Un motu proprio approprié
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Un motu proprio approprié
Chronique @ mensuelle Juillet-août 2007 Un motu proprio approprié Ça y est, le Saint-Père vient de publier une lettre apostolique (comprenez un décret), ce fameux motu proprio (en latin « de son propre chef ») par lequel il permet une plus grande liberté dans la célébration de la messe dite de « saint Pie V », tout en la définissant comme culte extraordinaire. Il réaffirme que le culte ordinaire reste la célébration de la messe dite de « Paul VI ». Ce motu proprio semble avoir affolé certains medias au point de formuler des critiques d’une banalité affligeante, tant on y retrouve des arguments simplistes sur le sujet, ressassés depuis des années, notamment celui de la nostalgie du passé ou d’un refus de Vatican II (alors que nombre de jeunes gens qui vivent leur foi sous cette forme rituelle n’étaient pas nés alors). Comme tout ceci est bien loin du seul souci qu’a le pape : ramener son troupeau à l’unité. Car là est bien le but essentiel de ce texte, exprimé ainsi par Benoît XVI dans sa lettre d’explication du motu proprio aux évêques : « parvenir à une réconciliation interne au sein de l'Église ». Je suis d’autant plus à l’aise pour donner un avis sur le sujet que je n’ai pas non plus connu la célébration du rite tridentin. Ce n’est donc pas la nostalgie qui me pousse à adhérer à l’action papale, mais bien la volonté d’entrer avec lui dans cette délicate démarche d’unité. Car effectivement, on parle beaucoup d’unité, mais a-t-on au moins le souci de la rechercher déjà au sein même de notre propre famille, c’est-à-dire de l’Église catholique et particulièrement en France, comme nous le relevions déjà dans la chronique @ de janvier ? Que Vatican II ait profondément œuvré pour l’œcuménisme est une excellente chose que le Saint-Père poursuit de toute son autorité. Jamais on ne reviendra sur ce fait. Mais cette unité avec les frères séparés ne doit pas occulter l’urgence, que la charité commande, de rechercher aussi l’unité à l’intérieur de sa famille la plus proche. L’Église catholique de France, malheureusement, présente un visage déformé depuis trop d’années par des rancœurs, des hostilités et des jugements sévères et sectaires qui existent dans toutes les sensibilités spirituelles. Tout cela a contribué à provoquer cette déchirure, chacun s’imaginant posséder la vérité. Il faut dire, à la décharge des traditionalistes, que les années qui ont suivi le concile ont souvent été utilisées pour mettre à mal le caractère sacré et transcendant de la liturgie et de l’Eucharistie, qui constitue, comme le rappelle le concile, « la source et le sommet de la vie chrétienne ». Influencés sans nul doute par le climat contestataire général de l’époque, certains se sont crus autorisés à se lancer dans des interprétations fallacieuses du concile, particulièrement en ce qui concerne le sens sacré du mystère eucharistique, pierre angulaire de notre foi. Ce n’était pas le souffle divin mais plutôt un vent de folie qui a fait chanceler ces esprits et provoqué tant de ravages. Cela a choqué bien des croyants qui, blessés au plus profond d’euxmêmes, ont cru percevoir dans l’Église hiérarchique un reniement de la foi catholique. On ne peut pas les condamner. Ce qu’on peut en revanche affirmer, c’est que de leur côté, il ne faut pas qu’ils se raidissent dans une attitude sectaire, au point de dire que le motu proprio n’est qu’un premier pas pour revenir à la situation d’avant le concile. S’il en était ainsi, alors oui, cet acte de Benoît XVI serait un échec. De toutes manières, il y aura sans nul doute des catholiques pour penser ainsi, mais ce ne sera qu’un petit nombre (en espérant que les medias n’y accorderont pas plus d’importance que cela n’en mérite). N’oublions pas qu’après chaque concile, il y a eu des dissidences au sein de l’Église et que des branches se sont malheureusement coupées du tronc. Pour en revenir à l’objet même de ce motu proprio, je voudrais dire ceci. Ce n’est pas le type de messe ou de liturgie qui fait la sainteté d’une personne (d’autant que le concile n’a jamais renié l’enseignement traditionnel de l’Église sur ce point essentiel de notre foi), c’est son attitude intérieure et sa disposition d’esprit dans la rencontre qu’elle va avoir avec son Seigneur, non seulement à la messe, mais aussi tout au long de sa vie quotidienne. L’Église produit des saints avec la messe de Paul VI comme elle en a produit avec la messe de saint Pie V, comme elle en a produit antérieurement avec ceux qui ont vécu avant la mise en place du rite tridentin... Et je n’oublie pas non plus la messe du rite dit de saint Jean Chrysostome, chère aux chrétiens orientaux. La lettre tue, c’est l’esprit qui vivifie ! Ces exagérations et ces aberrations que nous avons pu connaître ont fait souffrir bien des personnes qui soit ont quitté l’Église, soit ont versé dans l’intégrisme avec tout ce que cela comporte d’attitudes rigides et fermées, rendant toute discussion impossible et provoquant blessures et rancœurs indélébiles. Le pape, avec intelligence et sagesse, a pensé de son propre chef, que son autorité de pasteur du troupeau devait l’inciter à pousser en avant cette réconciliation au sein de l’Église de France. C’est un geste courageux qui souligne combien Rome, l’Église mère, est capable de souplesse (en faisant le premier pas) pour arriver à une réconciliation. Comme le disait déjà saint Irénée, père de l’Église au IIIe siècle, « avec cette Église, en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s’accorder toute l’Église, c’est-à-dire les fidèles de partout » (Contre les Hérésies III, 3, 2). Que les conciliaires comprennent donc le geste du pape et que les traditionalistes ne remettent pas en cause le concile qui a été inspiré par l’Esprit Saint. Citons aussi saint Cyprien, lui aussi, père de l’Église du IIIe siècle : « Celui qui ne garde pas l’unité de l’Église, croit-il qu’il garde la foi ? Celui qui s’oppose à l’Église, qui abandonne la chaire de Pierre sur laquelle est fondée l’Église, peut-il se flatter d’être encore dans l’Église ? » (De unitate Ecclesiae, ch. 4). Demandons au Seigneur son Esprit de paix afin qu’il éclaire les catholiques à bien recevoir de part et d’autre ce motu proprio. Demandons au Seigneur son Esprit de consolation afin qu’il vienne panser les blessures qui peuvent paraître, à vue humaine, inguérissables, car « rien n’est impossible à Dieu ». Ce document pontifical constitue sans nul doute un premier élément de guérison et d’unité. Vincent TERRENOIR Le motu proprio du Souverain Pontife sur l’usage de la liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970, est sur internet : http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/2007/7/7/motuproprio.rtf La lettre de Benoît XVI aux évêques sur le motu proprio est sur internet : http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/2007/7/7/lettremotu.rtf