ENTRÉE EN MATIÈRE
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ENTRÉE EN MATIÈRE
ENTRÉE EN MATIÈRE Philippe COGNÉE - Daniel DEZEUZE - François DUFRÊNE Denis LAGET - Eric PROVENCHÈRE Anne-Marie ROGNON - Nils UDO Œuvres de la collection du FRAC Auvergne AU LYCÉE LAFAYETTE - BRIOUDE Du 17 novembre au 16 décembre 2016 ENTRÉE EN MATIÈRE Triturée, malaxée, chauffée, assemblée, déchirée ou encore déplacée, la matière est sans cesse transformée sous les doigts de l’artiste. Il s’agit pour lui de mettre au point des processus de transformation afin que son œuvre reflète au plus juste sa pensée esthétique et artistique. Entrée en matière montre toute la richesse de ces transformations ainsi que la grande diversité des matériaux utilisés aujourd’hui par les artistes. Chez Denis Laget, l’excès de matière révèle la qualité organique de sa peinture tandis que chez Philippe Cognée son utilisation particulière de la peinture à la cire, chauffée puis lissée, offre à voir une surface devenue poreuse et glacée. La douceur des couleurs est révélée dans les œuvres d’Eric Provenchère où pastel gras et bâtons d’huile sont écrasés sur de simples morceaux de cagettes en bois. Sortir de l’atelier a été le moyen pour les artistes de renouveler les matières traditionnellement employées dans la création artistique. Un vieux sac en cuir trouvé par hasard au cours d’une promenade par Daniel Dezeuze puis assemblé sur une branche de bambou devient le point de départ à un travail de sculpture très délicat. Même sensibilité chez Nils Udo qui trouve dans la nature les matières naturelles (ici de la mousse végétale) pour l’assemblage de ses constructions si légères. Quant à François Dufrêne, c’est en déchirant minutieusement des morceaux d’affiches arrachées aux murs de la ville qu’il parvient à trouver la composition qui allie forme, couleur et mots. Entrée en matière offre la possibilité au spectateur d’une expérience directe de la matière, d’observer au plus près les effets sensibles produits par ces processus de transformation et de se confronter à la physicalité des œuvres comme devant "ce paysage de tendresse pour liliputiens" qu’Anne-Marie Rognon a imaginé pour nous. Philippe COGNÉE Né en France en 1957 - Vit et travaille en France Cœur, 1994 Encaustique sur toile tendue sur bois 22 x 14 cm Collection FRAC Auvergne Notice de l’œuvre Depuis plus de 10 ans, Philippe Cognée tente de peindre les sujets les plus banals qui soient. Son questionnement est simple : un peintre peut-il tout peindre (un château de sable, une chaise de jardin, un immeuble, une cabane de chantier…) et que devient un sujet très banal lorsqu’il devient une peinture ? Que se passe-t-il lorsqu’on transfère une chose triviale sur une toile ? Cette chose prend-t-elle une symbolique particulière ou une force singulière, du simple fait de devenir l’objet du regard des spectateurs ? C’est à cette série de questions que Philippe Cognée tente de répondre. Il utilise un procédé identique pour toutes ses œuvres. Le point de départ est une photographie, que Philippe Cognée reproduit sur une toile en utilisant de l’encaustique (cire d’abeille mélangée à des pigments de couleurs). Cette technique nécessite de travailler à chaud, tant que la cire est liquide. Une fois la matière refroidie, Philippe Cognée dispose un film en plastique sur la totalité de la surface de l’œuvre puis, à l’aide d’un fer à repasser, il chauffe à nouveau la cire. Les couleurs se liquéfient, se mélangent d’elles-mêmes puis refroidissent. Philippe Cognée arrache alors le film en plastique, ce qui crée toutes les aspérités visibles à la surface de l’œuvre. Dès lors, le sujet, aussi banal soit-il, se trouve mis à distance derrière la surface poreuse de l’œuvre, derrière le pelliculage glacé amené par l’encaustique, derrière la liquéfaction de la géométrie des formes. Cœur appartient à une grande série de peintures de petits formats dans laquelle Philippe Cognée a choisi de représenter des parties organiques (cœurs, cervelles, abats). Ici se pose la question de connaître la relation entre un sujet et les qualités