principes généraux de gestion

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principes généraux de gestion
Gestion forestière
des zones
humides
Nous verrons d’abord un bref rappel des besoins des arbres, avant d’en faire une
caractérisation, puis d’émettre quelques préconisations techniques
Quelques fondamentaux de physiologie
Les arbres ont besoin d’eau, beaucoup d’eau car ils transpirent : La transpiration permet de
véhiculer l'eau par la sève brute, des racines, jusqu'aux parties les plus élevées de l'arbre. 90%
de l'eau extraite du sol s'évapore par les stomates 1, en laissant sur place divers minéraux
nécessaire pour le développement de l'arbre. Cette évaporation massive crée une dépression
dans les canalisations qui véhiculent la sève, créant ainsi un effet de succion dans les racines.
Cette eau se trouve généralement dans le sol, d’où elle est absorbée par les extrémités de ses
racines. Cependant, ces mêmes racines ont aussi besoin de respirer pour vivre. Elles absorbent
de l’oxygène et elles rejettent du gaz carbonique.
Donc, quand il n’y a pas d’eau, les arbres meurent de soif. Par contre, quand un sol contient
de l’eau en permanence, les racines n’arrivent plus à respirer, et elles meurent. Dans les cas
intermédiaires, les contraintes peuvent être liées à des phénomènes de sécheresse temporaire,
notamment en été.
Donc, pour les forestiers, les zones humides sont des parcelles où l’excès en eau pendant tout
ou partie de l’année a un impact sur la croissance d’un arbre.
De plus, les différentes espèces d’arbres sont plus ou moins sensibles à cet excès en eau : par
exemple, l’aulne glutineux et l’épicéa de Sitka tolèrent des terrains frais pendant une partie de
l’année. Le chêne sessile résiste bien à une sécheresse temporaire en été sur des stations
engorgées en eau en hiver. Le merisier est beaucoup plus sensible à des variations d’humidité
dans le sol.
Définition des zones humides
La loi sur l'eau n°92-3 du 3 janvier 1992 définit les zones humides comme «les terrains,
exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon
permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes
hygrophiles pendant au moins une partie de l'année». Cette définition laisse donc entendre
qu’il y a différents types de zones humides. De plus, elle ne tient pas compte des utilisations
possibles de tels terrains, dont les productions alimentaires et de bois.
1
Un stomate est un orifice de petite taille présent dans l'épiderme des organes aériens des végétaux (sur la face
inférieure des feuilles le plus souvent). Il permet les échanges gazeux entre la plante et l'air ambiant (oxygène,
gaz carbonique, vapeur d'eau)
Gestion forestière des zones humides – généralités – 02/03/2011
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Il existe une dizaine d’autres définitions qui se rapprochent de celle-ci, en la complétant sur
des points particuliers.
Si l’on schématise l’articulation entre les terrains forestiers traditionnels et les zones inondées
de façon permanente, nous avons le schéma suivant :
Ceci montre clairement que ces zones peuvent être plus ou moins humides, et qu’elles sont
entourées d’autres types de milieu.
Critères pour caractériser les zones humides
Trois critères principaux définissent donc les zones humides :
- Le régime hydrique (inondation ou saturation),
- la végétation hygrophile
- l'hydromorphie du sol.
Ils permettent une classification de celles-ci, dépendantes également du contexte climatique et
géologique. Par exemple, la présence du tilleul est relativement fréquente en bordure de cours
d’eau quand le sol et la roche-mère sont riches, et rares dans des régions avec un sol acide et
pauvre comme une bonne partie du Limousin.
De plus, ces classifications dépendent directement des objectifs que l’on estime souhaitable.
Par exemple, dans le Nord de la France, nous aurons des résultats différents selon que l’on
favorise la production de bois (populiculture notamment) ou l’approvisionnement en eau
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d’agglomérations situées en aval des dites zones et répondant à des normes qualitatives et
quantitatives.
Exemple de classement des zones humides
Les zones humides des plaines alluviales
Ces zones humides, alimentées souterrainement par la nappe, sont caractérisées par :
- des sols à gley dans les plaines alluviales où les oscillations de la nappe sont faibles.
Dans ce cas la nappe est très réductrice et le fer peu mobile s'accumule en bas du
profil donnant une couleur caractéristique verdâtre ou bleuâtre (gley réduit).
