jan karski (mon nom est une fiction)

Transcription

jan karski (mon nom est une fiction)
JAN KARSKI
(MON NOM EST
UNE FICTION)
D’après le roman de
Yannick HAENEL
Mise en scène et adaptation
Arthur NAUZYCIEL
Création
Festival d’Avignon 2011
Disponible en tournée :
Septembre 2011- Juin 2012
PRODUCTION DELEGUEE
CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL
ORLEANS/LOIRET/CENTRE
Direction Arthur Nauzyciel
Théâtre d’Orléans
Bd Pierre Ségelle
45000 Orléans
Tel : + 33 (0) 2 38 62 15 55
Sophie Mercier, administratrice
[email protected]
Anne Cuisset, secrétaire générale
[email protected]
Presse:
Nathalie Gasser : +33 (0)6 07 78 06 10
[email protected]
COPRODUCTION (en cours)
CDN Orléans/Loiret/Centre
Festival d’Avignon
JAN KARSKI
(MON NOM EST
UNE FICTION)
d’après le roman de Yannick
Haenel
Mise en scène Arthur Nauzyciel
Adaptation Arthur Nauzyciel
Décor Riccardo Hernandez
Assistant décor James Brandily
Lumière Scott Zielinski
Son Xavier Jacquot
Costumes José Lévy
Avec la collaboration artistique de
Damien Jalet
et la participation de l’artiste
Miroslaw Balka
Avec
Arthur Nauzyciel
Laurent Poitrenaux
Alexandra Gilbert
Résumé
Extraits de presse
Varsovie, 1942. La Pologne est dévastée par
les nazis et les Soviétiques. Jan Karski est un
messager de la Résistance polonaise auprès du
gouvernement en exil à Londres. Il rencontre
deux hommes qui le font entrer
clandestinement dans le ghetto, afin qu'il dise
aux Alliés ce qu'il a vu, et qu'il les prévienne
que les Juifs d'Europe sont en train d'être
exterminés.
Jan Karski traverse l'Europe en guerre, alerte
les Anglais, et rencontre le président Roosevelt
en Amérique.
Trente-cinq ans plus tard, il raconte sa mission
de l'époque dans Shoah, le grand film de
Claude Lanzmann. Mais pourquoi les Alliés
ont-ils laissé faire l'extermination des Juifs
d'Europe ?
Ce livre, avec les moyens du documentaire,
puis de la fiction, raconte la vie de cet
aventurier qui fut aussi un Juste.
JAN KARSKI continue de faire résonner un
message qui n'a pas été entendu au moment
décisif. Et sonde les conséquences abyssales de
ce malentendu. Modeste victoire de la
littérature.
(Serge Kaganski - Les Inrockuptibles 18/12/2009)
C'est un livre inoubliable. Ecrit à la mémoire
d'un homme d'une noblesse et d'un courage
exceptionnels, Jan Karski.
(Bernard Loupias - Le Nouvel Observateur 30/09/2009)
Comme un torrent : la force de l'écriture, la
force de conviction d'Haenel sont telles que l'on
ne sait plus au bout de quelques pages si ce
qu'on lit relève de la réalité ou de la fiction.
(Franck Nouchi - Le Monde - 04/09/2009)
... Un roman documentaire audacieux.
(Nathalie Crom - Télérama - 26/08/2009)
JAN KARSKI a reçu le Prix Interallié 2009
et le Prix du Roman Fnac 2009
Yannick Haenel
Né en 1967. Depuis 1997, il dirige avec
François Meyronnis la revue LIGNE DE
RISQUE. Il est l'auteur, notamment, de
CERCLE (Gallimard, 2007), LES PETITS
SOLDATS (La Table Ronde, 1996),
INTRODUCTION A LA MORT FRANÇAISE
(Gallimard, 2001), A MON SEUL DESIR
(Argol, 2005) et EVOLUER PARMI LES
AVALANCHES (Gallimard, 2003).
Il a reçu le prix Décembre 2007 pour CERCLE
et pour JAN KARSKI, les prix Interallié et du
Roman Fnac en 2009.
Arthur Nauzyciel
Né à Paris en 1967. Après des études d’Arts
plastiques et de Cinéma, il entre à l’école du
Théâtre National de Chaillot, dirigé par
Antoine Vitez, qui sera son professeur de 1986
à 1989. Acteur, il joue sous la direction de B.
Bonvoisin, P. Clévenot, A. Françon, J. Nichet,
L. Pelly, D. Podalydès, Tsai Ming Liang, A.
Vassiliev, E. Vigner, J.-M. Villégier...
Artiste associé au CDDB-Théâtre de Lorient,
CDN (direction Eric Vigner), il fonde sa
compagnie à Lorient en 1999 (Compagnie
41751) et y crée sa première mise en scène LE
MALADE IMAGINAIRE OU LE SILENCE DE
MOLIERE d'après Molière et Giovanni
Macchia. Sélectionné dans le cadre du
programme européen AFAA/Générations, le
spectacle est présenté au Théâtre de
l’Ermitage à Saint-Pétersbourg en 2000 et
repris régulièrement depuis sa création, en
France et à l’étranger.
