321 LA CLOTURE DE LA VERIFICATION FISCALE Saoussen

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321 LA CLOTURE DE LA VERIFICATION FISCALE Saoussen
La clôture de la vérification fiscale
LA CLOTURE DE LA VERIFICATION FISCALE
Saoussen JAMMOUSSI AZAÏEZ*
Assistante à l’IHEC de Sfax
1- Si « le respect de la liberté individuelle implique une
limitation dans le temps de la vérification »1, la clôture de celle-ci
constitue une exigence de cette limitation. En effet, il n'est pas
raisonnable de cantonner la procédure de vérification dans une durée
maximale sans fixer l'événement de son achèvement définitif.
La limitation du cadre temporel de vérification est sans doute
une garantie qui tend à exclure du champ juridique le risque
d'incertitude et d'insécurité. Mais l'efficacité de cette garantie est
forcément limitée par l'imprévisibilité de la date de clôture de la
vérification.
2- Dans un système déclaratif, la vérification fiscale est un
moyen de lutte contre le phénomène de la fraude fiscale qui crée des
distorsions économiques et sociales susceptibles de porter atteinte à la
cohésion de la collectivité2. Seulement, ce droit de vérification ne doit
pas, au risque d'entraver l'activité normale de l'entreprise, méconnaître
un certain nombre de garanties lors du déroulement et d'achèvement
de la procédure.
3- Il est vrai que le CDPF semble mettre fin à l'incertitude de
la date de clôture par la consécration d'une durée légale de la
vérification qui limite, en principe, le pouvoir de contrôle de
l'administration fiscale. Néanmoins, la plupart des garanties du
contribuable vérifié lors du déroulement et d'achèvement de la
vérification a été prévue par l'ancienne charte du contribuable qui a
comblé les lacunes de la loi quant à la détermination du droit de la
vérification et son étendue.
Nul ne peut ignorer que, par la promulgation du CDPF, « le
dispositif juridique législatif régissant le contrôle fiscal a été
1
2
* [email protected]
M. Trémeur, " La politique publique du contrôle fiscal", Economica, 1993.
Ibid. p.9.
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considérablement enrichi"3. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue
que l'évolution constatée est purement juridique réalisée par la
consécration législative de certaines garanties mais au niveau des
droits substantiels le statut légal du contribuable demeure précaire et
incertain surtout par le caractère pratiquement continue du contrôle
fiscal. Or la limitation de la durée de vérification n'a de portée réelle
que si la date de clôture de celle-ci soit précise et définitive.
4 -La garantie de limitation de la durée de vérification demeure
même après la promulgation du CDPF d'une efficacité douteuse et ce
pour plusieurs raisons.
D'abord, cette garantie ne couvre qu'un domaine limité. Elle
n'est opérante que lorsqu'il s'agit d'une vérification approfondie au
sens de l'article 40 al 2 du CDPF. En effet, l'administration fiscale
n'est pas tenue de respecter cette limite lorsqu'il s'agit d'une
vérification préliminaire4 ou lorsqu'elle exerce son droit de
communication5 ou de visite6.
Ensuite, l'extensibilité de la durée de vérification par la
multiplicité des exceptions qui permettent d'écarter le délai légal et de
reporter par conséquent la date de clôture est également une cause de
l'inefficacité de cette garantie.
Enfin, les pouvoirs étendus de l'administration fiscale lors de la
vérification pourraient être à l'origine d'un détournement de procédure
afin d'éviter les formalités exigées en cas de vérification.
5- Toutes ces insuffisances nous amènent à s'interroger sur
l'apport du CDPF. Est- ce qu'il a réussi à la mise en place d'un système
de contrôle rationnalisé qui répond à la fois à l'intérêt du trésor et celui
du contribuable? Est-ce que la limitation législative du cadre temporel
de la vérification fiscale a réellement mis en valeur l'obligation de
clôture de la vérification? Il paraît que « la légalisation du pouvoir de
vérification répond plus au souci de donner une base légale à des
pratiques anciennes des contrôleurs consacrées par la charte du
3
4
5
6
Néji Baccouche, "De la nécessité du contrôle fiscal", RTF n° 1, 2004, p. 18.
Art. 37 du CDPF.
Art.8 et 9 du CDPF.
Art.8 du CDPF.
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La clôture de la vérification fiscale
contribuable qu'à celui d'en définir les limites »7. L'innovation en
matière de vérification fiscale par l'enrichissement du dispositif
juridique paraît insuffisante pour assurer l'efficacité du système du
contrôle en Tunisie. L'évolution du cadre juridique n'a pas, semble t-il,
abouti à une amélioration substantielle du statut légal du contribuable
vérifié.
6- L'instauration de l'obligation de clôture de la vérification
constitue une exigence qui pèse sur l'administration fiscale et qui
assure au contribuable la sécurité fiscale qui devient de plus en plus un
objectif pour tout système juridique. Cependant, l'incertitude quant à
la date de clôture (I) ainsi que l'incertitude quant aux effets juridiques
de la vérification (II) peuvent rendre l'opération de vérification de plus
en plus imprévisible ce qui est incompatible avec les impératifs de
l'Etat de droit.
I- INCERTITUDE QUANT A LA DATE DE CLOTURE DE LA
VERIFICATION
7- La soumission de l'opération de vérification à des garanties
rigoureuses constitue parmi les éléments indispensables pour la
rationalisation du contrôle fiscal8.
L'encadrement dans le temps de l'action administrative par la
limitation légale de la date de clôture de vérification est une véritable
garantie qui assure au contribuable une certaine sécurité juridique lors
du déroulement de la vérification. La date de clôture de la vérification
constitue par conséquent un critère déterminant pour renfermer les
pouvoirs de contrôle de l'administration fiscale et éviter toute
perturbation dans l'activité du contribuable vérifié.
8- L'imprécision de la date de clôture de la vérification et
l'extensibilité de la durée de celle-ci sont autant de facteurs qui
7
8
Tarek Drira, "La vérification fiscale", Mémoire de DEA, Faculté de droit de
Sfax, 2002-2003, p.149.
Sur la question de rationalisation du contrôle fiscal voir Bernard Plagnet," Les
facteurs de compétitivité fiscale d'un pays", Revue Etudes Juridiques de la
Faculté de Droit de Sfax n° 10, p.30. Voir également Néji Baccouche,
"L'environnement fiscal de l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de
l'économie: Le cas tunisien", Revue précitée p.89.
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La clôture de la vérification fiscale
contribuent à renforcer le sentiment d'insécurité et d'angoisse pour un
contribuable soumis aux procédures de vérification fiscale.
A- Imprécision de la notion de clôture de la vérification
9- La détermination de la notion de clôture de la vérification
fiscale revêt une grande importance du fait qu'elle permet de s'assurer
que l'administration fiscale à respecter la durée légale de la
vérification. Or pour savoir si la vérification fiscale est achevée, il est
nécessaire de préciser l'évènement par lequel l'opération de
vérification est arrivée à terme
10- En droit fiscal tunisien, la notion de clôture de la
vérification n'a pas été explicitement envisagée ni par l'ancienne
charte du contribuable ni par le CDPF. L'ambiguïté législative quant à
la détermination de l'évènement qui entraîne la clôture définitive de
l'opération de vérification risque de « rendre la vérification
continue »9.