esthétiques qu’il génère. Le réalisateur David Lynch, à qui l’on doit des films comme Elephant Man, Lost Highway ou Mulholland Drive, explique que les choses les plus dérangeantes, les plus repoussantes peuvent devenir, lorsqu’elles sont vues en détail rapproché, de très belles représentations, esthétiquement très fortes. C’est ce qui arrive ici avec Cœur : sa vue rapprochée et l’utilisation de la technique de l’encaustique permettent de transformer son aspect froid et peut-être morbide en œuvre dotée d’une indéniable douceur et d’un fort pouvoir de séduction. Daniele DEZEUZE Né en France en 1942 - Vit et travaille en France Sans titre (Objets de cueillette), 1993 Technique mixte Dimensions variables Collection FRAC Auvergne Notice de l’œuvre Les objets fabriqués par Daniel Dezeuze s’apparentent davantage à des bricolages modestes ou à des attributs de chaman qu’à des sculptures. Leurs matériaux les rapprochent des assemblages hétéroclites qui pourraient joncher le sol autour de la cabane d’un excentrique, miclochard, mi-rebouteux. Ils sont construits à partir d’éléments de récupération aussi banals et a priori dépourvus d’intérêt qu’un vieux sac en cuir, un porte-savon, un arrosoir en plastique… Les différentes parties tiennent ensemble grâce à des morceaux de scotch, des lanières de cuir, des cordes. Nous sommes donc là bien loin d’une certaine idée de la sculpture triomphante moulée dans le bronze ou taillée dans le marbre. Plutôt que de fonte ou de taille, il s’agit d’assemblages de petites choses sans importance qui prennent peu de place et tiennent plus ou moins bien ensemble. Malgré leur apparence misérable, ils restent des sculptures. Le bambou qui leur sert généralement de pied tient lieu de socle. Le changement induit est considérable : la sculpture ne se donne plus à voir comme un objet massif lourdement posé sur le sol mais comme une ligne verticale. De ce simple fait, ces pièces entretiennent un rapport étroit avec un corps debout. Cependant, leur taille – plus de deux mètres – fait qu’elles nous dominent. Longues silhouettes, elles sont presque réduites à des graphismes dans l’espace. En effet, leurs lignes sont plus proches du dessin que du volume que suppose généralement la sculpture. Appuyées contre un mur, elles s’apparentent à un système de traits ou à un collage se détachant sur une surface. Leur réalisation suppose de prendre en considération une dimension poétique. Elles sont en effet le résultat d’objets collectés par Daniel Dezeuze lors de promenades, d’où leur titre d’Objets de cueillette. C’est par la déambulation et la découverte hasardeuse que se crée l’œuvre d’art. Chaque sculpture entretient donc une étroite relation avec un moment précis vécu par l’artiste. Chaque œuvre devient le témoin d’un morceau de vie. C’est donc pour Daniel Dezeuze une manière de matérialiser, de rendre visible et durable un instant de bonheur ressenti lors d’une promenade. François DUFRÊNE Né en France en 1930 - Décédé en 1982 Et Goliath !, 1972 Dessous d’affiches lacérées, marouflées sur toile 146 x 114 cm Collection FRAC Auvergne Notice de l’œuvre Comme Raymond Hains, François Dufrêne est affichiste, c’est à dire qu’il trouve dans les affiches arrachées aux murs de nos villes la matière première de son travail artistique. Mais sa technique diffère car il travaille sur le verso des affiches. Il travaille par soustraction en enlevant, déchirant jusqu’à trouver la composition qui allie forme, couleur et mots… Dufrêne précise ainsi que l’assemblage peut se définir de deux manières opposées : le support papier assemblé à d’autres supports papiers ; et l’assemblage par soustraction de couches qui illustre l’acte d’assembler en retirant. L’envers favorisant la douceur des teintes, la moindre apparition d’une ligne ou d’un mot aura son importance. François Dufrêne découvre ainsi le mot David suite au grattage de la surface. L’artiste répond par le titre "Et Goliath !". Il tisse, outre la référence biblique, un nouveau rapport de force entre deux adversaires. Dans ce cas, l’affiche et la pauvreté de son support (David) sont