Les composites

Transcription

Les composites
Dossier LES NOUVEAUX MATÉRIAUX DANS L’INDUSTRIE
Les composites : des nouveaux matériaux
Il en résulte de façon exponentielle une grande diversité de
fabrications et de produits à base de matériaux composites ;
depuis les produits dits à grande diffusion comme les cannes
de golf, les skis ou les cannes à pêche, jusqu’aux
composants aéronautiques ou spatiaux à hautes
performances mécaniques et thermomécaniques
comme les avions, les fusées ou les missiles.
Pour illustrer cette croissance, voici un graphique montrant la consommation mondiale de
fibre de carbone et une estimation de son évolution sur la prochaine décennie.
Introduction
Au cours de l’Egypte antique, les paysans ont eu l’idée
d’utiliser de la boue renforcée avec de la paille
pour ériger leurs cabanes. Ainsi le torchis est le
premier matériau composite né de la main de
l’homme.
Ils se sont aperçu que deux matériaux de nature
différentes et associés permettaient d’aboutir à un
nouveau matériau dont les performances étaient
supérieures à celles des composants pris séparément.
Renaud TASSIN (E97)
Cette association de phases différentes (matrice +
renfort) reste encore la base de tous les matériaux
composites d’aujourd’hui. Les renforts, sous forme
de fibres, assurent la fonction de résistance mécanique aux efforts. La matrice assure quant à elle la
cohésion entre ces renforts de manière à répartir
les sollicitations mécaniques.
Deux ans au GECI.
Cinq ans chez Altep.
Sous-traitant de EADS
Composites Aquitaine
et de EADS Sogerma.
Deux ans chez EADS
Composites Aquitaine
sur projet Skylounge 2.
Source Acmite
Le fait que le composite soit hétérogène lui confère des propriétés anisotropes (c’est-à-dire que les propriétés mécaniques sont différentes suivant la direction). Un bon
exemple est le bois : avec une hache il est beaucoup plus
facile de fendre du bois dans le sens de la fibre qu’orthogonalement à celui-ci.
Cela lui procure une grande liberté par rapport aux matériaux classiques. Ainsi les matériaux, leurs compositions et
leurs orientations sont choisis en fonction des sollicitations
mécaniques et environnementales. Cette optimisation de la
matière permet l’obtention de performances nouvelles telle
qu’en tenue en statique, tenue en fatigue.
En jouant ainsi sur la souplesse dans certaines directions, il
est possible de définir des pièces multi-fonctionnelles ou
d’en simplifier la conception.
La conséquence de tout cela est qu’un gain de masse considérable peut être obtenu. Cet allègement de structure est
bien le nerf de la guerre surtout dans le transport car moins
de masse structurelle signifie plus de passagers ou bien
moins d’énergie consommée. Vu que les cours du pétrole
vont continuer à monter, poussés par la spéculation et la
raréfaction des ressources, le choix du composite peut s’avérer particulièrement judicieux. Ainsi depuis la fin des
années 90, de grands programmes d’investissements dans
les matériaux composites ont été lancés.
18
Matériaux utilisés
Pour les fibres, nous utilisons essentiellement deux grands
types : les fibres de verre et les fibres de carbone.
Les fibres en verre obtenues par filage de silice + carbonates
de sodium et de calcium sont les plus employées car elles
renforcent les thermoplastiques utilisés dans l’industrie
automobile (capot intérieur, pare-choc).
L’industrie verrière propose plusieurs variantes : le verre E,
le plus courant et le moins cher, le verre R ou S dont les propriétés sont meilleures mais le prix plus élevé.
Les fibres de carbone sont produites à partir de la pyrolyse
contrôlée de fibres organiques appelées précurseurs. Les HR
“haute résistance” et les HM “haut module” sont les plus
couramment utilisées.
Les composites à base de fibres de carbone ont une résistance mécanique très grande aussi bien en traction qu’en compression, une grande rigidité pour une masse volumique
faible ainsi qu’une très bonne tenue à la fatigue contrairement à la fibre de verre. Les fibres possèdent une très bonne
tenue en température (1500°C) et une bonne inertie chimique : l’acide sulfurique ne l’attaque pas.
Il faut cependant signaler des inconvénients que sont le
prix, la tenue aux chocs et la mauvaise tenue à l’abrasion et
Mines Revue des Ingénieurs • Novembre/Décembre 2010 • # 450
Dossier LES NOUVEAUX MATÉRIAUX DANS L’INDUSTRIE
aux frottements pour lesquels les matériaux céramiques sont
préférables.
D’autres fibres peuvent être également citées comme la
fibre aramide qui donne le fameux Kevlar dont Dupont de
Nemours aura le quasi-monopole et la fibre de polyéthylène qui est utilisée pour des blindages très légers.
