Gestion de la pêcherie du poulpe à Rodrigues

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Gestion de la pêcherie du poulpe à Rodrigues
Gestion de la pêcherie du poulpe à Rodrigues
LA PÊCHE AU POULPE À RODRIGUES
Sur l’île autonome de Rodrigues, située à 600 km au Nord-Est de
Maurice, la pêche au poulpe – localement appelé « ourite » – constitue une activité économique traditionnelle depuis des générations.
Cette pêche se pratique essentiellement à pied sur les platiers du
gigantesque lagon qui entoure l’île (240 km²), en utilisant des tiges
métalliques pour fouiller les cavités dans lesquelles se réfugient les
poulpes. Dans les parties plus profondes du lagon, elle se pratique
à bord de barques à l’aide de longs harpons. Traditionnellement
séchés au soleil dans les villages de la côte, les poulpes font depuis
quelques décennies l’objet d’une collecte systématique destinée à
approvisionner une poignée d’exportateurs qui les commercialisent
ensuite congelés vers Maurice. Une véritable filière de mareyage
s’est donc mise en place, incitant les pêcheurs – professionnels ou
non – à capturer davantage d’ « ourites ».
Le régime de libre accès qui caractérise la pêche rodriguaise – à
l’instar de la pêche mauricienne – et le manque d’opportunités
d’emplois dans d’autres secteurs se sont traduits par une augmentation continue du nombre de pêcheurs. Le dernier recensement
de l’EPMU (Economic Planning and Monitoring Unit de l’Assemblée Régionale de Rodrigues) en 2012 fait état de 539 détenteurs
d’une carte de pêche au harpon (187 femmes et 352 hommes)
et de 730 pêcheurs de poulpes non-enregistrés (178 femmes et
552 hommes). La carte de pêcheur n’étant pas obligatoire (il ne
s’agit pas d’une licence), et la pratique occasionnelle étant difficile
à quantifier, ces chiffres ne sont pas suffisants pour déterminer
l’importance de l’effort de pêche déployé dans le lagon.
La non-régulation de la pêcherie a inexorablement mené au déclin
du stock d’Octopus cyanea, principalement en raison de la capture d’individus de petite taille. Les travaux de monitoring de la
pêcherie menés par l’ONG locale Shoals Rodrigues depuis 1999,
bien que discontinus, ont régulièrement enregistré d’importantes
captures de femelles juvéniles (non matures sexuellement), allant parfois jusqu’à 87% des femelles débarquées. Les débarquements totaux comptabilisés par la FRTU (Fisheries Research and
Training Unit) ont chuté de 774,5 t en 2004 à 268,7 t en 2011.
PLAIDOYER POUR UN REPOS BIOLOGIQUE
La confirmation du risque d’effondrement du stock fut apportée
en 2011 grâce au soutien de ProGeCo, le Programme de la COI
pour la gestion durable des zones côtières. Les études menées
par ce programme sur le stock d’Octopus cyanea prédirent par
extrapolation un épuisement à l’horizon 2015, si rien n’était fait
pour inverser la tendance. Elles attestèrent également du caractère génétiquement divergent de la population de poulpes de
Rodrigues par rapport à celles des autres îles de l’océan Indien
occidental, ce qui indique que très peu de flux génétiques en provenance de l’extérieur existent et qu’en cas d’effondrement du
stock une régénération naturelle serait peu probable.
Mais les études menées par ProGeCo et Shoals Rodrigues amenèrent également la preuve que, bien que la migration des femelles génitrices hors du lagon ait lieu tout au long de l’année,
c’est surtout en hiver qu’elles sortent pour pondre leurs œufs
avant de mourir. Un pic de recrutement se produit donc au
début de l’été, lorsque les juvéniles viennent peupler les eaux
du lagon.
En s’inspirant des fermetures saisonnières de la pêche au poulpe
mises en place dans le Sud-ouest de Madagascar depuis 2004,
ProGeCo entama alors une démarche de sensibilisation auprès des
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autorités rodriguaises et des
écoliers, et préconisa un repos
biologique hivernal durant les
mois d’août à octobre, ainsi
qu’un respect de la taille minimale. Pour appuyer cette démarche, ProGeCo finança deux
voyages d’études à Madagascar
pour quelques pêcheurs et
officiels rodriguais, accompagnés du Ministre mauricien de
la Pêche. Malheureusement,
l’Administration – bien que séduite par l’efficacité potentielle
de ces mesures – ne franchit
pas le pas, et ProGeCo arriva à
terme avant de voir cette initiative se concrétiser à Rodrigues.
