Gestion écologique des déchets solides médicaux et
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Gestion écologique des déchets solides médicaux et
Gestion écologique des déchets solides médicaux et pharmaceutiques: Cas de l’hôpital Avicenne de Rabat Yacine EL MAAROUFI [email protected] [email protected] EL Abass EL OUARDI Université Mohamed V –Rabat- Souissi Centre Stratégique International de la Gouvernance Globale. TEL : +212 611 376 526 +212 665 204 329 FAX : +212 537 692 796 Résumé Les pollutions imputables aux déchets solides médicaux et pharmaceutiques (DSMP) est sans doute l'une des plus complexes à résoudre. Ces déchets entraînent des sujétions particulières quant à leurs modalités de gestion. Une telle gestion, nécessite une politique d'hygiène appropriée, des moyens humains, matériels et financiers suffisants, du personnel formé et une réglementation adéquate pour pouvoir prévenir, si non réduire, tout risque pour les patients, les professionnels et l'écosystème. Conscient de la nécessité et de l'obligation de résoudre la situation engendrée par la problématique des DSMP au Maroc, le Ministère de la santé est en quête permanente d’une gestion rationnelle et écologique de ces déchets. Notre étude se propose d’éclaircir la problématique de la gestion DSMP au niveau de l’hôpital Avicenne de Rabat, et d’évaluer ses enjeux sur l’environnement. La méthodologie adoptée est une appréciation normative, utilisant comme démarche l'approche systémique. Mots clés : déchets – environnement – gestion – hôpital – soins Abstract The pollutions attributable to medical and pharmaceutical solid waste (MPSW) is probably one of the most complexes to solve. These wastes bring particular constraints on their management. Such management requires an appropriate hygiene policy, adequate human, material and financial resources, trained personnel and adequate regulation to prevent, if not reduce, the risk for patients, professionals and the ecosystem. Aware of the need and obligation to resolve the situation created by the MPSW issues in Morocco, the ministry of health is seeking of efficient and ecological management of wastes. Our study aims to clarify the issue of MPSW management at the Avicenne hospital in Rabat and assess its implications on the environment. The methodology adopted is a normative assessment using systematic approach. Keywords: waste - Environment - management - hospital - care 1 Introduction Cette étude rend compte d’une recherche exploratoire sur la gestion écologique des déchets solides médicaux et pharmaceutiques (DSMP) au niveau de l’hôpital Avicenne de Rabat. Pour l’écosystème, la réflexion sur un tel sujet est capitale. En effet, l’impact de ces déchets sur l’environnement et leur rôle dans l’éclosion des infections nosocomiales ne sont plus à démontrer. Quand il est question de santé, l'environnement n'est jamais loin et les notions de santé environnementale sont extrêmement présentes. La triade santé, environnement et développement durable entretiennent une étroite interrelation holistique. Tous sont fondés sur les mêmes valeurs : responsabilité individuelle et collective, engagement social, mesures législatives et budgétaires. Au Maroc, Diverses publications et enquêtes ont montré que les conditions actuelles d'élimination des déchets solides médicaux et pharmaceutiques ne sont pas toujours satisfaisantes. Si cette situation peut se comprendre, cela n'implique pas que l'on ne tente pas d'y remédier. En effet, en matière d'élimination des déchets, les établissements de soins publics et privés sont concernés à double titre : • En tant que producteurs de déchets et donc responsables de leur bonne élimination ; • En tant qu'acteurs de santé soucieux d'une bonne hygiène pour la protection de la population et de l’environnement. De ce fait et conscient de la nécessité et de l'obligation de résoudre la situation engendrée par la problématique des déchets solides médicaux et pharmaceutiques au Maroc, le Ministère de la santé est en quête permanente d’une gestion rationnelle et écologique de ces déchets. Des directives ministérielles dans ce sens ont été transmises aux hôpitaux publics depuis 1992. Cette étude part d’un constat de la réalité des établissements de soins et sert d’outils de base pour l’amélioration de la gestion des déchets produits par ces établissements. Elle permet aux différents intervenants en milieu de soins de prendre conscience de la responsabilité partagée aux différentes étapes du processus de gestion, en vue de réduire les risques liés aux déchets qui pèsent sur la santé et l’environnement et réduire le coût de gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques des établissements de soins. 2 Dans notre travail, le processus de gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques consiste en l'établissement d'une filière de gestion comprenant: le tri, le conditionnement, le stockage, la collecte, le traitement et l'élimination de ces déchets. Le plan d’amélioration de la gestion des DSMP contribue à assurer une gestion durable de ces déchets en mettant en place des systèmes viables au plan environnemental, techniquement faisable, socialement acceptable, susceptibles d’éliminer les risques d’infections et de garantir un environnement sain et propre. Il ambitionne de donner une vision et des orientations majeures d’une gestion rationnelle des DSMP, mais aussi d’être une base pour le développement d’un consensus avec les acteurs institutionnels impliqués dans les activités liées à la gestion des DSMP. Nous nous somme intéressés à cet aspect de gestion des déchets médicaux et pharmaceutiques au niveau de l’hôpital Avicenne de Rabat car il est considéré comme un des grands et anciens hôpitaux du Royaume. Ce travail s'est intéressé dans sa première partie à la problématique et à la méthodologie de recherche. Dans sa deuxième partie à l'état des connaissances relatives au sujet de production et de gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques. Puis sa troisième partie sera consacrée aux résultats, aux discussions et recommandations jugées nécessaires. Problématique Les déchets hospitaliers par leur nature et leur constitution représentent une grande menace pour la santé en milieu intra et extra hospitalier et une source de pollution pour l'environnement. Sous des conditions défavorables, ces déchets peuvent rompre l’équilibre écologique et – dans le pire des cas – mener à une catastrophe écologique. La probabilité de tels événements dépend du danger intrinsèque présenté par les déchets de soins de santé, du risque d’exposition de l’équilibre écologique ainsi que de la fréquence et de l’ampleur de celle-ci. Au niveau des décharges publiques qui sont souvent non contrôlées pour les pays en voie de développement, ces déchets s'infiltrent et posent le risque de contamination infectieuse, toxique ou radioactive du sol et des eaux souterraines, à l'origine de la pollution de l'écosystème et de l'apparition d'un certain nombre d'état morbide (choléra, typhoïde...) chez la population. 