Concernant les résines, pour des raisons de facilité de mise
en œuvre sans pression, ce sont les résines liquides qui sont
le plus souvent utilisées en tant que matrice et qui sont
polymérisées après la mise en œuvre, soit à température
ambiante pour les résines à haute réactivité, soit dans des
étuves programmables en temps et en température pour
avoir des cuissons répétitives pour les résines peu réactives.
Les deux résines principalement utilisées à EADS
Composites Aquitaine sont les «époxy» et les «phénoliques»
La résine époxy est la plus utilisée dans le domaine des composites de structure donc à hautes performances. Sa faible
capacité absorption d’eau lui procure une grande stabilité
dimensionnelle. Ses performances mécaniques restent très
bonnes même au-dessus de 100°C et elle possède un pouvoir adhésif important sur la plupart des matériaux minéraux et organiques.
Sa résistance exceptionnelle aux divers agents chimiques
explique pourquoi la protection contre la corrosion est de
loin le plus grand débouché des résines époxy.
En revanche, sous l’effet du feu, elle dégage une fumée
toxique qui la rend inutilisable dans un espace intérieur
comme la cabine passager d’un avion, contrairement à la
résine phénolique. En effet, malgré des performances mécaniques faibles, cette dernière est indispensable pour toutes
les pièces des cellules de transport (avions, trains, métros).
Son faible coût et sa bonne tenue à la température et aux
agressions chimiques font qu’elle peut être également utilisée pour les produits soumis à l’abrasion (tuyères, corps de
rentrée, plaquettes de frein). Enfin, elles servent de précurseur dans la fabrication de composites carbone-carbone.
D’autres résines plus marginales existent aussi comme les
silicones, polyesters et vinylesters.
Le tableau suivant présente le ratio Rigidité/Densité de
quelques composites unidirectionnels et alliages métalliques. Les composites sont à fibres parallèles avec un taux
de fibres de 60%.
Ce tableau montre que les caractéristiques des matériaux
composites dans le sens des fibres ramené à leur densité sont
dans l’ensemble supérieures à celles des métaux.
Les composites verre/phénolique ont un module plus faible
qui est souvent compensé par une structure ‘’sandwich’’
(ajout d’une âme en nid d’abeille) qui procure une inertie
plus grande et donc une très grande résistance à la flexion.
Mines Revue des Ingénieurs • Novembre/Décembre 2010 • # 450
Mise en œuvre
Dans le cas des matériaux composites thermodurcissables,
les composants fibres et matrice ne deviennent ‘’matériaux
composites’’ qu’après polymérisation de la résine qui fige les
éléments dans la géométrie qu’ils ont pendant cette polymérisation. Cet état est alors irréversible.
Les procédés de mise en œuvre des matériaux composites
sont plus nombreux que les techniques de transformation
des métaux. Leur choix dépend entre autres des matériaux
utilisés et des séries envisagées. Toutefois leur industrialisation est encore récente ce qui engendre de nombreuses difficultés quant à la prédictibilité des résultats.
Voici une présentation des avantages et des inconvénients
des principaux procédés utilisés à EADS Composites
Aquitaine.
Le moulage au contact
C’est la méthode la plus simple qui ne demande pas de gros
investissements. On utilise des moules en stratifié verrepolyester, ou en bois vernis, ou en métal. Ces outillages sont
revêtus préalablement d’un démoulant pour éviter que la
pièce reste collée dans l’outillage car les résines sont d’autant plus performantes qu’elles possèdent des propriétés
d’adhésion.
Le moulage au contact est un système ouvert qui libère les
vapeurs de résine toxiques et qui oblige à travailler avec un
masque, ce qui est très inconfortable et est très surveillé par
la Sécurité du Travail.
Le procédé peut conduire à des formes quelconques, sans
limites dimensionnelles, avec une face lisse donnée par l’outillage. L’autre face est brute de stratification. Les cadences
et la productivité sont faibles, de l’ordre de une à deux
pièces par jour, et 5 à 10 kg à l’heure. Les composites obtenus sont de bas de gamme avec des taux volumiques de
fibres de 25 à 30%. Les fibres utilisées sont en majorité des
non-tissés (mat) de verre.
Cette technique est artisanale et est beaucoup utilisée dans
le nautisme, les carrosseries de faibles séries, etc.
Moulage sous vide de tissus préimprégnés (drapage)
Ce procédé est encore appelé moulage sous dépression ou
moulage au sac.
Comme dans le cas du moulage au contact on utilise un
moule ouvert sur lequel sont disposées les couches de renfort imprégné par voie humide ou pré-imprégné de résine.
