I. “La privation de liberté des mineurs : Une solution pour qui
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I. “La privation de liberté des mineurs : Une solution pour qui
I. Bulletin trimestriel à l'attention des sections francophones de DEI — n°12 - mai 2002— Conférence débat du 20 mars 2002 “La privation de liberté des mineurs : Unesolutionpourqui ?Pourquoi ?” Compte rendu par Jémy NZEYIMANA* Jusqu’au 1er janvier 2002, la loi belge relative à la Protection de la jeunesse permettait de mettre en prison des mineurs, pour une durée de 15 jours et à des conditions très précises. L’utilisation de cette disposition était régulièrement abusive (rappelons que la Belgique a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme à ce sujet). Cette disposition a donc été abrogée (le Parlement ayant pris la précaution de prévoir un délai de trois ans pour permettre aux gouvernements de prendre les dispositions adéquates). Deux mois après l’entrée en vigueur de cette abrogation, une loi adoptée dans la précipitation crée une nouvelle possibilité d’enfermement pour une durée de 2 mois et cinq jours dans un centre fédéral fermé. C’est dans ce contexte que DEI Belgique-francophone a organisé une conférence débat dont voici le compte rendu. A. Introduction Par Benoît Van Keirsbilck président de DEI-Belgique francophone La Belgique a fait choix, dans un contexte sécuritaire, de se doter d’une nouvelle infrastructure de privation de liberté pour les mineurs. Le projet présente cette réponse à la délinquance des mineurs comme une solution incontournable pour garantir la sécurité publique. Les médias font une même présentation. Depuis des mois, il ne se passe pas une semaine Droits de l'enfant international Bulletin trimestriel de DEI — n°12 - mai 2002— Section belge rédaction : Fabienne Druant [email protected] rue du Marché aux Poulets 30 1000 Bruxelles Tél. : 0032 2 209.61.63 Fax : 0032 2 209.61.60 Section française rédaction : Gervais Douba [email protected] rue Coquillière, 30 75001 Paris Tél. : 0033 6 86.81.40.73 Fax : 0033 6 48.44.99.27 sans que des faits divers impliquant des mineurs soient présentés comme l’information centrale de l’actualité. Les juges de la jeunesse, le parquet, la police, alimentent allègrement ces mêmes médias qui se font complaisamment l’écho de leurs difficultés. Nombre d’émissions sont consacrées à la délinquance, aux institutions publiques de placement de protection de la jeunesse. Qu’est-ce que la société leur a proposé avant de les priver de liberté ? En quoi, à quoi et pour qui la privation de liberté apporte-t-elle une solution ? Mais aussi : quels sont les effets de cette mesure, sur le jeune, sa réinsertion dans la société et donc sur la sacro-sainte “ sécurité publique ” ? Le message semble univoque : les jeunes sont de plus en plus dangereux ; la société doit s’en protéger ; il n’y a rien d’autre à faire que de les enfermer. Choisir la privation de liberté pour répondre à un certain nombre d’actes n’est certainement pas neutre. Il s’agit d’un choix de société déterminant, d’autant plus qu’on sent qu’il s’agit de la pierre angulaire des projets de réforme. La Ministre de l’aide à la jeunesse a dû accepter du Ministre de la Justice, la création d’un centre de détention pour mineurs, malgré toutes ses déclarations précédentes. La pression était trop forte, nous a-t-on expliqué. Tous les textes internationaux présentent pourtant la privation de liberté comme la mesure ultime, dont la durée doit être limitée au maximum. Il se peut aussi que la difficulté de “vendre” le travail réalisé par les centaines d’éducateurs, de travailleurs sociaux, … en Communauté française, ait permis qu’une telle décision soit prise dans un laps de temps record, sans véritable débat. L’équation jeunes=délinquants=insécurité est posée. A l’heure du “politiquement correct”, il ne convient pas de la remettre en cause, sous peine de passer pour un doux illuminé ou un dangereux anarchiste. Dès lors, par un raccourci saisissant, la solution de l’enfermement s’impose. Les jeunes sont-ils aussi délinquants qu’on l’affirme ? Qu’est-ce que cette délinquance dont on parle ? Que fait-on réellement et concrètement pour nous conformer à cette obligation ? Nombre d’auteurs ont pourtant écrit sur les effets de l’enfermement ou poussent à intégrer dans la réflexion sur la délinquance juvénile, le contexte social dans lequel elle se développe. On ne peut pas faire abstraction non plus de la responsabilité de la société, dans différentes de ses composantes, sur la situation et l’évolution de certains de ses membres. “ La peine de prison constitue un traitement inhumain et dégradant, le vécu de la prison constitue un traitement inhumain et dégradant. La prison ne résoudra aucun des problèmes que l’on entend résoudre par cette raison punitive. Au Quels sont ces jeunes, quel est leur parcours ? * Juriste Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 II. contraire, toute l’expérience carcérale le montre pour les adultes et pour les mineurs : la prison crée la violence de la prison. Ce n’est rien d ‘original puisque ce discours est l à depuis la naissance des prisons. Il faut arrêter à un moment donné ; cette question d e la prison, particulièrement en ce qui concerne les jeunes, il faut la refuser à tout prix. (…) Tant que la prison est là, on continuera à l’utiliser. ” (Françoise Tulkens, lors du Colloque du 5 décembre 1997 à Louvain La Neuve). “ Le nombre d’enfermement s’accroît périodiquement en Belgique. Apparemment, ceci est à mettre en corrélation avec, d’une part, le climat social et d’autre part, le nombre et la disponibilité de places prévues dans les institutions fermées. (...) Entre 1978 et 1985, le nombre de mineurs gardés en maison d’arrêt a décuplé (…). Il ne suffit pas d’abroger un article de la loi ou de se nourrir de l’illusion que des modifications dans la terminologie utilisée correspondent à un changement réel de l’approche du jeune, pour que les possibilités d’enfermement soient enrayées. Les juges, même les plus imprégnés du principe du ‘dernier recours’ continueront à chercher des places en institution fermée ou, s’ils sont à court de meilleurs moyens et d’idées, ils choisiront, devant le constat de leur échec, de renvoyer la balle à une autre instance, donc de se dessaisir au profit de la justice des majeurs. (…) On sait pourtant que, lorsque deux personnes privées de leur liberté se côtoient, la meilleure est contaminée, sans que la pire ne s’améliore ” (Christian Maes ; “ Différence entre finalités réelles et avouées de l’intervention vis-à-vis des mineurs en conflit avec la loi ”, in Les droits de l’enfant en détention préventive, actes de la journée du 6 mars 2001, Cahiers des droits de l’enfant, vol. 8, p. 32 et suivantes). C’est donc pour faire entendre un autre discours dans ce concert que DEI Belgique a décidé d’organiser cette conférence. Je remercie les orateurs d’avoir accepté d’intervenir ici. B. Mieux vaux prévenir qu’incarcérer : pour une réduction efficace de la criminalité Par Irvin WALLER professeur à l’Université d’Ottawa, Conseiller international en réduction de la criminalité Pour Monsieur WALLER, la prévention vaut mieux que l’incarcération. Son exposé a porté principalement sur les résultats d’analyses, d’étu- Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 des et de recherches qu’il a effectuées sur le phénomène de la criminalité. De ces résultats, il ressort des propositions pour la prévention et la diminution efficace et responsable de la criminalité. Il a démontré que la criminalité engendre des coûts énormes à la société. Ainsi, selon les chiffres américains pour diminuer la criminalité de 10 %, il faut une augmentation de 250 $ US d’impôts sur les ménages. Selon WALLER, l’augmentation des policiers, la construction des prisons, le renforcement des mesures de sécurité présentent un coût très élevé mais ne contribuent pas à la diminution de la criminalité. La prévention s’avère nécessaire et consiste à investir dans les programmes pour aider les jeunes à surmonter les problèmes de la société : scolarité, emploi, amélioration de la vie des familles. Il ne faut plus investir dans les prisons. Plus il y a des prisons, plus il y aura des personnes qui y seront incarcérées. Il faut par exemple collaborer avec les travailleurs qui œuvrent dans le secteur de l’aide à la Jeunesse. La prévention est très rentable. WALLER suggère une politique de la diminution de la criminalité, par exemple au lieu d’augmenter le nombre de policiers, les Etats devraient investir dans les mesures qui tendent à l’amélioration de la vie des jeunes et de leurs familles. Les statistiques ont démontré que depuis une période de 50 ans (1940-1999) la criminalité a commencé à diminuer par ce que les gouvernements ont investi plus dans les institutions d’insertion des jeunes à risques et de leur famille. Monsieur WALLER propose des projets qui attaquent les facteurs de risques sociaux : - éducation parentale cohérente, - intégration à l’école, - relation positive entre l’école, la famille et l’élève, - amélioration des aspects cognitifs, - réintégration du délinquant avec l’école et la famille. En Californie, 61 % de la population est contre l’enferment des personnes condamnées pour la 1ère ou la 2ème fois pour avoir consommé de la drogue. La population veut plutôt que l’Etat investisse (120 millions de dollars US chaque année) dans la collectivité pour des programmes permettant l’amélioration de la vie des jeunes et de leurs familles. En Angleterre les débats sur les adultes en prison ont permis la mise en place d’une politique nationale qui équilibre la répression et la pré- vention. Un investissement de 450 million de dollars US a été débloqué dans les programmes pour les adolescents à risques et les victimes potentielles, dans l’établissement d’un partenariat de chaque municipalité avec la police pour rendre la ville plus sûre, dans la formation de la police, dans la création d’une commission responsable pour la justice des jeunes. Monsieur WALLER nous a tracé un peu les résultats des programmes pour la réduction de la criminalité dans certains Etats notamment : USA, France et Pays-Bas. - Aux USA, la réduction de la criminalité dans les années 90 est due à la diminution démographique, à la diminution du taux de chômage des jeunes de 15 à 25 ans. - En France la diminution de la criminalité est due à la création d’un conseil de sécurité, des contrats locaux de sécurité, des postes de médiateurs sociaux pour les jeunes ainsi que des postes d’agents de sécurité. - Aux Pays-Bas la création d’unité de prévention et de recherche au Ministère de la Justice, l’investissement dans la recherche et le développement de la réinsertion des jeunes ainsi que l’association entre secteur privé, police et chercheurs pour réduire l’infraction, ont contribué à la diminution de la criminalité. L’ONU a émis des directives de prévention de l’infraction consistant à investir dans la réduction des infractions et de leurs coûts; dans le développement de la capacité des individus et des organisations à assurer une prévention bien organisée; dans l’exigence des partenariats entre les agences responsables de l’application de la loi, la justice, les écoles, les parents et les familles, …afin de s’attaquer à la criminalité en établissant un équilibre approprié entre la prévention et la justice pénale. Monsieur WALLER conseille les gouvernements à investir dans des programmes de prévention plus rentables et focalisés sur les jeunes et leurs familles tout en limitant le nombre de jeunes en prisons. Il est nécessaire de s’attaquer aux causes de la criminalité pour pouvoir réduire celle-ci. Ainsi, le partenariat entre la police, la justice, les écoles, les parents et les familles ; la participation du public dans l’élaboration des plans locaux ainsi que la communication des résultats internationaux s’avèrent être des outils indispensables. Pour de plus amples développements, voyez "Une once de prévention vaut une livre de soin"; par Irvin Waller, ce numéro, p. 9. III. C. Réflexions pénologiques autour de la question sur l’enfermement des mineurs par Juliette BEGHIN, chercheuse à l’école de Criminologie de l’ULB et présidente de l’O.I.P. On se bornera ici à présenter les grandes lignes de cet exposé puisque l'ensemble de la contribution de Madame Beghin est publiée dans ces pages (p. 7). La question est de savoir en quoi la privation de liberté apporte une solution au mal qu’elle entend combattre. Juliette BEGHIN a, dans un premier temps, envisagé les objectifs et les effets de la privation de liberté et a constaté l’échec de l’enfermement en tant que solution à la criminalité. Elle a ensuite analysé les différentes fonctions de l’internement. Celui-ci se définit comme un isolement dans une institution totalitaire composée de différentes catégories de personnel et où l’individu incarcéré est dépossédé de son identité sociale. La fonction la plus importante de la mesure de privation de liberté c’est la neutralisation dans la mesure où l’internement met l’individu à l’écart de la société pour protéger celle-ci. A côté de la fonction de neutralisation, d’autres fonctions punitives et dissuasives sont assignées à l’enfermement et cela dans le but de tenter une finalité réhabilitative et celle d’éducation. Juliette BEGHIN a également, par le biais d’analyse des résultats des recherches sur l’incarcération des jeunes adultes, essayé de montrer que la prison a toujours été dénoncée par son incapacité à fournir une solution efficace à la criminalité. Les analyses ont mis en évidence que les mutations socio-économiques ont pour conséquence les phénomènes de l’exclusion sociale qui justifie l’insécurité urbaine d’où la nécessité de gestion de problèmes en essayant le plus possible : - d’œuvrer dans l’insertion sociale des jeunes, - d’investir dans les aides à la jeunesse, - d’exiger le moins possible l’internement et - d’accorder la priorité à l’émancipation et à l’intégration des jeunes. D. Le point de vue de jeunes “bénéficiaires” : analyse de la parole de jeunes placés en IPPJ Par Isabelle Ravier, Chargée de Cours et de recherche à l'UCL Son exposé porte sur 3 grandes parties à savoir : I . La recherche II. Les réflexions III. Les pistes en vue de l’action I. RECHER CHE RECHERCHE I.1. Recherche : objectifs, méthodologie et population 1° La Recherche, commanditée par la Communauté française, par l’Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, menée conjointement par l’école de criminologie de l’ULB et l’UCL2 avait pour objectif de recueillir le point de vue des jeunes par rapport à certaines mesures spécifiques prises par le magistrat de la jeunesse, notamment la mesure de placement dans les IPPJ1 ou la mesure de prestation éducative (travail d’intérêt général) et d’analyser les discours afin de présenter une synthèse du vécu de ces jeunes. Le présent exposé porte sur le discours concernant le placement particulier qu’est la prise en charge en milieu fermé, ainsi que l’application de l’article 53 (séjour en prison) actuellement abrogé.. 2° La méthodologie utilisée s’inscrit dans une démarche qualitative, où par les interviews des jeunes, on recherche la représentativité des discours à travers leur diversité. Choisir de travailler à partir de la perception des jeunes limite bien évidemment l’approche de la mesure considérée, qui s’intègre dans un système d’intervention sociale et judiciaire, elle-même articulée avec des histoires de vies impliquant d’autres systèmes, d’autres acteurs, d’autres formes d’intervention. Ce discours est cependant un point de départ pour une interrogation qui ne soit pas uniquement spéculation, interrogation s’appuyant sur la perception des jeunes. 3° Le public concerné par la recherche est constitué de jeunes (filles et garçons) placés en IPPJ ou ayant effectué une prestation éducative ou philanthropique. Les faits qualifiés infractions pour lesquels les jeunes que nous avons rencontrés sont passés devant le juge de la jeunesse relèvent principalement de délits d’acquisition et il a été constaté que des différences existent en fonction du sexe. En ce qui concerne les filles rencontrées, la drogue, la fugue et tout ce qui peut en résulter, cons- tituent la majeure partie de délits commis tandis que pour les garçons c’est surtout la recherche de l’argent qui prime. Les données recueillies lors des interviews ont tendance à permettre la confirmation de l’hypothèse de la surreprésentation des populations précarisées parmi les mineurs jugés par le tribunal de la jeunesse (mineurs en décrochage scolaire). Les jeunes en prestation quant à eux, présentent un profil scolaire, judiciaire et familial moins “abîmé”. Pour une approche représentative du public concerné par les décisions du tribunal de la jeunesse, il faut se reporter à l’étude réalisée par l’INCC 3 . I.2. Le délit et les acteurs judiciaires 1° Le délit et le vécu de la délinquance : en général les mineurs rencontrés reconnaissent les faits qu’ils ont commis, étant conscients de leur culpabilité, ils regrettent parfois ce qu’ils ont fait. Mais ils considèrent leurs agissements plutôt comme un moyen d’expression d’une demande, de recherche de considération ou d’écoute, comme l’expression d’une rage contre la société dont ils se sentent rejetés. Il ressort des entretiens avec les jeunes que d’une façon générale, leur délinquance peut se comprendre comme une échappatoire à une socialisation contraignante, difficile voire impossible pour eux. 2° Les relations avec les acteurs judiciaires : dans les discours des jeunes, deux instances reviennent de manière récurrente à savoir la police et le juge de la jeunesse. · La police en tant qu’institution policière n’est pas critiquée par les jeunes qui reconnaissent le bien fondé de cette institution. Ce sont les modalités de rencontre avec les agents des forces de l’ordre qu’ils mettent en question.. Selon eux, la police est là pour les surveiller, les contrôler, les poursuivre au lieu de les protéger. Cette image négative se fonde d’une part sur les rencontres au sein de l’espace public (contrôle d’identité par exemple) bien avant d’avoir commis des infractions et d’autre part sur la manière dont se déroulent l’arrestation et l’interrogatoire. Pour les jeunes rencontrés, les rapports qu’ils ont avec les agents des forces de l’ordre ne sont pas des dérapages puisqu’ils se produisent fréquemment; et les jeunes n’osent pas porter plainte de peur qu’ils ne soient pas écoutés parce qu’ils sont considérés d’abord comme des délinquants. Ainsi développent-ils un sentiment de haine et de rage vis-à-vis des policiers. Il a été constaté que les jeunes interviewés avaient un sentiment d’insécurité lié au fait que les conséquences des contrôles dont ils font l’objet dans l’espace public sont imprévisibles. Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 IV. · Le juge de la jeunesse, possédant des pouvoirs importants, est une des figures marquantes pour les jeunes rencontrés. La crainte du placement constitue le pivot autour duquel s’articule l’appréciation que les jeunes ont de l’intervention judiciaire. La décision du placement dans les IPPJ est, pour les jeunes, une décision qui est mal vécue dans un premier temps. La sévérité du juge s’évalue dans le fait de prononcer une décision de placement ou non. Quatre images de juges émergent du discours des jeunes, elles vont d’une appréciation franchement négative (le juge qui place sans réflexion, qui prend une mesure de placement sans tenir compte de la diversité des jeunes ou des situations rencontrées par eux) à une appréciation franchement positive (le juge protecteur et paternaliste dont l’intervention ne se limite pas uniquement à sanctionner, il cherche plutôt à comprendre, à aider les jeunes pour qu’ils puissent s’en sortir). L’image du juge est assez ambivalente, bon lorsqu’il est protecteur et mauvais lorsqu’il sanctionne. Une dernière image est celle du juge détenteur unique et incontesté du savoir légal dans la meure où c’est lui qui décide, selon le langage des jeunes. Si les images du juge diffèrent, il existe une certaine constance dans les relations. Prévaut d’abord la crainte du placement, ainsi même si les jeunes qualifient généralement de “bonnes” les relations avec leur juge, voire évoquent même une certaine proximité affective en parlant de “mon (ma) juge”, ils perçoivent les décisions prises par le magistrat comme en quelque sorte extérieures à cette relation, comme si la décision du juge était guidée par des facteurs extérieurs qu’il ne maîtrisait pas réellement. I.3. La trajectoire Les données concernant la trajectoire dans les institutions ne se rapportent qu’aux dires des jeunes placés en IPPJ puisque ceux que nous avons rencontrés dans le cadre d’une mesure de prestation n’ont jamais eu affaire à un service d’aide ou de protection de la jeunesse auparavant. Le premier constat de la recherche est le fait que les jeunes placés en IPPJ ont un parcours déjà chargé de placement institutionnel. Lorsqu’un suivi par le Service de l'aide à la jeunesse (SAJ) a précédé la prise en charge par le juge de la jeunesse, les jeunes ne perçoivent pas le rôle et les missions spécifiques ainsi que l’articulation possible de ces différentes interventions. De même, le suivi du Service de protection judiciaire (SPJ) est perçu plutôt comme une sur- Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 veillance sur les mineurs et leurs familles que comme un accompagnement ou une aide. Quant aux passages en Centre d'accueil d'urgence (CAU), ils sont trop courts pour représenter une étape significative pour les jeunes, et les séjours en institutions résidentielles privées sont présentés par ces jeunes ayant finalement abouti en IPPJ comme une incitation à faire “des conneries” étant donné la trop grande liberté et l’absence de véritable offre institutionnelle. · 4° Les relations internes à l’institution : · Ceux qui sont passés en prison et y ont vécu des expériences traumatisantes se trouvent un peu soulagés dans les IPPJ, de même que ceux qui ont connu un séjour en hôpital psychiatrique. I.4. Le placement en IPPJ 1° Décision et adaptation : Le fait d’être placé est considéré avec fatalisme. La décision de placement est cependant vécue comme une injustice lorsqu’elle est floue. Certains jeunes s’adaptent progressivement en se conformant aux attentes du système tandis d’autres s’installent dans le repli et la lassitude ( le placement est vécu essentiellement comme une limite négative sans offre positive à l’image de ce qui se passe en prison). D’autres jeunes encore développent d’emblée une stratégie de distanciation et d’indifférence comme si la mesure ne les touchait pas. En ce qui concerne les projets de sortie, le retour à l’école leur paraît significatif · les mesures disciplinaires les plus couramment évoquées par les jeunes sont le retrait du week-end, la mise en chambre et l’isolement. Ces mesures sont jugées par eux de valorisation négative d’autant plus qu’elles constituent un contenant utile à la vie dans l’institution mais non un contenu à valeur pédagogique. Les jeunes déplorent le manque de souplesse dans l’organisation des activités lorsqu’ils ne peuvent discuter des propositions de l’éducateur et, à contrario, valorisent les espaces de négociation Les relations entre les jeunes placés, sont à l’image de toutes les relations ; La vie sectionnaire présente aussi bien des avantages (soutien contre l’ennui et la solitude, solidarité, stratégies communes pour éviter les problèmes et sortir rapidement) que des inconvénients (rivalités, mélange entre délinquant “ soft et hard ”, difficulté pour les très jeunes de s’intégrer sans devenir le “martyr” du groupe, etc..). Par ailleurs, les jeunes regrettent la rigidité de l’organisation du régime dans la mesure où il faut toujours l’accord du groupe pour réaliser une activité, qu’une individualisation est extrêmement difficile à mettre en œuvre. 5° Les relations avec l’environnement : · La réaction de la famille à la mesure de placement en IPPJ constitue une prolongation de la façon dont elle répond vis-àvis de la délinquance de son entant. Selon les jeunes, la réaction de leurs familles peut être soit un rejet, soit une manifestation plus compréhensive. · La présence des copains à la sortie des institutions est, pour les jeunes qui étaient placés, très indispensable pour les soutenir et les aider à “tenir le coup”. · Quant à l’école, elle constitue un élément principal d’un projet de sortie valide aux jeux des jeunes rencontrés. 3° L’institution, son régime, sa discipline, son organisation : · Parmi le personnel des institutions les jeunes en IPPJ évoquent surtout les éducateurs puisque ce sont eux qui sont fréquemment en contact avec les jeunes. ces derniers classent les éducateurs dans différentes catégories. La première figure est celle d’un éducateur compréhensif, attentif, qui valorise le jeune en le soutenant. La deuxième figure est celle d’un éducateur qui ne se cantonne qu’au strict respect du règlement, qui applique la discipline à la lettre sans possibilité de négociation avec le jeune. La troisième et dernière catégorie de figure est celle d’un éducateur “lassé” qui ne remplit son rôle ni dans l’animation de groupe ni dans la discipline. De cette catégorisation de figures il ressort que les limites se doivent d’être basées sur des valeurs à transmettre plutôt que sur le respect du règlement 2° Le temps : du temps répété au temps de l’“à venir” : Les jeunes perçoivent le temps qu’ils passent dans les institutions comme du temps perdu. Ce sentiment vient du fait qu’ils vivent dans une monotonie (mêmes activités qui se répètent et qui sont programmées d’avance). La fin du placement constitue également une préoccupation majeure pour les jeunes. Ils connaissent le début du placement mais pas sa fin. La sortie est tout de même attendue impatiemment mais parfois avec une peur de l’autonomie qu’ils vont retrouver et du rejet social dont ils seront victimes. Les week-end et les sorties sont des éléments fondamentaux du placement puisqu’ils permettent aux jeunes de s’évaluer ou de recréer des liens familiaux. I.5. Quelle mission pour les IPPJ? Légalement, les IPPJ ont pour missions : V. - de permettre la réinsertion sociale des mineurs, - de donner la possibilité d’acquérir une meilleure image d’eux-mêmes, - d’assurer la protection de la société. Les jeunes perçoivent leur placement comme une punition et la mission principale des IPPJ avant tout comme une protection de la société. Pourtant la Justice des mineurs a été conçue pour contrer la logique de celle des adultes. Les discours des jeunes relatent la prégnance de la grammaire pénale dans le parcours de la procédure judiciaire. Ils comparent ainsi les IPPJ avec la prison puisque leur autonomie est réduite, la prison est l’étalon de comparaison, la mesure qu’ils craignent en dernier recours. Cette comparaison comporte deux options: pour certains, l’IPPJ est une prison déguisée, tandis que pour d’autres, le séjour en IPPJ est nettement moins “dur” que la prison. Dans ce vécu la prison est un passage de référence permanent. Pour certains, le passage en prison constitue un effet dissuasif tandis que pour d’autres, il constitue une expérience de fierté. II. REFLEXIONS II. 1. Le processus judiciaire D’une façon générale, l’institution policière a une image négative aux yeux des jeunes. Les contrôles d’identité et les interrogatoires engendrent un sentiment d’insécurité dans le chef des jeunes étiquetés de délinquants. II . 4. Autonomie et vie collective Il a été constaté que l’objectif de permettre le développement d’un projet personnel pour les jeunes à travers une prise en charge individualisée est difficile à atteindre d’autant plus que dans les IPPJ il s’agit de gérer en permanence un groupe de dix jeunes dont on craint un comportement agressifs ou impulsifs. Aussi bien les jeunes que les juges prennent pour référence permanente le système pénal et c’est par rapport à ce système qu’ils évaluent la sévérité de la mesure et la gravité des actes posés. II. 3. Les missions de l’institution La réinsertion sociale n’est pas prévisible par les jeunes, certains jeunes ne peuvent pas préjuger de leurs capacités à modifier leurs comportements. Il existe une inadéquation de l’offre pédagogique avec leur problématique. La sécurité publique quant à elle, est effectivement assurée, les jeunes le perçoivent bien, surtout ceux qui se trouvent en régime fermé. En ce qui concerne la restauration de l’image personnelle, les jeunes la mentionnent très rarement, ce qui augure que cette mission est loin d’être remplie. Les caractéristiques d’un régime qualifié de “libéral” ont été soulevées lors des entretiens en laissant apparaître la place de la négociation au niveau des activités et de la mise en œuvre du cadre disciplinaire. - Il a été également constaté que les jeunes, même s’ils attendent davantage de disponibilité individuelle, ne remettent pas fondamentalement en cause la vie collective., Les perspectives de développement doivent être envisagées au niveau de l’articulation entre la vie collective et la prise en charge individuelle. - Une autre constatation porte sur la nécessité d’une clarté de la décision de placement, la temporalité limitée et précisée car l’incertitude conduit les jeunes à la lassitude. - Il a enfin été constaté que la rupture entre la vie institutionnelle et la vie extérieure engendre des difficultés auxquelles on peut trouver des solutions en favorisant au maximum les relations avec l’ensemble de l’environnement, le cadre de vie du jeune. II. 5. L’éducation comme vecteur de normalisation ou d’apprentissage Lors de la recherche, il a été constaté que les jeunes qualifient les faits commis comme des actes d’appropriation de leur quotidien, du plaisir, de biens de consommation relativement inaccessibles par les voies légales. Ainsi, ils perçoivent la réaction de défense de la société (sanction à la violation d’une règle de droit) comme injuste puisqu’il n’est pas tenu compte de certains éléments peut-être très importants pour eux. Le placement dans une IPPJ étant perçue comme une sanction, le travail éducatif réalisé leur paraît trop souvent inadéquat à l’égard de leurs problématiques. III. PISTES L ’A CTION ’ACTION EN VUE DE Les pistes d’action à relever à partir des discours des jeunes rencontrés concernent exclusivement les données à propos des Institutions Publiques de Protection de la Jeunesse. Une série d’axes devront être développés ou à valorisés par rapport au contenu de l’offre pédagogique, la mission de contenant de l’IPPJ étant remplie. Le juge de la jeunesse est, quant à lui perçu comme une instance qui suit le jeune tout le long de son parcours. II. 2. La Prégnance du pénal - Brève Compte rendu par Jémy NZEYIMANA 1 Une I.P.P.J est une institution publique de protection de la jeunesse qui accueille les mineurs ayant commis des faits qualifiés infractions. 2 DELENS-RAVIER I., THIBAUT C., Jeunes délinquants et mesures judiciaires : la parole des jeunes, Rapport d’une recherche qualitative sur le point de vue de jeunes délinquants à propos de leur prise en charge judiciaire, Communauté française, 2001. 3 VANNESTE C., Les décisions prises par les magistrats du parquet et les juges de la jeunesse à l’égard des mineurs délinquants, Rapport de recherche, Bruxelles, INCC, Juin 2001. Israël children’s rights Monitor : nouvelle publication disponible par e-mail DCI-Israël publie, depuis novembre 2001, une tribune relative à la défense des droits de l’enfant. Les premiers articles de cette revue concernent l’ouverture du premier centre de défense socio-légale en territoire Arabe ; la visite effectuée par la section israëlienne de DCI à la prison militaire de Megido, où 38 mineurs entre 16 et 18 ans sont incarcérés avec des adultes (pour une population pénitentiaire totale de 294 individus), sans bénéficier d’une différence de traitement ; ainsi que la conférence et le groupe de travail sur la prévention des mauvais traitements subis par les enfants participant à des manifestations. DCI-Israël souhaite également annoncer la création d’un projet inter-religieux pour une meilleure compréhension et tolérance entre les enfants de diverses régions d’Israël. Des enfants issus de différentes écoles religieuses se verront enseigner les principes de la convention internationale des droits de l’enfant. Une école chrétienne et une école juive ont dores et déjà marqué leur accord pour participer à ce projet. N’hésitez pas à faire part de toutes vos suggestions ou remarques, en contactant Philippe Veerman : [email protected] Le prochain numéro de la publication sera consacré au rapport alternatif de DCI-Israël au Comité des droits de l’enfant. Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 VI. Réflexions pénologiques sur l’enfermement Juliette Béghin Chercheuse à l’école de criminologie de l’ULB Dans le cadre de cette conférence, la question première est libellée en ces termes : En quoi la privation de liberté apporte une solution, fût ce partielle, au mal qu’elle entend combattre ? Une telle question nécessite, dans un premier temps, d’envisager les logiques justificatives et effets de la privation de liberté. Nous verrons que loin d’apporter une solution au mal qu’elle entend combattre, la mesure privative de liberté constitue un échec, en tout cas au niveau de certaines des fonctions et objectifs qu’elle s’assigne. Il y aura dès lors lieu de reformuler la question en ces termes : Pourquoi la privation de liberté continue à être le noyais u dur de la pénalité. Ou encore, comment l’enfermement s’est imposé en instrument privilégié de régulation et de traitement des troubles sociaux ? I. Objectifs et effets de l’enfermement Pér ennité de l’enf er mement Pérennité l’enfer ermement Avant tout, je voudrai rappeler que la critique de la solution de l’enfermement est aussi vieille que son existence et que le système carcéral ou l’institution d’enfermement semblent disposer d’une capacité particulière à absorber les critiques sans se transformer fondamentalement» (Pires, 1991, 95). De nombreux auteurs critiques comme Foucault en ont tiré comme conclusion que la prison n’est pas conçue pour atteindre les objectifs qu’elle affiche (nous y reviendrons). dépossession de l’identité sociale de l’individu enfermé, et donc des différents rôles joués à l’extérieur. De telles modalités d’incarcération sont souvent justifiées, par l’institution et les agents qui y œuvrent, par la dangerosité personnelle dont est porteur tout individu franchissant le seuil de l’établissement. C’est cette dangerosité qui permet une telle réification de l’individu. En d’autres termes, l’identité publique d’un individu incarcéré est infériorisée : il devient une personne nouvelle et différente qui, en définitive, a toujours été ce qu’il devient alors. Pour gérer une population qui n’a pas demandé à être enfermée et pour légitimer son action, l’emprise «totalisante» de l’institution doit être compensée/diminuée par : Je vais mettre en lumière, maintenant, les différentes fonctions (assignées et réelles) de l’enfermement. - D’une part, au niveau individuel un ensemble de stimulants. C’est le rôle, par exemple, du système des faveurs et des récompenses. En soi, par définition, la privation de liberté a pour effet d’isoler l’individu du monde extérieur. L’institution carcérale repose sur un fonctionnement de type totalitaire selon lequel l’auto-reproduction de l’institution importe plus que le déploiement d’une stratégie sociale globale. Or, l’institution carcérale est composée de groupes, ayant des intérêts très divergents, et dont l’une des catégories est, par définition, forcée et contrainte de vivre dans une telle institution. Dans ce contexte, il s’agit de marquer la position de subordination des détenus et de restreindre le contrôle que les détenus peuvent exercer sur leur propre vie. Il y a dès lors lieu d’assujettir l’individu aux contraintes institutionnelles essentiellement tournées autour de l’ordre et de la discipline. Cet état d’assujetti vient, en quelque sorte, remplacer un autre effet de l’incarcération qu’est la - D’autre part, il s’agit, au niveau institutionnel, au niveau de la société, de proclamer des d’objectifs qui dépassent la simple neutralisation. Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 Par neutralisation, j’entends «la mise à l’écart» de la société à des fins de protection de celle-ci. Ce terme renvoi aussi à la notion «d’incapacitation», dont l’idée centrale est que l’emprisonnement prolongé de cette catégorie de délinquants réduirait le niveau de criminalité pour une période donnée. A cette fonction donc de neutralisation, s’ajoutent en effet une série d’autres fonctions assignées à cette privation de liberté. Ces fonctions connexes à la neutralisation doivent être interrogées en lien avec la question de la légitimité de l’institution. En effet, la privation de liberté des individus dans un pays démocratique ne peut se justifier que si on les rend meilleurs pour la société, c’est ainsi qu’est née la logique pénale de la réadaptation des condamnés, c’est ainsi qu’est née aussi la logique de l’enfermement protectionnel des mineurs. A côté donc des fonctions punitives, dissuasives et de neutralisation, la mesure privative de liberté tente d’intégrer une finalité réhabilitative, une finalité d’éducation via différentes appellations et techniques : L’amendement par l’isolement du 19è siècle ; le traitement dans le sens d’une volonté de modification de la personnalité de l’individu dans les années 60 ; la réinsertion sociale active et l’émancipation encore promulguée de nos jours ; la réparation plus fraîchement invoquée, etc. Une série de couches, donc, d’arguments successifs qui ont jalonnés les époques … Depuis les années 70, un certain nombre d’auteurs, ont tenté de montrer l’impossibilité de concilier ces objectifs contradictoires et incompatibles. La prison est alors dénoncée pour son incapacité à remplir une partie des fonctions dont elle est assignée, dans la mesure où ces fonctions «excluantes» priment sur ces «fonctions incluantes». Ainsi, on entend de manière invariable que l’enfermement dépersonnalise, il fonctionne plutôt comme un mode de consolidation du statut de délinquant et constitue, c’est bien connu, un obstacle à toute possibilité réelle de réintégration sociale des condamnés ou encore, elle finit par devenir un mode de (dé)socialisation normal. Des études ont aussi montré en quoi l’enfermement génère toute une série de troubles d’ordre physique et psychique. Notons également, sans nous étendre, les études sur les effets produits par l’enfermement sur le VII. comportement des détenus et désigné par le terme de prisonisation, c’est-à-dire l’adhésion du détenu à la sous-culture carcérale produisant ses propres règles. Ce processus évolutif est décrit comme participant à une sorte de «socialisation négative» peu conciliable avec les exigences discursives d’un traitement ou d’une resocialisation. Par rapport aux effets, je citerai également une recherche sur l’incarcération des jeunes adultes (De Coninck et al, 1998). Les chercheurs ont en fait commencés par examiner les trajectoires (sociales et pénales) des jeunes adultes. Ils ont tenté de comprendre les processus de socialisation et de marginalisation qui mènent à l’incarcération, pour traiter ensuite du vécu de la détention. Un vécu dominé par la «vacuité du temps carcéral». La détention apparaît statique et circulaire et la peine de prison dépourvue de sens. Pour les auteurs, je cite : « la situation d’enfermement vient creuser un peu plus