3 Une étude de l’OMS menée en 2002 auprès de 22 pays en voie de développement a montré que 18 à 64 % des établissements de soins n’éliminent pas correctement leurs déchets. Les injections par seringues contaminées sont responsable de : • 21 millions d’hépatite B (32 % des nouveaux cas) ; • 2 millions d’hépatite C (40 % des nouveaux cas) ; • 260 000 cas VIH Sida (5 % des nouveaux cas). De ce fait, une gestion adéquate de ces déchets nécessiterait une politique d'hygiène appropriée, des moyens humains, matériels et financiers suffisants, du personnel formé et une réglementation adéquate pour pouvoir prévenir, si non réduire, tout risque pour les patients, les professionnels de santé et l'environnement. Au Maroc, la gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutique prend de plus en plus de place dans les politiques de santé publique. Ce regain d’intérêt se rapporte d’une part à l’importance du risque lié à la production de plusieurs sortes de déchets d’activités de soins et d’autre part aux nuisances que peut engendrer une technique inadéquate de traitement de ces déchets pour la santé de l’homme et pour l’environnement. En 2001, une enquête a été conduite par le Ministère de la santé et le bureau régional de l’OMS sur la pratique des injections a révélé que : • Aucune des formations sanitaires visitées ne disposait de boites de sécurité telle que définies dans la fiche technique du matériel d’injection ; • Les formations sanitaires ne disposaient pas de directives pour le traitement des objets piquants ; • L’élimination des seringues et aiguilles se faisait soit par incinération, soit après collecte par les services municipaux vers un autre lieu. A la lumière de ces résultats, il est devenu impératif de mettre en place au niveau des établissements de soins des outils (plan de gestion, réglementation) et des procédures sur l’élimination rationnelle des déchets solides médicaux et pharmaceutiques. Notre étude a étayé la problématique de la gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques au niveau de l’hôpital Avicenne de Rabat. Ont été exclus de cette étude : • les déchets radioactifs pour lesquels il existe une réglementation particulière ; 4 • les corps et les grandes pièces anatomiques destinés à la crémation ou à l'inhumation ; • les déchets liquides admissibles dans le réseau d'assainissement. Méthodologie de recherche La méthodologie adoptée est une évaluation normative, utilisant l'approche systémique qui consiste à porter un jugement sur une intervention en comparant les ressources mises en œuvre (structure), et leur organisation (processus), les services ou les biens produits et les résultats obtenus par rapport à des normes. Ces normes sont des valeurs acceptables "standards". Dans notre cas : • la structure est représentée par les ressources utilisées (humaines, matérielles et financières) et leur organisation (le programme d'hygiène, la réglementation, la coordination avec les collectivités locales, les organes responsables d'hygiène, l'implication des responsables hospitaliers, le suivi et l'évaluation...). • le processus consiste en l'établissement d'une filière de gestion comprenant les étapes suivantes: le tri, le conditionnement, le stockage, la collecte, le traitement et l'évacuation. • les résultats immédiats en termes de DSMP gérés et traités. La capacité de généralisation des résultats de cette étude ne repose pas dans notre cas sur les principes de similitude et de robustesse, puisque certaines conditions liées à la gestion des DSMP à l’hôpital sont très contextuelles sur des plans tels que le mode de gestion, les outils implantés et les ressources disponibles, et ceci même si tous les hôpitaux du Royaume sont soumis aux mêmes dispositions institutionnelles et réglementaires. Par contre, un certain degré de validité externe peut être accordé à la présente étude grâce à un potentiel d’explication des conditions de réussite ou des obstacles à l’élaboration de tout plan de gestion des DSMP. Sources et méthodes de collecte de données Afin d’accumuler différents points de vue pour investiguer les aspects convergents, l’étude a fait appel à une variété de sources de données : • L'observation directe : elle nous a permis d'apprécier le processus et les résultats immédiats de cette gestion. Elle a intéressé toute la filière d'élimination des DSMP depuis la production jusqu'à l'élimination. 5 • Les entretiens semi-directifs : ont été réalisés avec certains intervenants dans la gestion des DSMP : le chef du SSI, les professionnels de santé, les responsables de la commune et leurs agents, pour expliciter certains points qui restent sombres, recueillir les problèmes vécus et les points de vue des différents intervenants. • La compulsion de certains documents : tels les documents qui sont en rapport avec les actions menées par les différents intervenants concernant le processus de la gestion des DSMP, aussi chercher l'existence des circulaires ministérielles, des guides et procédures de gestion des DSMP. Plan d’analyse des données • Analyse des données issues de l’observation et de l’exploitation des documents qui sont en rapport avec les actions menées par les différents intervenants concernant le processus de la gestion des DSMP. Cette analyse a permis de dresser un état des lieux sur la gestion des DSMP à l’Hôpital. • Analyse des données recueillies au cours des entretiens avec les différents intervenants dont le but d’approfondir l’explication et la compréhension à propos des facteurs et conditions qui influencent la réussite de tout plan de gestion rationnelle des DSMP. Notre étude qui est une appréciation normative, a utilisé comme démarche l'approche systémique (structure, processus, résultat). Dans un premier temps nous avons assimilé les déterminants à la structure, la filière de gestion des DSMP au processus proprement dit, les résultats sont assimilés aux DSMP qui ont été gérés et traités. Dans un 2ème temps, nous avons comparé la structure, le processus et les résultats aux normes préconisées. Notre référentiel comprend les normes nationales et internationales. Les normes nationales utilisées pour notre étude sont puisées du guide de gestion des déchets des Etablissements de Soins (élaboré par le MS/ DHSA), du Dahir n° 1-06-153 du 30 chaoual 1427 (22 novembre 2006), publié dans le B.O N° 5480 du 15 Kaada 1427 (7/12/2006), portant promulgation de la loi n° 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination (86Articles), des circulaires ministérielles relatives à la propreté et l'hygiène hospitalière, à la gestion et le traitement des déchets hospitaliers: circulaires du 02/11/1992, du 04/07/94 du 22/11/96 et du 28/11/2000. Les normes internationales sont puisées des directives de l'OMS. 6 Production des déchets solides médicaux et pharmaceutiques 1. Définitions Les déchets de soins médicaux comprennent tous les déchets produits par des activités médicales. Ils embrassent des activités de diagnostics aussi bien que des traitements préventifs, curatifs et palliatifs dans le domaine de la médecine humaine et vétérinaire. En d’autres termes, sont considérés comme déchets de soins médicaux tous les déchets produits par des institutions médicales (publiques ou privées), un établissement de recherche ou un laboratoire. Au Maroc, le Dahir n° 1-06-153 du 30 chaoual 1427 (22 novembre 2006), publié dans le Bulletin Officielle N° 5480 du 15 Kaada 1427 (7/12/2006), portant promulgation de la loi n° 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination dans son Titre V (gestion des déchets médicaux et pharmaceutiques), les déchets d’activités de soins prennent la nomination de déchets médicaux et pharmaceutiques. Les définitions qui ont été adoptés par cette loi sont les suivantes : - Déchets: tout résidu résultant d'un processus d'extraction, exploitation, transformation, production, consommation, utilisation, contrôle ou filtration, et d'une manière générale, tout objet et matière abandonnés ou que le détenteur doit éliminer pour ne pas porter atteinte à la santé, à la salubrité publique et à l'environnement; - Déchets médicaux et pharmaceutiques: tout déchet issu des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, palliatif ou curatif dans les domaines de la médecine humaine ou vétérinaire et tous les déchets résultant des activités des hôpitaux publics, des cliniques, des établissements de la recherche scientifique, des laboratoires d'analyses opérant dans ces domaines et de tout établissement similaire; - Déchets dangereux: toutes formes de déchets qui, par leur nature dangereuse, toxique, réactive, explosive, inflammable, biologique ou bactérienne, constituent un danger pour l'équilibre écologique tel que fixé par les normes internationales dans ce domaine ou contenu dans des annexes complémentaires; - Déchets ménagers: tout déchet issu des activités des ménages; 7 - Déchets assimilés aux déchets ménagers : tout déchet provenant des activités économiques, commerciales ou artisanales et qui par leur nature, leur composition et leurs caractéristiques, sont similaires aux déchets ménagers; - Gestion des déchets: toute opération de pré collecte, de collecte, de stockage, de tri, de transport, de mise en décharge, de traitement, de valorisation, de recyclage et d'élimination des déchets y compris le contrôle de ces opérations ainsi que la surveillance des sites de décharges pendant la période de leur exploitation ou après leur fermeture ; - Générateur de déchets : toute personne physique ou morale dont l’activité de production, de distribution, d’importation ou d’exportation génère des déchets. - Traitement des déchets : toute opération physique, thermique, chimique ou biologique conduisant à un changement dans la nature ou la composition des déchets en vue de réduire dans des conditions contrôlées, le potentiel polluant ou le volume et la quantité des déchets, ou d'en extraire la partie recyclable ; - Elimination des déchets: toute opération d’incinération, de traitement, de mise en décharge contrôlée ou tout procédé similaire permettant de stocker ou de se débarrasser des déchets conformément aux conditions assurant la prévention des risques pour la santé de l'homme et de l'environnement; 2. Classifications des déchets médicaux et pharmaceutiques Pour établir la classification des déchets produits nous devons utiliser une nomenclature de base, dans le but de trouver un consensus général sur ce concept et d'instaurer des options de traitement et d'évacuation acceptables. Selon les directives techniques pour la gestion écologiquement rationnelle des déchets biomédicaux et de soins médicaux donnés par la Conférence des Partis signataires de la Convention de Bâle sur le contrôle des Mouvements Transfrontaliers des déchets dangereux et leur élimination (décembre 2002), les déchets de soins médicaux sont classés comme suit : A- Les déchets de soins médicaux sans risques : Il comprennent tous les déchets n’ayant pas été infectés comme les ordures de bureaux, les emballages et les restes alimentaires, Ils sont similaires aux ordures ménagères ou municipales courantes et peuvent être traitées par les services municipaux de nettoyage. Ils représentent entre 75% et 90% de la quantité totale des déchets de soins médicaux produits par les institutions médicales. 8 B- Les déchets biomédicaux et déchets de soins médicaux nécessitant une attention particulière. Ils comprennent : - Les déchets anatomiques humains ; - Les déchets tranchants et piquants : ils sont considérés comme étant une des catégories de déchets les plus dangereux produits dans les établissements sanitaires et doivent être gérer avec le plus grand soin. - Les déchets pharmaceutiques : La gestion de ces déchets nécessite l’utilisation d’une approche différenciée. Cette catégorie de déchets inclus les produits pharmaceutiques périmés ou non utilisables pour d’autres raisons (exemple : les campagnes de retrait de produits). C- Les déchets infectieux et hautement infectieux : des mesures spéciales liées à la gestion des déchets infectieux, doivent être de rigueur à chaque fois que ceux-ci sont connus ou- sur la base de l’expérience médicale- supposés être contaminés par des agents vecteurs de maladies et lorsque cette contamination donne des raisons de penser que la maladie pourrait se répandre. Dans cette catégorie, on distingue deux groupes dépendant du degré d’infection qui leur est attribuée : D- Les autres déchets dangereux : Cette catégorie de déchets n’appartient pas exclusivement au domaine médical. Elle comprend les substances chimiques gazeuses, liquides et solides à haute teneur en métaux lourds comme les batteries, les conteneurs pressurisés, etc. E- Les déchets de soins médicaux radioactifs : Ils comprennent les liquides, gaz et solides contaminés par des radionucléides dont les radiations ionisantes ont des effets génotoxiques. 3. Estimation des quantités de déchets produits Au Maroc, faute d’enquête et d’évaluation détaillée, il est difficile de déterminer avec précision les quantités de déchets solides médicaux et pharmaceutiques. Cependant, une estimation des déchets de soins peut se faire à partir des productions spécifiques ou unitaires (par lit d’hôpital et par jour ou par malade et par jour) en fonction de la capacité litière de chaque établissement de soins. La production unitaire moyenne à l’échelle nationale est estimée à 3 kilogrammes par lit et par jour, avec des variations, selon la discipline hospitalière allant de 1,5 à 4,5 kilogrammes 9 par lit et par jour1. Considérant la Capacité litière nationale (secteurs public et privé) de 33 300 lits et le Taux d’occupation moyen national (TOM) de 56 %, les hôpitaux publics et privés produisent près de 20 400 tonnes de déchets dont 4 100 tonnes de déchets à haut risque pour la santé des citoyens. La nature de la pathologie constitue un facteur déterminant dans la production des déchets. A titre d’exemple, un hôpital général de faible capacité produit plus de déchets qu’un hôpital psychiatrique de plus grande capacité. Sur l’ensemble des déchets produits par les établissements de soins, près de 20 % sont constitués de déchets comportant des risques infectieux ou toxiques. Les 80 % restants sont des déchets ménagers ou assimilés d’où l’importance de la quantification exacte des déchets produits selon une méthodologie rigoureuse. L’intérêt de quantifier la production journalière des déchets dans chaque établissement de soins réside dans la connaissance du poids et du volume des déchets produits quotidiennement. Ceci permettra de : • Prévoir les besoins en matériel de collecte, de conditionnement et de traitement des déchets (sac, conteneurs, poubelle, équipement de traitement, etc.). Par exemple, pour un service froid de 30 lits, la production journalière se situe autour de 3 kg/lit/jour. Ce service produira donc environ 90 kg/jour et aura besoin d’environ de 3 sacs de 50 kg par jour ou de 30 sacs par mois, dont 75 à 90 % de couleur noire, pour le conditionnement des déchets ménagers et 10 à 25 % de couleur rouge ou jaune, pour les déchets de soins à risque. • Surveiller la qualité du tri des déchets et plus particulièrement sa sélectivité qui doit tendre vers la diminution du nombre de sacs de couleur rouge réservés aux déchets de soins à risque sans nuire à l’efficacité du tri. Par exemple, un plâtre non souillé peut être mis dans un sac noir. Risques liés aux déchets solides médicaux pharmaceutiques : L’ampleur du problème lié aux déchets des établissements de soins, notamment hospitaliers, est déterminé non seulement par l’importance de la production des déchets, mais aussi par le risque d’infection qu’ils représentent pour la santé de l’homme et pour l’environnement. Les personnes les plus exposées sont : 1 ‘’Guide de gestion des déchets des établissements de soins’’, Ministère de la santé, DHSA, Maroc- 2005 -édité avec l’appui du Centre Régional des Activités d’Hygiène du Milieu (CEHA) de l’OMS et le Programme de Gestion et de Protection de l’Environnement (GTZ- MATEE). 10 • les professionnels de santé qui manipulent les objets piquants et coupants souillés sont exposés aux risques de blessures et d’infections ; • les éboueurs peuvent être piqués ou coupés par un matériel contaminé lors du transport des déchets mal conditionnés ; • les récupérateurs peuvent être blessés lors de la fouille ou de la manipulation des déchets au niveau des décharges publiques. Parmi les risques ressentis par la population et les professionnels de santé, nous citons : • les risques psycho-émotionnels qui se traduisent par la crainte du public lorsqu’il reconnaît des déchets souillés par du sang, du liquide biologique ou des pièces anatomiques ; • les risques infectieux qui existent potentiellement en cas de blessures ou de contact avec les objets souillés ; • les risques chimiques ou toxicologiques liés aux médicaments et aux réactifs utilisés dans les laboratoires notamment les substances génotoxiques. Les déchets chimiques (solvants, bases, acides, métaux lourds,…) peuvent également s’accumuler dans le milieu environnant et avoir un effet indirect sur la santé de l’homme, par le biais de la chaine alimentaire. Les médicaments anticancéreux présentent une toxicité importante. • les risques d’irradiation par le biais des produits radioactifs utilisés, entre autres, dans la médecine nucléaire à visée diagnostique (scintigraphie) ou thérapeutique (radiothérapie). • les risques de pollution du sol, de l’eau et de l’air suite à la mise en décharge des déchets médicaux ce qui peut avoir un impact néfaste sur la santé, la faune, la flore et les nappes phréatiques, et donc constitue un risque d’atteinte à l’environnement. L’incinération de certains déchets in situ dans l’hôpital dégage des fumées noires, riches en métaux lourds et polluant gazeux divers, et par voie de conséquence, peut avoir des effets néfastes sur la santé de la population avoisinante. Filière de gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques Les déchets de soins médicaux produits dans les établissements sanitaires doivent toujours suivre un itinéraire approprié et bien identifié, depuis leurs points de production jusqu’à leur élimination finale. Il s’agit d’un processus à sept étapes : 11 -Première étape : le tri des déchets. Il consiste en la séparation sur la base de leurs propriétés dangereuses des différents types de déchets, les types de traitement et d’élimination qui leur sont appliqués. Une manière recommandée d’identifier les catégories de déchets de soins médicaux est de les disposer selon des codes couleur et dans des sacs ou conteneurs clairement étiquetés. Le tri permet de protéger et d’améliorer la sécurité du personnel, de diminuer les risques d’infections et de contrôler l’incidence économique de l’élimination des déchets en réduisant la proportion des déchets à risque à traiter. Cette opération est supervisée par un cadre responsable des déchets désigné par chaque établissement. - Deuxième étape : le conditionnement. C’est l’emballage des déchets suivi de l’étiquetage (Barrière physique contre les microorganismes pathogènes) selon le protocole ci-après : • Déchets solides médicaux et pharmaceutiques non dangereux, assimilables aux ordures ménagères, à collecter dans des sacs de couleur noire. • Déchets piquants ou coupants, qui seront dans tous les cas considérés comme infectieux, à collecter, dès leur production, dans des collecteurs rigides et étanches de couleur rouge ou jaune. • Les déchets infectieux non piquants ni coupants doivent être collectés dans des sacs étanches de couleur rouge ou jaune. -Troisième étape : la collecte. C’est le trajet depuis le site de production des déchets jusqu’à la zone de stockage central. Il est recommandé d’être réalisée par une équipe de salubrité formée et avec une fréquence adaptée au rythme de production des déchets afin d’éviter toute accumulation des déchets dans les unités de soins. -Quatrième étape : Le stockage. L’objectif est de permettre un stockage sécuritaire et provisoire des déchets en attendant leur élimination finale. L’hôpital doit disposer de deux locaux distincts : l’un pour les déchets ménagers (sacs noirs) et l’autre pour les déchets de soins à risque (sacs rouges ou jaune). Les locaux de stockage doivent être fermés à clé et protégés contre l’accès des chats, des rongeurs et des chiffonniers. -Cinquième étape : Le transport. Il s’effectue du site de traitement à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôpital selon deux modalités : • Le transport à l’intérieur de l’hôpital s’effectue moyennant des chariots adaptés et systématiquement lavés et désinfectés avant leur retour ; 12 • Le transport à l’extérieur de l’hôpital est assuré par des véhicules réservés à cet usage et doivent être eux aussi systématiquement lavés et désinfectés avant leur retour à l’établissement. -Sixième étape : Le traitement. Son objectif principal est de réduire la quantité des germes pathogènes dans les déchets. La réduction du volume devra être considérée en deuxième priorité. Plusieurs technologies de traitement sont appliquées dans le monde. Le traitement par incinération a été largement pratiqué, mais d’autres solutions apparaissent peu à peu comme l’autoclavage ou le traitement chimique ou par micro-ondes qui pourraient être préférables dans certaines conditions. -Septième étape : La mise en décharge. C'est" l'installation de déchets par dépôt ou enfouissement dans des cavités artificielles ou naturelles du sol sans intention de reprise ultérieure. Préalable à la mise en place d’un système de gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques 1. Développement du plan de gestion Selon les recommandations de l’OMS, chaque établissement de soins devra préparer un plan même simple de gestion des déchets déterminant les objectifs, les activités, les intervenants et leurs attributions, les ressources nécessaires, ainsi que les mécanismes de suivi, de supervision et de contrôle2. 