Début 2012, juste après
les élections régionales, le
Programme SmartFish prit
la relève et contacta l’équipe
Pêcheur d'ourites © Toky Rasoloarimanana
fraichement élue à l’Assemblée Régionale de Rodrigues (RRA). Essentiellement composée de
personnes convaincues de l’urgence de mettre en place un repos
biologique, la nouvelle administration formula une demande de
soutien technique et financier et se lança dans la préparation de
la première « Octopus Closed Season ».
PRÉPARATION DE LA PREMIÈRE FERMETURE
La décision du Conseil Exécutif de la RRA de fermer temporairement la pêcherie intervint au cours du second trimestre 2012,
ce qui ne laissa que quelques mois pour élaborer et acter la
nouvelle réglementation, organiser la campagne de sensibilisation, mettre sur pied le dispositif de fermeture et organiser les
activités alternatives pour les pêcheurs impactés (cf. encart). Le
projet fut placé sous la responsabilité de l’EPMU, chargée d’assurer la coordination entre les parties prenantes – publiques ou
non – concernées par les différentes composantes du dispositif
(réglementation, sensibilisation, surveillance, etc.). SmartFish
fut impliqué dès le début des travaux afin d’appuyer l’EPMU dans
sa tâche.
Un groupe de travail fut créé, sous l’égide de la Commission
des Pêches, pour rédiger le texte réglementaire qui devait donner force de loi à cette nouvelle mesure de gestion. Pour cette
première mouture (http://faolex.fao.org/docs/pdf/mat116944.
pdf), la réglementation fut assez minime puisqu’elle se contenta
d’interdire la pêche, le débarquement, la collecte et la possession de poulpes durant la période de fermeture, annoncée officiellement par l’intermédiaire de la presse locale. Afin d’exercer
un contrôle en aval de la filière, le projet de réglementation se
dota toutefois d’une interdiction d’export et d’import ainsi que
d’une obligation de déclarer, avant le premier jour de fermeture,
tout stock de poulpe – frais, congelé ou séché – excédant 5 kg.
Après validation à l’Assemblée Régionale de Rodrigues, le projet
de réglementation fut acté par l’Assemblée Nationale de Maurice
le 7 juillet 2012.
Parallèlement, une campagne de sensibilisation fut lancée à travers l’île afin d’assurer la bonne compréhension par chacun des
motivations ayant conduit à cette décision de gestion. Afin d’accompagner les animateurs qui avaient pour tâche de parcourir
mis en oeuvre conjointement par
financé par
l'Organisation des Nations-Unies
pour l'alimentation et l'agriculture
l'Union
européenne
PROGRAMME POUR LA MISE EN ŒUVRE D’UNE STRATÉGIE DES PÊCHES POUR LA RÉGION AFRIQUE ORIENTALE ET AUSTRALE - OCÉAN INDIEN
Gestion de la pêcherie du poulpe à Rodrigues
les villages, SmartFish réalisa un « Guide de Communication »
sous forme de questions-réponses. Les équipes d’animateurs
furent formées à son utilisation avant d’être dispatchées par
zone sur l’ensemble du littoral. Outre leur rôle de sensibilisation, ces dernières eurent également pour tâche de consulter les
parties prenantes en recueillant sur le terrain des témoignages,
craintes et suggestions afin d’affiner le dispositif de fermeture
en cours de préparation. Cette campagne à travers la communauté des pêcheurs cibla 23 villages et sites de débarquement
et atteignit 1142 personnes.
En plus de ces rencontres sur le terrain, des émissions radio
furent programmées à partir de début juillet pour permettre
aux auditeurs d’interagir avec les responsables des institutions
en charge de la fermeture (agents de surveillance des pêches,
gestionnaires de l’aire marine protégée du Sud-est, experts du
Programme SmartFish, etc.). Des spots radio annonçant la fermeture furent également diffusés régulièrement, et des posters
et t-shirts furent distribués à travers l’île par l’intermédiaire des
écoles et des équipes de sensibilisation. Les journaux locaux
participèrent également à cet effort en communiquant régulièrement des informations, tout au long de la fermeture, dans
l’optique de décourager le braconnage, mais également afin de
faciliter le déroulement des activités alternatives.
Ourites séchant © Yann Yvergniaux
Les activités alternatives
Dès l’annonce du projet de fermeture, des revendications au sujet de la compensation des pêcheurs parvinrent aux autorités rodriguaises. En effet, Rodrigues a hérité du système mauricien des
« allowances » en vertu duquel les pêcheurs enregistrés peuvent
percevoir un dédommagement financier lorsque le mauvais temps
les empêche de sortir en mer ou lorsqu’une pêcherie est temporairement fermée, comme c’est déjà le cas pour la pêche à la senne.
