unique par les consommateurs, les produits originaux peuvent être vendus plus chers que les produits courants ou génériques). Ce qui est le cas des petits producteurs spécialisés dans les produits bio ou «équitables», par exemple. La deuxième stratégie est celle de la diversification. Plutôt que d’être spécialisée sur un domaine précis, la PME est présente sur plusieurs secteurs afin de limiter ses risques (crise d’un secteur, variation trop forte des cours d’une matière première…). C’est la théorie du portefeuille. On dénombre 5 grands types de stratégies de diversification : - La diversification de survie, dont l’objectif est de maintenir N ° 1 ses positions en volume en partant constamment à la conquête de nouveaux marchés, - La diversification de confortement, souvent privilégiée par les PME, qui consiste à se diversifier vers des activités complémentaires peu coûteuses en investissement, - La diversification horizontale, qui consiste à commercialiser de nouveaux produits auprès de la même clientèle (logique de cohérence commerciale), - La diversification verticale, où l’on intègre de nouvelles activités en amont ou en aval. Par exemple, au lieu de seulement commercialiser les produits, l’entreprise devient productrice (croissance externe). - La diversification concentrique, où l’on cherche à fabriquer des produits et/ou services semblables pour des clients différents. Le choix parmi les différents types de diversification dépend de la rentabilité, du potentiel du secteur, de l’existence de synergies exploitables et de la possibilité de reconversion. La stratégie de diversification est souvent liée à la maturité de l’activité principale de l’entreprise. Pour exemple, Maison Lartigue et fils, producteur de foiegras, a choisi de se diversifier horizontalement en se lançant dans la production de saumon fumé. Cette PME landaise de 25 salariés a également diversifié ses circuits de distribution en ouvrant un site d’e-commerce. La dernière stratégie possible consiste à se spécialiser en se concentrant sur les forces de l’entreprise. Il s’agit d’étendre ses activités géographiquement et d’adapter régulièrement ses produits et services pour répondre au mieux aux besoins des consommateurs. Les stratégies de spécialisation sont souvent mises en place dans le cadre d’un processus de croissance interne afin d’obtenir un avantage concurrentiel significatif. Plus généralement, indissociables d’une démarche « qualité », elles permettent de générer des effets d’expérience et économies d’échelle qui vont baisser les coûts de production. Ainsi, Altho, PME du Morbihan qui commerciale des chips bretonnes sous la marque Bret’s, a décidé de construire une nouvelle usine en Ardèche pour partir à la conquête de nouveaux marchés. La « diversification marketing », à ne pas confondre avec la stratégie de diversification, fait partie des stratégies de spécialisation : elle se caractérise par l’extension de la gamme de produits de l’entreprise afin de satisfaire un maximum de segments de clientèle et de renforcer ses Excellence HA n°4 lll 9/56 positions sur son marché. C’est un excellent moyen pour pénétrer de nouveaux marchés ciblés. Les stratégies des Grands Groupes : Les Grands Groupes utilisent également beaucoup les stratégies de diversification mais leur priorité réside souvent dans l’expansion internationale. Quatre types de stratégie peuvent leur permettent de se développer durablement à l’international : la stratégie globale, régionale, transnationale ou multinationale (aussi appelée multidomestique). Une même organisation peut mettre en œuvre plusieurs de ces stratégies. La stratégie globale, basée sur la standardisation des produits de l’entreprise. Pour tirer avantages des effets d’échelle. L’organisation, présente à l’échelle mondiale grâce à ses filiales, va répondre aux besoins des différents marchés de manière harmonisée et chercher à se localiser là où elle sera en mesure de tirer le plus d’avantages. Dans ce type de stratégie, il y a donc une forte intégration des activités de la chaîne de valeur ainsi qu’une forte concentration du pouvoir dans la société mère, où tout est coordonné. Les principales industries visées par ces stratégies globales sont, à titre d’exemple, l’aéronautique ou l’électronique, où la demande reste homogène à l’international. La stratégie internationale consiste à adapter faiblement les produits proposés par l’entreprise sur les marchés extérieurs. Les nouveaux marchés visés restent fortement dépendant du siège de l’entreprise, centre névralgique de décisions sur le marché d’origine. Par exemple, les décisions prises vis à vis du marketing, de la production ou de la distribution, sont élaborées pour le niveau national avant d’être ensuite transférées au niveau local. Dans le cadre de la stratégie internationale, les activités de soutien, ainsi que les activités amont, seront bien souvent centralisées puisque ce sont des activités plus éloignées du consommateur final. En revanche, les activités aval pourront être adaptées en fonction des contraintes et conditions locales puisqu’elles sont plus proches du marché (décentralisation). En finalité, l’organisation du développement est structurée et organisée au niveau national pour une adaptation locale. Cette stratégie peut être vue comme le premier stade de l’internationalisation des entreprises. 10/56 Elle représente l’approche la plus prudente et la plus progressive (elle peut être adoptée lors de lancements à l’international ou encore lors des phases de tests). Les PME utilisent souvent cette approche pour se développer à l’étranger car elle est la moins consommatrice d’investissements. Les moyens utilisés seront principalement les exportations de produits, des cessions de brevets ou des concessions de licences. La stratégie transnationale se caractérise par une faible concentration du pouvoir de décision (cf Bartlett et Ghoshal, 1989) et par une forte coordination géographique des activités. Cette stratégie « Think Global, Act Local », tente de concilier les avantages de la standardisation des processus productifs et ceux de la différenciation pour répondre à la demande de différence des consommateurs. On peut citer l’exemple de Coca-Cola qui change la recette de sa boisson légendaire selon les pays et les préférences de ses habitants. La mise en place de ce type de stratégie entraîne des modes de coopération entre Grands Groupes et acteurs locaux, aboutissant à des contrats de sous-traitance, des licences, de brevets et de marques, des accords de recherche… Elle permet d’accroître la compétitivité de l’entreprise grâce aux économies d’échelle et d’adapter les produits et les services à la demande locale. C’est un dispositif très adapté en cas de pressions sur les prix et d’exigences locales fortes, raisons pour lesquelles on la retrouve souvent dans le domaine de la grande distribution et de l’agroalimentaire. La stratégie multinationale ou multidomestique se caractérise par une dispersion du pouvoir de décision et un faible degré de coordination entre les activités menées dans les différents pays. A l’opposé de la stratégie internationale, elle ne tient pas compte du marché d’origine pour approcher les marchés étrangers. Elle localise ses opérations de production et de commercialisation dans les différents pays ciblés afin de profiter du meilleur (en termes de main d’œuvre, de compétences et de ressources naturelles locales…). C’est notamment la stratégie développée par le groupe suisse Nestlé afin de pénétrer les marchés émergents. Cette stratégie concerne les entreprises ayant déjà une petite expérience internationale au travers d’implantations dans des marchés géographiquement et culturellement proches Excellence HA n°4 D O S S I E R de leur marché d’origine (stratégie d’export). Son objectif est de répondre précisément aux conditions de chaque marché visé et engendre une forte adaptation des produits aux besoins de chaque population. Le principal avantage de cette stratégie réside dans la possibilité de répartir les risques financiers et commerciaux sur plusieurs zones (principe de gestion de portefeuille). Élevée Global Le monde est considéré comme un marché unique. Les opérations sont contrôlés centralement du siège social. Transnational Des mécanismes complexes de coordination fournissent une intégration globale. International Utilisation des capacités existantes pour se développer sur les marchés internationaux. Multinational Fonctionnement avec des filiales indépendantes dans de nombreux pays. N ° 1 PME sont bien positionnées. Elles offrent des produits très variés, authentiques, avec un ancrage fort au territoire... les PME et la grande distribution ont donc un intérêt commun.» «Les grandes enseignes veulent se singulariser par leurs produits locaux. En France, 116 000 références viennent des PME, soit deux fois plus que celles des Grands Groupes «, décrypte Georges Ferronière, directeur marketing de Panel International. L’exemple des Mittelstand allemands : Les Mittelstand allemands, illustrent le succès des ETI outre Rhin. Parmi ceux-ci, on retrouve des leaders mondiaux comme Stabilo, Playmobil ou encore UHU. Intégration Faible Faible Capacité de réaction locale Ces firmes bien souvent constituée après-guerre portent un fort attachement au territoire, la structure fédérale allemande permettant une forte proximité avec le tissu économique local. Les valeurs familiales et une gestion patrimoniale inscrivent les investissements et les stratégies dans la durée. Élevée L’accumulation des capitaux propres confère à ces entreprises une autonomie financière que les PME et ETI françaises peuvent envier. Bartlett et Ghoshal, 1989 Confrontation : Bien que les stratégies des PME et des Grands Groupes diffèrent, certaines se recoupent et peuvent mener à des collaborations fructueuses grâce à la connaissance locale des PME et aux ressources des grands groupes, les rapports de force sont alors plus équilibrés. Il est vrai que dans certaines situations (stratégies globales et internationales), le Grand Groupe, en position de force de par sa structure et ses ressources, n’a pas besoin de travailler avec les acteurs locaux pour se développer. Mais dans d’autres, la lourdeur de leur structure peut poser des problèmes lorsqu’il s’agit de s’adapter à la culture locale (stratégies transnationales et multinationales). Le Grand Groupe aura alors besoin du support agile des PME locales pour approcher les acteurs locaux, équilibrant et voir même inversant les pouvoirs de négociation. Selon Dominique Amirault, président de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France qui regroupe 700 entreprises indépendantes fournisseurs de la grande distribution, «La distribution de masse ne génère plus de croissance […] Par contre il y a encore plein de poches de croissance : le besoin de choix du consommateur, son goût pour la qualité...Pour satisfaire ces nouvelles attentes, les Les Mittelstand ont un modèle économique basé majoritairement sur le B to B et sur les marchés de niche. L’innovation apportant la plus forte valeur ajoutée, elles recherchent alors la différenciation par le haut. Une attention particulière est portée à la dimension technologique et cela se traduit par une mutualisation de la recherche. Ainsi, les grands groupes, les petites entreprises et l’Etat Fédéral organisent des centres de recherche performants qui font le lien entre la recherche fondamentale et l’innovation industrielle. L’industrie allemande organisée en « clusters » pense l’exportation comme une priorité stratégique. Les ETI allemandes qui réalisent 40% des exportations pratiquent la « chasse en meute » : l’export est une coopération. Les sociétés d’une même filière se regroupent physiquement dans une même région et mutualisent leurs efforts. La mise en commun de moyens et la structuration et la coordination de l’action et de l’information font que ces entreprises apprennent vite et pénètrent les marchés rapidement et efficacement. Le rôle joué par les ETI en France : En France, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ont été définies statistiquement par la loi de modernisation de Excellence HA n°4 lll 11/56 l’économie de 2008. Elles emploient entre 250 et 5 000 salariés et génèrent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliards d’euros. Moins reconnues que les groupes du CAC 40, elles représentent néanmoins 28% de l’emploi salarié (BPI France). On dénombre environ 4 800 ETI en France contre 8 500 en Italie, 10 000 en Grande Bretagne et 12 500 en Allemagne. Avec deux fois moins d’ETI que nos voisins européens, la France se prive donc d’un potentiel de croissance important. En effet, les ETI sont motrices de 33% de l’exportation et participent largement à l’innovation : 26% de la dépense privée de R&D et 38% des investissements –source Banque de France. Outre une ultra performance, les ETI incarnent un « capitalisme vertueux ». Elles préfèrent investir sur le long terme plutôt que de reverser des dividendes. Elles pratiquent une culture d’entreprise forte avec des relations salariales sereines. Enfin, ces entreprises réussissent à mêler implantation locale et développement international par la conquête de marchés étrangers. Face au succès des Mittelstand allemands, nous ne pouvons que regretter le faible nombre d’ETI françaises et qu’il n’y en ait même pas de plus en plus. Ces entreprises qui tirent la performance économique de leur pays, de par leur histoire, leur expérience et leur structure savent aussi bien travailler avec les Grands Groupes qu’avec les PME. 52% (Source : Base Diane - 2000 à 2009) des ETI françaises, dites récurrentes, ont atteint cette taille critique. Certes elles doivent apprendre à s’organiser de manière à respecter les obligations et seuils règlementaires, ce qui alourdit leur structure et les rend moins flexibles. Cependant devenant plus matures, elles deviennent aussi plus capables de répondre aux lourdes exigences et contraintes des Grands Groupes. Les entreprises de taille intermédiaire matures et récurrentes se développent par une stratégie de croissance externe. Tout comme les Grands Groupes absorbent 16,5% des ETI employant entre 250 et 500 salariés (INSEE), les ETI captent l’innovation et des parts de marché en absorbant des PME et TPE (45% des ETI de 1 000 à 5 000 salariés ont réalisé une ou des opérations de croissance externe dans les cinq dernières années - Source : OpinionWay pour KPMG - Février 2012). La majorité d’entre elles sont d’anciennes PME. 42% (Source : Base Diane - 2000 à 2009) sont des ETI volatiles qui oscillent entre les deux catégories. Ainsi elles bénéficient de l’état d’esprit positif et innovant qui caractérise les PME. Ce 12/56 sont des entreprises qui prennent des risques mais qui ont besoin d’un cadre législatif et fiscal stable. Pour pouvoir grandir et devenir des ETI pérennes, il ne suffit pas que les directions Achats des Grands Groupes s’engagent à consulter les PME et les accompagner sur des marchés internationaux pour les aider à grossir. Il faut également que ces acheteurs accompagnent la montée en gamme (qualité, innovations, services…) de leurs fournisseurs ETI et PME par leur intégration à des projets de co-développement stratégiques et innovants. L’acheteur, acteur de l’économie responsable, se retrouve à animer les plans de progrès selon les quatre grands domaines suivants : - le respect des intérêts des fournisseurs et des soustraitants, - les impacts des achats sur la compétitivité économique, - l’intégration des facteurs environnementaux et sociétaux dans le processus d’achat, - les conditions de la qualité de la relation d’un client vis-àvis de ses fournisseurs. Bonnes pratiques : Les premières organisations ayant obtenu le label Relations fournisseur responsables, décerné par les pouvoirs publics, ont déjà mis en œuvre de nombreuses bonnes pratiques en matière de relations collaboratives clients-fournisseurs. Outre leur capacité à appliquer sur le terrain les 10 principes pour des achats responsables, elles ont volontiers accepté de mettre en commun leurs retours d’expériences. Elles ont autorisé leur publication depuis 2014 dans la série « Talents d’acheteurs », portée par la Médiation inter-entreprises , la Médiation des marchés publics et la CDAF , sous l’égide du Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique. Ce sont autant de recommandations, disponibles gracieusement, à l’usage des organisations désireuses que leurs relations avec leurs fournisseurs soient durables et équilibrées, et qui sont récapitulées à grandes lignes ciaprès. Le premier domaine, le respect des intérêts des fournisseurs, exige de se préoccuper de l’équité financière vis-à-vis des fournisseurs, mais aussi de la promotion de relations durables et équilibrées, de l’égalité de traitement entre les fournisseurs et de la prévention de la corruption. - En France, le premier irritant dénoncé par les fournisseurs concerne l’équité financière, en raison du non-respect des délais de paiement légaux ou contractuels. Le comportement Excellence HA n°4 D O S S I E R payeur français se traduit par 12 jours de retard en moyenne et en pesant sur leur trésorerie, génère des risques de défaillance élevés chez les PME. Le client B to B qui formalise explicitement son engagement à appliquer strictement la loi LME et à s’abstenir de toutes pratiques déformant l’esprit de la loi, voire en étant plus volontariste pour payer dans des délais encore plus courts se démarque des pratiques courantes en France. Sur la scène internationale, il se mesure aux entreprises allemandes ou américaines qui privilégient de payer dans des délais courts et en faisant ainsi plus vite circuler la trésorerie donne de l’oxygène aux PME qui peuvent plus investir, innover et embaucher. Comme l’a montré le baromètre publié par Challenges en novembre 2013, rendre visible son engagement en interne et en externe permet à l’organisation achat d’espérer devenir le client préféré pour ses fournisseurs. Pour réussir à mettre en place sur le terrain cet engagement, l’organisation responsabilise l’ensemble des acteurs du processus « règlement des factures » et s’attache à optimiser les temps de traitement des factures fournisseurs. Certaines mettent en place des solutions dématérialisées pour réduire ces délais de traitement avec des systèmes d’alertes automatiques et des plans d’action systématiques en cas de retard prévisible. D’autres choisissent d’externaliser l’activité de comptabilité fournisseurs ou de la centraliser en fixant au centre payeur des objectifs sur les délais à tenir. Pour améliorer la situation, il s’avère également souvent opportun de réunir régulièrement les différents acteurs du processus de paiement des factures - acheteurs, comptables, opérationnels - pour prendre les décisions nécessaires. Chez les signataires de la Charte Relations fournisseur responsables, le médiateur interne est souvent sollicité par les fournisseurs pour des factures bloquées et sa bonne connaissance des rouages internes de l’organisation lui permet d’être extrêmement efficace sur la résolution rapide de ces difficultés. - Le deuxième irritant dénoncé par les fournisseurs concerne la domination des Conditions Générales d’Achat. En réponse, une organisation responsable fera la promotion de relations durables et équilibrées en se dotant d’un cadre contractuel équilibré, respectueux de la législation et respecté afin d’établir des relations pérennes avec ses fournisseurs et de le faire savoir en interne comme en externe. Elle s’attache aussi à réduire les risques de dépendance réciproque en fixant des règles claires sur la gestion des situations de dépendance des fournisseurs et en organisant les responsabilités des différents intervenants (juristes, Category Managers, …). Dans ce cadre, les acheteurs portent une responsabilité clé : analyser les situations de dépendance au cas le cas et décider du plan d’action N ° 1 pertinent à mettre en œuvre. L’acheteur peut également favoriser la collaboration avec ses fournisseurs stratégiques au travers de divers partenariats. La ligne de conduite la plus efficace est de prévenir les situations pouvant nuire à des relations durables et équilibrées (litiges, situations de dépendances, …) et de surveiller très attentivement tous ces facteurs de risques. - Mieux encore, les organisations qui prônent l’égalité de traitement entre les fournisseurs et sous-traitants, assurent une mise en concurrence ouverte, libre et loyale dans les processus d’appel d’offre, de sélection, de négociation des clauses contractuelles, la clarté des consultations, des procédures de référencement, la transparence et la traçabilité des procédures… Elles font connaître cette politique en interne et en externe, forment les acheteurs et peuvent même désigner des garants. Les acheteurs publics travaillent systématiquement dans ce cadre puisque c’est un des principes fondamentaux de la commande publique. Le management favorise l’application de ce principe en mettant en place un processus d’émission des appels d’offres simple et équitable, favorisant la mise en concurrence et la prise de décision collégiale. Afin de s’assurer que tous les dossiers sont traités selon ce principe, des contrôles réguliers sont instaurés et le respect de cet engagement fait l’objet de suivi formalisé dans un tableau de bord. - Comme le montre l’étude comparative publiée en mars 2015 de la performance RSE des entreprises françaises avec celle des pays de l’OCDE et des BRICS réalisée par ECOVADIS et la Médiation Inter-entreprises, la France est en retard sur les démarches de prévention de la corruption par rapport aux autres pays de l’OCDE. Pour adresser cette problématique, l’organisation peut se structurer avec par exemple un comité anti-fraude, un pôle d’audit interne, un système d’alerte et/ou un référent éthique. Afin de prévenir les pratiques de corruption active et/ou passive au sein des processus achats ( dessous de tables, extorsions, fraudes, règles relatives aux cadeaux et invitations, etc…), une organisation commence par formaliser le dispositif de prévention pour l’ensemble de ses entités, puis responsabilise individuellement l’ensemble de ses collaborateurs et décline ces dispositions pour les appliquer aux Achats. Il est nécessaire de rendre visible ces engagements en définissant et en prévenant les conflits d’intérêts par exemple dans une directive interne ou un code éthique et en désignant des garants au sein de l’organisation. Les acheteurs et l’ensemble des collaborateurs sont formés et responsabilisés pour s’assurer du respect par les fournisseurs des standards en la matière. Des processus de due Excellence HA n°4 lll 13/56 diligence des aspects éthiques sont formalisés au moins sur les fournisseurs à risques. La dimension contractuelle peut également permettre de porter clairement cet engagement et de contrôler les fournisseurs. Sur cet axe, la meilleure règle à appliquer est : mieux vaut prévenir que guérir ! Le deuxième domaine, les impacts des achats sur la compétitivité économique, se caractérise par l’aide à la consolidation des filières et au déploiement international de ses fournisseurs mais aussi en fonction de la bonne appréciation du coût total de l’achat. - L’organisation s’implique dans sa filière en s’engageant tout d’abord au plus haut niveau à développer la coopération avec les acteurs clé de sa filière en inscrivant explicitement sa politique achat dans sa chaine de valeur, son écosystème sectoriel. Elle promeut les approches collectives et développe la relation de confiance nécessaire avec le management de ses fournisseurs et sous-traitants en leur donnant de la visibilité, en favorisant un environnement partenarial et en mettant en place des dispositifs d’aide adaptés à leurs contextes. Elle