Mémoire d`Annie Sautivet

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Mémoire d`Annie Sautivet
UNIVERSITE Montpellier 1
Facultés de médecine Montpellier-Nîmes
MEMOIRE
POUR LE CERTIFICAT D’ETUDES UNIVERSITAIRES EN SEXOLOGIE
Par
Annie SAUTIVET
Etat des lieux des
connaissances, représentations et pratiques
sexuelles
des jeunes adolescents
Enquête auprès des 316 élèves de 4ème et 3ème
d’un collège du Nord de Montpellier
Année de présentation 2009
Audrey Gorin-Lazard, directrice de mémoire
1
Remerciements à Audrey Gorin Lazard, mon maître de mémoire
à Caroline Pédusseau, l’infirmière scolaire de mon collège
sans laquelle cette enquête n’aurait pas pu voir le jour
2
Table des matières
Introduction _______________________________________________________________1
Etat des lieux des connaissances et des pratiques sexuelles des préadolescents __________2
Histoire de l’éducation sexuelle en France ____________________________________2
Les enquêtes sur la sexualité des adolescents __________________________________2
la sexualité en France _________________________________________________________________
Etude québécoise de 2005______________________________________________________________
Enquête en Tunisie sur 100 lycéens tunisiens en 2001 ________________________________________
Un sondage israélien en 1974 __________________________________________________________
2
3
3
4
Rôle des médias __________________________________________________________5
Influence de la pornographie ___________________________________________________________ 5
De l’influence des nouveaux médias _____________________________________________________ 5
Pourquoi cette étude_________________________________________________________6
Etat des lieux à l’école_____________________________________________________6
Etat des lieux de la transmission parentale des connaissances ____________________7
Etat des lieux de la transmission sociale des connaissances ______________________8
Le tabou de la masturbation a t-il reculé ? _________________________________________________ 8
Elaboration du questionnaire _____________________________________________10
L’enquête ________________________________________________________________14
Le protocole ____________________________________________________________14
Les points forts : ________________________________________________________15
Les points faibles ________________________________________________________15
Pas de questionnaire pilote ____________________________________________________________ 15
Questionnaire pas forcément bien conçu _________________________________________________ 15
Mode de passation des consignes difficile dans une classe entière______________________________ 16
Résultats _________________________________________________________________17
Les sources d’informations des ados ________________________________________17
Représentations du sexe féminin pour les filles et les garçons ___________________18
Représentations du sexe masculin pour les filles et les garçons __________________19
Les connaissances concernant les noms des organes sexuels ____________________20
Ballade au pays des représentations ________________________________________21
Les connaissances concernant les fonctions des organes féminins : vagin et clitoris_30
Question frontale aux filles : Avez vous un clitoris ? ________________________________________ 30
Avez vous toujours connu votre clitoris ?_________________________________________________ 32
Pour vous qu’est-ce qu’un rapport sexuel ? __________________________________32
La masturbation ________________________________________________________33
Conclusion : des pistes de réflexion ___________________________________________38
Bibliographie _____________________________________________________________41
Annexe __________________________________________________________________43
3
Introduction
L’adolescent se retrouve au centre d’un cataclysme quand arrive la puberté.
L’enfant voit son corps se transformer ainsi que tout ce qu’il avait jusqu’alors dans sa tête.
La montée hormonale ne se limite pas à faire pousser les poils et les rondeurs. Elle agit sur
le cerveau. C’est le moment de toutes les interrogations…
A l’arrivée de la puberté, quelles sont les connaissances, les représentations et les pratiques
des préadolescents ? Ce mémoire tente d’en faire l’état des lieux . Ces jeunes élèves que je
côtoie depuis de nombreuses années, en tant qu’enseignante d’arts plastiques, qui
paraissent si avertis et dégourdis aujourd’hui, ont-ils bénéficié de la libération sexuelle des
années 70 ? Leurs connaissances sexuelles ont-elles progressé ?
Nous ferons dans une première partie un état des lieux des différentes études sur le sujet
aussi bien dans les publications internationales que dans les médias.
Dans une deuxième partie, nous verrons la pertinence du sujet de ce mémoire :
Quelle éducation sexuelle nos adolescents ont-ils eu et qu’en ont-ils retenu ? Comment les
tous jeunes adolescents se représentent leur corps et leur sexualité aujourd’hui, alors qu’une
pléthore de moyens d’informations a envahi nos vies depuis quelques années ?
L’asymétrie entre garçons et filles en matière de sexualité est-elle sur le point de
s’éteindre auprès des jeunes générations ? Que connaissent-ils vraiment ?
•
non pas au niveau des dangers de la sexualité (prévention des IVG et des IST) qui
sont effectivement pris en charge au collège, prévention certes indispensable,
•
mais au niveau du concept de santé sexuelle avec sa dimension plaisir.
La troisième partie sera réservée à la méthode utilisée et aux questionnaires auprès des 317
élèves de 4ème et 3ème d’un collège du Nord de Montpellier, et ce sera dans la quatrième
partie que les résultats seront analysés.
Ces élèves qui ont accès à tant de sources d’informations qui nous manquaient hier, qu’en
font-ils aujourd’hui ?
1
Etat des lieux des connaissances et des pratiques
sexuelles des préadolescents
Histoire de l’éducation sexuelle en France1
Les années 1970 furent le moment du renouveau de la Sexologie française qui a
accompagné la diffusion de la contraception, la libéralisation de l’avortement et la diffusion
des travaux des sexologues américains Masters et Johnson2,
Avant ces années 1970, médecins, pédagogues et psychologues tous étaient unis pour
condamner les manifestations sexuelles des adolescents (masturbation entre autres) sur la
base d’une argumentation inspirée de la morale chrétienne, des préventions des maladies
vénériennes et de l’idée du développement psychosexuel avec l’arrivée des psychanalystes.
Après les années 1970, des attitudes plus libérales ont vu le jour : L’encyclopédie de la vie
sexuelle3 de Kahn-Nathan et Tordjman publiée en 1973 reconnaît la masturbation comme
la sexualité normale de l’adolescent et « la soupape de sécurité de l’instinct qui ne peut
s’assouvir dans notre société par une relation sexuelle vraie » Mais les positions de ces
sexologues ont fait l’objet d’un vaste débat public qui a opposé les tenants de la morale
traditionnelle à ceux qui revendiquaient la libération sexuelle
Ce vaste débat public est-il encore de mise aujourd’hui ?
Les enquêtes sur la sexualité des adolescents
Peu ou pas d’enquêtes sur cette période de la vie.
la sexualité en France
La grande enquête de 2006 de Bajos et Bozon4 ne s’intéresse pas aux jeunes ados. Ils ont
interrogé 12 000 personnes de 18 à 69 ans. Si leur questionnaire démarre à 18 ans, c’est
parce que d’après leur étude, l’âge du premier rapport est de 17,6 ans donc la sexualité
1
GIAMI A, Une histoire de l’éducation sexuelle en France : une médicalisation progressive de la sexualité
(1945-1980), 2007, in sexologies, vol 16 n°3 p219-229.
2
MASTERS WH, JOHNSON, VE. Human Sexual Response. Boston, 1966.
3
KAHN-NATHAN J, TORDJMAN G, VERDOUX C, COHEN J, Encyclopédie de la vie sexuelle. De la
physiologie à la psychologie(14-16 ans).Paris ; éd Hachette 1973
4
BAJOS N. , BOZON M. La Sexualité en France, pratiques, genre et santé, éd La Découverte, Paris 2008
2
démarre réellement à partir de là. Ce qui ne les empêche pas de poser la question sur le
début de leur vie prégénitale aux personnes interrogées ce qui donne le tableau suivant :
On voit donc qu’en France en 2006 les 18/19 ans disent avoir eu leur première
masturbation à 14,2 ans.