opposées à la société de consommation de masse (Goliath) des années 70. Denis LAGET Né en France en 1958 - Vit et travaille en France Sans titre, 1987 Huile sur toile, cadre zinc sur bois 56 x 63 cm Collection FRAC Auvergne Notice de l’œuvre Portraits, vanités, natures mortes, paysages... Denis Laget maintient sa peinture dans les sujets les plus classiques mais peu héroïques de l’histoire de la peinture - à moins qu’il faille considérer que peindre ces sujets-là après Chardin, Morandi, Manet... serait une tâche héroïque. La mort traverse ces sujets parce que, sans doute, la peinture parle, en grande partie ou en général, du corps et de la meurtrissure des chairs. On se souviendra des autoportraits de Rembrandt comme de La Raie de Chardin, certes, mais aussi que la peinture occidentale s’est penchée longuement sur la question de la représentation de la carnation et que la transparence de sa surface renvoie à celle de la peau, à ce que contient le corps - et du coup pas seulement dans les peintures qui concernent cette thématique mais dans toutes ou presque qui ont affaire à la figure. Cette peinture renvoie donc au corps et pas uniquement dans sa thématique mais, également dans sa matière : une matière épaisse, organique, croûteuse ou onctueuse, malaxée, triturée, étalée... La cuisine apparaît comme l’autopsie du cadavre et révèle un corps de peinture. La jouissance s’impose par l’excès de la surface surimposé à la représentation et, justement, produit que la peinture peut échapper à la représentation. Eric PROVENCHÈRE Né en France en 1970 - Vit et travaille en France Fragile wind, Même le plus abîmé, Nous oublions qui nous avons 2012-2013 Bâtons d’huile, pastels gras, acrylique sur balsa collé sur carton bois 3 x (20 x 30 cm) Collection FRAC Auvergne Notice de l’œuvre Avec la série Massif, dont sont extraites les œuvres acquises par le FRAC Auvergne, Eric Provenchère s’est sans doute éloigné du cœur d’un propos résolument tourné, depuis des années, vers la couleur et vers la poursuite d’une réflexion historiquement importante qui prend ses sources dans l’abstraction américaine - Colorfield et Hard Edge notamment. Mais cet éloignement s’est incontestablement effectué au profit d’une sensibilité accordée à la matière et au matériau que l’artiste se refusait peut-être d’aborder ou d’assumer, ayant consacré jusqu’alors l’énergie de sa pratique à l’exploration de processus divers. Avec Massif et les titres généralement poétiques donnés à chacune des peintures qui en constitue le corpus, Eric Provenchère ouvre la voie au versant le plus sensible de son œuvre, renouant avec les affinités électives qui sont les siennes et qui, depuis longtemps, l’ont conduit à admirer d’autres artistes, sans doute plus inclassables, comme Richard Tuttle ou Raoul de Keyser. Peintures miniatures réalisées en empâtements délicats sur de simples morceaux de cagette en bois, les œuvres de la série Massif se livrent dans une fragilité assumée qui en appelle inévitablement à un assentiment du spectateur visà-vis d’une abstraction acceptant d’être doucement contaminée par une forme de romantisme et de fascination pour la beauté des matériaux. Comme le note la critique d’art Karen Tanguy, "cette appréhension du matériau prédomine dans les Massifs où touches de pastel gras et de bâton d’huile y sont apposées tout en souplesse… [...] D’un processus plus spontané, cet ensemble est l’un des seuls où chaque occurrence dispose d’un titre propre encourageant ainsi certaines analogies. [...] La relation textuelle et picturale des pièces de l’artiste suscite chez l’observateur des images mentales où il y perçoit une atmosphère de paysage, parfois métaphorique, parfois plus accidenté et tumultueux." (Extrait du texte de Karen Tanguy pour l’exposition Tout ce que la main peut atteindre, La Tôlerie, Clermont-Ferrand, 2014) Anne-Marie ROGNON Née en France en 1969 - Vit et travaille en France Le Petit Prince, 2002 Acrylique sur papier, fil, fusain 11 x 12 x 24 cm Collection FRAC Auvergne Notice de l’œuvre A quelqu’un lui demandant ce qu’il aurait créé s’il avait