en profondeur le vide existentiel que l’activité antérieure tentait déjà de remplir tant bien que mal, et plutôt mal que bien» (p. 52). Il règne aussi un sentiment d’injustice plus général : «non seulement la justice est une loterie, mais elle est en outre bureaucratique, déshumanisée et ne cherche pas à comprendre l’individu». Quant aux effets de l’incarcération sur les trajectoires individuelles, les auteurs distinguent les premiers passages (particulièrement les courtes peines) des séjours répétés. Concernant les premiers passages, ils ont pour effet d’achever la rupture sociale, scolaire et familial, de réduire les chances de réinsertion (par exemple le casier judiciaire comme diplôme d’inaptitude sociale) et de confronter le jeune à la culture de la prison («l’école du crime»). Les séjours répétitifs entraînent, quant à eux, une adaptation qui, tient plus de l’ordre de l’occupationnel que de la préparation à la réinsertion. L’idée ici est que la prison travaille à l’usure et aux yeux des détenus «on finit toujours perdant». Les auteurs en concluent que la prison ne peut nourrir aucune ambition restauratrice pour les jeunes adultes. « Le système pénitentiaire se révèle bien incapable de fournir au détenu les moyens de sa resocialisation. On peut enfoncer le clou davantage et douter de la volonté réelle du politique d’y contribuer efficacement, étant donné la faiblesse déconcertante des moyens mis en œuvre pour la réalisation de cet objectif de réinsertion (…) - objectif que par un manque élémentaire de bon sens on continue aveuglément de nos jours à attacher à la peine de prison, dans une quête délirante de légitimer «l’insupportable» de l’enfermement. C’est donc en amont qu’il faut agir si l’on souhaite éviter que le pénal ne s’érige en mode de socialisation substitutif pour un nombre croissant de jeunes désaffiliés pris de plus en plus tôt dans le ressac de déterminismes sociaux et de mécanismes d’exclusion» (p. 58). Mais comment expliquer cette difficile, voire impossible, ambition restauratrice ? Certains auteurs expliquent cette impossibilité de «faire du social» en prison en rappelant que la fonction première dévolue à l’enfermement est de type sécuritaire (la garde des détenus dans une enceinte close), fonction qui est imposée de l’extérieur à l’institution car relevant directement de l’autorité de l’Etat. Or, la fonction première d’une institution explique le système de rationalité sous-jacent aux pratiques organisationnelles. Je reprends dès lors les propos d’un auteur canadien : «dans une institution par essence coercitive, le choix final sera toujours celui de l’ordre et toute tentative d’y faire autre chose sera vouée à l’échec car s’inscrit dans des contextes organisationnels inadéquats». Il existe une multitude d’indicateurs qui viennent confirmer cette hypothèse de la difficile conciliation entre les logiques de soins et celles de la sécurité (problématique de conciliation qui semble, par ailleurs, singulièrement présente dans le cadre des IPPJ). Je prendrai un exemple qui provient de la prison pour adultes : Dans les années 70 déjà, une recherche-action a fait apparaître que la priorité des tâches des intervenants (psycho-sociaux) internes est accordée aux tâches évaluatives plutôt qu’aux tâches d’assistance. Ce constat part d’une tentative des chercheurs d’aider les détenus à résoudre les problèmes dans le cadre de la préparation de ceux-ci au retour à la vie libre. Or, ils ont du constater que toute entreprise clinique ou d’assistance à l’individu est naturellement exposée en milieu carcéral à devenir une pratique de normalisation et d’administration de l’exécution de la peine. «Ce détournement est moins l’effet des acteurs qu’un effet de système. Les raisons de cette colonisation du clinique par le carcéral sont à chercher du côté des finalités réelles de l’institution carcérale, de la place qu’elle occupe dans l’ensemble de l’administration de la justice et dans le système de contrôle social». Actuellement, de manière générale, les pratiques des services psycho-sociaux internes sont de plus en plus placées sous le signe de l’expertise, reléguant loin derrière le travail d’aide sociale dans une optique réhabilitative ou simplement d’accueil et d’accompagnement. La Communauté française, devenue compétence depuis les réformes institutionnelles, de l’aide sociale aux détenus n’a pas, quant à elle, réussie à renverser les tendances que nous venons de décrire. Par rapport aux logiques justificatives de l’enfermement, on peut donc avancer sans crainte que la seule fonction ajustée à la prison demeure la neutralisation. Couplée à l’objectif de réduction du risque de récidive dans un but de protection de la société, cette neutralisation n’apporte cependant pas les effets escomptés. Comme le rappelle deux chercheurs français (Faugeron et Le Boulaire, 1993), le paradoxe de l’approche classique de la récidive est que les dits «intraitables» sont à la fois la meilleure justification de l’enfermement et la preuve flagrante de son échec en matière de réinsertion : La mesure du taux de récidive des personnes pour lesquelles l’enfermement semble la seule solution appropriée (puisque les autres dispositifs se sont révélés vains) montre l’inefficacité de cet enfermement» (100-101). En outre, pour ces chercheurs, la probabilité de retour en prison est davantage déterminée par les tris effectués en amont, et sur lesquels l’AP n’a aucun contrôle, que par les traitements opérés en détention. En d’autres termes, la mesure de récidive après passage en prison est plus une mesure de tri qu’une mesure de traitement : elle en apprend plus sur ce qui se passe avant que sur ce qui se passe pendant l’enfermement. Elle est avant tout un indicateur des choix opérés entre politiques sociales et politiques pénales, et, au sein des politiques pénales, entre l’utilisation de la prison en première instance et en dernière instance. Cette approche globale permet de réfléchir sur la façon d’interpréter les mesures de la récidive. Ce faisant, elle éclaire les relations que peut entretenir l’institution carcérale avec l’ensemble de la société. II. Place de l’enfermement et émergence du modèle actuariel Nous avons essayé de montrer que la peine privative de liberté n’apporte pas de solution au mal qu’elle entend combattre. La question qui suit doit donc, à mon sens, être la suivante: Pourquoi la peine privative de liberté demeure une référence majeure de tous les systèmes pénaux ? Comment expliquer le caractère apparemment indispensable de l’appareil carcéral ?Alors que, nous venons de le voir, l’échec de ses fonctions correctives et d’amendement, ses effets de stigmatisation et d’identification au «rôle» délinquant, ses déficits de légitimité démocratique sont connus et dénoncés depuis longtemps …et aurait du, logiquement, conduire à son abolition. A cette question, nous ne pouvons que rappeler la célèbre hypothèse de Foucault : l’échec de la prison a une utilité, ou plutôt qu’il n’est pas un échec car la prison, loin de lutter contre la délinquance, contribue à la produire et participe de la «gestion des illégalismes» en les différenciant selon leur origine sociale. La prison, dira-t-il, suscite au milieu des Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 VIII. autres une forme particulière d’illégalisme (la délinquance proprement dite) qu’elle permet de mettre à part, de placer en lumière (…) ; Ce faisant elle permet de laisser dans l’ombre les illégalismes qu’on veut ou on doit tolérer. Le type de population qui végète en prison montre l’actualité de cette hypothèse. Cette question de la place centrale de la peine privative de liberté dans nos systèmes pénaux renvoie également à l’hypothèse, développée par Philippe Mary, de la pénalisation du social. Le raisonnement est le suivant : nombre d’analyses ont mis en évidence que les mutations économiques et sociales actuelles, communément qualifiées de processus de mondialisation, ont largement contribué à la limitation de l’intervention étatique dans le champ économique et au démantèlement de l’Etat social dans nombre de sociétés occidentales. Parmi les conséquences de ces mutations, on peut souligner l’extension du phénomène d’exclusion sociale. Dans ce contexte d’incertitude, on assiste à une augmentation de la demande individualiste de sécurité, justifiée en particulier par l’insécurité urbaine. L’Etat, de moins en moins interventionniste dans les champs économique et social, va néanmoins se chercher une nouvelle légitimité, en mobilisant ces fonctions autoritaires et sécuritaires. Certains parlent d’une gestion pénale de la question sociale. Ou du passage de l’Etat social à un Etat (social)sécuritaire. Plus une société éprouve de la difficulté à délivrer un sens qui fasse institution pour ses membres, plus les institutions relais entre la société civile et l’Etat y sont fragilisées, au plus prolifère le recours à la justice et à la justice pénale comme espace public de substitution (Cartuyvels). En Belgique, la combinaison d’un Etat «en voie de décomposition ayant du mal à véhiculer une représentation collective» avec les événements médiatisés a fortement accélérer l’explosion d’une logique pénale. Explosion dont les secousses ont également atteints la sphère de la justice des mineurs. Logique pénale qui se focalise sur le contrôle et la surveillance des «populations à risques» (les «classes dangereuses» d’autrefois). On voit ainsi émerger des priorités de gestion du risque qui favorise une radicalisation de la réponse répressive en «évacuant le stock de la délinquance de la voie publique». Si la notion de danger potentiel d’un individu est à nouveau au centre des préoccupations, l’accent n’est plus mis sur la notion de dangerosité mais bien sur celle de risque. Alors que la notion de dangerosité telle qu’elle est utilisée dans la défense Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 sociale est encore toujours synonyme de jugement individuel et de foi dans la possibilité de changement, la notion de risque dans la new penology ne se réfère plus qu’à une estimation statistique et à la maîtrise de la criminalité. Apparaît, dans cette mouvance, le concept de neutralisation sélective : la condamnation se base - non pas sur l’infraction ou la personnalité - mais sur des profils à risque permettant de développer un contrôle intensif pour les délinquants à hauts risques («prédateurs») et un contrôle moins intensif vis-à-vis des délinquants à bas risques. Concrètement en Belgique, des indicateurs de cette mouvance peuvent être trouvés dans l’apparition de la surveillance électronique, les débats sur les peines incompressibles, la revalorisation de la mise à disposition du gouvernement, le regain d’intérêt pour les profils dits «psychocriminologiques» (délinquants sexuels, mineurs délinquants). Cette tendance lourde de la pénalité vient, en tout cas, confirmer la discursivité de la logique justificative de réinsertion. Face aux principes émis, entre autres, par les instances internationales (comme le principe de normalisation, de limitation du traumatisme carcéral) l’émergence du concept de réparation, la réalité nous montre la difficulté de voir s’imposer les mesures alternatives et la multiplication de pratiques de contrôle comme instrument de management social … Conclusion : Les missions et fonctions attribuées à l’enfermement des mineurs n’échappent pas aux interrogations que nous venons d’exposer et ce, malgré l’inscription en principe plus nette des missions dans un cadre protectionnel et d’aide à la jeunesse. On retrouve, en effet, le même phénomène de contradiction et d’incompatibilité des missions : il s’agit d’aider les jeunes hébergés à acquérir une image meilleure d’eux-mêmes et d’œuvrer à leur réinsertion sociale tout en renforçant les missions sanctionnelles et sécuritaires. Dans un contexte de repénalisation et de réforme législative qui tendent à brouiller encore plus les messages et à multiplier les attentes contradictoires dans le champ protectionnel, il serait bon de savoir quel est l’ordre des priorités en matière d’enfermement des mineurs. Quelle mission primordiale souhaite-t-on v oir e xer cer par ces insvoir ex ercer titutions ? Pour D. Defraene et de K. Thibaut (travaux sur les pratiques de la sanction dans les IPPJ) les IPPJ nécessitent un cadre pédagogique de référence plus soutenu pour alimenter et orienter clairement les pratiques. Faute de direction précise, faute d’un environnement organisationnel et professionnel stimulant la créativité pédagogique, l’ordre et la sécurité, l’obsession de la soumission aux exigences institutionnelles propres aux institutions totalisantes, le repli sur des systèmes comportementalistes froids et rigides contaminent la relation éducative. L’histoire nous montre que ces objectifs de maintien de l’ordre et de la sécurité engendrent et justifient souvent des pratiques stériles et douteuses. Certes, un certain ordre et une discipline doivent être maintenu, néanmoins, une relation éducative même contrainte ne peut se satisfaire du seul registre de l’autorité et de l’ordre. On en revient au problème d’incompatibilité explicitée ciavant Maintenant que faire ? ce que je viens de vous exposer n’est pas neuf. La critique de l’enfermement est un discours redondant. Face à la montée de la logique pénale, ce discours sonne comme anachronique. J’aurai la prétention de croire, quant à moi, qu’il conserve justement dans ce contexte toute son actualité. Il ne faut pas se décourager de dire que tant que l’on pense l’inscription sociale à partir de l’enfermement, on contribue à légitimer dangereusement l’institution d’enfermement en donnant à croire qu’elle peut endosser - à la place d’autres instances - des fonctions sociales qui ne seront jamais les siennes. Comme d’autres l’ont déjà dit : ne faudraitil pas plutôt que de réfléchir à un droit pénal meilleur, réfléchir à quelque chose de meilleur que le pénal … Surtout pour les mineurs dont l’enfermement, constitue pour Fr. Tulkens, rappelons le un traitement non digne des sociétés démocratiques modernes … Je terminerai par là … même si je suis consciente qu’il est nécessaire face à l’enfermement des jeunes de contribuer aussi à ce qu’il soit le moins dépersonnalisant possible et que pour ce faire c’est la question de l’accompagnement et des régimes qui est actuellement la question la plus urgente .. Merci IX. Une once de prévention vaut une livre de soin Par Irvin Waller* Le fait de réduire la criminalité juvénile, de respecter les besoins de la victime, de limiter l’emprisonnement là où c’est le plus nécessaire, sont des éléments aussi importants que notre système de santé, d’éducation, d’emploi. Au cours des quarante dernières années, on a augmenté l’espérance de vie, promu l’éducation et multiplié la quantité et la qualité du travail. De même, les statistiques criminelles diminuent lorsqu’on y investit plus à fond. Pour l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord, un citoyen de quinze ans et plus sur quatre sera victime chaque année d’un crime de droit commun. Un citoyen sur vingt de cette même tranche de population sera victime d’un cambriolage. Plus de 25% des femmes sont agressées au moins une fois dans leur vie par un proche. Les autorités en matière de protection de la jeunesse confirment toutes que plus de 15% des enfants sont victimes d’abus. Un enfant sur vingt est victime de maltraitance à l’école chaque année. Le taux de criminalité dans les années 90 est au moins 200% plus élevé que dans les années 60. Aujourd’hui, les crimes communs résultent de blessures et traumatismes qui se montent à trois millions de dollars par ménage ou dix billions de dollars pour dix millions de personnes. Répondre à la délinquance juvénile par le fait d’adapter les procédures de la justice criminelle aux jeunes ne fonctionnera pas pour contrôler le crime, dans la mesure où ces procédures ne fonctionnement pas non plus en ce qui concerne les adultes. Cela ne diminue pas la délinquance juvénile, qu’elle soit occasionnelle ou récurrente, cela ne réduit pas non plus le nombre de jeunes en prison ou en proie au système judiciaire, cela ne réduit pas les taxes à payer pour la sécurité publique et la justice ; et cela ne réduit pas le coût qui incombe à la victime à la société. Certains pays ont institué des stratégies qui sont supposées réduire le crime et user de ressources plus appropriées. Ces pays ont des projets pour la réduction du crime, un mode de preuves scientifiques internationales, une base de données nationale opérationnelle et une certaine responsabilité, qui sont les éléments clefs de leur succès. Il reste beaucoup à faire, en particulier pour limiter la mesure de l’emprisonnement. Pourquoi ne pas mettre en œuvre le même type de contrôle qui a été utilisé pour les hôpitaux afin de limiter l’utilisation de la prison. En effet, les juges sont capables de réserver la priorité à l’empri- sonnement pour les personnes criminelles les plus dangereuses, de même que les docteurs peuvent le faire pour les personnes dans un état le plus critique et gravement malade. La plupart de pays démocrates occidentaux parviennent à limiter le nombre de personnes qui sont hospitalisées en argumentant que l’on peut trouver des traitements adéquats ou même meilleurs au sein de la communauté, selon les connaissances de base internationales ; que il n’y a pas assez d’argent disponible, et les médecins peuvent mettre des priorités qui seront adéquates en fonction de ceux qui doivent être hospitalisés et pour combien de temps. De même que les statistiques criminelles ont augmenté dans les années 70 et 80, la plupart des pays occidentaux ont augmenté les dépenses en matière de police et de programme judiciaire et correctionnel. Il n’est pas sûr qu’une telle démarche ait un impact sur la réduction du crime. En effet, tandis qu’on doublait les dépenses en matière de justice et qu’un contrôle plus grand existait, les statistiques criminelles elles triplaient ! La diminution des infractions rapportée à la police et l’insatisfaction du public par rapport à la justice et au système légal met en avant le fait que le public est désillusionné. Bien sûr, pendant ce temps, la qualification du personnel s’améliore mais ce personnel n’est pas utilisé à des fins stratégiques qui vont vraiment éradiquer le crime. Les dites stratégies de prévention du crime ne contribuent pas vraiment à la réduction du crime. En Angleterre, les lignes de forces de la prévention du crime sont supposées, dit le premier ministre, réduire de moitié la proportion de crimes de droit commun dans une période de dix ans. Aux Etats Unis, dans des villes comme Boston, Forte Worth et Los Angeles (et pas seulement New York), la violence et le crime auraient déjà diminué de 50%. Il est d’ailleurs démontré que la prévention du crime peut exister sans pour cela qu’on augmente les coûts et sans subsides beaucoup plus importants. Si les politiques socio-économiques pouvaient créer plus de jobs pour les jeunes et dimi- nuer ainsi le nombre de familles à risque, le crime lui aussi diminuerait. Cependant, des réelles stratégies de prévention (qui mobilisent la police, l’école, la famille et la communauté) vont non seulement fouler du pied le crime mais également la place des jeunes et les situations à risque et la victimisation. Le premier centre national de prévention du crime a été établi en Scandinavie dans les années 70 afin de promouvoir la coopération entre les écoles, les services sociaux et les politiques, ainsi que pour investir dans la recherche sur les causes du crime, l’évaluation de projets pilotes et des efforts pour augmenter la conscience publique. La France a établi son conseil national inter-sectoral de prévention du crime en 1982 pour équilibrer les questions de justice criminelle de prévention