Dépistage du cancer de la prostate

Transcription

Dépistage du cancer de la prostate
DÉPISTAGE DU
CANCER DE LA PROSTATE :
UTILISATION DE L’APS
COLLÈGE DES MÉDECINS
DU QUÉBEC
AVANT-PROPOS
L’utilisation du dosage de l’antigène prostatique spécifique (APS) dans le dépistage du
cancer de la prostate a connu une croissance
considérable au cours des dernières années.
Or en raison de certains inconvénients reliés
à ce test et au cancer lui-même, plusieurs
médecins et patients ne savent aujourd’hui
quelle attitude adopter : faut-il ou non demander ce test de dépistage?
Le Collège des médecins du Québec
a donc jugé opportun de publier des lignes
directrices de pratique clinique concernant
l’utilisation du dosage de l’APS dans le
dépistage du cancer de la prostate. Élaborées
notamment à partir d’une recherche exhaustive de la littérature médicale et de recom-
mandations proposées par plusieurs organismes du secteur de la santé, ces lignes directrices brossent un tableau détaillé et à jour
de la problématique.
Nous espérons que les recommandations
qui en découlent, même si elles ne permettent pas de trancher cette question difficile,
aideront les médecins et leurs patients à faire
un choix éclairé.
Le président,
Roch Bernier, MD
INTRODUCTION
Le Collège des médecins du Québec, en collaboration avec l’Association des urologues
du Québec et le Groupe de travail sur l’implantation des lignes directrices en pratique
clinique au Québec regroupant des représentants de la profession médicale québécoise,
s’est penché sur la controverse que soulève
présentement le dosage de l’APS comme test
de dépistage du cancer de la prostate.
Le groupe d’experts mis sur pied pour ce
projet a ainsi fait le tour de la question, ce
qui lui a permis d’établir des lignes directrices dont l’objectif est double : d’une part,
favoriser l’utilisation appropriée du dosage
de l’APS par les médecins et, d’autre part,
informer et sensibiliser la population en
regard du test de l’APS, particulièrement
dans le dépistage du cancer de la prostate.
Ces lignes directrices s’adressent à tous
les médecins du Québec, mais spécialement
à ceux qui sont susceptibles de rencontrer et
de suivre des clientèles masculines, notamment les médecins de famille, les internistes,
les gériatres et les urologues. Un dépliant
informatif conçu à l’intention des hommes
et de leur famille accompagne le présent
document.
Enfin, soulignons que le Collège des
médecins du Québec, le Conseil d’évaluation des technologies de la santé ainsi que la
Direction de la recherche et de l’évaluation
du ministère de la Santé et des Services
sociaux ont fourni les fonds nécessaires pour
l’élaboration de ces lignes directrices.
FÉVRIER 1998
1
1. PROBLÉMATIQUE
Parmi ceux
qui atteindront
l’âge de 80 ans,
on estime qu’on
diagnostiquera
un cancer de la
prostate chez un
homme sur huit
et qu’un homme
sur vingt-sept
en mourra.
Actuellement, le cancer de la prostate est le
cancer le plus fréquent et la deuxième cause
de mortalité par cancer chez les hommes.
Parmi ceux qui atteindront l’âge de 80 ans,
on estime qu’on diagnostiquera un cancer de
la prostate chez un homme sur huit et qu’un
homme sur vingt-sept en mourra.
Pour suivre l’évolution des patients traités pour ce cancer, on utilise depuis plusieurs
années le dosage sanguin de l’APS. Toutefois, au début des années 1990, différents
groupes de chercheurs et d’urologues ont
recommandé que ce test soit aussi offert de
façon systématique aux hommes asymptomatiques âgés entre 50 et 70 ans. La facilité
d’administration de ce test ainsi que l’impor-
tance de ce type de cancer comme problème
de santé ont entraîné une augmentation
exponentielle de la prescription du dosage de
l’APS, au Québec comme dans toute l’Amérique du Nord.
Cependant, certaines caractéristiques du
dosage de l’APS et du cancer de la prostate
ont amené d’autres groupes, dont des urologues, à déconseiller le recours à ce test dans
une optique de dépistage. Selon eux, cette
pratique cause en moyenne plus de torts
qu’elle n’apporte de bienfaits.
Il s’en est donc suivi une controverse qui
dure encore et qui laisse plusieurs cliniciens
et la population dans le doute quant à la conduite à tenir.
2. MÉTHODE D’ÉVALUATION DES DONNÉES
SCIENTIFIQUES ET DÉMARCHE DU GROUPE D’EXPERTS
CRITÈRES D’ÉVALUATION ET VALEURS
Le Collège des médecins du Québec, en
collaboration avec l’Association des urologues du Québec, a choisi les membres du
groupe selon leurs expertises respectives.
Le comité était composé de deux médecins
de famille, de deux urologues, d’un biochimiste, d’un épidémiologiste, d’un médecin
en santé publique et d’un homme représentant la population.
APPLIQUÉES
Le groupe d’experts a opté pour une démarche fondée sur l’analyse des données probantes. La classification des recommandations
et les niveaux de qualité des preuves justifiant des recommandations sont présentés
aux appendices 1 et 2. Les études sur le cancer de la prostate (efficacité thérapeutique et
préventive, validité des tests diagnostiques,
pronostic et analyses coûts-bénéfices) ainsi
que les lignes directrices de pratique clinique ont été évaluées selon les critères recommandés. Cependant, comme on ne dispose
pas de données de premier niveau (essai clinique randomisé) pour évaluer l’efficacité du
dépistage du cancer de la prostate au moyen
du dosage de l’APS, le groupe d’experts a
aussi formulé ses recommandations en s’appuyant sur les valeurs éthiques proposées
pour établir des lignes directrices de pratique clinique portant sur des méthodes de
dépistage.
IDENTIFICATION DES INFORMATIONS
Le groupe d’experts a procédé à une recherche exhaustive des guides d’exercice, des
rapports d’évaluation et de conférence de
consensus, des articles de révision, des métaanalyses et des articles originaux sur le sujet
à partir de la base de données MEDLINE et
du réseau Internet. De plus, il a écrit aux
associations et aux collèges de chaque province canadienne et des États-Unis pour obtenir les documents officiels non compris
dans les bases de données habituelles. Il a
enfin répertorié les bibliographies de tous ces
documents.
