LES SAUTEURS RÉSUMÉ
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LES SAUTEURS RÉSUMÉ
LES SAUTEURS Dossier Pédagogique - Secondaire I et II Moritz Siebert, Estephan Wagner, Abou Bakar Sidibé Documentaire, Mali, 2016, 1h20 Thématiques: Migration – Racisme – Europe – Mondialisation RÉSUMÉ Au Nord du Maroc, se dresse Melilla, une enclave espagnole protégée par des grillages de 6 mètres de hauteur. A quelques kilomètres de là, sur le sommet marocain du Mont Gourougou, un millier de migrants, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne, observent la ville jour et nuit et espèrent profondément accéder à l’Europe. Parmi eux, Abou Bakar. Après 14 mois passé dans le camp de survie et de nombreuses tentatives pour traverser la frontière, le jeune Malien a accepté la proposition des deux réalisateurs : équipé d’une caméra, il filme ses compatriotes qui s’organisent pour survivre en attendant le prochain saut qui leur permettra de traverser la frontière. Avec ses propres images, de plus en plus maîtrisées au fil du temps, Abou Bakar dépeint les conditions de vie des réfugiés et nous montre leur quotidien fait d’espoir et de désespoir. 1 THÉMATIQUES LA REALISATION DU FILM LES SAUTEURS Le réalisateur allemand Moritz Siebert et Estephan Wagner, l’anthropologue et médecin germano-chilien se sont rencontrés en 2007 à la National Film and Television School en Angleterre. Ils avaient travaillé depuis plusieurs années sur la question des migrations et Moritz Siebert réalisait depuis dix ans des documentaires largement reconnus au sein du circuit des festivals de films. D’après eux, la perspective des migrants euxmêmes faisait cruellement défaut dans les débats actuels sur les migrations et ils projetaient de réaliser un film qui traiterait de la crise des migrants en Europe d’un point de vue d’insider. En 2014, ils entendent parler de l’assaut de centaines de migrants qui ont tenté de sauter la triple barrière à Melilla. Impressionnés par la détermination des migrants à vouloir rejoindre l’Europe coûte que coûte, ils décident de réaliser un film ensemble sur le sujet. Les Sauteurs est leur première collaboration. Le film a été présenté pour la première fois à la Berlinale en 2016 et a depuis tourné dans de nombreux festivals. Le film a été produit par Final Cut For Real la même maison de production que celle du film The Look of Silence de Joshua Oppenheimer dont le film a été nominé pour les Oscars 2016. Un ami photographe qui avait travaillé depuis 10 ans à Melilla leur présente Abou Bakar, qui vit sur le Mont Gourougou et attend depuis plus d’un an de passer la frontière. Les deux réalisateurs lui prête une caméra pour qu’il puisse tourner ses propres images. Abou Bakar se prend au jeu : il veut que l’on se souvienne de son histoire et celle de ses amis et devient un partenaire essentiel dans leur projet de film. La question de la perspective est au centre de leur film. Avec Les Sauteurs, Siebert et Wagner ont voulu se démarquer de la plupart des documentaires actuels dont l’esthétisme des images est central. Dans leur film, ils ont fait le choix d’inclure des images de surveillance des barrières extraites des caméras des gardesfrontières sur lesquelles apparaissent des migrants filmés en masse, d’une façon qu’ils jugent déshumanisante et impersonnelle. Pour eux, ces images représentent la manière commune de représenter les migrants et forment une sorte de contrepoint aux images d’Abou Bakar Sidibé plus personnelles et intimes. D’après les réalisateurs, Sidibé s’est montré très habile et ingénieux avec la caméra durant le tournage. Plusieurs éléments du film résultent des intentions de Sidibé lui-même comme l’ajout de musique depuis son téléphone portable sur les images qu’il tourne ou encore le fait de garder la caméra allumée lorsqu’il tente d’échapper à la police. Après le tournage du film, la collaboration a été plus compliquée car Sidibé a vécu quelque temps en Espagne puis en Allemagne dans différents centres de requérants d’asile. Ils ont tout de même réussi à travailler ensemble sur la voix off de Sidibé d’après les textes et les interviews du jeune homme. 