11- Dans la législation antérieure au CDPF, la durée de
déroulement de la vérification n'a pas été fixée par la loi. Mais la
charte du contribuable a comblé ce vide en prévoyant d'une part que
« la durée de déroulement de la vérification ne peut s'étendre sur une
période supérieure à quatre mois à partir de la date du
commencement effectif de la vérification » et d'autre part que "la durée
de vérification expire à la date de notification des résultats de
vérification au contribuable"10. Ainsi, l'ancienne charte du
contribuable semble établir un lien étroit entre l'achèvement de la
vérification et la date de notification des résultats de vérification au
contribuable.
12- Cependant, la position de la jurisprudence tunisienne
relative à la détermination de la date de l'achèvement définitif de
l'opération de vérification n'a pas été en harmonie. En effet, la date de
notification de redressements ne constitue pas nécessairement, pour le
9
10
Néji Baccouche, "De la nécessité du contrôle fiscal", RTF n°1, p.23.
TA. Cass. Req. n°32169 du 30 Octobre 2000, Société chabeen / Direction
générale du contrôle fiscal.
‫"ﺣﻴﺚ ﻳﺘﺒﻴﻦ ﺑﺎﻟﺮﺟﻮع إﻟﻰ ﻣﻠﻒ اﻟﻘﻀﻴﺔ أن اﻟﺘﻮارﻳﺦ اﻟﻤﺪﻓﻮع ﺑﻬﺎ ﻣﻦ ﻗﺒ ﻞ اﻟﻤﻌﻘﺒ ﺔ ﻻ ﻳﻤﻜ ﻦ اﻋﺘﺒﺎره ﺎ ﻣﺤ ﺪّدة‬
‫ن ﺗ ﺎرﻳﺦ اﻹﻋ ﻼم ﺑﻘ ﺮار إﺟ ﺮاء اﻟﻤﺮاﻗﺒ ﺔ ﻻ ﻳﻤ ّﺜ ﻞ ﺿ ﺮورة ﺑ ﺪاﻳﺘﻬﺎ‬
ّ ‫ ذﻟ ﻚ أ‬،‫ﻟﻠﻤﺪّة اﻟﺘﻲ اﻣﺘﺪت ﻋﻠﻴﻬ ﺎ اﻟﻤﺮاﻗﺒ ﺔ‬
."‫اﻟﻔﻌﻠﻴﺔ آﻤﺎ أن ﺗﺎرﻳﺦ ﺗﺒﻠﻴﻎ ﺗﻘﺮﻳﺮ اﻟﺘﻌﺪﻳﻞ ﻻ ﻳﻤﻜﻦ اﻋﺘﺒﺎرﻩ ﺑﺎﻟﻀﺮورة ﺗﺎرﻳﺦ اﻧﺘﻬﺎء ﻣﺪّة اﻟﻤﺮاﻗﺒﺔ‬
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La clôture de la vérification fiscale
juge, la date de l'achèvement d'une vérification11. Par ailleurs, la
clôture de vérification peut se situer lors de la dernière intervention sur
place de vérification12 ce qui signifie que la date d'achèvement d'une
vérification peut se placer antérieurement à la date de notification des
résultats de vérification.
Mais actuellement, la jurisprudence du TA semble être
constante sur l'évènement qui entraîne l'achèvement de la vérification
et qui correspond à la date de notification des résultats de
vérification13.
13- Après l'entrée en vigueur du CDPF, la délimitation de la
durée de vérification vient d'être consacrée dans la loi à travers
l'article 40 du CDPF qui a posé le principe selon lequel la durée
effective maximale de la vérification approfondie de la situation
fiscale est fixée à six mois lorsque la vérification s'effectue sur la base
d'une comptabilité et à une année dans les autres cas. Si l'article 40 du
dudit code a augmenté la durée de vérification par rapport à l'ancienne
charte du contribuable, il a gardé le silence quant à l'évènement de
clôture de la vérification14.
S'il est vrai que l'interprétation de l'article 40 peut nous amener
à conclure, comme le juge de fond et de cassation, que la date de
clôture correspond à la date de notification des résultats de
vérification, on ne peut pas, cependant, nier le caractère ambigu de
11
12
13
14
La charte du contribuable, Parag II Déroulement de l'opération de la
vérification.
Tribunal de Sfax, jugement n°3 du 27 mars 2002.
‫ن اﻟﺘ ﺎرﻳﺦ اﻟﻤﻌﺘﺒ ﺮ ﻓ ﻲ ﺗﺤﺪﻳ ﺪ ﺗ ﺎرﻳﺦ إﻧﻬ ﺎء اﻟﻤﺮاﺟﻌ ﺔ‬
ّ ‫"وﺣﻴﺚ وﺧﻼﻓﺎ ﻟﻤﺎ ﺗﻤﺴّﻚ ﺑﻪ ﻧﺎﺋﺐ اﻟﻤﻄﺎﻟﺐ ﺑ ﺎﻷداء ﻓ ﺈ‬
‫اﻟﺠﺒﺎﺋﻴﺔ )وﺑﺎﻟﺘﺎﻟﻲ اﻟﻤﺮﺟﻊ ﻓﻲ ﺗﺤﺪﻳﺪ ﻣﺪى اﺣﺘﺮام اﻹدارة ﻷﺟﻞ اﻷرﺑﻌﺔ أﺷ ﻬﺮ( ه ﻮ ﺗ ﺎرﻳﺦ ﺁﺧ ﺮ ﻣ ﺮّة ﺗ ﺪﺧّﻞ‬
‫ﻓﻴﻬﺎ اﻟﻤﺤﻘّﻖ ﻓﻌﻠﻴّﺎ ﻓ ﻲ إﻃ ﺎر ﻋﻤﻠ ّﻴ ﺔ اﻟﻤﺮاﺟﻌ ﺔ اﻟﻤﻜّﻠ ﻒ ﺑﻬ ﺎ واﻟﺘ ﻲ ﺗﺴ ﺒﻖ ﻓ ﻲ ﺟﻤﻴ ﻊ اﻷﺣ ﻮال ﺗ ﺎرﻳﺦ إﻋ ﻼم‬
."‫اﻟﻤﻄﺎﻟﺐ ﺑﺎﻟﻀﺮﻳﺒﺔ ﺑﻨﺘﺎﺋﺞ اﻟﻤﺮاﻗﺒﺔ اﻟﺠﺒﺎﺋﻴﺔ‬
Voir par exemple:
- Tribunal de Sfax, req n°21 du 2 Octobre 2002, société M./ Centre régional du
contrôle fiscal de Sfax.
- Tribunal de Sfax, req. n°6 du 16 Avril 2003, société industrielle / Centre
régional du contrôle fiscal de Sfax.
- T.A. cass., req. n°34689 du 28 Juin 2004, Société SOFAP / Ministère de
finances, Direction générale du contrôle fiscal.
- T.A. cass. Rep. N°34094 du 23 Février 2004, Société de transport de
marchandises / Direction générale du contrôle fiscal.
Néji Baccouche, "De la nécessité du contrôle fiscal", article précité, p.23.
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La clôture de la vérification fiscale
l'article 40 qui n'a pas évoqué explicitement, dans ses dispositions, la
notion de clôture définitive.
14- En outre, dans la pratique, l'administration fiscale peut
durant le déroulement de la vérification adresser des notifications
partielles ou même une notification définitive et procéder par la suite à
des rectifications à la lumière des réponses du contribuable. Dans ce
cas l'administration fiscale pourrait adresser plusieurs notifications
pour la même opération de contrôle ce qui nous amène à s'interroger à
quel moment on peut considérer que la vérification est définitivement
achevée. En l'absence d'une précision législative l'évènement de
clôture doit en principe correspondre à la dernière notification des
résultats de vérification.
