Procédure de danger immédiat

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Procédure de danger immédiat
Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011
THEME 3
LE DANGER IMMEDIAT
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Sommaire
Le danger immédiat ................................................................................ p. 3
- Les mentions devant figurer sur l’avis ........................................................... p. 4
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- A défaut de danger immédiat, l’employeur doit solliciter une seconde visite p. 9
Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011
- Danger immédiat : absence de portée de la mention
dans une lettre annexée à l’avis ................................................................... p. 11
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LE DANGER IMMEDIAT
 Article R. 4624-31 du Code du travail :
« Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger
immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut
constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé :
1° Une étude de ce poste ;
2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ;
Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011
3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le
cas échéant, des examens complémentaires. »
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LES MENTIONS DEVANT FIGURER SUR L’AVIS
Source : IM du CISME, n° 11 – Janvier-Février-Mars 2005
Cass. soc., 19 janv. 2005 - n° 03-40.765
Une nouvelle salve d’arrêt vient d’être diffusée par la Cour de cassation.
La Cour précise par là même les notions applicables en cas de reconnaissance d’une inaptitude au poste de travail.
Par un arrêt du 19 janvier 2005 (Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-40.765), elle détermine
ainsi clairement ce qu’il convient d’entendre par « danger immédiat ».
Rappelons tout d’abord qu’aux termes de l’article R. 241-51-1 du code du travail, « sauf
dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger
immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du
travail ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après une
étude de ce poste et des conditions de travail dans l'entreprise et deux examens
médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des
examens complémentaires mentionnés à l'article R. 241-52 ».
La conséquence du non-respect de cette procédure est sévère dans la mesure où le
licenciement prononcé à l’issue d’une seule visite, en dehors des conditions précitées, est
nul (C. trav., art. L. 122-45).
Dès lors, le médecin du travail, lorsqu’il entend exclure la nécessité d’une seconde visite en
raison du danger immédiat que présente le maintien du salarié à son poste aussi bien pour
lui-même que pour les tiers, se doit d’être explicite en mentionnant cette situation.
Mais qu’en est-il lorsqu’il ne mentionne pas expressément dans son avis la situation
de danger immédiat ?
En l’espèce, un salarié est soumis à une visite de reprise du travail le 1er octobre 2001.
Le médecin du travail rédige alors l’avis suivant : « inapte définitif à tout poste existant dans
l’entreprise, R. 241-51-1, une seule visite ».
L’employeur licencie le salarié le 27 octobre suivant pour inaptitude et impossibilité de
reclassement.
Le salarié saisit alors la juridiction prud’homale en considérant que le licenciement prononcé
est nul dans la mesure où l’inaptitude au poste de travail n’a pas été reconnue au terme des
deux examens médicaux visés par l’article R. 241-51-1 du code du travail, mais d’une seule
visite.
Habilement, le salarié estime en effet que l’employeur ne pourrait se dispenser de faire subir
une seconde visite médicale que si l’avis émis par le médecin du travail déclarant le salarié
Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011
Tout dépend des circonstances de fait, et plus précisément de l’intention qui doit résulter très
clairement des termes employés par le médecin lors de la rédaction de l’avis émis, comme
vient de le reconnaître la Cour de cassation.
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inapte au cours de la première visite précise expressément que le maintien à son poste
prescrit un danger pour sa santé ou celle des tiers.
Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi en procédant à une appréciation « in concreto »
des faits, appréciation très bien accueillie par les professionnels !
Elle considère en effet « qu’en visant expressément l’article R. 241-51-1 du Code du
travail, le médecin du travail a nécessairement estimé qu’il existait une situation de
danger immédiat au sens de cette disposition ».
L’intention du médecin du travail ne faisait en l’espèce aucun doute, et a été appréciée
comme telle par les juges du fond puis par la Haute juridiction.
En effet, cet arrêt doit être rapproché de celui rendu par la Cour de cassation le 4 juin 2002
(Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-42.873). En l’espèce, une salariée avait été victime de
malaises, nécessitant plusieurs arrêts de travail. A l’occasion de la visite de reprise, le
médecin du travail la déclare inapte à son poste en raison d’un nouveau malaise, mais apte
à un poste plus allégé dans l’entreprise.
L’employeur, approuvé par les juges du fond, croit pouvoir en déduire que le licenciement
peut être prononcé au terme d’une seule visite en raison du danger immédiat existant pour la
salariée.
La question posée dans cet arrêt est de savoir si les juges du fond, au vu des circonstances
propres à l’espèce, pouvaient relever l’existence d’une situation de danger pour estimer que
l’inaptitude a été régulièrement prononcée alors que dans son avis, le Médecin n’en a pas
fait expressément état.
La Cour de cassation répond par la négative, en relevant le Médecin du travail n’a pas
constaté une « situation de danger ».
De l’analyse de ces arrêts ressort clairement la nécessité pour le Médecin du Travail,
lorsqu’il entend exclure une seconde visite médicale, de mentionner expressément
l’article R. 241-51-1 du Code du travail et d’évoquer ce danger immédiat.
Dans le cas contraire, il appartiendrait à l’employeur, en cours de procédure, de saisir à
nouveau le Médecin du Travail pour préciser son avis.
