Parcours d`intégration ou parcours d`accueil de Wallonie à Bruxelles

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Parcours d`intégration ou parcours d`accueil de Wallonie à Bruxelles
Parcours d’intégration ou parcours
d’accueil de Wallonie à Bruxelles
Par Sabine Beaucamp
Présence et Action Culturelles
Ces derniers mois, le Gouvernement planche beaucoup sur le projet de loi du
parcours d’intégration. Concrètement ce parcours concernera toute personne
étrangère séjournant en Belgique depuis moins de trois ans et disposant d’un titre de
séjour de plus de trois mois, à l’exception des citoyens d’un Etat membre de l’Union
européenne, de l’espace économique européen et de la Suisse et les membres de
leurs familles. Ce projet en question ne prendra pas tout à fait les mêmes proportions
et significations que l’on soit en Wallonie ou à Bruxelles. Explications.
L’appellation en elle-même présente d’emblée une divergence, si on la nomme parcours
d’intégration en Wallonie, à Bruxelles on lui préfère le nom de parcours d’accueil. A priori,
l’intégration exprime davantage une dynamique d’échange, dans laquelle chacun accepte de
se constituer partie d’un tout où l’adhésion aux règles de fonctionnement et aux valeurs de la
société d’accueil, et le respect de ce qui fait l’unité et l’intégrité de la communauté
n’interdisent pas pour autant le maintien des différences.
Quoi qu’il en soit, ce parcours d’accueil ou d’intégration ( peu importe le terme que l’on
utilise, pourvu que l’on parte du même principe), comprendrait :
En Région de Bruxelles-Capitale
Quatre étapes : L’accueil via un bureau local ; Une formation à la langue française ; Un
module de citoyenneté ; Une orientation socioprofessionnelle.
En Région wallonne : L’accueil (obligatoire) sera personnalisé et comportera quatre axes
minimum également : une information pertinente sur les droits et les devoirs de chaque
personne résidant en Belgique (ce premier axe représente donc l’accueil) ; un bilan social :
bilan des connaissances (langue française, formation professionnelle, diplômes,…) et
attentes du candidat. Il s’agit là du deuxième axe : l’apprentissage du français comme langue
étrangère. Une aide à l’accomplissement des démarches administratives : cet accueil
permet, en outre, de conseiller les primo-arrivants dans leurs démarches administratives de
première ligne afin de leur permettre de répondre rapidement à l’ensemble de leurs
obligations et de bénéficier des droits essentiels (logement, soins de santé, scolarité,…)
troisième axe donc ce que l’on appelle : le module de citoyenneté et enfin l’orientation
socioprofessionnelle, en effet la réussite de l’intégration dépend, pour une large part, de
l’exercice d’un emploi régulier et stable.
Pour les deux Régions, à moins d’exemptions définies dans l’arrêté, la participation à cet
accueil est obligatoire dans un délai de trois mois à dater de sa première inscription dans
une commune.
La mise en place : ses avantages, ses revers
En pratique le module de citoyenneté sera organisé et coordonné par les Centres régionaux
d’intégration. Les centres mettront en place des bureaux locaux et coordonneront
l’accompagnement individualisé des primo-arrivants tout au long du parcours. Une
convention sera passée entre les deux parties. Cette convention d’accueil et d’intégration
sera conclue, sur une base volontaire, entre le bénéficiaire et le centre. Elle dressera un plan
de formation, en adéquation avec son bilan social, en langue française, en citoyenneté et un
accompagnement socioprofessionnel. Ce parcours s’échelonnera sur une durée maximale
de deux ans. Cette convention reprendra les droits et les devoirs du primo-arrivant mais
également ceux qui incombent à la Région wallonne et/ou bruxelloise. Elle garantit au
bénéficiaire : un suivi individualisé, un soutien à l’intégration qui se traduit notamment par
une offre de formations et de services. Le bénéficiaire, pour sa part, s’engage à participer
pleinement au parcours. Le parcours d’intégration porté par le Gouvernement wallon est un
contrat social proposé aux migrants auquel la Wallonie demande d’adhérer. Ce contrat
présente les droits mais aussi les obligations de chacun. En effet, les Régions s’autoriseront
à imposer une amende administrative au primo-arrivant ne remplissant pas ce contrat avec
la commune.
