Irving Whale - Faculté de médecine vétérinaire | Université de
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Irving Whale : Conséquences des BPC sur la faune aquatique. Travail présenté par : Rachel Chiasson Présenté au Dr Daniel Martineau, DMV, M.Sc. Ph.D. Dipl., ACVP Dans le cadre du cours PTM- 4411 Pathologie de la faune et de l’environnement Université de Montréal Faculté de Médecine Vétérinaire St-Hyacinthe, Québec Le mercredi 6 avril 2006 TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION……………………………………………..………………………….3 HISTOIRE DU IRVING WHALE……………………..…………………………………3 QUE SONT LES BPC?.................................................................................................... 7 EFFET SUR LA FAUNE AQUATIQUE…………………………………………………8 Plancton et flore………………………..….…………………………………..…..9 Animaux………………………….…….…….….…..…….….….……….…..…..9 Vers marins, mollusques et crustacés………………….……………..….10 Poissons, reptiles et amphibiens…………………………………………10 Mammifères…..……………………………………………………….....11 Oiseaux……………………………………………………………….….12 CONCLUSION…………………………………………………………………….…….13 BIBLIOGRAPHIE…..….……………………………………………………………….14 2 INTRODUCTION J.D. Irving Limited est une compagnie privée familiale milliardaire dont la maison mère est située à St-Jean, Nouveau-Brunswick. Cette compagnie se spécialise dans le raffinement de pétrole, mais ça ne s’arrête pas là; elle pratique aussi la coupe de bois, la transformation de la fibre de bois en papier et carton, ainsi que de la construction navale. Elle offre les services de transport par voie maritime (Atlantic Towing, Kent Line International), ferroviaire (New Brunswick Southern Railway), et terrestre (Sunbury, Midland, RST Industries). La vente au détail est faite par le biais de nombreuses compagnies possédé par Irving; ainsi, Irving vent des produits et services pour les navires (Chandler), des mouchoirs Majesta, Royale, Scotties et Softweve, des produits de rénovation pour les maisons (Kent), des maisons modulaires préconstruites (Kent Home), des services de design et de vente d’enseignes (Plasticraft), des services de réparation industrielle (Universal et Source Atlantic), des produits agricoles (Cavendish AgriServices), des services de traduction (Lexi-tech International), ainsi que des produits dérivés de la pomme de terre (Cavendish). De nombreux services de construction industrielle sont aussi offert par Irving (Gulf Operators, Barrington Industrial Services, Irving Equipment, York Steel, Ocean Steel, Strescon, Marque Construction, FCC Engineering).14 Ce travail de recherche portera notamment sur l’histoire du Irving Whale depuis son naufrage jusqu’à son renflouage, de même que les conséquences de la pollution émise par ce navire, plus spécifiquement des biphényles polychlorés (BPC). HISTOIRE DU IRVING WHALE L’Irving Whale est un pétrolier construit en 1966, long de 82.3m, d’une largeur de 17.7m et d’un tirant d’eau de 5m. Il a été conçu pour J.D. Irving Limited afin de transporter du pétrole dans des citernes et des copeaux de bois sur le pont, dans un grand caisson. Ce pétrolier n’a pas de système de propulsion et devait donc être remorqué.6 Le 7 septembre 1970, L’Irving Whale quitte le port d’Halifax, en Nouvelle-Écosse avec 4200 tonnes de mazout brut à bord, pour se faire remorquer à destination de Bathurst, au 3 Nouveau-Brunswick. Il fit naufrage au large du Golfe St Laurent en eau internationale à l’époque, à environ 60km au nord-est de Point North à l’Île-du-Prince-Edouard et 100km du sud-est des Îles de la Madeleine. Une nappe de mazout de 400km2 s’échappe alors du navire, avec une certaine proportion (200 tonnes) qui, dérivée par les vents, souille les berges des Îles de la Madeleine sur 80km de distance.6,16 Deux hypothèses sont émises afin d’expliquer ce naufrage:6,16 • • Accumulation d’eau de mer dans la section arrière du caisson de charge; Inondation de la