Notons encore que la masturbation étant un événement génital puisque mettant en jeu les
organes génitaux, on peut penser que dans la représentation de ces chercheurs,
•
Vie génitale = pénétration
•
Les filles ne se masturbent pas (puisque pas évoqué)
Et que donc la puberté, c’est la masturbation pour les hommes, l’apparition des règles pour
les femmes, ce qui signifie que ce qui est en jeu ce sont les premières secrétions externes…
Etude québécoise de 2005
Sexe et santé sexuelle 5 : une étude des jeunes canadiens et de leurs mères
Cette étude tentait de faire le point sur l’accès aux informations sexuelles des jeunes
adolescents de 14 à 17 ans. Elle montrait un net déficit de parole entre les mères et leurs
ados qui faisait perdurer de grands obstacles à l’obtention d’informations et à la
transmission entre générations.
Enquête en Tunisie sur 100 lycéens tunisiens en 2001
Le but de ce travail6 était de cerner et d’étudier les connaissances, les attitudes et les
pratiques sexuelles d’adolescents de 12 à 19 ans de la région de Sfax. Elle concernait 55
5
FRAPPIER JY, KAUFMAN F , BALTZER F, ELLIOTT A, LANE M, PINZON J, McDUFF P, Sexe et
santé sexuelle : une étude des jeunes canadiens et de leurs mères, Janvier 2008, Pediatr Child Health,13 (1) :
25-30
3
adolescents de 12 à 16 ans révolus, et 45 de 17/19 ans avec seulement 25 filles pour 75
garçons. C’est une étude peu représentative de la population de cette tranche d’âge
puisqu’elle se limitait aux adolescents scolarisés au nombre total de 100 seulement.
On y découvre qu’à cette époque, un ado sur deux pense que la masturbation peut nuire à
sa santé et elle n’est pratiquée que par 44 % d’entre eux.
On y découvre également que les sources d’informations sur la sexualité de ces jeunes sont
à 35% les copains, à 28% les médias, à 26% l’école et seulement à 1% les parents.
Par contre, rien sur la connaissance qu’ils pouvaient avoir de leur corps.
Un sondage israélien en 1974
Ce sondage sur les connaissances et les pratiques sexuelles des jeunes adolescents était
destiné à construire et encourager la construction de programmes d’éducation sexuelle à
l’école et montrait que le niveau des connaissances était plus grand chez les garçons que
chez les filles et il donnait pour la masturbation les résultats suivants :
Masturbation par âge et sexe du sondage israélien de 19747
Age du groupe
garçons
filles
14/15 ans
59.7%
12.3%
16/17 ans
79.7%
20.6%
Le pourcentage est plus élevé chez les garçons et les plus âgés des groupes d'âge. On peut
remarquer que l’écart entre filles et garçons qui est de presque 5 fois plus pour les plus
jeunes et passe à 4 fois plus seulement pour le groupe des plus âgées. Les filles
accèderaient donc à la masturbation davantage avec l’âge, mais dans de faibles proportions
toutefois.
6
AYADI H, MOALLA Y, WALHA A, GHRIBI F, A propos de la sexualité des adolescents : enquête sur
100 lycéens de la région de Sfax, 2001, in Sexologies, vol 10 n° 37, 2001 p 37-40
7
LANCETTE M , MODAN B, KAVENAKI S, ANTONOVSKI H, SHOHAM I, connaissances sexuelles,
attitudes et pratiques des adolescents d’Israël , 1974, American Journal of Public Health, Vol 68, Issue 11
1083-1089
4
Rôle des médias
Influence de la pornographie
Les connaissances des ados sont elles le reflet de la pornographie ?
Le 23 Mai 2002, le quotidien Libération, qui a été un des fers de lance de la libération
sexuelle, publie en couverture « Porno, ado, bobo », sujet découlant des tournantes.
D’après eux, 50 % des enfants de 11 ans ont vu un film porno. Plusieurs ouvrages
s'interrogent sur les dérives d'une sexualité livrée au commerce, à la permissivité totale.
Qu’en est-il vraiment pour des élèves de 13 ans aujourd’hui?
De l’influence des nouveaux médias
Magazines, télé, livres, Internet, tous concourent à nous donner une image des
connaissances et des pratiques des adolescents mais tout cela apparaît trop souvent comme
peu digne de foi, ce qui explique l’objet de cette étude
5
Pourquoi cette étude
Etat des lieux à l’école
D’après Wikipedia, le concept de santé sexuelle a été défini par l'Organisation Mondiale de
la Santé (OMS) dans les années 1972-1975. La santé telle qu’elle est définie par l’OMS est
un état de complet bien-être physique, mental et social, et qui ne consiste pas seulement en
une absence de maladie ou d’infirmité.
La santé sexuelle implique au niveau individuel des connaissances objectives sur la
sexualité, tant par rapport aux organes génitaux et à la reproduction, que par rapport au
plaisir sexuel, aux relations et aux activités sexuelles, ainsi qu'aux états affectifs et
amoureux.
C’est le rôle dévolu à l’Education sexuelle au sein de l’Education Nationale : information
de base, destinée à l'ensemble de la population, sur l'anatomie, la physiologie et la
psychologie de la sexualité et cela depuis la circulaire Fontanet de juillet 1973, relayée par
diverses autres circulaires ou arrêtés . Aujourd’hui en 2009, l’éducation à la sexualité est
intégrée dans le Comité d’Education à la Santé et à la Citoyenneté (CESC) qui existe dans
chaque établissement scolaire.
Néanmoins on observe, en raison de la nature particulière de la sexualité dans les sociétés
occidentales, une forte réticence à développer l'éducation sexuelle ainsi qu'un manque de
moyens et de formation des professionnels de la santé aux problèmes spécifiques de la
sexualité.
L’éducation sexuelle à l’école est elle autant en difficulté que bon nombre de rapporteurs
le précise ?
« L’Education Nationale manque de volontaires, de moyens et de cohérence pour
permettre une bonne application de la circulaire sur l’éducation à la sexualité » dit
M.P. Larger8 sexologue, enseignante d’SVT en collège et à l’AIHUS à Marseille, en
conclusion de son état des lieux de l’éducation sexuelle au collège.
Et, il semble bien que nous n’allons pas dans le sens d’une facilitation de cette éducation
au vu du contenu des manuels de SVT qui en 10 ans ont fait une marche arrière
8
LARGER M.P, L’éducation à la sexualité au collège : état des lieux et propositions, 2008, mémoire de
C.E.U de sexologie p 28, Marseille.
6
extraordinaire. Sandie BERNARD9 dans son ouvrage10 : Des manuels scolaires pas si
neutres en fait la démonstration : L’édition 1988 de biologie géologie pour les 4èmes chez
Nathan, dit du rapport sexuel qu’il « est un moment de plaisir pour le couple. Il permet de
transmettre la vie s’il aboutit à une fécondation ». On parle de caresse, de son lien avec
l’érection du pénis chez l’homme et la lubrification des parois du vagin chez la femme ».
On n’hésite pas à évoquer des mouvements de va et vient rythmés, d’orgasme. Sans oublier
que le rapport sexuel s’achève sur une phase de détente qui se prête aux échanges de
tendresse entre les deux partenaires.
Mais 10 ans plus tard, le contraste est saisissant : « Le même éditeur, Nathan, toujours pour
les 4èmes, dans Sciences de la Vie et de la Terre, résume le rapport sexuel à une union
entre l’homme et la femme, qui n’est pas toujours lié au désir d’avoir un enfant. Et à une
histoire de sperme déposé dans le vagin » explique Sandie Bernard. En trois phrases tout
est dit !
L’éducation sexuelle à l’école amorcerait donc une belle marche arrière !
Etat des lieux de la transmission parentale des connaissances
Le silence des mères est-il toujours de mise ? C’est ce qu’affirme Didier Dumas,11
psychanalyste : On découvre aujourd’hui avec stupeur, que l’incapacité des parents à parler de la
sexualité n’a pas bougé depuis l’après-guerre, que les enfants souffrent toujours de n’avoir eu que
la télévision et le cinéma pornographique pour éducation sexuelle et que le suicide est devenu la
2ème cause de mortalité des adolescents ( ) et, que les tentatives de suicide des adolescents soient 2
fois plus fréquentes chez les filles que chez les garçons ne souligne-t-il pas cruellement à quel point
la sexualité féminine reste prisonnière du dix-neuvième siècle ?