15- En droit français, au début, l'administration fiscale a
considéré que l'achèvement de la vérification se plaçait à la
notification définitive des suppléments d'imposition ou à
l'établissement des impositions15. Le CE a, au contraire, jugé qu'il se
situe lors de la dernière intervention sur place du vérificateur16. La
doctrine administrative s'est alignée par la suite sur cette
jurisprudence17. Il en résulte qu'en cours du déroulement de la
vérification l'administration est en droit de notifier des redressements
partiels sans que la vérification puisse être réputée achevée18. Ainsi,
l'achèvement d'une vérification est une question de fait soumise à
l'appréciation du juge19. Elle peut résulter des indications données par
le vérificateur comme dans le cas où il indique au contribuable qu'il a
terminé les opérations de vérification.
16- Si en droit tunisien, la tendance législative et
jurisprudentielle semble retenir la notification des résultats de
vérification comme point d'achèvement formel de la vérification, en
15
16
17
18
19
Note 15 Juin 1955, n°2920, DF 1955, n°16, comm. 608.
CE 7e et 9e sans – sect, 14 Octobre 1988, rep. N°48148 et 71349, DF, 1989,
n°10, comm. 483.
Doc. Adm. DGI 13L – 1315 SS1, 1er Juillet 1989.
CE. 8e et 9e sous-sect. 9 Mai 1990, rep. N°46891 et 43152, DF 1991, n°8,
comm. 295, concl. Ph Martin.
CE, 8e et 9e sous-sect. 27 Février 1991, rep. N°73995, société Marseillaise, DF
1992, n°15, comm. 786, concl Ph Martin, donnant une analyse des principaux
arrêtés du conseil d'Etat relatifs à la notion d'achèvement.
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La clôture de la vérification fiscale
droit français l'évènement de clôture reste une question de fait soumise
à l'appréciation du juge ce qui pourrait générer des inégalités entre les
contribuables. La détermination de l'évènement de clôture reste alors
tributaire de la position de juge et le contribuable ne connaît pas
exactement à quel moment l'opération serait considérée comme
définitivement achevée. La prévisibilité de l'évènement de clôture
semble être nécessaire au contribuable qui peut juger à l'avance si
l'administration fiscale a régulièrement respecté la durée de
vérification sans avoir besoin de faire recours au juge pour apprécier
l'évènement de clôture.
17- En outre, lorsque le CE français tient comme indice de
clôture de vérification la dernière intervention du vérificateur sur place
et non la date de notification des redressements, il ne prend pas en
considération le laps du temps au cours duquel le vérificateur peut
poursuivre l'opération de vérification20. Souvent l'agent vérificateur
procède à des confrontations entre les résultats issus de la vérification
sur place et les renseignements recueillis auprès des tiers par le biais
de droit de communication ce qui pourrait entraîner une prorogation
de la durée de vérification. La durée effective de vérification peut
donc s'étaler sur une période qui dépasse en fait la dernière
intervention du vérificateur sur place.
18- La solution retenue par le législateur et par la
jurisprudence tunisienne semble être plus sécurisante pour le
contribuable parce qu'outre le fait qu'elle unifie l'évènement
d'achèvement de la vérification pour tous les contribuables elle parait
plus logique car la notification des résultats définitifs de vérification
permet au contribuable de juger la régularité de toute l'opération de
contrôle y compris le respect de la durée de celle-ci. Néanmoins, il ne
faut pas perdre de vue que l'incertitude de la date de clôture de la
vérification n'est pas en réalité due uniquement aux ambiguïtés qui
entourent l'évènement de clôture mais elle est due surtout au cadre
temporel insuffisamment délimité. L'extensibilité de la durée de
vérification avant la notification des résultats définitifs de la
20
Mrabet Mohamed Fathi, "La vérification et la sécurité fiscale du contribuable",
Mémoire de D.E.A., Faculté de droit de sousse, 2001, 2002, p.55.
327
La clôture de la vérification fiscale
vérification constitue sans doute un facteur d'insécurité fiscale pour le
contribuable.
B- Extensibilité de la durée de vérification
19- La limitation de la durée maximale de la vérification
approfondie constitue une garantie incontournable pour la sécurité
fiscale du contribuable vérifié. Ce dernier sera protégé contre une
intervention illimitée du fisc dans sa vie privée21 et professionnelle qui
pourrait entraver le fonctionnement normal de son entreprise. C'est
ainsi que « le législateur a entendu limiter la durée de vérification afin
que l'exercice de cette prérogative ne débouche pas à une paralysie de
l'entreprise »22. Cependant, le législateur ainsi que la jurisprudence
ont limité davantage la portée de cette garantie en prévoyant plusieurs
exceptions qui entraînent inévitablement la prolongation de la durée
de la vérification.
20- L'ancienne charte du contribuable a prévu la possibilité de
prorogation de la durée de vérification pour une durée limitée et dans
des cas exceptionnels. Cette possibilité de prorogation de la durée de
vérification est de nature à étendre le droit de vérification ce qui a
poussé la doctrine à considérer que « la durée de vérification est
indéterminée »23. En effet, la charte du contribuable n'a pas
suffisamment précisé quels sont les cas exceptionnels et quelle est la
durée maximale de la prorogation. Le TA a considéré dans ce sens que
le dépassement du délai de vérification fixé à 4 mois par la charte du
contribuable est permis à titre exceptionnel et à condition d'informer le
contribuable par écrit.
21
22
23
Le droit au respect de la vie privée est notamment présent à l'article 8 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. Cette stipulation s'est inspirée de l'article 12 de la déclaration
universelle des droits de l'homme en 1948.
M.C Bergers, "Contrôle fiscal, prérogatives du fisc et droits du contribuable",
p.37.
H. Ayadi, "Droit fiscal", Taxe sur la valeur ajoutée, droit de consommation et
contentieux fiscal", p. 189, l'auteur affirme que "le charte ajoute que, dans
certains cas exceptionnels, cette période peut être prorogée après information du
contribuable, pour une durée limitée. Autant dire que la durée de la vérification
est indéterminée".
328
La clôture de la vérification fiscale
Si le TA n'a pas précisé les cas exceptionnels de la
prolongation il a, en revanche, exigé que la demande de prorogation
doit être suffisamment claire et qui manifeste l'intention explicite de
l'administration fiscale de proroger la durée de vérification24. Par
conséquent, l'absence d'une demande de prolongation entraîne, par
conséquent, la nullité de l'opération d'imposition surtout si le
dépassement du délai de vérification n'est pas raisonnable25.
A contrario, si le dépassement du délai de vérification est jugé
raisonnable et même en l'absence d'une demande de prolongation, le
juge fiscal refuserait de prononcer la nullité de l'opération
d'imposition. L'attitude de la jurisprudence n'est pas très protectrice
des droits des contribuables. Dans plusieurs affaires, le juge s'est
fondé sur le motif du dépassement raisonnable pour refuser
l'annulation de l'opération de vérification en dépit de l'inobservation
de la durée de vérification26. Une telle attitude pourrait être source
d'insécurité fiscale pour le contribuable du fait qu'elle va entraîner une
prorogation illégale de la durée de vérification. En outre, et en
l'absence d'une précision de la notion du délai raisonnable on doit
s'interroger jusqu'à quel moment le dépassement reste toujours
raisonnable?
Dans un arrêt qui date du 23 Février 2004, le juge fiscal
semble préciser et limiter le délai raisonnable en prévoyant que le
dépassement doit être de quelques jours. Ensuite, il a posé une limite
qui semble protéger le contribuable contre le dépassement raisonnable.
En effet, s'il arrive à prouver l'existence d'un préjudice dû à ce
24
25
26
TA. Cass. Req. N°33737 du 17 Mai 2004, clinique Taoufik / Direction générale
du contrôle fiscal.