2. Déterminants de la gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques 2.1 Les ressources humaines La problématique de la gestion des DSMP nécessite la désignation d’un responsable au sein de l’établissement. Idéalement, une petite commission sera érigée au sein de l’hôpital et sera chargée d’étudier la problématique des déchets dans son contexte élargi et de transmettre des avis à la direction. Les principaux points qu’il faut tenir compte dans le plan de gestion sont : 2 World Health Organization/ Regional Center for Environmental Health Activities (CEHA), Basic steps in the preparation of health care waste management plans for health care establishment, Amman –Jordan 2002. 13 -La formation et la sensibilisation du personnel médical, infirmier et d'entretien sur les risques engendrés par les DSMP sur l'homme et son environnement, puis sur les précautions à prendre et les méthodes à appliquer pour une élimination optimale de ces déchets. - Les mesures de protection du personnel contre tout risque de traumatisme ou d'infection, en prenant des dispositions nécessaires: vêtements de protection appropriés, masques et gants. En plus de ces mesures, d'autres auteurs préconisent une vaccination contre l'hépatite B et la tuberculose et une surveillance médicale par le médecin du travail (suivi médical, dépistage et prévention des risques et maladies professionnels). -L'effectif du personnel nécessaire pour cette gestion est estimé pour chaque hôpital, compte tenu entre autre, de la capacité litière occupée de l'hôpital, du nombre de ses unités, etc. 2.2 Les ressources matérielles: Chaque hôpital doit prévoir dans son budget de fonctionnement une ligne budgétaire destinée à la gestion des déchets. En Europe, le coût de l'hygiène hospitalière représente environ 1% du total du budget d'un hôpital et le coût spécifique de la gestion des déchets représente 0,25% de ce même budget3. Par ailleurs, le coût de traitement des DSMP est variable selon les pays et selon le procédé de traitement utilisé. 3. Le programme de gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques : Ce programme applique les grandes orientations de la politique générale en matière de santé et de l'environnement du pays. Pour pouvoir établir un programme efficace, l'OMS recommande certaines mesures: • Nécessité d'exécuter une étude au préalable sur les déchets qui sont produits ou qui sont susceptibles de l'être, pour déterminer leur quantité et leur typologie. • Etablissement du circuit (plans des bâtiments): circuit propre et sale. • Faire des choix sur les modalités de gestion (tri, conditionnement, stockage, transport) et les moyens utilisés (humains, matériels, financiers). • Stratégie de traitement et d'élimination: incinération sur les lieux ou en dehors de l'hôpital, broyage stérilisation, compactage. • Planification individuelle, sectorielle ou régionale. 3 GIROUT E. "Règles de gestion des déchets hospitaliers pour les pays en développement" OMS - GENEVE, 1996, 16p. 14 • Faire des études de la faisabilité et de l'intérêt économique. • Faire des études d’impact sur l’environnement. 4. L’implication des responsables hospitaliers: La réduction des risques liés aux déchets est de la responsabilité de la direction de l’établissement ou l’hôpital. Pour cela, le directeur doit veiller à la mise en place d’un programme de gestion des DSMP notamment en ce qui concerne les modalités et les conditions de tri, de traitement, de manipulation, de stockage, de transport et de destruction des DSMP. En France, le Ministère chargé de la santé, en liaison avec le Ministère chargé de l'environnement, a engagé dès 1982, une politique d'information et de sensibilisation des gestionnaires des établissements hospitaliers. Cette politique s'est concrétisée en 1988, par la parution d'un guide sur les déchets solides. Chaque responsable peut se référer à ce guide pour élaborer et mettre en application sa propre démarche de gestion des déchets. Le guide les oriente également vers les moyens adéquats à utiliser et vers les possibilités de les améliorer. Cet intérêt s'explique par le fait que dans la législation européenne, la responsabilité du traitement et d'élimination des déchets dangereux incombe aux producteurs (principe du "pollueur payeur"). 5. Le suivi et l'évaluation: -Par le niveau central : L'OMS recommande les Ministères de Santé des différents pays d'inspecter les systèmes de gestion des déchets, au niveau des hôpitaux. En utilisant leurs pouvoirs légaux d'inspection relatifs à l'hygiène hospitalière. Dans ce cadre, le Ministère de la Santé marocain a élaboré la circulaire du 04/07/94 relative à la création des commissions d'inspection des établissements de soins. -Par le niveau local: La gestion des déchets à l'intérieur de l'hôpital, dépend du chef de service de l'hygiène hospitalière. Celui ci affectera un technicien spécialisé, muni des moyens nécessaires en main d'œuvre et matériel à la gestion des déchets. Et absence de ce service, le directeur de l'hôpital va designer "un responsable" pour les déchets. Au niveau des hôpitaux publics marocains, selon le règlement intérieur des hôpitaux, la gestion des déchets relève du bureau d'hygiène hospitalière qui est sous la responsabilité immédiat de l'infirmier chef du Service des Soins Infirmiers. C'est à ce bureau d'hygiène 15 hospitalière de procéder à la supervision, au suivi et à l'évaluation de cette activité au niveau de l’hôpital. Etat des lieux de la gestion des déchets solides pharmaceutiques au niveau de l’hôpital Avicenne de Rabat médicaux et 1. Présentation et analyse des résultats L’hôpital Avicenne de Rabat avec ses nombreux services cliniques, ses 832 lits fonctionnels et son riche plateau technique, est l’un des grands producteurs des déchets solides de la région de Rabat-Salé-zemmour- Zaèr. Une estimation approximative fait état d’une production de deux tonnes de déchets hospitaliers par jour dont plus de 70 % de déchets ménagers ou assimilés et environs 30 % de déchets médicaux et pharmaceutiques à risque. 1.1. Les ressources humaines -Le personnel responsable de la collecte des DSMP à l'intérieur de l’hôpital est composé des agents da la société sous-traitante chargée de l’hygiène, de nettoyage et de désinfection des locaux. Cette collecte se fait au niveau de tous les services cliniques et médico-techniques trois fois par jour et durant toute la semaine. Le rythme de la collecte des déchets s’effectue parfois d’une manière irrégulière à cause de la surcharge de travail et le manque d’équipements de protection appropriés (tenues, masques, des bottes, des tabliers ou blouses de travail, des lunettes de protection etc.) ou parfois se sont les agents qui refusent de les porter. Ces agents témoignent aussi qu’ils ne bénéficient pas de formation ou d’encadrement régulier dans la gestion des DSMP qu’ils manipulent à longueur de la journée. Les responsables de l’hôpital accusent une insuffisance en nombre de ces agents et c'est à la société sous traitante de remédier à cette situation inconfortable. -Le personnel de santé : en règle générale, le personnel médical et paramédical est relativement conscient des risques liés à la manipulation des DSMP, même si la majorité n’a pas été formée dans ce sens. A priori, le personnel soignant (médecins, sages-femmes, infirmiers) dispose d’un niveau de connaissances qui se traduit, dans la pratique, par des attitudes et comportements relativement satisfaisants en matière de gestion des DSMP, mais certains comportements sont déplorables car la manipulation quotidienne des déchets finit par installer des attitudes d’indifférence et de banalisation du risque liés aux DSMP. Ainsi, le port de gants ne s’effectue que par un effectif réduit des professionnels de santé surtout au niveau du bloc opératoire, du laboratoire et de l’unité d’hémodialyse. 