développe une gestion prévisionnelle des besoins afin de pouvoir communiquer aux fournisseurs à l’avance les arrêts de commande et les niveaux prévisionnels de volumes et favoriser ainsi l’adaptation des capacités de production sur les segments de marchés critiques. Pour déployer systématiquement cette approche, l’organisation s’attache à mettre en place les outils contractuels et les systèmes d’information de cette gestion prévisionnelle des besoins. Le déploiement international de sa base fournisseurs est favorisé par les partages d’informations et en accompagnant et en soutenant les fournisseurs à potentiel selon ses propres capacités et compétences. L’organisation peut mesurer ses progrès sur ces sujets ambitieux en définissant des indicateurs et des objectifs et en lançant des enquêtes auprès de ses fournisseurs sur leurs attentes et leur appréciation de la contribution de leur client au renforcement de leur filière d’activité. - L’appréciation du coût total de l’achat est très souvent positionnée par les directions achats comme un levier incontournable dans les stratégies, procédures et processus achats. Pour mettre le TCO au cœur de la politique achat, certaines organisations vont jusqu’à responsabiliser les acteurs de la fonction achat sur l’application de cette méthode. Des documents à usage interne - voire externe – formalisent comment apprécier les offres fournisseurs sur la base du coût complet avec des grilles de coûts détaillées. En complément, l’acheteur conduit une analyse du risque 14/56 fournisseur avant d’attribuer un marché de façon à intégrer l’ensemble des aléas pouvant impacter l’évaluation des coûts totaux. Le management intègre le TCO dans la formation de base de ses acheteurs et de ses prescripteurs, (quitte à mettre en place des dispositifs d’accompagnement par des ressourcesexpertes sur l’approche TCO.) Dans ce cadre, pour pousser à application de cette approche, des objectifs quantitatifs sur le nombre de dossiers à traiter en TCO peuvent même être fixés selon le degré de maturité des différents domaines d’achats. Il est possible de mesurer le degré d’application du TCO en s’appuyant sur le contrôle de gestion. Le troisième domaine, l’intégration des facteurs environnementaux et sociétaux dans le processus achat, conduit à enrichir les grilles d’analyse des offres selon le concept du « Mieux-disant ». Cette approche bien plus complexe que les attributions de marché au moins-disant nécessite souvent la mise en place de comités de pilotage « achats responsables » afin de passer en revue la tenue de ces objectifs spécifiques. Sous ce même volet de responsabilité sociétale, les achats s’intéressent également à leur contribution au développement du territoire. - L’intégration dans le processus d’achat des performances environnementales des fournisseurs et sous-traitants vise à anticiper les impacts environnementaux de sa politique d’achat, de ses sources d’approvisionnement et de son cahier des charges produits/services. La politique achat définit explicitement un volet environnemental avant de responsabiliser les acheteurs, de tous les former et de leur faire définir leur plan d’action sur leurs catégories d’achats. Pour s’assurer du respect par les fournisseurs de leur conformité aux obligations environnementales, l’organisation se mobilise d’abord en interne en mettant en place des guides, outils, spécifications, voire en faisant un lien avec l’approche TCO , en appuyant les acheteurs avec des ressources experts et en fixant des objectifs aux acheteurs sur l’intégration des critères RSE . Arrivée à ce stade de maturité, une organisation peut contractualiser avec ses fournisseurs pour exiger des certifications environnementales, évaluer leur performance, les impliquer pour qu’ils deviennent moteurs dans ces démarches, suivre leurs améliorations et les contrôler, voire choisir d’exclure les fournisseurs défaillants sur ce point. Un volet Performance RSE et environnementale structuré dans le tableau de bord de la Direction mesure la part des achats concernée. - L’intégration des performances sociales connaît les mêmes bonnes pratiques que la dimension environnementale. Excellence HA n°4 D O S S I E R L’objectif est de s’assurer du respect par les fournisseurs de la conformité aux normes sociales en vigueur, de valoriser leur engagement en matière d’insertion par l’économique et d’inciter les fournisseurs à renforcer leurs pratiques et les accompagner. - La contribution au développement du territoire nécessite en tout premier lieu, de créer et développer un tissu de relations de proximité en veillant aux bons échanges de relations d’affaires avec les fournisseurs et sous-traitants implanté sur un même territoire. La problématique territoriale est alors intégrée explicitement dans la politique achat de l’entreprise, avant que celle-ci se rapproche des acteurs locaux pour participer avec eux à des programmes d’actions collectives. Il peut s’agir de favoriser la création, le développement et la consolidation d’entreprises dans les territoires d’implantation par l’essaimage ou l’aide à la création d’entreprises. Les acheteurs s’attachent à diversifier le réseau des fournisseurs en favorisant les relations et les prises de contacts avec les PME. En participant activement à la revitalisation des bassins d’emplois, l’entreprise contribue à développer l’activité économique sur ses territoires d’implantation. Elle peut également optimiser les retombées économiques locales liées aux achats, aux politiques d’investissement et aux contributions aux infrastructures locales. Ces indicateurs dans les tableaux de bord doivent permettre de savoir apprécier et valoriser la proximité des fournisseurs. Le quatrième et dernier domaine concerne les conditions pré-requises de la qualité de la relation avec les fournisseurs en s’attachant à la professionnalisation de la fonction et du processus achat et au développement des relations et de la médiation commerciales. - L’organisation qui veut mettre en place des achats responsables recourt à des acheteurs respectueux des règles du marché, des règles du droit commercial et de l’éthique. Elle formalise son engagement dans des documents de référence (code éthique, procédures achats, …), les diffuse largement en interne et définit précisément le diagramme de communication pour l’externe. Le comité de direction achat veille à faire établir les plans de formation de l’ensemble des acteurs concernés par le processus achat, valide les objectifs (thématiques, collaborateurs concernés, …) fixés en lien avec la stratégie achat. Il est sain d’évaluer annuellement l’entité avec un auditeur indépendant (audit interne, certification ISO9001, label Relations fournisseur responsables, …) et de faire reconnaître le degré de maturité des équipes achats. La politique de rémunération N ° 1 des acheteurs est fixée de manière cohérente à tous les niveaux de la filière et selon la nécessaire pluralité des objectifs relatifs aux achats responsables (TCO, RSE, Relations fournisseurs, …). - Les meilleures pratiques pour assurer la qualité de la relation client-fournisseur privilégient la médiation comme mode de traitement alternatif des litiges en désignant un ou des médiateurs internes et en formalisant une clause de médiation dans les contrats d’achats. La fonction achat pilote et coordonne l’ensemble des prescripteurs et utilisateurs en contact avec les fournisseurs, elle favorise le dialogue avec les fournisseurs et l’ensemble des collaborateurs est formé à la gestion des relations fournisseurs. Pour renforcer ses pratiques en matière d’achat responsable, une organisation a besoin de faire évoluer ses indicateurs et ses tableaux de bord afin de pouvoir mesurer le degré d’intégration de ses engagements dans ses plans d’actions, leur déploiement sur le terrain et la perception des parties prenantes concernées, en particulier les fournisseurs. Conclusion : L’asymétrie qui existe dans les relations entre les PME et les Grands Groupes engendre de nombreux conflits, de l’incompréhension et pénalise la performance économique de notre pays. Par la pratique de politiques et de stratégies de court terme, l’ignorance des composantes locales et l’encouragement à la délocalisation, se justifiant par la course au prix le plus bas, les acheteurs peuvent participer à la fragilisation et à la paupérisation du tissu industriel français. Pour protéger nos PME innovantes et performantes, l’encadrement législatif contrôlant les relations et les activités avec les Grands Groupes n’est pas une solution suffisante. Des organismes publics tels que la Banque Publique d’Investissements Bpifrance ou les Médiations nationales des relations interentreprises et des marchés publics permettent un accès facilité au financement et apaisent les relations client-fournisseur ; mais il faut, au-delà, enclencher l’appropriation par les acheteurs eux-mêmes de nouvelles pratiques. La conduite du changement vise à faire évoluer les organisations mais aussi les comportements individuels. Notre pays à l’instar de nos voisins italiens ou allemands doit poursuivre le développement de ses filières intégrées. Les Grands Groupes donneurs d’ordres devraient davantage s’appuyer sur les compétences et richesses de proximité pour développer leurs avantages concurrentiels. Le leadership des Excellence HA n°4 lll 15/56 Grands Groupes doit servir à impulser et accompagner l’innovation. Ceci est réalisable au sein de grappes, de clusters régionaux et de pôles de compétitivités qui sont d’excellents accélérateurs d’innovations et de connaissances. Les stratégies peuvent choisir de s’appuyer à la fois sur les fournisseurs historiques et de faire de la rupture avec de nouveaux acteurs ou des start-ups. Pour cela, un nouveau modèle collaboratif doit émerger. La création de valeur en amont qui apporte plus de performance sera permise par l’établissement d’une véritable collaboration et la signature de partenariats sur le long terme. Il faut faire grandir les PME en ETI et les accompagner dans la mutation pour que celle-ci devienne structurelle et pérenne. Le modèle collaboratif n’est envisageable que si les responsables Achat mettent en place des politiques responsables et appliquent des relations durables et équilibrées. Il existe alors, comme citées précédemment, des mesures simples, peu coûteuses et faciles à mettre en place. Outre la nécessaire volonté des directions Achat, la Médiation interentreprises, la Médiation des marchés publics et la CDAF peuvent accompagner nos entreprises à mettre en application ces bonnes pratiques et rendre l’acheteur acteur d’une économie responsable. La relation client-fournisseur ne doit pas se résumer à un rapport de force. La qualité de cette relation tient d’une responsabilité commune de l’organisation, et, de l’individu. n Bibliographie : - Bartlett A., Ghoshal S. 1989, « Managing across borders : the transnational solution », Cambridge, Harvard Business School Press. - Comité Richelieu, Synthèse du rapport annuel 2014, Observatoire des engagements et actions du gouvernement au service de l’innovation et de la croissance. - Direction Générale de la Compétitivité, de L’industrie et des Service, 2010, « Les entreprises de taille intermédiaires (ETI) », Mai 2010. - Fréry F. 2013, « Pourquoi il est urgent de défendre les PME contre les pratiques de certains grands groupes », atlantico.fr, 30 Septembre 2013 - Germa J-M, Patrizio F. 2014, « Restaurer la confiance entre PME et grands groupes », Le Monde.fr, 25 Septembre 2014. - Gless E. « PME et Grande distribution: cinq bonnes raisons de négocier maintenant », l’entreprise.lexpress.fr, 25 Novembre 2013 - KPMG, Voyage au cœur des entreprises de taille intermédiaire (ETI), Une stratégie de conquête, Mars 2012. - McKinsey & Company, Contribution des grandes entreprises à l’économie française, 18 Juin 2014. - Natixis, Pourquoi y-a-t-il peu d’entreprises de taille intermédiaires en France, Flash économie – Recherche économique, N°544, 7 Juillet 2014. - Rabiller P., 2014, « Maison Lartigue & Fils, l’artisan qui a tout d’un grand », latribune.fr, 08 Juillet 2014 - Retailleau B., 2010, « Les entreprises de taille intermédiaire au cœur d’une nouvelle dynamique de croissance », Rapport au Premier ministre, La documentation française, (http://www.comite-richelieu.org/wp-content/uploads/2014/03/synthese-rapportb-retailleau.pdf) - Pactepme.org - Talents d’Acheteurs – 1ères Editions – Mai 2014, Collectif des Labélisés Relations des Fournisseurs Responsables. - Talents d’Acheteurs – 2ème Edition – Octobre 2014, Collectif des Labélisés Relations des Fournisseurs Responsables. - Talents d’Acheteurs – 3ème Edition – Décembre 2014, Collectif des Labélisés Relations des Fournisseurs Responsables. 16/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R MAR IE GOMEZ-BREYSSE N ° 1 Docteur en Sciences de Gestion, Chercheur associée Montpellier Research Management Ingénieur de Recherche Labex Entreprendre – Université de Montpellier LE POINT DE VUE D’UNE ACADÉMICIENNE SUR L’ARTICLE : La Relation PME – Grands Groupes De la même façon que l’acheteur peut contribuer à fragiliser le tissu industriel national par une stratégie de court terme, privilégiant la délocalisation et la politique du moins disant, il peut être un acteur clef du développement économique. Pièce maîtresse d’une collaboration durable entre les GE et PME, il peut faciliter et accélérer l’avènement d’innovations, l’accès au marché pour un plus grand nombre et par inférence la croissance et l’emploi sur les territoires. Dans un contexte où la mouvance sociétale conduit à la fois les consommateurs et les politiques à formuler des exigences (consommation locale, raisons écologiques et création emploi local) auprès des entreprises, la collaboration PME/GE apparaît être une contribution majeure à la création de valeur à la fois sur le plan de l’innovation, le plan économique et le plan territorial. On sait que la qualité des relations interentreprises résulte souvent de mêmes styles de management (Hill et Hellriegel, 1994). Dès lors, s’interroger sur la relation grands groupes et PME renvoie à leurs spécificités managériales. Or si les grands groupes agissent selon des procédures bien établies et définies par l’organisation, dans le cas de la PME, fortement ancrée territorialement, qui revêt des formes diverses, les choix et décisions résultent davantage de l’individu-entrepreneur ou l’individu- manager. De fait, la PME est une entreprise de proximité, là où le grand groupe apparaît comme un acteur de distance, que ce soit en interne (distance hiérarchique), au niveau des marchés (think global, act local), ou en terme de sourcing (meilleur ratio coût /opportunité). Cette situation asymétrique (taille, objectifs stratégiques) engendre un déséquilibre qui se traduit par un contrat de collaboration souvent en défaveur du plus faible (Labordes, 2002). Tout l’enjeu de la relation PME/Grands groupes réside dans la mise en place d’une forme de proximité, favorisant un partage d’objectifs et le développement de relations interpersonnelles à l’origine de collaborations fertiles. La proximité : vers des objectifs partagés L’engagement dans un accord implique « la volonté de partager des risques, d’atteindre des objectifs que les alliés ne pourraient réaliser isolément et de supporter ces coûts de coordination » (Jaouen A., 2008). Les deux parties doivent ainsi présenter des points d’achoppement leur permettant de converger à plusieurs niveaux. Pour autant PME et GE présentent des spécificités marquées. Face à la GE, la PME est bien démunie, la relation souffre inévitablement d’asymétrie (Meier et Missonier, 2012). Les PME sont hétérogènes, elles comptent de 1 à 250 salariés, et ont des formes de management allant de la PME de proximité à la PME managériale (Torres, 2002). Sur ces bases, la littérature fait état de nombreuses typologies d’entrepreneurs parmi lesquels on retiendra deux idéaux types très différents, représentatifs des divergences de motivations et d’objectifs et annonçant d’ores et déjà la complexité de relations de collaboration. Les entrepreneurs dit « classique », c’est-à-dire le shumpeterien, qui se nourrit de l’innovation destructrice, créatrice de valeur économique Excellence HA n°4 lll 17/56 recherchant la croissance pour certains et y étant plus réfractaires pour d’autres (Davidsson, 1991). Deuxièmement, on peut citer le « lifestyle » (Gomez-Breysse, 2010) qui recherche un meilleur équilibre de vie et est souvent réfractaire aux nouveaux partenariats, privilégiant les réseaux personnels établis (Peters, 2009). Ainsi comment rapprocher les intérêts d’une PME dont les problématiques majeures résident majoritairement dans l’apport de capitaux (innovation et besoins en trésorerie) et la visibilité (accès au marché) et la grande entreprise qui recherche la flexibilité, est impliquée dans une guerre des prix sans limite et affichant des ratios clients/fournisseurs à la limite de la légalité ? Activer une ou des forme(s) de proximité permet et améliore la mise en place de relations prenant en compte la vision des acteurs (Meier et Missonnier, 2008). L’exemple des Mittelstand illustre bien la nécessité d’une proximité à la fois géographique et organisationnelle (Rallet et Torre, 2004). Même si les évolutions technologiques ont modifié la relation des acteurs à la distance, la proximité géographique facilite les rencontres (appartenance à un territoire) et la capacité à collaborer (transport limité pour les achats et clusters). D’ailleurs, les PME ont pour caractéristiques d’être fortement ancrées dans leur territoire et les consommateurs demandent de plus en plus de produits locaux. La proximité organisée, de nature relationnelle, est appréhendée comme la capacité à faire interagir ses membres faisant émerger deux logiques : la logique d’appartenance (routines inscrites dans les gênes d’une organisation, d’un groupe et la logique de similitude (partage de croyances, de savoirs, une proximité culturelle). C’est à partir à la fois d’un ancrage territorial commun et de rapprochement par un partage des savoirs, de croyances, de valeurs, comme la RSE, que les entreprises vont pouvoir engager des relations sous un nouveau jour. Dès lors la nature de la relation PME/Grands groupes passe d’une vision inter-organisationnelle à une vision inter-personnelle, dont l’entrepreneur et les acheteurs sont les acteurs clefs. Dans cette dynamique, les acheteurs vont passer d’une logique de coût à une vision stratégique partagée avec leurs fournisseurs (qualité des produits, prise en compte de l’empreinte écologique, innovations, volonté d’accès à de nouveaux marchés). La collaboration GE/PME repose sur une relation interpersonnelle entre le dirigeant de PME et l’acheteur où la confiance cimente une relation qui peut parfois être déséquilibrée contractuellement. La proximité qu’elle soit géographique ou organisée est un élément transverse d’une relation collaborative durable et doit permettre de retrouver l’équilibre. 18/56 L’équilibre de la relation : vers des engagements durables Dans un environnement où l’on cherche à responsabiliser l’entreprise au plan sociétal (économique, environnement et social), il revient à l’acheteur de favoriser la collaboration avec les PME locales. Une exigence qui bouleverse ses habitudes de management par les coûts. Pratique qui est remise en cause dans la littérature, présentant de réelles limites à la création de valeur (Porter et Kramer, 2011). L’acheteur, pour créer de la valeur durablement à travers des relations collaboratives avec ses fournisseurs doit donc revoir son mode de fonctionnement. Premièrement, à l’origine de toute collaboration contractuelle, on identifie une phase de négociation à l’issue de laquelle les acteurs doivent pouvoir identifier des objectifs partagés (accès à de nouveaux marchés, lancement d’une innovation, respect de l’environnement…) en lieu et place d’une recherche d’affaiblissement de son partenaire (Poissonnier et al. 2012). Deuxièmement, il doit faciliter l’émergence d’une relation de confiance qui influence la qualité des échanges, favorise les échanges d’informations et le contrôle informel (Ireland et al. 2002). Ce qui se traduit notamment par le respect de ses engagements en termes : de volumes annoncés, de délais de commandes, de délais de règlement… Troisièmement, il doit faire preuve d’éthique dans la relation tant sur le plan de la sélection des fournisseurs que de la répartition équitable des revenus économiques permettant ainsi à la PME de créer des emplois et de poursuivre ses projets d’innovations qui seront à leur tour des ressources exploitables par la GE. On enclenche donc un cercle vertueux. Ces modifications dans la mission des acheteurs sousentendent la mise en place d’indicateurs d’évaluation dans l’organisation, non seulement basées sur l’économique mais aussi sur l’environnement et le social sans oublier la pérennité des relations avec les fournisseurs et les projets portés en commun. De nouveaux outils restent à inventer. n Bibliographie Davidsson P., « Continued entrepreneurship: ability, need and opportunity as determinants of small firm growth », Journal of business venturing, 6: 405-429, 1991. Gomez-Breysse M., Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, « L’entrepreneur lifestyle, un processus entrepreneurial et hypermoderne », Université de Montpellier 1, 2010. Hill R.C., Hellriegel D., « Critical contingencies in joint venture management: some lessons from managers » 1994. Ireland R.D., HITT M.A., VAIDYANATH D., « Alliance management as source of competitive advantage », Excellence HA n°4 D O S S I E R JULIETTE DUP ILLE N ° 2 « Juliette Dupille est consultante formatrice au sein d’Alteractive. Après vingt ans de responsabilité marketing puis achat au sein du groupe Kering, elle a suivi le Master Développement Durable et Organisations de l'université Dauphine (promotion DDO10) afin de compléter son expérience par une approche de gestion d’entreprise intégrant l’ensemble des enjeux dans le cadre de la Responsabilité sociétale des entreprises et organisations. Sa première expérience au sein de la Direction des Opérations et Méthodes Achats de L’Oréal la conforte dans ses choix. Email : [email protected] LE MÉTIER D’ACHETEUR une contribution à la responsabilité de l’entreprise ? « Le métier d’acheteur est en train de vivre une révolution passionnante, lui qui a été longtemps cantonné au triptyque QCD (Qualité Coût Délai). L’évolution du métier à travers la RSE lui permet de contribuer à la valeur de l’entreprise en rétablissant la chaine de responsabilité. J’entends par là, être responsable de sa relation fournisseur… » Parler achats responsables, c’est comprendre qu’à travers une responsabilité élargie, l’acheteur, en interface avec les différentes parties prenantes, peut jouer un rôle clé pour la performance de l’entreprise à travers un rôle plus moteur sur des enjeux autres que des enjeux de coûts, de qualité, des délais. Parler achats responsables, c’est comprendre que les « savings » à court terme peuvent et doivent être remplacés par des bénéfices à long terme, car la performance économique passe aussi par la prise en compte du capital social et environnemental. Cela revient par exemple à : - introduire des critères RSE au même titre que les critères QCD au niveau du cahier des charges, - manager sa relation fournisseurs dans un objectif de création de valeur bilatérale, - ou tendre vers une approche globale des coûts intégrant tous les impacts sociaux et environnementaux de l’ensemble du cycle de vie aval à l’achat Les relations fournisseurs/donneurs d’ordre et donc toute entreprise ou organisation ne seront durables que s’ils sont responsables. L’objectif de cet article est d’étudier et de