Cependant, le montant que représenterait le paiement journalier de
cette allowance à tous les pêcheurs de poulpes pendant deux mois
serait insurmontable pour le budget régional, sans parler de la dépendance que créerait un tel système.
La RRA décida donc d’opter pour une politique de paiement pour
services environnementaux (PSE) plutôt que de maintenir sa politique de compensation précédente, permettant ainsi à la fois aux
pêcheurs impactés de participer à des activités rémunératrices pendant la fermeture et au gouvernement de mettre en œuvre une série de travaux d’intérêt général qui se trouvent dans le programme
d’action des services publics et des ONG locales.
Ces « activités alternatives » furent co-financées par les autorités rodriguaises et SmartFish, et encadrées par les différentes
Commissions de l’Assemblée Régionale (Environnement, Pêche,
Infrastructures publiques, Agriculture, etc.), les ONG environnementales locales (Shoals Rodrigues et la Mauritian Wildlife Foundation)
et d’autres structures. Elles couvrirent une large gamme de travaux
allant du nettoyage des plages à la réhabilitation des terres agricoles
en passant par la lutte contre les espèces végétales invasives et
l’entretien de rivières et réservoirs. Une composante « formation »
fut également prévue pour que les pêcheurs qui le souhaitaient
puissent, en alternance avec ces travaux, participer à des cours de
premiers secours, de natation et d’entretien de moteur hors-bords.
Des activités additionnelles furent organisées en collaboration avec
les rangers de la SEMPA (South East Marine Protected Area), notamment le monitoring participatif de la pêche à la senne, la maintenance des bouées de l’AMP et la lutte anti-braconnage (sensibilisation et surveillance).
Au-delà de ces activités alternatives temporaires, le gouvernement régional souhaita promouvoir des sources alternatives de revenus dans
les communautés de pêcheurs. SmartFish a donc lancé un projet pilote
Bénéficiaires du projet pilote © Michel De San
de diversification des moyens d’existence axé sur le développement
de filières agro-forestières et agro-alimentaires. Les activités furent
coordonnées par la composante « sécurité alimentaire » de SmartFish
(FAO), en partenariat avec la Commission for Women Affairs and
Industrial Development de la RRA, et avec le concours de la SEMPA, de
la MWF, de l’Agence pour le Développement des PME (SMEDA) et du
Forum des Femmes Entrepreneures de Rodrigues. Quatre coopératives
de femmes – précédemment « piqueuses d’ourites » – actives dans la
production de produits à base de citrons et de piments bénéficièrent
de ce projet, dont l’objectif était de réduire les pertes post-récolte,
d’améliorer le processus de transformation, et de promouvoir ces produits sur le marché local, mauricien et à l’export. Vingt-deux formations furent dispensées et la cuisine communautaire « Limon d’Or » fut
complètement équipée. Cinq produits finis furent développés de façon
participative et présentés dans les supermarchés mauriciens à l’occasion de la « Semaine Rodriguaise ».
Suite au succès de cette initiative, il fut décidé, pour la seconde
édition de la fermeture (2013), d’élargir le projet pilote aux produits
dérivés du poulpe afin d’améliorer les techniques de transformation tout en conservant la valeur nutritive des ourites. C’est dans ce
cadre que fut organisé un concours de cuisine et que fut réalisé un
livre de recettes dédié au poulpe, lancé à l’occasion de la réouverture de la pêche en octobre 2013.
MISE EN ŒUVRE DE LA PREMIÈRE FERMETURE
La pêche aux ourites fut donc déclarée fermée – pour la première
fois dans l’histoire de l’île – du 13 août au 12 octobre 2012. La
préparation du plan de surveillance et l’exécution de la fermeture
fut initialement confiée au Fisheries Protection Service (FPS), le
corps de police habituellement en charge du contrôle des pêches
dans le lagon. Malgré le soutien complémentaire des Rangers de
la SEMPA, des National Coast Guards, de la Police de l’Environnement et d’un expert en MCS (suivi, contrôle et surveillance des
pêches) détaché par SmartFish auprès des autorités rodriguaises,
le FPS attira l’attention dès le début des préparatifs sur le manque
de ressources humaines et d’équipement.