‫ ﺗﻨ ﺪرج ﻓ ﻲ‬1997 ‫ أوت‬4 ‫ن اﻟﻤﻜﺎﺗﺒﺔ اﻟﻤﻮﺟّﻬﺔ إﻟﻰ اﻟﻤﻌﻘﺒﺔ ﺑﺘ ﺎرﻳﺦ‬
ّ ‫ ﻓﺈ‬،‫"وﺣﻴﺚ ﺧﻼﻓﺎ ﻟﻤﺎ ﺗﻤﺴّﻜﺖ ﺑﻪ اﻹدارة‬
‫إﻃﺎر ﺳﻴﺮ اﻟﻤﺮاﻗﺒﺔ اﻟﻌﺎدﻳﺔ وﻟﻴﺲ ﻣ ﻦ ﺷ ﺄﻧﻬﺎ اﻟﺘﻤﺪﻳ ﺪ ﻓ ﻲ ﻣ ﺪّة اﻟﻤﺮاﻗﺒ ﺔ ﺿ ﺮورة أﻧﻬ ﺎ اﻗﺘﺼ ﺮت ﻋﻠ ﻰ ﻃﻠ ﺐ‬
."‫ﺑﻌﺾ اﻟﻮﺛﺎﺋﻖ ﻓﻲ أﻗﺮب اﻵﺟﺎل اﻟﻤﻤﻜﻨﺔ دون أن ﺗﺸﻴﺮ إﻟﻰ اﻟﺘﻤﺪﻳﺪ أو إﻟﻰ ﻣﺪّﺗﻪ‬
TA. Cass. Req. N°33737 du 17 Mai 2004, clinique Taoufik / Direction générale
du contrôle fiscal.
‫"وﺣﻴﺚ ﻃﺎﻟﻤ ﺎ ﺣ ﺪّد ﻣﻴﺜ ﺎق اﻟﻤﻄﺎﻟ ﺐ ﺑﺎﻟﻀ ﺮﻳﺒﺔ ﻣ ﺪّة اﻟﻤﺮاﺟﻌ ﺔ ﺑﺄرﺑﻌ ﺔ أﺷ ﻬﺮ وﺣﺼ ﺮ إﻣﻜﺎﻧﻴ ﺔ ﺗﺠﺎوزه ﺎ ﻓ ﻲ‬
‫ن ﺗﺠ ﺎوز‬
ّ ‫ ﻓ ﺈ‬،‫ﺑﻌﺾ اﻟﺤﺎﻻت اﻻﺳﺘﺜﻨﺎﺋﻴﺔ واﻟﺘﻲ ﻳﺘ ّﻢ ﻓﻴﻬ ﺎ إﻋ ﻼم اﻟﻤﻌﻨ ﻲ ﺑ ﺎﻷﻣﺮ آﺘﺎﺑﻴ ﺎ ﺑﺎﻟﺘﻤﺪﻳ ﺪ ﻟﻔﺘ ﺮة ﻣﺤ ﺪودة‬
."‫اﻹدارة ﻟﺬﻟﻚ اﻷﺟﻞ ﺑﺼﻔﺔ ﻏﻴﺮ ﻣﻌﻘﻮﻟﺔ دون ﺳﺎﺑﻖ إﻋﻼم ﻳﺘﺮﺗﺐ ﻋﻨﻪ ﻓﺴﺎد ﻋﻤﻠﻴّﺔ اﻟﺘﻮﻇﻴﻒ‬
TA. Cass. Req. N°33257 du 28 Avril 2003.
TA. cass. Req. N°34094 du 23 Février 2004.
329
La clôture de la vérification fiscale
dépassement, le juge pourrait prononcer la nullité de l'opération
d'imposition27.
21- Il est vrai que le CDPF en limitant la durée de vérification
n'a pas prévu la possibilité de prorogation contrairement à l'ancienne
charte du contribuable ce qui nous amène à s'interroger sur l'intention
du législateur. Est-ce qu'il a voulu par ce silence de limiter la
possibilité de prorogation de la durée de vérification ou s'agit-il d'une
simple omission?
Il semble que le législateur a eu l'intention d'écarter toute
possibilité de prolongation de la durée de vérification parce qu'il n'a
pas consacré l'ancienne solution prévue par la charte et qui ouvre à
l'administration fiscale la possibilité d'allonger la période de
vérification par le moyen de prorogation. Cependant, et pour protéger
les contribuables contre les prolongations arbitraires de l'administration fiscale, le législateur aurait dû prohibé expressément toute
possibilité de prorogation de la durée de vérification afin de limiter le
pouvoir d'appréciation de l'administration fiscale et même du juge.
22- Certes, l'article 40 CDPF constitue le premier texte
législatif qui fixe une durée limitée de vérification et nul ne peut
ignorer la volonté des pouvoirs publics de mettre fin à l'incertitude de
l'opération de vérification. Néanmoins, et sans parler de l'augmentation de la durée de vérification par rapport à l'ancienne charte du
contribuable, le CDPF n'a pas réussi à limiter réellement le cadre
temporel de la vérification approfondie surtout qu'il a prévu une
exception au principe de limitation de la durée de vérification en vertu
de laquelle il permet de franchir la durée légale de vérification par le
biais de l'interruption.
23- En effet, le dernier paragraphe de l'art. 40 du CDPF stipule
que « ne sont pas prises en compte pour le calcul de cette durée, les
interruptions de la vérification intervenues pour des motifs attribués
au contribuable ou à l'administration et ayant fait l'objet de
correspondances sans que la durée totale de ces interruptions puisse
excéder soixante jour ».
27
Voir infra partie II, Paragraphe B.
330
La clôture de la vérification fiscale
Tout d'abord, il est à signaler que cet alinéa semble utiliser un
terme inadéquat: celui de l'interruption au lieu d'employer le terme
suspension. Par définition, l'interruption ne tient pas compte, lors de la
reprise de l'opération, du temps déjà écoulé avant sa survenance et un
nouveau délai commence à courir pour la même durée. Alors que la
suspension est considérée comme un temps d'arrêt28 qui n'a pas pour
effet d'anéantir la période déjà écoulée avant sa sur survenance.
D'après les dispositions de l'article 40 du CDPF il s'avère que
le législateur, en employant le terme interruption, voulait dire en
réalité suspension.
24- La prorogation par l'effet de suspension29 entraîne alors
l'extension de la durée de l'opération de vérification mais la « durée
effective de vérification » telle que prévue par l'article 40 du CDPF
désigne la période réelle dans laquelle s'exerce la vérification. Ainsi
par exemple une période de six mois qui commence à courir à compter
de la date de son commencement mentionnée dans l'avis de
vérification ou constaté par un procès verbal (lorsque la vérification
est différée) jusqu'à la notification des résultats sans prendre en
compte les périodes de suspension. L'opération de vérification peut
alors s'étaler sur une période de huit mois qui est manifestement très
longue.
Si la prorogation de la durée de vérification par l'effet de
suspension parait, à certains égards, incompatible avec le principe de
la limitation de la durée effective de la vérification, le plafond de 60
jours de suspension représente par ailleurs une garantie de nature à ne
pas laisser la vérification, en principe, sans limite. Mais il y a lieu de
préciser qu'en droit français la solution retenue est plus protectrice des
droits de contribuable que celle consacrée en droit tunisien. En effet,
la durée de vérification sur place est plus courte et elle n'est pas
susceptible ni de suspension ni de prolongation30. En outre le LPF a,
28
29
30
La jurisprudence a utilisé le terme suspension, Voir TA. Cass. Req. n° 34778 du
28 juin 2004, Société générale de transport rural / Direction générale du
contrôle fiscal.