En juin 2003, il crée au CDDB à Lorient, OH
LES BEAUX JOURS avec Marilù Marini,
présenté à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, repris
en 2004 deux mois au Teatro San Martin à
Buenos Aires (prix de la critique du meilleur
spectacle étranger, prix de la meilleure actrice,
nominé pour la meilleure mise en scène) et
présenté à Madrid en 2007.
En 2004, il met en scène salle Richelieu
PLACE DES HEROS de Thomas Bernhard,
avec François Chattot, Catherine Samie,
Christine Fersen, Catherine Ferran. Ce
spectacle marque l'entrée de Thomas Bernhard
au répertoire de la Comédie-Française.
Avec Maria de Medeiros, il collabore à A
LITTLE MORE BLUE un récital autour du
répertoire brésilien de Chico Buarque, Caetano
Veloso, Gilberto Gil (2006).
En 2006, dans le cadre du Centenary Beckett
Festival, il crée à Dublin L’IMAGE de Samuel
Beckett, avec le danseur Damien Jalet et la
comédienne Anne Brochet, présenté ensuite en
Islande en 2007. A l’invitation de la danseuse
et chorégraphe Erna Omarsdottir, L’IMAGE
est repris pour la première fois en France, dans
le cadre du Festival Les Grandes Traversées à
Bordeaux (2007). En septembre 2008, le
spectacle est recréé avec l'actrice Lou Doillon
pour le Festival Crossing the Line à New York.
L’IMAGE est présentée à Orléans pour
l’inauguration de L’Atelier du CDN en 2010.
Parallèlement à sa carrière en France et à
l’étranger, il travaille régulièrement aux
Etats-Unis, où il crée en anglais et avec des
équipes américaines : BLACK BATTLES
WITH DOGS (COMBAT DE NEGRE ET DE
CHIENS) de Bernard-Marie Koltès, au Seven
Stages Theatre à Atlanta en 2001 (présenté à
Chicago en 2004, aux festivals d’Avignon et
d’Athènes en 2006), ROBERTO ZUCCO de
Bernard-Marie Koltès à l’Emory Theater à
Atlanta en 2004 et ABIGAIL’S PARTY de
Mike Leigh en 2007 à l’American Repertory
Theatre à Boston (A.R.T.) où il met en scène
JULIUS CAESAR de Shakespeare en 2008.
Dans le cadre du Festival d’Avignon 2008, il
crée ORDET (LA PAROLE) de Kaj Munk au
Cloître des Carmes. Repris en tournée à
l’automne 2008, le spectacle ouvre la première
saison d’Arthur Nauzyciel en tant que
directeur du CDN Orléans/Loiret/Centre.
En 2009, ORDET (LA PAROLE) est présenté
dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
aux côtés de JULIUS CAESAR de William
Shakespeare.
En 2009, il crée LE MUSEE DE LA MER de
Marie Darrieussecq au Théâtre National
d'Islande, présenté la même année au CDN
d'Orléans. Le spectacle est repris au CDN de
Gennevilliers en février 2011.
Il est invité par Franco Quadri à diriger un
travail avec de jeunes acteurs européens dans
le cadre de l'Ecole des maîtres. Il crée A
DOLL’S HOUSE (UNE MAISON DE POUPEE)
d'Ibsen. Le projet est présenté à Liège, Reims,
Rome et Lisbonne à l’automne 2009.
Il est lauréat de la Villa Médicis hors les
Murs.
Depuis le 1er juin 2007, il dirige le Centre
Dramatique National Orléans/Loiret/Centre.
COLLABORATEURS ARTISTIQUES
Miroslaw Balka / Plasticien
L’œuvre de Miroslaw Balka (Varsovie, 1958),
est essentiellement autobiographique, puisant
dans une histoire marquée par la contrainte
religieuse et politique, mais aussi par des
représentations symboliques et
monumentales.
L’artiste se plaît à rappeler que son grand-père
était sculpteur funéraire, ancrant ainsi dans
l’imaginaire de l’enfant, la mort et, à travers
elle, la mémoire collective.
Étudiant à l’Académie des Beaux-Arts de
Varsovie dans les années 1980, Balka centre
son travail sur le corps humain, figuré par des
moulages, manipulé et modifié, associé à des
objets issus de l’environnement immédiat de
l’artiste, mais évoquant toujours la précarité
et la mort. Par la suite, les installations
prennent un tour monumental, usant de
matériaux simples mais chargés de
significations : cendres, sel, planches de bois,
fils de fer oxydés, briques, papier journal.
Chacun de ces dispositifs consiste en un
agencement précaire d’objets qui sont autant
de traces des corps disparus (cercueil, urne, lit,
chaise) ou de rituels accomplis (bougies, autel,
coffret, livre).
Les formes monolithiques simples qui
ponctuent l’œuvre de l’artiste à partir des
années 1990, parfois interprétées à tort comme
relevant d’une esthétique minimaliste, portent
la double trace de l’histoire personnelle et du
monument.