et de développement social. L’action est focalisée sur le local. Les centres de prévention nationale et locale du crime se sont multipliés en Europe Occidentale, en Australie et en Afrique de l’Ouest dans les années 90. Ces centres sont à présent soutenus par une structure internationale robuste qui est relayée par le centre international de prévention du crime à Montréal. Cette réalité sociale qui est le crime a fait l’objet d’études et de recherches dans le monde entier. Certains projets de prévention particulière ont réussi à contrer des causes particulières comme une absence parentale, décrochage scolaire, etc et sont dès lors parvenus à réduire le crime. Certains projets de prévention sociale amènent à des bénéfices additionnels. Les commissions gouvernementales et les actions confirment que cet élément est assez fort que pour investir plus dans ce qui fonctionne et moins dans ce qui ne fonctionne pas. Lorsqu’en Californie, en 2000, on a donné aux électeurs des informations fiables sur les coûts et l’effectivité de la prison pour les toxicomanes, ils ont voté pour ce qui marchait concrètement plutôt que pour l’incarcération.Aujourd’hui, il est interdit au juge d’envoyer en prison des toxicomanes lors de leur *Professeur de criminologie à l’université de Otawa [email protected] Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 X. deux premières comparutions. Le législateur a été forcé d’investir 120 millions de dollars en un an dans les programmes de traitements communautaires. Ceux-ci sont supposés réduire les infractions commises par les toxicomanes de 70%, et éviter des dépenses supplémentaires. Les agences inter-gouvernementales comme les Nations Unies et l’Union européenne sont d’accord pour dire qu’il existe des arguments convainquants pour que les gouvernements investissent dans la prévention du crime afin de le réduire ; que les gouvernements sont responsables à tous les niveaux dans l’établissement de centres pour la prévention du crime. Que les partenariats sont nécessaires entre les agences responsables de la politique de la justice, des écoles, de la famille, des secteurs privés, et autres afin de fouler au pied les causes multiples du crime ; qu’un plan d’action international de prévention du crime doit être développé, avec suffisamment de personnel et de capacités organisationnelles, que les actions de prévention du crime doivent prendre en considération des problèmes tels que le sexe, la diversité et les droits individuels ; qu’un engagement public, et qu’une conscience accrue est nécessaire. Un plan d’action doit dès lors être rapidement mis en place. Les investissements doivent être faits et le lien doit être fait entre la théorie et la pratique de telle sorte que ces stratégies de prévention puissent être réellement effectives. Une base de données opérationnelle doit être établie. Et les municipalités doivent être encouragées à s’impliquer dans le processus. Il est urgent également de communiquer au citoyen ce qui fonctionne, et quels objectifs vont être mis pour diminuer le crime, et de mettre en balance les efforts pour éradiquer le crime de droit commun, intra-familial et social. Brève Ces six dernières années au Népal, la population a connu énormément d’actes de violence et de riposte. Ceci a eu un impact négatif, non seulement sur les jeunes mais également sur les personnes âgées. Un état d’urgence a été déclaré le 26 novembre 2001. Des enfants sont impliqués dans des actes terroristes : ils tuent, se battent, placent des bombes, … Les habitants de Katmandou sont choqués par les incidents qui se passent à la campagne. Les mouvements mahoïstes affectent directement ou indirectement les enfants depuis longue date. En janvier dernier, quatre-vingt un enfants ont été tués et des milliers d’enfants ont été affectés Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 Les enfants en prison : Réunion d’experts Une réunion d’experts consacrée au thème des enfants en prison, organisée par DEI-Pays-Bas, s’est déroulée à Amsterdam les 22 et 23 février 2002. Elle a rassemblé des représentants de diverses sections et membres associés de DEI, ainsi que d’autres ONG travaillant dans le domaine de la justice pour mineurs, d’établissements d’enseignements, d’instituts de recherche et de l’UNICEF. Des exposés sur la situation relative à la justice pour mineurs en Bulgarie, en Albanie, au Ghana, au Costa Rica, en Argentine, au Kirghizstan, au Pakistan, en Tanzanie et en Inde, ont démontré que les problèmes des enfants en prison étaient similaires dans le monde entier : détention en compagnie d’adultes, prisons surchargées, violences, détention provisoire d’une durée excessive, absence de soins médicaux, malnutrition, manque de formation du personnel pénitentiaire, etc. Ce séminaire a permis, d’un point de vue analytique, de mettre en évidence quatre niveaux distincts : juridique, pratique, social et politique. En ce qui concerne le niveau juridique, les participants ont insisté sur l’importance de la dépénalisation, des réformes législatives et de l’assistance technique. Au cours des débats, trois éléments importants ont été soulignés à plusieurs reprises : la nécessité de lutter contre l’impunité de l’Etat, d’assurer une représentation juridique efficace des enfants, et de privilégier la prévention par rapport à la sanction. S’agissant du niveau pratique, il faudrait procéder à une évaluation précise de la situation actuelle, déterminer les mesures à prendre, assu- rer la répartition des activités et des responsabilités, et définir la contribution des tierces parties. Une réflexion sur le niveau social a permis d’établir que personne ne défendait les intérêts des enfants en prison, puisque ces derniers sont les "mauvais garçons et mauvaises filles" de la société. Les participants ont également abordé la question de la sûreté publique, en mettant notamment en exergue le besoin de faire la différence entre les dangers subjectifs et objectifs représentés par les mineurs délinquants. Pour ce qui est du niveau politique, les participants ont souligné que l’éducation devait être considérée comme ouvrant quantité de portes. Il n’est pas suffisant de faire pression en faveur de l’éducation des personnes détenues, il faut également veiller à leur épanouissement personnel, afin d’éviter tout recours à des méthodes répressives. Par ailleurs, il serait bon que se constitue une alliance d’ONG internationales qui permettrait de mettre en contact les différents acteurs, en vue de jouer un rôle plus décisif en matière de justice pour mineurs. L’ensemble des participants s’est accordé à dire que la recommandation principale de la réunion consistait en la formation d’une alliance de ce type, qui constitue désormais un plan d’action et un suivi de la réunion d’experts sur les enfants en prison. Pour plus d’informations, contacter DEI-Pays-Bas : [email protected] Les enfants affectés par la terreur au Népal de manière indirecte. Ces derniers peuvent être recensés en plusieurs catégories : enfants victimes des mouvements mahoïstes, enfants recrutés par le mouvement et devenus des guerriers du mahoïsme, enfants kidnappés et tués, enfants expatriés à cause des activités de violence et d’anti-violence, les enfants se sentent en insécurité et sont obligés de quitter l’école, les enfants en état d’arrestation emprisonnés par le gouvernement. A l’heure des négociations entre le gouvernement et les mahoistes, les actions ont été mises en place. Des pressions sont exercées sur les étudiants pour qu’ils entrent dans un camp ou dans l’autre, avec des représailles du camp auquel ils n’appartiennent pas. Le développement psychologique et social de la population est mis à mal. Les enfants qui sont a un âge très sensible, devraient être aidés dans le cadre de programmes psychosociaux, plutôt que d’être arrêtés et condamnés. Le peuple népalais appelle à une concientisiation plus élevée en tant que citoyen. Qui est responsable de la création de cette situation pour des enfants et qui prendra la responsabilité de sauver ses enfants d’activités terroristes et de protéger leurs droits fondamentaux ? Par TARAK DHIDAL, KANTIPUR DAILY (népalais), 17 février 2002, PHALGUN 5, 2058, 6pokesperson à CWIN XI. 25-27 FÉVRIER, LA HAYE (PAYS-BAS) LUTTER CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS Compte-rendu par Dora Giusti, DEI/Bureau du travail des enfants Du 25 au 27 février 2002, à La Haye (Pays-Bas), j’ai représenté le Secrétariat international, et en particulier le Bureau du travail des enfants, à la conférence intitulée : “ Combating Child Labour: building alliances against hazardous work” (former des alliances pour lutter contre les formes dangereuses de travail des enfants). Deux autres membres de DEI ont également assisté à cette conférence, à savoir Virginia Murillo, de DEI-Costa Rica, et Stan Meuwese, de DEI-Pays-Bas. 1) INTRODUCTION Cette conférence, qui a été organisée par le ministère néerlandais des affaires sociales et de l’emploi en collaboration avec l’OIT, a montré la fermeté de l’engagement du gouvernement néerlandais, qui avait également parrainé la Conférence d’Amsterdam sur le travail des enfants il y a cinq ans. La conférence se composait en réalité de deux manifestations distinctes : la réunion sur le travail des enfants et la réunion des inspecteurs du travail. Cette dernière, organisée par l’Association internationale de l’inspection du travail (AIIT), avait pour objet d’enseigner aux inspecteurs comment aborder la question des formes dangereuses de travail. Certaines manifestations étaient communes aux deux réunions. Cette conférence conjointe se proposait de lutter contre les formes dangereuses de travail, en passant par la définition du problème et l’action. Elle rassemblait des responsables gouvernementaux, des inspecteurs du travail, des membres d’organisations internationales et d’ONG de plusieurs pays ; en tout, des représentants de 42 pays ont assisté à la conférence sur le travail des enfants. La conférence a abouti à la rédaction d’un projet de document final. 2) COMPTE-RENDU La Conférence a débuté par une séance d’ouverture commune aux deux réunions, durant laquelle le film “The Global Cause” (la cause mondiale), portant sur les pires formes de travail, a été visionné, et à laquelle les personnalités cidessous ont prononcé un discours : - M. Willem Vermeend, ministre néerlandais des affaires sociales et de l’emploi - M. Juan Somavia, directeur général de l’OIT - M. Gerd Albracht, président de l’AIIT - Mme Eveline Herfkens, ministre néerlandaise de la coopération au développement Dans ces allocutions, certains thèmes ont été mis en avant, comme l’importance d’une éducation gratuite et de qualité, le rôle majeur de la coopération et la nécessité d’intégrer la question du travail des enfants au programme de travail de la communauté internationale. Les participants se sont accordés à dire qu’il était nécessaire de travailler en coopération avec des partenaires à tous les niveaux possibles, car ce sont eux qui permettront l’application des normes du travail (telles que la Convention 182 de l’OIT), en vue d’éliminer le phénomène du travail des enfants, lequel doit être vu comme un “ crime contre l’humanité ”, selon l’expression de M. Somavia. Dans les discours, la collaboration avec les inspecteurs du travail a été mentionnée comme étant un élément crucial. Une table ronde a ensuite été organisée, qui s’est employée à définir la notion de formes dangereuses de travail des enfants, et à déterminer les mesures à prendre en vue de lutter contre ce dernier. Le contexte national de chaque orateur a servi de fondement au débat. Le premier jour de la rencontre, trois ateliers ont été proposés : - Identification des formes dangereuses de travail des enfants - Application et suivi - Mise au point d’un programme d’action Cette première journée s’est achevée sur la projection d’un film intitulé “ Combattre l’inacceptable ”, qui a été produit par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), qui parraine à travers le monde des projets destinés à lutter contre le travail des enfants. La deuxième journée de la conférence s’est ouverte sur une séance plénière durant laquelle plusieurs personnalités sont intervenues : - Kailash Satyarthi, président de la Marche mondiale contre le travail des enfants - George James, Organisation internationale des employeurs - Tim Noonan, CISL - Soleny Hamú Álvares, du Forum brésilien pour la prévention et l’élimination du travail des enfants - Frank van’t Hek, de C&A, et Frank Hoendervangers, de la Service Organisation for Compliance Audit Management (SOCAM) La séance du matin a été consacrée à la présentation d’exemples de stratégies d’intervention destinées à combattre le travail des enfants. Celles-ci vont de la priorité à la participation des enfants (stratégie de la Marche mondiale contre le travail des enfants) à des stratégies multidimensionnelles s’appuyant sur la sensibilisation de l’opinion publique, la mobilisation du gouvernement et la mise au point de méthodologies à différents niveaux (stratégie du Forum brésilien pour la prévention et l’élimination du travail des enfants) ; une autre série de stratégies, concernant le secteur des affaires, consiste à superviser de manière indépendante les codes de déontologie des sociétés d’affaires, afin de prévenir le travail des enfants chez les sous-traitants (comme pour C&A, dont le code de conduite fait Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 XII. l’objet d’un suivi par la SOCAM, société supervisant les normes commerciales pour les articles d’usage courant). Un peu plus tard dans la journée, une table ronde a été organisée sur la responsabilité sociale des entreprises. Le deuxième jour, trois ateliers ont été proposés : - Formation d’alliances au sein de l’industrie et de l’agriculture - Formation d’alliances au sein des secteurs informels de l’économie - sembler des informations, mettre au point des directives et prendre des initiatives concrètes. - Après les exposés, les participants ont examiné des listes par pays énumérant les travaux dangereux et les stratégies proposées, notamment de partenariat. - privilégier la coopération à divers niveaux - accroître le rôle des inspecteurs du travail dans la mise en application de la législation relative au travail des enfants, l’identification des pires formes de travail des enfants et le processus de suivi. Il faut mettre au point des méthodes d’action, avec des ressources adéquates et dans une approche multidisciplinaire Conclusions : les participants ont mis en avant la nécessité de s’attaquer au problème du travail des enfants dans une perspective à long terme. Ils ont recommandé l’adoption des stratégies suivantes : - Formation d’alliances au sein de la population dresser une liste des formes dangereuses de travail pouvant être actualisée - Le dernier jour, les participants aux deux réunions se sont rassemblés afin de tirer des conclusions et formuler des recommandations. améliorer la précision des données statistiques - aborder la question du travail des parents - adapter et ajuster les listes déjà présentées par les différents pays - s’attacher à faire évoluer la législation, même pour ce qui concerne les emplois relevant du secteur informel. - privilégier les partenariats pour atteindre ces objectifs. - rechercher en particulier la collaboration de l’OIT et de l’OMS 2.1. Atelier s Ateliers PREMIER JOUR Atelier 1 Objectif : trouver des moyens permettant d’identifier les formes de travail les plus dangereuses et de trouver des solutions éventuelles à ce problème. Débat : cet atelier, auquel j’ai participé, était présidé par Susan Gunn (OIT) et comprenait trois orateurs : Jukka Takala (OIT), Jenny Pronczuk (OMS) et Gerry Eijkemans (OIT). Dans cet atelier, le travail des enfants a été envisagé du point de vue de la santé. Les exposés ont principalement exploré les divers moyens de définir la notion de travail dangereux du point de vue de la santé, et ont évoqué les solutions adoptées par l’OIT (Travail sans risque) et l’OMS (Santé et développement de l’enfant et de l’adolescent et Groupe spécial hygiène de l’environnement et protection de l’enfant). Pour l’OIT, le caractère dangereux du travail des enfants est issu de plusieurs facteurs, tels que l’utilisation de machines dangereuses, l’exposition à des produits chimiques et à des conditions de bruit, de température, etc. préjudiciables à leur santé. L’OMS considère que, dans le processus de définition du travail dangereux, il est indispensable de ne pas oublier les répercussions à long terme que le travail des enfants peut avoir sur la santé de ces derniers à l’âge adulte. L’OIT propose une stratégie complexe, qui s’appuie sur l’application de la réglementation du travail, l’octroi d’un emploi décent aux parents, des systèmes de gestion à divers niveaux et des mesures de protection fondées sur les connaissances de la communauté internationale en la matière. Pour ce qui est de l’OMS, elle s’est attaquée au problème par l’intermédiaire de groupes spéciaux. Les deux organisations privilégient la coopération pour ras- Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 Atelier 2 Objectif : aborder la question de l’application des normes du travail et de son suivi. Débat : cet atelier, présidé par Alam Rahman, de la Marche mondiale (remplaçant Lelio Bentes Correa, ministre brésilien du travail) avait trois orateurs officiels : Simon Steyne, Trades Union Congress UK, Rijk van Haarlem, expert à l’OIT et Rafael Carlos Mastropasqua, ministre argentin du travail. Au cours de cet atelier, le plan argentin pour la prévention et l’élimination du travail des enfants a été présenté comme une étude de cas sur l’application des normes relatives au travail ; il s’appuie en effet sur la collecte de données, la sensibilisation de l’opinion, l’inspection du travail, une forme tripartite de coopération, la réintégration au milieu scolaire des enfants qui travaillent et la mise à jour de la réglementation. Le débat a porté dans un deuxième temps sur le suivi. Selon l’OIT, tous les acteurs, en particulier au niveau de la population, devraient être associés à ce suivi. La collaboration avec les inspecteurs du travail pour assurer le suivi est apparue comme un élément à privilégier. Conclusions : afin de mener à bien les activités d’application et de suivi pour l’élimination des formes dangereuses de travail des enfants, plusieurs stratégies ont été définies : - reconnaître les principes et droits fondamentaux au travail définis par l’OIT - établir un paradigme du travail décent assurer l’accès gratuit et universel à l’éducation Atelier 3 Objectif : élaborer un plan d’action visant à lutter contre les formes dangereuses de travail des enfants. Débat : au cours de cet atelier, présidé par Alice Ouédraogo (OIT/IPEC), la parole a été donnée au Saeed Awan (Centre for the Improvement of Working Conditions and Environment, Pakistan), Claire White (Département du travail, États-Unis) et Lisa Kurbiel (UNICEF). Ces orateurs ont donné des exemples de plans d’action, chacun avec une perspective différente. La stratégie de l’UNICEF concernant le travail des enfants consiste notamment à envisager le problème d’un point de vue plus large, autrement dit dans une optique des droits de l’enfant. C’est la raison pour laquelle l’éducation en tant que droit de l’enfant a été l’un des éléments fondamentaux des plans d’action de l’UNICEF, qu’ils soient préventifs ou d’intervention. Le plan d’action national pakistanais place les alliances avec divers partenaires à différents niveaux au cœur de sa stratégie. Enfin, la représentante américaine a insisté sur la dimension juridique, au niveau des Etats comme à l’échelon fédéral. Conclusions : à partir des trois exemples présentés au cours du débat, les participants ont identifié