- des sols alluviaux à gley ou semi-gley dans les zones où la nappe subit de fortes
oscillations et est peu réductrice. Dans ce cas, l'horizon à gley n'est pas de couleur
uniforme et la ré-oxydation du fer donne des taches de couleur rouille. Les
caractéristiques de l'hydromorphie sont moins évidentes dans ces sols puisqu'ils
forment une transition entre les sols hydromorphes et les sols alluviaux non
hydromorphes.
Les zones humides de montagne
Dans ces zones, l'hydromorphie du sol est favorisée par un climat froid et humide
(précipitations importantes, évapotranspiration faible, basses températures) et un défaut de
drainage qui peut être lié à la nature du sol (argiles, …), et/ou à la topographie (dépressions,
combes, …).
Ces conditions où se combinent froid et humidité sont à l'origine de l'existence de nappes
superficielles et de la faible décomposition de la matière organique.
Nous avons résumé dans le tableau suivant quelques caractéristiques de sols de zones humides
de montagne en nous basant sur des profils types décrits par DUCHAUFOUR (1977).
Etage bioclimatique
Etage alpin
Exemples de végétation
Combes à neige
Caractéristiques
Stagno-gley2
initial
:
ségrégation du fer incomplète
Pelouses alpines
Taches rouille sur fond beige
Sub-alpin ou Montagnard Forêts subalpines à Sphagnum Stagno-gley podzolique :
supérieur
réduction
et
élimination
complète du fer
Landes humides
Décoloration complète Pas de
concrétions
ni
d'horizon
d'accumulation du fer
Montagnard moyen
Landes humides
Stagno-gley modal Réduction
et élimination complète du fer
Pelouses dégradées à Molinia Décoloration complète
coerulea
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stagnogley : Sol développé sur une nappe perchée acide d’origine pluviale stagnante permanente, fortement
réductrice. Tendance à l’accumulation de matière organique peu évoluée.
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Les zones humides tourbeuses
Ce type de zone humide peut se rencontrer aussi bien dans l'étage alpin que sub-alpin ou
montagnard. Dans ce cas, les indices de l'hydromorphie du sol sont plus faciles à mettre en
évidence puisque les sols se caractérisent par de dépôts de matières organiques dont la
hauteur varie de 0,3-0,5 m à plusieurs mètres.
Type de formation
Prairies
à
Deschampia
cespitosa
Cariçaies eutrophes à Carex
acutiformis et C.elata
Régime hydrologique
Nappe phréatique (0,5 à 1m)
Submersion périodique
Nappe phréatique
superficielle (<0,5 m)
submersion périodique de
faible profondeur
Cladiaie à Schoenus nigricans
Type de sol
Sols alluviaux à gley3 moyen
ou gley profond
Sols humiques à gley
Tourbe4 eutrophe
Tourbe eutrophe
Recommandations techniques
Dans tous les cas, ces sols sont très sensibles au compactage par les engins d’exploitation.
Aussi, est-il conseillé d’y pénétrer quand le sol est suffisamment sec, c’est à dire en période
estivale avec des pneus basse pression sur les parties pouvant être valorisées d’un point de vue
forestier. Plus encore que dans les autres stations, il convient d’être très prudent sur
l’utilisation de produits phytosanitaires et de respecter la réglementation en vigueur.
Par ailleurs, le dessouchage de tes sols est souvent déconseillée, pour éviter des phénomènes
d’imperméabilisation de la surface du sol après travaux.
Les recommandations sont faites par grand type de station forestière, et sont valables
essentiellement sur la montagne limousine, à l’exception du cas des stations acides avec
hydromorphie en situation de plateau ou de faible pente. Dans le cas de la Basse-marche,
l’appui d’un conseiller forestier est souvent précieux.
Les tourbières
Les tourbières, qui rassemblent des différents types de zones humides tourbeuses, sont des
zones protégées du fait de la présence d’espèces rares tant animales que végétales. Elles ne
peuvent être drainées, plantées ou exploitées. Elles assurent aussi un rôle dans la gestion de
l’eau, en participant à la régulation des débits des cours d'eau et en contribuant à l'épuration
des eaux. Les cuvettes à fond plat, paysage typique de la montagne limousine sont les endroits
privilégiés des milieux tourbeux. Cet excès d'eau et le manque d'oxygène qui en découle
limitent considérablement l'activité des micro-organismes (les bactéries essentiellement). La
dégradation biologique étant ralentie, la matière organique s'accumule et forme la tourbe à
une vitesse très lente de l'ordre du centimètre chaque siècle.