Dès les années 1980, Miroslaw Balka participe
à de nombreuses expositions de groupe en
Pologne et ailleurs. Il représente son pays lors
de la Biennale de Venise en 1990. L’année
suivante, sa première exposition individuelle
est organisée par la galerie Foksal à Varsovie,
tandis que plusieurs de ses œuvres sont
présentées à Londres, Cologne, Los Angeles,
Krefeld, Chicago. Par la suite Balka participe à
de nombreuses expositions internationales
majeures et entre dans les collections les plus
prestigieuses : Tate Modern, Londres ;
Hirshhorn Museum, Washington ; Stedelijk
van Abbemuseum, Eindhoven.
Sa participation à la création de
JAN KARSKI (MON NOM EST UNE FICTION)
est son premier travail pour le théâtre.
Riccardo Hernandez / Décor
Né à Cuba, il a grandi à Buenos Aires et étudié
à la Yale School of Drama aux Etats-Unis.
A Broadway, il réalise les décors de CAROLINE
OR CHANGE de Tony Kushner,
TOPDOG/UNDERDOG de Suzan-Lori Parks,
ELAINE STRITCH AT LIBERTY (repris au Old
Vic à Londres), PARADE mis en scène par Hal
Prince (nominé aux Tony awards et Drama
Desk).
Les productions auxquelles il a participé ont
été jouées dans les principaux théâtres de New
York et des Etats-Unis : New York
Shakespeare Festival/Public Theater, Lincoln
Center, BAM, Goodman Theatre (Chicago),
Kennedy Center (Washington), Mark Taper
Forum (Los Angeles)...
Au théâtre, il a travaillé avec les metteurs en
scène Robert Woodruff, Ethan Coen, John
Turturro, George C. Wolfe, Brian Kulik, Mary
Zimmerman, Ron Daniels, Liz Diamond, Peter
du Bois.
Pour Arthur Nauzyciel, il a créé les décors de
JULIUS CAESAR de Shakespeare, créé à
l’A.R.T à Boston en 2008.
Il travaille régulièrement pour l’opéra et a
réalisé en 2008 les décors et les costumes de
LOST HIGHWAY mis en scène par Diane
Paulus, d’après le film de David Lynch, sur un
livret de Elfriede Jelinek et Olga Neuwirth,
présenté au Young Vic à Londres.
Scott Zielinski / Lumière
Il a travaillé pour les principaux théâtres de
New York et des Etats-Unis : Classic Stage
Company, Lincoln Center, Manhattan Theater
Club, New York Theater Workshop, Public
Theater… A Broadway, il crée les lumières de
TOPDOG/UNDERDOG de Suzan-Lori Parks à
Broadway.
Il travaille régulièrement à l’étranger, sur des
créations de théâtre, de danse ou d’opéra :
Adelaïde, Berlin, Edimbourg, Hambourg, Hong
Kong, Londres, Oslo, Ottawa, Paris,
Rotterdam, Singapour, Stockholm, Tokyo,
Toronto, Vienne, Zurich…
Pour Arthur Nauzyciel, il a créé les lumières de
JULIUS CAESAR de Shakespeare (A.R.T,
2008) et du MUSEE DE LA MER de Marie
Darrieussecq créé au Théâtre National
d’Islande et au CDN Orléans/Loiret/Centre en
2009.
Xavier Jacquot / Son
José Lévy / Costumes
Il a étudié au Théâtre National de Strasbourg.
Il a régulièrement collaboré avec les metteurs
en scène Eric Vigner, Thierry Collet, Daniel
Mesguich, Xavier Maurel, Stéphane
Braunschweig, et pour des courts et longs
métrages au cinéma, ainsi que des fictions et
des documentaires pour la télévision.
Avec Arthur Nauzyciel, il a créé les bandes
son du MALADE IMAGINAIRE OU LE
SILENCE DE MOLIERE en 1999, BLACK
BATTLES WITH DOGS de Bernard-Marie
Koltès en 2001, OH LES BEAUX JOURS de
Samuel Beckett en 2003 et ORDET en 2008.
Après avoir intégré l'équipe pédagogique de
l'école du TNS, il encadre la formation son des
élèves de la section régie jusqu’en 2008.
Ses premières collections, en rupture avec les
codes de l’époque, s’inspirent de Jacques Tati,
Patrick Modiano ou Jacques Demy et lui
assurent une visibilité immédiate, en France
comme à l’étranger.
Il crée sa maison, José Lévy à Paris, et impose
son univers sur la scène de la mode masculine.
Dans le même temps, il enchaîne des
collaborations marquantes en dirigeant le style
de Holland & Holland, Nina Ricci, Cacharel et
Emanuel Ungaro. Désireux de s’adresser au
plus grand nombre, José Lévy signe également
des collaborations avec Monoprix, La Redoute
ou André. Créateur libre, curieux et éclectique,
jouant sur les notions de familiarité, d’intime,
d’étrange ou de théâtralité souvent piquées
d’ironie, il a collaboré depuis le début de sa
carrière avec de nombreux artistes :
photographes et plasticiens, tels que Jack
Pierson, Gotscho et Nan Goldin, Philippe
Parreno, Jean-Pierre Khazem, les Kolkoz ;
architectes, tels que Xavier Gonzales, ou
musiciens à l’image de Jay Jay Johanson et
Benjamin Biolay...
La création des costumes d’ORDET (La Parole)
mis en scène par Arthur Nauzyciel, fut sa
première collaboration pour le théâtre.