quelques éléments à prendre en considération lors de la mise au point d’un programme d’action : - volonté politique - forme tripartite de participation sociale - stratégies de prévention - éducation de qualité pour tous - optique des droits de l’enfant - mesures d’application - coopération entre les divers ministères - participation des enfants - financement DEUXIÈME JOUR Atelier 4 Objectif : aborder la question de la formation d’alliances au sein des mondes industriel et agricole. XIII. Débat : dans cet atelier, présidé par Tim Noonan (CISL), les orateurs suivants sont intervenus : Francis Antonio (Malawi Congress of Trade Unions), Marc Hofstetter (End of Child Labour Tobacco), Wilford Dambuleni (ECAM) et Neal Kearney (Fédération international des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir). Le débat s’est appuyé sur une étude de cas émanant de l’industrie du tabac, qui s’est engagée vis-à-vis de l’élimination du travail des enfants : une déclaration a été signée par L’Association internationale des cultivateurs de tabac et l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes, ce qui a conduit par la suite des organisations telles que End of Child Labour Tobacco à œuvrer en faveur de la promotion de projets communautaires dans des régions productrices de tabac comme au Malawi, à sensibiliser davantage au problème, à lutter en faveur de la reconnaissance des droits de l’enfant (en particulier du droit à l’éducation) et à consolider les partenariats. Conclusions : en vue d’une intervention, les aspects fondamentaux suivants ont été mis en avant : - nécessité d’établir des partenariats dynamiques (avec les gouvernements, les employeurs, les syndicats et les acteurs sociaux) - nécessité de mettre en pratique les droits relatifs au travail - nécessité de mettre en pratique les droits de l’enfant, en particulier le droit à l’éducation - nécessité d’insister sur la participation des parents au processus cerne le travail domestique des enfants, lequel peut être considéré comme l’une des pires formes de travail des enfants en raison des conditions dans lesquelles il est réalisé et les effets négatifs que ces dernières risquent d’engendrer à long terme. C’est la raison pour laquelle il faut prendre des initiatives concrètes, dont les piliers sont sensibilisation, protection, soustraction et réintégration. Afin de garantir l’efficacité de ces initiatives, il est nécessaire de former des alliances. Pendant le débat, deux études de cas ont été présentées par l’OIT/IPEC. En Tanzanie, on s’est attaché à former des alliances pour prévenir le phénomène du travail des enfants au niveau communautaire, par le biais de la création de commissions villageoises, composées de divers membres et dont la contribution consiste à offrir une éducation aux enfants et d’autres sources de revenu à la famille. Par ailleurs, l’exemple des Philippines a milité en faveur de la formation d’alliances, même éventuellement d’alliances non traditionnelles, telle celle instaurée avec les autorités portuaires afin de prévenir le trafic des jeunes filles aux fins de prostitution. Le débat s’est animé lorsque l’ensemble des participants à cet atelier s’est penché sur la question de savoir comment faire évoluer les pratiques de travail dans le secteur informel, et comment trouver les partenaires adéquats. Conclusions : afin de mettre un terme au problème du travail des enfants dans le secteur informel, il est nécessaire de : - faire campagne et sensibiliser l’opinion - privilégier la prévention en offrant des services de protection sociale (retraite, prestation de maladie, etc.) - rechercher des partenariats et donner aux partenaires les moyens d’agir grâce à la formation - recueillir des données Atelier 5 Objectif : aborder la formation d’alliances au sein du secteur informel de l’économie, en se concentrant tout particulièrement sur le travail dans les villes et le travail domestique. Débat : cet atelier, auquel j’ai participé personnellement, était présidé par Mike Dottridge (Anti-Slavery International) et comprenait les orateurs suivants : Asha D’Souza (OIT/IPEC) et Ronald Berghuys (OIT/IPEC, Bangladesh). L’OIT/ IPEC a présenté deux exemples d’alliances formées en vue de la mise en œuvre de deux projets spécifiques. Dhaka (Bangladesh) a vu la mise au point d’un projet qui s’adresse au million d’enfants des bidons-villes travaillant le secteur informel et dans des conditions souvent dangereuses. Des alliances – élément fondamental du projet – ont été formées au niveau des donateurs, pour la mise au point et la réalisation. Cette expérience s’est révélée fructueuse, aussi bien sur le plan du temps que du coût. L’autre projet con- - comme le Népal. La population a en fait participé à l’évaluation de la qualité de l’enseignement dans les écoles. De plus, on s’est efforcé de collaborer avec d’autres partenaires internationaux qui avaient déjà des activités au niveau de la population. Ces initiatives ont permis de mettre le travail des enfants au cœur des préoccupations de la population et des agences déjà implantées dans cette population. De la même façon, en Inde, la participation de la population a donné des résultats positifs, ses membres participant à la gestion des écoles et au suivi, et contribuant ainsi à faire progresser la culture de l’éducation plutôt que le travail des enfants. Conclusions : pour intervenir au sein de la population, il est nécessaire de : - déterminer les objectifs des différents groupes en vue de former des alliances - intégrer le travail des enfants à toutes les politiques - mettre l’accent sur l’éducation par l’intermédiaire de partenariats au niveau de la population 2.2. Conc lusions et rrecommanConclusions ecommantions ffor or m ulées par la confédations orm da rence Le dernier jour, un résumé des résultats de la Conférence sur le travail des enfants et de la Conférence de l’AIIT a été présenté. Des conclusions et des recommandations ont ensuite été formulées au cours de la séance plénière. Les participants ont de nouveau souligné la nécessité d’une action internationale coordonnée en vue de l’élimination progressive du travail des enfants (comme le stipule la Convention 138, 1973) et de l’abolition immédiate des pires formes de travail (comme le stipulent la Convention 182, 1999 et la Recommandation 190 s’y rapportant). consulter les enfants Atelier 6 A cet effet, il est nécessaire de : - respecter et appliquer les normes et les droits au travail conformément à la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail - faire une priorité du droit à une éducation de base gratuite et l’appliquer - lancer une action globale destinée à prévenir les pires formes de travail des enfants, mais également à la réhabilitation et la réintégration des enfants qui en sont soustraits - mettre en œuvre les programmes assortis de délais - accorder une attention particulière aux travaux dangereux, qu’il faut envisager du point de vue des répercussions mentales et physiques à long terme Objectif : aborder la question des alliances au sein de la population Débat : cet atelier, présidé par Sheena Hanley (Education International), avaient deux orateurs : Shantha Sinha (Fondation MV) and Geir Myrstadt (OIT/IPEC). Le débat a été consacré à l’importance de la formation d’alliances au niveau des groupes de population. Deux exemples ont été donnés : les programmes assortis de délais mis en œuvre au Népal et la nécessité d’instaurer l’éducation universelle en Inde. Il s’est avéré que la communauté en tant qu’allié dans le processus d’élimination du travail des enfants joue un rôle prépondérant en ce qui concerne les activités de suivi dans un pays relativement pauvre Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 XIV. - - s’intéresser en particulier au secteur informel, qui regroupe nombre de travaux dangereux promouvoir la recherche et la collecte de données - former des alliances à différents niveaux, en faisant participer divers acteurs - travailler en étroite coopération avec les inspecteurs du travail. A cet égard, il faut également renforcer et consolider la législation, les services et les systèmes de gestion concernant les inspecteurs du travail. - assurer transparence et responsabilité enfants (qui est encore à l’étude), et a eu plusieurs occasions d’entrer en contact avec divers acteurs du domaine, de l’IPEC à la Marche mondiale en passant par les gouvernements. La conférence a également fourni à DEI l’occasion de s’informer des derniers projets et des dernières stratégies et publications. Celle-ci a d’ailleurs collecté divers documents (comptesrendus de projets réalisés par des ONG, communiqués de presse, plans d’action gouvernementaux et études de l’OIT), qui seront extrêmement utiles au Bureau du travail des enfants et au centre de documentation du Secrétariat. En dernier lieu, il a été précisé que les conclusions ci-dessus devraient être soumises à la Session extraordinaire consacrée aux enfants en mai 2002. 3. SUIVI Le présent compte-rendu sera distribué à l’ensemble des sections de DEI, dont une partie était intéressée à participer à la conférence, mais n’a pas pu s’y rendre pour diverses raisons. Par ailleurs, le Bulletin du Bureau du travail des enfants consacrera un court article à la conférence et à la présence de DEI. Je donnerai suite aux contacts noués à la conférence, et m’attacherai en particulier à instaurer une collaboration avec la Marche mondiale et à renforcer l’interaction entre le Bureau du travail des enfants et DEICosta Rica. Compte tenu de la priorité accordée aux travaux dangereux et de la nécessité d’aborder cette question du point de vue des droits de l’enfant, DEI devrait rédiger un article sur les pires formes de travail et les méthodes d’action en la matière. 2.3 Accomplissements et éc hecs échecs de la confér ence conférence La conférence a insisté sur le rôle des inspecteurs du travail en ce qui concerne le travail des enfants. En effet, la plupart des acteurs, y compris l’OIT, néglige de collaborer avec eux, ou considère cette collaboration impossible à réaliser. Bien que les Conventions 80 et 129 de l’OIT aient abordé la question des inspecteurs du travail en matière de travail des enfants, le rôle de ceux-ci n’était pas pris en compte en raison de systèmes d’inspection du travail inadaptés. Récemment, l’OIT s’est montrée déterminée à intégrer ce groupe dans le processus d’action. La conférence de février a permis de renforcer leur implication, car elle a ouvert la porte au débat et à l’élaboration de stratégies s’appuyant sur le rôle prépondérant des inspecteurs du travail dans la lutte contre le travail des enfants, y compris lorsque les ressources sont limitées. En fait, leur présence est parue essentielle dans le cadre de la création de partenariats et de la recherche d’alliances à différents niveaux en vue d’une action efficace. Le principal point négatif de la conférence a été l’absence de tout enfant ou adolescent. La participation des enfants a beau être l’une des préoccupations centrales de nombre d’organisations représentées à la conférence, et beaucoup d’orateurs ont beau avoir souligné l’importance de la présence des jeunes, aucun enfant ou adolescent n’a été invité. Cela va à l’encontre du principe de la participation des enfants énoncé dans la Convention relative aux droits de l’enfant. 2.4 Représenter DEI La conférence a permis à DEI de participer au débat sur le travail des enfants. DEI a présenté un exposé de position sur le travail des Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 Défense des Enfants-International (DEI) Exposédepositionsurletravail desenfants:unecontributionau débat et à la pratique (1) L’engagement de DEI vis-à-vis du problème du travail des enfants se fonde largement sur l’article 32 de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), qui reconnaît le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, spirituel, moral ou social. (2) Au-delà de la protection de l’enfant contre l’exploitation économique, DEI souligne que la priorité devrait être accordée aux droits de l’enfant en général, et plus particulièrement aux droits à l’éducation (articles 28 et 29), aux loisirs (article 31) et à être protégé, de façon à donner aux enfants les meilleures chances de bénéficier d’un développement sain durant les premières années de leur vie. Dans cette optique, DEI considère que toutes les formes de travail ne nuisent pas à l’enfant. Par exemple, un emploi ayant un aspect éducatif, développant les compétences professionnelles, aidant l’enfant à nouer des contacts et à s’intégrer dans la société dans laquelle il vit, peut être bénéfique, à condition que ce travail n’empiète pas sur l’apprentissage scolaire et n’ait pas d’effets négatifs sur le développement de l’enfant. (3) DEI a participé activement au débat concernant la définition de la notion de travail des enfants et de travail bénéfique ou nuisible. Elle a apporté sa participation en tant que mouvement, et ce non seulement de manière indépendante, mais également en collaboration avec d’autres organisations internationales. Cependant, il reste certaines divergences de vue à l’intérieur du mouvement qu’est DEI. La plupart des sections estiment qu’il existe une grande différence entre travail et travail pénible, mais certaines considèrent que la délimitation des concepts est souvent floue, ce qui constitue un danger. De plus, ces sections sont souvent d’avis que le fait d’estimer que le travail peut avoir un aspect éducatif risque de conduire à de fausses interprétations. (4) Cependant, les sections de DEI s’accordent toutes sur le fait qu’une analyse du travail des enfants doit se faire dans une optique des droits de l’enfant. La CDE consacre une série de droits permettant de veiller au développement physique, mental, spirituel, moral et social de l’enfant. Lorsqu’un enfant réalise un travail qui viole ses droits au développement, ce travail est nuisible. (5) La définition de la notion de travail nuisible s’effectue selon un critère considéré comme XIV. fondamental, à savoir le plein exercice des droits de l’enfant. Un enfant qui travaille et dont les droits au développement sont d’une manière ou d’une autre bafoués, alors qu’il n’a pas l’âge minimum d’admission à l’emploi, l’activité effectuée est nuisible et peut donc être considérée comme un travail pénible. (6) Ce débat a également soulevé la question de savoir si DEI devrait se prononcer en faveur du droit de l’enfant au travail. Etant donné la diversité des contextes nationaux et des facteurs contribuant au travail des enfants, certaines sections de DEI ont résolu de défendre le droit de l’enfant au travail, dans la mesure où l’activité réalisée par l’enfant ne bafoue pas ses droits. (7) DEI reconnaît que le travail des enfants est un phénomène à plusieurs dimensions. Il est clair que sa principale cause est la pauvreté, mais la dimension économique ne va pas sans interagir avec plusieurs autres facteurs. Au sein des groupes de population dans lesquels les enfants ont toujours eu l’habitude de travailler aux côtés des membres de leur famille, le fait que les enfants travaillent peut être considéré comme une contribution naturelle à la survie de la famille. Quand à cela s’ajoute une mauvaise accessibilité aux écoles, et/ou un manque d’intérêt ou de confiance envers l’éducation de la part des parents, le choix est réduit. Par ailleurs, les enfants peuvent être amenés à être exploités, négligés ou maltraités du fait de certaines croyances traditionnelles ; nous pensons par exemple aux enfants issus de groupes marginaux, dans lesquels les pratiques punitives sont largement répandues. (8) DEI encourage la stratégie consistant à accorder la priorité à l’élimination des formes de travail les plus intolérables, à savoir l’exploitation des enfants dans des conditions de travail dangereuses, mettant leur vie en danger ou les empêchant de se développer de façon saine. Citons par exemple : les travaux impliquant la séparation des enfants de leur famille ; les travaux exposant les enfants à des sévices physiques ou sexuels ; la prostitution ; l’esclavage ou la servitude pour dettes ; les travaux imposant une durée de travail excessive ; les travaux impliquant de manipuler ou de porter de lourdes charges ; les travaux s’effectuant sous terre ou sous l’eau, en particulier dans l’industrie minière et la pêche ; les travaux exposant les enfants à des pesticides et s’effectuant avec des outils et des appareils dangereux, en particulier dans l’agriculture ; les travaux s’effectuant dans les rues des villes et exposant les enfants aux dangers liés à une circulation très dense et à la pollution. Ce ne sont là que quelques exemples, car en fonction des contextes des pays dans lesquelles elles opèrent, les sections peuvent citer d’autres catégories ou exclure certaines de celles mentionnées ci-dessus. (9) A cet égard, DEI voit la Convention 182 de l’OIT sur l’élimination des pires formes de travail des enfants (1999) comme un précieux outil pour l’action, et exhorte tous les Etats à la ratifier et l’appliquer dans les plus brefs délais. Cependant, DEI est consciente du fait que la Convention ne dresse pas de liste satisfaisante des pires formes de travail des enfants, et les catégories qu’elle présente sont empreintes d’une certaine rigidité. DEI préfère parler des formes de travail les plus intolérables et les plus dangereuses. Celles-ci peuvent différer selon les pays. Par ailleurs, certaines sections refusent compter les enfants soldats et l’exploitation sexuelle des enfants parmi les pires formes de travail, considérant qu’ils constituent des phénomènes à part, motivés par d’autres éléments que le travail des enfants. (10) Selon DEI, la rigidité de la Convention 182 découle également du fait qu’elle n’aborde pas le problème dans une optique des droits de l’enfant. Bien qu’elle dise expressément qu’elle rappelle la Convention des droits de l’enfant, la Convention 182 met peu l’accent sur le droit de l’enfant au développement. DEI est convaincue tout particulièrement qu’en matière de travail des enfants, l’éducation est un élément central, en tant que droit et non pas seulement en tant que moyen de lutter contre le travail des enfants. Les pires formes de travail sont aussi celles qui empêchent l’enfant d’aller à l’école, entravant ainsi son développement. (11) DEI estime qu’il est important d’associer des mesures d’urgence destinées à éliminer les pires formes de travail des enfants à des objectifs plus larges visant à éliminer toutes les formes d’exploitation et à promouvoir les droits de l’enfant à l’éducation, à la santé et aux loisirs. Il est souhaitable que tous les programmes d’action liés au travail des enfants prennent en compte tant les objectifs à court terme ayant trait au droit de l’enfant à être protégé, que les objectifs de plus grande ampleur ayant trait au droit de l’enfant à bénéficier de soins et d’un développement s’appliquant à l’intégralité de sa personne. Dans ce contexte, DEI souligne à quel point il importe de fonder toutes les initiatives sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. (12) Les initiatives de DEI s’appuient sur les dispositions de la CDE, qui défendent l’idée d’un partage des responsabilités au sein de la société afin d’assurer le développement sain de l’enfant. L’accent est mis sur l’importance d’une société civile active, qui s’efforce d’éliminer les pires formes de travail des enfants, ainsi que sur la protection de tous les enfants engagés dans un travail quelconque. L’approche globale de DEI consiste à encourager l’Etat, la collectivité, les ONG, les simples citoyens, le monde des affaires, les institutions religieuses, les parents et les enfants, à participer tant au débat qu’à l’élaboration et à la mise en œuvre de projets. (13) DEI est convaincue, en accord avec