2
Les valeurs éthiques suivantes ont donc
été considérées :
• Comme le dépistage s’adresse à des personnes qui se considèrent comme étant en
bonne santé ou qui ne souffrent d’aucun
malaise spécifique relatif à l’affection
concernée, il est important de disposer de
preuves suffisantes démontrant que le
dépistage apporte en moyenne plus
d’avantages que d’inconvénients avant
de le recommander.
• Les médecins doivent proposer à leurs
patients toute intervention susceptible de
comporter plus d’avantages que d’inconvénients en réponse à leurs demandes et
aux problèmes qu’ils présentent. Ils doivent également vérifier les craintes et les
malaises qui ont motivé une demande de
services médicaux. Cependant, ils n’ont
pas à créer un dilemme pour le patient à
propos d’une controverse médicale, lorsque l’efficacité ou l’inefficacité d’une
technique spécifique n’est pas encore
établie et que cette question ne fait pas
partie des préoccupations du patient au
moment de la consultation.
• Selon les principes de la déontologie
médicale, la décision finale de recourir ou
non à une technique revient toujours au
patient après qu’il a reçu toute l’information disponible sur le sujet. Les médecins
doivent se garder d’influencer leurs
patients selon leurs propres valeurs. Cela
est d’autant plus important lorsque les
VALIDATION
données scientifiques ne permettent pas
d’établir clairement l’efficacité ou l’inefficacité d’une approche.
Le groupe d’experts considère que ces
recommandations s’appliquent tant au dépistage de masse qu’au dépistage de cas dans le
cadre de la consultation médicale. En effet,
dans ces deux situations, le dépistage
s’adresse à des individus asymptomatiques,
si bien que les propriétés des tests de dépistage (sensibilité, spécificité et valeurs prédictives) sont comparables.
VALIDATION
Afin d’en évaluer la clarté et la pertinence,
le groupe d’experts a soumis ses recommandations à un échantillon de médecins de
famille, d’urologues, de médecins en santé
publique ainsi qu’à l’Association des urologues du Québec, à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et au Collège
québécois des médecins de famille. De plus,
il a animé trois groupes de discussion avec
des représentants d’hommes âgés de 50 à 70
ans dans le but de valider la clarté et l’acceptabilité du dépliant informatif conçu à l’intention du public. Enfin, il a comparé ses
recommandations à celles formulées par
d’autres groupes. La liste des groupes, des
associations et des collèges consultés qui ont
émis des recommandations sur le dépistage
du cancer de la prostate figure à l’appendice 3.
3. CANCER DE LA PROSTATE
FACTEURS DE RISQUE
risques augmenter de 1,5 à 10 fois selon le
nombre de parents au premier degré affectés. Une légère augmentation du risque de
cancer de la prostate a été observée dans les
populations consommant une alimentation
riche en gras et chez les hommes d’origine
afro-américaine. Le tableau 1 à la page 4 indique le risque relatif de ces facteurs.
Le risque d’avoir un cancer de la prostate
croît avec l’âge. En effet, on retrouve rarement ce type de cancer chez les hommes âgés
de moins de 50 ans.
De plus, les hommes ayant une histoire
familiale de cancer de la prostate, tant du côté
paternel que du côté maternel, voient leurs
3
Le groupe d’experts
considère que ses
recommandations
s’appliquent tant
au dépistage de
masse qu’au
dépistage de cas
dans le cadre de
la consultation
médicale.
TABLEAU 1
FACTEURS DE RISQUE DU CANCER DE LA PROSTATE
Facteur de risque
Ce qui distingue
le cancer de la
prostate de
plusieurs autres
cancers, c’est la
diversité de son
évolution clinique.
L’évolution du
cancer peut donc
être très variable,
d’anodine à fatale.
Risque relatif
Histoire familiale : Premier degré (père, frère)
• Un parent
• Deux parents
• Trois parents ou plus
Deuxième degré (grand-père et oncle)
• Paternel et/ou maternel
Premier et deuxième degrés
(Intervalle
de confiance)
2,2
4,9
10,9
(1,4-3,5)
(2,0-12,3)
(2,7-43,1)
1,7
8,8
(1,0-2,9)
(2,8-28,1)
Alimentation riche en gras
1,7
(1,6-1,9)
Hommes d’origine afro-américaine
1,4
(1,3-1,6)
D’après : Steinberg, G.D. et al. — «Family history and the risk of prostate cancer». — Prostate. — Vol. 17, no 4 (1990). — P.337-347
On a déjà cru que d’autres facteurs tels
que la vasectomie, l’histoire sexuelle, les
maladies transmises sexuellement et l’hypertrophie bénigne de la prostate, étaient associés à ce cancer; à la lumière des données
récentes, ces éléments ne sont plus considérés comme facteurs de risque du cancer de la
prostate.
stade final sera déterminé par l’exérèse chirurgicale et l’analyse anatomopathologique
du spécimen. Le stade final précis ne sera
donc connu que pour les patients ayant eu
une exérèse chirurgicale, puisque le matériel
obtenu par biopsie ne permet pas d’estimer
avec certitude le grade histologique final ni
le degré d’extension de la tumeur.
HISTOIRE NATURELLE DE LA MALADIE
OPTIONS THÉRAPEUTIQUES
Ce qui distingue le cancer de la prostate de
plusieurs autres cancers, c’est la diversité de
son évolution clinique. Selon la littérature,
environ 30 % à 40 % des autopsies pratiquées
chez des hommes de plus de 50 ans décédés
d’autres causes démontrent des foyers, souvent microscopiques, de cancer de la prostate. Ces cancers ne se manifestent pas et ne
sont jamais diagnostiqués. Par contre, au
moment du diagnostic, plus d’une fois sur
deux le cancer sera trop avancé pour qu’on
puisse espérer le guérir. L’évolution du cancer peut donc être très variable, d’anodine à
fatale.
À partir des propriétés de l’APS, de la
recherche en biologie moléculaire et en génétique, on s’efforce actuellement de trouver
une façon de différencier les tumeurs selon
leur potentiel de malignité. Cependant, le
On classifie le cancer de la prostate selon le
stade d’évolution et le grade histologique. Le
type de traitement dépend essentiellement
du stade de la maladie. À stade d’évolution
égal, les autres paramètres à considérer dans
le choix du traitement sont le grade histologique, l’espérance de vie du patient ainsi
que sa préférence personnelle face à un type
ou un autre de traitement. Le tableau 2 à la
page 5 résume la classification du cancer de
la prostate et les options thérapeutiques
habituellement considérées en fonction de
chaque stade. Pour une même situation clinique, il peut exister plus d’une option thérapeutique valable. La décision doit être prise
par le patient et l’équipe médicale après une
évaluation complète.