Déroulement de ces missions
Les missions des centres régionaux consisteront à la mise en place, la coordination,
l’évaluation et la promotion du parcours en lien avec le comité de coordination créé à cet
effet et dont le Gouvernement a défini la composition.
En Région bruxelloise, ce parcours comprendra l’étude obligatoire du français ou du
néerlandais pour les primo-arrivants - avec des exceptions toutefois pour les ressortissants
d’un pays de l’Union européenne et le personnel diplomatique ainsi que des organisations.
Si la préférence est marquée pour l’appellation « parcours d’accueil » à celui
« d’intégration » en Wallonie ou « d’inburgering » en Flandre, il n’empêche que les objectifs
restent similaires. L’objectif étant avant tout de faciliter les démarches administratives,
acquérir les connaissances de base sur le fonctionnement de la société belge, participer à la
vie sociale et culturelle.
A la différence du Gouvernement wallon, qui propose un parcours sur base volontaire, le
Gouvernement bruxellois souhaite qu’il soit contraignant dans son volet d’apprentissage du
français ou du néerlandais. En effet, c’est surtout le meilleur moyen d’éviter le repli sur soi
qui peut gagner les communautés. L’absence d’une base linguistique peut constituer un
handicap au défi du vivre ensemble au quotidien. Le ministre-président Charles Picqué
plaide aussi pour que soient concernés tant les citoyens européens que non-européens.
L’instauration d’un tel parcours d’accueil coûterait environ quinze millions d’euros par an,
selon les premières estimations. Les nouvelles entrées proviennent pour l’essentiel du
regroupement familial et de l’application du droit d’asile. Subsiste de plus une immigration
irrégulière difficile à mesurer. Le choix des entrants est donc en fonction de critères
prédéfinis et volonté du candidat à l’installation de s’inscrire dans un parcours d’accueil.
La vigilance reste de mise : des éléments sont à observer
En effet, si l’on prend le rapport de la Cour des comptes qui date de novembre 2004 sur
« l’accueil des immigrants et l’intégration des populations issues de l’immigration ». Déjà à
cette époque, il énumérait et mettait en exergue les signes révélateurs d’une crise du
processus d’intégration : d’une part, la concentration d’une fraction importante de la
population immigrée dans des zones où les difficultés socioéconomiques s’accumulent.
Ensuite, une situation économique et sociale dégradée d’un grand nombre d’immigrants et
de leur famille. La résurgence du maintien de pratiques discriminatoires (en matière de
logement, travail, etc.) est toujours d’actualité. Enfin, bon nombre d’étrangers qui restent en
situation irrégulière, aux conditions de vie précaires génératrices de « désordres » divers
(travail clandestin, délinquance) et qui de ce fait entretiennent pour une partie de la
population, la suspicion vis-à-vis de l’ensemble des étrangers.
A titre comparatif, qu’en est-il chez nos voisins français ?
Dès 1989, a été mis sur pied en France le Haut Conseil à l’intégration (HCI). Il s’agit d’ une
« instance de réflexions et de propositions » instituée sous le Gouvernement de Michel
Rocard et rattachée aux services du Premier ministre. Celle-ci a pour objectif d’élaborer un
rapport annuel et émettre des avis consultatifs à la demande du Gouvernement sur «
l’intégration des résidents étrangers ou d’origine étrangère ». Elle est assistée depuis 2004
de l’observatoire des Statistiques de l’immigration et de l’intégration.
Comparativement nos voisins français, imposent pour ce parcours d’intégration le suivi d’
une formation civique portant sur les institutions françaises et les « valeurs de la
République » Rappelons que la laïcité est le principe qui établit sur le fondement d’une
séparation rigoureuse entre l’ordre des affaires publiques et le domaine des activités à
caractère privé, la neutralité absolue de l’Etat en matière religieuse et égalité entre hommefemme notamment. Doublée d’une formation linguistique (modulée suivant les besoins
individuels et validée par un diplôme). S’y ajoutent ensuite des sessions d’information sur
l’organisation de la société française (système de santé, garde des enfants, enseignement
etc.) ainsi qu’un bilan des compétences professionnelles. Les formations sont gratuites. Ce
parcours d’intégration semble encore bien plus rigoureux qu’en Belgique.
Qu’en pense les associations ou ONG qui défendent les droits de l’homme ?