Le refus du contribuable de communiquer les documents comptables à
l'administration fiscale peut suspendre l'opération de vérification pour des
raisons imputables au contribuable. Voir, TA. Cass. Req. n° 34778 du 28 juin
2004, Société générale de transport rural / Direction générale du contrôle fiscal.
Art. L 52 du LPF.
331
La clôture de la vérification fiscale
contrairement au CDPF, prévu expressément la sanction du non
respect de cette garantie à savoir la nullité des impositions alors qu'en
droit tunisien, la détermination de la sanction relevait du pouvoir du
juge fiscal.
25- L'extensibilité de la durée de vérification peut résulter
également du fait que la durée de six mois fixé par l'article 40 lorsque
la vérification s'effectue sur la base d'une comptabilité tenue
conformément à la législation en vigueur peut être facilement écartée
au profit de celle d'une année. Ainsi, l'administration fiscale n'est
tenue de respecter la durée de six mois que lorsque la comptabilité est
tenue conformément à la législation en vigueur. Or « si sur le plan
comptable, le législateur a défini les conditions et caractères qu'une
comptabilité doit remplir, sur le plan fiscal, le législateur a gardé le
silence à cet égard, il n'a pas énoncé d'une manière spécifique les
motifs du rejet de la comptabilité »31. L'imprécision des critères du
rejet de la comptabilité sur le plan fiscal « ne fait que conférer à
l'administration un pouvoir discrétionnaire trop large »32. Elle peut,
ainsi, rejeter la comptabilité, objet de vérification, en raison des
irrégularités minimes et par conséquent elle va écarter la durée de six
mois pour celui d'une année. Il en résulte que « le délai de six mois
risque, dans presque la totalité des cas, d'être écarté au profit de celui
d'une année puisque l'exigence d'une comptabilité tenue
conformément à la loi demeure la condition sine qua non pour
bénéficier du délai de six mois. Or, la comptabilité sera toujours
rejetée pour une raison ou une autre pour que l'administration fiscale
puisse appliquer le délai d'une année »33.
26- L'administration fiscale est également en droit de recouvrir
aux présomptions de droit et de fait34 même lorsque la comptabilité ne
présente aucune irrégularité et elle bénéficiait alors de la durée d'une
année. L'utilisation simultanée des bases comptables et extra-
31
32
33
34
A. Abouda, "Code des droits et procédures fiscaux: contrôle, contentieux et
sanction, IORT 2001, Tunis, p 10.
Fayçal Derbel, "Comptabilité et vérification fiscale", RCF n° 49, 3ème trimestre
2000.
S Rezgui, "Code des droits et procédures fiscaux", Op. Cit. p. 85.
Art. 38 al. 1 du CDPF.
332
La clôture de la vérification fiscale
comptable35 peut être déduite à travers la note commune n°33 de
l'année 2002 qui avait considéré que « la vérification approfondie
effectuée sur la base de la comptabilité n'excluait pas le recours aux
présomptions de droit ou de fait et à tout autre moyen de preuve
pouvant être admis à cet effet ». Le recours parallèle aux éléments
comptables et extra-comptables peut-il être un moyen pour
l'administration pour bénéficier de la durée d'un an au lieu de six
mois? Face aux pouvoirs d'appréciation étendus de l'administration
fiscale, il est facile de prétendre que la vérification approfondie ne
s'effectue pas sur la base de la comptabilité uniquement mais aussi sur
la base de présomptions surtout que ces dernières peuvent être sous
forme d'indices théoriques qui résultent des études faites par
l'administration elle-même. Dans ces conditions, la durée de vérification sera tributaire de l'appréciation de l'administration fiscale ce qui
pourrait être d'incertitude pour le contribuable.
Le statut précaire du contribuable lors de la vérification n'est
pas dû uniquement à l'extensibilité de la durée de vérification mais
également à l'incertitude des effets de la clôture.
II- INCERTITUDE QUANT AUX EFFETS JURIDIQUES
27- La clôture de la vérification, à l'instar de la prescription, à
pour finalité d'éteindre en principe l'action de l'administration en
limitant ses pouvoirs de contrôle dans un laps du temps déterminé par
la loi. Cependant, la clôture formelle par l'envoi d'un avis de
notification des résultats de vérification n'empêche pas l'administration fiscale de renouveler dans des cas exceptionnels l'opération de
35
La position des tribunaux n'est pas unanime sur la manière d'interpréter l'article
38CDPF. A cet égard, certains tribunaux autorisent le recours simultané aux
éléments comptables et extra-comptables alors que certains autres l'interdisent
carrément lorsque la comptabilité est régulière. Le tribunal de première
instance de Tunis a confirmé la possibilité de recourir aux éléments extracomptables même en présence d'une comptabilité régulière. (tribunal de
première instance de Tunis, req. n° 674 du 10 juin 2004). Alors que le tribunal
de première instance de l'Ariana estime que préalablement à la mise en œuvre
de redressement extracomptable, l'administration doit prouver l'insincérité de la
comptabilité. (Tribunal de première instance de l'Ariana, req. n° 55 du 19 avril
2003. Pour plus de précision voir Faez Choyakh, "L'article 38 du CDPF et la
possibilité de recours simultané aux éléments extra_comptables dans le cadre
d'une comptabilité régulière", RCF n° 71, p. 37.
333
La clôture de la vérification fiscale
vérification ce qui est de nature à mettre en cause le caractère définitif
de l'opération de vérification (A). L'efficacité douteuse de la limitation
de la durée de vérification est également due à l'absence d'une
consécration législative d'une sanction du dépassement du délai légal
de la vérification (B).
A- Possibilité de réouverture de la vérification
28-Le caractère définitif de la vérification implique
l'interdiction des vérifications successives qui apparaît comme la
conséquence de la limitation de la durée des opérations de vérification.
« Autrement dit, il n'a pas de sens de cantonner l'action des
vérificateurs dans une période déterminée, alors que ceux-ci peuvent
procéder à des nouvelles vérifications de deuxième degré »36. On peut
ainsi déduire que le bien fondé du principe de l'interdiction des
vérifications successives se trouve donc rattaché à la notion
d'achèvement de la première vérification37.
29-L'article 38 alinéa 2 du CDPF dispose que
« l'administration fiscale ne peut procéder à une nouvelle vérification
approfondie du même impôt et pour la même période… ». En vertu de
cet article le législateur a énoncé un principe selon lequel lorsqu'une
vérification approfondie est achevée pour une période déterminée et
au regard d'un impôt, droit ou taxes données, l'administration ne peut
pas procéder à une nouvelle vérification des mêmes impôts et pour la
même période. Cette règle trouve sur fondement dans la nécessité
d'assurer au contribuable la stabilité juridique et financière, principe
essentiel du droit fiscal qui a été consacré par la jurisprudence fiscale
tunisienne38. La sécurité juridique est une condition inévitable au
développement de toute activité économique. Or si on permet à
l'administration fiscale de renouveler la vérification approfondie pour
36
37
38
Habib Ltifi, "La protection du contribuable en matière de contrôle fiscal",
Mémoire de DEA, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, Tunis
II, 1997-1998, p.37.
Tarek Drira, "La vérification fiscale", Mémoire de DEA 2002, 2003 Faculté de
Droit de Sfax, p.140.
Le tribunal de Sfax a posé le principe de la sécurité juridique en tant que
fondement de l'interdiction du recours à des vérifications successive. Voir
tribunal de Sfax, (chambre fiscale), rep. N°126 du 15 Juillet 2002, F.B/Centre
régionale du contrôle fiscal.