Damien Jalet / Chorégraphie
Chorégraphe franco-belge, il démarre sa
carrière de danseur en 1998 avec Wim
Vandekeybus, LE JOUR DU PARADIS ET DE
L’ENFER. En 2000, il entame une
collaboration assidue avec Sidi Larbi
Cherkaoui en tant qu’artiste associé au sein de
la compagnie des Ballets C. de la B. Ils créent
ensemble RIEN DE RIEN, FOI, TEMPUS
FUGIT, et MYTH. En 2002, avec Cherkaoui,
Luc Dunberry et Juan Cruz Diaz de Garaio
Esnaola il crée D’AVANT pour la Schaubühne
am Lehniner Platz. Il collabore régulièrement
avec Erna Ómarsdottir, OFÆTT (UNBORN),
THE UNCLEAR AGE, TRANSAQUANIA ainsi
que BLACK MARROW pour le Melbourne Arts
Festival avec la compagnie de danse
australienne Chunky Move.
Il travaille avec Arthur Nauzyciel depuis 2006.
Ils ont créé L’IMAGE (2006), il a réalisé les
chorégraphies de JULIUS CAESAR de
Shakespeare (2008), celles d’ORDET (LA
PAROLE) (2008) et du MUSEE DE LA MER
de Marie Darrieussecq (2009) dans lequel il
interprète également le rôle de Bella. Il a créé
sa pièce THREE SPELLS avec la danseuse
Alexandra Gilbert et le musicien électroacoustique Fennesz en 2008. En 2010, il a cocréé la pièce BABEL avec Sidi Larbi Cherkaoui
et Antony Gormley.
DISTRIBUTION
Laurent Poitrenaux
Alexandra Gilbert
Il grandit à Vierzon, arrive à Paris à 18 ans et
entre à l’école de Lucien Marchal, Théâtre en
Actes. Outre quelques apparitions dans des
longs-métrages, notamment TOUT VA BIEN
ON S’EN VA de Claude Mouriéras, son
parcours de comédien l’amène à travailler
essentiellement au théâtre, sous la direction de
Christian Schiaretti (LE LABOUREUR DE
BOHEME de Johannes von Saaz), Thierry
Bedard (L’AFRIQUE FANTOME de Michel
Leiris), Daniel Jeanneteau (IPHIGENIE EN
AULIDE de Jean Racine) et Yves Beaunesne
(ONCLE VANIA de Tchekhov et
DOMMAGE QU’ELLE SOIT UNE PUTAIN de
John Ford).
Il a créé, avec le comédien Didier Galas, un
tour de chant LES FRERES LIDONNE, puis 3
CAILLOUX et LA FLECHE ET LE MOINEAU
d’après Gombrowicz.
Il a joué dans pratiquement tous les spectacles
de Ludovic Lagarde (TROIS DRAMATICULES
de Samuel Beckett, L’HYMNE de György
Schwajda, LE CERCLE DE CRAIE
CAUCASIEN de Bertolt Brecht, FAUST OU LA
FETE ELECTRIQUE, OUI DIT LE TRES
JEUNE HOMME de Gertrude Stein et
RICHARD III de Peter Verhelst) et créé avec
lui plusieurs textes d’Olivier Cadiot : SŒURS
ET FRERES, LE COLONEL DES ZOUAVES,
RETOUR DEFINITIF ET DURABLE DE
L’ETRE AIME, FAIRY QUEEN, UN NID POUR
QUOI FAIRE, UN MAGE EN ETE.
Avec François Berreur il crée EBAUCHE D’UN
PORTRAIT, basé sur le journal de Jean-Luc
Lagarce, pour lequel il reçoit le prix du
Syndicat de la Critique comme Meilleur
comédien de l’année 2008.
De 1989 à 1996, elle poursuit ses études au
Conservatoire Supérieur de Paris, puis au
Centre National de Danse Contemporaine
d'Angers-l'Esquisse.
Elle collabore avec Serge Ricci/Cie Mi-Octobre
depuis plus de 10 ans.
Elle participe à divers projets et performances
avec Marion Lévy, la Cie Cré-Ange, Cyrill
Davy, Joëlle Bouvier/Régis Obadia, Christophe
Haleb, Lionel Hoche, Xavier Lot, Christie
Lehuédé, François Verret.
En 2004, elle rejoint l'équipe de Sidi Larbi
Cherkaoui. Elle y rencontre Erna Omarsdottir
et Damien Jalet, avec lesquels se tisse une
grande complicité qui les réunit sur plusieurs
projets : FOI et MYTH de Sidi Larbi
Cherkaoui, OFÆTT d'Erna Omarsdottir et
Damien Jalet, IL CIELO SULLA TERRA de
Stefano Scodanibbio, THREE SPELLS (VENUS
IN FURS+VENARI+ALEKO) de Damien
Jalet...
En 2007, Arthur Nauzyciel l'invite à participer
à L’IMAGE, un projet créé avec Damien Jalet
et repris à Reykjavik (Islande).
En 2010, elle travaille sur un duo avec le
musicien Christian Fennesz.
Parallèlement à son travail d'interprète, elle
crée et réalise des costumes pour différents
projets de danse et de théâtre.