salle des machines par une porte ou un hublot laissé ouvert. À cette époque, comme aucune loi ne régissait les procédures à suivre pour la récupération de la barge et des mesures environnementales à prendre à cet effet, la barge est donc restée au fond de l’océan. De plus, en eau internationale, la barge n’est plus le souci de personne. Néanmoins, une inspection est faite à l’aide d’un submersible. L’épave est intacte, stable, à l’horizontale sur un sol plat à 67m de profondeur. Les puits de ventilation sont alors colmatés afin de diminuer les fuites de mazout. Toutefois, les fuites recommencent lentement mais sûrement. Transport Canada constate en 1989 que la perte de mazout est estimée à 80L/jr, et la coque de l’épave s’est amincie de 5%.6 En 1992, Environnement Canada et Transport Canada soumettent deux études dans lesquelles les options de renflouage ou de pompage de pétrole sont considérées. Les deux firmes mandatées, soit Marex International Ltd. de Dartmouth (N.-É.) et CEF Consultants Ltd. de Halifax (N.-É.), s’entendent à ce moment sur le fait que le pompage serait plus sécuritaire. En 1993, la firme Murray Fenton and Associates Ltd., mandatée par l'Administrateur de la Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causés par les navires, dicte le contraire dans son rapport et suggère le renflouage. Quant à Émilien Pelletier, professeur et chercheur à l’INRS (Institut National de Recherche Scientifique) à Rimouski, il suggère tout simplement de laisser l’Irving Whale dans le fond, car toucher à la barge poserait un plus grand risque de déversement. De plus, une inspection par des plongeurs révèle que du pétrole s’écoule maintenant des 16 puits d’aération ; les 16 conduits sont alors scellés et les écoutilles sont renforcées. 6 4 En 1994, Environnement Canada, conjointement avec Transport Canada, déclare le projet de renflouage du Irving Whale ouvert, aux frais du gouvernement. En 1995 Environnement Canada conclut une entente avec Atlantic Towing (société appartenant à Irving) pour fournir le matériel nécessaire au renflouage, ainsi que de McAllister Towing Salvage Inc. de Montréal, Québec, Donjon McAllister Joint Venture de Hillside, New Jersey, pour procéder au renflouage proprement dit. Cependant, ce n’est que le 23 juin 1995 que la compagnie Irving dévoile au gouvernement fédéral que l’épave contient approximativement 6800 litres (7520kg) de biphényles polychlorés. Ces BPC se retrouvent dans les tuyaux de chauffage du navire, dans une substance huileuse appelé Monsanto MGS295S, contenant 80% d’Aroclor 1242, un mélange complexe de congénères, des molécules semblables mais pas identiques. Le gouvernement fédéral, quant à lui, annonça publiquement la nouvelle 13 jours plus tard, soit le 6 juillet 1995. Une semaine plus tard, un nouveau rapport incorporant la question des BPC est rendu publique, soit le Rapport d'évaluation environnementale initiale sur un élément additionnel à la proposition de renflouer le Irving Whale et de récupérer sa cargaison de mazout - Récupération et élimination des BPC du système de chauffage de la cargaison de mazout de la barge. Le renflouage sera fait malgré la présence de BPC et le risque associé de déversement. En effet, 2 analyses de sédiments récoltées à proximité de l’épave révèlent des concentrations de BPC de 43ppm et de 27ppm respectivement.6 Le 21 août 1995, le juge John Richard de cour fédérale ordonne l’arrêt du renflouement. Cet arrêt avait été demandé par Daniel Green, en tête de la Société pour Vaincre la Pollution (SVP). Une absence d’étude d’impact complète et rigoureuse est en cause, en particulier l’étude à long terme des conséquences d’un déversement de BPC. En vertu de l'article 108 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et de l'article 36 (Substances toxiques) de la LCPE, le gouvernement se doit de faire cette étude d’impact s’il veut