proposer des pistes de réflexion sur l’acheteur et son rôle en tant qu’acteur au cœur d’un système dans une démarche d’achat responsable, et de comprendre quelle est sa contribution à la responsabilité de l’organisation dans laquelle il travaille. Le métier d’acheteur : un métier qui s’est professionnalisé au gré du contexte économique Aborder les achats responsables (en référence à la notion de responsabilité) sous l’angle de l’achat est assez réducteur, car la notion d’achat fait référence en fin de compte à une notion économique. À l’inverse, parler d’achats responsables sous l’angle de l’étude du métier d’acheteur permet d’ouvrir le champ des possibles au-delà de la seule notion économique. Cela fait référence à la théorie de la responsabilité anthropologique et du rapport entre les différents types de savoirs (savoirs, savoir-faire, savoir-être) et de pouvoirs, avec les actes et les décisions. La RSE ou la RSO (Responsabilité sociétale des entreprises/organisations) est un sujet sur le devant de la scène. À travers la presse spécialisée, les enjeux réglementaires de reporting extra financier, les colloques sur les achats, le sujet des achats responsables est à l’honneur, et ce malgré la crise actuelle. Mais la crise que nous traversons, semble d’un nouveau Excellence HA n°4 lll 19/56 genre. Elle ne peut être comparée aux crises « économiques classiques » et pourrait s’apparenter à une crise plus profonde, qui prend ses racines dans les valeurs d’une société qui se cherche et qui a atteint les limites d’une économie « traditionnelle ». Dans ce sens, je parlerais plus de transition profonde du modèle économique que de crise. Les évènements qui ont marqué le début de l’année 2015 sont là pour nous le rappeler… Le monde est en perpétuelle évolution. La réaction face aux évènements qui ont touché la France est porteuse de beaucoup d’espoirs, dans la dynamique collective qu’elle a suscitée. Ce mouvement commun pour des valeurs profondes est une forme de traduction de cette prise de conscience qui fait référence à la notion d’intelligence collective, et de dynamique collaborative qui constitue un des piliers de la responsabilité sociétale (RSE ou RSO). La nature de cette transition du modèle économique constituerait donc un terreau fertile à l’expression du rôle de chacun des acteurs dans l’environnement économique dans lequel il évolue. L’acheteur en tant qu’acteur de l’entreprise ou de l’organisation dans laquelle il travaille, est donc concerné, et à ce titre, on peut s’interroger sur l’impact de cette évolution sur son métier et sur son champ de responsabilité. Avant d’étudier et proposer des pistes de réflexion sur le métier d’acheteur en devenir, il est important pour commencer de faire un petit rappel historique du métier d’acheteur. Les achats existent depuis que l’entreprise existe. En ce sens, la fonction Achat n’est pas récente, mais c’est sa professionnalisation qui l’est. Le métier s’est professionnalisé, pour sortir les entreprises du contexte économique difficile (effets de la crise pétrolière puis de la mondialisation) ou sortir les organisations publiques d’un contexte budgétaire difficile. Le cadre économique a donc fortement influencé la manière dont le métier d’acheteur est sorti de l’ombre et s’est professionnalisé depuis environ trente-cinq ans (une professionnalisation plus récente dans le secteur public). Deux phénomènes ont caractérisé la professionnalisation du métier. D’une part, la mondialisation, et les coûts de maind’œuvre bas dans les pays émergents de l’époque permettent de faire des « savings » rapidement. D’autre part, les donneurs d’ordre, se recentrant sur leur cœur de métier, ont externalisé des activités, développant ainsi le périmètre d’achat et les enjeux financiers. La responsabilité des acheteurs a été dans ce contexte, perçu avant tout comme économique avec l’objectif d’améliorer la marge financière des entreprises. Des objectifs de coûts puis de qualité et délais (liés au sourcing de plus en plus lointain) 20/56 ont donc été assignés aux directions achats, répondant à des enjeux court terme. Un « court-termisme » qui ne rentre pas forcément dans la dynamique d’une réflexion de stratégie d’entreprise. Pour preuve, dans de nombreuses entreprises, les directions achats ont été longtemps ou sont encore écartées des Comités de Direction. Certes, le côté stratégique de la fonction d’acheteur est reconnu, mais principalement sur l’aspect économique. Seules quelques grandes entreprises (ou de taille moyenne, plus rares) ont commencé à intégrer leur direction achat à la réflexion stratégique de l’entreprise. Dans les années 2000, ces stratégies achat inspirées par la réduction des coûts et l’internationalisation se sont heurtées à des impératifs environnementaux, sociaux et éthiques grandissants. L’évolution des achats vers une approche responsable va s’opérer lentement via la dimension cindynique du sourcing. Ce n’est donc que récemment que la fonction achat n’est plus uniquement synonyme d’approvisionnement au meilleur coût. La décision de sourcing se soumet aussi comme toutes les décisions à des procédures de gestion des risques. Ceci est particulièrement vrai dans certains secteurs (automobile, agro alimentaires, textile, banques assurances… ) où le risque est une donnée omniprésente. Cette notion de risque est intégrée dans les processus et devient incontournable. Il est aujourd’hui important de la resituer dans le cadre de la responsabilité sociétale de toute entreprise. Le métier d’acheteur n’a donc cessé et continuera d’évoluer et de se professionnaliser, permettant à l’acheteur d’élargir son périmètre de responsabilité. Cette nécessaire et passionnante évolution du métier d’acheteur vers une notion de responsabilité élargie est en effet, à l’origine de nombreuses opportunités de création de valeurs pour l’entreprise. Une responsabilité élargie implique de faire cohabiter des objectifs courts termes et longs termes au sein des directions achats, faisant des achats responsables une direction stratégique pour contribuer à la performance globale de toute organisation. LA RSE comme vecteur d’évolution du métier et des responsabilités de l’acheteur. Une étude sociologique du métier d’acheteur, réalisée lors de mon Master II en Développement Durable et Organisation de Dauphine (promotion DDO10), a été riche d’enseignements. En effet la sociologie du travail permet d’analyser les rapports que tissent les hommes et les femmes dans le milieu du travail, en partant du postulat que ces rapports sont multiples, complexes. Excellence HA n°4 D O S S I E R C’est une approche qui met l’homme au centre de l’analyse : approche qui nous semble la plus pertinente tout d’abord dans une perspective de développement durable à travers l’axe du capital humain. D’autre part, le métier d’acheteur étant en interface avec de nombreuses parties prenantes internes et externes, il était intéressant d’analyser toutes les possibilités de création de valeurs créées à l’occasion de ces relations humaines. L’acheteur seul n’existe pas. Sans fournisseur pas d’entreprise, pas d’acheteur. Sans clients internes, même constat. La place accordée aux techniques interpersonnelles ou sciences humaines (sciences molles) dans les relations de l’acheteur avec ses parties prenantes internes et externes est donc capitale. Le recentrage des entreprises sur leur cœur de métier depuis les années quatre-vingts avec un phénomène d’externalisation croissante, a conduit à une organisation des entreprises en silos, avec un risque d’interruption de la chaine de responsabilité. L’entreprise en sortant une partie croissante de ses activités à l’extérieur de l’entreprise a également déplacé sa responsabilité. Ce changement n’est pas envisageable dans un cadre de responsabilité limitée. Le rôle pivot de l’acheteur en interface avec les différentes parties prenantes est clé pour rétablir si nécessaire cette chaine de responsabilité. Cette notion de responsabilité s’intègre donc parfaitement dans la Responsabilité Sociétale des entreprises. La RSE devient donc un moyen pour les acheteurs d’assumer pleinement leurs responsabilités. Cette responsabilité élargie, en lien avec les trois piliers du développement durable, permet à l’acheteur de jouer un rôle clé pour la performance globale de l’entreprise et donc pour sa durabilité. Le pilotage des risques par exemple permet l’évitement de coûts additifs. Selon l’étude HEC/EcoVadis1 qui se base sur les réponses de 133 directions Achats de 24 pays, le premier facteur à l’origine des initiatives d’Achats et approvisionnements responsables est le Management du risque. 3 types de risques ressortent prioritairement : - Le risque d’image apparaît comme le premier élément moteur pour la mise en œuvre d’une stratégie d’approvisionnement responsable. Pour 61 % des entreprises, c’est un facteur déterminant et 35 % un facteur important. - Le risque de non-conformité de l’entreprise (compliance) vis-à-vis des nouvelles réglementations apparait comme le N ° 2 deuxième moteur déterminant pour 43 % des entreprises (pour 50 % c’est un facteur important). - Enfin, le risque de ruptures d’approvisionnement est pour 25 % des entreprises un facteur déterminant et pour 62 % un facteur important. La typologie des réponses varie selon que la direction des achats soit européenne ou américaine. Ainsi les 2 facteurs prédominants pour l’Amérique du Nord sont le risque de nonconformité de l’entreprise (compliance) et la réduction des coûts. Pour les directions des achats européennes, la motivation est liée avant tout à la préservation de l’image de l’entreprise et à la capacité de répondre aux attentes clients. Ces quelques chiffres nous enseignent deux axes fondamentaux, en lien avec notre sujet : d’abord, les raisons qui poussent les entreprises à entreprendre une démarche responsable sont majoritairement d’ordre défensif. L’approche proactive ne semble que peu d’actualité. D’autre part, il s’avère que les aspects culturels sont clés dans la mise en place ou non d’une démarche responsable de leur achat. Ces deux réflexions placent à nouveau la dimension humaine au centre des enjeux. C’est bien l’acheteur en tant qu’acteur au sein d’une organisation qui est intéressant. Car la clé de l’appropriation optimale d’une démarche d’achat responsable, par les entreprises, est l’ensemble des salariés qui la mettent en place, à tous les échelons de l’entreprise. Bien sûr, cela présuppose que la RSE et son impact sur la stratégie de l’entreprise soient initialisés et soutenus par la Direction générale, afin qu’elle soit dans les gênes de l’entreprise et devienne à terme un élément fédérateur au sein de l’entreprise ou organisation. Cela suppose donc de convaincre le Top management de la nécessité de repenser les responsabilités de chaque acteur dans l’entreprise. Le cadre réglementaire en France favorise cette réflexion autour de la notion de Responsabilité collective et individuelle. Le reporting extra financier n’en est que la face visible. Les achats responsables seront dès 2016, encadrés par la « soft law » au niveau international, la future Norme ISO 20 400 qui est le pendant international de la NF X50-135. Mais les enjeux vont bien au-delà des enjeux de « compliance ». Quand on engage entre 60 et 75 % du CA de l’entreprise à l’extérieur de l’entreprise, on ne peut plus envisager d’avoir une relation fournisseur qui ne soit ni responsable ni durable, on doit amorcer une approche collaborative qui dégage une « valeur partagée » forte, et un véritable avantage concurrentiel. HEC/EcoVadis 2013 – 6th Sustainable Procurement Barometer. www.hec.fr/News-Room/Actualites/6eme-edition-du-barometre-HEC-EcoVadis-Mesurer-le-creation-de-valeur-par-les-achats-responsables Les entreprises européennes interviewées sont basées en France, Angleterre, Italie, Allemagne, Belgique, Hollande, Autriche et Suisse. Excellence HA n°4 lll 21/56 La compétitivité de l’entreprise de demain ne se fera pas simplement à travers la marge, elle sera aussi « hors prix » en intégrant des composants environnementaux et sociétaux. Or tout au long de la chaine de valeur d’une direction achats, les enjeux (risques et opportunités) sont nombreux. Les externalités en lien avec l’acte d’achat sont économiques mais également sociales, sociétales et environnementales. Dans la conception du cahier des charges, dans le choix et la gestion fournisseurs, l’acheteur joue un rôle essentiel dans l’impact de son entreprise. Le rôle pivot des acheteurs au sein des parties prenantes, leur confère une position clé pour faire correspondre au mieux l’éco système de fournisseurs et les axes stratégiques de l’entreprise. Ainsi la légitimation du service achat passera par un raisonnement en valeur et non en réduction de coût. Raisonner en valeur c’est comprendre que les acheteurs peuvent créer de la valeur par les achats par le haut (amélioration technique, sociale, environnementale) et pas simplement par le bas (réduction des coûts). L’acheteur 2015 et ses multiples champs d’action à l’origine de la valorisation de la fonction. L’Acheteur de demain doit donc contribuer à la valeur de l’entreprise en étant garant de la chaine de responsabilité. J’entends par là, être responsable de sa relation fournisseur permettant de : - Poursuivre ou initier un processus de gestion des risques en ayant une approche RSE de la gestion des risques. Dans le choix et la stratégie fournisseur, de nombreux outils existent pour piloter au mieux sa stratégie fournisseur : cartographie des risques fournisseurs, évaluation fournisseurs, gestion de la dépendance économique… - Remettre les directions achat au sein des enjeux financiers par une meilleure gestion des flux financiers avec les fournisseurs : fiabilité du processus, engagement des dépenses, facturation, suivi des délais de paiement. Acheter, c’est avant tout piloter au mieux les dépenses de l’entreprise, plutôt que de faire des « savings ». L’enjeu des délais de paiement peut être résumé en quelques chiffres. Pierre Pelouzet2 médiateur des relations interentreprises depuis novembre 2012, résume la situation avec quelques chiffres clés : le crédit interentreprises est de 600 milliards d’euros (à comparer au crédit entreprisesbanques qui n’est que de 175 milliards). Il manque environ 13 milliards d’euros dans les comptes des PME et c’est la raison de 25 % de faillites de PME en France. Chaque acheteur, - ainsi que la direction financière et l’équipe dirigeante- doit être aussi conscient de ces impacts très concrets sur le tissu économique. Pour faire évoluer les pratiques, il est essentiel de convaincre les réseaux financiers et les directions générales de l’opportunité de la démarche et donc les associer. Comme le souligne Vincent Leroux Lefebvre3, un donneur d’ordre avec une trésorerie positive, a tout intérêt à payer son fournisseur à 30 jours avec un escompte à 2 %, plutôt que Auteur : Vincent Leroux Lefebvre : http://www.performance-rse.com (infographie disponible sur le blog). [email protected] 22/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R N ° 2 Auteur : Vincent Leroux Lefebvre : http://www.performance-rse.com (infographie disponible sur le blog). [email protected] de placer à court terme (taux moyen en 2014 de 1,66 %4) et le payer à 60 jours. (À noter que le taux interbancaire ne cesse de baisser pour atteindre en mars dernier 0,52 %). Une situation propice à une relation constructive et durable avec le fournisseur. Ainsi, une créance de 10 000 €, coûte en réalité 9844 € si elle est payée à 30 jours et 10 027 € si elle est payée à 60 jours, en appliquant les taux évoqués ci-dessus. Une entreprise ayant modifié sa politique de délai de paiement a amélioré sa trésorerie immédiate (+34,6 % 1er semestre fiscal 2015 versus 1er semestre fiscal 2014, a baissé son nombre de demandes d’acompte de 22 % et le temps de traitement est passé de 26 à 14 jours. Cet exemple reflète bien la responsabilité individuelle de l’acheteur qui décide ou non de s’atteler à ce sujet. De bonnes pratiques sont à noter dans certaines directions achat, qui gère l’aspect « délai de paiement » par un indicateur global « montant de la dette due aux fournisseurs ». Un indicateur clé qui, quand il est bien suivi par l’acheteur, permet de réduire de façon drastique et rapide les retards de paiements et donc les litiges fournisseurs. - De raisonner en coût global, exercice très complexe à mettre en place, mais permettant également d’impacter à plus ou moins long terme les enjeux financiers. En ayant recours au secteur adapté par exemple, l’acheteur diminue son coût d’achat par une baisse des charges de l’entreprise, en baissant la contribution AGEFIPH. Cela implique d’avoir un objectif de coût global incluant l’ensemble des directions, les budgets AGEFIPH étant rattachés à la direction ressources humaines et rarement à la direction achat. Ces arbitrages font référence aux enjeux de gouvernance d’entreprise. 2 Intervention lors de la présentation des résultats du baromètre des Achats responsables. L’étude complète (2015) est disponible à l’adresse suivante : www.ecovadis.com/website/l-fr/etudes.EcoVadis-13.aspx 3 Intervention à l’Obsar « La RSE dans les achats de prestations : gestion du risque fournisseurs ou vraie opportunité ?: 13/11/14 4 Taux bancaire communiqué par A2 Consulting lors de la présentation des Résultats de l’étude «création de valeur et délais de paiement» : 12/02/14 Excellence HA n°4 lll 23/56 - Remettre les directions achat au sein des enjeux de business : un management constructif de la relation fournisseur permet d’aller chercher l’innovation à l’extérieur. Comme le souligne M. Pierrotin, directeur de la Cegos : « Le sachant, c’est le fournisseur ». À ce titre, certains grands donneurs d’ordre ont compris l’intérêt de solliciter les fournisseurs dans la formalisation du besoin. La capacité à co-construire et co-promouvoir l’innovation avec les fournisseurs est à l’origine de création de valeur partagée. L’innovation est un axe de différenciation fondamental, facteur clé dans l’évolution des business modèles de l’entreprise. Ce processus permet donc une nouvelle façon de travailler avec les fournisseurs en leur proposant des voies d’amélioration ou en travaillant ensemble sur des solutions innovantes. Les programmes de développement fournisseur et d’open innovation, nécessitent alors une relation avec son fournisseur plus forte, dépassant la simple collaboration commerciale. En allant plus loin dans la démarche, l’entreprise doit s’efforcer de devenir le client préféré de ces fournisseurs clés, détenteurs de l’expertise. Au sein des directions achats que j’ai fréquentées ou que j’accompagne, la notion de « Preferred Partner » est classique, permettant d’identifier les fournisseurs clés pour soutenir la stratégie achat. Dans une cohérence de reconfiguration des relations avec les fournisseurs, l’objectif de l’acheteur est aussi de devenir the « Preferred Customer ». De nombreux acheteurs rencontrés l’ont compris : « Si tu ne donnes pas envie à tes fournisseurs de travailler pour toi, d’investir du temps et de l’argent, ils ne le feront pas ». L’acheteur devient un créateur de valeur. C’est avant tout un animateur de réseau qui permet aux gens de collaborer en impliquant et en s’appuyant sur les autres directions partenaires au sein de l’entreprise : notamment les directions Recherche et Développement, Développement Durable, Marketing, Financière… Ces approches doivent permettre aux Acheteurs une réflexion systémique [prenant en compte la complexité du contexte de l’entreprise] et une appropriation des enjeux de l’entreprise. On comprend bien pourquoi la fonction d’acheteur n’est plus uniquement une fonction support, mais devient également une fonction opérationnelle et stratégique. La 4e édition de l’enquête mondiale de Deloitte sur les directions achats, publiée en partie par Décision Achats en date du 06 mai 20155, corroborent cette tendance : « La 5 24/56 contribution des directeurs achats à la stratégie de l’entreprise progresse d’année en année : ils interviennent dorénavant à de multiples niveaux de la chaîne de valeur » Cette étude va dans le sens des fondamentaux d’une démarche d’achat responsable et démontre que les Achats responsables sont un pilier indispensable dans une approche RSE, afin de transformer les contraintes et risques en opportunités et en performance économique durable. Le lien avec les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux n’est pas spontanément établi, comme cela peut être le cas d’une direction ressources humaines, dans la gestion responsable du capital humain de l’entreprise ou la direction de la communication, dans la gestion du capital image de l’entreprise. Je cite ces deux directions, car les directeurs développement durable ou RSE sont souvent rattachés à l’une d’entre elles. Pourtant il me semble évident que grâce à sa position pivot au sein des Parties prenantes, la direction achat constitue un pilier fondamental d’une démarche RSE. Son rôle est clé pour rétablir si besoin la chaîne de responsabilité évoquée en amont. Les entreprises qui ont créé un service « Achat Responsable » ne sont pas nombreuses. Souvent considérées comme « best in class », elles s’appuient sur ces services pour la mise en place d’outils pour accompagner les acheteurs dans cette démarche. Ces services sont souvent forces de proposition dans les objectifs assignés aux achats responsables et la mise en œuvre de ces objectifs est souvent longue. Dans les entreprises qui ne bénéficient pas de service « achat responsable » ou qui n’ont pas initié une démarche Achat responsable, les objectifs de la Direction Achat restent principalement économiques. Des chiffres récents le confirment. En effet, selon le « cinquième baromètre du cabinet de conseil en achats AgileBuyer avec le groupement achats et supply chain de HEC6 », publié ce lundi 5 janvier 2015, la préoccupation majeure de la part des acheteurs est toujours d’acheter mieux et moins cher ; aux termes de cette étude, « 77 % des acheteurs envisagent de réduire les coûts d’achats en 2015 et la moitié vont réduire le nombre de fournisseurs ». Cette étude met également en exergue le recul sur la RSE : moins d’un acheteur sur deux a des objectifs RSE et le « Made in France » est pris en considération par moins de 15 % des acheteurs. Ces deux points confirment la difficulté à démontrer que les achats durables sont générateurs d’économie. Car, comme nous venons de le démontrer sur les délais de paiement, une direction achat responsable est tout www.decision-achats.fr/Thematique/tendances-achats-1039/Breves/Les-directeurs-achats-jouent-plus-que-jamais-role-cle-danscompetitivite-entreprise-254309.htm Excellence HA n°4 D O S S I E R à fait compatible avec la performance économique. Elle est non seulement compatible, mais primordiale pour durer sur le long terme et être en mesure de faire face à des périodes économiques difficiles. La performance économique d’une direction des achats responsables sera variable selon les segments d’achat, le marché de l’entreprise, son business modèle et son activité. Ces chiffres récents peuvent donner l’impression d’un retour en arrière. Or comme dans toute transition et conduite du changement le processus de mise en route est long et les avancées seront suivies inéluctablement de reculs en la matière. Il est donc primordial dans un prisme d’achat responsable de rajouter aux acheteurs des objectifs liés à l’innovation, au délai de paiement, d’évaluation fournisseur... en corrélation avec les indicateurs de suivi et de performance. Néanmoins ces objectifs, en lien avec la RSE, doivent également être partagés avec les autres parties prenantes internes en relation avec les fournisseurs. Un changement de savoir-faire, mais surtout de savoir-être Il s’agit donc bien d’un changement de savoir-faire et savoirêtre tant au niveau des acheteurs, des parties prenantes que des directions et les leviers d’action des achats responsables sont nombreux. Personnellement, je distingue les leviers qui relèvent du savoir-faire et que l’on peut résumer en outils ou processus (je parle alors de « démarche » achat responsable), et ceux qui relèvent du savoir-être relatif à la notion de relation à l’autre, d’altérité (je parle alors « d’approche » achat responsable). En analysant la chaîne de valeur d’une direction achat, les leviers de savoir-faire et savoir-être sont multiples. Pour compléter ceux évoqués en amont, citons la conception produit : l’éco conception et l’approche TCO (intégration dans l’analyse économique du coût d’un produit ou d’un service des différentes étapes de coût généré par la possession du bien ou service) sont des processus ou outils, permettant d’atteindre des objectifs de performance économique, aussi bien qu’environnementale et sociétale, mais nécessitant une nouvelle façon de travailler dans la phase amont et aval de la conception produit. Parallèlement, en matière de savoir-être, la qualité de la relation acheteur fournisseur peut être, créatrice de valeur bilatérale. En effet, le métier d’acheteur est un métier de communication nécessitant donc une bonne disposition à l’écoute, et une bonne capacité à transmettre de l’information. 