Avec JAN KARSKI (MON NOM EST UNE
FICTION), Laurent Poitrenaux retrouve le
metteur en scène Arthur Nauzyciel : ils
avaient joué ensemble dans BRANCUSI
CONTRE ÉTATS-UNIS, mise en scène d’Eric
Vigner, créée en 1996 au festival d’Avignon,
par ailleurs Laurent Poitrenaux tenait le rôletitre du premier spectacle d’Arthur Nauzyciel,
LE MALADE IMAGINAIRE OU LE SILENCE
DE MOLIERE d’après Molière et Giovanni
Macchia en 1999.
Note de l’auteur
Extraits
Les paroles que prononce Jan Karski au
chapitre 1 proviennent de son entretien
avec Claude Lanzmann, dans SHOAH.
C’est dans Shoah de Claude Lanzmann.
Vers la fin du film, un homme essaye de
parler, mais n’y arrive pas. Il a la
soixantaine et s’exprime en anglais ; il
est grand, maigre, et porte un élégant
costume gris-bleu. Le premier mot qu’il
prononce est : « Now » (Maintenant). Il
dit : « Je retourne trente-cinq ans en
arrière », puis tout de suite il panique,
reprend son souffle, ses mains s’agitent :
Le chapitre 2 est un résumé du livre de
Jan Karski STORY OF A SECRET
STATE (Emery Reeves, New York,
1944), traduit en français en 1948 sous
le titre HISTOIRE D’UN ETAT SECRET,
puis réédité en 2004 aux éditions Point
de mire, collection « Histoire », sous le
titre MON TEMOIGNAGE DEVANT LE
MONDE.
Le chapitre 3 est une fiction. Il s’appuie
sur certains éléments de la vie de Jan
Karski, que je dois entre autres à la
lecture de KARSKI, HOW ONE MAN
TRIED TO STOP THE HOLOCAUST de
E. Thomas Wood et Stanislaw M.
Jankowski (John Wiley & Sons, New
York, 1994). Mais les scènes, les phrases
et les pensées que je prête à Jan Karski
relèvent de l’invention.
Yannick Haenel, Note introductive,
JAN KARSKI, Editions Gallimard, 2009
« Non, je ne retourne pas… non…
non… » Il sanglote, se cache le visage,
brusquement se lève et sort du champ.
La place est vide, on ne voit plus que des
rayonnages de livre, un divan, des
plantes. L’homme a disparu. La caméra
le cherche : il est au bout d’un couloir,
penché sur un lavabo, il se passe de l’eau
sur le visage. Tandis qu’il revient à sa
place, son nom apparaît à l’écran : « JAN
KARSKI (USA) ». Et puis, au moment où
il s’assied : « Ancien courrier du
gouvernement polonais en exil ». Ses
yeux sont très bleus, baignés de larmes,
sa bouche est humide. « Je suis prêt »,
dit-il. Il commence à parler au passé, au
passé simple même — comme dans un
livre : « Au milieu de l’année 1942, je
décidai de reprendre ma mission d’agent
entre la Résistance polonaise et le
gouvernement polonais en exil, à
Londres. » Cette manière de commencer
Frick Collection, New York © DR
le récit le protège de l’émotion : on se
croirait au début de Dante, mais aussi
dans un roman d’espionnage. Il explique
que les leaders juifs, à Varsovie, ont été
avertis de son départ pour Londres, et
qu’une rencontre a été organisée « hors
du ghetto », dit-il. On comprend tout de
suite que c’est de ça qu’il va parler : du
ghetto de Varsovie. Il dit qu’ils étaient
deux : l’un responsable du Bund, c’est-àdire du parti socialiste juif, l’autre
responsable sioniste. Il ne dit pas les
noms, il ne dit pas où a lieu la rencontre.
Ses phrases sont courtes, directes,
entourées de silence. Il dit qu’il n’était
pas préparé à cette rencontre. Qu’à
l’époque il était très isolé par son travail
en Pologne. Qu’il était peu informé.