334
La clôture de la vérification fiscale
le même impôt et pour la même période suivie d'éventuels
redressements, le contribuable se trouve alors dans une situation de
vérification continue qui va entraver le fonctionnement normal de son
activité. En outre « le contribuable ne peut plus planifier correctement
ses activités puisque les décisions économiques ne peuvent être prises
qu'en se basant sur des données certaines et précises. La menace
constante d'un nouveau redressement est incompatible avec la
planification économique »39.
D'autre part, les vérifications successives peuvent générer,
selon les termes du jugement du tribunal de Sfax, une pression
psychologique chez le contribuable40 qui peut avoir « l'impression
d'être un condamné »41.
30-Cependant, à l'instar de l'ancienne charte du contribuable, le
CDPF accorde à l'administration fiscale la possibilité de réviser les
résultats aux quelles donne lieu la vérification. Seulement, cette possibilité a été limitée par les dispositions de l'article 38 susmentionné.
Lorsque l'administration procède à une vérification approfondie, il lui
est interdit de la recommander en égard au même impôt et au titre de
la même période du contrôle sauf si l'administration dispose des
renseignements touchant à l'assiette et à la liquidation de l'impôt et
dont elle n'a pas eu connaissance précédemment. Cette disposition
pose à la fois un principe et une exception. Le principe est celui de
l'interdiction du recours à une deuxième vérification concernant le
même impôt et pour la même période de contrôle. L'exception
consiste dans la possibilité de reprise de la vérification approfondie si
l'administration dispose de nouveaux renseignements touchant
39
40
41
Ramzi Ben Deya, "Les garanties du contribuable lors de la vérification fiscale",
Mémoire DEA, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, Tunis,
2003-2004, p.19.
Le tribunal de Sfax précise dans son jugement du 15 Juillet 2002 précité:
‫ م ح ا ج ﻳﺸ ﻜّﻞ ﺿ ﻤﺎﻧﺔ أﺳﺎﺳ ﻴّﺔ ﻟﻠﻤﻄﺎﻟ ﺐ ﺑ ﺎﻷداء ﻧﺰّﻟﻬ ﺎ‬2 ‫ ﻓﻘﺮة‬38 ‫ن اﻟﻤﺒﺪأ اﻟﻤﻜﻮن ﺻﻠﺐ اﻟﻔﺼﻞ‬
ّ ‫"وﺣﻴﺚ أ‬
‫اﻟﻤﺸﺮّع ﻣﻨﺰﻟﺔ اﻟﻘﺎﻋﺪة اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﺔ اﻟﺘﺸﺮﻳﻌﻴﺔ ﺑﻌﺪ أن آﺎﻧﺖ ﻣﻜﺮّﺳﺔ ﺻﻠﺐ ﻣﻴﺜ ﺎق اﻟﻤﻄﺎﻟ ﺐ ﺑ ﺎﻷداء ﺑﺎﻋﺘﺒ ﺎر أﻧّﻬ ﺎ‬
‫ﻞ ﻋﻤﻠﻴّﺔ ﻣﺮاﺟﻌﺔ ﻣﻦ‬
ّ ‫ﺗﺤﻤﻲ اﻟﻤﻄﺎﻟﺐ ﺑﺎﻷداء ﻣﻦ اﻟﺨﻀﻮع ﻟﻤﺮاﻗﺒﺎت ﻣﺘﻼﺣﻘﺔ وﻣﺘﺘﺎﻟﻴﺔ ﻣﻊ ﻣﺎ ﺗﻨﻄﻮي ﻋﻠﻴﻪ آ‬
‫ن هﺬﻩ اﻟﻘﺎﻋﺪة ﺗﺴﺎﻋﺪ ﻋﻠﻰ ﺗﺤﻘﻴﻖ اﻻﺳﺘﻘﺮار اﻟﻘﺎﻧﻮﻧﻲ واﻟﻤﺎﻟﻲ اﻟﻀﺮورﻳﻴﻦ ﻟﻨﺸﺎط‬
ّ ‫ﺿﻐﻂ ﻧﻔﺴﺎﻧﻲ ﻓﻀﻼ ﻋﻦ أ‬
."‫اﻟﻤﻄﺎﻟﺐ ﺑﺎﻷداء‬
A. Abitain – M Sierazeck, "Les garanties des contribuables dans les procédures
d'imposition.
335
La clôture de la vérification fiscale
l'assiette et la liquidation de l'impôt42. Cette exception est doublement
conditionnée: il faut de nouveaux renseignements obtenus après la
notification des résultats de vérification d'une part et que ces
informations touchent à l'assiette et à la liquidation d'autre part43.
31-Si à travers cette exception, le législateur tend à préserver
les intérêts de l'Etat44, cette reprise exceptionnelle de la vérification
approfondie va à l'encontre de la stabilité et de la tranquillité de
l'entreprise. Elle est « donc de nature à perpétrer l'insécurité du
contribuable et sa crainte d'être exposé à un nouveau dérangement
voir à l'arbitraire »45. D'autant plus l'article 38 n'a pas prévu
suffisamment de garanties pour le contribuable lors de la reprise de la
vérification approfondie. Ainsi, cet article suscite trois remarques.
32-La première remarque concerne, les procédures à suivre
lors de la deuxième vérification, la question est de savoir si
l'administration est tenue de respecter toutes les procédures imposées
lors d'une vérification de premier degré c'est à dire l'envoi d'un avis de
vérification sur place et la durée de clôture de la vérification. L'article
38 du CDPF est ambiguë à cet égard, il n'a pas prévu les procédures à
respecter lors de la deuxième vérification. Cependant, à travers les
articles 39 et 40 du CDPF, relatifs à l'avis de vérification, et au lieu et
durée de vérification on constate que le législateur a utilisé un terme
général à savoir « la vérification approfondie » sans aucune distinction
entre une vérification initiale et une vérification de second degré ce
qui implique à priori qu'il s'agit des mêmes garanties.
En outre, et d'après les réponses du ministre lors des débats
42
43
44
45
Cette possibilité affecte à l'administration n'est pas une nouveauté du CDPF,
elle a été prévue dans l'ancienne charte du contribuable qui a prévoit dans son
chapitre 1er "En général, la vérification dont vous avez fait l'objet est définitif,
toutefois, et au cas où l'administration dispose de renseignements
supplémentaires ayant une incidence sur la base de l'impôt ou sur sa liquidation
mais n'ayant pas été pris en considération lors de la vérification initiale, elle
peut procéder à une vérification de second degré à la lumière des nouvelles
données".
C'est le cas par exemple lorsque l'administration fiscale obtient une nouvelle
information en exerçant son droit de communication.
Délibération parlementaire n°39, Séance du 26-07-2000, p. 1879, 1923 et 2103.
R. Yaich, "Intervention lors du congrès de l'ordre des experts comptables de
Tunisie", RCF n°18, octobre 1992, p. 99.
336
La clôture de la vérification fiscale
parlementaires « le renouvellement de la vérification approfondie
prévue dans l'article 38 du projet du code est soumis à toutes les
procédures applicables à la première vérification relatives notamment
à l'avis préalable, à la notification des résultats de la vérification, à la
réponse du contribuable et aux recours juridictionnels. Et ainsi le
renouvellement de la vérification approfondie offre les mêmes
garanties que la première vérification »46.
33-La deuxième remarque est relative à la condition posée par
l'article 38 et qui accorde un pouvoir discrétionnaire à l'administration
pour apprécier le caractère nouveau des renseignements non révélés à
sa connaissance. La question qui se pose est celle de savoir si
l'administration est tenue d'apporter la preuve du caractère nouveau
des renseignements utilisés comme base de reprise de la vérification.