L’impossibilité des filles à formuler ce qu’elles attendent des garçons « est la conséquence
non pas d’un manque de désir, mais du silence de leurs mères. En s’identifiant à elles, les
filles intègrent le silence traditionnel de la femme occidentale sur tout ce qui touche à la
sexualité »
9
Thésarde au laboratoire interdisciplinaire de recherche en didactique et en histoire des sciences et techniques (Lirdhist ;
université Lyon1)
10
GAULLIER V, CLEMENT P, BERNARD S , Des manuels scolaires pas si neutres, 2007
http://www.savoirs.essonne.fr/dossiers/les-hommes/pedagogie/des-manuels-scolaires
11
DUMAS D, Et si nous n’avions toujours rien compris à la sexualité ? éd Albin Michel, 2004
7
Pour Didier Dumas, la femme n’a toujours pas de langage sur la sexualité, ni dans sa vie
sociale, ni vis à vis des enfants :
A la différence des hommes, les femmes évitent d’utiliser des mots tels que « vagin »,
« testicules », « vulve », ou « pénis ». Tout continue donc à se passer comme s’il leur était interdit
d’appeler les choses par leur nom. Ou comme si elles ne possédaient toujours qu’un seul droit,
celui de séduire, mais en ne laissant apparaître leur sexualité qu’à travers les parures
vestimentaires ou le maquillage ou la mode.
Etat des lieux de la transmission sociale des connaissances
Le tabou de la masturbation a t-il reculé ?
Le tabou de la masturbation (féminine surtout) voit son apogée dans les années 1960.
La prohibition de la masturbation masculine s’était installée depuis le XVIIIème siècle
avec le funeste Docteur Tissot et son livre : L’onanisme en 176012.
L’interdit de la masturbation clitoridienne s’étendit aux femmes au XIXème siècle avec la
découverte du processus de procréation en 1875 qui démontrait l’absence de rôle joué par
le clitoris.
Le discours assassin et moralisateur, condamnant les pratiques autoérotiques, inaugure
200 ans de répressions sexuelles des pulsions, en occident13dit P.Brenot.
Alfred Kinsey14, premier chercheur à avoir réalisé l’étude systématique du comportement
sexuel humain au milieu du XXème siècle, en interrogeant de façon très directe les
individus, a établi que près de 92 % des hommes et 62 % des femmes pratiquent ou ont
pratiqué la masturbation. Kinsey observe que les femmes qui ont eu l'expérience de
l'orgasme en se masturbant avant le mariage, l'atteignent beaucoup plus fréquemment au
cours de leurs relations sexuelles.
Pour Kinsey, les orgasmes obtenus à l'aide de la masturbation constituent une forme
d'apprentissage de l'orgasme coïtal.
12
TISSOT Samuel-Auguste, L'onanisme. Dissertation sur les maladies produites par la masturbation, rééd.
Le sycomore, Paris, 1980
13
BRENOT P, Les médecins français et la masturbation avant 1945, in Sexologies Juillet septembre 2007
vol 16 n°3 p 212-218.
14
KINSEY Sexual Behavior in the Human Female, 1953
8
Cependant jusqu’en 1968, il fut interdit de parler de masturbation pour les hommes.
Pour les femmes, cette prohibition de la masturbation devint une véritable excision
psychique15 comme l’atteste l’étude de l’universitaire Lisa Moore16 quand elle démontre
que progressivement la représentation du clitoris a même disparu des livres d’anatomie
médicale jusqu’à sa disparition quasi complète dans les années 1960. Cette information est
relayée par le Dr Foldes (spécialiste de la reconstitution du clitoris des femmes excisées)
qui indique qu’il n’y avait pas trace du clitoris dans les manuels du médecin des années 60.
Il faudra attendre plus de 30 ans pour voir publié par le Docteur Zwang l’Atlas du sexe de
la femme17, sorte de libération iconique puisqu’il nous y propose de découvrir visuellement
l’anatomie et la physiologie du sexe féminin externe : la vulve.
Ainsi depuis quelques années, une impression nouvelle comme une vague de libération de
la parole aussi apparaît :
Le succès de librairie Les Monologues du vagin d’Eve Ensler18 qui faisait une confusion
entre vagin et vulve ! mais qui a eu l’avantage de faire passer le mot vagin dans le langage
courant. Depuis leur parution aux Etats-Unis en 1998, Les Monologues du vagin ont
déclenché un véritable phénomène culturel : rarement pièce de théâtre aura été jouée tant
de fois, en tant de lieux différents, devant des publics si différents. Il s'agit ni plus ni moins
de la célébration touchante et drôle du dernier des tabous : celui de la sexualité féminine.
Qui lit ce texte ne regarde plus le corps d'une femme de la même manière.
Ce livre vient faire écho au constat du Dr sexologue Marielle Gau19 qui montre combien
ses patientes sont en difficulté pour représenter de leur vagin.
De même, Rosemonde Pujol20 dans son Manuel de clitologie « un petit bout de bonheur »
dénonce l’excision psychique des femmes occidentales en expliquant qu’une femme sur
15
FLICOURT N, (Centre d’information aux droits des femmes) compte rendu du colloque sur Les
mutilations sexuelles féminines de décembre 2006 à Lille, in Sexologies ,avril juin 2007, vol 16, n°2 p 158161
16
MOORE L.J., Clitorical Conventions and transgressions : Graphic Representations in Anatomy Texts,
c1900-1991,1995, Feminist studies, issue 21.2
17
ZWANG G, Atlas du sexe de la femme, éd La Musardine, 2001
18
ENSLER E, Monologues du vagin, éd Balland 1998
19
20
GAU Marielle Planche graphique en annexe
PUJOL R, Manuel de clitologie « un petit bout de bonheur » éd JC Gawsewitch, 2007
9
deux ne s’est pas touchée avant 24 ans, que le clitoris reste tabou pour les femmes alors
qu’on parle sans problème du pénis et que de nos jours encore les femmes connaissent mal
leur anatomie.
Il en est de même pour le livre de Maïa Mazaurette et Damien Mascret21 respectivement
journaliste et médecin sexologue : La revanche du clitoris qui analyse les raisons de
l’étrange excision culturelle que subissent les femmes et ce malgré les médias.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Le tabou existe t-il encore ? Les femmes vivent-elles encore
cette excision culturelle ?
Elaboration du questionnaire
Ce sont ces différents états des lieux et le coté paradoxal de cette excision psychique et
culturelle qui m’ont amenée à vouloir tester par moi même ce qu’il en était aujourd’hui
pour mes jeunes élèves qui paraissent si avertis et dégourdis.
D’où l’idée de faire un questionnaire sur leurs connaissances, leurs représentations et leurs
pratiques.
Enseignante d’arts plastiques dans un collège du nord de Montpellier, il m’a été possible
d’envisager ce sondage auprès de mes élèves grâce à l’aide de l’infirmière du collège
chargée de leur faire quelques interventions sur la relation amoureuse.
Pour atténuer la brutalité de certaines questions que je voulais poser, j’ai commencé par
leur demander quelles étaient leurs sources d’informations sur la sexualité. Il fallait que ça
ressemble à un contrôle scolaire, seul gage pour moi de l’attention qu’ils mettraient à
répondre aux questions. Donc un début de questionnaire scolaire qui allait me permettre de
prendre la mesure du travail d’information que faisaient les parents et aussi de la place que
prenaient les fameux films pornos et Internet.
Puis il m’a paru important de savoir quelles représentations ils avaient de leurs sexes
respectifs et surtout que connaissaient-ils comme vocabulaire le concernant. Savoir
nommer quelque chose me semble être la base des connaissances de toute chose.