2 MELILLA, UNE ENCLAVE EUROPEENNE EN AFRIQUE Melilla est un territoire espagnol de 12 km2 situé sur la côte méditerranéenne de l’Afrique du Nord et partageant sa frontière avec celle du Maroc. Sa position géographique en fait un point très stratégique sur la route des migrations. Depuis 1994, la ville est devenue un haut lieu de l’immigration clandestine et représente une porte d’entrée vers l’Europe pour de nombreux migrants subsahariens. Pour beaucoup, les deux enclaves espagnoles de Melilla et de Ceuta sont les seules frontières terrestres de l’Europe avec l’Afrique et représentent le seul moyen de franchir la muraille européenne. En effet, la plupart des personnes qui parviennent à franchir la frontière de Melilla sont envoyés dans un centre de séjour temporaire pour migrants (CETI) dont le ministère espagnol de l’Emploi et de la Sécurité est en charge. C’est au sein de ce centre que leur demande d’asile sera traitée et acceptée ou non. Depuis quelques années, le centre est saturé et si une poignée de migrants parvient à y entrer après des mois de bataille, certains attendent des mois avant que leur demande soit statuée. Bien souvent aidés par des passeurs, il y a plusieurs moyens d’atteindre la ville de Melilla pour les migrants : à l’aide de faux documents, à la nage, en zodiac, en barque ou encore par la route, caché dans une voiture ou un camion et enfin en escaladant les grillages de la barrière depuis le mont Gourougou. Pour les personnes sans le sou, cette voie est apparemment la seule qui permet d’atteindre la ville gratuitement. Le mont Gourougou est une montagne du Rif, au Maroc. Culminant à 900 mètres d’altitude, il est un lieu de refuge pour des centaines de migrants subsahariens (Guinéens, Camerounais, Ivoiriens, Maliens, Sénégalais, Nigériens…) qui craignent la sécurité marocaine. Ils attendent le moment propice pour se hisser au-dessus de la barrière et attendre le territoire espagnol et rejoindre le centre de séjour temporaire pour immigrés (CETI) où ils obtiendront peut-être un visa pour l’Europe. Cependant, l’accès à Melilla par le mont Gourougou est particulièrement dangereux. Comme les images du film le montrent, la frontière de la ville est protégée par une triple barrière de sept mètres de hauteur qui s’étend sur une dizaine de kilomètres. En effet, suite aux assauts massifs de migrants voulant atteindre la ville de Mellila depuis 2005 et 2006, l’Espagne et l’Union européenne n’ont fait que renforcer les mesures de sécurité protégeant la barrière et la surveillance s’est drastiquement renforcée (postes de surveillance, dispositifs anti-escalade avec ajout de barbelés truffés de lames de rasoir au sommet du grillage, système d’éclairage à forte puissance, murs remplis de capteurs, de radars et de caméras infrarouge). 3 PISTES DE DISCUSSION LA (SUR)VIE SUR LE MONT GOUROUGOU Quelles sont les difficultés quotidiennes auxquelles les protagonistes du film font face en vivant sur le Mont Gourougou ? Les maladies et les infections, le climat, le manque de nourriture, l’insalubrité, les menaces des autorités marocaines... Comment est organisée la vie sur le Mont Gourougou ? Les gens se sont organisés en communautés selon leurs origines. Quelles sont les trois règles de toutes les communautés ? 1. Tout le monde va aller en Europe. 2. Chaque communauté a sa propre administration qui possède un président et ses ministres qui vont décider des moments d’assauts sur les barrières et font les règles du ghetto. 3. Personne ne parle avec la police marocaine au risque de se faire tuer. Abou Bakar explique que le Mont Gourougou « change la vie des personnes ». Selon vous, que veut-il dire derrière cela ? Cela peut faire référence à de nombreuses choses mais lorsqu’il évoque ces changements, il explique ensuite que les gens sont contraints d’abandonner leur profession et de se recycler dans une pratique plus utile dans leur nouvelle vie sur la montagne (un commerçant est devenu mécanicien, un docteur est devenu commerçant, un vendeur de cigarettes footballeur professionnel etc.). Comment passent-ils leur temps sur le Mont Gourougou ? Comme ils possèdent très peu de ressources et doivent se débrouiller pour les obtenir, la survie quotidienne leur prend déjà pas mal de temps (manger, se laver, se soigner, se réchauffer etc.). Ils jouent au football, écoutent de la musique, discutent et observent Melilla, de loin. Pourquoi sont-ils autant fascinés par Melilla et comment se voit cette fascination ? Ils s’assoient quasiment tous les jours en face de la ville qui leur fait face et représente une porte d’entrée vers l’Europe. On voit cet amour pour Melilla à travers les paroles des chansons chantées par les migrants, le cœur que trace Abou Bakar sur le sol, et dans la voix off d’Abou Bakar qui ponctue le film. Quels sont les signes qui montrent que c’est le moment pour tenter le passage de la frontière ? Le boza (qui signifie victoire dans plusieurs dialectes ouest africains et qui est amené par un vent particulier), l’aboiement des chiens, le brouillard qui brouille les images des caméras de surveillance. 