16 Quelques insuffisances de formation et d’information sont notées, notamment avec le renouvellement continu du personnel de soins et l’arrivée permanente et massive des stagiaires (la systématisation du tri à la source reste à parfaire). Les accidents avec expositions au sang sont enregistrés et suivis médicalement par le médecin de travail. Nous avons remarqué que ce personnel de santé consacre plus de temps aux tâches de soins qu’à la gestion des DSMP et nous avons noté une démotivation chez certain personnel du fait des conditions de travail défavorables: manque de matériel, absence de mesures de protection, absence d'encadrement et de supervision. 1.2 Les ressources matérielles Le non respect du tri des DSMP est imputable en grande partie au manque de ces ressources, à coté du manque de formation et de sensibilisation, comme l’a soulevé la plupart des professionnels de l’hôpital. Le conditionnement des DSMP utilise des poubelles et des sacs en plastique rouge, en polyéthylène, ayant une résistance mécanique suffisante, dépourvues de ficelles. Le volume des sacs varie entre 40 et 100 litres, le nombre utilisé est en fonction du rythme de la collecte, généralement un sac par jour pour chaque unité. Des boites spécifiques inviolables pour les objets tranchants et piquants de couleur jaune ou rouge de quantité souvent insuffisante. Pour le stockage intermédiaire, certaines unités ne possèdent pas un local spécifique pour les déchets. Ces derniers sont stockés soit au niveau des toilettes ou les salles de soins dans des poubelles fixes de 40 à 50 litres et dans des conteneurs à deux roues de 240 litres. L’évacuation des déchets s’effectue à l’aide des chariots par les agents de la société sous traitante. Le transport des déchets vers le local de l’incinérateur se fait par un véhicule utilitaire où on met les sacs rouges avec placentas, médicaments périmés et pièces anatomiques et les boites inviolables pour les objets tranchants et piquants 1.3 Les contraintes organisationnelles -L’hôpital ne possède pas de plan concernant l'hygiène. Nous avons senti que cette activité est reléguée au second plan. Il n'y a pas de programme bien structuré, ni un plan d'action bien établi. Pourtant les circulaires ministérielles recommandent aux différents hôpitaux, surtout publics d'élaborer leur plan d'action annuellement. La gestion des DSMP est confiée au responsable de l’unité de l’hygiène hospitalière mais ses interventions en la matière sont limitées et n'obéissent pas à un plan d'action clair: les activités de formation et de 17 sensibilisation du personnel sont rares, la supervision à l'intérieur ou à l'extérieur des unités est occasionnelle et non structurée. Pourtant la supervision est une occasion pour informer et sensibiliser le personnel et aussi une occasion pour s'assurer de la disponibilité des moyens de travail. En plus de l’absence de données fiables sur les quantités produites, et l’absence d’une vision/perception « environnementale » de la gestion des DSMP. -Le manque d'une coordination effective entre l’hôpital et les collectivités locales ; la relation entretenu se limite uniquement à l'évacuation des déchets hors de l'enceinte de l'hôpital. Cependant, il est nécessaire de renforcer cette coordination, discuter de la problématique des DSMP et collaborer ensemble pour trouver un moyen optimal concernant le transport de ces déchets. 1.4 Le tri et le conditionnement Le tri est généralement respecté au niveau de la plupart des unités de production des soins et des services. Les déchets ménagers et assimilables sont mis dans des sacs noirs, à l'intérieur des poubelles en plastique avec couvercles. Les DSMP, dès leur production sont mis dans des sacs rouges, à l'intérieur des conteneurs en plastique, parfois ils sont mélangés aux déchets ménagers. Quant aux objets piquants et tranchants, certains professionnels les mettent directement dans les conteneurs inviolables de couleur rouge ou jaune réservés à ces objets, après avoir capuchonné leurs biseaux; d'autres les isolent dans des flacons de sérums ou bouteilles en plastique contenant un antiseptique (eau de Javel); pour eux, c'est une mesure de prévention supplémentaire. Les rares cas d’absence du tri ont été rapportés suite à la méconnaissance de cette procédure par certain personnel ou à la conviction de certains d’entre eux que le tri est inutile et qu’en fin de compte, tous les déchets se retrouvent pêle-mêle au niveau de la décharge publique. Pour les produits de laboratoire, les seringues jetables utilisées pour les prélèvements sanguins, sont mises dans les conteneurs des piquants et tranchants, les boites de culture (riches en germes) et les tubes d'hémolyse en matière plastique rejoignent les sacs rouges des déchets médicaux, le reste du matériel (en verre) : pipettes, lames, lamelles, tubes à essai, tubes hémolyse, boites de cultures…, est lavé par un antiseptique avant d'être stérilisé et réutilisé. Alors que le sang, les urines, le liquide céphalo-achidien... rejoignent tous les égouts sans traitement préalable. 18 1.5 Le stockage intermédiaire Rares sont les services cliniques et les unités médico-techniques qui ne possèdent pas un endroit spécifique au stockage des déchets; les poubelles sont déposées au niveau des toilettes des services et au niveau du hall ou couloir du service dans d’autres cas. Cette conduite est à notre sens non hygiénique et non sécuritaire surtout si on sait que les poubelles destinées à cet effet contiennent aussi bien les déchets médicaux à risque que ménagers et qu'elles sont dépourvues de couvercles dans certains cas. Le fait que ces poubelles soient accessibles aux malades et aux visiteurs, constitue un risque traumatique mais surtout infectieux pour eux. En plus de la mauvaise odeur et le développement des insectes. 1.6 La collecte et le transport interne Le rythme de la collecte des DSMP au niveau des unités étudiées est de trois fois par jour. Les sacs sont remplis aux 2/3, ficelés et étiquetés sont acheminés vers la décharge hospitalière. Le transport des DSMP au sein des unités se fait par des chariots spécifiques fabriqués de matériaux facilement lavables, seulement ces chariots ne sont pas nettoyés et désinfectés quotidiennement (2 à 3 fois/semaine). Le circuit des déchets s’intègre généralement dans les circuits prédéfinis et respecte souvent les règles classiques de flux propres et sales, habituellement préconisées par l’hôpital. 