21
MAZAURETTE M, MASCRET D, La revanche du clitoris, éd la Musardine 2008
10
Je savais, en tant que professeur d’arts plastiques, qu’ils connaissaient tous la
représentation du sexe masculin car c’est un des graffitis les plus souvent représentés
partout, surtout pour provoquer, que ce soit pour les filles ou les garçons. Dès qu’ils sont
au tableau et qu’ils sont seuls dans une classe, ils n’ont de cesse de s’accaparer le tableau
par ces dessins rudimentaires. Par contre le sexe féminin joue l’arlésienne et n’apparaît
jamais. Etait-ce par manque de connaissance ?
De même les mots tabou vagin et clitoris étaient-ils connus des élèves maintenant,
puisqu’ils sont restés si longtemps inemployés dans le langage courant ? Connaissaient-ils
la fonction de ces deux organes et surtout les filles savaient-elles qu’elles avaient un
clitoris ?
Puis vient la partie du questionnaire la plus intime sur leur expérience personnelle.
S’agissant d’élèves pré-pubères pour certains, je leur ai donné la définition du mot
masturbation pour éviter des interrogations, comme cela me l’a été suggéré par mon maître
de mémoire.
Bien sûr, la question centrale est : Vous masturbez vous? et depuis combien de temps ?
Pour atténuer encore une fois la brutalité de la question sur leurs pratiques, j’ai pensé leur
demander auparavant, ce qu’ils pensaient de la masturbation en général et s’ils pensaient
que cela faisait partie de la sexualité. De même la question qu’est-ce qu’un rapport sexuel
pour vous ? était destinée à amener la question centrale de leurs expériences personnelles.
Au vu des résultats, toutes ces précautions se sont révélées nécessaires pour les filles mais
pour les garçons, c’est moins évident, ils prennent tellement plaisir à parler de leurs
pratiques même à 13 ans !
J’ai voulu ne donner qu’une seule feuille à remplir à chacun pour éviter la lassitude des
élèves et aussi pour que ce sondage puisse se faire en 10 minutes de façon à ne pas gêner le
reste de l’intervention ou du cours.
Il me fallait rendre léger ce questionnaire pour que cela puisse passer sans problèmes.
Tous les questionnaires sont sur le CD ci-joint ainsi que la compilation des résultats sur
feuilles Excel
Voici donc les deux questionnaires filles et garçons qu’ils ont eu à remplir.
11
12
13
L’enquête
Le protocole
L’enquête s’est déroulée sur les mois de Janvier, Février et Mars 2009.
Caroline, l’infirmière scolaire, faisait une intervention sur la relation amoureuse dans
chaque classe de 4ème, accompagnée soit d’une psychologue de Mission Locale du Conseil
Général soit d’une personne intervenante en prévention du centre Epidaure de Montpellier.
Dix minutes avant la fin de l’intervention, elle distribuait les questionnaires, insistant sur le
côté anonyme et confidentiel des réponses et leur demandait de plier leurs feuilles en
quatre, dès qu’ils avaient terminé de les remplir avant de les glisser dans un carton urne .
Cette urne a semblé importante pour bien marquer le côté confidentiel du sondage.
Elle leur expliquait que c’était une enquête pour une étudiante en médecine et non pas en
sexologie ! Cette étudiante était considérée pour eux comme extérieure à l’établissement.
Elle leur disait aussi de ne remplir que ce qu’ils pouvaient ou savaient ou comprenaient.
Caroline m’a expliqué que dans certaines classes, ce furent des éclats de rire et une
charmante pagaille. Pour me rendre compte par moi-même et pour des raisons techniques,
nous avons banalisé les 10 dernières minutes d’un de mes cours avec une classe pour
qu’elle puisse procéder à l’enquête. D’après le retour qu’elle m’en a fait, le fait d’avoir leur
prof dans la classe même si je n’étais pas vraiment présente (je rangeais mon matériel dans
la réserve), a créé une ambiance bien différente : ils l’ont fait sans protester, d’une manière
assez sérieuse, même si j’ai entendu quelques commentaires sur le fait que répondre à ces
questions était dérangeant.
Les premières classes à remplir les questionnaires ont formulé de fréquents remerciements
pour les renseignements ? … mais au fur et à mesure les informations ont dû circuler dans
la cour de récréation et les dernières classes ont eu des résultats très différents des
premières. J’y reviendrai en fin de commentaire des résultats.
14
Les points forts :
316 élèves qui ont été très coopérants…
•
160 élèves de 13 ans, tous les élèves de 4ème d’un collège du Sud de la France,
au Nord de Montpellier :
♣ 91 filles, moyenne d’âge :13,2 ans
♣ 69 garçons, moyenne d’âge : 13,2 ans
•
156 élèves de 14,5 ans, tous les élèves de 3ème du même collège :
76 filles, moyenne d’âge : 14,6 ans
80 garçons, moyenne d’âge : 14,5 ans
•
J’ai la chance d’avoir d’excellentes relations avec l’infirmière scolaire qui, à la suite
de ses interventions en classe de 4ème sur la relation amoureuse, acceptait de faire
remplir ce questionnaire par les élèves. Encouragées par la facilité avec laquelle
nous avons réalisé le sondage, nous avons décidé de poursuivre sur tout le niveau de
3ème.
•
Par chance également, la directrice de mon établissement nous a donné le feu vert
pour ce questionnaire dans la mesure où il était anonyme et strictement confidentiel.
Cependant, nous n’étions pas sûres du nombre de classes que nous pourrions
toucher : si les parents d’élèves se manifestaient, il fallait cesser.
La chance a persisté jusqu’au bout…
Les points faibles
Pas de questionnaire pilote
Apres l’élaboration du questionnaire, il m’a fallu démarrer sans pouvoir élaborer un
questionnaire pilote pour tester le dispositif.
Questionnaire pas forcément bien conçu
Les questions sur les sources d’informations auraient pu être présentées de manière à ne
pas rejeter à droite entièrement les cases à cocher ce qui peut expliquer le peu de réponses
dans cette partie du questionnaire.
15
Pour les garçons, il aurait peut-être fallu demander la date précise depuis laquelle ils se
masturbaient avec éjaculation. Il m’a semblé difficile de le formuler ainsi car je trouvais
déjà mon questionnaire trop frontal et j’avais peur d’avoir trop de refus de la part des
élèves et par voie de conséquences de la part de leurs parents. J’avais une opportunité et il
me fallait mettre toutes les chances de mon côté.
La question formulée ainsi : vous masturbez-vous et si oui depuis quand et à quelle
fréquence ? explique un grand nombre de réponses inutilisables : depuis longtemps ou
même : vite ! pour ceux qui ne comprenaient pas le sens du mot fréquence !
La question sur qu’est-ce qu’un rapport sexuel pour vous ? est beaucoup trop vague et je
n’ai pas pu en tirer des enseignements intéressants.
Milieu sociologique des élèves privilégié
Il s’agit de la banlieue Nord de Montpellier, zone rurale dynamique concernée par le
phénomène de rurbanisation : c’est une zone proche du grand centre urbain de Montpellier,
facilement accessible par voies rapides et transports en commun avec une forte croissance
démographique. Le village a été privilégié par les jeunes couples, qui y trouvent un coût du
foncier plus accessible que dans le centre ville. Population jeune, dynamique avec un fort
potentiel économique et culturel. C’est donc un milieu sociologique un peu particulier
avec
8% de parents défavorisés contre 32% dans l’académie Languedoc Roussillon
66% de parents favorisés contre 33 % dans l’académie Languedoc Roussillon
Au niveau des résultats scolaires, c’est bien sûr un établissement très privilégié avec un
taux de réussite au Brevet des collèges un des plus élevé de l’académie : 90% de réussite
contre une moyenne académique de 81% et une moyenne générale pour les classes de
4èmes de 12,95.
Les parents sont aussi très présents dans l’établissement et auprès de leurs enfants.
