Moi, Soignant Hospitalier - Syndicat Force Ouvrière du CHU de Reims
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Moi, Soignant Hospitalier - Syndicat Force Ouvrière du CHU de Reims
Moi, Soignant Hospitalier ! Moi, Soignant Hospitalier, j’ai un peu de mal en ce moment à comprendre le fonctionnement de mon institution. Je pensais être au service de la population, et non répondre à l’obsession permanente du respect d’un équilibre budgétaire. Moi, Soignant Hospitalier, je ne peux plus voir mes collègues tomber d’épuisement professionnel les uns après les autres, en attendant mon tour, aux urgences, au bloc opératoire, en gériatrie, en psychiatrie, dans les maisons de retraite, et tous les autres services au bord de la rupture. Moi, Soignant Hospitalier, je pensais que depuis l’obtention de mon diplôme, je pourrai pendant de nombreuses années soigner comme je l’ai appris, répondre aux besoins fondamentaux de mes patients, respecter la charte du patient hospitalisé, exercer mon rôle propre. Moi, Soignant Hospitalier, je ne pensais pas un jour être témoin de la lente installation de la maltraitance institutionnalisée. Et lorsque les soignants tentent d’expliquer la réalité du terrain, leur parole n’est pas entendue, et encore moins comprise. Moi, Soignant Hospitalier, Je pensais que ma direction avait des considérations humaines dans la gestion du personnel, et pas qu’elle agissait le plus souvent en dépit du bon sens, que le mépris était un mode de management dans l’hôpital public. Moi Soignant Hospitalier, je ne peux plus entendre que nos soignants n’aient que quelques minutes pour donner à manger à une personne âgée dépendante, quelques minutes pour faire le tour : TA, médicaments, douleur, pansements, perfusions, téléphone, puis tout noter, tout tracer… Moi, Soignant Hospitalier, je ne comprends pas qu’on me réclame une efficience de robot, du travail à la chaîne au détriment de ce qui fait l’essence même de mon métier : de l’empathie dans le soin, de l’écoute, de la compréhension, de la douceur, du soulagement, tout ce qui fait la façon dont je voudrais moi-même être soigné ou que mes proches le soient. Moi, Soignant Hospitalier, je ne peux plus risquer chaque jour la faute professionnelle, risquer la mise ne danger de mes patients, risquer d’être condamné, risquer le reproche et l’humiliation, alors que j’ai été sciemment mis dans la difficulté. Moi, Soignant Hospitalier, soignant de mon établissement en manque chronique de places et de lits, j’ai du mal à concevoir que jamais les patients aux urgences n’ont passé autant de temps sur des brancards. Moi, Soignant Hospitalier, je ne pensais pas imaginer mon établissement comme un bateau ivre, comme un Titanic, sauf qu’à la différence du Titanic, les passagers que nous sommes voyons bien l’iceberg arriver, il n’y a que le commandant de bord qui ne veut pas le regarder en face. Moi, Soignant Hospitalier, je n’en peux plus d’entendre que parce que c’est pire ailleurs, finalement on ne devrait pas trop se plaindre… La politique du pire, c’est la politique du lâche. http://www.fo-chu-reims.fr Rassurez-vous, le pire existe effectivement ailleurs, dans la région parisienne, en Espagne ou en Angleterre, mais on n’a jamais été aussi près de le voir débarquer chez nous. Moi, Soignant Hospitalier, j’ai du mal à croire d’être obligé de taire à ma famille mes conditions de travail, et ma souffrance de soignant pour les protéger. Moi, Soignant Hospitalier, je ne comprends pas pourquoi mes jours de repos ne sont pas payés en heures d’astreinte, puisque je peux être rappelé à n’importe quel moment pour revenir travailler le lendemain ou le soir même… Moi, Soignant Hospitalier, je vois pointer au loin, dans les médias, le scandale de nos conditions de travail, de nos prises en charge, de nos salaires, des suicides des agents, un sujet encore tabou mais qui sera je le crains, si rien ne bouge, bientôt sous le feu de l’actualité, à l’instar de France Télécom ou la Poste. Moi, Soignant Hospitalier, quand je vois mes patients, des jeunes, des personnes âgées entassées dans les Urgences dans des conditions indignes de notre soi-disant modèle de santé, j’en ai Honte… Et pourtant, quelque part, cette honte me rassure, ça veut dire que je ne suis pas totalement blasé face à cette médiocrité. Alors oui, JE SUIS SOIGNANT, encore et malgré tout… je vois encore une petite lueur d’espoir. Oui je crois encore à la force des équipes, je crois encore à la force de ma profession, à la force du nombre, à la force de l’action syndicale, de mon syndicat Force Ouvrière, pour tenter de renverser la tendance. Le seul syndicat libre et indépendant qui peut, à mon sens, nous y faire parvenir, forte de ses propositions et de ses actions. Je crois encore à l’éveil de nos consciences, à l’éclatement au grand jour de la triste réalité. J’ai l’espoir que ma profession va parvenir enfin à ne plus accepter la résignation, la soumission, et faire valoir ses droits. Le salut ne peut venir que de nous tous, depuis l’ensemble des hôpitaux de France, qui sont tous dans les mêmes situations insoutenables, car le malaise dépasse largement les frontières de nos murs. Nous n’avons rien à attendre de notre hiérarchie et de nos élus si nous ne leur forçons pas la main. Chacun de nous, un peu partout ici et ailleurs en France, est touché de cette agression en plein cœur de soignants. Une telle remise en cause de nos convictions ne peut plus durer. Chacun sait que nous sommes dans une période de transformation économique et sociale de la société. Les choix que nous devons faire maintenant vont déterminer la qualité des soins de demain. Préserver les relations humaines dans les soins ou se transformer en machine maltraitante. L’humanité ou la barbarie ? J’attends avec impatience le moment où nous allons tous décider d’une seule voix que nous sommes arrivés au bout de ce qui est acceptable, et que ce n’est plus le moment simplement d’être scandalisé, mais le moment de se révolter. http://www.fo-chu-reims.fr