4
TABLEAU 2
TRAITEMENTS OFFERTS CLASSIQUEMENT EN FONCTION DU STADE DE LA MALADIE
Stade
Définition
Traitement
A1 ou T1a
Présence de cellules cancéreuses dans
moins de 5 % des fragments provenant
d’une résection transurétrale de la prostate
Observation
A2 ou T1b
Présence de cellules cancéreuses dans
plus de 5 % des fragments provenant
d’une résection transurétrale de la prostate;
aucun nodule détecté par toucher rectal
Prostatectomie ou
radiothérapie
B0 ou T1c
Cancer détecté par biopsie après constatation
d’un taux d’APS élevé; toucher rectal et
échographie transrectale normaux
Prostatectomie ou
radiothérapie
B1 ou T2a
Nodule cancéreux occupant moins
de la moitié d’un lobe prostatique
Prostatectomie ou
radiothérapie
B2 ou T2b
Nodule cancéreux occupant plus de la
moitié d’un lobe prostatique
Prostatectomie ou
radiothérapie
B3 ou T2c
Tumeur touchant les deux lobes prostatiques
Prostatectomie ou
radiothérapie
C ou T3
Tumeur non confinée à la capsule prostatique,
envahissant les vésicules séminales ou
le bassin
Radiothérapie
Prostatectomie dans
certains cas
D1 ou N+
Atteinte des ganglions lymphatiques
pelviens
Hormonothérapie
précoce ou retardée
D2 ou M1
Métastases éloignées (osseuses)
Hormonothérapie
D3
Rechute consécutive à l’hormonothérapie
Soins palliatifs
Chimiothérapie dans
certains cas
Dans tous les cas, selon le grade, le stade, l’âge, les facteurs de comorbidité et le
choix du patient, l’observation attentive fait partie des options à considérer.
Adapté de : Gaudet, Rachel; Jolivet-Tremblay, Martine; Saad, Fred — «Le cancer de la prostate : où en sommes-nous ?». —
Le clinicien. — Vol. II, no 4 (avril 1996). — P.134
Pour les tumeurs cliniquement limitées
à la capsule prostatique (stades T1b, T1c et
T2), au moment du diagnostic, trois options
sont disponibles : l’attente sous observation,
la prostatectomie radicale et la radiothérapie. À l’heure actuelle, les études ne permettent pas d’établir avec certitude la supériorité d’une option sur une autre pour les
tumeurs de grade 1 (bien différenciées). Pour
les tumeurs de grades 2 et 3, des données
récentes suggèrent que l’attente sous observation n’est pas une option optimale et que
l’on doit considérer la chirurgie ou la radiothérapie.
5
À l’heure actuelle,
les études ne
permettent pas
d’établir avec
certitude la
supériorité d’une
option sur une
autre pour les
tumeurs de grade 1
(bien différenciées).
TABLEAU 3
CANCER DE LA PROSTATE LOCALISÉ : SURVIE À DIX ANS (INTERVALLE DE CONFIANCE 95 %)
SELON L ’OPTION CHOISIE INITIALEMENT ET LE GRADE HISTOLOGIQUE DE LA TUMEUR
Cependant, il est
clair que le patient
doit avoir une
espérance de vie
d’au moins dix
ans pour qu’il
soit justifié
d’intervenir.
Thérapie
Grade 1
Grade 2
Grade 3
Prostatectomie radicale
94 %
(91 %-95 %)
87 %
(85 %-89 %)
67 %
(62 %-71%)
Radiothérapie
90 %
(87 %-92 %)
76 %
(72 %-76 %)
53 %
(47 %-58 %)
Approche conservatrice
93 %
(91 %-94 %)
77 %
(74 %-80 %)
45 %
(40 %-51 %)
Lu-Yao, G.L.; Yao S.L. — «Population-based study of long-term survival in patients with clinically localised prostate cancer».
— Lancet. — Vol. 349, no 9056 (March 29, 1997). — P.906-910
En général, la prostatectomie radicale et
la radiothérapie s’accompagnent de taux de
morbidité comparables, mais différents. Les
complications des deux approches et leur fréquence sont décrites au tableau 4. Cependant,
il est clair que le patient doit avoir une espérance de vie d’au moins dix ans pour qu’il
soit justifié d’intervenir. Dans certains cas,
selon le grade, le stade, l’âge, les facteurs de
comorbidité et le choix du patient, l’observation attentive fait partie des options à considérer.
Le tableau 3 présente les résultats d’une
étude de la survie à dix ans selon la modalité
thérapeutique choisie en fonction des grades
histologiques. L’analyse portait sur 59 876
patients. On remarque que la survie est comparable pour les tumeurs de grade 1, quelle
que soit l’approche thérapeutique choisie,
mais que pour les tumeurs de grades 2 et 3,
la prostatectomie radicale semble donner de
meilleurs résultats. Cette étude est la plus
importante compilation de données publiées
à ce jour, mais comme elle n’est pas randomisée, on doit l’interpréter avec prudence.
TABLEAU 4
FRÉQUENCE DES COMPLICATIONS ASSOCIÉES À LA PROSTATECTOMIE RADICALE ET
À LA RADIOTHÉRAPIE
Complications
Prostatectomie radicale
Radiothérapie
Fréquence moyenne
Fréquence moyenne
Mortalité
Incontinence urinaire totale
Incontinence urinaire partielle
Impuissance
Sténose urétrale/col
Rectite/troubles intestinaux
Cystite radique
0,5 %
2%
10 %
57 %
4%
3%
-%
0,2 %
1%
6%
40 %
5%
10 %
5%
Adapté de : Wasson, J.H. et al. — «A structured literature review of treatment for localized prostate cancer: Prostate Disease
Patient Outcome Research Team». — Archives of Family Medicine. — Vol 2, no 5 (May 1993). — P.487-493.