Mode de passation des consignes difficile dans une classe entière
Les élèves étaient 2 par table et avaient du mal à ne pas voir ce qu’écrivait le voisin, et
encore plus ce qu’il dessinait.
Cela explique les feuilles qui souvent font doublon. Beaucoup d’élèves se sont inspirés du
voisin ou de la voisine sans que je sois en mesure de l’évaluer réellement.
16
Résultats
Les sources d’informations des ados
Pourcentage des sources d’informations sur la sexualité pour les adolescents
Provenant
des parents d’adultes des copains
d’ Internet
de livres
de films
Les 4èmes F
40 %
24 %
94 %
19 %
39 %
19 %
Les 4èmes G
44 %
26 %
94 %
40 %
37 %
40 %
Les 3èmes F
51%
74 %
90 %
25 %
51 %
20%
Les 3èmes G
47 %
42 %
83 %
76 %
43 %
43 %
•
Première constatation : les infos sont véhiculées surtout (et pour tous) par les
copains copines.
•
Faible transmission entre générations (école, parents). Les parents ne sont
présents dans ce domaine qu’entre 40 et 51% c’est-à-dire que moins d’un ado sur
deux dit ne pas recevoir d’infos de la part de ses parents ! Cela fait écho aux propos
de Didier Dumas22 concernant le silence des mères !
•
Le rôle de l’école et des professeurs a l’air totalement réduit pour les 4èmes (les 3
premières classes à remplir le questionnaire n’avaient pas encore eu le cours sur la
reproduction qui est au programme de Sciences et Vie de la Terre en 4ème). Par
contre les filles de 3ème sont 74% à évoquer le rôle des intervenants et des profs au
collège .
•
Les 3 premiers items sont identiques pour les filles et les garçons de 4ème, il n’en
est pas de même pour les suivants : visiblement les garçons vont chercher les infos
sur le net et auprès des films X, alors que les filles vont plutôt chercher les infos
dans les livres. On peut remarquer que pour Internet et les films, le pourcentage des
filles de 4ème est deux fois moins important que celui des garçons, et que pour les
filles de 3ème, c’est 3 fois moins important.
22
DUMAS D, opus cité
17
On peut signaler que ces résultats semblent infirmer ce que disait le journal Libération sur
les ados et la pornographie, mais confirment les résultats de l’enquête de Bajos et Bozon
sur la sexualité des Français qui dit que, à 18 ans, seulement 58% des filles ont vu un film
pornographique contre 90% des garçons.
Cela pourrait-il entrer en relation avec les pratiques des adolescents comme nous le verrons
plus loin ?
Représentations du sexe féminin pour les filles et les garçons
Pourcentages de réussite dans la représentation du sexe féminin
Le sexe féminin vu
Par les 4èmes
Par les 3èmes
garçons
filles
garçons
filles
Sexe féminin dessiné : bien / très bien
21 %
01 %
06%
09%
Sexe féminin dessiné assez bien
8%
15 %
16%
08%
Sexe féminin dessiné mal ou faux
31 %
31 %
35%
20%
Sexe féminin = schéma de reproduction
11 %
11 %
14%
17%
Sexe féminin non dessiné
26 %
40 %
28%
47%
Les notions de très bien, bien, assez bien, mal ou faux correspondent au nombre de mots repérés
correctement sur leurs croquis et non pas à un jugement esthétique.
16 % des filles de 13 ans et 17% des 14 ans seulement ont une représentation correcte de
leur sexe et savent comment cela se nomme. On peut donc dire que les filles ont une très
faible connaissance de leur corps.
On voit donc que 84 % des filles de 13 ans ne savent pas comment elles peuvent
représenter leur sexe. Elles n’ont pas de représentation de leur sexe et ne savent pas en
nommer les différents éléments qui le constituent.
Les connaissances masculines sur le sexe féminin s’avèrent bien meilleures que celles des
filles elles-mêmes en 4ème. Presque le double ! Peut-on penser qu’ils ont eu accès à des
représentations par les médias (film X, Internet ?) leur permettant d’avoir une connaissance
supérieure à celles qui ont ce sexe sous leurs yeux (si on peut dire !) toute la vie durant.
Etrangement les garçons ont des représentations qui ne s’améliorent pas vraiment avec
l’âge.
18
Représentations du sexe masculin pour les filles et les garçons
Pourcentage de réussite dans la représentation du sexe masculin
Le sexe masculin vu
Par les 4èmes
Par les 3èmes
garçons
filles
garçons
filles
Sexe masculin dessiné : très bien
45%
02%
24%
17%
Sexe masculin dessiné : bien
20%
21%
24%
25%
Sexe masculin dessiné assez bien
11 %
30 %
25%
18%
Sexe masculin dessiné mal ou faux
05 %
25 %
15%
06%
Sexe masculin = schéma de reproduction
01 %
02 %
03%
00%
Sexe masculin non dessiné
06 %
19 %
08%
33%
Les notions de très bien, bien, assez bien, mal ou faux correspondent au nombre de mots repérés sur leurs
croquis et non pas à un jugement esthétique.
•
Deux fois plus de filles représentent le sexe masculin plutôt que le leur :
Si 40% des filles n’ont même pas esquissé un trait pour leur propre sexe, elles
n’étaient plus que 19% à ne pas avoir de représentation du sexe masculin.
•
Une fille sur 2 représente correctement le sexe masculin ! 53% dans mon enquête.
Mais seulement 16% des filles représentent correctement le sexe féminin !
Par contre il semble évident que beaucoup de filles de 3ème n’ont pas osé représenter ni le
sexe féminin, ni le sexe masculin .
Est-ce encore choquant aujourd’hui de représenter son anatomie quand on est une fille ?
Est-ce un manque de curiosité de la part des filles ? Pourquoi ? On peut penser qu’elles
pourraient trouver des représentations de vulve un peu partout, bien sûr pas dans leur livre
de biologie mais sur Internet par exemple.
Courbet, en 1866, en représentant une vue des grosses lèvres de la vulve dans son origine
du monde a choqué les spectateurs au point que son propriétaire, le psychanalyste Jacques
Lacan, l’ait cachée sous un autre tableau ! On est encore très proche visiblement de cette
époque. Le tabou persiste.
Quasiment aucun refus de la part des garçons pour tenter de représenter leur propre sexe.
19
De plus dans la grande majorité des cas, ils semblent avoir trouvé très plaisant de répondre
à ce questionnaire contrairement aux filles qui l’ont trouvé dérangeant.
Les connaissances concernant les noms des organes sexuels
Pourcentages des connaissances des ados sur les noms des différents éléments du sexe féminin
vagin
hymen
grandes
méat
petites
lèvres
urinaire
lèvres
clitoris
filles 4ème (13,2ans)
10 %
06 %
16 %
04 %
16 %
05 %
filles 3ème (14,6ans)
16 %
07 %
27 %
10 %
18 %
18 %
Garçons 4ème (13,2ans)
12 %
01 %
26 %
07 %
19 %
15 %
Garçons 3ème (14,5ans)
17 %
03 %
35 %
05 %
24 %
16 %
Pourcentages des connaissances des ados sur les noms des différents éléments du sexe masculin
testicules
pénis
gland du pénis
méat urinaire
filles 4ème (13,2ans)
72 %
68 %
47 %
12 %
Filles 3ème (14,6ans)
64 %
63 %
52 %
29 %
Garçons 4ème (13,2ans)
87 %
90 %
70 %
42 %
Garçons 3ème (14,5ans)
82 %
81 %
81 %
34 %
Le constat de la méconnaissance des élèves sur le sexe féminin apparaît clairement autant
pour les filles que pour les garçons. A noter également la méconnaissance quasi totale
qu’ils ont tous de l’hymen.
Une très grande confusion existe entre le vagin et l’utérus d’une part et le vagin et la vulve
d’autre part. C’est comme si les adolescents appelaient vagin soit la vulve soit l’utérus.