Chacune de ses paroles garde trace de
cet empêchement qu’il a eu au début,
lorsqu’il est sorti du champ. On dirait
même qu’elles sont fidèles à
l’impossibilité de parler. Jan Karski ne
peut pas occuper cette place de témoin à
laquelle on l’assigne, et pourtant il
l’occupe, qu’il le veuille ou non. Sa parole
s’est brisée d’entrée de jeu parce que,
précisément, ce qu’il a à dire ne peut se
dire qu’à travers une parole brisée. De
nouveau, Jan Karski dit : « Now »
(Maintenant) : « Maintenant, comment
vous raconter ? » Pour se persuader qu’il
est bien vivant, qu’il est hors d’atteinte,
il rectifie à nouveau sa première phrase :
« Je ne reviens pas en arrière. » C’est une
phrase qu’il va répéter souvent pendant
l’entretien : « Je ne retourne pas à mes
souvenirs. Je suis ici. Même maintenant
je ne veux pas… » Il voudrait se
prémunir contre ses propres paroles,
contre ce qu’elles vont révéler. Il ne veut
pas que ses paroles l’exposent une fois de
plus à l’objet de son récit ; il ne veut pas
revivre ça. C’est pourquoi il insiste tant
sur la distance : « Je n’en étais pas, dirat-il. Je n’appartenais pas à cela. » Jan
Karski dit que les deux hommes lui
décrivent « ce qui arrivait aux Juifs. » Il
répète qu’il n’était pas au courant. Ils lui
expliquent, dit-il, qu’Hitler est en train
d’exterminer le peuple juif tout entier. Il
s’agit non seulement des Juifs polonais,
mais des Juifs de toute l’Europe. Les
Alliés combattent pour l’humanité, lui
disent-ils : mais ils ne doivent pas oublier
que les Juifs vont être totalement
exterminés en Pologne. La bouche de Jan
Karski grimace, ses mains semblent
implorer, comme si à cet instant il
s’identifiait aux deux leaders juifs,
comme si, en parlant, il prenait leur
place. Il les décrit arpentant la pièce :
« Ils se brisaient ». Il dit qu’ « à plusieurs
reprises, au cours de la conversation, ils
ne se maîtrisèrent plus. » Exactement
comme lui, Jan Karski, face à la caméra
de Claude Lanzmann. Mais en 1942, on
lui parlait ; il demeurait immobile sur
une chaise : il ne posait pas de questions,
ne faisait qu’écouter. Trente-cinq ans
plus tard, c’est lui qui parle : il répète ce
que les deux leaders juifs lui ont dit. Ils
avaient perçu son ignorance, dit-il, et
après qu’il eut accepté d’emporter leurs
messages, ils ont commencé à l’informer
sur leur situation. Claude Lanzmann lui
demande alors s’il savait que la plupart
des Juifs de Varsovie avait déjà été tués.
Jan Karski dit qu’il savait : « Je savais,
mais je n’avais rien vu ». Il dit qu’aucun
récit ne lui en avait été fait : « Je n’avais
jamais été là-bas, dit-il… Les
statistiques, c’est une chose… Des
centaines de milliers de Polonais aussi
avaient été tués, de Russes, de Serbes,
de Grecs, nous savions cela. C’était
statistique ! » Qui savait ? Et jusqu’où ?
« On » savait — mais qui est ce « on » ?
Jan Karski « savait » sans savoir —
c’est-à-dire qu’il ne savait rien. Car sans
doute ne sait-on rien tant qu’on n’a pas
vu, et c’est précisément ce que va
raconter Jan Karski. Car les deux
émissaires l’invitent à voir de ses propres
yeux ce qui se passe dans le ghetto de
Varsovie, ils lui proposent d’organiser
pour lui une visite. Le leader du Bund lui
demande de « faire un rapport oral » aux
Alliés. « Je suis certain, dit-il à Jan
Karski, que vous serez plus convaincant
si vous êtes à même de leur dire : “Je l’ai
vu de mes yeux”. » À plusieurs reprises,
la caméra s’approche du visage de Jan
Karski. Sa bouche parle, on entend sa
voix, mais ce sont ses yeux qui savent.
Le témoin, est-ce celui qui parle ? C’est
d’abord celui qui a vu. Les yeux
exorbités de Jan Karski, en gros plan,
dans Shoah, vous regardent à travers le
temps. Ils ont vu, et maintenant c’est
vous qu’ils regardent. […]
Premières pages de JAN KARSKI de Yannick
Haenel, éditions Gallimard, 2009.
*
[…]
Les mystères dont j’ai été la proie au long de
ces années continuent sans moi, peut-être
même sans personne. Car il est impossible de
vivre au cœur de l’abandon, un tel deuil n’est
pas concevable : sans doute est-il impossible de
faire le deuil de l’extermination, comme il est
impossible, sur un autre plan, de faire le deuil
de Dieu, ou celui de son absence. C’est un deuil
dont les proportions débordent celles du monde,
un deuil qui dépasse les possibilités de chaque
homme. C’est durant ces années de silence que
j’ai découvert les livres de Franz Kafka ; tout
de suite, je m’en suis senti le frère. Joseph K.
et moi, on avait les mêmes initiales : J.K., les
initiales de l’exil. Voilà quelqu’un qui m’a
écouté : les oreilles de Kafka n’étaient pas
bouchées ; au contraire, personne n’a eu les
oreilles plus ouvertes que lui. Au cours de ma
vie, j’ai beaucoup plus parlé avec Kafka
qu’avec n’importe quel autre homme soi-disant
vivant. C’est sans doute parce que lui aussi
avait été un messager. Il arrive que les
messagers, à force de rechercher celui qui sera
capable d’écouter leur message, se perdent, et
abordent des régions inconnues ; ainsi
découvrent-ils des vérités qui auraient dû
rester dans l’ombre ; ils en conçoivent une
inquiétude qui leur ferme les portes de la
compréhension, mais leur ouvre d’autres
portes, plus obscures, et même infinies.
Lorsque j’ai rencontré Pola, on venait juste de
me faire savoir que j’étais devenu citoyen
américain. C’était en 1953, j’avais repris des
études, et j’allais commencer à enseigner. Jan
Karski n’était pas mon vrai nom, mais puisque
j’étais entré sur le territoire avec ce nom, il
m’était impossible d’en changer, encore moins
d’avouer que ce nom était faux : en Amérique,
c’est un délit grave. J’ai donc gardé toute ma
vie mon nom de résistant. Je suis Jan Karski,
ancien courrier de la Résistance polonaise,
professeur d’université à la retraite. Après
toutes ces années d’errance, je reprenais vie.