6 N ° 2 En ce qui concerne les fournisseurs, un relationnel de qualité a trois objectifs : - donner envie à un fournisseur d’investir pour l’entreprise dans laquelle l’acheteur travaille. À ce titre, un acheteur est avant tout un vendeur. - aller chercher les informations stratégiques auprès des fournisseurs. Ces derniers constituent la porte d’entrée à de nombreuses informations indispensables à la progression du donneur d’ordre et peuvent constituer un avantage concurrentiel certain grâce à l’expertise des fournisseurs. - adapter sa stratégie de négociation au vu de la situation de son fournisseur : s’agit-il d’un fournisseur incontournable, substituable, avec une interdépendance mutuelle ? En résumé, cela revient à s’intéresser à ses fournisseurs dans sa stratégie globale et identifier la compatibilité des stratégies et la création de valeurs pour les deux protagonistes, que sont le donneur d’ordre et le fournisseur. La notion de confiance joue ici un rôle crucial : une dimension clé qui passe par la fiabilité, un équilibre dans la relation, une reconnaissance mutuelle dans un objectif de bénéfices mutuels. Un jeune acheteur rencontré récemment, a compris l’importance de la qualité de la relation : « Le climat de confiance est nécessaire, car il permet de travailler sur la durée ». L’acheteur doit gérer également au mieux la relation avec ses clients internes. Cette relation interne est tout aussi importante et conditionne souvent la qualité de la négociation avec le fournisseur. Elle n’est pas forcément des plus aisées. Le savoir-être dans le métier d’acheteur, joue donc une place indéniable avec l’humain au cœur de la relation : c’est une histoire d’hommes et de femmes, d’affinités… Cette dimension humaine du métier fait que chaque acheteur met sa propre griffe sur son métier. La personnalité de l’acheteur est de plus en plus importante, avec une part d’intuition et de ressenti qu’un ordinateur ne peut pas reproduire. Le partage des émotions est un moment particulier d’échange et a une vraie valeur en entreprise, car il remplit des fonctions essentielles. Il crée du collectif et repose sur l’individu. En remettant au centre du jeu l’individu, l’acheteur participe à une nouvelle pensée managériale qui se développe contre cette vision mécanique du travail humain.7 Avec deux dimensions : il est vu comme un sujet mobilisant ses affects pour définir son comportement ; et la qualité de son travail dépend de sa motivation, qui devient un enjeu central. www.rse-magazine.com/Quelles-sont-les-nouvelles-priorites-d-achat-des-entreprises-en-2015_a982.html Excellence HA n°4 lll 25/56 Le métier d’acheteur, requiert donc une multitude de compétences qui dépasse très largement le cadre de la négociation prix. Le métier permet de déployer de nombreux talents : savoirfaire analytiques, savoir-être relationnel, ouverture vers l’extérieur, curiosité. Tout l’enjeu est de leur permettre de développer leurs compétences techniques, mais aussi de gagner en savoir — faire et savoir être managérial. Car, au delà du soutien du Top Management, d’autres conditions sont indispensables pour permettre l’optimisation de ces leviers : - la mise en place progressive : comme toute conduite du changement, le processus sera long avec des avancées qui seront suivies inéluctablement de reculs. C’est la raison pour laquelle il est important de s’inscrire une marche à suivre et un déploiement graduel, parfois difficile à accepter quand on a l’habitude de raisonne sur des objectifs annuels, voire semestriels. - L’anticipation va de pair avec la mise en place progressive et s’inscrit dans une dynamique moyen et long terme. - la gestion en mode projet : travailler de façon transverse à deux avantages. Cela permet de privilégier une démarche plus globalement consensuelle où l’ensemble des salariés, y compris le middle management (par opposition aux démarches top-down ou bottom-up), aura pleinement intégré l’intérêt de la démarche. Cela permet aussi d’éviter les fonctionnements en silos intra et inter entreprises, peu propices à une bonne communication. Dans le cadre de mes missions, je constate que le travail en mode projet fonctionne assez bien au niveaux opérationnels, mais reste faible au niveau stratégique. Les fournisseurs apprécient la collaboration en aval (déploiement, suivi de commandes, qualité…), mais déplorent son absence en amont à travers des feuilles de route partagées. - la mise en place d’indicateurs de suivi et de performance. La crédibilité de la démarche passera par la mise en place d’indicateurs et d’outils pour persuader et « «embarquer » les gens autour de soi. Si on se réfère à la lG4 (GRI), celleci fixe justement un cadre de reporting et prône le discours de « don’t tell me, prove it ». C’est par le reporting crédible et pertinent que pourront se reconstruire des relations de confiance avec l’écosystème. Mais la théorie est une chose, la pratique en est une autre, et la situation au sein des directions achat est souvent plus complexe. Les acheteurs doivent faire face à des injonctions parfois contradictoires du Top management. De nombreux acheteurs ont conscience de la limite de la performance uniquement économique. Mais les objectifs de directions achats étant encore principalement économiques, les Acheteurs se focalisent sur ce levier, sur lequel ils sont jugés par leur N+1 et les parties prenantes internes. Ces mêmes acheteurs pensent que les enjeux RSE permettraient de donner de la hauteur à leur métier et par là même revaloriser la fonction. Certains sont mûrs pour aller dans ces démarches, mais par manque de temps et/ou de supports de leur hiérarchie, ils ne sont pas force de proposition dans ce sens. A l’avenir les entreprises auront davantage besoin d’intelligence (en termes de savoir-être et savoir-faire) alors que le métier d’acheteur a longtemps été cantonné à un rôle d’exécution. Ainsi, former les directions achats (directeurs et acheteurs) est une condition nécessaire, mais non suffisante. Il me semble primordial de former également les parties prenantes internes des acheteurs. Il est impératif de mettre en place des formations sur mesure selon le secteur d’activité, et selon le niveau de maturité de la direction achat. Les formations doivent être à mon sens très opérationnelles, c’est-à-dire porter sur les propres portefeuilles achat et fournisseurs. Je préconise à mes clients des formations en binôme acheteur/prescripteurs, acheteurs/directeurs financiers, voire éventuellement des formations acheteurs/fournisseurs, selon le levier exploité. Travailler sur des partenariats fournisseurs est une démarche de long terme, mais indispensable. La responsabilité et l’impact de l’entreprise ne s’arrêtent pas aux portes de l’entreprise, mais s’étendent tout au long de sa chaine de valeur. C’est la notion de « l’entreprise étendue ». Cette vision plus large de l’entreprise fait partie des nouvelles prérogatives à gérer pour les acheteurs. On parle alors des achats responsables comme d’une copropriété. Demain, l’idée sera de créer et de partager de la valeur à plusieurs en allant vers un écosystème plus intégré et solidaire : une collaboration, source d’innovation et de réduction de coûts. Renommer la fonction acheteur (se). Cette nouvelle légitimité permet la revalorisation de la fonction. L’acheteur, souvent perçu comme un empêcheur de tourner en rond en interne, devient un acteur important, qui doit penser et « agir » l’économie et la performance différemment, de façon plus globale et de façon plus durable. Cela passera aussi par la nécessité de renommer la fonction « acheteur (se) ». 7 Les trois piliers de l’innovation N. Alter Professeur de sociologie, université Paris-Dauphine / January 11th, 2013 consulté le 10 août 2013 www.paristechreview.com/2013/01/11/trois-piliers-innovation/ 26/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R Faire appel à l’étymologie du verbe « acheter » suffit à comprendre la nécessité de renommer le métier d’acheteur. Le verbe acheter vient en effet du latin accaptare. Captare « chercher à prendre », « faire la chasse à », « capter », d’où captator, et lat. vulg. captiare « chasser » et accaptare « acheter ». Selon cette origine, le dérivé « acheteur » devrait désigner celui qui s’accapare d’un bien de manière militaire, cavalière. La partie adverse est alors perçue comme un adversaire. Cette dénomination entretient donc cette image d’acheteur sans foi ni loi, qui cherche à acquérir un bien à n’importe quel prix. Or en phase avec l’évolution du métier que nous venons d’analyser, le recrutement des acheteurs se base et se basera de plus en plus sur des compétences métier en collaboration et réflexion avec ces parties prenantes. Cette relation évoluant d’une relation de rapport de force à celle de collaboration, l’appellation du métier d’acheteur doit évoluer pour représenter la vision systémique des compétences d’acheteur. Les entreprises l’ont compris, car selon le cabinet spécialisé en recrutement des fonctions achats, Big Fish, elles recherchent moins une double compétence (Ingénieur/achat par exemple) qu’un excellent relationnel. Et demain, cela sera encore plus vrai. « La profession a besoin de profils plus ouverts sur les autres fonctions de l’entreprise, capables de convaincre et de se créer un vrai réseau » G. Crichton, directeur du MAI Institut du Management de l’Achat International. L’image de l’acheteur « cost killer » est encore trop forte et revient en force à chaque crise économique : pour faire la différence entre les compétences d’hier et celles d’aujourd’hui, il est nécessaire donner une nouvelle appellation au métier d’acheteurs. Plusieurs propositions ont été avancées : « Manager des ressources externes ». L’avantage de cette appellation est l’aspect management des ressources externes à l’entreprise en tant que garant de ces dernières. Cette appellation a l’inconvénient de ne pas refléter le management des parties prenantes et le rôle de l’acheteur en tant que garant de la bonne « alchimie » entre l’interne et l’externe afin de contribuer à la création de valeurs. B Garcia , propose dans ce cadre le titre de LED : Leader For Extented Devloppement. Ce nouveau titre va au-delà de la première appellation évoquée. 8 8 N ° 2 En effet, il ne se limite pas à la gestion des ressources externes, et englobe la gestion des ressources externes en phase avec la stratégie interne de l’Entreprise. Le LED aura comme objectif d’aligner au mieux les deux stratégies, celle de son entreprise avec celle de ses fournisseurs. Il devra pour cela s’appuyer sur un nombre restreint de fournisseurs. Sa mission sera de devenir aux yeux de ces partenaires privilégiés, celui dans lequel le fournisseur a envie d’investir et avec qui il a envie de partager ses propres richesses, dont l’innovation est un bon exemple. Le LED peut et doit contribuer à une renaissance économique durable de son écosystème. Son rôle sociétal peut s’exprimer en rapatriant dans son écosystème de proximité, le business délocalisé à bas coûts, il y a vingt ans. Cette approche vertueuse (les fournisseurs se redéployant localement pouvant être également des clients de demain) permet de valoriser l’entreprise. Ce sont des valeurs humaines, éthiques, sociétales, d’humilité et de justice qui vont permettre au LED d’être reconnu à sa juste valeur par ses parties prenantes internes et externes afin de pouvoir créer ensemble cette valeur. Cela implique le partage des mêmes valeurs avec toutes les parties prenantes. La création de valeurs matérielles et immatérielles repose donc bien sur un partage de valeurs communes. On pourrait imaginer la devise des acheteurs comme suit : « des valeurs communes pour créer de la valeur ». Je finirai par deux citations : Celle de M.Porter & M. Kramer 2011 : « la création de valeur partagée fait partie intégrante de la rentabilité de l’entreprise et de sa position concurrentielle. Cette approche s’appuie sur les ressources et expertises de l’entreprise à créer de la valeur économique par la création de valeur sociale. » La 2eme citation est issue du livre d’Emmanuel Faber, le nouveau PDG de Danone, qui a depuis longtemps compris la nécessité de repenser l’économie à travers la responsabilité de chacun d’entre nous : « On vous raconte que les “crises”, c’est la faute du système. Mais quel est ce système, qu’elle y est ma place, mon rôle ? En quoi en suis-je directement ou indirectement acteur ? »? Ces propos d’E. Faber, ramenés à l’acheteur nous permet de conclure sur ses nécessaires responsabilités vis-à-vis de ses parties prenantes, et à la place de « l’échange social », comme plus-value potentielle, autre qu’économique, pas antinomique, mais complémentaire. n Profession Achats 50 l’EIPM fête ses 20 ans : Interview de B. Garcia Excellence HA n°4 lll 27/56 FABIENNE FEL Fabienne Fel est Professeur Associé à ESCP Europe, où elle assure la Direction Scientifique du Mastère Spécialisé en Management Stratégique des Achats et de la Supply Chain. Ses recherches portent sur deux axes : le premier concerne la mise en œuvre des achats durables au sein des entreprises, le second les politiques de délocalisation des approvisionnements vers les pays à bas coûts de main d’œuvre. Email : [email protected] LE POINT DE VUE D’UNE ACADÉMICIENNE SUR L’ARTICLE : Le métier d’acheteur – une contribution à la responsabilité de l’entreprise ? Juliette Dupille souligne avec raison l’importance d’une prise de conscience collective quant à la responsabilité sociétale –au sens large- des entreprises. Réchauffement climatique, pollution, destruction de la couche d’ozone, réduction de la biodiversité, menacent l’humanité à moyen terme ; des pratiques sociales inadmissibles provoquent régulièrement des drames humains, comme l’a montré, entre autres exemples tragiques, l’épisode de l’effondrement du Rana Plaza en 2013. Les enjeux des achats responsables La responsabilité des entreprises Face à ces dangers, les entreprises ont un rôle majeur à jouer ; la théorie des parties prenantes (Freeman, 1984) souligne la responsabilité de l’entreprise, non seulement vis-à-vis de ses actionnaires, mais également de tous ceux, individus ou organisations, qui peuvent être impactés par ses décisions. A partir des années quatre-vingt-dix, nombre d’entreprises ont développé une approche plus responsable, parfois sous l’impulsion vertueuse d’un dirigeant fortement engagé, le plus souvent sous la pression réglementaire ou le risque de dégrader l’image de leur entreprise, en cas de scandale environnemental ou social . Porter et Kramer (1986) ont également joué un rôle dans cette évolution, en montrant qu’une approche responsable pouvait être source d’avantage concurrentiel. Aux termes de leur article, une approche responsable est un moyen pour l’entreprise d’acquérir un avantage concurrentiel, en différenciant ses produits, en accroissant sa réputation, et en établissant des barrières à l’entrée, ce qui signe une convergence entre les intérêts traditionnels de l’entreprise (la profitabilité) et ceux des parties prenantes (salariés, citoyens, Etats…). 9 28/56 L’implication tardive des services Achats Cependant, comme nous l’avons montré dans une étude précédente (Fel, 2011), les services Achats ne sont pas toujours impliqués dans ces démarches, et, lorsqu’ils le sont, ce n’est souvent que plusieurs années après la mise en œuvre d’une démarche RSE dans les entreprises, en particulier industrielles ; ce constat nous avait étonné au regard du poids représenté par les achats dans ces entreprises. Nous avions pu expliquer partiellement ce phénomène par la focalisation importante des sociétés industrielles sur leur propre processus de production, consommateur de ressources naturelles, et potentiellement polluant. Scheider et Wallenburg (2012) approfondissent notre première explication, en confirmant que certaines sociétés ne sont tout simplement pas conscientes que les achats responsables constituent un volet à part entière d’une démarche RSE globale ; ils concluent cependant que d’autres entreprises, conscientes du rôle central des achats dans une stratégie de responsabilité de l’entreprise, sont freinées par le manque de capacités, d’instruments ou de processus pour introduire efficacement de tels changements au sein leur service achats. La complexité des démarches d’achats responsables En effet, comme l’article le met très bien en exergue, les leviers d’actions sont multiples pour les acheteurs : écoconception, écoinnovation avec les fournisseurs, analyse du cycle de vie du produit (ACV), sélection de fournisseurs responsables, mise en place de critères RSE lors des appels d’offres, mise en place d’indicateurs – voire d’objectifs, individuels ou collectifs- de suivi et de performance, relations long-terme avec les fournisseurs, implication et sensibilisation des clients internes… La multiplicité des leviers nécessite effectivement une véritable formation des acheteurs, et plus avant, un fonctionnement en mode projet pour gérer le déploiement efficace et efficient de l’ensemble de ces outils. E. Faber Chemin de Traverse Vivre l’économie autrement Éditions Albin Michel 2011 p 40 Excellence HA n°4 D O S S I E R L’évolution du métier d’acheteur Comme le souligne Juliette Dupille, la nécessité de réaliser des achats durables est de nature à faire évoluer profondément le métier d’acheteur, trop longtemps –et encore trop souvent- cantonné à la recherche des meilleurs produits ou services au sens du célèbre triptyque coût / qualité / délai. La nécessité de prendre en compte la RSE dans un tel contexte relève alors de l’injonction paradoxale faite à l’acheteur. Le cas particulier des achats indirects Nous écarterons le cas des achats hors-production, où achats responsables riment souvent avec savings rapides : utilisation d’ampoules électriques à basse consommation, réduction du nombre d’imprimantes pour dissuader les salariés d’imprimer systématiquement le moindre document, multiplication des call ou visio-conférences au détriment des voyages (particulièrement aériens), réduction de la puissance des flottes de voitures pour s’équiper en véhicules moins polluants, appel au secteur adapté ou protégé pour limiter les cotisations AGEFIPH, etc… Dans tous ces cas, où responsabilité environnementale et sociale va de pair avec une réduction des charges de l’entreprise, la problématique de la dualité entre « court terme » et responsabilité ne se pose pas. Nombre de sociétés mettent d’ailleurs en avant ces actions dans la section « Achats » de leur rapport de développement durable, entretenant l’image du greenwashing. Tout progrès étant bon à prendre, ces actions sont certes positives, mais restent marginales au regard de l’importance des enjeux des achats responsables. Car le véritable enjeu des achats responsables aujourd’hui est celui des achats de production, qui représentent les charges les plus lourdes des entreprises industrielles. Et c’est au niveau de ce type d’achats que se pose la difficile question de l’évolution du métier de l’acheteur. Des conditions préalables…. L’évolution du métier d’acheteur n’est pas de la simple responsabilité des achats : en effet, il convient de rappeler, comme le souligne très justement Juliette Dupille, que ceuxci ne pourront rien entreprendre réellement sans un soutien fort de la direction générale : la littérature souligne de façon unanime qu’aucune fonction au sein d’une société ne peut N ° 2 mettre en œuvre une démarche RSE dans son domaine sans une stratégie responsable globale, ou, à défaut, sans une culture d’entreprise fortement orientée vers la responsabilité. De la même façon, toutes les études convergent quant à la nécessité de l’existence d’un « directeur des achats responsables », ou, tout du moins, d’un acheteur influent et convaincu du rôle central des achats dans une démarche responsable, pour que des actions concrètes puissent être engagées. Car, même si les sociétés faisant appel à des fournisseurs responsables contribuent au profit économique, nombre d’acheteurs craignent encore que la recherche de fournisseurs responsables ne soit pas compatible avec la recherche de produits au meilleur rapport coût / qualité / délai. Que les directions générales impulsent ces stratégies de façon « messianique », par conviction personnelle du dirigeant, ou, plus fréquemment, pour éviter le risque d’image lié à la défaillance environnementale ou sociale d’un fournisseur n’a que peu d’importance, tant que les moyens sont donnés aux Achats de prendre en compte des critères de responsabilité dans leurs décisions. Conclusion C’est donc seulement dans les entreprises qui développent une politique responsable globale que le métier d’acheteur pourra évoluer vers le sens d’acteur stratégique de la responsabilité de l’entreprise, tel que défini dans l’article. En tant qu’interlocuteur privilégié du fournisseur, l’acheteur aura les moyens de construire avec lui une relation de long-terme, basée sur la confiance, l’accompagnement, et la co-conception de produits plus responsables, apportant une réelle valeur ajoutée à l’entreprise. En tant qu’interlocuteur des clients internes, il pourra influer sur le cahier des charges pour y inclure des spécifications propres au respect des normes environnementales et sociales de son entreprise. Et, dans ce cadre-là, mais dans ce cadre là-seulement, sa fonction nécessitera un changement de savoir-être, voire une redéfinition de son appellation, mettant en avant les qualités humaines, éthiques et sociétales dont il devra savoir faire preuve. n Fel F., 2011, «Maturité des démarches RSE et achats durables», Revue Sciences de Gestion, été, n° 84, p 83-100. Freeman, R., 1984, Strategic Management : A Stakeholder Approach, Harper Collins, Boston Porter M. et Kramer M., 1986, « Strategy and Society : the link between competitive advantage and corporate social responsibility », Harvard Business Review 84 (12), p. 78-92 Schneider L. and Wallenburg C., 2012, « Implementing sustainable sourcing – Does purchasing need to change ? », Journal of Purchasing & Supply Management, 18, p. 243-257 Excellence HA n°4 29/56 R I CHARD CALV I Richard Calvi est Professeur des Universités à l’IAE Savoie Mont-Blanc. Il y dirige le département Management International et le programme "Achats et Logistique à l'International" (ALI). Il conduit ses recherches dans le cadre de l’IREGE qui portent de façon générique sur le Management des achats. Il est auteur et co-auteur d'une vingtaine d'articles dans ce domaine. E-mail: [email protected] ET SI PARFOIS BIEN ACHETER C’ÉTAIT ÊTRE FIDÈLE ? Les Direction Achats sont de plus en plus soumises à des injonctions paradoxales leur imposant de combiner des objectifs financiers de courts termes à une prise en compte accrue de la responsabilité sociale de l’entreprise sur son réseau de partenaires. Le temps du green washing est révolu. La RSE appliquée aux achats ne plus être un simple exercice de rhétorique. Il ne faut plus la prendre comme une contrainte qui perturbe les façons « classiques » de chercher une productivité aux Achats, mais plutôt comme l’opportunité de modifier en profondeur certains réflexes anciens. Dans cet article1 nous souhaitons montrer que par une action volontariste et courageuse, les achats peuvent infléchir l’inexorable exode industriel européen pour peu que les acteurs en charge de cette fonction adoptent une réelle approche de long terme et défendent cette vision, parfois en sachant s’opposer aux injonctions des directions générales. Pour illustrer cela nous avons choisi de vous raconter une histoire : celle du développement sur 20 ans d’un réseau de sous-traitance en Roumanie par l’entreprise Salomon ayant résisté à deux changements d’actionnaires. Comme monsieur Jourdain, les principaux acteurs de cette histoire semblent au final avoir mener une action de fond pour pérenniser un écosystème sans jamais revendiquer à un seul moment la satisfaction d’un objectif de RSE2. Ils ont juste su résister à la facilité du coût bas instantané pour construire avec leurs partenaires, et sur la durée, une solution symbiotique que la direction des achats a défendue, convaincue qu’elle était que cette solution était la solution la plus efficiente pour l’entreprise. 