les articles 5 et 18 de la CDE, que la responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou aux représentants légaux, et que ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant. Les Etats parties sont tenus de leur accorder une aide efficace, par la mise en place d’institutions, d’établissements et de services. (14) Les Etats parties ont le devoir de fixer des normes destinées à garantir le droit de l’enfant au développement. Les gouvernements doivent mettre au point une législation nationale relative au travail des enfants et des jeunes, en conformité avec des instruments internationaux tels que la CDE, la Convention concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, 1973 (n°138) et la Recommandation s’y rapportant (n°146), ainsi que la Convention 182 et la Recommandation s’y rapportant (n°190). L’article 32 de la CDE stipule que les Etats parties doivent : a) fixer un âge minimum ou des âges minimums d’admission à l’emploi ; b) prévoir une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d’emploi ; c) prévoir des peines ou des sanctions appropriées pour assurer l’application effective de l’article. (15) Comme le stipule l’article 36 de la CDE, les Etats parties protègent l’enfant contre toutes (autres) formes d’exploitation préjudiciables à tout aspect de son bien-être. DEI souligne en particulier que l’intervention de l’Etat dans le domaine de l’éducation est un élément primordial pour le développement et le bien-être de l’enfant. Conformément à l’article 28 de la CDE, l’Etat doit rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous, par l’intermédiaire de lois et de mesures efficaces. L’éducation est un droit fondamental de l’enfant, et constitue une étape importante vers l’élimination des pires formes de travail des enfants. (16) DEI considère également que l’enfant est un acteur très important ; le droit de l’enfant à la participation est consacré dans les articles 12 à 15 de la CDE, qui stipulent que l’enfant a le droit de se forger ses propres opinions et d’être entendu, et affirment son droit à la liberté d’expression et de pensée. Ainsi, il est nécessaire que ces articles s’appliquent également aux enfants qui travaillent, afin que ces derniers puissent participer au débat sur les mesures et les stratégies à adopter en matière de travail des enfants. Genève, le 15 février 2002 Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 XVI. CONTRIBUTION DE LA SECTION DEI-CONGO A LA POSITION DE DEI SUR LE TRAVAIL DES ENFANTS La République Démocratique du Congo a pris une part active au Sommet Mondial pour les enfants (1990) et a adhéré à la Convention relative aux Droits de l’Enfant (1989)1. La Section DEI-Congo a tenu a contribuer au débat sur le travail des enfants en enrichissant le texte sur les idées suivantes : 1. Concernant les enfants domestiques, le placement traditionnel d’enfants dans des familles autres que leurs famille biologiques qui avait une valeur éducative évolue de plus en plus en une activité commerciale et conduit à l’institution de véritables trafics d’enfants domestiques à des fins d’exploitation économiques. Près de 90% des enfants domestiques sont des filles. Leur position d’infériorité au sein du ménage les rend particulièrement vulnérable aux abus sexuels et aux viols. 2. Des campagnes d’informations, de sensibilisation et de plaidoyer des décideurs politiques, du grand public et des professionnels sont portées sur les droits de l’enfant (pays de l’Afrique). C’est pourquoi des initiatives devront être prises au niveau international, régional et national en matière des conférences, des ateliers et symposiums sur la question du travail des enfants et l’exploitation économique. 3. En général, il n’existe pas dans les législations des pays en développement de dispositions légales qui protègent l’enfant face au travail, même si certains pays s'en approchent. Si le travail des enfants n’est pas l’objet d’une protection juridique globale, il existe cependant des articles pertinents dans différents code et lois nationales. Ces articles punissent le travail des enfants comme un crime aggravé quand la victime est mineure. D’autres articles punissent également et de façon distincte le travail des enfants commis sur les enfants. 4. Pour que la loi soit appliquée, plusieurs conditions doivent êtres réunies : reconnaissance légale des droits, information des individus et des personnels chargés de l’application de la loi, jouissance de ces droits et accès à un procès équitable. Force est de reconnaître que de nombreuses conditions manquent : maintien de législation discriminatoire; pratiques inégalitaires entre garçons et les filles dans de nombreux domaines, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’éducation et le choix du métier ou d’un conjoint, pratiques accentuées notamment par le taux d’analphabétisme, absence de définition d’un âge minimum légal fixe pour la consultation d’un juriste ou avocat ou d’un médecin sans consentement des parents. De plus, dans la réalité, la plupart des cas d’abus et d’exploitation économique sont peu connus des services judiciaires. Les plaintes sont rares du fait que les réconciliations et les arrangements à l’amiables sont encore de mise dans de nombreux pays. En effet, intenter une action en justice entraîne des frais financiers souvent inaccessibles aux parents. Enfin, dans un contexte d’émergence du phénomène, d’autres difficultés dans l’exploitation de la législation sont le manque total, parmi le personnel chargé de faire appliquer les lois, de perception de travail des enfants, l’insuffisance de formation de ce personnel et de manque ou l’insuffisance du nombre de juges d’enfants dans le pays de la région. Forts de ces constats, quelques pays ont institués des brigades de protection des mineurs, un service téléphonique gratuit pour les enfants. Ces brigades restent en général démunies du minimum de moyen pour un travail efficace. 5. Porte de sortie DEI · Promouvoir des activités d’appui aux familles au plan social et économique pour une meilleure éducation et prise en charge des enfants victimes et pour le respect permanent de leurs droits quelque soit la situation. · Approfondir l’analyse de la situation des enfants et des femmes en tenant compte de toutes les situations d’abus et d’exploitation économique des enfants y compris sexuels et en encourageant les études thématiques et ciblées, de même que la recherche - Appuyer les réformes de lois en uniformité avec les instruments internationaux pertinents et les accords des pays quand cela est nécessaire, - Renforcer les capacités des professionnels, gouvernements, OIT, ONG et BIT, - Elargir la collaboration avec les Ministères Intérieur, Travail et Prévoyance Sociale, Affaires Sociales et Famille, Jeunesse, Sports et Loisirs, Plan et Tourisme par le biais des agences de voyage. Plaidoyer, information, sensibilisation sur la ratification et l’application des instruments internationaux notamment : · · · La convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et ses deux protocoles, de même que les autres convention et protocoles complémentaires; Assistance technique et appui à la formation des projets spécifiques ou des plans d’action de lutte contre le travail des enfants; Renforcement institutionnel : mise en place et fonctionnement des Comités Nationaux de lutte contre le travail des enfants, selon les requêtes ou des centres de prise en charge; · Réforme des lois; · Réhabilitation, réintégration familiale et sociale y compris la prise en charge sociale et psychologique des enfants traumatisés; · Amélioration des connaissances sur le phénomène par des études ciblées. Fait à Kinshasa, le 02/02/2002 Liste des personnes impliquées à l’élaboration de la contribution DEI-Congo sur le travail des enfants I. Cellule de pilotage 1) Prof. Biblio. TSASA-TSASA, Président de la Section DEICongo, Conseiller Réseau National Droit de l’Enfant, Expert au Ministère des Affaires Sociales et Famille, 2) Prof. MASIALA MA SOLO, Directeur du Centre Congolais de l’Enfant et de la Famille, Vice-Ministre à l’Education Nationale, Chargé de Secteur Primaire, Secondaire et Professionnel, 3) Prof. Dr BUASSA-BU-TSUMBU Beaudouin, consultant à la section DEI-Congo II. Comité des experts 1. Ir LANDU LAKULA, Chargé de la logistique DEI; 2. Mme BOSESO KIPASA, Conseillère Juridique; 3. Mme Sophie, Analyste Centre pour la Promotion des Droits de l’Enfant et de la Femme; 4. Mr Thierry ILUNGA, Informaticien GADERES; 5. Mr TSASA MBAMBI, Avocat Près de la Court d’Appel. 6. Dans le cadre d'un plan stratégique DEI devrait adopter les principes directeurs suivants : 1. ordonnance n° 90-048 du 21 août 1990 Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 XVII. Les représentations de l’intérêt supérieur de l’enfant Gervais Douba.(1 ) L’article 3 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant dispose :”Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale”. Comment transformer les regards, les appréciations et les représentations réciproques pour que les différents opérateurs puissent devenir les partenaires d’un même projet à savoir se déterminer en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant ? Cet intérêt supérieur- rappelons le- englobe aussi bien l’intérêt matériel que l’intérêt moral. Il est par essence fondamental et vital plus que ne le sont les intérêts économiques puisque nombreuses sont les entrées analytiques qui permettent de mettre en lumière les motivations de tous ceux qui se préoccupent de voir les Institutions publiques et/ou privées de part le monde, appliquer la Convention, soit au travers de leurs actions d’aides et de soutiens matériels, soit au travers de leurs œuvres d’interpellation et de veille vigilante. Les représentations de l’intérêt supérieur de l’enfant tel que défini, constitue un référentiel complexe, dans lequel chaque acteur militant mobilise les ressources qui informent son action et / ou orientent ou justifient ses choix. On est tenté de dire que les différents acteurs semblent s’accommoder de la situation actuelle; celle qui consiste à peu entreprendre pour que les représentations de l’intérêt supérieur de l’enfant soient construites avec les mêmes instruments en vue de réussir la réciprocité et, pour être significatives et mis au service de l’enfant. Selon les conjonctures économiques, le climat politique et militaire, les institutions publiques et privées, les légitimités supranationales et leur logique respectif, chaque acteur s’oriente et s’organise en puisant dans ce référentiel où coexistent des visions à la fois paradoxales et très contradictoires. Les institutions publiques et les légitimités supranationales font de l’intérêt supérieur de l’enfant, le produit dérivé- (et encore !) des intérêts du marché et de l’Etat, jugeant ces derniers plus légitimes, plus légaux et non susceptibles d’entrer en conflit avec ceux de l’enfant. Certains acteurs agissant dans le champ de la Convention; la réduisent à l’aide d’urgence et semble moins préoccupés pour susciter des interrogations, c’est-à-dire permettre aux publics bénéficiaires de prendre du recul face aux différents facteurs générateurs de ten- sions sociales et de violence sous toutes ses formes. Avant de décrire les contenus représentationnels qui ressortent des observations que nous avons faites soit en participant à des colloques (2 ), soit au cours des rencontres comité de liaison ONGUNESCO(3 ), soit au cours des tables rondes à l’Université de Rouen à l’occasion de la journée des droits de l’enfant(4 ),l’objectif que poursuit cet article est double : - relever deux aspects qui président à la construction de ces représentations comme l’écrivait Michel Autes (5 );la double polarité des représentations c’est-à-dire l’opposition systématiques des champs. - démontrer les oppositions normatives qu’induit l’opposition des champs I) La double polarité de la représentation. On est en présence des systèmes d’opposition qui se présentent comme des alternatives posées entre deux termes. - Cette problématique est riche d’intérêts tant sur le plan théorique sur le plan pratique. A partir d’un certain nombre de constats, poser des questions puis faire des propositions même s’il paraît difficile – en matière des dispositions de la CIDE- de réaliser cette réflexion de Vauvenargue selon laquelle :”Pour savoir ce qu’il faut faire, il faut du génie; pour savoir comment faire, il faut du talent et pour savoir quand il faut faire, il faut de la vertu”. Pour certains acteurs l’assistance matérielle et morale donc l’aide d’urgence est une manière plus efficace d’appliquer la C.I.D.E. L’aide d’urgence; version médiation à la citoyenneté de l’enfant est de loin mieux que toute autre chose. L’action est privilégiée comme si on rendait le culte à l’action au détriment de la culture; réflexion. C’est une forme de médiation dont le fondement théorique est “le droit d’ingérence ou obligation de réaction.” (6 ) Désormais l’iconographie de l’action va s’opposer systématiquement, au nom de l’urgence de la situation- à toute autre forme de médiation. L’urgence commandera l’organisation des prises de position et donnera comme explications des causes de la non application de la C.I.D.E les dysfonctionnements de la société ou la défection du lien familiale qui appelle des solutions d’urgence. Les causalités sont aussi bien économiques que politiques; la pauvreté et l’exclusion, les guerres fratricides dont sont (1) Enseignant en gestion à l’IUT-Université de Rouen. (Secrét Général Adjoint DEI-France, Coordonnateur du Bulletin Francophone de DEI pour la France) (2) Colloque ATD-Quart Monde : Session Justice et Quart monde Paris Mai 2001 (3) Comité de liaison ONG-UNESCO 14.15.16 Décembre 2001 (Paris) (4) Xè anniversaire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. (Université de Rouen) (5) Michel Autes “Un révélateur des tensions sociales; une études sur l’observatoire de la pauvreté et de l’exclusion sociale” Documentation Française Paris 2002; cité également par “Partage” n°157 mars-avril 2002 (6)Pierre Klein “Droit d’ingérence” Bruxelles Bruylant et éditions U.L.B. 1992, voire aussi Olivier PAYE “Sauve qui peut” même éditions 1996 et le discours de Bernard Kouchner “le droit d’ingérence comme nécessité morale; le malheur des autres”, Paris.Editions Odile Jacob 1990 pp.289 et 291. Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 XVIII. friands certains généraux; VRP des complexes militaro-industriels et autres marchands du temple de la prostitution infantile. L’aide d’urgence apparaît comme un acte de générosité, de la charité au sens où l’entendait Alfred Sauvy dans les rapports entre pays riches et pays pauvres. Les vaillants missionnaires de l’action humanitaire en faveur de l’enfant, en arrivent même à privilégier plus l’élan du cœur pour contrer cette pression de la réalité que l’exigence de l’application du droit à travers des réponses professionnelles. - En revanche, d’autres privilégient la dénonciation, les grandes diatribes et autres études exégétiques portant sur l’évolution de la représentation du statut de l’enfant; lequel passe de l’enfant, certes objet du droit de protection mais, désormais sujet du droit; donc citoyen déjà. Cette deuxième catégorie met en avant la nécessité de croiser les connaissances pour comprendre les situations de grande pauvreté; de triangle de la misère (ignorance- faim- maladie); c’est-à-dire poser sur les facteurs dont la conjonction aboutisse à faire échec à l’application de la CIDE, le regard lucide, vigilant et transversal (psychologie et droit) car, bien souvent l’aide – au lieu d’être une béquille- se substitue au droit. Elle doit être la résultante du droit et non le contraire ! Cet autre pôle pose le problème de la façon épistémologique et éthique. Il s’efforce de poser un regard d’alternative; un véritable exutoire pour que les acteurs de la CIDE- de quelle que orientation qu’ils soient en terme de représentation des intérêts supérieurs de l’enfant, qu’ils soient en cohérence avec leur logique passée, présente et à venir, en s’interrogeant sur les manières de rendre intelligible et accessible au plus grand nombre la CIDE. La CIDE doit devenir une force génératrice d’une société internationale en perpétuelle mutation. Elle doit avoir un sens. Cette entreprise de médiation rappelle la réplique de Busiris et Hector sur les rapports entre le fait et le droit. - Busiris : “C’est contre les faits, Hector.” - Hector : “Mon cher Busiris, nous savons tous ici que le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité.” l’enfant contenu dans la CIDE, on devrait s’inspirer de cette pensée de Michel Foucault (7 ) “qu’il y a des moments dans la vie où la question de savoir si on peut penser autrement qu’on ne pense et percevoir autrement qu’on ne voit est indispensable pour continuer à regarder ou à réfléchir perçoit.” Malheureusement ce n’est pas toujours le cas : Ces deux catégories de représentation sont pour certains stables et pour d’autres instables; c’est-àdire qu’il s’agisse de l’aide d’urgence ou de la réflexion interpellation les unes et les autres constituent un mélange soit du traditionnel, du classique et stables dans le temps, proches du sens communs, en fait du poncif soit des représentations marquées d’incertitudes, de doutes quant à la lisibilité de la réalité; laquelle échappe à toute définition unique et difficile à maîtrisée. Celles qui sont dits “stables” Ce sont les représentations qui se sont sédimentées, fossilisées dans le temps. Pour elles, les acteurs ont stockées des moyens et du personnel dont la projection peut se faire à tout moment. Ce qui constituent d’après nous, d’une part le triangle de la misère; la conjonction de l’ignorance et de la faim dont la résultante est la maladie et d’autre part les tensions sociales, les conflits armées et le tourisme sexuels. Les institutions publiques comme privées et les légitimités supranationales luttent contre ces trois fléaux. En matière des Droits de l’Enfant, c’est l’humanitaire d’urgence qui dépend de la charité. Les territoires d’accueil ou les camps de réfugiés de fortune en sont le théâtre. La question de l’intérêt supérieur de l’enfant se pose en termes de droit humanitaire, de droit d’ingérence. La CIDE n’est lue que dans le cadre des normes globalisantes et métaphysiques comme les droits de l’homme. D’ailleurs, les Etats théâtres de grandes atrocités dont les enfants sont les premières victimes ouvrent largement leurs frontières aux O.N.G. lesquelles se substituent à eux même en matière d’infrastructures élémentaires. Les sociétés sont de plus en plus plurielles parce que la tendance à aux communautarismes, à la singularité. L’outil de définition et de résolution des conflits résultant des représentations erronées est le droit d’ingérence pour les donateurs et l’exigence de solder le tribut parce que la richesse est mal répartie à travers le monde pour les pays pauvres et les zones de guerre. Ceci relève du traditionnel, du poncif dont la solidarité et le partage sont les éléments de justification. Les représentations instables sont d’influence communautariste. Les communautés revendiquent le respect de leur particularité mais sont loin d’imaginer que leurs représentations est un champ tourmenté. Il est souvent difficile de repérer les positions des uns pour produire un climat stable : C’est dans le registre des us et coutumes, de la religion que l’on trouve ces manifestations. Certaines complètent la première catégorie alors que d’autres se contredisent ou contredisent la première catégorie. Nous pensons particulièrement à deux registres; celui du travail des enfants et à celui de la confusion qui est monnaie courante entre les transformations morphologiques et la maturité mentale dès la pré adolescence des filles et des garçons. Les explications