Une feuille de plastique souple vient couvrir le tout hermétiquement grâce à un joint d’étanchéité sur le périmètre de
la pièce. Le vide est fait sous cette feuille de plastique. Il y
a alors compactage de la pièce, élimination des bulles d’air,
fluage de l’excédent de résine qui est absorbé par un tissu de
pompage.
19
Dossier LES NOUVEAUX MATÉRIAUX DANS L’INDUSTRIE
L’ensemble est ensuite soumis à polymérisation soit en
étuve pour les pièces de faible épaisseur et où la pression de
compactage ne dépassera pas 0.8 bars, soit en autoclave pour
les pièces épaisses et de structure et où la pression de compactage est comprise entre trois et sept bars pour les pièces
de structure aéronautiques.
Lors de cette étape, il faut faire attention à la différence des
coefficients de dilatation thermique du moule et de la pièce
afin d’éviter d’avoir des pièces coincées dans l’outillage ou
déformées après démoulage.
Ce procédé est bien adapté aux faibles séries. Le fait d’utiliser des outillages en composite permet une adaptation plus
rapide aux cadences de fabrication demandées.
Les inconvénients de cette technique sont que les pièces
«sorties» ont une tolérance relativement grande qui peuvent poser des problèmes d’ajustement ainsi qu’un état très
moyen pour la surface côté poche à vide qui nécessite une
préparation de surface avant finition.
Malgré des investissements relativement importants en
termes d’outillage (surtout s’ils doivent être en métal pour
supporter une polymérisation sous vide à des températures
supérieure à 120°C), cette technique permet l’obtention de
structures complexes très performantes et fiables compte
tenu notamment des caractéristiques mécaniques des matériaux de base et des opérations de contrôle effectuées au
niveau des semi-produits.
L’utilisation de structures sandwich à âme en nid d’abeille ou
mousse ainsi que la mise en place de renforts locaux par drapage dégressif sont également permises mais nécessitent une
main-d’œuvre qualifiée et une bonne maîtrise industrielle.
Les coques de siège sont faites en panneaux sandwich composés de tissus de fibre de verre pré-imprégné de résine phénolique avec une âme en nid d’abeille papier.
Cette structure est réalisée à partir de tissus carbone préimprégné de résine époxy. Quelques plis de tissus verre/phénolique sont rajoutés localement pour éviter tout contact
avec les ferrures métalliques.
Bobinage
Dans le cas de l’enroulement filamentaire,
les fibres imprégnées
sont déposées sur un
mandrin, ou un liner
dans le cas de capacité
ou de réservoirs bobinés. Lorsque le liner
n’est pas retirable (du à
la géométrie de la pièce
bobinée) ou destructible (s’il est fait en
métal ou plastique), il
fait alors partie intégrante de la pièce et apporte l’étanchéité.
Ce procédé consiste à enrouler selon des angles précis, par
l’intermédiaire d’un guide fils, des fibres imprégnées de
résine sur un mandrin puis à faire polymériser le matériau
composite.
Ce procédé est applicable pour des formes ovoïdes qui peuvent être de grandes dimensions, allant de la forme cylindrique pure (ex : bouteille sous pression) jusqu’à une forme
très aplatie (ex : pale d’éolienne).
Une optimisation de l’orientation des fibres associée à un
fort taux de fibre résultant permet d’obtenir des pièces avec
des caractéristiques mécaniques très élevées.
Produire des pièces bobinées demande un lourd investissement en machines et matières (généralement la fibre de carbone).
En raison du coût élévé de la main-d’œuvre qualifiée, cette
technique est grandement avantageuse lorsqu’elle est automatisée. Avec un travail de conception et de programmation par ordinateur à haute valeur ajoutée, elle permet d’obtenir de façon fiable et répétitive une grande quantité de
pièces.
Application :
EADS Composites Aquitaine conçoit actuellement et produira des réservoirs de stockage d’hydrogène Haute Pression
avec une capacité de 2.4l à 120 l avec les performances suivantes : pression service : 700 bars et pression de Rupture >
2200 bars.
Pour des raisons financières, on assiste de plus en plus à une
séparation de la conception et de la fabrication, conception
en France et fabrication dans des pays à bas coûts, qui pose
des problèmes de qualité.
Application : les coques de siège de Business class pour avion civil
20
RTM (Resin Transfer Moulding)
Cette technique permet de s’affranchir des matériaux préimprégnés et de la cuisson en autoclave en utilisant la voie
humide (la matière première est trois fois moins chère).
Cette technique nécessite des outillages poinçon - matrice
Mines Revue des Ingénieurs • Novembre/Décembre 2010 • # 450
Dossier LES NOUVEAUX MATÉRIAUX DANS L’INDUSTRIE
dimensionnés pour résister à la pression interne et étanches,
qui peuvent se révéler être sophistiqués pour certaines
applications, donc coûteux.