été en prison, Picasso aurait répondu "Peu importe, j’aurais peint avec ma salive". De même que pour George Brecht, l’art d’Anne-Marie Rognon requiert si peu d’espace, et bien peu de moyen. L’artiste est originaire de Clermont-Ferrand et a été formée par l’école supérieure d’art de Clermont-Communauté d’où elle est sortie avec les félicitations du jury. Elle réalise des peintures sur des formats variables, des installations qui seront parfois miniatures comme celles en question ici, des vidéos la mettant en scène dans une attitude décalée. De même que ce Funambule réalisé en 2004 (une petite figurine se tenant sur un fil tendu entre les deux surfaces d’un réduit de mur), l’artiste ne connaît ni l’échelle ni le vertige. Elle tend son filin fragile pour un Petit Prince aérien, entre un support d’art majeur et un autre dit mineur, entre une temporalité (celle d’un temps pluvieux) et une autre (celle où le parapluie sèche).Utilisant les petits recoins de l’espace qu’ordinairement chacun ignore, coin de mur, angle d’escalier, renfoncement de porte, cueillie de plafond, écoinçon, jambage de fenêtre, Anne-Marie Rognon les repeint ou non, mais s’y installe pour une modeste intervention. Petit carottage du réel, prélèvement du quotidien, décor de théâtre à l’échelle de nos doigts, pop-up pour spectateur à genoux, cet espace local construit dans un espace global se fait alors monumental. Armée de son métalangage puissant tel un dessin d’enfant, elle s’installe dans un univers qui lui appartient. Il est possible, comme l’insinue Jean-Paul Fargier dans le texte accompagnant son exposition au Centre d’Art de Saint-Fons en 2001, que l’artiste porte un regard critique sur notre monde actuel. Je devine pour ma part une construction mentale singulière. L’artiste tisse dans l’espace, pour le visiteur, une sorte de piège d’araignée sans venin pour petits enchantements virevoltants. "Avec l’âge, je me sens de plus en plus responsable de mon propre bonheur. […] J’aime m’asseoir à une table, goûter un bon vin, serrer mes amis dans mes bras ", confesse le réalisateur italien Ermanno Olmi. De même que Charles Trenet voyait le monde dans le cœur d’une noix, de même que ces pères du "paysagisme chinois", de même que maître Gu Yiang, l’art en question ici tient moins à conquérir qu’à capter et activer un temps de félicité. L’œuvre en kit se doit d’être reformulée, et à chaque fois déplié et installée pour être présentée. En rangeant ces délicates créations dans des encoignures méprisées, l’auteur creuse une petite niche de curiosité dans l’espace commun. Ces simples scènes qui ramènent au plus pauvre du quotidien agissent pourtant tel un drap parfumé de lavande dans l’armoire de la mémoire. Une fois posé, ce tableau à trois dimensions pour spectateur lilliputien ouvre, véritable judas, un paysage de tendresse dans l’imaginaire de chacun. Nils UDO Né en Allemagne en 1937 - Vit et travaille en Allemagne Sans titre (Auvergne), 2000 Ilfochrome 124 x 124 cm Collection FRAC Auvergne Notice de l’œuvre Pour Nils-Udo la photographie est une trace, un témoignage, ce qui reste d’un travail de sculpture qui se fait avec et dans la nature, et qui est amené dès lors à se transformer avec le temps, voire à disparaître. En novembre 2000, il a ainsi réalisé, dans le cadre d’un projet pédagogique, une série d’installations sur le site des orgues basaltiques de Lavoûte-Chilhac en Auvergne et sur les rives de l’Allier près de Brioude. La photographie acquise par le FRAC Auvergne est le souvenir de l’une de ces installations, réalisée avec de la mousse sur les colonnes de basalte. L’art de Nils-Udo est un art "doux" : alors que la sculpture traditionnelle taille, coupe, tranche le bois ou la pierre, modèle la terre et conserve les formes ainsi créées dans le bronze, ses œuvres sont réalisées sans aucune agressivité à l’égard de la nature et des éléments naturels. Ses outils ne sont pas le burin, le ciseau ou la hache, mais le vent ou l’eau. Il ne frappe pas ses matériaux mais se contente de les assembler ou de les faire se rencontrer. Et ses matériaux sont des