Leur végétation comprend en Limousin :
- strate arborescente : aulnes, saules, bouleaux, pin sylvestre
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Gley : Sol développé sur une nappe phréatique permanente d’acidité variable avec accumulation de fer réduit à
la base du profil ; il peut être partiellement éliminé en milieu acide. Si fortes oscillations de la nappe : gley peu
humifères. Si oscillations modérées de la nappe : gley humifères
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tourbes : Sols hydromorphes organiques à saturation permanente par l’eau.
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-
strate arbustive : bourdaine
strate herbacée : molinie, droseras, canneberge, bruyère à quatre angles, gaillet des
marais, laîches, sphaignes, linaigrette
Indépendamment de leur très faible fertilité, leur situation topographique, avec des étés
chauds, et des fortes gelées tardives et précoces, les rend impropres à la production forestière
traditionnelle.
Deux actions principales peuvent être envisagées :
- La restauration. Elle consiste d’abord à détruire, si besoin, en fin d’été les arbres
(bouleaux, pins, etc.) avec dévitalisation, si possible, des souches de feuillus, pour
maintenir le milieu ouvert. Le broyage du restant de la végétation, complétée par
l’enlèvement hors de la zone humide complète l’opération. Plusieurs passages sont
parfois nécessaires pour réduire les touffes de Molinie bleue (tourradons).
- L’entretien. Le fauchage de la zone humide tous les six à huit ans en fin d’été, avec
récolte des produits de la fauche, est généralement suffisant. Ce travail sera partiel (par
exemple un quart de la surface à chaque fois) pour conserver la diversité des âges et
des zones de refuge pour la faune. Les outils doivent être adaptés à la portance des
sols. Le pâturage extensif, de préférence à l’aide de moutons, est également bonne
solution, sous réserve d’un strict contrôle de celui-ci.
Dans la pratique, si l’on souhaite maintenir ces milieux, il est conseillé de se rapprocher
d’organismes ayant une pratique de ce genre d’opérations, comme le conservatoire des
espaces naturels du Limousin
Les fonds avec sols profonds
La profondeur des sols est supérieure à 50 cm, et l’hydromorphie est à plus de 50 cm.
Leur végétation comprend une flore diversifiée avec notamment :
- strate arborescente : chêne pédonculé, aulne glutineux, frêne
- strate arbustive : bourdaine, noisetier, sureau noir
- strate herbacée : chèvrefeuille des bois, sceau de Salomon, lierre terrestre, fougère
mâle, viorne obier, bugle rampant, framboisier, lamier jaune, oxalide petite oseille,
anémone sylvie.
Cette station, peu étendue, présente des risques de gelée.
La fertilité de la station est bonne.
Dans le cas d’un objectif de production de bois, les essences feuillues conseillées sont :
- moins de 600 m d’altitude : châtaignier, chêne pédonculé, chêne sessile, frêne
- plus de 600 m d’altitude : érable sycomore, hêtre, frêne.
Les essences résineuses étant le douglas, les mélèze d’Europe et hybride.
Toujours dans un objectif de production de bois, les essences feuillus possibles sont :
- moins de 600 m d’altitude : aulne glutineux, chêne rouge, érable plane, érable
sycomore, hêtre, merisier, tilleul
- plus de 600 m d’altitude : aulne glutineux.
Essences résineuses
- mélèze du Japon, pin laricio de corse, pin sylvestre
Il convient de respecter la bande boisée en bordure de ruisseau.
Les fonds avec sols superficiels à moyennement profonds
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La profondeur des sols est inférieure à 50 cm, et/ou l’hydromorphie est à moins de 50 cm.
Leur végétation comprend une flore diversifiée avec notamment :
- strate arborescente : chêne pédonculé, saules, aulne glutineux, bouleau pubescent,
bouleau verruqueux, tremble
- strate arbustive : bourdaine
- strate herbacée : molinie, fougère femelle, fougère spinuleuse, agrostide des chiens,
joncs, blechnums en épis, agrostide stolonifère, populage des marais, bruyère à quatre
angles.
Cette station, assez fréquente et assez étendue, souffre d’un excès en eau. Les sols pauvres en
éléments minéraux ont une faible profondeur pouvant être prospectée par les racines.
La fertilité de la station est faible à très faible.