En réponse au manque de personnel de terrain pour surveiller l’entièreté du lagon et constater les infractions durant les premières
semaines de la fermeture, la décision fut prise – à mi-parcours
– de mobiliser en alternance des groupes de pêcheurs inscrits aux
activités alternatives. Cette mobilisation permit de limiter, dans
une certaine mesure, le braconnage durant la seconde moitié de
la fermeture, et vint confirmer le besoin d’impliquer les pêcheurs
dans un programme de surveillance participative, tel que celui mis
en place de manière permanente au sein de la SEMPA. Sur la durée totale de la fermeture, à peine une douzaine de cas de pêche
illégale furent rapportés. Cependant, l’efficacité du système de
surveillance fut remise en question par les autorités, et on peut
imaginer que davantage de cas de braconnages se sont produits.
Le système montra également quelques défaillances du côté du
contrôle des stocks. En effet, suite à l’obligation de déclarer – avant
le début de la fermeture – toute possession de poulpes dépassant
un total de 5 kg, des contrôles aléatoires des mareyeurs et des restaurateurs auraient dû avoir lieu pour s’assurer que les quantités
vendues provenaient bien de ces stocks. Cependant, sans l’obligation de tenir un registre, il demeure impossible de suivre les
transactions, et il y a de fortes chances pour que des approvisionnements illégaux aient eu lieu tout au long de la fermeture.
Travail d'enlèvement des espèces invasives © MWF
L’importance des volumes débarqués immédiatement après la
réouverture de la pêcherie fut probablement le résultat le plus
probant de ces deux mois de repos. Bien qu’une part de l’augmentation observée dans un premier temps soit due à l’effort de
pêche global anormalement élevé lors des premiers jours de pêche
(rush à travers toute l’île), les CPUE (captures par unité d’effort)
qui s’élevaient en moyenne à 1,1 lb par pêcheur par heure avant
la fermeture furent multipliées par 7,6 immédiatement après la
réouverture. En extrapolant les données recueillies par la FRTU sur
10 des 23 sites de débarquement, on estime les captures totales
effectuées lors du premier jour de pêche à 10.281 kg, et celles
pour l’ensemble du mois d’octobre 2012 (soit les 19 jours ayant
suivi la fermeture) à 190,6 t, soit une moyenne de 10 t par jour.
Débarquements 2012 (FRTU)
200
150
RÉSULTATS DE LA PREMIÈRE FERMETURE
Le monitoring post-ouverture de la pêcherie, également financé par SmartFish, permit de démontrer les bénéfices à court et
moyen terme du repos biologique. Un expert du Albion Fisheries
Research Centre fut d’abord envoyé à Rodrigues par le projet pour
proposer des améliorations du système statistique dont disposait
la FRTU. Suite à cette évaluation, l’ONG Shoals Rodrigues fut désignée, en collaboration avec le staff de la SEMPA, pour nettoyer
et mettre à jour les bases de données disponibles. Elle fut également chargée, avec la FRTU, d’encadrer les équipes d’enquêteurs
chargées du suivi des captures sur les sites de débarquement.
Travail de suivi © ONG Shoals
100
50
0
Janv Fév Mars Avr
Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov Déc
L’importance des volumes débarqués est en partie due à l’accroissement de la population de poulpes pendant la fermeture, mais
aussi essentiellement à l’augmentation de la taille et du poids des
individus capturés. En effet, les séries de données disponibles
pour les mois d’octobre à mars pendant trois années consécutives
Pêche à l'ourite © Yann Yvergniaux
Gestion de la pêcherie du poulpe à Rodrigues
VERS UNE AMÉLIORATION
DU DISPOSITIF DE FERMETURE
La plus grande réussite de la première édition de l’ « Octopus
Closed Season » est la naissance d’une conviction – tant parmi
les pêcheurs qu’au sein de l’administration – qu’il est possible
de mettre en place une gestion durable de la pêcherie, et d’en
tirer des bénéfices conséquents. Afin de profiter de l’élan créé
en 2012, la RRA et le Programme SmartFish se lancèrent rapidement dans les préparatifs de la seconde édition, avec pour
objectif d’améliorer le dispositif précédent.
Travail de sensibilisation © Yann Yvergniaux
permettent de comparer l’évolution du poids moyen des individus débarqués : une augmentation nette pour le premier mois
suivant la fermeture (1.730 g pour les mâles et 1.721 g pour les
femelles, soit le double du poids moyen des deux années précédentes) suivie d’une diminution progressive jusqu’à stabilisation
aux alentours des valeurs des années précédentes. Bien qu’encourageant, le poids moyen observé à la réouverture demeure
bien en-dessous du poids maximum observé (environ 10 kg). Par
ailleurs, le pourcentage de femelles sous-taillées passa de 90,2%
des femelles débarquées en octobre 2008 à 10,71% en octobre
2012, ce qui indique que l’objectif initial de la fermeture – permettre aux femelles d’atteindre la maturité afin de favoriser le
recrutement de juvéniles l’été suivant – a été largement atteint.