poursuivre son projet.6,16 En mars 1996, l’Évaluation approfondie du Projet Irving Whale est rendue publique. Le lendemain, Émilien Pelletier, chercheur à l’INRS à Rimouski, dépose un livret intitulé Le Fantôme de l’Irving Whale, s’opposant à ce projet de renflouage.16 En effet, il critique le nouveau rapport rendu publique : «[…] Il s’agissait pourtant d’un rapport d’évaluation 5 tout à fait inacceptable et la présence des BPC aurait dû, et ce dès le début, amener les autorités à questionner toute la procédure de récupération de la barge […]. » D’après E. Pelletier, il y a quatre bonnes raisons appuyant son opposition : la quantité de BPC est trop importante, il y a confirmation que les fuites ont déjà commencé, il y a une ignorance complète du compartiment où se trouve les BPC, et finalement on ne décrit pas de moyens pour réduire les effets néfastes en cas de fuites plus importantes qui pourraient survenir pendant le renflouage. Le risque est alors beaucoup trop important, à son avis, pour procéder à un renflouage quelconque. Les concentrations de BPC déjà retrouvées dans les sédiments environnant la barge sont alarmantes, soit de 1 000 à 10 000 fois plus élevées que les concentrations retrouvées normalement dans les sédiments du golfe et de l’Atlantique Nord. Des concentrations jusqu’à 890 ppm auraient été mesurées au niveau des sédiments en contact avec la barge. Pelletier proposait une solution toute simple de couvrir l’Irving Whale de sable fin et d’une toile de géotextile étanche, aussi recouverte de sable pour ainsi sceller l’épave dans le fond de l’océan.21 Le 30 juillet 1996, l’Irving Whale est finalement renfloué. En résumé, 2 câbles ont été glissés sous l’épave, un des deux étant attaché à une grue flottante (Chesapeake), et l’autre à un navire de haute mer (BOAbarge 9). L’Irving Whale est ainsi tiré des fonds marins graduellement, en s’assurant que le tout demeure bien à l’horizontale et que la coque ne plie pas. Quand l’épave rejoint la surface, un semi-submersible (BOAbarge 10) vient se glisser en dessous. L’eau est alors pompée hors des compartiments avant et arrière de l’Irving Whale afin de diminuer la tension lors de la remontée. L’eau est rejetée dans l’océan car elle a été préalablement testée avant le renflouage, avec une concentration de moins de 2 ppm. Le BOAbarge 10 remonte ainsi à la surface en vidant ses ballasts, avec l’Irving Whale à son bord. Finalement, le BOAgarge 10 retourne vers le port d’Halifax pour y déposer son épave.6 Le renflouage a nécessité 8 jours. Un léger déversement de 1500 litres de mazout lourd s’est produit durant la procédure; par contre 1400 litres a pu être ramassé sur place le jour même. Une mince couche d’huile de 5000 litres est cependant découverte au nord de 6 l’Île-du-Prince-Edouard, provenant probablement des travaux préparatoires.6 Sur les 7520kg d’huile de BPC contenus dans la barge, 1593kg sont récupérés de la barge, et 373kg ramassés des sédiments contaminés des Îles de la Madeleine. En conclusion, 5554kg de BPC sont perdus dans l’environnement.16 QUE SONT LES BPC? Les biphényles polychlorés sont des contaminants provenant de l’industrie. Ils ont été utilisés extensivement dans l’industrie électrique, notamment comme agent de refroidissement ou d’isolement pour les transformateurs et les condensateurs.5 On les retrouvait aussi dans les peintures, les ancres d’imprimerie, les refroidissants pour moteurs, les fluides pour l’hydraulique, les plastiques et plastifiants et les produits ignifuges. Ils était même utilisés comme additif dans les pesticides afin de prolonger leur action.22 Ce sont des molécules très stables, résistantes à la chaleur, l’hydrolyse, les acides et les alcalins. Elles sont hydrophobes mais sont solubles dans les solvants organiques non-polaires et les lipides biologiques.5,22,26 132 congénères de BPC ont été commercialisés depuis 