branches, des feuilles, des fleurs, des mousses, tout ce que peut trouver dans la nature un promeneur attentif. Dès lors ses œuvres sont des constructions légères sur lesquelles le regard ne vient pas buter comme il buterait sur un objet clos : il les traverse. Ce sont des constructions qui n’imposent pas leur masse, leur volume ou leur opacité à un site naturel. Elles se fondent au contraire dans la nature, à peine lisibles parfois, plus proches du dessin dans l’espace que de la sculpture. Un art qui approche ainsi la nature et les matériaux, d’une façon non violente, est bien l’art d’une époque qui sait que la nature est menacée. L’art de Nils-Udo se met à l’unisson de la nature et fait ce qu’elle-même fait : déplacer les objets, les réassembler comme le fait le vent qui emmène les feuilles et les pollens ou comme le fait l’eau qui crée parfois dans le cours des rivières des assemblages étranges de pierre et de bois. Créer des jeux de lumière, des transparences, des jeux de formes (et dans l’installation dont la photographie est le témoin, le jeu des horizontales et des verticales, la rencontre de la pierre dure et de la mousse tendre). Ne jamais fixer cela dans le bronze ou le marbre, mais le laisser vivre et subir les assauts du temps. Faire de l’art loin des lieux qui lui sont consacrés et en ramener ces témoignages photographiques comme pour dire que l’art n’est pas forcé d’imiter les produits de l’industrie. Un art d’apaisement en somme. REPÈRES REFÉRENCES Entrée en matière ART 1840-1917 : Auguste Rodin 1962 : Yves Klein, L’arbre 1964 : Lucio Fontana, Concetto Spaziale 1970 : Cesar, Expansion n°14 1977 : Wolfgang Lieb, Pollen from Hazelnut 2005 : Wim Delvoye, Tattooed Pigs 2005 : Robert Smithson, Spiral Jetty 2012 : Tony Cragg, Group ARCHITECTURE 1995 : Shigeru Ban, Maisons en tubes de carton, Japon LITTERATURE/POESIE 1975 : Charles Reznikoff, Holocauste 1981 : Charles Reznikoff, Témoignages les Etats-Unis, 1885-1890 POUR ALLER PLUS LOIN Entrée en matière dans la collection du FRAC Auvergne > Etienne BOSSUT, Grand Laocoon, 2004, Moulage en polyester teinté dans la masse, 200 x 300 x 215 cm Collection FRAC Auvergne (En dépôt longue durée au CHU d’Estaing, Clermont-Ferrand) Notice de l’œuvre Depuis plus de vingt ans, Etienne Bossut utilise des objets du quotidien (pots, bassines, chaises...) ou de design (meubles, fauteuils...) comme matrices destinées à être le modèle de moulages en résine teintée. Les objets manufacturés sont reproduits à l’identique, à l’échelle 1 et se muent, par le jeu de la couleur, de la répétition et de la mise en espace, en des objets sculpturaux étonnants. Grand Laocoon appartient à la série Laocoon, initiée en 2003. Elle utilise un moulage du fauteuil Orgone créé par le designer australien Marc Newson. Elle est le résultat d’un empilement de 39 moulages de fauteuil produisant ainsi cette forme s’enroulant sur ellemême. Les titres des sculptures d’Etienne Bossut sont souvent essentiels à la compréhension de son œuvre. C’est avec beaucoup d’attention qu’il les choisit, jouant avec les mots et les formes, faisant référence à l’histoire de la sculpture, de l’art ou du cinéma. Ces titres sont des indices pour nous aider à regarder et à voir. Le titre de cette oœuvre, Grand Laocoon, fait référence à l’un des épisodes les plus fameux de la Guerre de Troie. Un matin, les troyens découvrent devant les portes de leur ville un immense cheval en bois. Alors qu’ils hésitent à le faire entrer dans la cité, leur prêtre, Laocoon, leur conseille de ne pas accepter ce présent. Peu après, alors qu’il se trouve au bord de la mer avec ses fils, Laocoon est saisi par deux énormes serpents de mer et meurt étouffé. Les troyens voient alors dans la mort de leur prêtre une punition divine pour ne pas avoir accepté le cheval, le font entrer dans la ville, ce qui causera leur perte... Des soldats grecs étaient, en réalité, cachés à l’intérieur du cheval et, dès la nuit tombée, ils en profitèrent pour sortir et piller la ville entière. La composition d’Etienne Bossut reprend ainsi le cercle formé par les serpents qui