Des préformes constituées des plis nécessaires à la constitution de la pièce sont disposées dans l’outillage. Ensuite l’outillage est fermé et l’étanchéité vérifiée. Après avoir fait le
vide, la résine est introduite à des points d’injection bien
établis. La cuisson peut se faire une fois l’imprégnation terminée ou bien pour gagner du temps de cycle pendant l’injection de résine.
Dans ce dernier cas, des moyens informatiques sont nécessaires pour bien calculer les points et le débit d’injection.
En effet cette technique permet d’avoir des pièces d’épaisseur et de taille importantes (limitées par les outillages). Et
si l’injection ne se fait pas correctement, de forts gradients
thermiques ainsi qu’une polymérisation hétérogène apparaissent et peuvent provoquer des criques pendant la cuisson ou bien des déformations irréversibles lors du démoulage.
Les pièces obtenues ont un taux de fibres équivalent à celui
des pré-imprégnés et des états de surfaces très propres donc
proches de la finition. Ce procédé est bien adapté aux
moyennes séries.
Quel que soit le procédé de fabrication, un contrôle est réalisé pour vérifier qu’il n’y a aucun défaut de fabrication : une
porosité trop importante, un délaminage de plis, etc.
Un contrôle non destructif par rayon X assure de cela. Un
contrôle destructif n’est pas envisageable, car cela créerait
une coupure de fibre qui entraînerait une forte baisse des
caractéristiques mécaniques ainsi qu’un début de fissure
très pénalisant.
Certification :
La certification des pièces composites commence d’abord
par celles de valeurs intrinsèques des matériaux utilisés.
Une des plus importantes surtout en milieux fermés comme
dans les avions est celle concernant les caractéristiques feufumée : un matériau ne doit pas permettre la propagation
du feu, ne doit pas dégager de produit toxique, ne doit pas
émettre de fumée trop opaque et ne doit pas dégager trop
de chaleur. Ces quatre critères sont très contraignants car
certaines colles et résines (comme l’époxy) deviennent interdites dans l’aménagement intérieur d’avion ou sont à utiliser avec une extrême parcimonie même dans les ateliers où
une ventilation importante et le port de masque sont obligatoires.
La certification aux agressions dites «environnementales»
est également exigée. La pièce composite doit résister à l’humidité. Cela pose problème quand un panneau sandwich
avec une âme en nid d’abeille papier est utilisé. La solution
est alors de remplir les champs avec une résine de densification.
Mines Revue des Ingénieurs • Novembre/Décembre 2010 • # 450
La résistance aux températures est un facteur de dégradation
des performances. Des essais «vieillis-humides à hautes
températures» sont réalisés pour caractériser les composites.
C’est-à-dire que des éprouvettes sont vieillies artificiellement en subissant de nombreux cycles de température dans
une enceinte avec un fort taux d’humidité. Les essais faits à
une température élevée permettent de déterminer des
valeurs mécaniques «dégradées» en statique et en fatigue
qui seront utilisées pour dimensionner par calcul la structure composite.
Concernant les nouvelles générations de fuselage (par
exemple des B787 Dreamliner et futur A350) en carbone, la
protection à la foudre a dû être repensée car auparavant le
problème ne se posait pas puisque les fuselages métalliques
assuraient seuls le transfert de charges.
Chez EADS Composites Aquitaine, nous assurons cette protection sur les structures d’hélicoptères en ajoutant sur la
surface extérieure une peau très fine en alliage bronze-aluminium plus des bandes en cuivre plus épaisses qui garantissent la continuité entre les différents tronçons et le transfert des charges électriques et électrostatiques à la pointe de
l’aéronef.
Conclusion
Nous recevons actuellement de nombreuses
demandes
pour passer une structure métallique en
composite. Une étude
globale du changement est nécessaire
pour faire ce choix.
Voici une image d’une structure de classe 1
En effet les investissed’hélicoptère Super PUMA produite chez
EADS Composites Aquitaine.
ments sont importants en fonction du
Les bandes horizontales plus claires,
visibles sur le coté, sont en cuivre.
procédé choisi qui,
lui, découle de plusieurs critères (finition, cadence, taille de
la pièce). En outre, le coût de la pièce peut s’avérer plus cher
du fait du prix de la matière première.
Dans l’aéronautique et surtout le spatial, un kilogramme
coûte si cher en énergie que le passage en composite est
vital.
Pour les autres applications, l’analyse est plus compliquée et
doit se faire au cas par cas.
De nouvelles fibres, de nouvelles matrices organiques ou
métalliques ont vu le jour ces dernières années. Des nouveaux procédés sont en cours d’élaboration pour réduire le
coût de ces pièces. Le domaine des composites est encore
méconnu mais il offre de formidables opportunités. ●
21