Sachant que le nom de vulve était peu utilisé par les élèves, je ne l’avais pas employé. C’est
pourquoi j’ai fait une liste des différents noms en leur demandant des flèches pour repérer
dans leur croquis les différentes parties.
On a envie de faire le parallèle avec les monologues du vagin d’Eve Ensler, cité dans la
première partie de ce mémoire, et qui contribue peut-être à entretenir la confusion entre ces
trois termes : vagin, utérus, et vulve.
20
Ballade au pays des représentations
De par ma formation de plasticienne, je vous invite à parcourir la mini exposition des
représentations du sexe féminin par successivement les filles et les garçons de 4ème qui sont
contre toutes attentes plus riches que celles des 3èmes qui souvent n’ont pas osé.
Malgré la retouche d’image qui m’a permis de forcer le trait des « timides qui n’osent
pas », la lecture est laborieuse mais instructive sur l’absence de connaissances et de
représentations que les filles surtout, ont de leur sexe.
Je n’y fais pas figurer les représentations du sexe masculin ( à voir sur le CD) qui sont dans
l’ensemble plutôt justes autant pour les garçons que pour les filles :
53 % de réponses justes pour les filles et 76 % pour les garçons.
Au fil de ce parcours iconique, faut-il penser comme le philosophe Michel Onfray23 que
notre idéologie judéo-chrétienne a quelque chose à voir là dedans :
L’imprégnation de vingt siècles d’idéologie d’un christianisme qui déteste les femmes, le
désir, les plaisirs, la chair, les corps, la sensualité, la volupté, génère un nihilisme de la
chair qui reste la vérité de notre époque en matière de sexualité.
Ou encore comme le Docteur Zwang enfonçant le clou quand il dit exécrer24 ces religieux
monothéistes, ennemis de la chair, prêcheurs de chasteté, dont les prescriptions n’ont
jamais abouti qu’à semer le malheur, l’hypocrisie, et l’obscurantisme, en rendant l’Eglise
responsable de ce que les lumières de la science n’ont pas pu éclairer, pendant des siècles,
les fondements organiques, comportementaux, déclarés peccamineux de la sexualité.
Cette étude permettra-t-elle à la sexologie d’orienter les actions d’information auprès des
jeunes.
23
ONFRAY M, Le souci des plaisirs, construction d’une érotique solaire, ed Flammarion 2008.
24
ZWANG G, Atlas du sexe de la femme, éd La Musardine , 2001.
21
Représentations du sexe féminin par les filles de 13 ans
Depuis le refus pur et simple, très rare, et
les points d’interrogations marquant une
méconnaissance totale
Puis les premiers gribouillages, les accumulations de
ratures, signes de déstabilisation...
Représentation scolaire de l’appareil de reproduction de la femme .
Par contre les mêmes élèves représentent le sexe masculin externe. Elles confondent toutes
utérus et vagin ce qui les amène à mélanger tous les noms comme ici
22
Représentations du sexe féminin par les filles de 13 ans
Le vagin comme un vase
Les petites lèvres en
petits cercles
Représentation ressemblant à un chenal,
un isthme, qui fait la part belle aux grosses lèvres seulement
Représentation de la partie la plus externe de
leur sexe. Savent elles qu’il y a quelque chose
dessous ?
Pour certaines jeunes filles le terme même de lèvres n’évoque
que la bouche
23
Représentations du sexe féminin par les filles de 13 ans
Souvent un point ou un trait dans un
cercle
Défauts de localisation
du clitoris
À la manière des
Cubistes, mélange de
2 vues différentes:
la vue en coupe du
vagin en entonnoir
avec l’hymen barrière
et
la vue de face avec la
localisation correcte
du clitoris
Mais la seule
représentation à
localiser l’hymen
correctement
Juste mais pauvre ...
24
Représentations du sexe féminin par les filles de 13 ans
Nécessité de représenter le corps presque
en entier.. .Est-ce à dire que ces jeunes
filles ressentent tout leur corps comme
étant leur sexe? Ou est-ce à rapprocher
du paragraphe suivant?
Des dessins minuscules où toutes les flèches aboutissent au même point. Sensations que tout se
trouve au même endroit ?
Timidité, peur de donner une représentation du vu, se contentent du senti…
25
Et enfin les seules représentations du sexe féminin par les filles
à se rapprocher de la réalité
Plus riche, mais..
Clitoris inconnu !
D’ innombrables points d’interrogations ou de non réponse
concernant le clitoris surtout,
l’hymen ou le méat urinaire
Celles enfin, présentant le moins d’erreurs
sur la localisation de leur clitoris
26
Représentations du sexe féminin par les garçons de 13 ans
11%
Schéma
de la
reproduction
5%
gribouillages
7%
En triangle
4 % dessins tous petits ( toutes les flèches vers un seul point) devenant illisibles
27
Représentations du sexe féminin par les garçons de 13ans
Vagin denté !
Bilboquet !
Œil !
3% En forme d’isthme ou
de couloir
10%
Dessin minimum :
le cercle avec un point
5% de représentations de l’aspect extérieur des grosses lèvres
28
Représentation du sexe féminin par les garçons de 13 ans
9 % Avec plein d’erreurs !
Clitoris bien localisé 13 %
29
Les connaissances concernant les fonctions
des organes féminins : vagin et clitoris
Pourcentage de réponses justes à la question
A quoi sert le vagin ?
A quoi sert le clitoris ?
Filles 4ème
26 %
16 %
Filles 3ème
38 %
35 %
Garçons 4ème
32 %
23 %
Garçons 3ème
26 %
32 %
Surprise !
Là encore les garçons de 4ème sont moins ignorants que les filles, mais le pourcentage est
extrêmement faible. (Il aurait été plus faible encore pour les filles si tous les questionnaires
avaient été remplis le même jour car l’information est passée dans la cour de récréation
avec les autres classes comme le signalent certaines élèves quand elles répondent à la
question)
Par contre les filles de 3ème commencent à comprendre ce qui en est du système
reproducteur et il y a des progrès aussi en ce qui concerne la connaissance du clitoris mais
seulement 35 % qui savent à quoi ça sert, et cela à presque 15 ans !
Question frontale aux filles : Avez vous un clitoris ?
Pourcentage de réponses à la question :
oui
4ème
Avez vous un clitoris ?
3ème
non
4ème
Ne se prononcent pas
3ème
4ème
3ème
49% 76% 10% 3 %
40 %
20%
Une fille de 13 ans sur deux ne sait pas qu’elle a un clitoris.
Une fille de (presque) 15 ans sur 4 ne sait pas qu’elle a un clitoris.
30
Il leur était donc impossible d’expliquer à quoi servait le clitoris dans la question
précédente.
Les filles sont 49 % à dire qu’elles ont un clitoris à 13 ans, 76% à 15 ans.
Seulement 16 % d’entre elles savent à quoi sert le clitoris à 13 ans, 35% à 15 ans.
On peut donc en déduire que 33% des filles de 13 ans tout en sachant qu’elles ont un
clitoris ne savent pas à quoi ça sert ! et que 41% des filles de 15 ans, tout en sachant
qu’elles ont un clitoris, ne savent pas à quoi il sert ! et que même si elles n’ont pas osé dire
à quoi ça sert, cela prouve bien l’étendue du tabou subi par le clitoris et la sexualité
féminine.
A la vue de ces résultats, on peut se demander si les adolescentes du temps de Freud étaient
très différentes de celles de notre époque quand il écrit 25:
Nous pouvons retenir que, dans la phase phallique de la fille, le clitoris est la zone
érogène directrice. Mais ce n’est pas ainsi que les choses doivent demeurer ; avec le
changement vers la féminité, le clitoris doit céder au vagin sa sensibilité, totalement ou
partiellement, et donc son importance, et ce serait là une des deux tâches à résoudre dans
le développement de la femme, pendant que l’homme, plus chanceux, n’a qu’à poursuivre,
au temps de la maturité sexuelle, ce à quoi il s’était exercé dans la période de l’éclosion
sexuelle précoce.