6
4. DIAGNOSTIC ET DÉPISTAGE DU CANCER
DE LA PROSTATE
Il est important de ne pas confondre les termes diagnostic et dépistage. Le diagnostic
désigne le processus d’investigation d’individus présentant des symptômes ou des
signes cliniques. Le dépistage, quant à lui,
consiste à rechercher une maladie à un stade
précoce en appliquant un test à des individus
asymptomatiques chez qui on ne suspecte
pas la présence de la maladie. La différence
est importante, car la valeur prédictive des
tests, donc la façon de les interpréter, varie
en fonction du tableau clinique. Cette section du document traite du rôle de l’anamnèse et des examens complémentaires ainsi
que de l’utilité du dosage de l’APS tant dans
un contexte de diagnostic que de dépistage.
cer de la prostate. Bien que, dans l’ensemble, ces études aient montré une augmentation de la détection de tumeurs limitées à la
prostate, elles indiquent toutefois que le toucher rectal utilisé seul n’est pas associé à une
réduction de la mortalité chez les personnes
soumises au dépistage par cette approche.
ÉCHOGRAPHIE PROSTATIQUE PAR
VOIE TRANSRECTALE
L’échographie prostatique par voie transrectale est un examen invasif, coûteux et dont
la validité diagnostique est médiocre. On en
réserve l’usage aux patients dont le TR ou le
taux d’APS est anormal dans le but de guider la biopsie de la prostate. Toutefois, une
échographie prostatique normale n’exclut
pas la présence d’un cancer.
ANAMNÈSE
L’anamnèse a peu de valeur pour le dépistage, et même pour le diagnostic du cancer
de la prostate. Les symptômes de prostatisme, présents chez environ le quart des
hommes de 50 ans et plus, ne prédisent pas
la présence ou l’absence de cancer et ne
peuvent donc pas guider le clinicien en ce
sens.
De plus, lorsque le taux d’APS est
anormal, l’absence de facteurs de risque
(histoire familiale, hommes d’origine afroaméricaine) à l’anamnèse ne doit pas influencer la décision de poursuivre l’investigation.
ANTIGÈNE PROSTATIQUE SPÉCIFIQUE
L’antigène prostatique spécifique (APS) est
une glycoprotéine sécrétée par les cellules
épithéliales des canaux et des acini de la prostate. Sa concentration sérique augmente non
seulement en présence du cancer de la prostate, mais aussi avec certaines pathologies
prostatiques et toutes les manipulations
urologiques. Plusieurs trousses pour mesurer le taux d’APS sérique sont offertes; une
valeur supérieure à 4 ng/ml obtenue à l’aide
d’une de ces trousses est considérée comme
anormale.
TOUCHER RECTAL
ÉLÉMENTS INFLUENÇANT LE TAUX
D’APS
Comme les valeurs d’APS demeurent élevées
pendant six à huit semaines après une prostatite, un épisode de rétention urinaire aiguë
et toute manipulation de l’arbre urinaire bas
(cystoscopie, biopsie de la prostate), on doit
s’abstenir de prescrire un dosage de l’APS
dans ces circonstances et reporter l’investigation de deux mois environ.
Les études récentes montrent que le toucher
rectal (TR) est peu valide pour la détection
précoce du cancer de la prostate. En effet, la
sensibilité de ce moyen ne dépasse pas de
50 % à 60 %, laissant ainsi non détectés près
de la moitié des cancers. De plus, de 50 % à
70 % des tumeurs identifiées par cet examen
présentent des preuves histologiques d’envahissement extra-prostatique.
Quelques études ont également évalué
l’efficacité du TR pour le dépistage du can7
Lorsque le taux
d’APS est anormal,
l’absence de
facteurs de risque
à l’anamnèse ne
doit pas influencer
la décision de
poursuivre
l’investigation.
Plusieurs experts
ne conseillent
plus de proposer
systématiquement
un dosage de l’APS
aux individus
manifestant des
symptômes de
prostatisme.
• Hypertrophie bénigne de la prostate
L’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP)
peut élever le taux d’APS à l’intérieur des
valeurs considérées comme suspectes de
cancer. En fait, près de 75 % des patients dont
le dosage de l’APS se situe entre 4 ng/ml et
10 ng/ml ne souffrent que d’une hypertrophie bénigne de la prostate.
Plusieurs études ont montré que les hommes présentant des symptômes de prostatisme secondaires à une HBP ne courent pas
plus de risques d’avoir un cancer de la prostate que les hommes de leur âge. Plusieurs
experts ne conseillent plus de proposer systématiquement un dosage de l’APS aux
individus manifestant des symptômes de
prostatisme, puisque ces hommes sont plus
à risques de présenter des résultats faussement positifs et, par conséquent, d’être soumis à des investigations inutiles. Toutefois,
les hommes qui consultent pour des symptômes de prostatisme ne peuvent pas être rassurés qu’ils ne sont pas atteints du cancer de
la prostate sans que l’on ait procédé à un toucher rectal et à un dosage de l’APS.
Lorsque les hommes consultent pour des
symptômes de prostatisme, mais qu’ils ne
présentent aucune anomalie par toucher rectal, la décision de compléter l’investigation
à l’aide du dosage de l’APS doit être prise
après qu’on leur a expliqué les avantages et
les inconvénients du test (voir la section
«Conseils et avis du médecin aux patients»,
à la page 10). Avant de proposer un traitement spécifique de l’hypertrophie bénigne de
la prostate, le groupe d’experts recommande
de discuter avec le patient de la possibilité
d’avoir recours au dosage de l’APS pour
compléter l’investigation, si l’espérance de
vie de ce patient est supérieure à dix ans et si
la découverte d’un cancer de la prostate pouvait modifier l’approche thérapeutique.
Le finastéride (ProscarMD) utilisé pour le
traitement médical de l’hypertrophie bénigne
de la prostate abaisse la valeur de l’APS,
faussant potentiellement l’interprétation de
résultats ultérieurs. Les travaux de Gormley
suggèrent qu’on peut estimer la valeur
«réelle» de l’APS d’un homme sous finastéride en multipliant par deux le résultat
obtenu. Bien que ces travaux soient préliminaires, ils peuvent guider le clinicien dans
l’interprétation d’un taux d’APS près des
valeurs limites chez un patient sous finastéride depuis plus de six mois. Les alphabloqueurs, térazosine (HytrinMD) et doxazo-sine
(CarduraMC), également utilisés pour le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate, n’influencent pas les valeurs de l’APS.
Le toucher rectal n’affecte pas non plus la
mesure de l’APS.