attaquent le prêtre et ses fils, enfermant ainsi la vérité dans un silence qui sera fatal à Troie. L’artiste fait là une référence à l’une des sculptures antiques les plus célèbres : le Laocoon en marbre conservé au musée du Vatican à Rome. > Eugène LEROY Atelier 94/6, 1994, Huile sur toile, 100 x 81 cm Collection FRAC Auvergne Notice de l’œuvre Eugène Leroy a poursuivi pendant plus de 50 ans une œuvre singulière, singulière parce qu’elle semble n’avoir été marquée par aucun des courants majeurs qui ont traversé cette période et qu’elle s’est établie dans une continuité sans rupture. Si l’on peut percevoir, dans les peintures des années 40 et 50, quelques réminiscences du siècle (de Marquet à Fautrier), c’est avant tout avec la peinture ancienne que cette œuvre entretient un dialogue (Rembrandt, Velásquez, Chardin, Delacroix...). Ce dialogue s’établit surtout par sa problématique : comment représenter un corps, quelle est la relation entre la peinture et la chair, qu’est-ce que la peinture montre du visible... ? Toute la peinture de Leroy représente un corps fortement en matière. Si le corps émerge difficilement, c’est par défaut – il va sans dire que ce défaut est l’exigence de cette peinture. C’est parce qu’il y a une difficulté primordiale à voir qu’il y a une difficulté à représenter, et cette difficulté impose la surcharge, la sédimentation. En cela, c’est une peinture qui tente de dépasser son propre échec, l’échec à faire un corps produit malgré tout un corps et ce jeu dans son recommencement perpétuel. Eugène Leroy impose une équivalence entre la vision du peintre et la vision du spectateur. Le spectateur est placé dans une difficulté à voir, de loin comme de près, par la disparition du contraste coloré et le jeu de valeur sur valeur. [...] Eugène Leroy ne saisit jamais l’aspect extérieur des choses mais saisit l’aspect dans la matière, dans la matière de la peinture, des choses elles-mêmes. Aussi, elle est, même en dehors de ce qui est représenté, fortement corporelle. On se souvient, de la question que se posaient Picasso et Braque, dès qu’ils faisaient un nu : "Est-ce qu’il sent sous les aisselles ?", la peinture de Leroy y répond par la sécrétion, la salissure, la croûte... "Que voulez-vous faire devant une toile blanche, puisque lorsqu’elle est blanche elle est finie, sinon la salir", affirme Eugène Leroy. La matière même de la peinture devient aussi quelque chose de l’ordre du vivant parce que Leroy emploie une forte épaisseur de peinture à l’huile qui mettra des décennies à sécher, qui se transformera, suintera, se plissera, se rétractera et se ridera. C’est véritablement un corps qui continue à respirer, à prendre en compte la lumière, l’humidité, l’air... > Daniel SPOERRI Voyage en Islande et au Groënland,1989, Eléments divers collés sur gravures du 19ème siècle 160 x 90 x 40 cm Collection FRAC Auvergne Notice de l’œuvre Originaire de Roumanie, Daniel Spoerri est membre du Nouveau Réalisme dans les années 60. Son œuvre s’est rapidement imposée en raison de la technique employée par Spoerri consistant, dans les années 60, à réaliser des tableaux constitués de restes de repas collés tels quels par l’artiste sur un support puis redressés sur le mur. Ces tableaux-pièges comme il les nomme, ne sont ni des peintures ni des sculptures mais de véritables bas-reliefs contemporains. Il en va ainsi de l’œuvre intitulée Voyage en Islande et au Groenland. Ce tableau présente des gravures du 19ème siècle appartenant à l’origine à un atlas publié à l’issue d’une expédition commanditée par le roi Louis-Philippe dans les pays nordiques. Ces gravures représentent des lépreux découverts en Islande et au Groenland, ce qui à l’époque avait créé la surprise car la lèpre était alors considérée comme une maladie exclusivement tropicale. Spoerri ajoute à ces gravures une série hétéroclite d’objets dont l’éclectisme vient ajouter du "relief" aux maladies de la peau des lépreux. Le tableau semble lui-même contaminé par l’épidémie importée par la maquette de bateau, souvenir de l’épopée des grandes découvertes. Cette œuvre, en évoquant