En l'absence d'une précision législative, le tribunal de Sfax a
comblé cette insuffisance en instituant une obligation à la charge de
l'administration qui consiste à prouver l'existence de nouveaux
renseignements touchant l'assiette et les modes de liquidation pour
pouvoir appliquer l'exception prévue par l'article 38 al 2 CDPF. Cette
condition exigée est de nature à limiter le recours arbitraire à des
vérifications successives.
A défaut de preuve, il est interdit à l'administration fiscale de
reprendre une nouvelle vérification approfondie de la situation fiscale
du contribuable pour la même période et du titre des mêmes impôts47.
Cette solution, qui tend à protéger le contribuable et d'assurer sa
sécurité juridique et financière, devra être confirmée pour valoir
comme jurisprudence.
34-La troisième remarque est relative au nombre de fois où
l'administration peut renouveler la vérification suite à l'obtention de
nouveaux renseignements. L'article 38 CDPF ne prévoit aucune
46
47
JORT, Discussions de la chambre des députés, n°39 du 26-07-2000, p. 1994.
Le tribunal de Sfax a précisé que:
‫"وﺣﻴﺚ ﻟﻢ ﺗﺜﺒﺖ ﺟﻬﺔ اﻹدارة وﺟﻮد ﻣﻌﻠﻮﻣ ﺎت ﻟﻬ ﺎ ﻣﺴ ﺎس ﺑﺄﺳ ﺎس اﻷداء واﺣﺘﺴ ﺎﺑﻪ ﻟ ﻢ ﻳﺴ ﺒﻖ ﻟﻬ ﺎ اﻟﻌﻠ ﻢ ﺑﻬ ﺎ‬
‫ م ح ا ج وﻳﺠ ﻮز إﺟ ﺮاء ﻣﺮاﻗﺒ ﺔ ﺛﺎﻧﻴ ﺔ‬38 ‫ﺣﺘ ﻰ ﻳﻤﻜ ﻦ ﺗﻄﺒﻴ ﻖ اﻻﺳ ﺘﺜﻨﺎء اﻟ ﻮارد ﺑ ﺎﻟﻔﻘﺮة اﻟﺜﺎﻧﻴ ﺔ ﻣ ﻦ اﻟﻔﺼ ﻞ‬
."‫ﺑﺨﺼﻮص ﻧﻔﺲ اﻷداء وﺑﻌﻨﻮان ﻧﻔﺲ اﻟﻤﺮّة‬
Voir également: Tribunal de Sfax, rep. N°64 du 16 Avril 2003, société SOFAM
/ Centre régional du Contrôle fiscale de Sfax.
337
La clôture de la vérification fiscale
limite48 et par conséquent l'administration peut renouveler la vérification chaque fois où il y a de nouveaux renseignements. Cette situation
peut aboutir à l'interminable vérification fiscale49ce qui fait perdre à la
notion de clôture de vérification toute sa signification et sa portée.
35-En droit français, la garantie offerte au contribuable lors de
la clôture de vérification diffère selon la forme de vérification mise en
œuvre. Aux termes de l'article 51 du LPF l'achèvement d'une
vérification de comptabilité interdit son renouvellement pour la même
période et s'agissant des mêmes impôts. En revanche la garantie est
plus efficace lorsqu'il s'agit d'examen de la situation fiscale
personnelle dans la mesure où l'article 50 de la LPF prohibe à
l'administration de procéder à des nouveaux redressements pour la
même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable ne
lui ait fourni des éléments incomplets ou inexacts.
36- L'article 46 du CDPF apporte, lui aussi, une autre
exception au principe du caractère définitif de la vérification qui peut
produire les mêmes effets pourvus que ceux de l'article 38
susmentionné. En effet, et en cas de redressement de la situation
fiscale du contribuable, celui-ci « ne sera pas certain que les
suppléments d'impôts dont il a discuté avec le vérificateur seront
définitifs »50. L'article 46 du CDPF permet à l'administration de
procéder à une réduction ou à un rehaussement des résultats de
vérification dans deux hypothèses. La première concerne les erreurs
matérielles qui ont affecté l'imposition initiale et la deuxième
concerne le cas où l'administration « dispose de renseignements
touchant à l'assiette ou à la liquidation de l'impôt et dont elle n'a pas
eu connaissance précédemment ».
48
49
50
La seule limite est la prescription mais il y a lieu de préciser que l'acte de
communication du résultat de vérification interrompt la prescription alors que
selon le régime antérieur au CDPF, l'interruption de la prescription se réalisait
par la notification de l'arrêté de taxation d'office.
Voir dans ce sens Tarek Drira "La vérification fiscale" Mémoire précitée,
p.139.
Tarek Drira, "La vérification fiscale", Mémoire précité, p. 143.
338
La clôture de la vérification fiscale
37-La révision des résultats de vérification51 est une procédure
complexe et elle aboutit aux mêmes résultats prévus par l'article 38 du
CDPF, mais avec moins de garanties52. L'administration peut, par
arrêté de taxation d'office, rehausser les montants exigés même après
le prononcé du jugement de première instance ce qui peut « remettre
en cause des décisions de justice et à instaurer un contrôle fiscal
continu et pratiquement interminable. Cet article 46 est loin de
sécuriser le contribuable »53.
En dépit des problèmes découlant de l'application de cet article
et malgré l'absence de son intérêt le gouvernement, lors de l'adoption
du CDPF, a refusé sa suppression54. Un auteur a souligné dans ce sens
que « par cet article le législateur ne souhaite pas que la procédure
de vérification et de taxation soit achevée et il ajoute que "le moins
qu'on puisse dire, c'est que l'article 46 est lourd par ses conséquences
néfastes et par ses complications injustes »55.
38-La possibilité de révision des résultats de vérification
offerte à l'administration fiscale par le biais de l'article 46 du CDPF
altère sensiblement le caractère définitif de la vérification et rend la
date de clôture de celle-ci de plus en plus incertaine.
39-A côté de ces limites législatives au caractère définitif de la
vérification, l'administration fiscale fait souvent recours à des
vérifications déguisées56. Cette pratique est de nature à permettre à
l'administration de ne pas être contrainte à respecter certaines
garanties accordées au contribuable lors de la vérification approfondie.
51
52
53
54
55
56
Pour plus de précision voir, Ramzi Ben Beya, "Les garanties du contribuables
lors de la vérification fiscale", Mémoire précité, p. 31.
Abouda (A), "Le code des droits et procédures fiscaux: Contrôle, contentieux et
sanctions", JORT, 2001, Tunis, p. 136..
Néji Baccouche, "L'environnement fiscal de l'entreprise à l'heure de
l'internationnalisation de l'économie: Le cas tunisien", Etudes juridiques, n°10,
Faculté de droit de Sfax,2003, p. 97.
Les députés ont soulevé les difficultés d'application de l'article 46 et ils ont
demandé sa suppression. Voir JORT, Discussions de la chambre des députés
n°39, p. 1926 – 1999.
S. Rezgui, "Code des droits et procédures fiscaux", Op. Cit, p.94.
La vérification déguisée signifie "une vérification approfondie dissimulée sous
l'apparence de l'exercice du droit de communication ou de contrôle sur pièces",
Fouquet (o), concl. Sans CE 22 Décembre 1989, DF 1990, n°19 comm. 926.
339
La clôture de la vérification fiscale
Il s'agit notamment de l'interdiction des vérifications successives.