1930, en mélanges complexes. On peut citer comme exemple l’Aroclor au USA26, le Pyralene (France), et le Phenoclor (France)5. Ces BPC sont maintenant bannis de presque tous les pays industrialisés26. Les dibenzo-p-dioxines polychlorés (PCDDs) et les dibenzofuranes (PCDFs) sont des sous-produits formés lors de la synthèse des BPC. Ils ont les mêmes propriétés que les BPC et sont tout aussi nocifs. Par rapport au LD-50, les BPC sont généralement moins toxiques que le DDT (dichloro-diphenyl-trichloroethane), un pesticide.22 La toxicité est reliée au nombre d’atomes de chlore présents dans la molécule, de même que la position des ces chlores.26 Ainsi, plus il y a de chlores, plus c’est toxique, moins c’est métabolisable, plus c’est résistant à la décomposition22 et moins c’est soluble dans l’eau.5 L’Aroclor 1242, utilisé dans les tuyaux de chauffage du pétrolier Irving Whale, contient 42% de chlore, et 9% des molécules du mélange 1242 contiennent 5 chlores ou plus.5 En ce qui a trait à la position des chlores, les congénères de BPC qui n’ont pas de substitution en position ortho sur leur molécule sont les plus toxiques. Ils stimulent le 7 récepteur-Ah (récepteur de groupement aryle) qui provoque l’expression de l’isoenzyme CYP1A, isoenzyme faisant partie du groupe des cytochromes P450. Ces cytochromes ont pour rôle, entre autres, le métabolisme et la détoxification des substances xénobiotiques. Ils sont retrouvés au niveau du foie en grande majorité. Ces congénères sans substitutions en position ortho adoptent une forme coplanaire, devenant des stéréoisomères du 2,3,7,8 TCDD (2,3,7,8-Tetrachlorodibenzo-p-Dioxin). Ils ressemblent donc à des dioxines. Ils peuvent entre autres provoquer une toxicité dermique, des réponses comportementales neurales, une perte de poids corporel, des effets immunotoxiques, une toxicité hépatique, une toxicité au niveau de la reproduction et du développement, une promotion du cancer, une diminution des niveaux de vitamine A, une accumulation de porphyrine, de même que l’induction des enzymes cytochromes P450, glutathione-S-transférase et époxidéhydrolase. Quant aux congénères de BPC ayant une mono-substitution en position ortho, ils sont moins toxiques, induisant de façon moins importante le CYP1A, mais induisant aussi le CYP2B et le CYP3A. Finalement, les congénères ayant de multiples substitutions en position ortho sont très abondants dans l’environnement, en concentration plus élevé dans les organismes. Ils sont les moins toxiques de tous, ayant un effet similaire au phénobarbital pour ce qui a trait à l’induction du cytochrome p450 (CYP2B1/2). Ils peuvent potentiellement être promoteurs de tumeur hépatique chez les rongeurs, et avoir un effet sur le métabolisme des hormones thyroïdiennes, de la vitamine K et A. De plus, ils ont potentiellement des effets neurotoxique et des effets sur la protéine kinase C (PKC).26 EFFETS SUR LA FAUNE AQUATIQUE La résistance des BPC envers la biotransformation provoque une bioaccumulation et bioamplification dans la chaîne alimentaire à tous les niveaux.5,26 Les milieux aquatiques sont des milieux idéaux pour incorporer des BPC dans les tissus vivants parce que les chaînes trophiques sont ramifiées et complexes. De plus, les super-prédateurs sont des mammifères et des oiseaux qui vivent longtemps, donc accumulent longtemps. En général, le transport des BPC peut se faire par lessivage par l’eau, la volatilisation, les mouvements de l’air et les mouvement de l’eau par les courants marins.21 8 Avant le renflouage du Irving Whale, la quantité de BPC estimée dans le golfe du SaintLaurent était de moins de 2 tonnes (1990). Ces BPC proviennent des déversements des usines longeant l’estuaire, ainsi que des apports atmosphériques. Les organismes du golfe avaient un niveau de BPC 100 à 200 fois inférieur à la norme de Santé Canada (2 ppm).21 Dans la zone de turbidité