1 Cet article reprend des éléments présentés dans deux articles antérieurs de l’auteur : Calvi R., Paché G, Jarniat P., (2010) « Lorsque la fonction achats devient stratégique : de l’éclairage théorique à la mise en pratique ”, Revue Française de Gestion, vol 36, n° 205, p 119138 et Calvi R. (2014), « De la gestion des Achats au Management des Ressources Externes : le cas de Salomon et du développement de son réseau de sous-traitants en Roumanie », Management & Gouvernance, n° 11, p 59-74. 2 Pierre Jarniat, ancien directeur des achats et acteur principal de cette histoire, aime à rappeler que les valeurs qui sous-tendent les décisions prises sur le réseaux de sous-traitance s'inscrivaientt dans une culture ancienne de l'entreprise inspirée par son fondateur Georges SALOMON, qui avait coutume de dire : « mon nom propre est inscrit aussi bien sur nos produits qu'au fronton de cette entreprise, donc vous devez toujours agir afin que jamais ce nom ne soit associé à des pratiques douteuses vis-à-vis de son environnement aussi bien humain que naturel ». Donc, la démarche développement durable était bien, comme l'innovation, inscrite dans les gênes de l’entreprise Salomon. 30/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R Introduction Dans un ouvrage qui vient d’être publié3, les auteurs stigmatisent les messages paradoxaux auxquels sont confrontés la plupart des acteurs économiques. Ils évoquent notamment le cas des acheteurs professionnels, dans les industries qui dépendent fortement de l’extérieur pour leur stratégie d’offre, qui subissent une forte pression pour améliorer à court terme les résultats et, depuis quelques années, qui se doivent aussi d’être « responsables » vis-à-vis de leur écosystème. Pour les auteurs, le management prend rarement à bras le corps ces paradoxes et laisse l’acteur économique « de base » (l’acheteur ici) face à ses dilemmes. Cela déclenche un processus soit de distanciation face au travail soit un stress souvent contreproductif au niveau de la fonction. Pour eux un bon manager ne doit pas seulement « s’aligner » sur les objectifs qui s’imposent à lui (eux même souvent porteurs de d’injonctions paradoxales) mais il doit « créer du sens » c’està-dire construire une méta stratégie propre, admissible pour sa hiérarchie (car on ne peut s’en affranchir) et capable de gérer une forte adhésion auprès des acteurs en charges de sa mise en œuvre (acheteurs et partenaires). C’est ce moment qui nous intéresse dans cet article : celui où un manager achats va élaborer une stratégie propre pour sa fonction, la formaliser et savoir la faire évoluer dans le temps sans pour autant la remettre en cause au moindre changement d’objectif. Cette capacité de résilience des choix stratégiques nous parait particulièrement importante pour toute fonction qui postule au statut de fonction « stratégique » et non de fonction support. Comment construire l’avantage concurrentiel par les achats ? Le rôle stratégique que peut jouer une fonction achats dans la construction de l’avantage concurrentiel n’est pas évident dans la pensée dominante en management stratégique que constitue la « Ressource Based View » développée par Barney en 1991. Dans cette analyse, la contribution « stratégique » d’une fonction se mesure à l’aune de l’avantage concurrentiel soutenable qu’elle est capable de fournir à l’entreprise. La seule contribution aux profits ne suffit pas pour s’assurer un avantage concurrentiel soutenable ; encore faut-il que cet avantage persiste dans le temps et permette à l’entreprise d’obtenir des rentes supérieures à celle de ses concurrents sectoriels. Ainsi, l’argumentaire du poids des achats dans les comptes de l’entreprise ne suffit plus pour affirmer leur poids 3 N ° 3 « stratégique ». Il ne s’agit pas seulement d’être « lourd » pour être une fonction stratégique. Il faut aussi mobiliser des ressources « qui aient une réelle valeur pour le client final et qui ne puissent être déployées de façon aussi profitable par aucun de ses concurrents actuels ou potentiels » (Barney, 1991, p. 102). Compte tenu de cette définition, il n’est pas très étonnant que Barney (1991) porte un jugement un peu brutal sur le rôle « stratégique » que peut jouer une fonction achats : « il est clair qu’une entreprise ne peut espérer “acheter” un avantage concurrentiel soutenable sur un marché ouvert mais devra plutôt le construire grâce à l’utilisation des ressources rares, imparfaitement imitables et non substituables déjà détenues par l’entreprise » (Barney, 1991, p. 117). Le constat est abrupt et quelque peu décevant car il semble reléguer la fonction achats à la maîtrise de tâches opérationnelles dont la performance pourra certes jouer sur le profit de l’entreprise, mais non sur son avantage concurrentiel soutenable. Dans le prolongement de cette analyse, Dyer et Singh (1998), puis Lavie (2006), seront les premiers à tenter d’ouvrir la voie à une perspective inter-organisationnelle de la construction de l’avantage concurrentiel en traçant les contours de ce qu’ils appellent la « compétence relationnelle ». Cette dernière s’inspire largement du modèle Toyota parfaitement décrit dans les travaux de Dyer et Noboeka (2000). Ce modèle prône la stabilité des relations (l’appartenance au keiretsu), et à l’intérieur de cette zone de stabilité, la mise en place d’un système d’apprentissage et de solidarité. C’est l’organisation du kyohokai dans lequel Toyota et ses fournisseurs investissent et mutualisent des savoirs et savoir-faire. L’idée est clairement d’obtenir un avantage concurrentiel en bénéficiant avant les concurrents des progrès réalisés au sein du réseau de fournisseurs. Dans le temps, le modèle Toyota semble le plus stable et le profitable (Cazenave, 2009). Dans la nouvelle perspective ouverte par ces recherches, il nous semble que la fonction Achats prend un rôle majeur dans la construction de cette « rente relationnelle » que l’on peut définir comme la part de valeur ajoutée provenant de la qualité des coordinations établies entre les acteurs de la relation client / fournisseur (Asanuma, 1989). La thèse défendue dans la suite de cet article est que cette fonction ne peut atteindre une dimension véritablement « stratégique » que dans la recherche et la défense de cette « rente relationnelle » et que fondamentalement cette orientation n’est possible que lorsque l’on privilégie des De Gaulejac, V., Hanique F,.(2015,) “Le Capitalisme paradoxant : Un système qui rend fou”, ed. Economie Humaine. Excellence HA n°4 lll 31/56 actions visant à modifier en profondeur les ressources externes que l’entreprise mobilise. L’expérience de Salomon suivie sur une période longue (20 ans) nous permettra de donner une illustration de ce mécanisme complexe où le choix initial d’investir dans un écosystème de sous-traitants va être défendu vis-à-vis des actionnaires et des tentations de court terme offertes par le marché fournisseur pour devenir un véritable « business model » industriel influençant la stratégie d’offre de la firme. Genèse de la construction d’un écosystème de sous-traitants : où l’on s’aperçoit que la fidélité n’est pas un long fleuve tranquille Nous avons opté pour une description de la genèse du déploiement de la stratégie industrielle au sein du groupe Salomon en suivant la façon dont la fonction Achats a soutenu et même infléchie cette dernière. A travers l’enchaînement des décisions et la description du contexte dans lequel elles ont été prises, l’objectif est d’éclairer la contribution de la fonction Achats à la formulation d’une capacité dynamique, au sens de Teece (2007), qui offre à l’entreprise une combinaison de ressources originale capable de conforter sa position concurrentielle par-delà la simple gestion opérationnelle de ces ressources. La période de temps observée s’étale sur 20 années (1993-2013). Le recueil d’information s’est fait auprès d’acteurs de l’entreprise ayant vécu directement ces transformations4. Nous avons par la suite rassemblé ces différentes informations pour reconstruire une image chronologique de ce processus de changement. Une histoire, un contexte, une stratégie L’histoire commence en 1947, Georges Salomon ouvre à Annecy un petit atelier de scies à bois et de carres de ski. En quelques années, à force d’inventivité, l’entreprise s’impose d’abord comme leader mondial des fixations, avant de devenir leader mondial sur le marché global des équipements de sports d’hiver. Le contexte est donc celui d’une entreprise familiale, farouchement attachée à son autonomie, et dynamique en matière de croissance. De ces objectifs antagonistes, Georges Salomon tire une règle de management : les ressources étant limitées, on ne doit investir dans des activités industrielles que lorsque c’est véritablement nécessaire, c’est-à-dire lorsque l’on ne peut pas trouver à l’extérieur une compétence similaire à la compétence interne. Un tel contexte a une influence directe sur la politique industrielle du groupe qui, dès la fin des années 1950, conçoit sa croissance avec un fort recours à la sous-traitance industrielle. Au milieu des années 1970, Salomon sous-traite déjà 50 % de ses activités productives, tendance renforcée par les problèmes financiers que connaît l’entreprise à cette époque. Une croissance mal maîtrisée dans de nouvelles activités, ainsi que des taux de change défavorables, rendent l’entreprise Salomon risquée auprès des banques, qui lui refusent des financements additionnels. Les conflits sociaux qui en résultent en 1975 incitent Georges Salomon à ne pas développer des univers industriels trop lourds et à investir dans des moyens de production propres pour garder la maîtrise de l’industrialisation, tout en limitant au maximum le recrutement de main-d’œuvre et en refusant d’investir dans des technologies considérées comme hors du cœur de métier. Le développement d’une compétence relationnelle Pendant près de cinquante ans, Salomon a développé une compétence spécifique dans le pilotage d’entreprises soustraitantes, d’abord locales et proches (Haute-Savoie, Savoie et Monts du Lyonnais), puis européennes et géographiquement distantes (Italie, Roumanie en particulier). Le modèle de sous-traitance impulsé par l’entreprise est spécifique. On peut le qualifier de sous-traitance maîtrisée dans la mesure où Salomon apporte au sous-traitant des moyens de production qu’il maîtrise en interne pour ainsi conserver, en plus de la conception des produits, celle des procédés de fabrication. Par ailleurs, Salomon s’occupe le plus souvent d’approvisionner le sous-traitant en composants et matières sur le modèle dit du « façonnage ». Ce modèle offre au soustraitant l’avantage d’une gestion peu risquée, sans achats à réaliser, et sans investissement machine. Les machines étant spécifiques, elles ne peuvent pas être utilisées pour d’autres clients, créant ainsi une dépendance forte vis-à-vis de Salomon. Dans l’entreprise, les acteurs en charge du pilotage sont les acheteurs qui aiment à se qualifier dès les années 1970 de « pilotes de réseaux externes ». On peut exprimer de la façon suivante la compétence relationnelle développée alors par la fonction Achats : de par son histoire, Salomon a acquis une capacité spécifique dans le déploiement de process qui vont être utilisés par d’autres (on pourrait parler 4 Mes remerciements vont tout particulièrement à Pierre Jarniat, ancien Directeur Achats de Salomon , Jean Louis De Marchi, Responsable projet industriel et Pascal Covatta, actuel « Boots Operation Director » chez Amer Sport, pour leur disponibilité et la richesse des informations fournies. 32/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R d’une compétence en ingénierie de process de production externalisée). Cette compétence se traduit par une grande rigueur dans la définition des process opératoires, dans la surveillance de la qualité et dans la coordination avec les ressources externes. Une règle implicite est adoptée par l’entreprise à partir des années 1970 : pour la plupart des productions, 50 % doivent être réalisés dans les usines Salomon et 50 % chez des soustraitants (d’où un « modèle 50 / 50 » selon la terminologie interne du groupe). Prenons l’exemple de l’usine de Serrières en Chautagne (Savoie), qui fabriquait encore, en 1993, 50 % de la production de chaussure alpine. Cette dernière réalise aussi la découpe pour les fabricants de chausson qui, euxmêmes, alimentent par la suite tant l’usine que les soustraitants assembleurs de chaussures (qui réalisent les autres 50 % de la production). L’idée n’est pas de compléter les capacités dans des pics, mais bien de sous-traiter la production tout en gardant la maîtrise industrielle du produit, donc des lignes de production intégrées. Le « modèle 50 / 50 » est devenu, trente ans plus tard, un « modèle 5 / 95 », les 5 % de production réalisée dans les usines Salomon se concentrant sur les articles haut gamme, par exemple la fabrication des skis destinés aux skieurs présents lors des Coupes du Monde. La maîtrise de l’industrialisation reste une priorité grâce au Salomon Design Center et aux ateliers pilotes pour les phases d’industrialisation. Ces derniers donnent la possibilité de fabriquer des pré-séries sur les mêmes presses à injecter que celles installées chez les sous-traitants. En interne, pour expliquer le business model industriel de l’entreprise, on utilise la schématisation de la Figure 1. Elle indique que derrière le très faible taux apparent de maîtrise en interne de la production (5 % des produits vendus sont fabriqués dans les usines du groupe), il existe une forte maîtrise globale de la production externalisée par l’internalisation des spécifications produits et composants, ainsi qu’une maîtrise estimée à 70 % des process industriels utilisés pour l’ensemble de ces productions. N ° 3 L’aventure roumaine, une stratégie achats fondée sur les compétences relationnelles Au début des années 1990, Salomon est le leader mondial dans le secteur de la chaussure de ski alpin avec le concept innovant de l’entrée arrière, mais c’est aussi le seul acteur du secteur qui n’est pas italien. Or, à cette époque, la lire perd 45 % de sa valeur, faisant chuter brutalement la compétitivité prix de Salomon. La décision est prise de s’implanter en Italie, avec le rachat de l’entreprise San Giorgio. Cette opération offre trois avantages : a) bénéficier du taux de change avantageux de l’Italie, b) avoir accès à la soustraitance italienne regroupée dans le district de la fabrication des chaussures (Montebelluna), très performante dans ce domaine, et c) se créer un accès à la compétence de conception et de production sur les chaussures à crochets qui s’avère être la technologie d’avenir du secteur. Pendant cinq ans, l’Italie monte en puissance, et passe de 10 % de la production de Salomon en 1990 à 60 % en 1993. Le groupe augmente les capacités de production de l’usine italienne et duplique le modèle français en s’appuyant sur le réseau de sous-traitants locaux. Dès l’année 1993, la direction de l’entreprise décide qu’il faut cependant aller plus loin en se différenciant des productions italiennes, et donc redéployer les activités du groupe vers un pays low cost. L’Asie n’est pas retenue pour des raisons de protection des savoir-faire : le risque est trop grand de voir un sous-traitant chinois contracter ensuite avec un distributeur spécialisé de type Décathlon, ce dernier profitant du développement industriel réalisé par Salomon. Au final, une équipe projet créée au sein de la direction des Achats décide de sélectionner un pays où il sera possible d’implanter un réseau de sous-traitance « à la française », c’est-à-dire sur le modèle bâti par Salomon en Rhône-Alpes. Après la chute du Mur de Berlin, les pays de l’Est sont une cible privilégiée avec deux options : choisir des pays qui vont rejoindre le plus rapidement les standards européens (Hongrie, Tchéquie, Slovaquie), et où il sera facile de s’implanter ou choisir lll Figure 1 – Le business model industriel de Salomon Excellence HA n°4 33/56 d’autres pays où le tissu industriel est en friche (Pologne, Bulgarie, Roumanie), avec un écart salarial certes faiblement favorable mais qui devrait s’aligner sans doute plus lentement sur les voisins européens. Le choix se portera en dernier ressort sur la Roumanie pour diverses raisons : stabilité politique, proximité culturelle, coût de la main d’œuvre, niveau d’éducation et accessibilité logistique. Phase 1 (1993-1998) : transfert de compétences et déploiement du réseau de sous-traitance captif La stratégie roumaine constitue un pari risqué car il s’agit de transférer les technologies de types couture et assemblage, tout en développant sur place de l’injection plastique (et la coulée de polyuréthane), un mode de production inconnu dans ce pays à l’époque. L’injection est d’ailleurs identifiée comme la technologie clé autour de laquelle doit se bâtir le réseau de sous-traitance. L’accompagnement des soustraitants est lourd pour le groupe, d’autant que la privatisation des entreprises, après la Révolution de décembre 1989, se réalise en l’absence de potentiel d’investissement additionnel. C’est donc Salomon qui, non seulement, achète les machines nécessaires à leur production, mais aussi les composants et matières premières pour la fabrication. Des investissements sont toutefois demandés aux sous-traitants pour mettre aux normes leurs usines de production, et, comme leurs moyens financiers sont toujours insuffisants, Salomon finance indirectement ces derniers en acceptant pendant quelques années le paiement de pièces « surcotées » pour couvrir les dépenses. Fin 1996, la répartition des productions est la suivante : un tiers de la production en Roumanie, principalement des entrées de gamme pour les chaussures ; la France garde le haut de gamme et la technologie des entrées arrières, soit un autre tiers ; le reste de la production (la technologie des crochets) se localise en Italie. Mais les écarts dans les coûts de production s’accentuent. Si l’Italie reste 10 % moins chère que la France, la Roumanie est six fois moins chère sur le coût de la main-d’œuvre. Une chaussure de ski nécessitant 1 heure de travail en moyenne, l’écart est donc à cette époque approximativement de 30 ¤ sur une chaussure… Or, la marge d’une chaussure est inférieure à 30 ¤ ! Il a donc été décidé de « tuer » la technologie entrée arrière qui lie l’entreprise à la sous-traitance italienne, et de transférer les volumes de production français en Roumanie. En 1998, sous la double poussée d’une forte concurrence et d’un rétrécissement du marché global (notamment avec la substitution par le marché du snowboard), la sous-traitance italienne est définitivement stoppée. Phase 2 (1998-2006) : la consolidation du business model et la politique de transplants La consolidation prend une forme institutionnelle avec la création, en 1998, de Salomon Romania, filiale roumaine du groupe constituée au départ d’une petite équipe de dix personnes essentiellement missionnées pour contrôler la qualité fabriquée par les sous-traitants locaux. La responsabilité de cette filiale va échoir de façon symbolique au directeur des Achats de Salomon qui en a piloté la construc- Tableau 1 – Le partage des activités dans la supply chain de Salomon en 2006 34/56 Métiers maintenus en France Métiers transférés sur Salomon Romania v Plans de production v Achats (négociation et mise en place des contrats, notamment des composants nécessaire aux ST) v AQF (assurance qualité fournisseurs) v Industrialisation matériaux et procédés (définition et mise au point) v Engineering (transferts des process en Roumanie) v Supply chain (customer service, transports, procédures, systèmes, etc.) v Qualité centrale (procédures, audits, etc.) v Méthodes logistiques (pilotage plate-forme, audits sous-traitants, douanes) v Ordonnancement de l’appro v Techniciens process (surveillance et application des modes opératoires) v Suivi d’indicateurs qualité chez les sous-traitants Excellence HA n°4 Métiers externalisés (sous-traitants roumains) v Gestion de la main-d’œuvre de production v Locaux, énergie, maintenance des moyens v Gestion de production (ordonnancement, magasins internes, etc.) v Contrôle et stockage des matières premières et composants v Travail sur le lean, les process D O S S I E R tion. L’objectif est de faire de la Roumanie le pôle exclusif de production low cost en Europe de Salomon5. Jusqu’à présent piloté à 100 % depuis la France, le réseau de soustraitants va bénéficier d’une gestion locale assurée par des employés roumains salariés de Salomon Romania. Indépendamment du contrôle de la qualité, les deux autres métiers du pilotage de la sous-traitance (logistique et technique industrielle) sont également transférés au sein de Salomon Romania. Les activités logistiques sont parallèlement regroupées en 2000 sur une plate-forme de contrôle, stockage et distribution de matières et composants en Roumanie. Fidèle à son modèle, Salomon confie la construction et la gestion de la plate-forme à un partenaire logistique. Le partage des activités entre les différents acteurs est présenté dans le Tableau 1. Fin 2006, la filiale roumaine comptera 75 personnes, avec 25 personnes dans la qualité, 25 personnes dans la logistique et 25 personnes dans l’audit technique. On applique donc ici le principe de subsidiarité en faisant traiter en local tout ce qui peut l’être, et on conserve en France la définition du besoin, la maîtrise du risque, et la contribution aux projets de nouveaux produits. Le réseau de sous-traitants roumains se stabilise à 7 partenaires. La consolidation du système s’apparente aussi à celle des volumes d’activité. Dès 1998, il est décidé d’accélérer le mouvement de délocalisation en transférant notamment de nouvelles activités (roues de vélo, fixations alpines, fixations de snowboard) dans les mêmes réseaux roumains. En 2004, la décision est prise d’arrêter la production de