4 MOTIVATIONS ET MIGRATIONS Quelles sont les différentes stratégies pour passer la frontière ? Aller à plusieurs pour être moins vulnérables face aux gardes, contacter des marabouts, fabriquer des sortes de crampons à ses chaussures… Malgré toutes les difficultés que ces hommes vivent au quotidien et la très longue attente, pourquoi ne veulent-il pas rebrousser chemin et retourner d’où ils viennent ? Ils pensent que c’est certainement la dernière étape d’une longue route et qu’une fois arrivés à Melilla, ils auront réussi leur passage en Europe. Ils ont peut-être également honte de revenir chez eux, les poches vides. Ce serait une sorte d’échec. A votre avis, que va-t-il leur arriver après avoir franchi la barrière? Ils vont tenter d’être reçus au centre de séjour temporaire pour les immigrés (Ceti) et devront attendre un certain temps avant qu’une décision soit prise pour leur statut. Quant à la suite de leur périple, on peut imaginer des quantités de choses. A votre avis, quelle image ont-ils de l’Europe et pourquoi ? Discuter cette citation d’Abou Bakar : « si tu n’as pas connu la souffrance, tu ne connais pas la vie ». Que pouvez-vous en dire ? 5 ABOU BAKAR, ACTEUR ET REALISATEUR DU FILM Selon, vous, pourquoi les réalisateurs ont-ils proposé à Abou Bakar de touner lui-même les images des migrants vivant sur le Gourougou ? D’après eux, dans les débats actuels autour des migrations, il manque la perspective des migrants. Le fait de donner la caméra à Abou Bakar, est une manière de lui donner le pouvoir et de lui permettre de choisir les images qui dépeignent son quotidien selon ses préoccupations quotidiennes. C’est une manière de se rapprocher de la réalité telle qu’elle est vécue par Abou Bakar et de nous montrer le point de vue d’un migrant et de ne pas passer par le filtre des deux réalisateurs dont les réalités sont éloignées du sujet qu’ils filmeraient. En plus des images tournées par Abou Bakar, qu’est-ce qui renforce encore dans la construction du film, le choix d’adopter la perspective d’Abour Bakar ? Les réalisateurs ont choisi d’inclure les textes écrits par Abou Bakar. Comment sont écrits ces textes et de quoi parlent-ils ? Ils sont écrits à la première personne et racontent sa vie quotidienne, sa rencontre avec les réalisateurs, les conditions sur le Mont Gourougou. C’est un peu comme un journal intime, il confie ses attentes, ses espérances et ses désillusions. Quelles sont les limites de cette tentative de vouloir adopter la perspective d’Abou Bakar ? D’une certaine manière, ils ont gardé le contrôle sur le film puisque ce sont eux qui ont fait le montage du film. Selon vous, quelles sont les motivations d’Abou Bakar ? Pourquoi a-t-il accepté la proposition des deux réalisateurs ? Au début, il confie que la caméra et l’argent l’ont motivé à faire le film mais il voulait aussi montrer ce qu’il se passe sur le Mont Gourougou. Au début du film, comment réagissent ses camarades quand ils le voient arriver avec une caméra ? Ils s’amusent de lui et le taquinent et se disent qu’avec une caméra, symbole de richesse, il se rapproche de l’Europe. Il lui donne un surnom, lequel est-il ? Le futur benguis (ou benguiste, un Africain qui vit en Europe). Comment peut-on décrire les images tournées par Abou Bakar ? Que choisit-il de montrer ? Ce ne sont pas des images tournées par des professionnels. Les images sont parfois un peu tremblantes et ne sont pas à la recherche d’une esthétique parfaite. Cela donne un côté plus réaliste au film. En plus des images tournées par Abou Bakar quelles sont les autres images qui apparaissent dans le film ? Quel effet cela provoque-t-il sur le spectateur ? Les réalisateurs ont choisi de juxtaposer des images de surveillance des barrières extraites des caméras des gardes-frontières. On y voit des chaînes de migrants filmés de manière complétement déshumanisés et impersonnels. Elles sont une sorte de contrepoint aux images d’Abou Bakar très personnelles et intimes. Selon vous, quelles images se rapprochent davantage de ce que l’on voit généralement dans la presse lorsque l’on évoque la thématique des migrations ? A votre avis, pourquoi les médias favorisentils la diffusion de telles images ? 