maximal de l’estuaire du St Laurent (où sont situés les bélugas), les zooplanctons, les éperlans juvéniles et adultes, les poulamons juvéniles et adultes et les capelans affichaient tous une accumulation de BPC supérieure à 0.1 ppm. Les congénères de BPC ont un patron similaire dans la chaîne alimentaire, et ce jusqu’aux bélugas.7 L’Irving Whale ajoute 5½ tonnes de BPC au total de BPC du golfe.16 PLANCTON, ALGUES ET PLANTES Les BPC peuvent s’accumuler au niveau du phytoplancton car ces organismes possèdent des vacuoles contenant des réserves de lipides. Les BPC pénètrent la paroi de la cellule par simple diffusion et s’installent dans les vacuoles. L’accumulation peut ainsi se poursuivre chez les organismes se nourrissant de phytoplancton plein de BPC. Les végétaux n’ont aucun moyen de défense contre cette accumulation. Plus il y a de vacuoles de lipides dans la plante, plus l’accumulation sera importante.21 ANIMAUX Contrairement aux végétaux, les animaux possèdent une certaine capacité à métaboliser des BPC. Souvent, une espèce animale parviendra plus facilement à métaboliser certains congénères de BPC grâce à leurs cytochromes p450 respectifs. Ceci cause une accumulation de différents congénères de BPC dans chaque espèce animale. Toutefois, au moins 8 congénères sont réfractaires à toute tentative de métabolisme, ce qui porte à conclure que l’accumulation dans la biodiversité est inévitable.21 VERS MARINS, MOLLUSQUES ET CRUSTACÉS Chez les polychètes (vers marins), notamment chez Nereis virens, l’exposition aux BPC augmente l’activité du cytochrome P450, de même que la concentration de ces enzymes.8 Chez les huîtres exposées aux BPC, une atrophie du diverticule épithélial digestif, une dégénération des tissus conjonctifs vasculaires, de même qu’une infiltration de leucocytes sont possibles.8 Ces mollusques accumulent les BPC dans leurs lipides et les transfèrent dans leurs œufs. De plus, il y a une augmentation d’acides gras libres dans leurs 9 branchies et leurs manteaux. Cette accumulation est temps et dose dépendante.2 Quant aux crevettes, ceux exposées aux BPC sont plus susceptibles à des infections virales atypiques, ce qui démontre une certaine immunotoxicité.8 POISSONS REPTILES/AMPHIBIENS Chez divers poissons marins, une exposition à 1ppm de BPC dans l’eau pendant 58 jours provoque une accumulation de 3.7 X104 fois les concentrations de l’eau. Cette expérience démontre qu’il y a effectivement une accumulation dans les tissus. Ces BPC sont concentrés en ordre décroissant au niveau du foie, des branchies, du poisson entier, du cœur, du cerveau et finalement des muscles.22 Cette même expérience, répétée cette fois chez le saumon de l’Atlantique démontre qu’il y a immuno-modulation des lymphocytes T du rein antérieur, à court et à long terme.13 Le poulamon de l’estuaire du Saint-Laurent affiche une plus haute concentration de contaminants organochlorés que ceux provenant de la rivière Miramichi et Richibucto au Nouveau-Brunswick. Chez les premiers, qui sont affligés par une contamination chronique, on rapporte la suppression de l’activité d’EROD (ethoxyresorufin-Odiethylase), une enzyme hépatique. La concentration totale de BPC est 2.5 à 4 fois plus élevée, et l’activité du EROD 20 fois moins importante. Donc, plus les BPC sont en concentration élevées, moins cette enzyme hépatique est active.3 Pour ce qui est de la plie canadienne, une étude fait par Lacroix et al. démontre qu’une exposition à des sédiments contaminés par des BPC provoque une déficience immunitaire au niveau de la réponse phagocytaire. Cette déficience est progressivement réversible si la plie s’éloigne de l’habitat contaminé.17 Chez la lamproie contaminée aux BPC, il y a déséquilibre de l’osmorégulation (effectuée par la glande de sel (salt gland)) par inhibition de la pompe sodium/potassium ATPase.22 Finalement, chez les amphibiens, une