San Giorgio, en Italie. La Roumanie devient alors à cette date le pôle de production pour les activités alpines à hauteur de 95 %. Enfin, le changement d’actionnaire survenu en 1998 (prise de contrôle par Adidas) contraint les responsables du système à consolider leur business model. En effet, le siège du géant allemand est peu favorable à la logique du réseau captif. Il préconise un sourcing en Chine, auprès de réseaux qu’Adidas connaît bien et qui fonctionnent de façon beaucoup plus souple : le client ne possède pas d’actif spécifique chez le fournisseur, les moyens de production appartiennent à ce dernier et on achète les produits lorsqu’ils sont dans les containers. Un bras de fer s’engage entre le siège d’Adidas et la filiale française qui s’oppose à ce modèle par l’inertie et avec le soutien de son PDG. Le directeur des achats de Salomon doit, tous les ans, 5 N ° 3 évaluer l’écart de coût obtenu dans le réseau roumain avec celui que l’on pourrait potentiellement espérer d’une solution asiatique, cette analyse interne étant régulièrement contrôlée par des cabinets d’audit externes au groupe. Implicitement, tant que les écarts de coût sont inférieurs à 15 %, la solution roumaine est considérée comme viable par le groupe. Mais cet aiguillon incite à la recherche d’une efficience maximale du réseau roumain et pousse la direction des achats à entamer une phase supplémentaire de son évolution. En effet, cette supply chain reste encore très « française » car la plupart des composants sont fabriqués en France et livrés pour assemblage en Roumanie. Pour rendre le business model soutenable aux yeux des nouveaux actionnaires dont les yeux sont plutôt rivés sur les solutions asiatiques, il faut drastiquement baisser les coûts en jouant notamment sur les coût des composants et matières entrant dans la production. Dès 2000 est donc initiée une stratégie visant à inciter les fournisseurs rhônalpins de Salomon, dont les technologies ne sont pas présentes en Roumanie, à s’implanter dans le pays. Les objectifs sont de trois ordres : a) améliorer la réactivité par la présence locale des fournisseurs, b) baisser les coûts logistiques (représentant à l’époque plus de 10 % des coûts des produits fabriqués en Roumanie), et c) gagner en coûts composants par le biais de la main-d’œuvre utilisée localement. L’opération « transplants » sera finalement assez difficile à conduire car les PME concernées sont peu enclines à prendre un tel risque. Pour les y inciter, Salomon va participer activement à la création de l’association Romalp Industrie dès 2004, et cela afin de créer des synergies entre les 50 entreprises adhérentes (participation à des salons communs pour « chasser en meute », mutualisation sur la gestion des problèmes juridiques, lobbying pour la création d’une ligne d’avion régulière entre Lyon et Timisoara, etc.). Le directeur des achats de Salomon organise le marketing de l’association, en poussant tous ses fournisseurs à y participer. Pendant quelques années, il se charge également de vanter leurs mérites auprès d’autres clients potentiels mais non concurrents en espérant augmenter le volume d’activité des fournisseurs ayant migré en Roumanie, et ainsi partager les coûts. En 2006, 27 fournisseurs français et italiens auront installé tout ou partie de leur production dans des sociétés roumaines rachetées ou créées de toute pièce. La figure 2 résume l’état de la supply chain à cette époque. Les activités existantes en Tchéquie, en Slovénie et au Maroc sont progressivement arrêtées et transférées en Roumanie. Excellence HA n°4 lll 35/56 Phase 3 (2006-2013) : Evolution du modèle vers plus d’autonomie des fournisseurs. Atomic propose un coût de revient global 15% plus cher (douane, logistique, réactivité…) que le modèle Salomon. Courant 2005 Salomon est vendue par Adidas au groupe finlandais Amer Sport. Le groupe ne connaît que les schémas traditionnels de management : d’un côté, une forte intégration verticale (par exemple avec les skis Atomic fabriqués en Autriche); de l’autre, le sourcing auprès de fournisseurs spécialisés (raquettes de tennis Wilson). Le modèle « mixte » de maîtrise, présenté dans la figure 1 et illustré par l’expérience roumaine, est absent de leur stratégie industrielle. Soit ils intègrent pleinement (comme la technologie d’injection plastique), soit ils délèguent pleinement (comme pour les casques et les chaussons auprès de fournisseurs chinois) en ne conservant que la compétence de design dans laquelle la fonction marketing est l’acteur dominant. Début 2006 il est décidé de donner le leadership pour le « winter outdoor » à Atomic, mais en parallèle le groupe lance un vaste audit des supply chain pour en tester la pertinence. La supply chain roumaine est alors en concurrence avec la solution d’Atomic, plus éclatée, où les chaussons sont réalisés en Chine, l’injection en Autriche et l’assemblage en Bulgarie. L’audit montre que le modèle Dès 2006 la solution roumaine est donc conservée et on entame le transfert progressif de l’activité « chaussures » d’Atomic en Bulgarie vers certains sous-traitants roumains de Salomon. En parallèle un mouvement inverse est amorcé pour sortir progressivement les productions de ski des usines roumaines et les transférer vers une usine Atomic en Bulgarie. En 2013 la solution roumaine reste encore très rentable sur le plan des seuls coûts de production. On évalue à 6 euros/h le coût chargé de main d’œuvre là où ce même coût est de 36 euros/h en France. L’écart reste conséquent surtout que l’on parle de productions hautement consommatrices de main d’œuvre (une chaussure de ski représente environ 1h de main d’œuvre) et pour lesquelles les séries sont tellement fractionnées (rarement supérieures à 500 pièces) qu’il est difficile d’envisager une forte robotisation. Pour valider le choix de la ressource roumaine il a même été opéré au sein du groupe Amer Sport une reconsidération des processus industriels de manière à transférer plus d’activités vers les sous-traitants roumains, et ainsi valider la pertinence de ce choix en leur assurant un bon amortisse- Figure 2 – La supply chain de Salomon en 2006 36/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R ment de leur potentiel de production. Par exemple, l’industrialisation des fixations, traditionnellement conçue comme très robotisée, a été revue de façon à augmenter la part de main d’œuvre nécessaire à leur production et donc rendre rentable le transfert vers la Roumanie. De cette opération les acteurs ont même noté des économies insoupçonnées : l’abandon de l’automatisation de la production permettant de desserrer certaines contraintes de cotes (car pour ne pas bloquer une chaine automatisée les tolérances étaient très faibles) et d’abaisser celles portant sur les composants - il était alors permis de réaliser de nouvelles économies sur leur coût d’achat. En 2008 le groupe Amer Sport décide de jouer sur deux postes de coût importants de la solution roumaine : (l) les coûts administratifs liés à la filiale Salomon Romania (75 personnes en 2008). Cette filiale représente alors un coût non négligeable estimé à 3,5% du montant des achats réalisés dans le réseau roumain. (2) les coûts logistiques que l’on 6 N ° 3 évalue à l’époque à 12% de la valeur des produits fabriqués. Il s’agit principalement du coût de la plateforme logistique gérée par un prestataire logistique qui stocke et distribue les composants aux sous-traitants. La spécialisation progressive des sous-traitants roumains rend envisageable une livraison directe depuis les fournisseurs de composants. Il est donc décidé de fermer la Salomon Romania ainsi que la plateforme logistique en 2008. Ces fermetures nécessitent de modifier le schéma de la supply chain ainsi que la répartition des responsabilités en son sein (voir figure 3). Pour compenser la fermeture de la filiale il y a eu tout d’abord une ré-internalisation des activités de pilotage logistique (AQF6, pilotage des indicateurs, relation avec les plateformes françaises et italiennes). Le transfert de compétence vers le fournisseur n’est que très progressif. Des livraisons directes vers les sous-traitants se mettent peu à peu en place entrainant la fermeture du stock de regroupement français. En 2013, 90% des livraisons sont directes entre les fournisseurs et les sous-traitants roumains. lll Assurance Qualité Fournisseur Figure 3 – La supply chain de Salomon en 2013 Excellence HA n°4 37/56 La prestation de contrôle des composants est maintenant intégrée dans le taux horaire négocié avec les sous-traitants. Les personnels de la filiale ont été en partie réembauchés par les principaux sous-traitants roumains (notamment les personnes en charge de la logistique pour s’occuper de l’arrivée des composants). Ceux qui s’occupaient du contrôle qualité des produits finis sont sollicités pour se mettre à leur compte et devenir des prestataires indépendants travaillant pour Salomon sur ce même périmètre d’intervention. Il n’est en effet pas envisagé de confier aux sous-traitants ni la programmation des composants qu’ils ne payent pas7 (ils auraient tendance à trop sécuriser et grossir les stocks) ni le contrôle de la qualité des produits finis (ne pas être juge et partie sur la partie industrielle Le Tableau 2 résume cette nouvelle répartition des activités au sein de la supply chain. Phase 4 (2013- ?) : Evolution du business model Au moment où nous écrivons ces lignes, le modèle semble assez stabilisé dans sa logique de répartition des responsabilités au sein de la supply chain. L’évolution porte davantage sur la nécessité de transférer toujours plus d’activités vers le réseau roumain de manière à en valider la pertinence économique. Cette logique pousse le groupe Amer Sport à réaliser des opérations de relocalisation de productions de la Chine vers l’Europe de l’Est. Ces opérations ont porté à ce jour sur les chaussons Atomic, les casques de ski et les masques de skis depuis 2014. Ces décisions sont contre-intuitives pour un actionnaire animé principalement par un objectif financier. En effet, pour Amer Sport le modèle idéal est le sourcing. Un design qui définit un besoin de forme et de matière que l’on propose à un marché fournisseur expert dans la fabrication car proposant ces productions à tous les acteurs du marché. Dans un marché aussi volatile que celui de l’outdoor c’est la façon la plus certaine de minimiser le risque industriel et maximiser le ROI. C’est le modèle utilisé par Salomon pour les bâtons ski, le textile et le Snow Board, autant de produits au savoir-faire banalisé pour lesquelles la Chine est l’acteur incontournable du marché. Dans ce contexte, l’existence d’un réseau roumain de sous-traitants crée un levier de contrepouvoir intéressant, surtout dans un contexte inflationniste sur le coût de la main d’œuvre chinoise. Tableau 2 – Le partage des activités dans la supply chain de Salomon en 2013 Métiers maintenus en France v Plan de production v Achats des composants (négociation et mise en place des contrats) v AQF (assurance qualité fournisseurs) + process v Industrialisation matériaux et procédés (définition et mise au point) v Engineering (transferts des process en Roumanie) v Supply chain (customer service, transports, procédures, systèmes, etc.) v Qualité centrale (procédures, audits, etc.) v Méthodes logistiques (pilotage plate-forme, audits sous-traitants, douanes) v Contrôle de l’approvisionnement réalisé par le Sous-traitant (acheteur) Prestataires indépendants v Inspection qualité des produits finis Métiers externalisés (sous-traitants roumains) v Gestion de la main-d’œuvre de production v Locaux, énergie, maintenance des moyens v Gestion de production (ordonnancement, magasins internes, etc.) v Contrôle et stockage des matières premières et des composants v Inspection qualité des matières premières et des composants v Logistique d’approvisionnement (mais pas l’achat sauf sur certains composants plastiques standards) v Méthodes logistiques (en partie récupérées de la plateforme) 7 Les composants sont achetés « franco » par Salomon qui les dirige par la suite vers le réseau roumain. Cette solution offre plusieurs avantages : moins d’asymétrie d’information pour Salomon qui maintient le statut de façonniers de leurs partenaires roumains. Pour ces derniers cela allège leur trésorerie et leur évite d’assumer un risque financier en pariant sur un niveau d’activité pour leurs achats. 38/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R Discussion Quelle sont les leçons de cette longue histoire dont les pages s’écrivent encore à l’heure actuelle ? Selon nous, l’expérience de l’entreprise Salomon et de son réseau de sous-traitants roumains nous permet d’avancer quelques principes d’action pour un Directeur achats désireux d’aller dans le sens d’un véritable Management des Ressources Externes (Calvi 2014). v Dépasser sa fonction. Nous avons vu que légitimité du rôle de la fonction Achats dans la démarche stratégique ne va pas de soi. Dans le cas de Salomon, il a fallu que le directeur des Achats trouve des sponsors dans l’entreprise pour appuyer ses actions. Il reconnaît pour cela avoir utilisé trois vecteurs contributifs : – un bon « timing » : savoir être présent dès l’origine de la constitution de l’offre produits/process et des réseaux associés; – une bonne concourance : s’associer aux autres fonctions de l’entreprise pour mettre en place conjointement des réseaux, organisations et processus efficaces ; – une véritable « expertise » : être animateurs et spécialistes de l’identification et de la gestion de réseaux tout en sachant se plier à la contrainte de l’évaluation par les coûts des solutions proposées. v Stabiliser les acteurs et équilibrer le pouvoir avec les partenaires. La confiance est nécessaire pour tirer parti d’une collaboration de long terme. Le réseau roumain était dès le départ très dépendant de son client Salomon8, mais cette dépendance est contrebalancée par les efforts constants de Salomon pour promouvoir les activités de leurs sous-traitants roumains dans le groupe et même hors du groupe9. Il ne s’agit donc pas d’un modèle de « domination » (comme on peut parfois le retrouver dans la logique de « lean supply »), mais plus d’admettre l’existence d’un certain « éco système » dans lequel, volontairement, client et fournisseur s’engagent sur le principe de la solidarité. C’est ce même principe de solidarité qui pousse aujourd’hui le client Salomon à transférer des productions vers son réseau roumain. v Repenser l’alignement stratégique. La fonction Achats n’est pas naturellement investie d’une N ° 3 mission stratégique propre. Comme nous l’avons vu en introduction, elle est souvent perçue comme un équilibreur de compte (acheter aux coûts les plus bas) sous contrainte de satisfaction des clients internes (dans la qualité, quantité et délais attendus). Simplement « s’aligner » sur ces objectifs peut être aussi un renoncement. Le cas de Salomon est assez illustratif de ce risque potentiel. L’entreprise a changé deux fois d’actionnaires en l’espace de 20 ans. Sans le développement d’une vision stratégique propre pour la gestion de ces ressources externes, la direction des Achats aurait surement opté pour un abandon de la solution européenne au profit d’un sourcing dans les réseaux chinois du groupe Adidas, puis de ceux du groupe Amer. La solution développée repose plus sur le choix d’une alignement que nous qualifierons d’ « actif » au sens où il a aussi pour vocation d’infléchir la stratégie de l’entreprises en lui offrant, sur la base du réseau roumain constitué, une plateforme industrielle pouvant rendre possible, ou pour le moins faciliter, certaines stratégies produits. v Créer du sens au sein de la fonction. Comme nous l’évoquions en introduction, face à la multiplicité des parties prenantes et de leurs injonctions contradictoires, les entreprises doivent pouvoir s’appuyer sur des leaders capables de porter les transformations en s’appuyant moins sur une logique traditionnelle basée sur l’obéissance et le contrôle que sur une culture de la responsabilisation et de la confiance. Pour cela il faut du courage, une vision, de l’engagement, de l’honnêteté, de l’écoute et de la persévérance. Notre statut d’observateur extérieur ne nous permet pas de juger scientifiquement de la présence de tous ces ingrédients dans le cas relaté, mais il nous semble toutefois que ces attributs sont présents tout au long de cette saga. C’est la création de ce « sens » qui génèrera l’implication des acteurs internes et externes dans l’attente des objectifs. lll v Savoir se remettre en cause pour défendre ses choix (concilier stabilité des acteurs et performance). Etre fidèle ne veut pas dire être immobile. Pour faire perdurer le choix de la solution « roumaine » on a vu qu’il fallut toujours adapter le système tant dans sa gouvernance (fin de la filiale roumaine) que dans ses choix logistiques (modi- 8 Ils avaient et ont toujours une interdiction contractuelle de travailler avec d’autres clients du secteur du sport. Par contre ils peuvent développer une activité propre sur le marché intérieur Roumain. Pour les 8 acteurs historiques cette activité ne représente pas plus de 50% et les activité avec Salomon sont les rentables car notamment sur ces dernières ils n’ont pas à faire d’investissement ni avancer l’argent pour l’achats des matières premières. 9 Le directeur Achats de Salomon servant souvent de « VRP » à ses partenaires pour convaincre d’autres industriels de venir partager les coûts fixes de ce réseau et ainsi valider sa stratégie industrielle dans le temps. Excellence HA n°4 39/56 fication des schémas de supply chain). Il s’agit pour le leader d’éviter le contrepied et travailler au contraire la résilience. On retrouve ici une idée véhiculée par les chercheurs qui ont étudié le modèle Toyota de relations inter-entreprises qui, à la fin des années 2000, assurait une sur performance sectorielle pour le constructeur automobile et son réseau de partenaires10. Ce modèle prône la stabilité des relations (l’appartenance au keiretsu), et à l’intérieur de cette zone de stabilité, la mise en place d’un système d’apprentissage et de solidarité. C’est l’organisation du kyohokai dans lequel Toyota et ses fournisseurs investissent et mutualisent des savoirs et savoir-faire. L’idée est clairement d’obtenir un avantage concurrentiel en bénéficiant avant les concurrents des progrès réalisés au sein du réseau de fournisseurs (Cazenave, 2009). Nous espérons que cette histoire et ces quelques principes pourront alimenter votre réflexion sur votre rôle de leader fonctionnel et vous inciter à affirmer votre rôle stratégique au sein d’organisations toujours plus dépendantes pour leur pérennité de ressources externes à mobiliser. n Bibliographie Asanuma B., « Manufacturer-supplier relationships in Japan and the concept of relation-specific skill », Journal of the Japanese and International Economies, Vol. 3, n° 1, 1989, p. 1-30. Barney J., « Firm resources and sustained competitive advantage », Journal of Management, Vol. 17, n° 1, 1991, p. 99-120. Calvi R. (2014), « De la gestion des Achats au Management des Ressources Externes : le cas de Salomon et du développement de son réseau de sous-traitants en Roumanie », Management & Gouvernance, n° 11, p 59-74. Calvi R., Paché G, Jarniat P (2010) « Lorsque la fonction achats devient stratégique : de l’éclairage théorique à la mise en pratique ” avec G. Paché et P. Jarniat, Revue Française de Gestion, vol 36, n° 205, p 119-138. Cazenave F., La « machine » Toyota : un système d’apprentissages et de solidarités interentreprises, Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Université Paris Est, février 2009. De Gaulejac, V., Hanique F,.(2015,) “Le Capitalisme paradoxant : Un système qui rend fou”, ed. Economie Humaine. Dyer J., Singh H., « The relational view : cooperative strategy and sources of interorganizational competitive advantage », Academy of Management Review, Vol. 23, n° 4, 1998, p. 660-679. Dyer J., Nobeoka K., « Creating and managing a high-performance knowledge-sharing network : the Toyota case », Strategic Management Journal, Vol. 21, n° 3, 2000, p. 345-367. Dyer J., Hatch N., « Relation-specific capabilities and barriers to knowledge transfers : creating advantage through network relationships », Strategic Management Journal, Vol. 27, n° 8, 2006, p. 701-719. Jarillo J.-C., « On strategic networks », Strategic Management Journal, Vol. 9, n° 1, 1988, p. 31-41. Lavie D., « The competitive advantage of interconnected firms : an extension of the resource-based view », Academy of Management Review, Vol. 31, n° 3, 2006, p. 638-658. Teece D., « Explicating dynamic capabilities : the nature and microfoundations of (sustainable) enterprise performance », Strategic Management Journal, Vol. 28, n° 13, 2007, p. 1319-1350. 10 Ceci est parfaitement décrit par exemple dans les travaux de d’Asanuma (1989) et Dyer & Noboeka (2000). 