L`ONU au Rwanda : 1990-1994. Les non

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L`ONU au Rwanda : 1990-1994. Les non
L’ONU au Rwanda : 1990-1994. Les non-dits et le paradoxe.
10 MAI 2016
Auteur: Emmanuel Neretse
Les généraux Marcel Gatsinzi, Roméo Dallaire, et Frank Mugambage
Mandatée par les superpuissances qui l’instrumentalisent, l’Organisation des Nations Unies
(ONU a une réussit dans son bilan : celle d’avoir permis la conquête du Rwanda par les
éléments tutsi de l’armée ougandaise en 1994. C’est la seule opération au monde que cette
institution internationale a réussi, puisqu’elle lui a permis d’accorder le pouvoir à un groupe
de son choix. Paradoxe : la même ONU est accusée par le régime qu’il a installé au Rwanda
d’« inaction et de non assistance en personne en danger » etc… Et l’ONU encaisse sans
broncher et même se livre aux séances de « mea culpa » ridicules. Plus l’ONU se livre à
l’auto-flagellation, plus le régime militaire et dictatorial installé à Kigali en juillet 1994 enfonce
le clou par des manœuvres de diversion et le chantage au génocide jusqu’à demander des
comptes à la même ONU qui ne serait pas intervenue pour « arrêter le génocide » en 1994 !
Pour essayer de comprendre ce jeu de dupes, il y a lieu d’analyser de plus près l’action de
l’ONU au Rwanda à cette époque.
Troupes de l’ONU au Rwanda
L’attitude de l’ONU commence à être suspecte après l’invasion du Rwanda par les éléments
tutsi de l’armée régulière de l’Ouganda le 01 octobre 1990. Au lieu de condamner
vigoureusement cette agression avérée d’un pays membre par un autre pays membre,
consigne est donnée à New York pour que le conflit soit considéré comme de « type
interne » et qu’il n’y a pas de menace pour la paix et la sécurité internationale, l’une des
conditions classiques pour toute intervention et médiation de l’organisation. Dans cette
option, l’ONU entend compter sur la diplomatie menée par une organisation régionale, à
savoir l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Comme par hasard, le Secrétaire Général
de cette organisation se trouve être le tanzanien Salim Ahmed Salim très proche des
militaires tutsi d’Ouganda et de Tanzanie tandis que la même OUA est présidée cette année
1990 par Yoweri Museveni , le chef de l’Etat agresseur. L’ONU et l’OUA vont désormais
opérer en toute complicité dans ce dossier. Comme la guerre continuait à faire rage et sur
demande pressante du gouvernement du
Rwanda, le 22 juin 1993, le Conseil de
Sécurité adopta la résolution 846 qui vint
confirmer l’option de l’organisation de ne
s’impliquer que pour aider les agresseurs. Le
Conseil
n’autorisait
qu’une
« Mission
d’observation des Nations Unies OugandaRwanda » (MONUOR) composée de 80
observateurs militaires. Celle-ci ne serait
déployée que le long de la frontière, du côté
ougandais. En fait une façon d’exonérer
l’Ouganda de toute accusation d’agression
tout en continuant à berner le Rwanda.
Jallow, le procureur du TPIR, en compagnie de Paul Kagame
Le côté rwandais serait, quant à lui, surveillé par un Groupe d’observateurs Militaires neutres
(NMOG, Neutral Military Observer Group, GOMN en français) relevant directement de l’OUA,
groupe auquel le Secrétaire Général des Nations Unies adjoignit deux experts militaires
chargés seulement d’apporter une aide logistique pour un déploiement plus rapide du
NMOG. En fait un groupe d’espions officiels au profit des agresseurs que sont les éléments
tutsi de l’armée de l’Ouganda désormais présentés comme une rébellion au nom de Front
Patriotique Rwandais (FPR).
L’implication directe de l’ONU dans ce conflit devenant incontournable avec la signature des
accords d’Arusha le 3 août 1993 qui prévoyaient la mise en place d’une force militaire
internationale de l’ONU, il a fallu deux bons mois avant que le Conseil de Sécurité n’autorise
la mise sur pied d’une « Mission d’assistance des Nations Unies au Rwanda » (MINUAR) .