UTILITÉ DU DOSAGE DE L’APS
COMME TEST DIAGNOSTIQUE
• Cancer de la prostate
L’APS est le meilleur indicateur de l’évolution du cancer de la prostate. Une augmentation de son taux dans le temps signale une
progression de la maladie. Le dosage de
l’APS est donc essentiel pour suivre tous les
patients qui ont subi un traitement pour un
cancer de la prostate ou qui ont opté pour
l’observation en présence d’une tumeur
localisée. Le dosage de l’APS est également
inclus dans l’évaluation de tout tableau clinique pour lequel l’hypothèse d’un cancer
de la prostate fait partie du diagnostic différentiel (toucher rectal anormal, suspicion
de métastase osseuse, atteinte de l’état général, etc.). Un taux d’APS normal n’élimine
pas la possibilité qu’il y ait un cancer de la
prostate localisé en présence d’un toucher
rectal démontrant un nodule ou une asymétrie prostatique. Il faut alors demander une
évaluation en urologie pour établir la nature
des anomalies observées.
8
UTILITÉ DU DOSAGE DE L’APS
cancer chez environ 80 % des patients dont
l’APS ou le toucher rectal est anormal. La
probabilité individuelle pour un patient donné
qu’il y ait cancer de la prostate dépend du
résultat du toucher rectal et/ou de l’ampleur
de l’augmentation du taux d’APS.
Le tableau 5 indique les probabilités de
cancer de la prostate selon les résultats du
toucher rectal et du dosage de l’APS. Plus le
taux d’APS est élevé, plus grande est la probabilité qu’il y ait un cancer et que ce cancer
dépasse la capsule prostatique, même si le
toucher rectal est normal. En général, pour
un taux d’APS supérieur à 10 ng/ml, la probabilité de cancer est de plus de 50 % et la
probabilité que la tumeur ait déjà envahi la
capsule varie de 24 % à 50 %, selon les
séries. Les données actuelles suggèrent que
85 % des cancers détectés par l’approche
combinée sont cliniquement significatifs.
Lorsque le toucher rectal et/ou le taux
d’APS sont anormaux, l’avis d’un urologue
devrait être sollicité. De façon idéale, on
devrait réaliser une biopsie sous échographie
après discussion avec un urologue.
Même si la biopsie est négative, il persiste une possibilité qu’un cancer n’ait pas
été révélé. Le suivi de ces patients doit être
individualisé en consultation avec un urologue.
COMME TEST DE DÉPISTAGE
Comme il n’est pas possible, pour des raisons éthiques, de savoir véritablement qui,
au moment du test, souffre ou non d’un cancer de la prostate, la sensibilité et la spécificité du dosage de l’APS comme test de
dépistage ne sont pas connues avec exactitude. Toutefois, on considère que, lorsqu’il
est utilisé seul, le dosage de l’APS décèle
environ 70 % des cancers cliniquement
significatifs; 30 % d’entre eux restent donc
inaperçus. Ainsi, ceux qui appuient le dépistage recommandent qu’on allie toujours le
toucher rectal à la prescription du test de
l’APS. La sensibilité de l’approche combinée est de 87 %, réduisant à 13 % la proportion de cancers non reconnus par le dépistage. Pour un individu donné, lorsque les
deux tests sont normaux, la probabilité qu’un
cancer de la prostate soit présent est donc
faible; selon les meilleures estimations
actuelles, elle est de l’ordre de 0,5 % à 1 %.
Lorsque l’on a recours au dosage de l’APS
combiné au toucher rectal dans un contexte
de dépistage, on peut s’attendre à ce qu’environ 18 % des hommes aient un résultat
anormal à l’un ou l’autre des deux examens.
Par contre, un résultat anormal ne signifie
pas d’emblée qu’il y ait un cancer de la prostate. Dans l’ensemble, on ne retrouve pas de
TABLEAU 5
PROBABILITÉS DE CANCER DE LA PROSTATE SELON LES RÉSULTATS DU TOUCHER RECTAL ET DU DOSAGE DE L ’APS UTILISÉS EN ASSOCIATION À DES FINS DE DÉPISTAGE
Résultat du toucher rectal et du dosage de l’APS
Toucher rectal et APS normaux
Toucher rectal anormal et APS normal
Toucher rectal normal et APS > 4 ng/ml
Toucher rectal anormal et APS > 4 ng/ml
Probabilité de cancer de la prostate
(valeur prédictive positive)
0,5 % - 1 % approximativement
10 %
24 %
48 %
Catalona, W.J. et al. — «Comparison of digital rectal examination and serum prostate specific antigen in the early detection of prostate
cancer : results of a multi-center clinical trial of 6,630 men». — Journal of Urology. — Vol. 151, n° 5 (May 1994). — P.1283-1290
9
Lorsque le
toucher rectal et/ou
le taux d’APS sont
anormaux, l’avis
d’un urologue
devrait être
sollicité.
Le manque
de preuves
démontrant une
baisse de la
mortalité et une
amélioration de la
qualité de vie,
ainsi que les
désavantages
connus des
investigations et
des traitements
demandent que
l’on applique une
politique de
consentement
éclairé plus serrée
que pour la
réalisation des
tests courants.
Jusqu’à maintenant, aucune étude évaluant
l’efficacité du dépistage pour réduire la mortalité secondaire au cancer de la prostate n’a
été publiée. Pour la première année, aux
États-Unis, on a observé une légère diminution de la mortalité par cancer de la prostate.
Il est cependant difficile d’attribuer cette
baisse au dépistage ou à d’autres facteurs,
car elle ne survient que quelques années après
l’augmentation du recours au dosage de
l’APS. On ne dispose donc pas de preuves
que le dépistage du cancer de la prostate chez
les hommes de 50 ans et plus soit associé à
une réduction de la mortalité par ce cancer
ou à une amélioration de la qualité de vie.
L’analyse des données obtenues à partir
d’études de cohorte, d’études cas-témoins et
de séries de cas (niveaux de qualité de données II et III; voir l’appendice 2) suggèrent
que, s’il y a un bénéfice à tirer du dépistage,
il ne serait que pour les hommes âgés de 50 à
69 ans et dont l’espérance de vie est supérieure à dix ans. Au-delà des controverses,
tous les experts s’entendent pour décourager l’utilisation du dosage de l’APS à des
fins de dépistage, d’une part, chez les
hommes âgés et, d’autre part, chez ceux
pour qui les options thérapeutiques ne sont
pas applicables en raison de maladies concomitantes importantes, et ce, quel que soit
leur âge.