40/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R JEAN POTAGE N ° 3 Jean POTAGE relate son retour d’expérience en tant qu’ancien Directeur Technique et ancien Directeur Achats du Groupe Thales ; il est actuellement consultant et enseignant dans plusieurs masters achats de l’hexagone (Kedge, ESCP Europe, Desma, UVSQ, IMUS, Esprit, …). LE POINT DE VUE D’UN PRATICIEN SUR L’ARTICLE La Relation PME – Grands Groupes Que nous dit finalement l’auteur à l’issue d’une analyse portant sur une vingtaine d’années au sein du groupe Salomon ? Tout simplement qu’il existe une troisième voie pour les Directeurs Achats audelà du stress ou de la distanciation que peuvent provoquer des injonctions financières paradoxales. Cette troisième voie, suivie patiemment de 1993 à 2013 par Pierre Jarniat, alors Directeur Achat de l’entreprise, consiste à suivre une stratégie à long terme, basée d’une part sur l’axe fournisseurs (construction et maintien d’un écosystème fournisseurs) et d’autre part sur l’axe métier correspondant, en termes de compétences relationnelles. Mon bref témoignage de praticien évoquera donc ici cette « troisième voie » telle que je l’ai vécue au sein d’un grand groupe high tech international en tant que directeur achats de 1995 à 2005 puis audelà en tant que consultant et enseignant. Attention, un objectif économique peut en cacher un autre ! Jusqu’à nouvel ordre, les comptes d’exploitation sont « arrêtés » annuellement et cette fréquence d’horloge bat semble-t-il définitivement le rythme court-termiste des objectifs financiers fréquemment déclinés en « injonctions paradoxales » vers la fonction achats. J’ai effectivement un instant hésité entre ces deux attitudes du stress ou distanciation observées par Richard Calvi. Mais s’il veut tenir la distance (10 ans dans mon cas) un directeur achats a plus qu’intérêt à ajouter un objectif long terme à celui de l’efficacité court-terme des fameux « gains achats ». Cet objectif peut s’énoncer ainsi : définir et mettre en place progressivement le panel fournisseur idéal pour l’entreprise. Par essence, un objectif long terme. Mettre en place le panel fournisseur idéal n’est effectivement pas « un long fleuve tranquille » Pour le directeur achat, tenir cet objectif global d’entreprise l’amène à en poursuivre deux autres de nature métier : d’une part celui de l’identification des fournisseurs clés du panel ce qui ne peut se faire qu’avec les prescripteurs, et d’autre part celui de la mise en place des compétences achats dont l’entreprise a besoin pour travailler avec ces fournisseurs, compétences désignées comme « relationnelles » dans l’article analysé, et qui renvoient le manager à la maturité achat de ses acheteurs sinon à celle de l’entreprise tout entière, y compris son haut management, quelles que soient ses injonctions. Deux tâches longues et difficiles comme nous allons le voir. Identifier le panel fournisseur cible idéal ? Un premier objectif métier non sans paradoxes lui aussi ! Nous ne reviendrons pas sur les paradoxes qu’a dû gérer le directeur achats de Salomon au gré de la croissance du groupe, du changement d’actionnaires ou des évolutions du marché mondial de son activité. Au sein du groupe industriel dans lequel j’ai découvert la fonction achats, des paradoxes de même nature, ou d’autres plus spécifiques à l’activité du groupe étaient également bien présents. Rappelons ici les Excellence HA n°4 41/56 principaux : quelle politique achats définir en matière de composants électroniques face au dilemme « civil vs militaire » véritable casse-tête à l’époque ? Quelle stratégie de sous-traitance industrielle groupe définir tant pour des produits et systèmes à cycle court (terminaux bancaires) ou bien à cycle très long (avionique Airbus, Rafale) ? Comment établir un panel fournisseurs cohérent en présence d’obligations d’achats de compensation (les offset) selon les grands programmes et selon les pays ? Enfin, pour un groupe ayant une intensité R&D d’environ 20%, comment opérer avec un grand nombre de PME innovantes ou de laboratoires de recherche ? Autant de contradictions qui font là aussi partie du job. A l’époque, ma prise de fonction a été effectivement marquée par un objectif économique très clair : -20% d’économies achats. L’identification et la mise en place du panel fournisseur cible à l’échelle du groupe a donc simultanément démarré, via un programme musclé de réduction du nombre de fournisseurs, pléthorique à l’époque. Le premier objectif métier avait donc une cible quantitative : réduire le panel fournisseurs de 30% en 3 ans et le concentrer sur environ 800 fournisseurs « cibles groupe » via une stratégie précise par famille d’achat. Ce qui a été atteint. Développer les compétences « relationnelles ? Mais où sont les modèles et les outils ? Il fallait aussi tenir le deuxième objectif métier, celui consistant à faire monter en compétences une filière métier de 800 acheteurs. En l’absence d’outils opérationnels en la matière j’ai dû pour cela définir le concept de maturité achats qui n’existait pas à l’époque, élaborer un premier modèle de maturité achats (ThomPrice) et fixer moi-même des objectifs de niveau de maturité aux services achats des unités1. Résumé de cette aventure : il a fallu cinq ans pour amener 50% des effectifs achats du groupe au niveau de maturité 3 (sur une échelle de 1 à 5)!2 Une fois le panel fournisseur relativement sous contrôle au plan quantitatif (Pareto quand tu nous tiens !) il restait à traiter le plan qualitatif consistant à identifier les fournisseurs clés, définir les types de « relations » à construire avec eux selon une feuille de route de création de valeur sur la durée, et donc à développer en interne les compétences relationnelles du SRM. Vaste programme dépourvu là encore de modèles et d’outils qu’il a donc fallu là aussi créer et développer, ce qui a été fait depuis avec du recul (2010) et dans le cadre d’activités de conseil et d’enseignement en achats. Un premier modèle de panel fournisseurs basé sur le « relationnel ». Définir le panel fournisseur ad hoc, aligné par rapport aux objectifs stratégiques des entreprises ou des business lines, notamment en termes de compétitivité, de co-dévéveloppement, de co-production et de co-innovation ne peut se limiter à une segmentation « Pareto » du portefeuille achats déclinée ensuite en mode négociation/contrat. Cette approche conduit en effet au sophisme consistant à définir le caractère stratégique d’un segment d’achat ou d’un fournisseur à partir de leur poids économique. Elle conduit aussi aux abus que l’on connaît et ayant entraîné la misse en place d’une loi (NRE), de chartes et de pactes, et même d’une Médiation. Il est en fait devenu nécessaire de revisiter, restructurer le panel fournisseurs en fonction de la valeur que l’on veut créer avec ces fournisseurs et de « l’histoire » que l’on veut écrire avec eux. Ce que Salomon a réussi à faire sur 20 ans. D’une manière générale, et du point de vue « relationnel » une première segmentation en trois catégories apparaît alors tout naturellement, celle des « 3C »3 : les fournisseurs de type « Compétitivité » pour la réduction des les coûts d’achats, les fournisseurs de type « Confiance » pour le co-développement, la co-fabrication) et les fournisseurs de type « Croissance « pour la coinnovation, principalement celle « ouverte ». Un tel modèle aboutit donc à classer d’abord les fournisseurs selon les « 3C » puis après, et après seulement, à procéder au classement ABC classique selon Pareto. 1 « Les Achats à Thomson-CSF : vers un nécessaire Modèle de Maturité » Jean Potage, Revue internationale de l’Achat Vol 18-N°2-1998 p. 11 à 18 www.academia.edu/6819648/Les_achats_%C3%A0_THOMSON-CSF_vers_un_n%C3%A9cessaire_Mod%C3%A8le_de_Maturit%C3% A9_Jean_Potage_ 2 « Contribuer à la performance d’un groupe High Tech par les achats » Jean Potage, Séminaire Ressources technologiques et innovation, Ecole de Paris du Management ,13 février 2002, Polytechnique http://ecole.org/seminaires/FS2/RT_50 3 Chaînes de valeur, filières : quelles recompositions pour quelle innovation ? Des achats à la co-innovation avec les fournisseurs Jean Potage, La Recherche et l’Innovation en France, O. Jacob, p 209-229 42/56 Excellence HA n°4 D O S S I E R Un second modèle pour la conduite du relationnel fournisseur. Existe-t-il un modèle de relationnel indépendant des organisations des entreprises ou des business lines, des organigrammes, de l’organisation des directions achats ? Nous avons dû également tenter de répondre à cette question en 2010 en proposant le modèle PRIME4 (Purchasing Relationship Integrated Model for Enterprises). Ce modèle décrit le fonctionnement de la relation client-fournisseur en 6 couches de type ISO et déduit pour chaque couche le rôle des parties prenantes dans le bon fonctionnement de cette relation. Ce modèle devient alors l’outil de base pour définir la stratégie achats propre à chaque catégorie fournisseurs des « 3C ». Un troisième modèle pour étendre le développement des compétences relationnelles à toute l’entreprise. De nombreuses parties prenantes étant indéniablement impliquées dans la relation client-fournisseur (de la DG à la comptabilité fournisseurs) ce sont donc toutes les parties prenantes qui doivent maîtriser une relation clientfournisseur de plus en plus complexe. Le directeur achat devient donc alors le chef d’orchestre de la progression en maturité achats de toute l’entreprise. Les modèles ou matrices de maturité achats dédiés à la seule fonction achats sont alors obsolètes et il devient nécessaire de disposer d’un modèle holistique, « gradué » en fonction de la complexité du relationnel fournisseur à maîtriser. C’est ainsi qu’est organisé le modèle PIMM5 (Purchasing Integrated Maturity Model) conçu et publié en même temps que le modèle PRIME pour le SRM. Sur les 5 niveaux de maturité du modèle, les niveaux 1 et 2 sont dédiés aux compétences de base en achats (négociation / contrat), les niveaux 3 et 4 sont dédiés au relationnel fournisseur plus ou moins collaboratif et enfin le niveau 5 est dédié aux pratiques et aux compétences liées à la co-innovation. Telle est ainsi quantifiée la dimension « verticale » de la matrice de maturité achats PIMM. Quant à sa dimension horizontale, c’est-à-dire celle des acteurs contribuant à la performance achats, non seulement les N ° 3 exigences de compétences de la fonction achats y sont décrites, mais également celles de toutes les parties prenantes de l’entreprise (DG, Directions Fonctionnelles Communes comme par exemple la qualité, ou les systèmes d’information). Avec un tel outil, le directeur achats est donc à même de définir une feuille de route de progression en compétences relationnelles pour sa propre direction, mais aussi pour toute l’entreprise. Chef d’orchestre n’ayant pas trop la tête dans la partition du « cost killing » : cela fait dorénavant partie du job ! Facteurs clés de succès pour une stratégie achats. L’énoncé d’une stratégie achats vient souvent se heurter au « pouvoir » des directions métiers qui font depuis longtemps leur propre plan stratégique (directions techniques et industrielles en particulier) mais également aux directions de l’innovation récemment crées et aux directions de la stratégie qui souvent ne demandent pas explicitement à la fonction achats de définir son plan stratégique. Elaborer une stratégie achats, la « vendre » en interne et s’y tenir, implique généralement des qualités de vision, de ténacité et de communication au-dessus de la moyenne. Conclusion « L’histoire » racontée par Richard Calvi dans le contexte Salomon peut donc tout à fait être généralisée quant au fait que le directeur achat doit avoir une vision du panel fournisseur cible, idéal pour son entreprise, aligné par business line si besoin est, et décliner cette vision par un exercice de planification stratégique auquel il va être fidèle indépendamment des injonctions financières paradoxales. Cette stratégie peut et doit être énoncée dans un « plan stratégique achats » qui devient alors de facto un véhicule de communication hors pair avec les directions des parties prenantes de toute l’entreprise et également un outil de planification des compétences achats « relationnelles » à atteindre par ses acheteurs. Bref sa partition de chef d’orchestre ! n 4 « Management de la Relation Client-Fournisseur avec un modèle intégré : PRIME, Purchasing Relationship Integrated Model for Enterprises » Jean Potage, PROFESSION ACHAT n° 37, mars 2010, p. 32 www.academia.edu/6819666/Management_de_la_Relation_Client-Fournisseur_avec_un_mod%C3%A8le_int%C3%A9gr%C3%A9_ PRIME_Purchasing_Relationship_Integrated_Model_for_Enterprises_Jean_Potage_ 5 « Un modèle de maturité achat intégré : PIMM » Jean Potage, PROFESSION ACHAT n° 39, septembre 2010 Excellence HA n°4 43/56 Hugues Poissonnier, Président du Comité Scientifique / Editorial Board PRÉSENTATION DES THÈSES Il est fréquent de distinguer trois grandes approches en matière d’achats responsables. La première peut être qualifiée d’« approche fournisseur ». Elle consiste à choisir de travailler avec des fournisseurs plus respectueux d’un certain nombre de critères sociaux et/ou environnementaux bien identifiés. En refusant systématiquement de travailler avec les fournisseurs qui ne respecteraient pas ces critères, on les amène, à n’en pas douter, à évoluer de façon indirecte. Une démarche plus directe consisterait à les accompagner dans une démarche de progrès. La deuxième approche réside dans l’ « approche produit », qui repose sur la volonté d’éliminer du cycle de production tout produit qui serait trop impactant pour l’environnement et/ou la santé. Là aussi des degrés de proactivité divers sont observables. Enfin, l’ « approche process » concerne le processus achats dans sa globalité. Il est ici question de lutte contre la corruption mais aussi, de plus en plus, de mise en œuvre des bons outils de pilotage des performances, seuls garants de l’inscription des efforts dans la durée. Les trois thèses présentées dans cette rubrique, réalisées par trois consultants achats, s’inscrivent chacune dans l’une des trois grandes approches décrites. Anne Bourbigot, qui a réalisé sa thèse professionnelle dans le cadre du Mastère Spécialisé en management Stratégique des Achats et de la Supply Chain à ESCP Europe, questionne le rôle des achats, et plus spécifiquement leur responsabilité, dans les choix de localisation des fournisseurs. La dynamique de relocalisation actuelle et l’engouement pour le « made in France » sont présentés pour ce qu’ils sont : avant tout les manifestations de choix très opéra- 44/56 tionnels des acheteurs concernant leurs fournisseurs. L’analyse des facteurs prix et hors-prix dans les relocalisations nous a semblé particulièrement pertinente. Jean-Louis Martin a lui réalisé sa thèse dans le cadre du Master DESMA de l’IAE de Grenoble. Son travail s’inscrirait davantage dans l’ « approche produit » puisqu’il s’est intéressé aux achats d’emballages. Il ressort de la lecture de cette thèse une idée précise de la contribution potentielle des achats d’emballages à une politique d’achats durables. Audelà des impacts financiers, importants et bien appréhendés, de nombreux impacts sociétaux sont mis en évidence et quelques bonnes pratiques sont identifiées pour passer à l’acte. Enfin Lucila Rodaro a focalisé sont travail, réalisé dans le cadre du Mastère Spécialisé Management de la fonction achats de Grenoble Ecole de Management, sur la mesure de la performance durable. S’appuyant sur les nombreuses et importantes initiatives récentes en matière de mesure des pratiques responsables et durables, elle propose une redéfinition des achats responsables à travers trois catégories (les « 3 Ws » pour « Wealth, Within et World ») comprenant 9 bonnes pratiques et des KPIs associés. Les exemples de KPIs donnés, classiques pour certains, originaux pour d’autres, pourront constituer une source d’inspiration pour les lecteurs en charge de pilotage de performance des achats responsables. Nous vous souhaitons, de ces travaux complémentaires, une enthousiasmante et inspirante lecture. Excellence HA n°4 Hugues Poissonnier T H È S E N ° 1 Consultante Achats, Anne Bourbigot a réalisé sa thèse professionnelle dans le cadre du Mastère Spécialisé en Management Stratégique des Achats et de la Supply Chain à ESCP Europe, sous la direction de Fabienne Fel. ANNE BOURBIGOT Email : [email protected] ACHETER EN EUROPE PLUTÔT QU’EN CHINE : une question de responsabilité sociétale de l’acheteur ? Le « Made in France », et plus largement, le « Made in Europe » est aujourd’hui un véritable phénomène d’actualité, au cœur de nombreux débats politiques et sociétaux. Mais, au-delà des cas de relocalisation de la production, peu nombreux bien que très médiatisés, nombre d’acheteurs se posent aujourd’hui la question de leur responsabilité sociétale : doivent-ils continuer à s’approvisionner en Asie, ou étudier des alternatives françaises ou européennes ? La localisation des entreprises sur la scène mondiale : entre délocalisation et relocalisation. Depuis les années soixante et soixante-dix, les usines implantées dans les pays développés ferment pour rouvrir dans les pays émergents, à la recherche de coûts réduits de main d’œuvre. Le mouvement s’intensifie dans les décennies suivantes, le secteur manufacturier étant suivi dans cet élan par celui des services. Les acheteurs occidentaux délaissent leurs fournisseurs nationaux pour sourcer en Asie dans l’optique de réduire les coûts, la Chine devient « l’usine du Monde ». Comme toute économie stimulée par l’ensemble de ces investissements étrangers, les salaires chinois observent par la suite de très fortes évolutions, ce qui contribue grandement à la dégradation du coût de revient des biens manufacturés dont tout ou partie provient de Chine. Par ailleurs, le coût de la non-qualité, les délais, la corruption et les différences interculturelles, entre autres, constituent également des facteurs de risques et de surcoûts dont il faut tenir compte. Facteurs mis pourtant en évidence par la littérature depuis plus de vingt ans. Suite à ce constat, s’amorce alors un mouvement de relocalisation qualifié dans la littérature de backshoring (retour de la production ou des approvisionnements dans le pays d’origine), ou de nearshoring (retour dans un pays géographiquement proche). L’apparition de la crise en 2008 a incité les entreprises à une réévaluation de leur stratégie Supply Chain et des coûts affiliés et a donc accentué ces mouvements de relocalisation. Les déterminants de la relocalisation La finalité de notre étude est d’analyser les facteurs décisionnels à l’origine du processus de relocalisation des approvisionnements, et la place du « Made in France » dans ces décisions. Les caractéristiques du processus de relocalisation sont variées et diffèrent selon les spécificités de l’écosystème de l’entreprise. C’est pourquoi un entretien semi-directif réalisé auprès de sept entreprises nous a paru indispensable pour analyser et comprendre les tenants et aboutissants de la relocalisation. Ces entreprises de tailles diverses sont toutes issues du secteur manufacturier et ont toutes délocalisé en Chine. Nous avons interrogé ces entreprises afin de déterminer les facteurs propices à la relocalisation des lignes de production ou de leurs approvisionnements. Chacune de ces sociétés a évoqué plusieurs facteurs, synthétisés dans le tableau n°1. Cette analyse révèle non seulement que le nombre et le type de facteurs décisionnels diffèrent d’une entreprise à une Excellence HA n°4 lll 45/56 Tableau n°1 : Nombre de facteurs favorables à la relocalisation par entreprise Compétitivité prix, hors-prix Coûts Cas 1 Cas 2 Cas 3 Cas 4 Cas 5 Cas 6 Cas 7 Occurrences Prix x x x x Délai, réactivité, accès au marché Hors-prix x x x x 4 Qualité Hors-prix x x x 3 Importance du «Made in France» Hors-prix x x Cluster Hors-prix x x Accès aux ressources Prix Compétences Prix x x x x 7 3 x x x x x 3 x 3 x 3 Flexibilité Hors-prix x x x 3 Respect des normes Hors-prix x x x 3 Rééquilibrage de la trésorerie Prix x x 2 Subventions et avances remboursables Prix x x 2 Occurrences 9 10 autre mais également qu’un seul critère est commun à l’ensemble du panel : le facteur « réduction des coûts ». Le « Made in France » n’est, quant à lui, évoqué que par trois entreprises. De la corrélation entre la durée de la délocalisation avant une opération de relocalisation et le nombre de facteurs Figure n°1 : La corrélation entre les types de relocalisation et le nombre de facteurs 3 6 2 2 4 inhérents à ce processus, trois grandes typologies se dégagent de notre enquête terrain : 1/ L’erreur de décision suite à une opération de délocalisation est identifiée 2 à 3 ans après avoir délocalisé. Seul un faible nombre de facteurs prime, mais dont le poids pèse lourd dans ce type de décision. Afin de contenir les pertes, l’entreprise opère cette démarche corrective, dans un contexte temporel très court. 2/ Celle de la montée en gamme s’apparente à une spécialisation de niche. En vue de détenir un avantage concurrentiel sur le marché visé, l’entreprise se doit d’être réactive. La relocalisation est effective sur une durée très courte et est très fortement motivée. 3/ Quant à la relocalisation dite d’arbitrage de l’attractivité du territoire, elle s’inscrit dans la durée. En effet, une fois que l’attractivité du pays d’accueil diminue, l’entreprise recherche une zone géographique plus attractive. Parfois, certaines entreprises, dans le cas ci-présent la société n°4, peuvent être catégorisées dans deux catégories. Elles se spécialisent tout en évoluant sur des territoires plus attractifs en termes de coûts. Une autre corrélation peut être établie entre les stratégies de relocalisation et les critères liés à la compétitivité prix et 46/56 Excellence HA n°4 T H È S E hors prix, tel que l’illustre la figure n°2. Le facteur coût est prépondérant dans le cadre d’une relocalisation suite à une erreur stratégique. La délocalisation s’est axée sur une étude de coûts incomplète, contrariée par la réalité du terrain. La relocalisation est alors une opération strictement contraire, motivée par le même facteur coût appuyé cette fois-ci par une étude TCO. La spécialisation sur un marché de niche (positionnement sur des segments dits premiums), initiée par un changement de stratégie insufflée par la Direction Générale, est essentiellement motivée par des facteurs qualitatifs. Cette montée en gamme impacte le choix des fournisseurs que ce soit en termes de la qualité ou du délai d’acheminement des composants, ou que ce soit en termes d’accès à l’innovation. La localisation est également primordiale, puisque les entreprises font du « Made in France » ou du label « Origine France Garantie » un de leur argument commercial. L’ensemble de ces composantes sont les éléments clés de l’avantage concurrentiel recherché. La sélection du lieu d’implantation se focalise sur des facteurs de décision à la fois quantitatifs et qualitatifs. Suite à la dégradation de ces mêmes indicateurs sur le territoire initial, l’entreprise vise à optimiser ou garantir le niveau de service, et ce à moindre coût. Le rôle des Achats Le « Made in France » suscite un réel engouement auprès des consommateurs français, c’est pourquoi l’obtention du label peut être incluse dans les facteurs qualitatifs de la relocalisation. Dans les trois premiers cas, où le « Made in France » était un critère important, la décision de relocaliser a été prise par la Direction Générale : le premier cas a consisté à relocaliser la production en France en faisant appel à un nouveau soustraitant. Dans les deux entreprises suivantes, la relocalisation a conduit à des investissements capacitaires en France. Dans ces trois sociétés, les achats ont été sollicités pour créer un écosystème local et garantir l’accès aux matières premières ou à un savoir-faire spécifique, ou encore assurer la proximité de l’approvisionnement. Dans les quatre autres sociétés, la décision de s’approvisionner plus près (respectivement en Europe de l’Est et en Italie) a été prise directement par le Directeur des Achats, après analyse du TCO d’une part, et en prenant en compte d’autre part des critères qualitatifs, comme la qualité, la réactivité, l’accès aux ressources ou encore les compétences locales. En conclusion, le rôle joué par les dirigeants Achats dans les cas étudiés a été ce que l’on pourrait qualifier de rôle « classique », à savoir l’accompagnement d’une décision de Direction Générale, ou la recherche de fournisseurs plus N ° 1 Figure n°2 : Compétitivité prix et hors prix par type de relocalisation performants au regard des objectifs habituellement poursuivis par les acheteurs. La responsabilité sociétale de l’acheteur, telle qu’énoncée en introduction, n’a jamais été citée comme un facteur pris en compte dans ces décisions de nearshoring . Cette conclusion est cependant à relativiser, et ce, à plusieurs niveaux : d’une part, la poursuite de la hausse des salaires en Chine, ainsi que la difficulté croissante de trouver des fournisseurs Chinois, davantage tournés vers leur marché intérieur, va pousser les acheteurs à se tourner vers des marchés plus proches, nombre d’études récentes soulignant que le TCO des produits d’Europe Centrale ou de l’Est est aujourd’hui très proche de celui des produits chinois ; la question qui se pose est celle de savoir si le mouvement de nearshoring, largement amorcé, s’arrêtera aux frontières françaises, ou les franchira. D’une part, nous avons analysé des cas datant de quelques années (les relocalisations étudiées ayant été réalisées entre 2010 et 2014 après un long processus de décision), avant la prise de conscience actuelle de la responsabilité territoriale de l’acheteur, qui se traduit aujourd’hui par l’organisation de colloques et conférences sur les « achats made in France », susceptibles de faire évoluer les mentalités. La vogue actuelle du « Made in France », si elle perdure, ou mieux, s’amplifie, peut inciter un certain nombre de Directions Générales à relocaliser la production ou l’assemblage des produits finis en France, impliquant les acheteurs dans la recherche de sous-traitants et fournisseurs français ; et, en l’absence de définition légale du « Made in France » (à l’exception de quelques secteurs ), est souvent considéré comme « Français » un produit dont 45% au moins de la valeur est constituée de composants d’origine française, même si le produit a été finalisé ailleurs ; c’est à ce niveau que les acheteurs pourront faire jouer leur responsabilité sociétale, en substituant des fournisseurs français à leurs fournisseurs low costs. n Excellence HA n°4 47/56 JEAN-LOUI S MARTIN Cette thèse professionnelle a été réalisée dans le cadre du Master DESMA de l’IAE de Grenoble en formation continue 2013/2014. Jean-Louis MARTIN a effectué sa thèse sous la direction de Vincent PLAUCHU. Pour toute demande d’information supplémentaire contactez : [email protected] LA CONTRIBUTION DES ACHATS D’EMBALLAGES à une politique d’achats durables L’épuisement des ressources naturelles, les menaces qui pèsent sur la biodiversité, le réchauffement global de la planète, ont sonné le glas d’un modèle économique linéaire basé sur le concept du « extraire, fabriquer, jeter ». Les Etats et les acteurs de l’économie mondiale sont à la recherche d’un nouveau modèle qui pourrait conjuguer développement économique et respect de l’environnement. Ce nouveau modèle porte un nom : l’économie circulaire. Nous avons donc cherché à comprendre comment les services achats vivaient cette transition. Nous avons choisi la famille achats d’emballages comme terrain d’expérimentation, pour déterminer si, au-delà de l’aspect sociétal, une politique d’achats durables et sa mise en œuvre par la famille emballages peut représenter un potentiel de création de valeur et quels sont les leviers à activer pour y parvenir. Les raisons qui poussent les organisations à mettre en œuvre une politique RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) Répondre aux exigences règlementaires de plus en plus marquées Si ces exigences sont parfois perçues par certaines entreprises comme coercitives, d’autres, de plus en plus nombreuses considèrent qu’elles permettent à leur organisation de faire évoluer leur gouvernance, voire leur Business Model. 