Je me suis mis à aller tous les soirs à
Broadway. J’adorais le music-hall, j’adorais les
films avec Fred Astaire et Gene Kelly. J’aimais
aussi la danse contemporaine, et c’est lors du
spectacle d’une jeune troupe européenne que
j’ai rencontré Pola. Elle dansait avec une
dizaine de jeunes gens anglais, polonais,
français sur La Nuit transfigurée de
Schoenberg. Dès ce premier soir, à l’instant
même où Pola est apparue sur la scène du petit
théâtre de Greenwich Village, où, vêtue
entièrement de noir, elle a commencé à tourner
sur elle-même, où ses gestes, l’un après
l’autre, se sont déployés, je l’ai aimée. C’est la
solitude de Pola qui m’a plu, la manière dont la
solitude parlait en elle. Seule la solitude est
digne d’amour, et lorsqu’on aime une personne,
c’est toujours à ce qu’il y a de plus seul en elle
que s’adresse cet amour. J’ai compris ce soir-là,
tandis qu’une femme défiait l’abîme qui
s’ouvre sous chacun de nos gestes, que la seule
chose qui peut tenir face à l’abîme, c’est
l’amour ; seul quelque chose comme l’amour
est capable de tenir face à l’abîme, parce que
précisément l’amour n’existe que comme
abîme. Ce soir-là, en rentrant dans ma
chambre, après avoir été présenté à Pola
Nirenska, après avoir été troublé par son
sourire, le sourire de celle qui a tout perdu et
qui considère que rien n’est jamais perdu, j’ai
pensé que l’instant où la solitude de l’autre
vous regarde ouvre cet abîme. Il se referme
vite. Mais s’il se rouvre aussitôt, s’il se rouvre
au point de ne plus se refermer, alors cet abîme
se change en ce qu’on appelle l’amour. J’étais
si heureux ce soir-là qu’avec mes amis, et ceux
de Pola, j’ai parlé à tort et à travers, tout le
monde était joyeux, les horribles années
étaient derrière nous, et Pola Nirenska me
regardait, et je la regardais, et j’avais deviné
tout de suite ce qu’avaient été pour elle les
horribles années, de même qu’elle avait deviné,
dès le premier regard, combien ces années
avaient été horribles pour moi, mais que seul
l’avenir pourrait nous combler, et que nous
n’avions envie que de cela : l’avenir — pour
toujours. Elle dansait depuis l’âge de huit ans,
elle avait d’abord dansé dans une école à
Cracovie, après le Conservatoire de musique,
puis à Londres, lorsqu’elle avait quitté la
Pologne à cause des premières mesures antijuives, et que ses parents étaient partis de leur
côté en Palestine, puis elle avait dansé à New
York, où elle dirigeait une petite troupe. Elle
était pâle, blonde, toute mince ; elle avait cette
grâce des femmes que les secrets rendent
lointaines ; elle parlait avec une distinction
fragile. Pour moi elle était à la fois
l’incarnation de l’esprit d’avant-garde, c’est-àdire New York, le Village ; et en même temps,
elle était la Pologne, c’est-à-dire l’éternelle
douceur. Lorsque quelqu’un a récité ce soir-là
un poème de Mickiewicz, nous avons tous
pleuré, mais ce n’était pas sur la Pologne que
nous pleurions ; si nous pleurions, c’était au
contraire parce que nous étions si heureux loin
de la Pologne. J’ai parlé ce soir-là du Cavalier
polonais de Rembrandt. Savait-elle qu’à deux
pas d’ici, juste à côté de Central Park, à la
Frick Collection, il y avait un tableau qui était
le plus beau tableau du monde, un tableau qui
parlait de notre solitude ? Rembrandt avait
deviné que cette solitude n’était pas seulement
faite de malheur, mais qu’il y avait en elle un
secret qui l’arrachait au pire, et qui, peut-être,
la sauvait. Il fallait bien regarder le sourire du
Cavalier, ai-je dit à Pola, parce que son sourire
brillait dans les ténèbres. Je n’ai pas osé dire à
Pola, ce soir-là, que ce sourire était le même
que le sien, mais je l’ai invitée à venir voir
Le Cavalier polonais de Rembrandt avec moi,
quand elle voudrait. Je l’ai attendue sur un
banc, à Central Park. Le feuillage des ormes
était rouge, la lumière glissait bien sur cette
journée d’automne. Pola est arrivée, et il me
semblait naturel qu’elle soit là, comme si nous
étions ensemble depuis toujours. À la Frick
Collection, nous sommes allés directement
dans la salle des peintures hollandaises. La
chaleur du Cavalier polonais nous enveloppait.