La présence de facteurs de risque (histoire
familiale, hommes d’origine afro-américaine) augmente la prévalence du cancer de
la prostate et, par conséquent, la valeur prédictive d’un résultat anormal. Cependant, les
données actuelles ne permettent pas d’affirmer que le dépistage est plus efficace dans
de telles circonstances ni que le dépistage
systématique dès 40 ans, comme le recommandent certains experts, est justifié.
5. CONSEILS ET AVIS DU MÉDECIN AUX PATIENTS
CONSÉQUENCES D’UN RÉSULTAT
Les médecins doivent être conscients des
incertitudes, des avantages et des inconvénients entourant le dépistage du cancer de la
prostate avant qu’eux et leurs patients décident d’y avoir recours. Le manque de preuves démontrant une baisse de la mortalité et
une amélioration de la qualité de vie, ainsi
que les désavantages connus des investigations et des traitements demandent que l’on
applique une politique de consentement
éclairé plus serrée que pour la réalisation des
tests courants.
NORMAL
La majorité des hommes dont le dépistage
par dosage de l’APS et par toucher rectal est
négatif sont exempts de cancer de la prostate. Cependant, ceux qui ont un cancer de la
prostate et dont le test de dépistage est normal n’en retirent aucun bénéfice. Il est donc
nécessaire d’expliquer au patient la signification d’un résultat normal, la probabilité
d’un cancer étant faible, soit de l’ordre de
0,5 % à 1 %.
10
CONSÉQUENCES D’UN RÉSULTAT
ANORMAL
Les hommes qui n’ont pas de cancer reconnu,
mais dont le test de dépistage est positif, doivent subir, souvent à plusieurs reprises, des
investigations qui peuvent être désagréables.
En outre, ils ne peuvent pas être complètement rassurés par le résultat négatif de ces
investigations.
Les véritables bénéficiaires d’un dépistage
par dosage de l’APS et par toucher rectal sont
les hommes dont le cancer, découvert à un
stade précoce, peut être traité de façon efficace, alors qu’il n’aurait pas pu l’être en l’absence du dépistage. Cependant, il est possible que, pour certains hommes, le test
permette de découvrir un cancer qui ne se
serait jamais manifesté durant leur vie.
Ce problème de surdiagnostic n’est pas
anodin, car les traitements du cancer de la
prostate provoquent des effets secondaires
importants; le dépistage est donc susceptible de causer une diminution de la qualité de
vie. On ne devrait pas procéder au toucher
rectal et au dosage de l’APS à des fins de
dépistage chez un homme qui ne serait pas
prêt à envisager une prostatectomie radicale
ou des traitements de radiothérapie advenant
la découverte d’un cancer de la prostate ou
qui ne serait pas prêt à accepter qu’il n’y ait
aucune intervention même s’il se sait porteur d’un cancer. Il est donc nécessaire d’expliquer au patient la signification d’un résultat anormal.
NÉCESSITÉ D’UN CHOIX ÉCLAIRÉ
Pour certains hommes, les inconvénients connus à court terme associés aux investigations
et aux traitements apparaissent négligeables
par rapport aux bienfaits, même incertains, à
long terme. Pour d’autres, ces inconvénients
l’emportent sur les bienfaits possibles. Les
hommes qui accorderont une plus grande
valeur à la possibilité d’éviter que le cancer
ne se développe jusqu’à un stade avancé
opteront probablement pour le dépistage.
Cette politique de consentement éclairé
n’est cependant pas facile à appliquer dans
le contexte de la consultation clinique, car
plusieurs hommes ne sont pas familiarisés
avec les incertitudes entourant le dépistage
du cancer de la prostate. Conséquemment,
ils ne perçoivent pas toujours la portée de la
décision à prendre, ce qui ne facilite pas la
tâche du médecin. Il est donc essentiel que
le public soit mieux informé. Des études
montrent en effet que certains hommes qui
consultent avec la volonté d’obtenir un examen de dépistage changent d’avis lorsqu’ils
sont informés de l’état actuel des connaissances sur l’efficacité de cette approche;
le contraire est probablement aussi vrai. Un
dépliant informatif destiné au public et joint
à ces lignes directrices aidera les médecins
à expliquer à leurs patients les éléments
importants à connaître pour prendre une
décision éclairée. Dans le but de faciliter la
discussion, nous encourageons les médecins
à laisser ce dépliant aux patients et à reporter la décision finale à un moment ultérieur.
11
On ne devrait
pas procéder au
toucher rectal et
au dosage de l’APS
à des fins de
dépistage chez
un homme qui ne
serait pas prêt à
envisager une
prostatectomie
radicale ou des
traitements de
radiothérapie
advenant la
découverte d’un
cancer de la
prostate ou qui
ne serait pas prêt
à accepter qu’il
n’y ait aucune
intervention
même s’il se
sait porteur
d’un cancer.
6. RÉSUMÉ
Le dépistage de routine du cancer de la prostate au moyen du dosage de l’APS et du toucher rectal n’est pas recommandé. Tout
homme qui demande un dépistage ou de l’information sur le dépistage doit recevoir des
renseignements objectifs sur les avantages et
les inconvénients potentiels du dépistage et
des traitements précoces. S’il opte pour le
dépistage, l’approche la plus efficace est celle
qui allie le dosage de l’APS au toucher rectal et qui limite le procédé aux hommes dont
l’espérance de vie est supérieure à dix ans.
POINTS À SOULEVER PENDANT LA DISCUSSION AVEC LE PATIENT
• Le dosage de l’APS combiné au toucher rectal est présentement l’approche la plus
fiable pour détecter le cancer de la prostate.
• On ne peut affirmer pour le moment que le traitement précoce des patients porteurs d’un cancer de faible grade leur permet de vivre plus longtemps. Toutefois,
pour les patients porteurs d’un cancer de grade intermédiaire ou élevé, le traitement précoce améliore la survie.
• Nous ne disposons pas de données prouvant que le dépistage permet de réduire la
mortalité par cancer de la prostate.
• Un dosage de l’APS et/ou un toucher rectal normaux ne permettent pas d’exclure
complètement la présence d’un cancer de la prostate. Toutefois, lorsque les deux
tests sont normaux, la probabilité d’avoir un cancer de la prostate est faible, de
l’ordre de 0,5 % à 1 %.