48/56 La demande croissance des investisseurs La valeur d’une entreprise tend à ne plus être seulement mesurée sur ses résultats financiers, mais est également évaluée par les investisseurs sur son capital immatériel. La Responsabilité Sociétale des Entreprises est un des actifs intangibles qui composent ce capital immatériel. La gestion du risque et la protection de l’image de l’entreprise D’une façon plus générale, pour l’entreprise, la mise en œuvre d’une politique RSE est la façon la plus efficace d’éviter un éventuel scandale qui viendrait ternir sa réputation et impacter ses résultats. Ceci est particulièrement vrai en 2014, avec une population de plus en plus sensible aux enjeux environnementaux et dont les moyens de communication permettent une information quasi-instantanée. L’amélioration de l’attractivité de l’entreprise et de la productivité des salariés Certaines études quantifient ces gains de productivité à 16 %, conséquence en grande partie d’une motivation accrue de la part des salariés. Excellence HA n°4 T H È S E Le travail autour du thème du développement durable permettrait également une amélioration des relations de travail qui conduirait à une amélioration des performances des salariés. Le rôle des achats durables dans la mise en œuvre d’une politique RSE L’OBSAR définit l’achat durable comme « un achat intégrant, dans un esprit d’équilibre entre parties prenantes, des exigences, spécifications et critères en faveur de la protection et de la mise en valeur de l’environnement, du progrès social et du développement économique. L’acheteur recherche l’efficacité, l’amélioration de la qualité des prestations et l’optimisation des coûts globaux (immédiats et différés) au sein d’une chaîne de valeur et en mesure l’impact ». Nous complèterons cette définition avec la notion d’efficience qui nous semble majeure : une utilisation des ressources, d’abord raisonnée puis optimum, nous semble primordiale. La mission communément attribué aux Achats dans l’application d’une politique RSE est de : Porter les valeurs de son organisation - répercuter les exigences inhérentes à son organisation dans les cahiers des charges transmis à ses fournisseurs et effectuer sa sélection en considérant ces critères, - être l’ambassadeur de son organisation en s’efforçant de véhiculer ses valeurs, d’échanger les bonnes pratiques avec ses fournisseurs et d’envisager la mise en œuvre de projets communs d’éco-innovation. N ° 2 sant le respect des conditions commerciales contractualisées : il est primordial que les fournisseurs respectent les termes du contrat et n’engagent pas d’actions contraires à l’éthique de leur client. Réduire les coûts d’achats grâce aux achats durables Le volet économique du triptyque du développement durable est souvent oublié voire brocardé par certains qui ne peuvent concevoir l’association entre achats durables et réduction des coûts. Les achats durables sont pourtant bien soumis aux mêmes contraintes économiques que les autres méthodes d’achats. Travailler à l’analyse de la valeur, à l’éco-conception, à l’optimisation des ressources naturelles employées, permettra de réduire non seulement l’empreinte écologique de l’entreprise mais également ses coûts. L’impact est direct et quantifiable. La contribution des achats d’emballages à une politique achats durables La réduction à la source La réduction à la source est l’action par laquelle une organisation agit pour diminuer le poids et le volume de ses emballages et, ce faisant, réduire l’impact environnemental du produit en réduisant son coût. La réduction des coûts logistiques S’il est souvent délicat de modifier le dimensionnement des produits, il est en revanche plus facile d’adapter leur emballage aux spécificités des moyens de transport utilisés. L’acheteur packaging, en collaboration avec les concepteurs, se doit de veiller à l’ajustement de ces emballages, et ce afin d’optimiser le coefficient de remplissage des moyens de transport utilisés et des surfaces logistiques. Il participe ainsi à l’intégration des problématiques environnementales en amont de la Supply Chain dans sa sphère de responsabilité. Oublier de le faire reviendrait à éliminer 90 % des leviers potentiels de réduction de l’impact environnemental. La réduction de la contribution éco-emballages En travaillant sur la réduction à la source des emballages, les industriels peuvent, en sus des économies réalisées, réduire la contribution versée aux éco-organismes agréés. Gérer le risque inhérent à une politique d’impartition L’une des missions essentielles des achats est de sécuriser la relation commerciale avec ses fournisseurs, en garantis- L’impact sur les conditions de travail Réduire le poids ou le volume des contenants permet de réduire la pénibilité des opérations tout au long de la supply chain, y compris pour le client final. Excellence HA n°4 49/56 De la théorie à la pratique L’enquête que nous avons menée dans le cadre de notre recherche, nous a permis de conclure que : - L’efficacité d’une politique RSE est étroitement dépendante de la conviction de son équipe dirigeante. - La famille emballages est un terreau fertile pour la réalisation d’une politique d’achats durables. Le produit en lui-même se prête à la démarche : les solutions de substitution entre matériaux sont nombreuses, les organisations professionnelles sensibilisées et actives. De plus, il est souvent plus aisé de modifier le contenant d’un produit que son contenu. - La réglementation est l’élément moteur de la réduction de l’impact environnemental des emballages. Les exigences réglementaires forment le socle des politiques environnementales en place et orientent fortement celles-ci. - Les critères RSE ne sont pas intégrés dans les objectifs de performance des acheteurs. Nous n’avons pas pu, au cours de notre recherche, identifier une société qui incorporait un critère de « productivité environnementale » dans les objectifs de son service achats. - Si les acheteurs packaging travaillent en interne de concert, avec les concepteurs d’emballages, ils n’impliquent leurs fournisseurs que pour travailler la réduction à la source. Les entreprises faisant appel, dans la plupart des cas, à des fournisseurs d’emballages locaux voire nationaux, il est regrettable que ne se développent pas plus de projets communs d’éco-conception : en effet, les fournisseurs sont de formidables catalyseurs d’expériences et de bonnes pratiques. - Les logiciels d’éco-conception s’imposent comme des outils robustes pour calculer l’impact environnemental des emballages et mettre en place des plans d’actions pour réduire cet impact. S’il serait naïf de croire que toutes les entreprises, uniformément, pilotent leurs achats en utilisant leur politique RSE comme principal outil de navigation, de plus en plus d’entre elles ont désormais des exigences environnementales fortes envers leurs acheteurs. La famille d’achats packaging détient certains atouts pour instaurer et valoriser une politique d’achats durables et démontrer que l’on peut faire mieux avec moins. n Bibliographie MONCZKA Robert, HANDFIELD Robert, GIUNIPERO Larry, PATTERSON James, WATERS Donald, “Purchasing and Supply Chain Management” PLAUCHU Vincent, « Management Environnemental : analyses, Stratégies, Mise en Œuvre » 50/56 Excellence HA n°4 T H È S E LUCILA RODARO N ° 3 Consultante Achats au sein d’Atos Consulting. Lucila a réalisé sa thèse professionnelle dans le cadre du Mastères Spécialisé Management de la Fonction Achats de Grenoble Ecole de Management 2013/2014 sous la direction de Philippe Petit. ACHATS RESPONSABLES: LES 3WS Comment mesurer la performance durable tout en définissant des best practices Descriptif du contexte Cette thèse a été réalisée avec la collaboration de la direction des achats d’Allianz France pour laquelle j’ai effectué mon apprentissage pendant 15 mois. L’objectif était d’identifier quelques indicateurs qui peuvent aider à mesurer des pratiques responsables à l’aide de critères uniformes au sein d’un même groupe. L’idée de mesurer des pratiques durables ou responsables surgit des différents efforts que les sociétés et en particulier les directions d’achats, comme celle d’Allianz France, font pour être conforme aux différentes normes et réglementations, autant locales qu’internationales (ex. norme NF X50135, la Charte et le Label Relation Fournisseur Responsable, entre autres). L’intérêt de cette thèse était cependant d’aller plus loin dans la démarche. Pour ce faire, cette thèse redéfinit les achats responsables à travers 3 catégories (les « 3Ws ») comprenant 9 bonnes pratiques et leurs KPIs pour les mesurer, un système de reporting et un modèle de plan d’action. L’idée est de mesurer les pratiques responsables des achats pour chaque direction d’un même Groupe afin d’établir et d’atteindre une stratégie uniforme vers des achats responsables. 2ème partie : Les 3Ws, les Best Practices et les KPIs Les « 3Ws » (sigle en anglais indiquant : « Wealth, Within, World ») sont choisis pour être la base de cette démarche. Pris séparément, les trois mots font seulement référence à des catégories individuelles mais, ensemble, ils définissent une devise : wealth within world. Ceci est ce que les achats responsables promeuvent : « avoir une démarche durable afin d’être en ligne avec les considérations économiques de la direction d’achats (wealth), impliquant les parties prenantes du processus achats, les acheteurs (within), tout en prenant en compte les facteurs externes et macro d’aujourd’hui (world) ». Apporter du bien-être en interne (au niveau de l’entreprise) et en externe (au niveau sociétal et environnemental). Les trois catégories sont constituées de 9 Bonnes Pratiques destinées à délimiter le cadre des achats responsables. De la même manière, ces bonnes pratiques forment des KPIs (indicateurs clés de performance) qui ont pour objectif de mesurer les bonnes pratiques et la performance durable au sein des directions des achats d’un même Groupe : Wealth La première catégorie est liée aux aspects légaux et économiques des directions des achats : - Prendre des mesures pour être conforme aux modalités de paiement, - Etre attentif et réagir au risque de dépendance, - Evaluer le TCO afin de prendre une décision ou une préconisation achat Within La deuxième catégorie est liée aux aspects internes de l’entreprise, plus spécifiquement, à différentes mesures pour Excellence HA n°4 lll 51/56 World Le troisième et dernier pilier met en avant les aspects externes à l’entreprise, non seulement les facteurs environnementaux, mais aussi les dimensions sociétales et économiques : - Evaluer les externalités environnementales qu’une décision peut générer, - Inclure dans la consultation les fournisseurs de secteurs adaptés et protégés et leur donner l’opportunité de participer à la consultation, - Promouvoir l’activité locale en développant des partenariats avec des PMEs. Comment cela fonctionne-t-il ? lesquelles l’acheteur est responsable ou des mesures liées directement à l’acheteur : - Apporter de la transparence et un traitement égal à tous les fournisseurs lors des processus de consultation en considérant des critères autres que le prix pour prendre une décision/ préconisation achat, - Etablir des objectifs aux acheteurs afin d’être conforme avec chaque catégorie et indicateur de performance, - Former les acheteurs afin d’être conforme aux différents aspects de ces trois catégories. Avant tout, le Groupe doit définir les objectifs pour chaque indicateur et la mesure à l’aide de ratios pour chaque objectif. Ceci sera dépendant de la politique et stratégie du Groupe selon la culture de l’entreprise. La direction des achats principale du Groupe évaluera ensuite, à travers un reporting, chaque direction des achats du groupe en considérant les 9 indicateurs clés majeurs. Elle évaluera par la suite le risque et la stabilité de chaque indicateur afin de demander un plan d’action à la direction des achats locale. Dans le cas des entreprises pour lesquelles les directions des achats sont décentralisées, les indicateurs auront pour même finalité de mesurer la performance. Résumé des KPIs : % of bills that have been paid out of the sphere of the contractual obligations, % of bills that have been paid in 60 days from invoice date, Payment Terms A concrete engagement vis-à-vis the suppliers and internally, Is there a reporting system to notify buyers/ suppliers in case of non-compliance? Number of actions taken in order to help diversification, % of SME suppliers, WEALTH Dependency Risk % of business done with a SME when the turnover of the SME represents over 25%, Number of actions taken in order to make buyers and stakeholders conscious and aware of the suppliers’ economic dependency, Communication strategy with suppliers in order to be transparent and aligned with the companys commitments, % of purchase that has had a TCO analysis, TCO % of savings achieved due to a TCO approach, % or Number of buyers using a TCO approach, 52/56 Excellence HA n°4 T H È S E WITHIN WORLD N ° 3 % of tenders including social and environmental responsibility selection criteria, Selection of criteria indicators in order to make sure that fairness is respected, Tender Process Respect and compliance of the procurement process: % of tenders that respect the different steps of the process, % or Number of buyers that have annual / monthly objectives, Buyers’ Objectives % of objectives designed to meet CSR requirements, % of objectives achieved by the buyers. % or Number of buyers trained for each indicator, Training Hours of training programed per year % of main suppliers that had been certified on their environmental policy, % of purchase of products/ services linked to environmental/“green” initiatives, Environmental Risk % of products purchased that give an extra environmental value, Number of actions taken to evaluate and reduce CO2 emissions, % of reduction of the carbon footprint, % of preferred suppliers from protected and adapted sectors, Social Inclusion % of purchase done with suppliers from protected and adapted sectors, % of tenders/ sourcing including suppliers from protected and adapted sectors, % of business developed with SME, Local Activity % of purchase done with local SME, % of local SME included in tenders. Processus Conclusion Les 9 KPIs peuvent offrir une visibilité davantage globale à la Direction des Achats Groupe sur les aspects durables et responsables de chaque direction des achats locale. Par conséquent, la première pourrait prendre des mesures correctives pour aligner les différentes DA locales sur la même stratégie durable du Groupe et de cette façon opérer dans les domaines des achats d’une manière responsable. Cette thèse n’a pas pour finalité de se mettre en concurrence avec des normes ou règlementations internationales. Le but est de proposer aux entreprises, quelque soit le secteur d’activité, une manière différente de comprendre les bonnes pratiques achats ainsi qu’une façon de mesurer la conformité tout en gardant une démarche responsable. Cette démarche peut être implémentée à toutes les entreprises qui cherchent à avoir une approche et stratégie d’achat uniformes, durables et responsables. n Excellence HA n°4 53/56 C R I T I Q U E D ’ O U V R A G E Hugues Poissonnier, Président du Comité Scientifique / Editorial Board CRITIQUE CROISÉE D’OUVRAGES : l l L’économie circulaire – Comment la mettre en œuvre dans l’entreprise grâce à la reverse supply chain ? Purchasing and supply chain management – A sustainability perspective C omme dans le précédent numéro d’Excellence HA, la qualité et le nombre des contributions récentes sur le thème de la responsabilité des acheteurs nous a amené à proposer une critique croisée d’ouvrages. Prix ACA-Bruel 2015, l’ouvrage de Rémy Le Moigne propose à la fois une réflexion stimulante et des pistes de mise en œuvre très concrètes sur l’économie circulaire. Nul besoin de rappeler l’intérêt écologique de la démarche dans un contexte de raréfaction de nombreuses ressources. Au-delà de la réduction de l’empreinte environnementale, l’impact social apparaît d’ailleurs également essentiel en ce sens que la difficulté d’accès aux ressources est génératrice d’inégalités et de tensions de plus en plus fortes. La réutilisation, la réparation, la refabrication et le recyclage des produits procèdent également, et c’est un point important mis en évidence par l’ouvrage, d’une véritable logique économique. Les quelques soixante exemples cités dans l’ouvrage témoignent à la fois de la pertinence de la démarche du point de vue de la réduction des coûts et de la création de valeur, mais aussi des possibilités de mise en œuvre. Rémy Le Moigne insiste sur les possibilités offertes par le reverse supply chain management. Ce dernier repose sur la récupération des produits usagés avant leur réintroduction dans le cycle de production, de distribution et d’utilisation. Sur ce point précis, l’ouvrage publié par Thomas E. Johnsen, Mickey Howard et Joe 54/56 Miemczyk apporte des précisions complémentaires. Animés par la volonté de proposer un véritable manuel d’achats et de supply chain, les auteurs prennent le partis d’intégrer la perspective « responsable » ou « durable » tout au long des processus. Voilà sans doute la principale caractéristique de l’ouvrage, et sa qualité essentielle, qui lui a valu de recevoir le prix « coup de cœur du jury » lors du dernier Gala des Achats de décembre 2014. Alors que la RSE apparaît un peu « saupoudrée » au sein de quelques chapitres dans de nombreux ouvrages, celui-ci en fait une préoccupation constante. Les différentes étapes des processus achats et supply chain sont illustrées de nombreux exemples bienvenus et mobilisent les dernières avancées de la recherche. L’ambition, largement atteinte, confère à l’ouvrage une originalité réelle en dépit du nombre d’ouvrages existant sur le sujet. Si ces ouvrages s’avèrent particulièrement utiles aux étudiants en économie circulaire (discipline de plus en plus enseignée) et plus largement en achats, ils se veulent également de véritables guides pratiques pour la mise en œuvre d’achats éclairés dans tous types d’organisations (entreprises privées petites ou grandes, administrations publiques,…) en présentant des modalités concrètes de mise en œuvre de la responsabilité de l’acheteur, décidemment protéiforme. n Excellence HA n°4 COMITÉ DE RÉDACTION ET COMITÉ SCIENTIFIQUE La diversité des horizons et des fonctions exercées par les membres de notre comité scientifique, à l’origine de sa richesse, ont représenté, au moment de sa constitution, un réel objectif. L’enthousiasme de ses membres au moment de confirmer leur implication dans la revue Excellence HA nous a permis de réaliser ce premier objectif. A l’avenir, de nouveaux membres auront vocation à donner à la revue un caractère davantage international. Experts académiques, praticiens éclairés et professionnels du conseil en achats sont donc réunis au sein d’une équipe qui a vocation à garantir à la revue Excellence HA une pluralité de points de vue et de riches débats sur des sujets actuels et d’avenir. Hugues Poissonnier Directeur de la Publication : Marc Sauvage, Président de la CDAF Comité de rédaction : l l Nicolas Kourim, Rédacteur en chef, Président Big Fish l l Jacques Liouville, Professeur Université de Strasbourg l Salvator Maira, Directeur de l’IRIMA l Fabrice Menelot, Président Crop & Co l Hugues Poissonnier, Président du Comité Scientifique / Editorial Board, Professeur à Grenoble Ecole de Management et Directeur de la Recherche de l’IRIMA l l Richard Calvi, Professeur IAE Savoie Mont-Blanc l l François Girard, Directeur Délégué de la CDAF l l Fabienne Fel « guest editor » l l Comité Scientifique / Editorial Board : l l Oihab Allal-Chérif, Professeur Associé à KEDGE l Jacques Barrailler, ancien directeur du SAE l l Valérie Bost, Présidente HL l l Jean Bouverot, Chef de la Mission Achats au Ministère de la Défense Patrick Le Laouenan, ancien Rédacteur en chef de Profession Achat Olivier Menuet, Directeur Délégué des Achats Durables et Solidaires SNCF Nathalie Merminod, Maître de Conférence à l’Université d’Aix-Marseille Luc Mora, Directeur Associé Big Fish Haithem Nagati, Professeur ICD International Business School Gilles Neubert, Professeur ESC St Etienne Jean-Jacques Nillès, Maître de Conférences IAE Savoie Mont-Blanc Gwenaëlle Nogatchewsky, Maître de conférence à l'Université Paris Dauphine Jean Nollet, Professeur HEC Montréal Gwenaëlle Oruezabala, Maître de Conférences, IAE de Poitiers l l Gilles Paché, Professeur, Université Aix-Marseille Olivier Bruel, Professeur HEC l l Pierre Pelouzet, Médiateur des relations inter-entreprises Gérard Brunaud, Vice Président de l'OBSAR l l Philippe Portier, Professeur EM Lyon Bruno Cracco, Managing Director, bengS l Jean Potage, ancien Directeur des Achats de Thales Daniel Delacour, Vice Président des Opérations, Surface Radar, Thales Air Systems l Marc Sauvage, Président de la CDAF l Natacha Tréhan, Maître de Conférences IAE Grenoble l l l l Brigitte de Faultrier, Professeur ESSCA Olaf de Hemmer Gudme, International Business Manager – Purchasing, Lowendal Masaï John Henke, Professeur Oakland School of Business Administration l Laurent Jéhanin, ancien Directeur Achats de Safran l Thomas Johnsen, Professeur à l’ESC Rennes l Marie-Anne Le Dain, Maître de Conférences INPG l l Osamu Uehara, Président de l’Institute for Supply Management Japon Laurence Viale, Professeur Ecole de Management de Strasbourg Crédits photos l page 2 : © François Girard Excellence HA n°4 55/56 !! Il est urgent de prendre soin de votre écosystème. ® Parrainez une PME ! Affirmez votre Responsabilité Sociétale d’Entreprise et transformez votre écosystème fournisseur en communauté de confiance en tendant la main aux PME à fort potentiel de création de valeur. FrontSwimmer® http://frontswimmer.com/fr/parrainez-une-pme/ Avec le soutien de En partenariat avec BLOOMING Partners Copyright © 2015 FrontSwimmer SAS. Tous droits réservés. FrontSwimmer et “Parrainez une PME” sont des marques déposées de FrontSwimmer SAS.