Dans le cas d’un objectif de production de bois, les essences feuillues possibles sont le
bouleau verruqueux et l’aulne glutineux. Celles résineuses utilisables sont :
- moins de 600 m d’altitude : mélèzes d’Europe et hybride, pin sylvestre
- plus de 600 m d’altitude : mélèze d’Europe, pin sylvestre, sapin pectiné.
Il convient de respecter la bande boisée en bordure de ruisseau. D’une manière plus générale,
on prend en compte les aspects réglementaires liés à ce type de milieu. Les investissements
sont à éviter sur ces stations ; on tire parti si possible des essences spontanées.
Les vallons avec sols moyennement profonds
La profondeur des sols est comprise entre 30 et 50 cm, et/ou l’hydromorphie est comprise
entre 30 et 50 cm.
Leur végétation comprend une flore diversifiée avec notamment :
- strate arborescente : chêne pédonculé, hêtre, frêne
- strate arbustive : noisetier, sureau noir
- strate herbacée : molinie, chèvrefeuille des bois, ronce, sceau de Salomon, lierre
terrestre, viorne obier, bugle rampant, lamier jaune, fougère femelle, anémone sylvie,
agrostide des chiens, joncs, oxalide petite oseille, blechnum en épis, fougère
spinuleuse.
La fertilité de la station est moyenne.
Dans le cas d’un objectif de production de bois, les essences feuillues possibles sont :
- moins de 600 m d’altitude : l’aulne glutineux, le bouleau verruqueux, et, le chêne
- plus de 600 m d’altitude : l’aulne glutineux et le bouleau verruqueux
les essences résineuses possibles sont :
- moins de 600 m d’altitude : les mélèzes, les pins sylvestre et Laricio de Corse, le sapin
de Vancouver
- plus de 600 m d’altitude : les mélèzes d’Europe et du Japon, le pin sylvestre, le sapin
pectiné.
La qualité de l’exploitation forestière est importante pour réduire les dégâts occasionnés au
sol : canaliser les engins de débardage dans des cloisonnements conçus à cet effet. Il
conviendra d’intervenir avec des engins lourds que lorsque la nappe d’eau est à son plus faible
régime.
Veiller à laisser une libre circulation des eaux de source.
Les vallons avec sols profonds
La profondeur des sols est supérieure à 50 cm, et l’hydromorphie est à plus de 50 cm.
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Leur végétation comprend une flore diversifiée avec notamment :
- strate arborescente : chêne pédonculé, hêtre, frêne, merisier
- strate arbustive : noisetier, sureau noir
- strate herbacée : chèvrefeuille des bois, sceau de Salomon, lierre terrestre, viorne
obier, bugle rampant, lamier jaune, framboisier.
La fertilité de la station est bonne.
Dans le cas d’un objectif de production de bois, les essences feuillues possibles sont :
- moins de 600 m d’altitude : le châtaignier, les chênes pédonculé et sessile, l’érable
sycomore, le frêne, le hêtre et le merisier
- plus de 600 m d’altitude : l’érable sycomore, le frêne et le hêtre.
les essences résineuses possibles sont :
- moins de 600 m d’altitude : le douglas, les mélèzes d’Europe et hybride
- plus de 600 m d’altitude : le douglas, les mélèzes d’Europe et hybride, le sapin
pectiné.
La qualité de l’exploitation forestière est importante pour réduire les dégâts occasionnés au
sol ; on évitera de créer un chemin de débardage au niveau du talweg.
Stations acides avec hydromorphie en situation de plateau ou de faible pente
Ces stations sont caractérisées par la présence d’hydromorphie temporaire à relativement
faible profondeur, avec souvent un plancher empêchant la circulation de l’eau. Ces sols sont
acides, avec une végétation herbacée comprenant souvent de la molinie.
Ces sols sont secs en été et humide en hiver. Leur valorisation est liée à la profondeur à
laquelle apparaît l’hydromorphie.
Essence feuillue : chêne sessile
Essences résineuses : pins sylvestre et laricio.
La qualité de l’exploitation forestière est importante pour réduire les dégâts occasionnés au
sol, et pour éviter le compactage durable des sols, ainsi que la création d’ornières
permanentes. Enfin, les coupes rases sont déconseillées, dans la mesure du possible, afin
d’éviter les remontées temporaires de la nappe d’au.
Voir aussi :
- les critères d’identification des zones humides,
- gestion des ripisylves,
- l’aulne,
- le bouleau,
- le chêne rouge,
- le chêne sessile,
- l’épicéa de Sitka,
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