Comment opérer cette bascule (s’il faut l’opérer !) quand on n’a pas accès à la
connaissance de son clitoris ?
De nos jours pour nos jeunes adolescentes, le clitoris reste donc encore « ce cher
inconnu » !26
Peut-on parler de véritable excision psychique ? et culturelle ? comme le font de nombreux
écrits aujourd’hui dont j’ai donné quelques exemples dans ma deuxième partie.
Se trouver face à ma question a sûrement été très dérangeant comme 46 % des filles de
4ème (47% pour les 3ème) l’ont signalé en fin de questionnaire ! contre 29 % seulement des
garçons de 4ème et 20% des garçons de 3ème
25
FREUD S, 1932a, « La féminité », dans Nouvelles conférences sur la psychanalyse, Paris, Gallimard, coll.
« Idées », 1981, p. 150-181.
26
DOMINICI M, MOSZINSKI V, et FIRMIN S, Le Clitoris, ce cher inconnu, documentaire Arte franco-
britannique, 2004
31
Avez vous toujours connu votre clitoris ?
Pourcentage de réponses à la question :
oui
Avez vous toujours connu votre clitoris ?
non
4ème
3ème
4ème
3ème
19 %
37 %
27%
41%
Sur les 27% en 4ème qui viennent de le découvrir (c’est à dire 18 élèves sur les 91
interrogées), une élève l’a découvert à 9 ans, 3 à 10 ans, 4 à 11 ans, 3 à 12 ans, et 7 à 13
ans.
Pour les 3ème elles sont beaucoup plus nombreuses à formuler qu’elles n’ont pas toujours
connu leur clitoris et elles disent l’avoir découvert légèrement avant 12 ans en moyenne.
La découverte du clitoris chez les filles (quand elle se produit) est donc un peu plus tardive
que la découverte de la masturbation chez les garçons.
Pour vous qu’est-ce qu’un rapport sexuel ?
caresses
pénétration
Plaisir/amour
Ne se prononce pas
Les filles
6%
38 %
33 %
22 %
Les garçons
10 %
26 %
40 %
24 %
Ils ne semblent donc pas privilégier la pénétration comme on aurait pu le croire mais il est
vrai qu’ils ont rempli ce questionnaire après une intervention sur « la relation
amoureuse » !
De plus la question était trop vague et ne permet pas de se faire une idée sur ce qu’ils
pensent là-dessus.
Seuls 3 garçons de 4ème sur 69 ont parlé de sodomie : 4 %
32
Florilèges !
Ont des connaissances
fausses sur le clitoris
les filles
3%
les garçons
Ne connaissent pas la
fonction du clitoris
les filles
83%
les garçons
68%
11%
Le clitoris sert à ce que le sexe masculin puisse libérer le sperme pour faire un bébé
Ont des connaissances fausses
sur le vagin
Les filles
58 %
Les garçons
52 %
33
La masturbation
La masturbation fait elle partie de la sexualité ?
oui
non
Ne se prononce pas
4ème
3ème
4ème
3ème
4ème
3ème
Les filles
72 %
77%
24 %
12%
5%
11%
Les garçons
74 %
77%
20 %
19%
9%
06%
A cette question on voit que les deux sexes ont répondu symétriquement, et il en est de
même pour la question suivante : Pour vous y a t’il un âge idéal pour le premier rapport
sexuel ? La moyenne est à 16 ans aussi bien pour les filles que les garçons, en 4ème ou en
3ème .
Ils sont 26 % à ne pas se prononcer ou à dire qu’il n’y a pas d’âge idéal et cela, autant pour
les uns que pour les autres.
Vous masturbez vous ?
La question frontale par excellence…
Vous masturbez vous ?
oui
non
Ne se prononce pas
Les filles 4ème
19 %
78 %
04 %
Les filles 3ème
32%
59%
09%
Les garçons 4ème
86 %
13 %
03 %
Les garçons 3ème
94%
03%
03%
La dissymétrie est totale.
Autant la masturbation masculine semble naturelle, autant la masturbation féminine reste
tabou.
Et plus étrange encore la réponse des garçons à la question: Depuis quand vous masturbez
vous ? La moyenne est de 23 mois en 4ème et 33 mois en 3ème !
Ils disent la pratiquer en moyenne depuis qu’ils sont rentrés en 6ème !
34
Cela ne correspond pas aux données recueillies par Bozon et Bajos dans leur enquête sur la
sexualité en France qui parlent de plus de 14 ans pour la première masturbation27. A quoi
est due cette différence ? une évolution extrêmement rapide des comportements ou des
défauts de l’un ou l’autre des questionnaires ?
Sur les 101 garçons à se prononcer, voici l’âge de leur première masturbation,
8 ans
9ans
10 ans
11 ans
12ans
13 ans
14 ans
15 ans
1%
6%
15.5%
27.5%
24.5%
17%
7%
1%
D’après la psychanalyste Florence Guignard28 il semblerait qu’actuellement les très jeunes
adolescents ne vivent plus la fameuse « période de latence » Freudienne : les enfants de 9
ans présentent la mentalité qu’avaient il y a cinq ans encore des enfants en pleine période
pubertaire : ils parlent comme eux, se conduisent comme eux. Cela pourrait expliquer que
la première masturbation de mes élèves commencent à 11 ans et que 22% d’entre eux
disent même que cela s’est produit avant 10 ans !
Les garçons de 4ème disent également qu’ils se masturbent à la fréquence moyenne d’une
fois tous les 5 jours mais cette moyenne cache une grande disparité de pratiques depuis
celui qui dit le faire une à deux fois par jour et celui qui dit le faire deux fois par mois. De
plus il y a 37 % des garçons qui n’ont pas répondu à cette question souvent parce qu’ils ne
connaissaient pas le sens du mot fréquence et répondaient : « vite »
Pour les garçons de 3ème c’est à une fréquence de tous les 2 jours en moyenne.
Quant aux filles de 4ème , elles sont 10% à se masturber avec le vagin et seulement 9%
avec le clitoris. Elles se masturbent en moyenne depuis 19 mois à une fréquence moyenne
d’une fois tous les 8 jours.
Les filles de 3ème sont 15% à se masturber avec le vagin et 21% avec le clitoris
L’âge de la 1ère masturbation féminine est donc plus tardive, sans doute par
méconnaissance des filles de leur corps, ou, pour des raisons hormonales ou culturelles ?…
27
BAJOS et BOZON opus cité
28
GUIGNARD Florence, Revue française de psychanalyse 2003-4(volume 67) ISSN 00352942 page 1159 à
1171.
35
Il faut signaler également la différence de résultats par rapport à la succession des classes
qui a été la suivante : 4ème 4,
4ème1,
4ème2,
4ème5,
4ème3,
4ème 6.
4ème4
4ème1
4ème2
4ème5
4ème3
4ème6
la
27 %
19 %
19 %
13 %
14 %
61 %
la
0%
38 %
0%
27 %
7%
22 %
Ont un clitoris
55 %
63 %
38 %
47 %
29 %
67 %
Se masturbent
0%
13 %
13 %
13 %
29 %
44 %
Connaissent
fonction du vagin
Connaissent
fonction clitoris
Que penser de ces chiffres surtout en ce qui concerne la masturbation ?
Bien sûr elles en ont parlé entre elles aux récréations. Quand on sait que toutes leurs
informations viennent des copains copines, c’est légitime de le penser. Si tel est le cas, elles
n’ont pas communiqué par contre sur quelle pouvait être la fonction du clitoris.
Pourcentages des appréciations sur ce questionnaire
Plutôt positifs
Plutôt négatifs
Les filles de 4ème
34 %
66 %
Les filles de 3ème
44 %
56 %
Les garçons de 4ème
52 %
48 %
Les garçons de 3ème
70%
30 %
Une chose est certaine, ce sondage ne les a pas laissés indifférents.
A tel point que je suis encore surprise aujourd’hui de l’absence de réactions des parents qui
n’ont sûrement pas été mis au courant, du fait de l’anonymat.