• Un dosage de l’APS et/ou un toucher rectal anormaux ne signifient pas qu’il y ait
un cancer. La seule façon de le savoir est de procéder à des biopsies de la prostate.
En général, on ne détecte un cancer que chez environ 20 % des hommes dont le
taux d’APS ou le toucher rectal est anormal. Cette probabilité dépend cependant
du taux d’APS et du résultat du toucher rectal. Elle peut être aussi élevée que 50 %
si les deux examens sont anormaux.
• Lorsqu’un cancer est diagnostiqué, le patient doit choisir entre plusieurs traitements, dont la chirurgie, la radiothérapie ou l’observation sous surveillance de la
tumeur, selon les résultats des investigations. Il doit comprendre que le choix optimal demeure incertain pour les tumeurs localisées de faible grade.
12
7. RECOMMANDATIONS
1. Il n’est pas recommandé d’utiliser systématiquement le dosage de l’APS et/ou le
toucher rectal seuls ou combinés comme
méthode de dépistage du cancer de la prostate, quel que soit l’âge du patient.
(Recommandation de catégorie D*)
4. Le patient qui manifeste un intérêt ou des
craintes relativement au cancer de la prostate devrait recevoir du counselling pour
lui permettre de faire un choix éclairé. De
fait, une incertitude persiste quant aux
avantages et aux inconvénients du dépistage chez les individus appartenant à l’un
des deux groupes suivants :
• les hommes âgés de 50 à 69 ans et jouissant d’une espérance de vie supérieure à
dix ans;
• les hommes âgés de 40 ans et plus d’origine afro-américaine ou les hommes de
40 ans et plus dont au moins un parent de
premier degré a souffert d’un cancer de la
prostate et qui jouissent d’une espérance
de vie supérieure à dix ans. Cependant,
les données actuelles ne permettent pas
d’affirmer que le dépistage est plus efficace dans de telles circonstances.
(Recommandation de catégorie C)
2. Le dosage de l’APS est approprié et doit
être utilisé :
• pour suivre l’efficacité du traitement et
l’évolution de la maladie chez le patient
porteur d’un cancer de la prostate, quelle
que soit l’approche thérapeutique adoptée;
• lorsque le cancer de la prostate fait partie
des hypothèses diagnostiques à considérer compte tenu du tableau clinique présenté par un patient.
(Recommandation de catégorie B)
3. En présence de symptômes de prostatisme
avec un toucher rectal normal, avant de
proposer un traitement spécifique de l’hypertrophie bénigne de la prostate, le
groupe d’experts recommande de discuter avec le patient de la possibilité d’avoir
recours au dosage de l’APS pour compléter l’investigation et diagnostiquer un cancer de la prostate. Cela s’applique à tout
homme jouissant d’une espérance de vie
supérieure à dix ans, chez qui la découverte d’un cancer de la prostate serait susceptible de modifier l’approche thérapeutique. La décision de compléter
l’investigation par un dosage de l’APS
doit être prise par le patient après qu’il a
reçu toute l’information concernant les
avantages et les inconvénients du test.
(Recommandation de catégorie C)
* Voir l’appendice 1 pour connaître les différentes catégories
de recommandations.
13
ALGORITHME RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
SUR L’UTILISATION DU DOSAGE DE L’APS
NE PAS UTILISER SYSTÉMATIQUEMENT L’APS ET/OU LE TOUCHER RECTAL SEULS OU
COMBINÉS COMME TEST DE DÉPISTAGE DU CANCER DE LA PROSTATE, QUEL QUE SOIT L’ÂGE.
DOSAGE DE L’APS
• POUR LE SUIVI DU CANCER
• SI LE CANCER FAIT PARTIE
DES HYPOTHÈSES
DIAGNOSTIQUES
PATIENT
ASYMPTOMATIQUE
AVEC CRAINTES OU
DÉSIR D’INFORMATION
SYMPTÔMES
DE PROSTATISME
COUNSELLING SUR LES AVANTAGES ET
LES INCONVÉNIENTS DE L’APS ET
SUR LA SIGNIFICATION DU RÉSULTAT
DÉCISION DE PRESCRIRE UN TEST D’APS?
OUI
PAS DE
TEST D’APS
NON
LE PATIENT A-T-IL FAIT
UNE PROSTATITE OU A-T-IL EU
UNE MANIPULATION DE
L’ARBRE URINAIRE BAS?
OUI
NON
ATTENDRE AU MOINS DE 6 À 8
SEMAINES AVANT DE PROCÉDER
AU DOSAGE DE L’APS
FAIRE LE TOUCHER RECTAL
ET PRESCRIRE LE DOSAGE
DE L’APS
APS
APS
NORMAL
ANORMAL
TR
TR
NORMAL
ANORMAL
PAS D’AUTRE
INVESTIGATION
14
POURSUIVRE
L’INVESTIGATION
ET OBTENIR L’AVIS
D’UN UROLOGUE
APPENDICE 1
APPENDICE 2
APPENDICE 3
APPENDICE 1
CLASSIFICATION DES RECOMMANDATIONS
Catégorie
Définition
A
B
C
D
E
Preuves suffisantes pour recommander l’utilisation
Preuves acceptables pour recommander l’utilisation
Preuves insuffisantes pour recommander ou déconseiller l’utilisation
Preuves acceptables pour déconseiller l’utilisation
Preuves suffisantes pour déconseiller l’utilisation
APPENDICE 2
NIVEAUX DE QUALITÉ DES PREUVES JUSTIFIANT LES RECOMMANDATIONS
Catégorie
Définition
I
Données obtenues dans le cadre d’au moins un essai comparatif
convenablement randomisé
II
Données obtenues dans le cadre d’au moins un essai clinique bien
conçu, sans randomisation, d’études de cohortes ou d’études
analytiques cas-témoins, réalisées de préférence dans plus d’un centre,
à partir de plusieurs séries chronologiques, ou résultats spectaculaires
d’expériences non comparatives
III
Opinions exprimées par des comités dans le domaine et reposant sur
l’expérience clinique, des études descriptives ou des rapports de
comités d’experts
APPENDICE 3
POSITION DE DIFFÉRENTS GROUPES , ORGANISMES ET COLLÈGES FACE AU DÉPISTAGE
DU CANCER DE LA PROSTATE
Ne sont pas en faveur du dépistage, mais reconnaissent l’importance d’un choix éclairé
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Association canadienne d’urologie
Société canadienne du cancer
Groupe de travail canadien sur l’examen médical périodique
Health Services Utilization and Research Commission in Saskatchewan
College of Physicians and Surgeons of Manitoba
Alberta Practice Guidelines Program Working Group
Conseil d’évaluation des technologies en santé du Québec
The Newfoundland Medical Board
American Academy of Family Physicians
American College of Physicians
National Cancer Institute
U.S. Preventive Services Task Force
National Institutes of Health
Centers for Disease Control and Prevention
Sont en faveur du dépistage
• American College of Radiology
• American Cancer Society
• American Urological Association
15
BIBLIOGRAPHIE
1. American College of Physicians. — «Screening for
prostate cancer : Clinical guideline : Part III». — Annals
of Internal Medicine. — Vol. 126, n° 6 (March 15,
1997). — P.480-484
10. Labrie, F. et al. — «Diagnosis of advanced or noncurable prostate cancer can be practically eliminated by
prostate-specific antigen». — Urology. — Vol. 47, n° 2
(Feb. 1996). — P.212-217
2. Catalona, W.J. et al. — «Comparison of digital rectal
examination and serum prostate specific antigen in the
early detection of prostate cancer : results of a multicenter clinical trial of 6,630 men». — Journal of
Urology. — Vol. 151, n° 5 (May 1994). — P.1283-1290
11. Lu-Yao, G.L.; Yao, S.L. — «Population-based
study of long-term survival in patients with clinically
localised prostate cancer». — Lancet. — Vol. 349,
n° 9056 (March 29, 1997). — P.906-910
12. Marshall, Kenneth G. — «Prevention : How much
harm? : How much benefit? : 4. The ethics of informed
consent for preventive screening programs». — CMAJ.