1.7 Le stockage central L’hôpital dispose d’un local où les déchets sont collectés avant leur récupération pour être transportés vers la décharge publique. Les DSMP, une fois évacués des unités, sont censés être stockés d'une façon hygiénique et sécuritaire c'est à dire au niveau d'un local avec une double chambre séparée, aéré, facilement nettoyable, muni d'un point d'eau et d'une serrure. 1.8 L’évacuation en dehors de l'enceinte de l'hôpital L'évacuation des déchets en dehors de l’hôpital se fait en général par l'intermédiaire des camions à ordures à benne couverte. La collecte se fait quotidiennement (y compris les jours fériés). La seule contrainte qui guète ce rythme est la grève des agents chargés de cette opération. Pour les produits de pharmacie, la procédure de destruction des produits pharmaceutiques périmés est maîtrisée, cette opération se fait par une commission ad hoc et sanctionnée par un 19 procès verbal. Au niveau des services de radiologie, les clichés et le liquide de fixation sont récupérés par une société privée, le liquide de révélation rejoint les égouts sans traitement préalable. ''Dans la gestion des déchets une règle d'or dit que le meilleur déchet est celui qui n'est pas produit". Il est donc possible de recycler les bains de développement et de fixation des clichés radiographiques ainsi que les clichés périmés. 2. Discussion L'écart concernant la gestion des DSMP, constaté sur le terrain par rapport à notre référentiel se résume de la façon suivante : 2.1 Les ressources humaines -Le personnel responsable de la collecte des DSMP à l'intérieur de l’hôpital est composé de deux agents da la société sous-traitante. Les responsables de l’hôpital accusent une insuffisance en nombre de ces agents, cependant le personnel nécessaire pour cette gestion doit être suffisant en nombre et compétence compte tenu entre autre, de la capacité litière occupée de l'hôpital, et du nombre de ses unités. Le rythme de la collecte de certains déchets est irrégulier (les pièces anatomiques peuvent séjourner au sein de l’unité jusqu'à sept jour,cas du laboratoire d’anatomopathologie- à titre d’exemple), avant d’être évacués pour incinération selon un planning préétabli par la direction de l’hôpital. Ce rythme est à notre sens insuffisant pour éviter le risque de développement microbien, surtout en présence d'un climat humide et chaude en saison d’été, d'où la nécessité de collecter ces déchets de manière quotidienne, sinon au plus tard 48 heures après leur production. -Le personnel de santé a certains comportements déplorables car la manipulation quotidienne des déchets finit par installer des attitudes d’indifférence et de banalisation du risque liés aux DSMP et ne se soucient pas du tri des déchets. Les professionnels de santé, ainsi que les agents de collecte des DSMP courent le risque de traumatismes et d'infections. Ce risque est encore plus important pour les personnes qui ne bénéficient pas de mesures de protection, d’autant plus qu’il est préconisé de développer les connaissances, les attitudes et pratiques pour un changement de comportements dans la gestion des DSMP. Ils n'ont bénéficié que rarement d'une formation ou d'une sensibilisation concernant la gestion des DSMP. Cependant, la formation et la sensibilisation des différentes catégories du personnel impliqué dans la gestion des déchets constituent une étape importante pour obtenir leur adhésion et leur collaboration. 20 -Les patients et les accompagnateurs ont besoin de recevoir des informations sur les exigences d’hygiène en milieu hospitalier et aussi sur les risques liés aux déchets médicaux. Pour susciter un éveil de conscience au niveau de cette catégorie d’acteurs, il est nécessaire d’élaborer un programme d’information et de sensibilisation sur les comportements sécuritaires à adopter dans ces milieux. 2.2 Les ressources matérielles Elles concernent le matériel et les équipements de conditionnement, de stockage, de transport et de traitement des DSMP. Les responsables de la gestion des DSMP doivent mette à la disposition au niveau de chaque unité de soins, le matériel nécessaire au tri selon chaque catégorie de déchets (conteneurs, poubelles, sacs de couleur spéciale…). Le matériel proposé doit répondre aux normes de conditionnement tel qu’ils sont définit dans le guide de déchets des établissements de soins. Une étiquette doit être placée sur les emballages indiquant la provenance et la date de dépôt des déchets. -Le tri : Le non respect du tri des DSMP est imputable en grande partie au manque de ces ressources, à coté du manque de formation et de sensibilisation. Ce qui est recommandé selon les directives nationales (guide de gestion des déchets de soins, circulaires) et internationales (OMS), est de séparer les déchets ménagers et médicaux et les conditionner différemment. A notre sens, les principales raisons justifiant un tri pertinent à la source sont de trois ordres : - Raisons de sécurité et d'hygiène : le tri permet d'identifier les déchets à risque et les isoler. Il permet également de réduire les accidents traumatiques lors de la collecte et l'élimination des déchets, par un conditionnement adapté. - Raisons économiques: il faut savoir que le coût de traitement des déchets médicaux est cinq fois supérieur que celui des déchets ménagers. -Raisons techniques: l'absence de tri, rend par continuité l'ensemble des déchets un déchet à risque. -Stockage intermédiaire : Le stockage des DSMP au niveau des unités de soins est une mesure contribuant à la sécurité et à l'hygiène de l’unité. C'est pourquoi, il a été préconisé d'avoir un local spécifique pour les déchets, qui doit être aéré, avec un point d'eau, un protocole d'entretien du local et muni d'un système de fermeture. 21 2.3 Les ressources financières L’OMS recommande un budget pour la gestion des DSMP au moins de 0,25% du budget total de fonctionnement de l’hôpital et il doit être prévu dans le cadre du budget d'hygiène de chaque hôpital. A l’hôpital Avicenne de Rabat les renseignements fournis ne nous permettent pas d'évaluer correctement le coût de la gestion des DSMP et la part qu'il représente dans le budget global de l'établissement, il est dilué dans le budget d'entretien et d’hygiène. 2.4 Les contraintes organisationnelles Avant l’externalisation de la gestion des DSMP, l’hôpital ne possèdait pas de plan clair concernant l'hygiène. Nous avons senti que cette activité est reléguée au second plan. Il n'y a pas de programme bien structuré, ni un plan d'action bien établi, d’autant plus qu’il n’y a pas de responsable permanent désigné pour évaluer, superviser, et contrôler la société de sous traitance de la collecte des déchets d’activités de soins. 3. Recommandations La gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques doit être traitée comme un "système", depuis leur production jusqu'à leur élimination finale. Le tri constitue le maillon faible de la chaîne de gestion des DSMP, le succès de cette gestion dépend généralement de cette étape. Car un tri trop restrictif crée un risque d'infection et trop large, il augmente la charge financière du traitement des déchets. Cependant, un tri fiable et pérenne dans le temps doit répondre aux 5 critères suivants: la simplicité (connu de tous), la sécurité, la cohérence (avec la réglementation en vigueur), la stabilité dans le temps et l'évaluation périodique pour garantir la qualité du tri. C’est ainsi que nos recommandations émanent des résultats et des écarts soulevés pendant notre étude, et qu’on présente comme suit : -Renforcer l’effectif des agents chargés de la collecte, du transport, et du traitement des DSMP à l’hôpital. - Former et sensibiliser le personnel impliqué dans la filière de gestion des DSMP: concernant les risques liés à la manipulation des déchets, la typologie des déchets, les modalités de leur gestion (tri, collecte, stockage)... etc. - Informer le personnel et les usagers de l’hôpital concernant le tri et les circuits de gestion des déchets (édition de plaquettes, affichages...) 