En principe, en cas d'achèvement de la première vérification
approfondie, l'administration n'est pas en droit de renouveler la
vérification fiscale du même impôt et pour la même période du
contrôle57. Néanmoins, la jurisprudence a consacré le principe de
l'indépendance de la procédure de vérification préliminaire par rapport
à la vérification approfondie. Il est en effet possible de procéder à une
vérification approfondie suite à une vérification préliminaire58.
En outre, lorsque l'administration fiscale reprend l'opération de
vérification mais sous l'apparence de l'exercice du droit de
communication, on ne peut pas lui reprocher le non respect du
principe de l'interdiction des vérifications successives.
Il en résulte que le droit de communication exercé
postérieurement à l'achèvement de la vérification approfondie est de
nature à compromettre les garanties accordées au contribuable
notamment celles relatives à la durée de vérification qui risque d'être
étalée dans le temps et la clôture de la vérification ne pourrait être que
formelle.
Une telle pratique est incompatible avec le principe de la
sécurité fiscale du contribuable car elle consacre l'interminable
contrôle fiscal et on est en droit de s'interroger quelle pourrait être
l'attitude du juge fiscal face à l'inobservation du principe de limitation
de la durée de vérification surtout en l'absence d'une sanction
législative.
B- Absence d'une sanction légale du non respect de la date
de clôture de vérification fiscale
40-L'importance des prérogatives accordées à l'administration
fiscale lors de la vérification doit être en principe compensée par un
contrôle juridictionnel qui assure une protection aux libertés
individuelles du contribuable. Néanmoins la situation juridique du
contribuable lors de la vérification fiscale demeure précaire et
imprécise en l'absence d'une consécration légale d'une sanction de
l'inobservation des garanties offertes au contribuable. Le laconisme de
la loi sur la sanction encourue en cas du non respect de la durée de
57
58
Art. 38 CDFP
Tribunal de Sfax, req. n° 177 du 22 octobre 2003, Sté (…) / Centre régional de
contrôle fiscal de Sfax.
340
La clôture de la vérification fiscale
vérification réduit sensiblement l'efficacité de cette garantie.
En droit français, le LPF a, contrairement au CDPF, prévu
expressément la sanction du non respect de la durée légale de
vérification à savoir la nullité d'imposition. Mais en droit tunisien, la
détermination de la sanction de l'irrégularité de l'opération de
vérification relève du pouvoir du juge qui a manifesté une attitude peu
favorable à la sécurité du contribuable.
D'abord, la jurisprudence tunisienne59 a considéré que le
dépassement de la durée de vérification ne constitue pas une violation
des formalités substantielles60 surtout que le législateur n'a pas prévu
expressément la nullité de l'imposition. Il en résulte que le
dépassement raisonnable de la durée de vérification n'a pas pour effet
d'annuler l'opération de vérification61. Ainsi, le moyen de défense tiré
du dépassement de ce délai par le fisc doit être invoqué tout d'abord
devant le juge de fond. A défaut, le contribuable ne peut pas l'invoquer
pour la première fois devant le juge de cassation et ce dernier ne peut
pas non plus l'invoquer d'office62.
Cette solution n'est pas propre au droit tunisien, en droit
français également les juges ne se reconnaissent ni le droit ni le
pouvoir de soulever d'office un moyen fondé sur un vice de forme ou
de procédure dès lors qu'un requérant n'en a pas formulé la demande.
Ainsi, en ce qui concerne les vérifications, les moyens relatifs à une
59
60
61
62
Tribunal de Sfax, req. n° 78 du 18 janvier 2003, Z / Centre régional du contrôle
fiscal de Sfax
La définition classique d'une formalité substantielle est celle formulée par le
Président Odent qui affirmait que " la formalité est réputée substantielle ou bien
si elle peut avoir une influence sur le sens de la décision à prendre ou bien si
elle constitue une garantie pour les intéressés", "Contentieux administratif", les
cours de droit, 1970-1971, p.1450.
R. Chapus considère que ne constituent pas une formalité substantielle, les
formalités qui " ne sont pas de nature, ni à avoir une incidence sur la décision à
prendre, ni à conférer des garanties à ceux que la décision concernera", "Droit
administratif général", 15ème édition, Montchrestien, n° 1225.
Le dépassement du délai de 4 mois de 8 jours est un dépassement raisonnable
qui n'entraîne pas l'annulation de la décision de taxation d'office tant que le
contribuable n'a pas prouvé l'existence d'un préjudice dû à ce dépassement. Voir
TA. Cass. Req. n°34094 du 23 février 2004, Société de transport de
marchandises / Direction générale du contrôle fiscal.
T.A. cass. Req. n° 33759 du 7 juillet 2003, Boubaker Ben Taïeb / Direction
générale du contrôle fiscal.
341
La clôture de la vérification fiscale
violation des articles L 47, L51 et L52 du LPF ne sont pas reconnus
d'ordre public63.
Ensuite, le juge a parfois exigé la preuve de l'existence d'un
préjudice dû au dépassement du délai de la vérification pour
prononcer la nullité de l'opération de vérification. Or l'exigence de
grief pourrait poser des problèmes de preuve pour le contribuable
surtout que le préjudice causé est souvent lié aux perturbations qui
peuvent surgir dans l'activité du contribuable et qui ne sont pas
toujours facile à prouver. En outre, le préjudice réel n'est pas matériel
mais il est plutôt moral dû à la menace constante d'un nouveau
redressement même après la clôture formelle de la vérification. La
charge de preuve qui incombe au contribuable pourrait constituer un
obstacle pour réclamer son droit à la sécurité juridique.
Cependant, la position du juge été plus rigoureuse en ce qui
concerne l'application du principe le l'interdiction des vérifications
successives. Dans plusieurs affaires, le juge à prononcer la décision de
la nullité des impositions au motif du non respect de l'interdiction de
renouvellement de la vérification prévue par l'article 38 du CDPF.
Mais, la question est de savoir si l'interdiction de l'article 38 peut jouer
lorsque la première procédure de vérification a été annulée. En
principe, l'annulation d'une procédure est de nature d'anéantir tous ses
effets. Par conséquent, la vérification annulée ne peut pas faire
obstacle à une nouvelle vérification portant sur le même impôt et la
même période de contrôle. Il a été soutenu en ce sens que
« l'annulation pour irrégularité de la procédure d'imposition et le
dégrèvement qui s'en suit pourrait être interprété comme entraînant
l'inexistence rétroactive de la vérification de comptabilité initiale,
donc comme n'interdisant pas une nouvelle vérification puisque ipsofacto elle ne pourrait être qualifiée de seconde vérification »64. Cette
solution n'est pas dans l'intérêt du contribuable qui a déjà subi la
vérification avec toutes les perturbations qu'elle génère. En outre, la
cause de l'annulation de procédure est évidemment commise par
l'administration. Dans ses conditions, il ne serait pas judicieux de faire
63
64
CE 8ème sous sect. 15 mai 1968, n° 69.440: rec, p.310, conclusions Scheltz, DF
1968 /264.
S.R. de Fontaine, " L'opération fiscale: contribution à une théorie de l'action en
procédure fiscale", p. 334.
342
La clôture de la vérification fiscale
supporter au contribuable les conséquences des fautes commises, à
son insu, par l'administration. Le juge a eu l'occasion de prononcer sur
cette question en considérant que même si la première vérification
irrégulière a fait l'objet d'annulation, l'administration fiscale n'est pas
en droit de reprendre la vérification au titre du même impôt et pour la
même période de contrôle65.
65
Tribunal de Sfax, req. n° 126 du 15 juillet 2002.
343