La mission dévolue à cette MINUAR 1 était très large et on peut considérer que les moyens
mis à sa disposition pour effectuer des tâches aussi diverses que délicates étaient
volontairement dérisoires. La MINUAR ne disposera au maximum que de 2548 hommes
dont 1428 seront déployés dans une première phase. Le déploiement par phase ne débutera
que le 2 novembre 1993. La volonté de réduire au maximum cette force et surtout de
déguerpir dès que les rebelles tutsi seraient à mesure de donner l’assaut final apparait dans
le point 9 de la résolution 872 du Conseil de Sécurité qui en invite le Secrétaire général à s’y
préparer.
Le phénomène « Roméo Dallaire »
Le Commandement militaire de la MINUAR I fut confié à un officier canadien qui comme il
l’avouera lui-même plus tard dans son livre, ignorait tout du Rwanda mais engagé et
fanatisé à outrance. Le général Roméo Dallaire avait en effet été désigné en juin 1993 pour
conduire la Mission d’observation des Nations Unies Ouganda/Rwanda (MONUOR). Il arriva
au Rwanda juste après la signature des Accords d’Arusha pour une mission de
reconnaissance de 12 jours. Il fut spécialement encadré par les gens hostiles au président
Habyarimana dont il était convaincu que c’était un dictateur dont il fallait débarrasser le
Rwanda via les combattants tutsi venus d’Ouganda.[Roméo Dallaire, 2003, p.75-76 ;96 ;100]
Durant ce séjour, il côtoya les figures de proue de l’opposition radicale, de la mouvance du
FPR dont il avait rencontré la direction politique et militaire par l’entremise de Yoweri
Museveni . Depuis lors, il n’a plus caché son admiration pour Paul Kagame.
Lorsqu’il débarque à Kigali le 21 octobre 1993, le général Dallaire est convaincu qu’il vient en
croisade contre une dictature incarnée par Habyarimana. Pour se couvrir diplomatiquement,
il va imposer le concept d’ « extrémistes » pour qualifier tous ceux qui n’étaient pas
d’obédience FPR. Il va aussi se caractériser par une
« indiscipline militaire » incroyable pour un militaire
de son rang en mission de maintien de la Paix de
l’ONU. En effet il va superbement ignorer son chef
politique qui est le Représentant Spécial du
Secrétaire général de l’ONU au Rwanda et va le
court-circuiter jusqu’à adresser directement des
rapports à New York sans l’en informer. Au Rwanda
même, il s’imposa comme le seul interlocuteur
politique que ce soit avec le Président de la
Roméo Dallaire et Paul Kagame
République, les ministres les partis politiques…Bref, il était sorti de son rôle militaire. Le
pauvre diplomate camerounais du nom de Jacques Roger Booh Booh, qui sur papier était
son patron, était perçu par les Rwandais comme étant son chauffeur ou tout au plus son
secrétaire. Le général Dallaire lui-même s’en est vanté.
Les troupes de l’ONU face à la crise : 06 avril 1994
Rappelons qu’à la veille du déclenchement de l’assaut final des éléments tutsi de l’armée
ougandaise pour s’emparer du pays dont le signal fut l’assassinat du Président
Habyarimana, il y avait au Rwanda quelques 2400 casques bleus relevant de 24 nationalités
différentes et dispersés dans différents endroits. Le contingent le plus important est fourni
par le Bangladesh (937) et le Ghana (841). La Belgique avait 428 hommes mais son
contingent constituait sur le plan logistique et politique le noyau dur de la mission. Le 7 avril
1994 dans l’après midi, Paul Kagamé déclara la reprise des opérations sur tous les fronts
dont
celui de Kigali où il avait infiltré des milliers de combattants avec l’aide ou la complicité de la
MINUAR. La réaction de la MINUAR, embrigadée par le général Dallaire, fut de ne rien
entreprendre qui pourrait gêner la progression du FPR ou donner du répit aux FAR. Au
contraire la MINUAR céda les positions stratégiques qu’elle occupait autour de Kigali aux
combattants du FPR en leur laissant des munitions et des rations suffisantes pour y tenir à
outrance en cas de nécessité. Parallèlement le général Dallaire, s’employait à distraire ce qui
restait du commandement des FAR dans des réunions interminables et qui ne décidaient de
rien, ou encore à suivre et même à piloter l’évolution politique comme la mise en place du
gouvernement intérimaire le 09 avril 1994.
Amnésie à New York ou « secrets d’Etats » ?