expérience in vitro chez des têtards de la grenouille des bois démontre que les sédiments contaminés aux BPC sont directement toxiques et létaux pour les têtards. On peut aussi noter des anomalies comportementales, comme par exemple une diminution de l’activité et de la vitesse de nage.23 10 MAMMIFÈRES Chez les mammifères, les BPC sont absorbés par les intestins, la peau et le système respiratoire.5 Les tissus adipeux et foie sont les sites principaux d’accumulation. La peau et les glandes surrénales peuvent aussi accumuler une bonne proportion de BPC, variable selon les espèces.25 Le transfert à la progéniture est possible via le placenta et le lait. Ce dernier est plus important chez les mammifère sécrétant un lait à haute teneur en lipide, notamment chez les baleines et les phoques. Ce mécanisme permet notamment aux femelles d’avoir une plus faible concentration de BPC que les mâles, car elles transmettent une certaine proportion de BPC à leur progéniture.22 Le vison d’Amérique est une des espèces de petit mammifère les plus susceptibles aux effets toxiques des BPC; une consommation expérimentale de 100µg/kg de BPC cause une toxicité reproductive grave, due à l’implantation retardée typique à cette espèce. De plus, ce niveau d’accumulation de BPC est létal chez les visons.5,22 Chez les phoques et otaries, on a observé plusieurs problèmes de reproduction. Par exemple, des résidus de 2 à 8 fois plus élevés que la normale (0.2 ppm) chez l’Otarie de Californie sont associés avec des naissances prématurées et une mortalité accrue de la progéniture. De plus, il y a une diminution du succès à la reproduction chez les phoques communs.22 Dans le Golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, c’est le phoque commun qui accumule le plus de BPC dans ses graisses comparativement au phoque gris, au phoque du Groenland et au phoque à capuchon. Ces variations sont expliquées par les différents régimes alimentaires de ces espèces de pinnipèdes (ex : le phoque gris se nourrit exclusivement de poissons. D’autres, comme le phoque à capuchon, sont benthiques). Leur patron de migration, la proximité des sources de pollution industrielle, et possiblement la variation dans la capacité d’éliminer ces BPC, sont aussi des causes de variation.11 Le phoque commun serait une espèce très vulnérable aux effets immunotoxiques, beaucoup plus que le phoque gris. C’est la phagocytose par les polymorphonucléaires qui est affectée.10 Chez le phoque à capuchon, il n’y a pas de différences notables de concentration de BPC entre les mâles et les femelles. Celles-ci perdent peu de graisses lors de la lactation ; elles transfèrent donc peu les contaminants à leur progéniture.27 11 Chez le béluga, il y a évidence de biotransformation de certains congénères de BPC accumulés, surtout les congénères sans substitution ortho. Plus un congénère contient de molécules de chlore, moins ce congénère est métabolisé. Les métabolites issus de la biotransformation contribuent potentiellement à la toxicité.19 Des biopsies d’hypoderme effectuées entre 1994 et 1998 chez des bélugas vivants de l’Estuaire du Saint-Laurent et d’autres faites entre 1993 et 2001 chez les bélugas de l’Arctique ont confirmé des résultats obtenus chez des bélugas trouvés morts échoués dans l’Estuaire: la concentration de BPC est plus importante chez les mâles (jusqu’à 128 000 ng/g de lipides – Saint Laurent) que chez les femelles (jusqu’à 44 100 ng/g de lipides – Saint Laurent).12 Ceci est du principalement au transfert transplacentaire et au transfert au nouveau-né par le lait.27 Pour ce qui est de l’immunotoxicité, certains BPC, dont le BPC 138 seul ou en mélange, réduisent significativement la réponse proliférative des splénocytes de béluga in vitro. Ceci étaye l’hypothèse que ces contaminants diminuent la réponse immunitaire chez cette espèce.4 Des effets immunosuppressifs ont