Pola a regardé longuement le tableau sans rien
dire, elle souriait, je souriais, le cavalier
souriait. Je lui ai désigné la petite tache du
plumet rouge sur la coiffe du cavalier ; tout de
suite elle y a vu le sang versé pour la Pologne,
cette lutte pour l’indépendance qui court à
travers l’histoire. Et puis, dans la coiffe du
Cavalier, sous ce galon de laine noire, nous
avons deviné une couronne. Quel est donc ce
royaume dont le Cavalier polonais semble
porter l’espérance ? Ce n’est pas celui de
l’ancienne Pologne, c’est une royauté plus
intime, presque imperceptible, une royauté
sans terre ni pouvoir, qui fait de vous
quelqu’un de libre. C’est en sortant du musée,
ce jour-là, tandis que nous nous promenions
dans une allée de Central Park, que j’ai
demandé Pola en mariage. Nous nous
connaissions à peine, mais depuis une heure
j’avais le sentiment que nous nous
connaissions très bien. Car ce n’est pas nous
qui venions de contempler Le Cavalier
polonais, ai-je dit à Pola, mais lui qui venait de
nous contempler ; et en nous contemplant, il
nous avait vus ensemble, il avait vu un couple.
En un sens, c’est lui, Le Cavalier polonais de
Rembrandt, qui avait fait de nous un couple, il
nous avait vus comme un couple, il nous avait
mariés. C’est pourquoi j’ai demandé à Pola si
elle voulait être ma femme, et alors elle m’a
répondu par un sourire, celui qu’elle a quand
elle danse, le sourire qu’on voit dans le tableau
de Rembrandt ; et grâce à ce sourire, j’ai su
que c’était oui. Même si elle n’avait pas dit
« oui », c’était « oui » : ce n’était pas un « oui »
pour tout de suite, mais c’était quand même
« oui ». Plus tard, quand nous nous sommes
mariés, je lui ai rappelé ce « oui » qu’elle avait
prononcé par un simple sourire, le « oui » du
plaisir à venir, un « oui » que j’avais appris à
connaître, et qui lui venait surtout lorsqu’elle
dansait, car alors tout son corps disait « oui »,
et ce « oui » allait tellement loin qu’il semblait
déborder son corps et emporter ses bras, ses
jambes et sa chevelure dans les plis et les
replis d’une affirmation, et elle s’en souvenait
très bien. J’ai commencé à enseigner à
l’Université Georgetown. Parler devant des
étudiants a tout de suite été une joie : en
même temps que la parole, je retrouvais le
désir d’être entendu ; la possibilité d’être
entendu me redonnait foi en la parole. Comme
dix ans plus tôt, pour ces conférences où
j’avais sillonné l’Amérique, je me remettais
moi aussi à écouter, à entendre ce que chaque
étudiant avait à dire. Enseigner m’a sorti de
mon isolement, et m’a délivré de mes
sortilèges ; c’est en parlant avec des étudiants
que je me suis remis à penser. Je suis passé de
l’obsession à la pensée. J’ai cessé de ressasser
mon histoire comme un désastre personnel, j’ai
arrêté de me considérer comme une victime ;
j’ai commencé à voir ce qui m’était arrivé
comme une expérience plus générale, liée au
e
XX siècle, c’est-à-dire à l’histoire du crime. Au
fond, j’avais fait l’expérience de la fin de ce
qu’on appelle l’« humanité ». Il faut faire
attention avec ce mot, disais-je à mes
étudiants, peut-être même n’est-il plus
vraiment possible de l’utiliser, parce qu’il a
servi d’alibi aux pires atrocités, on l’a employé
pour couvrir les causes les plus abjectes, et
cela aussi bien du côté occidental que du côté
communiste. Le mot « humanité » s’est
e
tellement compromis au cours du XX siècle
qu’à chaque fois qu’on l’emploie, il semble
qu’on se mette à mentir. Il n’est même pas
possible de parler de « crime contre
l’humanité », comme on s’est mis à le faire
dans les années soixante, lorsqu’on a jugé
Eichmann à Jérusalem : parler de « crime
contre l’humanité », c’est considérer qu’une
partie de l’humanité serait préservée de la
barbarie, alors que la barbarie affecte
l’ensemble du monde, comme l’a montré
l’extermination des Juifs d’Europe, dans
laquelle ne sont pas impliqués seulement les
nazis, mais aussi les Alliés. J’étais heureux
d’avoir retrouvé la parole, et le cours d’histoire
contemporaine, à Georgetown, puis à
Columbia, prenait à mes yeux la forme d’un
rite : quelque chose, dans ce cours, avait à voir
avec mes nuits blanches. Il m’arrivait souvent
de penser à une phrase de Kafka, une de ses
phrases mystérieuses que j’avais lues durant
mes années de silence : « Loin, loin de toi, se
déroule l’histoire mondiale, l’histoire mondiale
de ton âme. » Cette phrase m’était destinée,
comme à chacun de mes étudiants, comme à
vous. On croit que l’histoire mondiale se
déroule très loin de nous, à chaque instant elle
semble avoir lieu sans nous, et à la fin on se
rend compte que cette histoire est celle de
notre âme. Ce qui me parle dans la nuit
blanche, et qui certains jours s’exprime en
cours, c’est exactement ça : l’histoire mondiale
de nos âmes.
JAN KARSKI de Yannick Haenel, éditions
Gallimard, 2009, pp.159-165 (Chapitre 3).
Le Cavalier polonais, Rembrandt (Frick Collection,
New York) © DR