Suite à cette première fermeture temporaire, les débarquements
annuels – en baisse presque constante depuis une quinzaine d’années – pour 2012 (570,7 t) sont presque revenus à leur niveau de
2003 (580,2 t). Ces résultats sont encore plus probants lorsque
l’on sait que la moitié de ces débarquements ont été effectués
pendant les trois mois ayant suivi la fermeture (dernier trimestre
de 2012). Les exportations de poulpes vers Maurice, qui étaient
en diminution constante depuis 2005 (278 t) jusqu’à atteindre
un record de 79 t en 2011, ont atteint en 2012 un volume de
185 t (sans compter les quantités non négligeables emmenées à
Maurice par des particuliers).
Débarquements 1994-2012 (FRTU)
800
700
600
Le second point faible observé en 2012 était la distorsion du
marché causée par la fermeture. En effet, l’abondance soudaine lors de la réouverture couplée au rush sur les ourites eut
pour effet de faire chuter les prix pendant les premiers jours de
pêche (parfois de 30%) et de saturer la capacité de stockage
des grossistes. Cette situation fut dénoncée par les pêcheurs,
qui considèrent que les acheteurs n’ont pas « joué le jeu ».
Pour anticiper ce problème et garder le contrôle sur les prix
lors de la réouverture, la RRA envisage différentes solutions
pour l’avenir, dont la mise à disposition de hangars frigorifiques
supplémentaires. Les initiatives de transformation du poulpe
permettront également d’accroitre la préservation des produits
à base de poulpe, et donc d’améliorer l’absorption de l’excédent
de production à la réouverture.
La seconde édition de la fermeture, du 5 août au 6 octobre
2013, ne permit bien évidemment pas de résoudre immédiatement ces deux problèmes, et les autorités locales devront se
concerter à de nombreuses reprises avec pêcheurs et commerçants pour affiner les mesures prises et améliorer le dispositif,
année après année.
500
400
300
200
2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
100
0
Le principal point faible de la première édition était sans aucun doute la faiblesse du dispositif de contrôle et de surveillance, non seulement à cause du manque de moyens mais également en raison d’une absence de motivation. A cela s’ajoute
une hésitation de l’administration à sanctionner le braconnage,
favorisant un sentiment d’impunité et laissant la place à l’organisation d’un commerce illicite, difficilement détectable en
l’absence de suivi rigoureux des stocks déclarés. Pour corriger
cela, le FPS développa un Monitoring, Control and Surveillance
Plan plus rigoureux que le premier, incluant directement une
composante surveillance participative (pêcheurs postés le long
de la côte pour avertir les agents en cas de braconnage) ainsi
qu’un contrôle plus systématique des stocks, tant auprès des
grossistes qu’auprès des mareyeurs et restaurateurs. Au-delà
d’une application plus rigoureuse de la fermeture, le FPS devra à
l’avenir s’assurer que les pêcheurs respectent la taille minimale
(7 cm de largeur de manteau, environ 350 gr) et les cinq AMP
tout au long de l’année.
En se basant sur un prix à la première vente moyen de Rs 40/
lbs, on peut considérer que l’accroissement de la production de
2011 à 2012 – estimé à 188 t – s’est traduit par un accroissement du revenu des pêcheurs de Rs 16.544.000, soit environ EUR
400.000. Ce bénéfice dû à l’accroissement de production peut
aisément être doublé si l’on prend en compte les marges des collecteurs et des exportateurs.
PRÉPARÉ PAR
Yann Yvergniaux : Socio-économiste, Programme SmartFish
Il est également important de souligner que les « activités alternatives » organisées ponctuellement pendant les deux premières
fermetures de la pêche aux ourites (2012 et 2013) ont été proposées aux pêcheurs dans l’optique de faciliter l’acceptation de
cette nouvelle mesure, le temps de pouvoir établir la preuve de
son efficacité. A l’avenir, ces activités temporaires ne devront
plus faire l’objet de subventions (2,5 % du budget annuel de la
RRA, sans compter l’apport de SmartFish) et l’« open access »
qui caractérise actuellement cette pêcherie devra céder la place
à un nouveau régime d’accès qui, dans l’idéal, sera associé à un
dispositif de compensation autoalimenté par les titulaires d’un
droit de pêche.
Programme SMARTFISH
Blue Tower, 5e étage, Rue de l’Institut | Ebène | Ile Maurice
Tel: (+230) 402 6100 | Fax: (+230) 466 0160
E-mail: [email protected] | [email protected]
Sites web: www.smartfish-coi.org | www.fao.org | www.coi-ioc.org
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