J’en veux pour illustration les commentaires suivants:
36
Commentaires des élèves en fin de questionnaires
Je trouve que ça nous apprend beaucoup de choses pour plus tard !
DRÔLE Merci je mourrai moins débile !
!! RIGOLO !! Merci, grâce à vous je vivrai plus longtemps
C’est des choses dont on ne parle pas, c’est intéressant mais je n’y connais rien
La honte, cela nous fait rougir
Ce serait bien qu’on nous explique plus de choses de ce qu’il y a dedans
Je ne sais pas qu’est-ce qu’un clitoris
J’ai rien compris à certaines questions
37
Conclusion : des pistes de réflexion
Le constat le plus surprenant de mon enquête reste la méconnaissance que les filles ont de
leur sexe :
51 % ne savent pas qu’elles ont un clitoris en 4ème !
84 % d’entre elles n’en connaissent pas la fonction !
En 3ème, il reste encore 23% des filles qui ne savent pas quelles ont un clitoris et 65%
d’entre elles n’en connaissent toujours pas la fonction…
Comment comprendre cette méconnaissance ?
► Il reste un grand déficit d’informations à l’école, en famille et avec l’utilisation des
médias ? Est-ce que d’ailleurs ce déficit ne pourrait pas expliquer tous les clichés qui
perdurent sur les difficultés des femmes adultes à orgasmer, sur le temps qu’il leur faut
pour y arriver ?… si toutefois elles y arrivent ! …
Comment peux t’on envisager une évolution de la sexualité féminine tant que les filles de
13 à 14 ans seront ainsi excisées culturellement.
► Pour les filles, le tabou est toujours imposé à leur sexe alors que les garçons peuvent
expérimenter leur sexualité naissante par la masturbation depuis en moyenne leur entrée en
6ème. Cette différence entre filles et garçons est-elle le reste de notre idéologie judéochrétienne qui déteste les femmes et le plaisir comme le dit Michel Onfray ou le Docteur
Zwang. L’idée du péché semble abolie pour les garçons mais pas pour les filles :
- à 13,2 ans, 86% des garçons se masturbent, seulement 19% des filles
- à 14,5 ans, 94% des garçons se masturbent seulement 32 % des filles.
La masturbation a longtemps été considérée comme une fermeture pathologique de
l’adolescent sur lui même et un signe de sa rupture avec le monde extérieur. Mais, depuis la
période des années 1970 de la grande Encyclopédie de la vie sexuelle de Kahn-Nathan et
Tordjman29, on considère la masturbation comme l’ouverture au monde de l’imaginaire et
comme une bonne préparation à la vie conjugale. On voit donc bien que c’est ce qui se
passe au niveau des jeunes garçons mais pour les jeunes filles la route est encore longue
avant qu’elles prennent en main leur propre sexualité.
29
TORDJMAN opus cité
38
La prohibition de la masturbation du docteur Tissot30 n’a jamais vraiment été suivie par les
garçons : leurs pulsions ont été plus fortes que l’interdit.
Pour les filles cette prohibition qui a été plus tardive prévaut encore de nos jours pour nos
jeunes adolescentes : sur les 19% de filles qui se masturbent en 4ème seulement 9% le font
avec le clitoris (et seulement 21 % en 3ème).
Comment faire en sorte que cette dissymétrie filles / garçons disparaisse, comment faire
pour que la représentation de la vulve féminine échappe au tabou qui est de mise dans
toutes les différentes parties du monde ? Comment faire pour que les femmes se
réapproprient leur clitoris, la clef majeure de leur plaisir ? Voici quelques pistes éventuelles
pour conclure :
Un travail à l’école du style du Zizi sexuel, l’expo ! de Zep31 me paraît cohérent parce que
l’information doit être faite dès que les tous jeunes enfants se posent des questions dans les
cours de récréation de l’école primaire. A noter cependant que lors de cette exposition, si
l’on voyait une représentation de vulve, si le clitoris était nommé, l’explication du rôle du
clitoris lui, n’était nullement évoqué !
De même qu’on nous a appris « Nos ancêtres les Gaulois… » on doit apprendre à nos
enfants dès leur plus jeune âge ce qui fait la différence entre les garçons et les filles, à la
naissance, pour en finir avec « les garçons ont un zizi, mais pas les filles ».
Quand l’enfant nous interroge pour savoir d’où il vient, comment on fait les enfants, c’est
aussi le moment de lui expliquer la différence des sexes. On devrait lui expliquer l’origine
embryologique du gland de la verge et du clitoris pour qu’il puisse se construire sur ces
données :
- A l’adolescence, les filles pourraient apprendre à se masturber et, connaissant leur corps,
arriveraient à l’âge adulte, prêtes pour découvrir le plaisir de la pénétration vaginale ( qui
leur est souvent interdit à cause de la présence de l’hymen, pendant l’adolescence)
- Les garçons à l’âge adulte pourraient mieux comprendre et satisfaire leurs compagnes.
30
TISSOT opus cité
31
ZEP et BRULLER H, Le zizi sexuel, l’expo ! à la Cité des Sciences et de l’Industrie de octobre2007 à
janvier 2009
39
Le schéma suivant me paraît donc un savoir de base incontournable que parents, école
et médias se doivent d’enseigner et diffuser aux enfants dès leur plus jeune âge.
chez la femme .
Autre piste, faire en sorte que la Sexologie dans son ensemble développe la recherche sur le
rôle du clitoris dans le plaisir féminin car malgré les travaux scientifiques de Masters et
Johnson, 32 de Kinsey33 et de beaucoup d’autres, ce rôle reste bien opaque dans les études
de sexologie actuelles et dans la définition de l’orgasme dans le DSM4. On a besoin
d’études rigoureuses avec des critères d’évaluation bien définis en ce qui concerne le rôle
du clitoris dans l’orgasme féminin et nous avons aussi besoin d’avoir des mots différents
pour définir les différents plaisirs sexuels.
Et enfin, promouvoir les artistes contemporain(e)s qui cherchent à évacuer le tabou autour
du sexe féminin en n’hésitant ni à le représenter ni à le montrer. Voir à ce sujet le large
panorama que dresse Art Press,34 une des plus importantes revues d’Art Contemporain,
avec son numéro hors série intitulé X-ELLES, Le sexe par les femmes de mai 2004. Si notre
société a la capacité à digérer la provocation de ces artistes, on peut espérer une évolution
des mentalités des femmes adultes permettant d’ éviter qu’elles ne reproduisent le tabou
auprès de leurs enfants.
Comme quoi, il faut que les femmes comptent sur leurs propres forces pour faire en sorte
que leurs filles échappent au tabou imposé à leur sexe !
32
MASTERS et Jonhson opus cité
33
KINSEY opus cité
34
Hors série ART PRESS, X-elles Le sexe par les femmes, mai 2004
40
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ZWANG G, Atlas du sexe de la femme, éd La Musardine, 2001
42
Annexe
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Résumé
Etats des lieux des connaissances, des représentations et des
pratiques sexuelles des jeunes adolescents
Ce mémoire est une enquête menée auprès des 316 élèves de 4ème et 3ème d’un collège au
Nord de Montpellier (13 à 15 ans).
Les questions portaient d’abord sur leurs sources d’informations sur la sexualité. Il leur
était demandé ensuite de dessiner ce qu’ils savaient des organes génitaux externes tant
féminin que masculin. Puis le questionnaire abordait leur expérience personnelle de la
masturbation.
Les résultats mettent en évidence une méconnaissance du sexe féminin autant de la part de
filles que des garçons. A 13 ans, une fille sur deux ne sait pas qu’elle a un clitoris et
seulement 16% en connaissent sa fonction : le tabou sexuel posé sur le sexe féminin est
encore bien vivace, la prohibition de la masturbation également, tout cela aboutit à une
véritable excision psychique et culturelle pour les jeunes filles de nos jours encore, malgré
toutes les informations qu’on peut trouver dans les médias.
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