N’importe quel journaliste d’investigation, pour autant qu’il veuille s’intéresser à cette
accusation redondante comme quoi l’ONU aurait abandonné le Rwanda peut découvrir que
la décision du retrait de la MINUAR prise par New York était dans la ligne de l’option
retenue par l’ONU dictée par les USA, de laisser le FPR remporter une victoire militaire
totale avant toute chose. Par honte ou par mépris de l’opinion, aucune instance de l’ONU
n’ose évoquer l’ultimatum de Paul Kagamé de considérer toute troupe étrangère au Rwanda
en avril 1994 comme « ennemi », ou tout simplement la demande officielle que le FPR a
adressée à l’ONU à New York lui demandant de ne pas intervenir car, prétendait-t-il, il n’y
avait plus aucun Tutsi à sauver. La délégation du FPR était composée de Gerald Gahima et
de Claude Dusaidi, et c’était encore en avril 1994. C’est dans ce cadre qu’il faudrait
comprendre la consigne donnée par Bill Clinton à son administration de ne pas utiliser le
terme de génocide avant la prise complète du pouvoir par le FPR. De même on comprendra
le calvaire du Secrétaire général des Nations Unies Boutros Boutros Ghali incompris et
contrarié par l’américaine Madeleine Albright qui finalement aura sa peau et le remplacera
par le docile Koffi Annan qui justement était au moment de la conquête, le patron du
Département de Maintien de la Paix à qui le Général
Dallaire s’adressait directement de Kigali.
On comprendra aussi pourquoi la proposition de la
France d’établir une « zone humanitaire sure »,
avec la fameuse « Opération Turquoise » fut
d’abord fortement combattue par les parrains du
FPR et qu’elle ne fut autorisée qu’après avoir
donné des garanties qu’elle ne devrait pas
contrarier ou retarder la victoire militaire totale des
éléments tutsi issus de l’armée ougandaise.
Lorsque le régime de Paul Kagamé tire à boulets
rouges sur la France notamment pour cette
opération Turquoise, c’est comme pour dire :
«… on l’a échappé bel, si l’opération Turquoise avait
été autorisée quelques semaines avant que nous,
les combattants tutsi ne nous rendions militairement maîtres du Rwanda, nous serions
soumis à la règle du partage du pouvoir selon les accords d’Arusha comme au Burundi. »
Pour cette appréhension, le régime du FPR en veut à mort à la France, alors que l’opération
« Turquoise » a pu sauver des milliers de tutsi qui étaient condamnés à mourir si les fiançais
n’étaient pas intervenus. Incompréhensible.
Après la conquête du pays par les éléments tutsi de l’armée ougandaise, comme
planifié, l’ONU put revenir !
C’est en considérant la rapidité et la facilité avec lesquelles fut décidée la MINUAR II que l’on
se rend compte que le retrait de la MINUAR I était de permettre au FPR de s’emparer du
pouvoir sans que l’ONU ne soit officiellement témoin des crimes de guerre et crimes contre
l’humanité qui devaient nécessairement accompagner cette conquête. Comme par hasard,
cette MINUAR II fut mise sous le Commandement d’un autre général canadien qui était
justement conseiller militaire au Département de Maintien de la Paix dirigé par Koffi Annan.
La MINUAR II reçut plus de moyens en hommes et en matériels que la MINUAR I alors que
la guerre était finie comme venait de le déclarer le FPR le 17/7/1994. Et pour cause, cette
force avait pour mission non écrite de consolider le nouveau régime. Ce faisant l’ONU venait
de légitimer une conquête militaire d’un pays souverain membre de l’ONU par des éléments
de l’armée d’un autre pays membre aussi de l’ONU. Un précédent historique. Enfin la
MINUAR II devait permettre à la multitude d’ONG d’absorber les capitaux massivement
versés sur le terrain c’est-à-dire dans un Rwanda intentionnellement détruit.
Le TPIR ou un coup de pouce politique de l’ONU au régime illégitime et impopulaire
installé par la force en 1994.
Le Tribunal Pénal International pour la Rwanda fut créé dans la foulée de la conquête du
pays par les éléments tutsi de l’armée ougandaise. Dans sa résolution 955 du 8 novembre
1994, le Conseil de Sécurité de l’ONU instituait ce tribunal ayant sur papier pour mission
d’enquêter et poursuivre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis au
Rwanda et dans les pays voisins entre le 01 janvier et le 31 octobre1994. Mais on se rendra
compte que ce tribunal était un instrument utilisé pour faire taire à jamais les dignitaires de
l’ancien régime renversé en 1994 tout en assurant l’impunité aux criminels tutsi du FPR.