la quête d’horizons nouveaux et de terres inconnues, transmet l’exaltation ayant accompagné les longs et périlleux voyages des explorateurs de tous temps. Mais simultanément, elle ouvre une réflexion sur les motivations commerciales et coloniales de telles expéditions et sur les violences dont elles sont porteuses. Les Fonds Régionaux d’Art Contemporain (FRAC), créés au début des années 80, sont des institutions dotées de trois missions essentielles. La première consiste à constituer des collections d’œuvres d’art représentatives de la création contemporaine de ces 50 dernières années. La seconde est une mission de diffusion de ces collections sous forme d’expositions, tant dans les régions d’implantation des FRAC respectifs qu’ailleurs en France et à l’étranger. Enfin, la troisième raison d’être de ces institutions est d’œuvrer pour une meilleure sensibilisation des publics à l’art de notre époque. Le FRAC Auvergne a choisi dès le départ d’orienter sa collection vers le domaine pictural, se dotant ainsi d’une identité tout à fait spécifique dans le paysage culturel français. Aujourd’hui composée de plus de 750 œuvres, cette collection circule chaque année en région Auvergne et ailleurs, à raison de 20 expositions annuelles. Le FRAC Auvergne bénéficie du soutien du Conseil Régional d’Auvergne Rhône Alpes et du Ministère de la Culture – Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Auvergne Rhône Alpes. Il est également soutenu, pour l’Art dans les Lycées, par le Rectorat. PROGRAMMATION FRAC 2016-2017 FRAC Auvergne 6 rue du Terrail 63000 Clermont-Ferrand Retour au meilleur des mondes Exposition des œuvres de la collection du FRAC Auvergne Jusqu’au 2 octobre 2016 Ilse D’Hollander Du 8 octobre au 30 décembre 2016 Pierre Gonnord Du 14 janvier au 26 mars 2017 Gregory Crewdson Du 8 avril au 18 juin 2017 Expositions hors les murs Claude Lévêque Domaine Royal de Randan - Jusqu’au 2 octobre 2016 Photographies Collections du FRAC Auvergne et du Centre national des arts plastiques Michel Campeau - Stéphane Couturier - Thomas Demand - Rineke Dijkstra - Geert Goiris Nan Goldin - Pierre Gonnord - Pascal Kern - Manuela Marques - Éric Poitevin - Zineb Sedira Vincent J. Stoker - Yuri Kozyrev - Jeanloup Sieff - Patrick Tosani - Hocine Zaourar Musée d’art et d’archéologie d’Aurillac - Jusqu’au 29 octobre 2016 PROGRAMMATION LYCÉES 2016-2017 La fabrique de l’image > Lycée Pierre-Joël Bonté, Riom. Du 13 octobre au 8 décembre 2016 (dans le cadre de l’EROA) > Lycée Louis Pasteur, Lempdes. Du 16 janvier au 17 février 2017 > Lycée agricole de Neuvy, Moulins. Du 14 mars au 13 avril 2017 Le geste de la couleur > Lycée le Sacré Cœur, Yssingeaux. Du 15 novembre au 13 décembre 2016 > Lycée Sainte-Marie, Riom. Du 17 janvier au 16 février 2017 Entrée en matière > Lycée Lafayette, Brioude. Du 17 novembre au 16 décembre 2016 Face-à-Face > Lycée Jean Monnet, Yzeure. Du 22 novembre 2016au 13 mars 2017 (dans le cadre du jumelage) Espaces sensibles > Cité scolaire Albert Londres, Cusset. Du 17 janvier au 16 février 2017 Anatomies > Lycée agricole de St-Gervais d’Auvergne. Du 16 mars au 14 avril 2017 Autres expositions pédagogiques > Lycée Godefroy de Bouillon, Clermont-Ferrand. Du 10 novembre au 14 décembre 2016 (dans le cadre du jumelage) > Lycée René Descartes, Cournon. Du 31 janvier au 24 mars 2017 (dans le cadre du jumelage) > Lycée Blaise Pascal, Ambert. Du 9 mars au 2 mai 2017 (dans le cadre de l’EROA) INFORMATIONS PRATIQUES FRAC Administration 1 rue Barbançon 63000 Clermont-Ferrand Tél. : 04.73.90.5000 [email protected] Site internet : www.fracauvergne.com FRAC Salle d’exposition 6 rue du Terrail 63000 Clermont-Ferrand Tél. : 04 73.90.5000 Ouverture : - de 14 h à 18 h du mardi au samedi - de 15 h à 18 h le dimanche - fermeture les jours fériés Entrée libre Contact pour les scolaires Laure Forlay, chargée des publics au FRAC Auvergne 04.73.74.66.20 ou par mail à : [email protected] Patrice Leray, Professeur correspondant culturel [email protected] Ce document est disponible en téléchargement sur le site du FRAC Auvergne : www.fracauvergne.com