— Vol. 155, n° 4 (Aug. 15, 1996). — P.377-383
3. Catalona, William J.; Smith, Deborah S.; Ornstein,
David K. — «Prostate cancer detection in men with
serum PSA concentrations of 2.6 to 4.0 ng/ml and
benign prostate examination : Enhancement of
specificity with free PSA measurements». — JAMA. —
Vol. 277, n° 18 (May 14, 1997). — P.1452-1455
13. Meyer, F.; Fradet, Y. — «Screening for prostate
cancer : Why not?». — CMAJ. — [À paraître]
14. Schröder, F.H. et al. — «European randomized
study of screening for prostate cancer : Progress report
of Antwerp and Rotterdam pilot studies». — Cancer. —
Vol. 76, n° 1 (July 1, 1995). — P.129-134
4. Coley, Christopher M. et al. — «Early detection of
prostate cancer : Part II : Estimating the risky benefits,
and costs : Clinical guideline : Part II». — Annals of
Internal Medicine. — Vol. 126, n° 6 (March 15, 1997).
— P.468-479
15. Steinberg, G.D. et al. — «Family history and the
risk of prostate cancer». — Prostate. — Vol. 17, n° 4
(1990). — P.337-347
5. Coley, Christopher M.; Barry, Michael J.; Fleming,
Craig; Mulley, Albert G. — «Early detection of prostate
cancer : Part I : Prior probability and effectiveness of
tests : Clinical guideline : Part I». — Annals of Internal
Medicine. — Vol. 126, n° 5 (March 1, 1997). —
P.394-406
16. «Screening for prostate cancer». — Guide to clinical
preventive services : Report of the U.S. Preventive
Services Task Force. — Baltimore : Williams &
Wilkins, 1996. — ISBN 0-683-08508-5. — P.119-134
6. Conseil d’évaluation des technologies de la santé
du Québec. — Le dépistage du cancer de la prostate :
Évaluation des avantages, des effets indésirables et
des coûts. — Montréal : le Conseil, août 1995. —
ISBN 2-550-24674-8. — 96 p.
17. Van Duijnhoven, H.L.; Péquériaux, N.C.;
Van Zon, J.P.; Blankenstein, M.A. — «Large discrepancy between prostate-specific antigen results from
different assays during longitudinal follow-up of a
prostate cancer patient». — Clinical Chemistry. —
Vol. 42, n° 4 (Apr. 1996). — P.637-641
7. Feightner, John W. — «Dépistage du cancer de la
prostate». — Guide canadien de médecine clinique
préventive. — Ottawa : Ministre des approvisionnements et Services Canada, 1994. — Groupe d’étude
canadien sur l’examen médical périodique. —
ISBN 0-660-94804-4. — P.915-930
18. Wasson, J.H. et al. — «A structured literature review
of treatment for localized prostate cancer : Prostate
Disease Patient Outcome Research Team». — Archives
of Family Medicine. — Vol. 2, n° 5 (May 1993). —
P.487-493
8. Guess, H.A.; Gormley, G.J.; Stoner, E.; Oesterling,
J.E. — «The effect of finasteride on prostate specific
antigen : review of available data». — Journal of
Urology. — Vol. 155, n° 1 (Jan. 1996). — P.3-9
19. Wolf, A.M.D.; Nasser, J.F.; Wolf, A.M.; Schorling,
J.B. — «The impact of informed consent on patient
interest in prostate-specific antigen screening». —
Archives of Internal Medicine. — Vol. 156, n° 12
(June 24, 1996). — P.1333-1336
9. «Probabilité d’être atteint et de mourir du cancer». —
Statistiques canadiennes sur le cancer, 1997. —
Toronto : Institut national du Cancer du Canada,
janv. 1997. — ISSN 0835-2976. — P.45-50
20. Woolf, S.H.; Steven, H. — «Screening for prostate
cancer with prostate-specific antigen : An examination
of the evidence». — NEJM. — Vol. 333, n° 21 (Nov. 23,
1997). — P.1401-1405
Publié par la
Direction de l’amélioration de l’exercice
en collaboration avec le
Service des communications
Collège des médecins du Québec
2170, boulevard René-Lévesque Ouest
Montréal (Québec) H3H 2T8
Téléphone : (514) 933-4441
ou 1 888 MÉDECIN
Postes
Canada
Port Payé
Canada
Post
Postage Paid
En nombre Bulk
troisième
third
classe
class
Reproduction autorisée avec mention de la source.
F-259
MONTRÉAL
English version available
16