Violation de la souveraineté des Etats voisins couverte par l’ONU
L’ONU qui dans ses missions devrait prévenir les menaces à la paix mondiale et intervenir
en cas de violation se montre dans le cas du régime installé par ses soins au Rwanda
comme complice des crimes de guerre et crimes contre l’humanité du FPR. Les invasions
successives des pays voisins comme la RDC ou la
déstabilisation d’autres comme le Burundi ne sont
jamais condamnées par l’ONU mais au contraire elles
sont occultées quand les victimes ne sont pas
présentées comme des bourreaux (cas du Burundi).
Même quand ses fonctionnaires ou des experts
mandatés par elle incriminent le régime de Paul
Kagamé dans des rapports bien fouillés et tout à fait
crédibles, la même ONU choisit de mettre ces rapports
sous le boisseau ou de renvoyer ces rédacteurs. Ce
fut le sort du « Mapping Report » (août 2010)
concernant les violations les plus graves des droits de
l’homme et du droit international humanitaire commis
Bill Clinton et paul Kagame
entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République Démocratique du Congo,.
L’ONU aide le régime tutsi du FPR à entretenir une armée surdimensionnée
L’armée de Paul Kagamé est passée de quelques centaines de tutsi qui appartenaient à
l’armée régulière ougandaise et qui se sont emparés du Rwanda en 1994 avec l’aide de
l’ONU à une masse de plus de 200.000 hommes (et femmes) sans compter les éléments
supplétifs (milices du parti au pouvoir dite DASSO, démobilisés employés dans des sociétés
de gardiennage etc.) pour un pays d’une population d’un peu plus de 10 millions d’habitants
s’étendant sur seulement 29.338 km², il faut avouer que c’est un peu trop, mais que surtout
n’importe quel gouvernement du monde confronté à une telle situation aurait du mal à gérer :
entretenir, nourrir et équiper une telle armée. Mais pour le cas du Rwanda butin de guerre
offert aux éléments tutsi de l’armée ougandaise par la même ONU, cette organisation est là
pour y subvenir. La solution a été vite trouvée. Il suffit d’engager massivement l’armée de
Paul Kagame dans les missions de maintien de la paix de l’ONU partout à travers le monde.
Ainsi on les retrouve au Darfour, en Centrafrique, au Soudan du Sud, au Mali, en Côte
d’Ivoire , en Haïti etc. De cette façon c’est l’ONU qui paie la solde et les équipements de la
majorité de presque tous les deux cents milles soldats de Paul Kagamé qu’il ne saurait
entretenir autrement avec risque des mutineries pouvant aller au renversement de son
régime pourtant installé par l’ONU.
Attitude du régime tutsi face à l’ONU : un chantage politique et diplomatique
permanent.
Face à cette réalité, comment alors comprendre les larmes de crocodile que verse le régime
de Paul Kagame chaque fois qu’il évoque le rôle de l’ONU alors qu’il apparaît que cette
organisation a permis à cette clique, non seulement la prise du pouvoir par les armes, mais
aussi elle a continué à la soutenir et à lui assurer l’impunité face à ses crimes innombrables.
Pourquoi la même ONU a encaissé sans broncher et s’est mise même à genoux devant
cette clique qu’elle a elle-même mise sur le trône du Rwanda contre toute logique ?
D’après nous, ce chantage politique et diplomatique du régime illégitime du FPR est favorisé
par le fait que :

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Dans les puissances qui dominent l’ONU, les décisions politiques sont dictées par les
lobbies ayant offert le Rwanda aux tutsi : USA, GB, Belgique ;
Certaines de ces puissances n’ont pas de politique étrangère propre et doivent suivre
la ligne de celle du grand allié américain : France, Canada, Pays Bas ,les pays
scandinaves (Suède Norvège, Danemark)


Le deal entre la France et les Etats Unis sur leurs zones d’influence en Afrique
interdit à la France de prétendre encore à une quelconque influence au Rwanda,
tandis qu’il accorde aux anglo-saxons toute la latitude d’y faire ceux qu’ils veulent.
Enfin, c’est une preuve supplémentaire s’il en fallait, que les institutions
internationales bien en vue comme l’ONU et l’UA sont en réalité dans l’étau des
lobbies ayant installé la clique des tutsi venus d’Ouganda au pouvoir au Rwanda.
Emmanuel Neretse
10/5/2015