6 Pour Abou Bakar, la vie sur le Gourougou c’est quoi ? A un moment donné dans le film, il donne une liste d’adjectifs qui décrivent la vie sur le Gourougou. Être soi-même, partager avec ses frères, être courageux, être discipliné, avoir peur tout le temps, être sans espoir, être machiavélique, réussir à tous prix. Et le plus dur : voir mourir ses frères. A qui est dédicacé le film ? A Mustapha Togola qui est mort durant le tournage du film et à tous les autres qui risquent et perdent leur vie à l’extérieur des frontières de l’Europe. Qui est Mustapha ? C’est un de leur collègue qui est mort durant le tournage en tentant d’escalader la barrière. Dans le film, on voit Abou Bakar appeler le père du défunt pour lui annoncer la nouvelle. A votre avis, quel est le point de vue des deux réalisateurs Moritz Siebert et Estephan Wagner sur le sujet de leur film ? Pour vous, Les Sauteurs est-il un film engagé ou non ? Pour les deux réalisateurs, Les Sauteurs n’est pas un film activiste mais un film qui replace l’humain au centre des préoccupations et qui veut rendre hommage à la détermination et au courage des personnes se trouvant sur le Mont Gourougou. C’est un film qui pose des questions sur l’Europe et le renforcement des frontières. 7 OUVERTURES SUR LA THEMATIQUE DES MIGRATIONS Lire l’article publié sur le site de la revue migrations forcées. Qu’apprend-on sur la ville de Mellila ? Comme le film, Les Sauteurs, l’article s’intéresse aux points de vue des migrants. Comment surnomment-t-ils leur départ du centre de réfugiés de Melilla (CETI) et que suggère cette appellation ? Quelle est leur représentation de leur passage par la ville de Mellila ? Pourquoi ? Cette représentation est-elle différente de celle que se font les migrants dans le film Les Sauteurs ? Pourquoi ? http://www.fmreview.org/fr/destination-europe/bjorneseth.html Une guerre civile éclate en Suisse romande. Demander aux élèves de réfléchir à un pays dans lequel ils voudraient demander l’asile s’ils devaient fuire. Choisiraient-ils la Suisse ? Pourquoi oui, pourquoi, non ? Relever les résultats de chacun et les noter au tableau. Discuter ensemble des raisons qui les ont motivés à choisir un pays plutôt qu’un autre. Sécurité sociale (assurances chômage, AVS, AI), système scolaire gratuit et compétent, richesse économique, système démocratique, paysages vs. difficulté d’obtenir l’asile, problèmes de la langue, climat difficile, considération difficile des étrangers (parfois lié à des partis politiques d’extrême droite comme l’UDC etc.) Quelles sont les différentes raisons qui poussent des personnes à vouloir quitter leur pays et venir en Europe ? Raisons politiques (désaccord avec le pouvoir en place, manque de démocratie, refus de rejoindre l’armée locale), raisons économiques (pas ou peu d’emplois et d’assurances sociales), raisons sécuritaires (guerres, violence étatique), raisons identitaires (condamnation de l’homosexualité etc.). Essayer de deviner quels sont les 10 premiers pays de provenance des migrants en Suisse. Lesquels sont-ils ? Proposer aux élèves de les noter sur un papier puis de relever les résultats au tableau et de comparer les résultats. Selon le site d’Amnesty International les 10 principaux pays d’origine des migrants en Suisse sont : l’Erythrée, la Tunisie, le Nigeria, la Serbie, l’Afghanistan, la Macédoine, la Syrie, la Chine, la Somalie, le Kosovo. 8 POUR ALLER PLUS LOIN 1. ENTRETIENS AVEC LES RÉALISATEURS DU FILM LORS DE SON PASSAGE AU FESTIVAL DU FILM DE BERLIN EN 2016 (INTERVIEWS D’ABOU BAKAR SIDIBÉ EN FRANÇAIS) http://www.youtube.com/watch?v=ld787MRCcQw&t=331s 2. MELILLA : TRIPLE SAUT VERS L’ELDORADO, UN REPORTAGE DANS LA VILLE DE MELILLA DANS LE QUOTIDIEN LIBÉRATION EN NOVEMBRE 2013 http://www.liberation.fr/planete/2013/11/22/melillatriple-saut-vers-l-eldorado_961352 3. UN AUTRE DOCUMENTAIRE SUR LES MIGRANTS DE MELLILA, THE LAND BETWEEN, DE DAVID FEDELE, http://thelandbetweenfilm.com/home-page-french/ 4. INTERVIEW DES DEUX RÉALISATEURS, ESTEPHAN WAGNER AND MORITZ SIEBERT http://www.dfi.dk/service/english/news-and-publications/news/february-2016/les-sauteurs-interview-berlinale-2016.aspx 5. LA PAGE WIKIPÉDIA DE LA BARRIÈRE DE MELILLA http://fr.wikipedia.org/wiki/Barri%C3%A8re_de_Melilla 6. UN ARTICLE PUBLIÉ SUR LE SITE D’AMNESTY INTERNATIONAL SUR LE RENFORCEMENT DE LA FRONTIÈRE EUROPÉENNE. http://www.amnesty.ch/fr/sur-amnesty/publications/magazine-amnesty/2014-4/forteresse-europe-boza2013-le-dernier-espoir 9