données à ces deux registres désignent la pauvreté économique des communautés pour cause principale de cette quête de revenu additif. Les individus et les familles aideraient mieux leurs enfants s’ils n’étaient pas économiquement fragiles; donc il faut repenser la répartition des richesses, redistribution. Qu’on impute aux dysfonctionnements des mécanismes socio-économiques la prise en otage de l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est une chose. Mais qu’on confonde maturité, capacité de discernement avec morphologie précoce pour organiser les mariages, laisser se développer la prostitution infantile, pousser les enfants à des travaux d’une pénibilité incroyable, les enrôler dans les armées, leur fermer les chemins de la scolarisation, et, s’autoriser des polémiques stériles et sclérosantes sur la majorité et le discernement n’est pas acceptable. Nous avons observé qu’à l’exception de l’environnement technologique et des cas pathologiques regrettables, les cycles de croissance des enfants vers l’âge adulte est rythmé de ruptures et de remises en cause comparables : rébellion précoce chez certains, volonté d’émancipation prématurée chez d’autres. Cette aptitude à réagir face aux aléas de la vie courante pour un(e) adolescent(e), dans un environnement culturel et technique donné n’explique pas l’enrôlement dans les armées ou le mariage précoce. Dans le cadre de la CIDE, nous osons penser que la singularité n’est pas un prétexte à l’insularité puisque derrière cette double polarité est en jeux le problème des oppositions normatives; la CIDE est– elle un droit fondamental ou un droit conditionnel ? Nous sommes amenés à faire remarquer qu’au sujet des représentations de l’intérêt supérieur de (7) Michel Foucault “L’Usage des plaisirs” Paris Editions Gallimard 1984 P.14 Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 XIX. II) Les oppositions normatives induites des représentations. Le dilemme devant lequel la double polarité des représentations met les acteurs de la défense de l’intérêt supérieur de l’enfant est celui de la normalité. Comme le faisait remarquer Michel Autes (8 ) les représentations ne sont pas seulement des outils de la connaissance et de diagnostic de la réalité. Elles comportent aussi des aspects évaluatifs orientés vers l’action. Elles constituent quelque part à la fois le capital, le moteur et le ressort de la motivation.. Les oppositions normatives qu’elles induisent sont de deux sortes : l’intérêt supérieur de l’enfant relève–t’il du droit fondamental; le droit de l’homme dont la CIDE est une des composantes ou le droit conditionnel; c’est-à-dire une réponse ponctuelle à une crise ponctuelle ? Si la CIDE est un droit ponctuel, les enfants dont les conditions économiques et sociales sont confortables en seraient exclus. Dés lors, on ne serait pas devant un dilemme mais une véritable option marchande. C’est avec pertinence que Susan George (9 ) nous donne une représentation des fondements du monde actuel. Pour l’auteur, s’ils avaient construit un immeuble d’habitation ou un gratte-ciel, les architectes du système financier, en l’occurrence les légitimités supranationales et leurs mécanismes invisibles de domination du monde, auraient été traînés devant les tribunaux pour négligence et malfaçons graves. Des pans entiers de leur édifice s’écroulent et, comme d’habitude en pareil cas, la chute de la maçonnerie écrase des innocents dont le seul tort consistait à se trouver au-dessous. Le monde, selon cette représentation est construit sans prise en compte de la citoyenneté de l’enfant. La sauvegarde des intérêts financiers l’emporte nettement sur les préoccupations de l’intérêt supérieur de l’enfant, de son discernement et quoi encore ! Telle qu’elle est, cette authentique représentation de la réalité monde réduit la CIDE à un droit des pauvres, des désaxés et fait des tenants de la thèse de la priorité à l’aide d’urgence, soit des sapeurs pompiers, soit des services médicaux d’aides d’urgence. L’intérêt supérieur se ramène à fournir l’ordinaire aux fauves ou aux déshérités pour se donner bonne conscience tel que l’observait Alfred Sauvy au sujet de l’aide publique analysée comme une œuvre de charité des riches au profit des pauvres. Il suffirait alors de rendre prioritaire l’aide d’urgence, de se focaliser sur le largage des vivres; qui au demeurant permet d’écouler les stocks des firmes multinationales de l’agro-alimentaire. On donnerait volontairement ou non raison aux dictatures - sous toutes leurs formes- que le respect du droit de l’enfant, en particulier et du droit de l’homme en général ne dépend que de la richesse économique. Il suffisait aux institutions publiques et privées, à toutes les légitimités supranationales de panser les blessures infligées et d’arrêter de penser l’homme, de placer l’enfant sur une trajectoire de citoyenneté et de dignité. Au lieu de donner à l’aide d’urgence, sa pleine acception; c’est-à-dire action de médiation vers l’autonomie durable et pérenne, l’aide d’urgence est ainsi dévoyée, bifurquée et émasculée ! est hostile à l’autre et vice versa. Dans le cadre de la CIDE, les tenants de l’aide d’urgence et ceux de la médiation doivent faire cause commune, sortir de leur isolement et démontrer leur expertise aux adversaires de la CIDE. Heureusement que le but de la Convention est la réalisation d’une union plus étroite entre les institutions publiques et privées pour la sauvegarde et le développement de l’intérêts supérieurs de l’enfant; sujet de droit et non réduit à l’objet de droit. La lutte pour l’application de la CIDE est multiforme. Comme nous venons de le voir, une partie de cette lutte est la constitution en réseau d’expertise. Se mettre d’accord sur les représentations. Comment trouver une capacité d’agir face des résistances exégétiques et doctrinales telle que les approches divergentes des plus hautes autorités judiciaires en France ? Transformer les savoirs en savoir-faire dans un monde complexe et de plus en plus immatériel. Les réseaux pour établir des relations de partenariat et de coopération par l’échange d’information et d’outils de lecture et de résolution des questions relatives à la CIDE La CIDE relève du droit fondamental. Vue sous l’angle que propose Jacques Rancière (10 ), la CIDE dérange, et lutter pour son application doit nous démanger, hanter nos nuits et nous donner des cauchemars tant que les institutions résistent à son application. La CIDE doit- dans les Etats qui l’ont ratifiée- engendrer une politique de la famille. Il y a politique selon Jacques Rancière, non pas lorsqu’il y a choix entre des réponses proposées, mais lorsqu’il y a invention d’une question que personne ne posait, non pas lorsque s’expriment des groupes bien identifiés, des partenaires reconnus comme tels, mais lorsqu’apparaissent des interlocuteurs “inédits”, des êtres sans qualité, qui troublent le cours des choses en portant sur la place publiques des objets de litiges. La CIDE n’est pas un code de bonne conduite ou une espèce de “soft law”. C’est un droit pertinent qui traite du devenir de l’enfant quelles que soient les conditions de vie. Les acteurs d’horizons professionnels divers sont des médiateurs dont le rôle est de mutualiser, animer, coordonner leurs actions et se placer comme lieu d’expertise. Etant dans le domaine de l’iconographie, on dit que les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui sont écrasées. La médiation dans ce domaine consisterait à rendre la CIDE intelligible et accessible à tous afin que quiconque en revendique l’application. Enfin, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être en interdépendance entre l’économie et les droits de l’homme et non en opposition selon l’expression de Mireille Demas-Marty (11 ). La CIDE doit être notre boussole et en même temps notre territoire. Nous terminerons cet article par une autre iconographie. La ville de Tuléar est une embouchure; là où l’eau du fleuve (eau non salée) se jette à la mer (eau salée). Il y a de temps en temps des batailles entre requin et crocodile. Les deux monstres ayant la même force, seul celui des deux qui parvient à attirer son adversaire sur son territoire qui l’emporte, parce que le territoire de l’un Conclusion. L’autre versant de cette lutte est un travail de recherche notamment dans l’enseignement supérieur et le rapprochement avec le Comité de liaison ONGUNESCO. Les oppositions en matière de représentations peuvent être explorer non pas sous l’angle de bouclier des uns dans une guerre iconographique ou polémique contre les autres mais comme des leviers. Les représentations sont des outils et permettent d’identifier les thérapies adaptées; des outils éthiques et épistémologiques. La tendance, notamment au niveau de l’Agence Universitaire de la Francophonie est de susciter des travaux sur les droits du genre et démocratie; démocratie et bonne gouvernance. C’est une opportunité à travers le monde universitaire francophone. (8) Michel Autes :Un révélateur des tensions sociales. (déjà cité infra) (9) Susan George : Directrice associé du Transnational Institute (Amsterdam) et Présidente de l’Observatoire de la mondialisation. “La racine du mal.” Manière de voir 52 Le Monde diplomatique Juillet-Août 2000.. (10) Jacques Rancière “L’opinion contre le politique” rapporté par Catherine Foret. Dans “Gouverner les villes avec leurs habitants” Fondations pour le progrès de l’homme.Editions Charles Léopold Mayer Paris 2001. (11) Mireille Delmas-Marty “Trois défis pour un droit mondial” Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 XX. JOURNÉE DE DISCUSSION GÉNÉRALE DU COMITE DES DROITS DE L'ENFANT SECTEUR PRIVÉ ET DROITS DE L’ENFANT Conformément à l’article 75, de son règlement de procédure provisionnel, le Comité des droits de l’enfant a décidé de dédier périodiquement une journée de discussion générale à l’étude d’un article spécifique de la Convention ou à un sujet sur les droits de l’enfant. Le secteur pri vé1 Le sujet pour la prochaine discussion générale du Comité des droits de l’enfant est "Le privé comme ffour our nisseur de ser vices et son rôle dans le rrespect espect des dr oits de l’enf ant ournisseur services droits l’enfant ant". La discussion aura lieu le 20 septembre 2002 pendant la 31e séance du Comité au Bureau des Nations Unies à Genève. L’objectif de la discussion générale est de promouvoir une meilleure compréhension du contenu et des implications de la Convention puisqu’ils sont liés à des sujets spécifiques. Les discussions sont ouvertes au public. Sont invités à y assister les mécanismes des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme, ainsi que les organes et les institutions spécialisées des Nations Unies, les organisations non gouvernementales et des experts privés. Contexte: les Organes de surveillance des traités des Droits de l’Homme et les Acteurs du Secteur Privé. Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme offre une orientation utile en affirmant que "tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et libertés…". Les organes de surveillance des traités des Droits de l’Homme ont fait spécifiquement référence, dans leurs traités respectifs, en particulier dans leurs observations générales, aux responsabilités des entreprises dans le respect des droits spécifiques. Par exemple, l’Observation Générale N° 12 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) relative au droit à une nourriture suffisante souligne que, "Seuls les États sont parties au Pacte et ont donc, en dernière analyse, à rendre compte de la façon dont ils s'y conforment, mais tous les membres de la société - individus, familles, collectivités locales, organisations non gouvernementales, organisations de la société civile et secteur privé - ont des responsabilités dans la réalisation du droit à une nourriture suffisante. L’État doit assurer un environnement qui facilite l’exercice de ces responsabilités. Les entreprises Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 privées - nationales et transnationales - doivent mener leurs activités dans le cadre d’un code de conduite qui favorise le respect du droit à une nourriture suffisante, arrêté d’un commun accord avec le Gouvernement et la société civile." L’Observation Générale No. 14 du CESCR relative au droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (art.12), pars. 35, 36. 39, 42, 51, 55, 56, fait une référence spécifique aux responsabilités du secteur privé, en soulignant au paragraphe 42 que "Seuls des États peuvent être parties au Pacte et donc assumer en fin de compte la responsabilité de le respecter, mais tous les membres de la société - les particuliers (dont les professionnels de la santé), les familles, les communautés locales, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, les organisations représentatives de la société civile et le secteur des entreprises privées - ont une part de responsabilité dans la réalisation du droit à la santé." D’autres références aux responsabilités du secteur privé peuvent se trouver dans l’Observation Générale N° 13, par.30, du CESCR relative au droit à l’éducation (art.13); dans l’Observation Générale N° 19, par. 19, relative à la violence à l’égard des femmes du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW); et dans l’Observation Générale N° 24, par.15, relative à la femme et la santé (art.12) de CEDAW. Egalement, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes énonce dans son article 2(e) l’obligation des Etats parties de "Prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l'égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque." Une responsabilité similaire est incluse dans La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui dans son article 2(d) énonce l’obligation des Etats parties:"Chaque Etat partie doit, par tous les moyens appropriés, y compris, si les circonstances l'exigent, des mesures législatives, interdire la discrimination raciale pratiquée par des personnes, des groupes ou des organisations et y mettre fin." La Convention relative aux droits de l’enfant La Convention relative aux droits de l’enfant est fondée sur le principe selon lequel "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale." (Art. 3, par. 1) et le principe selon lequel "Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l'existence d’un contrôle approprié." (Art.3, par. 3). En conséquence, la Convention établit l’obligation des Etats parties d’élaborer des normes conformément à la Convention et d’assurer leur application à travers un contrôle approprié des institutions, services et établissements et inclus ceux du secteur privé. Dans le même sens, le principe général de la non-discrimination (art. 2), ainsi que le droit à la vie et à la survie et le développement dans toute la mesure possible (art.6), acquièrent une importance particulière dans le contexte du débat actuel dû au fait que l’Etat partie a été obligé d’élaborer des normes conséquentes et en conformité avec la Convention. Ces obligations de l’Etat partie sont aussi applicables dans le contexte de l’article 4. D’autre part, les mesures de privatisation peuvent avoir une répercussion particulière sur XXI. le droit à la santé (art. 24), et le droit à l’éducation (art. 28 et 29). De ce fait, les Etats parties ont l’obligation de surveiller à ce que la privatisation ne menace pas l’accessibilité aux services conformément aux critères interdits sous le principe de la non-discrimination. En ce qui concerne le droit à l’éducation, l’Observation Générale N° 13 du CESCR relative au droit à l’éducation (art. 13) met en garde contre les possibles conséquences de l’activité privé dans ce domaine et souligne que "l'État est tenu de veiller à ce que la liberté dont il est question au paragraphe 4 de l’article 13 - [la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d’enseignement]- ne se traduise pas par des disparités extrêmes des possibilités d’éducation pour certains groupes sociaux.". De plus, l’article 25 de la Convention relative aux droits de l’enfant, insiste spécifiquement pour que se fasse un examen périodique du traitement et des circonstances des enfants qui ont été placés par les autorités pour recevoir des soins, une protection ou un traitement de leur santé. Cette surveillance doit aussi concerner les services privés. On établit ainsi les obligations des Etats parties de créer de normes et d’établir un système de surveillance vis-à-vis du secteur privé. dre des mesures qui garantissent le respect par des acteurs du secteur privé des dispositions de la Convention. Le Comité des droits de l’enfant et ses nombreux partenaires ont clairement un rôle à jouer dans l’élaboration des lignes directrices dirigées aux acteurs du secteur privé et aux gouvernements pour l’application de la CDE par les acteurs du secteur privé impliqués dans la prestation de services, qui traditionnellement étaient fournis par les Etats parties et qui entrent, dans l’ensemble de leurs obligations, dans le cadre de la Convention. En conséquence, les principaux objectifs de la journée de la discussion générale seront les suivants: Modèles et lignes dir ectrices directrices Portée de l’action des acteurs du secteur privé - Finalement, il peut être intéressant d’explorer les conséquences de la privatisation de centres de détention sur les droits de l’enfant à la lumière des articles 37 et 40 de la Convention. Analyser les différents types de partenariats publics-privés dans des services particulièrement pertinents pour l’application de la CDE, et évaluer les conséquences directes et indirectes, positives et négatives sur l’entière réalisation de droits l’enfant. L’accessibilité et la faisabilité budgétaire, la qualité, la durabilité et la fiabilité, la sûreté et le respect de la vie privée, etc., sont des sujets qui seront inclus dans la journée de la discussion générale, mais ne sera pas limitée à ces sujets. Ob lig ations juridiques Oblig liga Objectifs de la discussion La journée de la discussion aura comme thème principal la répercussion d’une participation croissante des acteurs du secteur privé dans la prise en charge et financement des fonctions, initialement de nature étatique, sur l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le Comité étant entièrement convaincu du fait que le secteur des entreprises privées peut avoir une répercussion sur le respect des droits des enfants d’une façon très variée, il a décidé de se concentrer sur l’exploration de plusieurs questions émergeantes de la privatisation et de la prise en charge des fonctions, traditionnellement étatiques, par des organisations non gouvernementales ou des entreprises privées, par exemple, dans le secteur de la santé et de l’éducation, dans l’assistance sociale et légale, le traitement de victimes, etc. Cette tendance est très pertinente pour le travail du Comité. Malgré les nombreuses références faites aux responsabilités des Etats parties dans les traités internationaux des droits de l’homme vis-à-vis les activités du secteur privé, il y a un élément significatif qui empêche fréquemment le respect des droits garantis dans la Convention. Cet élément est le manque de capacité ou de volonté de pren- est de savoir comment le rôle croissant de la société civile dans la provision de ces services peut améliorer la participation dans la gouvernance. Une deuxième préoccupation est de savoir comment maintenir et améliorer la responsabilité et la transparence lorsque les services sont partiellement ou entièrement financés par les acteurs du secteur privé. On peut aborder la question de savoir si les institutions privées impliquées dans la prestation de services, directe ou indirectement, sont, ou peuvent être, directement responsabilisées à travers du processus politique. - - Spécifier les obligations des Etats parties dans le contexte de