aussi été notés chez les grands dauphins. En effet, des mélanges de BPC contenant un minimum de 2 congénères non-coplanaires provoquent une réduction de l’activité phagocytaire par les neutrophiles et les monocytes, plus marquée chez le grand dauphin que le béluga. Les effets immunomodulateurs sont probablement due à un autre mécanisme que celui du récepteur-Ah au niveau des cytochromes p450.18 Chez la baleine à bosse et la baleine bleue du Golfe du SaintLaurent, la concentration de BPC est plus élevée chez les mâles que les femelles, pour les mêmes raisons que chez le béluga. Ces 2 baleines ont des proportions différentes de congénères de BPC et des différents métabolites ; ceci est principalement du à une alimentation différente (les baleines à bosses se nourrissent surtout de poisson alors que les baleines bleues se nourrissent exclusivement de krill).20 OISEAUX Selon les différentes colonies d’oiseaux migrateurs à cause de leurs différentes routes de migration, l’accumulation de BPC diffère. Les pélicans et les grèbes provenant de Klamath Basin sont de bons exemples. De plus, les BPC provoquent une diminution de l’épaisseur de la coquille des œufs des ces espèces et par conséquent l’œuf est moins résistant.22 12 Chez le grand héron, les BPC affectent négativement la concentration de rétinol au niveau plasmatique, de même que le niveau de T3. On note de plus que le rapport rétinol : palmitate de rétinyle des œufs est affecté.1 L’exposition à des BPC chez des canards malards provoque un délai de la ponte.22 Il y a aussi diminution du nombre d’œufs pondus intacts par ces canards nourris avec une nourriture contenant 40ppm BPC. Ils sont aussi plus susceptibles au virus de l’hépatite des canards, en plus d’avoir un taux de mortalité plus élevé.22 Au Labrador, on démontre chez le guillemot à miroir une hépatomégalie due à une faible accumulation de BPC chez les oiseaux qui résident près de la plage. Une augmentation de 79% de l’enzyme hépatique ethoxyresorufin-O-diethylase (EROD) et une diminution des concentrations de rétinol hépatique de 47% sont notées.15 CONCLUSION Environnement Canada, après soumission d’un rapport sur l’ÉVALUATION DES OPTIONS DE RESTAURATION DES SÉDIMENTS REPOSANT SUR LE SITE DU NAUFRAGE DE L' IRVING WHALE DANS LE SUD DU GOLFE SAINT-LAURENT, conclut que 150 kg de BPC résident dans le fond du golfe Saint Laurent, ce qui est insuffisant pour envisager des mesures de nettoyage. De plus, des échantillons de crabes des neiges démontrent une accumulation en deçà des normes de Santé Canada (2 ppm). L’option de surveillance annuelle est donc actuellement choisie par le gouvernement. De plus, comme le reste des BPC c’est disséminé, il est irrécupérable.6 Ces BPC appartiennent donc maintenant à la charge globale de contamination du golfe. En somme, 5 million $CAN ont été déboursés par J.D. Irving, contre 37 millions $CAN pour le gouvernement canadien.9 Le temps de réponse afin de diminuer la concentration de BPC dans l’Estuaire et le golfe du Saint-Laurent est estimé à environ 30 ans selon Émilien Pelletier, océanographe et chimiste à l’INRS. Il faut aussi prendre en compte que la contamination du Saint-Laurent via les vents peut augmenter se temps de réponse ou empêcher toute diminution de la contamination.21 En somme, l’accident Irving Whale aura contribué grandement à l’augmentation des composés toxiques dans notre environnement, de même qu’à 13 empêcher sa restauration. De plus, ces composés vont nuire grandement à l’écosystème, et potentiellement causer des problèmes de santé sérieux aux animaux, incluant l’homme. 14 BIBLIOGRAPHIE 1. Champoux L., Rodrigue J., Trudeau S., Boily M.H., Spear P.A., Hontela A., Contamination and Biomarkers in the Great Blue Heron, an Indicator of the State of the St. Lawrence River. Ecotoxicology 2006: 15: 83-96. 2. 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