22 - Renforcer l’information, l’éducation et la sensibilisation du public sur l’importance de la gestion des DSMP dans l’amélioration du cadre de vie, de l’hygiène environnementale et de la santé. - Motiver le personnel: les possibilités de formation offertes, les moyens de protection, la vaccination et le suivi médical sont souvent perçues positivement par le personnel. - Assurer une protection suffisante du personnel : en les dotant d'équipements de travail (tenue, gants, bottes, masques, lunettes..), en assurant leur vaccination (surtout contre l'hépatite B). - Doter suffisamment les unités en matériel nécessaire pour l'accomplissement des tâches relatives à la collecte et le transport des déchets au niveau de l’hôpital (sacs rouges, poubelles, boites pour les objets piquants et coupants, chariots à poubelle... etc.). - Equiper les unités en locaux adéquats de stockage des déchets. - Prévoir une ligne budgétaire au niveau de la morasse pour les déchets hospitaliers, et l’alimenter d’environ 0,25% du budget de fonctionnement de l'hôpital, comme suggèrent les recommandations de l'OMS. - Instituer des relations de coordination à travers des commissions ou comités régionaux dans un cadre de collaboration intersectorielle (Ministère d'agriculture, Ministère d'intérieur, Ministère d'environnement, Collectivités locales,..). - Elaborer un plan clair se rapportant aux différents aspects de la gestion des DSMP: par la détermination des activités à réaliser, les différents intervenants et leurs attributions, les ressources nécessaires, les objectifs à atteindre et les organes de contrôle, de suivi, de supervision. 23 Conclusion Les services hospitaliers génèrent inexorablement des déchets qui peuvent être dangereux pour la santé ou avoir des effets néfastes sur l’environnement. Certains de ces déchets, comme, les objets tranchants/piquants, les cultures des laboratoires médicaux ou le sang infecté ont un potentiel d’infection et offensif plus élevé que celui de tout autre type de déchets. L’absence ou de mauvaises mesures de gestion pour empêcher l’exposition aux déchets de soins médicaux dangereux résultent en d’importants risques pour le grand public, les patients internes ou externes ainsi que le personnel médical et de service. De plus, un mauvais traitement or une mauvaise élimination des déchets de soins médicaux, peuvent constituer une source importante de pollution de l’environnement par le rejet de substance telles que les dioxines, les furannes ou le mercure. Au niveau de l’hôpital Avicenne de Rabat, la gestion des DSMP souffre dans son ensemble d'un certain nombre de contraintes humaines, matérielles, financières et organisationnelles. L'amélioration de cette gestion passe inévitablement par la levée de ces contraintes qui nécessiterait une implication des responsables à tous les niveaux et une coordination et une collaboration intersectorielle harmonieuse et efficace, et la préparation d’un plan même simple de gestion des déchets déterminant les objectifs, les activités, les intervenants et leurs attributions, les ressources nécessaires, ainsi que les mécanismes de suivi, de supervision et de contrôle. Une gestion saine des déchets solides médicaux et pharmaceutiques est une question fondamentale pour contrôler et réduire les infections nosocomiales au sein des hôpitaux et garantir que l’environnement extérieur est bien protégé. Les pratiques actuelles rencontrées, ne sont pas en conformité avec les exigences internationales pour garantir une gestion sûre et écologiquement rationnelle de ce type de déchets. Pour améliorer de manière significative la présente situation, les autorités gouvernementales doivent développer une stratégie nationale à moyen et long-terme qui devrait être une caractéristique intégrale des établissements sanitaires. Cette stratégie devrait refléter les efforts intégrés qui sont nécessaires pour mettre en place des pratiques sûres et écologiquement rationnelles de gestion des déchets d’activités de soins. En particulier, une attention spéciale devrait être accordée aux points suivants : • A chaque niveau administratif, des responsabilités institutionnelles et individuelles claires doivent être établies. De plus, un suivi spécifique et des procédures administratives doivent être mises en place et des ressources adéquates allouées pour garantir une bonne gestion des déchets de soins médicaux ; 24 • Des programmes adéquats de sensibilisation et de formation pour les responsables sanitaires et planificateurs, les administrateurs d’hôpitaux, le personnel médical et les agents chargés de la santé de l’environnement devraient être développés ; • Des technologies appropriées, propres et abordables devraient être choisies pour le traitement et l’élimination des déchets de soins médicaux, prenant en considération, à la fois, les ressources techniques et financières disponibles dans le pays. Références bibliographiques 1. Conseil Supérieur d’Hygiène Bruxelles: « Recommandations en matière de gestion des déchets de soins de santé », Mars 2005 – HGR n° 51092. Dahir n° 1-06-153 du 30 chaoual 1427 (22 novembre 2006) portant promulgation de la loi n° 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination. (86Articles) – B.O. N° 5480 DU 15 Kaada 1427 (7/12/2006) 3. Ministère de la Santé du Maroc- DHSA : « Guide de Gestion des Déchets des Etablissements de Soins ». Décembre 2004 4. Ministère de la Santé du Maroc, CHU de Rabat-Salé "Guide pratique de gestion des déchets hospitaliers du CHU Rabat-Salé", Novembre 1999. 5. Ministère de la Santé du Maroc /DHSA. Rapport concernant la gestion des déchets hospitaliers (PFGSS) Pôle G : « Planification des stratégies, immobilisations et Equipement » ; 2003. 6. Mohammed Abdou Daoudi : « Evaluation de la gestion des déchets solides médicaux et pharmaceutiques à l’hôpital Hassan II d’Agadir », mémoire pour l’obtention du diplôme de maîtrise en Administration sanitaire, option santé publique ; Juillet 2008 7. Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : « Gestion des déchets d’activités de soins solides dans les centres de soins de santé primaires », guide d’aide à la décision- 2005 8. OMS, "Les déchets liés aux soins de santé", aide mémoire 2 n°53 ; 2000. 9. OMS. « Le traitement sans précaution des déchets d’activité de soins est responsable de décès et d’incapacités », 2004. 10. Programme des Nations Unies pour l’Environnement/SCB et Organisation Mondiale de la Santé : « Préparation des plans nationaux de gestion des déchets de soins médicaux en Afrique Subsaharienne » - Série de la Convention de Bâle Nr. 2004/4 (F) 25