la privatisation et/ou du financement du secteur privé en termes d’obligations positives, en assurant la nondiscrimination d’accès, l’accès équitable et abordable, spécialement pour les groupes marginalisés, et aussi en garantissant la qualité et la durabilité de la prestation des services. Seront également spécifiés les obligations par rapport à la régulation et la surveillance des activités du secteur privé, ainsi que l’application d’une approche basée sur les droits dans la provision de leurs services. La disponibilité des remèdes pour les détenteurs des droits, par exemple, les enfants, sera également définie. Identifier et renforcer la prise de conscience des responsabilités et obligations des fournisseurs de services, avec ou sans but lucratif, du secteur privé, conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant. Gouvernance - Evaluer les conséquences de l’implication du secteur privé dans la prestation des services sur les questions relatives à gouvernance, en particulier sur la participation, la responsabilité, la transparence et l’indépendance. Une question importante - Identifier des modèles possibles d’application pour les Etats parties par rapport aux acteurs du secteur privé, et développer des lignes directrices qui pourraient inclure la création des normes pour les fournisseurs de services du secteur privé ainsi que la surveillance et régulation par les Etat parties et la responsabilité des organismes dans le secteur privé. Participation à la Journée de la Discussion Générale Les institutions spécialisées et les organismes des Nations Unies sont toujours invités à participer aux journées de la discussion générale organisées par le Comité des droits de l’enfant. Les gouvernements sont aussi invités à participer et sont vivement encouragés à y participer activement. A la lumière du sujet pour la prochaine journée de la discussion générale, les représentants du secteur privé, ainsi que les Institutions Financières Internationales sont spécialement encouragées à participer. La réunion sera ouverte au public, avec l’information sur la participation repartie entre les institutions spécialisées et les organismes des Nations Unies, les organisations no gouvernementales et d’autres particuliers et organismes intéressés. e La réunion aura lieu durant la 31 séance du Comité au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (Palais Wilson, Genève), le vendredi 20 septembre 2002. Le Comité des droits de l’enfant invite à soumettre les participations écrites sur les questions et les sujets mentionnés dans le cadre du schème résumé ci-dessus. Les participations écrites doivent être envoyées avant le 28 juin 2002 (si possible dans une version électronique) à: Secretariat, Committee on the Rights of the Child Office of the High Commissioner for Human Rights, UNOGOHCHR CH1211 Geneva 10 Switzerland e-mail: [email protected] ou [email protected] ou [email protected] ou [email protected] 1 Dans ce contexte, le secteur privé comprend les entreprises, les organisations non gouvernementales, et d’autres associations avec ou sans but lucratif. Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 XXII. Article 29 de la CIDE et l’Observation générale du Comité des droits de l’enfant.1 Le droit à l’Education En début d’année 2001, le Comité des droits de l’enfant a énoncé sa première Observation générale sur un des articles de la Convention internationale des droits de l’enfant, à savoir l’article 29, relatif au droit à l’éducation. Cette observation générale se positionne sur la signification de cet article, le rôle de l’éducation, son impact dans le domaine des droits de l’homme. Elle aborde enfin la question de la mise en œuvre, de la surveillance et de l’examen de cet article. La notion d’observation générale et son impact sur les coalitions nationales est abordée au préalable. Art 29 CIDE § 1er. Les Etats partie conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à : a. favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques dans toute la mesure de ses potentialités ; b. inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies ; c. inculquer à l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne ; d. Préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques nationaux et religieux et avec les personnes d’origine autochtone ; e. Inculquer à l’enfant le respect du milieu naturel. Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 L’ Observation générale créés par traité davantage de poids, et ce même en dehors des périodes d’examen des rapports. A. Que rrecouvr ecouvr e cette notion ? ecouvre Etant donné qu’un grand nombre de Constitutions contiennent des dispositions de droit international s’inspirant des instruments internationaux relatifs aux Droits de l’Homme, les tribunaux nationaux pourront dès lors se référer aux accords ou aux constitutions se fondant sur les termes employés dans le traité des Nations Unies. D’où l’utilité, pour les Coalitions nationales, de pouvoir se référer aux observations générales comme à des interprétations fiables des dispositions en question2 . Une observation générale est une déclaration formelle présentant l’interprétation faite par un organisme créé en vertu d’un traité (ici, le Comité des droits de l’enfant), d’une disposition de la Convention ; interprétation qui s’est forgée au fil du temps suite à l’examen des rapports de plusieurs Etats. Les observations générales ont pour objectif de promouvoir la poursuite de l’application de la Convention et d’aider les Etats partie à s’acquitter de leurs obligations vis-à-vis de celles-ci. En l’occurrence, l’observation générale n° 1 (2001) sur l’article 29 est intitulée “les buts de l’éducation”. Celle-ci est une interprétation de l’article 29 de la CIDE. D’autres organes, créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme ont également formulé des observations générales sur divers articles et ont dès lors pu apporter des contributions substantielles pour la bonne compréhension des traités. Selon Andrew Clapham, la rédaction d’observation générale concernant la portée des traités et le processus d’établissement de rapports par les Etats partie s’est révélée être un outil extrêmement précieux car elle donne aux organes Même si les observations générales n’ont en principe pas force obligatoire pour les Etats partie, ces derniers s’étant engagés à appliquer la Convention, ils sont censés observer ses principes et ses dispositions. B. Qu’a ppor te l’obser vation généQu’appor pporte l’observ rale aux coalitions na tionales ? nationales Chaque Etat pourrait faire part de son expérience en la matière. En mai 2001, Save the Children Suède et la Swedish International Development and Cooperation Agency ont organisé un séminaire sur les droits de l’enfant dans l’éducation. L’exemple du châtiment corporel a servi à déterminer si des documents relatifs aux droits de l’homme comme les observations générales pouvaient 1 Texte issu d’un document rédigé par l’Unité de liaison du groupe des ONG pour la CDE en collaboration avec Save the Children Suède, novembre 2001 ; et issu du document CRC/GC/2001/1, observation générale n° 1, 17/04/2001, Nations Unies. 2 Andrew Clapham, “ Definiting de role of non-governmental organisations with regard to the UN human wright …… bodies ”, in the UN human wright …… system in the 21st centery, ed. Anne F. Bayefsky, Kluwer law international, 2000. Extrait de Convention relative aux droits de l’enfant, observation générale sur l’article 29, § 1er – les buts de l’éducation, rédigé par l’Union de liaison du groupe des ONG pour l’ACDE en collaboration avec Save the Children Suède, novembre 2001. XXIII. avoir un impact sur les questions touchant à l’éducation. Ce séminaire avait pour objectif de sensibiliser davantage à l’observation générale en tant que document de promotion des droits de l’homme, et de relancer le débat sur l’optique des droits de l’homme dans l’éducation. Il a également donné l’opportunité de vérifier comment l’observation générale pouvait être utilisée dans un contexte éducatif suédois3 . A cette occasion, les experts Thomas Hammarberg, ambassadeur et ancien membre du Comité des droits de l’enfant, et Eugeen Verhellen, professeur à l’Université de Gand, se sont prononcés sur la question. Ils se sont accordés pour dire qu’il était nécessaire que l’observation générale soit assortie d’une interprétation au niveau national et de solutions permettant de l’éprouver et l’appliquer dans le contexte national pour évaluer son impact. Ce séminaire a permis aux participants d’étudier les diverses facettes de l’observation générale au sein de plusieurs groupes de travail : châtiment corporel, participation en classe et formation du professeur, éducation à la paix et à la tolérance environnement. Ceci est un exemple d’utilisation créative de l’observation générale sur les objectifs de l’éducation, en tant que source d’inspiration pour une Coalition nationale. Observation générale quant à l’article 29, § 1er de la Convention relative aux droits de l’enfant, à savoir les buts de l’éducation. L’article 29 est le principal article de la Convention formulant le principe du respect des facultés de l’enfant et prévoyant l’engagement des Etats partie à veiller au développement sain de l’enfant et à son plein épanouissement. Le comité des droits de l’enfant a bénéficié du soutien d’un consultant expérimenté dans le domaine des droits de l’homme pour rédiger la première observation générale se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant. Le Comité a présenté cette observation à titre de contribution aux délibérations des Nations Unies sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. L’observation générale est un document composé de 28 § répartis en quatre parties à savoir : A. la significa tion de l’ar tic le 29 : signification l’artic ticle Il s’agit de 4 paragraphes traitant de l’importance du droit à l’éducation pour garantir la protection des principales valeurs consacrées à la Convention : la dignité humaine inhérente à tous les enfants ainsi que l’égalité et le caractère inaliénable de leurs droits. Les dispositions de ce paragraphe ajoutent aux droits à l’éducation énoncés à l’article 28 une dimension qualitative reflétant les droits et la dignité inhérente de l’enfant. Elle souligne également clairement qu’il importe que l’éducation soit axée sur l’enfant, adaptée à ses besoins et autonomisante. L’éducation à laquelle chaque enfant a droit est une éducation qui vise à doter l’enfant des aptitudes nécessaires à la vie, à développer sa capacité à jouir de l’ensemble des droits de la personne et à promouvoir une culture imprégnée des valeurs appropriées relatives aux droits de l’homme. L’objectif est de développer l’autonomie de l’enfant en stimulant ses compétences, ses capacités d’apprentissage, son sens de la dignité humaine, l’estime de soi et la confiance en soi. Ces défits sont liés notamment aux antagonismes entre le plan mondial et le plan local, l’individuel et le collectif, la tradition et la modernité, les considérations à long et à court terme, la concurrence et l’égalité des chances, l’élargissement des connaissances et la capacité à les assimiler5 . Comme le relève le Comité des droits de l’enfant, les Etats partie conviennent que l’éducation doit viser toute une série de valeurs. L’engagement ainsi pris dépasse les frontières des religions, des nations et des cultures qui sont établies dans de nombreuses régions du monde. Le but consiste à promouvoir la compréhension, la tolérance et l’amitié entre tous les peuples, ce qui n’est pas toujours automatiquement compatible avec les politiques visant à inculquer à l’enfant le respect de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit. Néanmoins, l’importance de cette disposition réside en partie précisément dans le fait qu’elle repose sur la nécessité d’une approche équilibrée de l’éducation qui permette de concilier diverses valeurs grâce au dialogue et au respect de la différence. Les enfants peuvent jouer un rôle privilégié dans la réconciliation d’un grand nombre de différences qui ont depuis longtemps séparé les groupes de population les uns des autres. Dans ce contexte, “l’éducation” dépasse de loin les limites de l’enseignement scolaire formel et englobe toute la série d’expérience de vie et des processus d’apprentissage qui permettent aux enfants, individuellement et collectivement, de développer leur propre personnalité, leur talent et leur capacité de vivre une vie satisfaisante au sein de la société4 . B. Le Comité précise dans son observation que le droit de l’enfant à l’éducation n’est pas seulement une question d’accès à l’éducation (article 28), mais concerne également le contenu de l’éducation. - le caractère nécessairement indépendant des diverses dispositions de la Convention ; - le processus de promotion du droit à l’éducation. L’éducation dont le contenu est fermement ancré dans les valeurs énoncées au paragraphe 1er de l’article 29 constituera pour chaque enfant un outil indispensable lui permettant d’apporter au cours de sa vie une réponse équilibrée et respectueuse des droits de l’homme au défit lié à chaque période de changements fondamentaux dû à la mondialisation, aux nouvelles technologies et aux phénomènes connexes. Rôle de l’ar tic le 29 : l’artic ticle Dix paragraphes sont consacrés à l’analyse de chaque partie de l’article. L’article 29, § 1er sert à mettre en évidence certains éléments dans le contexte général de la Convention : Ainsi, les efforts visant à encourager l’exercice d’autres droits ne doivent pas être entravés mais doivent être encouragés grâce aux valeurs inculquées dans le cadre du processus d’éducation. Il s’agit à cet égard non seulement du contenu des programmes scolaires, mais également 3 Save the Children Suède a publié un rapport, rédigé par Malin Lijunggren Elisson, sur le séminaire de Stockholm du 7 mai 2001. Pour plus de renseignement, contacter Save the Children Suède. 4 Observation générale n° 1 (2001) : les buts de l’éducation, par les Comité des droits de l’enfant. 5 UNESCO, l’éducation : un trésor est caché dedans, rapport de la commission internationale sur l’éducation pour le 21ème siècle, 1996, pages 16 à 18. Droits de l'enfant international - n° 12 - mai 2002 XXIV. des processus d’éducation, méthodes pédagogiques, et du milieu dans lequel l’éducation est dispensée (maison, écoles, ou autres,…) - le droit individuel de chaque enfant à une éducation de qualité. L’objectif fondamental de l’éducation est le développement de la personnalité individuelle des dons et des aptitudes de l’enfant, reconnaissant ainsi que chaque enfant à des caractéristiques, des intérêts, des aptitudes, et des besoins d’apprentissage qui lui sont propres6 . En conséquence, les programmes scolaires, doivent être pleinement adaptés au milieu social, culturel, environnemental et économique de l’enfant ainsi qu’à ses besoins présents et futurs. - - L’article 29 met l’accent sur une approche hollistique de l’éducation, visant à ce que les possibilités d’éducation offertes reflète un équilibre approprié entre la promotion des aspects physiques, mentaux, spirituels et affectifs de l’éducation, des valeurs intellectuelles, sociales et concrètes et des aspects touchant l’enfant et la vie au sens large. L’objectif est de développer au maximum le potentiel de l’enfant et de lui offrir un maximum de chances de participer pleinement et de façon responsable à la vie au sein d’une société libre. L’éducation doit être conçue et dispensée de façon à promouvoir et à renforcer toutes les valeurs éthiques particulières consacrées dans la convention, notamment l’éducation pour la paix, la tolérance et le respect du milieu naturel, d’une façon intégrée et hollistique. Il faudra dès lors adopter une approche pluridisciplinaire. - Le Comité des droits de l’enfant souligne le rôle vital de la promotion de l’ensemble des droits de l’homme dans l’éducation, et la prise de conscience de leur caractère indissociable. L’aptitude de l’enfant à participer pleinement et de façon responsable à la vie d’une société libre peut être diminuée non seulement si l’enfant est directement privé à d’accès à l’éducation, mais encore si aucun effort n’est fait pour promouvoir la prise de conscience des valeurs consacrées dans cet article. C. Educa tion – dr oits de Education l’homme : Deux paragraphes affirment que l’éducation aux droits de l’homme doit être un processus permanent et aussi complet que possible, que ce soit en temps de paix, de conflit, ou dans des situations d’urgence. Droits de l'enfant international - n°12 - mai 2002 L’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait être un processus global s’étendant sur toute une vie et avoir pour point de départ la concrétisation des valeurs relatives aux droits de l’homme dans la vie quotidienne et l’apprentissage des enfants7 . D. A pplica tion, super vision et pplication, supervision examen : Dix-sept paragraphes concernent les entités responsables et la nature de leurs responsabilités. Il est prévu une série d’acteurs et de mécanismes : systèmes gouvernementaux d’élaboration des politiques et des lois, système éducatif et programmes d’études, écoles, enfants et adolescents, médias, parents, mécanismes de suivis des droits de l’homme, Comité des droits de l’enfant, organes et agences des Nations Unies, et autres organismes compétents (notamment les ONG). Les objectifs et les valeurs visés au paragraphe 1er de l’article 29 sont énoncés en termes relativement généraux et leurs portées sont potentiellement très étendues. Il semble que cela ait, selon le comité des droits de l’enfant, conduit un grand nombre d’Etats partie à considérer qu’il était inutile ou même inapproprié de veiller à ce que ces principes soient inscrits dans les législations internes ou les directives administratives. Selon le CRC, cette considération est injustifiée. S’ils ne sont pas formellement inscrits dans la législation ou les politiques nationales, il semble peu probable que ces principes soient appliqués pour inspirer véritablement les politiques en matière d’éducation. Le Comité insiste dès lors pour que tous les Etats partie prennent les mesures nécessaires pour incorporer formellement ces principes dans leur politique et leurs législations en matière d’éducation et ce à tous les niveaux. 6 UNESCO, op. cit., p. 8. 7 Voir la résolution 49/184 de l’Assemblée générale en date du 23 décembre 1994, proclamant la décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme. S O M M Conférence débat du 20 mars 2002 “La privation de liberté des mineurs : Une solution pour qui ? Pourquoi ?” p.1 Compte rendu par Jémy NZEYIMANA* A. Introduction p. 1 Benoît Van Keirsbilck B. Mieux vaux prévenir qu’incarcérer : pour une réduction efficace de la criminalité p. 2 Irvin WALLER C. Réflexions pénologiques autour de la question sur l’enfermement des mineurs p. 3 Juliette BEGHIN D. Le point de vue de jeunes “bénéficiaires” : analyse de la parole de jeunes placés en IPPJ p. 3 Isabelle RAVIER Réflexions pénologiques sur l’enfermement p. 6 Juliette Béghin Une once de prévention vaut une livre de soin p. 9 Irvin Waller A I R E Les enfants en prison : Réunion d’experts p. 10 Lutter contre le travail des enfants p. 11 DEI : Exposé de position sur le travail des enfants : une contribution au débat et à la pratique p. 14 Dora Giusti Contribution de DEI-Congo à la position de DEI sur le travail des enfants p. 16 Les représentations de l’intérêt supérieur de l’enfant p. 17 Gervais Douba Journée de discussion générale du Comité des droits de l'enfant : secteur privé et droits de l'enfant p. 20 Le droit à l’Education : Observation générale du Comité des droits de l’enfant p. 22 Brèves : Israël children’s rights Monitor p. 5 Enfants affectés par la terreur au Népal p. 10