A vrai dire, la question de l’obligation du parcours divise le monde associatif concerné
directement par la problématique. Par exemple le Ciré adhère à ce projet à condition d’y
mettre les moyens. D’un point de vue « pratique » déclare Fred Mawet (directrice du Ciré),
« si obligation il y a, il faut pouvoir assumer les conséquences d’une telle décision en termes
de mise en œuvre ». Et donc que l’offre puisse suivre la demande. Se référant à la
conception d’ « inburgering », le Ciré tient à mettre cependant en évidence trois axes de
travail qui sont pour rappel :
1. l’apprentissage de la langue
2. la participation à un module « orientation au sein de la société » (qui comprend la
dimension « citoyenneté)
3. ainsi que l’orientation professionnelle pour les demandeurs d’emploi.
Le Ciré a listé un certain nombre d’outils pratiques souhaitables pour que le parcours
d’intégration puisse se passer dans les meilleures conditions. Les missions locales proches
des habitants, les professeurs en promotion sociale, des bureaux d’accueil capables de
centraliser en un seul lieu l’organisation des diverses activités du parcours d’intégration.
Enfin, des lieux d’information, de préférence en contact régulier avec les étrangers qui
viennent d’arriver en Belgique, telles les communes, les services sociaux, les missions
locales, les associations de quartier.
Mais doit-on émettre des craintes et réticences ?
Certainement, car cette logique de la procédure du parcours d’intégration ne fait pas
l’unanimité dans certains milieux associatifs, notamment parmi ceux qui interviennent sur les
questions liées au droit des immigrés, mais aussi chez ceux qui militent contre le racisme ou
contre les exclusions. L’avis du Ciré en est un, mais d’autres reprochent un certain nombre
d’éléments , à manifestement sous prétexte de favoriser l’intégration, on peut y voir la
volonté de chercher surtout à limiter le nombre des installations régulières en les rendant
plus difficiles : la capacité à s’intégrer devenant un critère de tri dans la mise en œuvre d’une
« politique d’immigration choisie ».
Ne s’adressant qu’aux nouveaux arrivants réguliers, elle ne peut pas non plus, par définition,
avoir d’effet sur les populations les plus anciennement installées et dont « l’intégration »
reste encore souvent problématique ("ghettoïsation" dans les quartiers difficiles, échec
scolaire, chômage, racisme, etc.). Ce projet reste aussi sans effet sur les immigrés
clandestins, les sans papiers, dont il risque même d’augmenter le nombre en rendant plus
contraignantes les conditions d’installation légale.
Le parcours d’accueil ou d’intégration amènera la personne concernée à devoir désormais
s’intégrer (et le prouver) avant même d’avoir la garantie d’un séjour stable. Reste maintenant
à le concrétiser par des textes de loi adoptés par l’ensemble du Gouvernement belge. Au
fond, Il s’agit ni plus ni moins d’une question qui concerne tout citoyen lambda : Comment
mieux vivre ensemble, en harmonie à l’aune de l’horizon 2022 ? Cela passe par un
enrichissement et une meilleure compréhension des Cultures et de cohésion sociale. Pour
cela il faut mettre impérativement en place les moyens pour favoriser le bien-être de chacun.
Le parcours d’intégration ou d’accueil fait entre autres partie des structures étatiques qui
porteront cette responsabilité. L’objectif du Gouvernement étant que le nouveau décret soit
adopté pour une entrée en vigueur le 1er Janvier 2013. Nous verrons alors à l’usage les
bienfaits et les méfaits d’un tel projet de loi.
Sources bibliographiques :
Note du Cabinet d’Eliane Tillieux, ministre de la Santé, de l’Egalité des Chances et de
l’Action Sociale.
Et si on rendait l’intégration plus attrayante - Alter Echos, 28 juin 2012.
Rapport de Caritas International.
Un parcours d’intégration aussi à Bruxelles - Note du Cabinet de Charles Picqué, Ministre Président de la Région de Bruxelles-Capitale, 11 juillet 2012.
Rapport de la Cour des comptes de Novembre 2004 sur « l’accueil des immigrants et
l’intégration des populations issues de l’immigration ».
« Les piliers de la politique de l’intégration » Haut Conseil à l’intégration (HCI), Rapport de
Janvier 2007.
CREDOC , Rapport 2011 « l’encadrement des Français d’origine étrangère et originaires des
DOM-TOM.
La réponse du Ciré –RTBF Belgique, 20 septembre 2012.
Charte sociale européenne-Comité européen des Droits sociaux .
Analyse 2012-17 – Présence et Action Culturelles