Source : IM du CISME, n° 12 - Avril-Mai-Juin 2005
Cass. soc., 11 mai 2005 - n° 03-45.174
Dans un arrêt du 19 janvier 2005, la Cour de cassation précisait que lorsque le médecin du
travail ne mentionne pas expressément dans son avis la situation de danger immédiat alors
qu’il entend exclure la nécessité d’une seconde visite, il se doit soit de mentionner expressément l’article R. 241-51-1 du Code du travail soit d’évoquer ce danger immédiat.
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Dans tous les cas, les juges du fond seront amenés à apprécier concrètement l’intention du
Médecin lors de la rédaction de l’avis d’inaptitude en cause. Celle-ci ne doit donc pas laisser
planer un quelconque doute.
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En effet, aux termes de l’article R. 241-51-1 du Code du travail, « sauf dans le cas où le
maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé
ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater
l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après une étude de ce poste et des
conditions de travail dans l'entreprise et deux examens médicaux de l'intéressé
espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires
mentionnés à l'article R. 241-52 ».
La sanction pour l’employeur qui ne respecte cette procédure est sévère puisque le
licenciement prononcé à l’issue d’une seule visite, en dehors des conditions précitées, est
nul (C. trav., art. L. 122-45).
Dans la lignée de l’arrêt rendu le 19 janvier 2005, la Cour de cassation confirme dans un
arrêt rendu le 11 mai le formalisme que doit suivre le médecin du travail pour rédiger son
avis lorsqu’une seule visite est nécessaire pour déclarer le salarié inapte.
En l’espèce, un salarié est soumis à une visite médicale le 28 juin 2000. Il est déclaré par le
médecin du travail définitivement inapte à tout emploi dans l’entreprise.
L’employeur licencie le salarié le 13 juillet suivant pour inaptitude et impossibilité de
reclassement.
Le salarié obtient gain de cause devant la juridiction prud’homale qui considère que le
licenciement prononcé est nul.
L’employeur soutient dans son pourvoi que la seule référence à l’article R. 241-51-1 du Code
du travail dans son avis suffit à justifier le fait qu’un seul examen médical soit effectué.
Il ressort de cet arrêt la nécessité pour le médecin d’être vigilant lors de la rédaction de son
avis d’inaptitude. Nous conseillons donc vivement de mentionner expressément, outre la
référence à l’article R. 241-51-1 du Code du travail, la situation de danger immédiat
impliquant une seule visite.
Source : IM du CISME, n° 18 - Mai 2006
Cass. soc., 28 mars 2006 - n° 04-44.687
L’avis du médecin du travail qui entend se fonder sur la procédure de reconnaissance
d’une inaptitude en une seule visite doit :
• soit mentionner expressément la situation de danger immédiat ;
• soit, outre la référence à l’article R. 241-51-1 du Code du travail, indiquer qu’une
seule visite est effectuée.
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Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi et considère en effet que « cette inaptitude ne
peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de
l'avis du médecin du Travail ou si cet avis indique, outre la référence à l'article R. 241-51-1
du Code du travail, qu'une seule visite est effectuée ; que la seule mention de l'article
R. 241-51-1 du Code du travail ne suffit pas à caractériser la situation de danger immédiat
qui permet au médecin du Travail de constater l'inaptitude du salarié au terme d'un seul
examen médical ».
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En l’espèce, une salariée est déclarée définitivement inapte à tout poste dans l’entreprise
aux termes d’un seul avis en date du 6 décembre 2001 faisant référence à une « procédure
d’urgence ».
Elle est licenciée le 15 janvier 2002 aux motifs de son inaptitude et de l’impossibilité de
son reclassement, puis saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes.
La cour d’appel lui donne satisfaction en considérant le licenciement nul faute de respect de
la procédure de reconnaissance d’inaptitude réglementairement fixée, en deux visites
espacées de deux semaines.
Mais l’employeur croit pouvoir contester aux motifs que :
1. l’article R. 241-51-1 du Code du travail n’oblige pas le médecin du travail à faire figurer
littéralement la mention « danger immédiat » sur la fiche de visite lorsqu’il entend ne
procéder qu’à un seul examen en raison de l’existence d’un tel danger ;
2. le médecin du travail avait établi des courriers confirmant qu’il avait bien estimé qu’existait
un danger immédiat pour la santé de la salariée.
La Cour de cassation, sans surprise, rejette le pourvoi de l’employeur en confirmant que
« selon l’article R. 241-51-1 du Code du travail, sauf dans le cas où le maintien du salarié à
son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé
ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude d’un salarié à son
poste de travail qu’après deux examens médicaux espacés de deux semaines ; qu’il s’ensuit que cette inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la
situation de danger résulte de l’avis du médecin du travail ou si cet avis indique, outre
la référence à l’article R. 241-51-1 du Code du travail, qu’une seule visite est effectuée ; que la cour d’appel ayant relevé que le médecin du travail s’était borné, dans
l’avis d’inaptitude qu’il avait émis le 6 décembre 2001, à mentionner « procédure
d’urgence » sans autre précision, a exactement décidé que le licenciement de la
salariée était nul ».
La position de la Cour de cassation, tenue notamment dans un arrêt du 19 octobre 2005
(Cass. soc., 19 oct. 2005, n° 03-48383), est en outre réaffirmée. Les courriers annexes, par
lesquels le médecin du travail confirme l’existence d’une situation de danger immédiat
excluant une seconde visite, sont sans effet.
Source : IM du CISME, n° 33 - Juin 2008
Cass. soc., 21 mai 2008 - n° 07-41.380
La chambre sociale de la Cour de Cassation réaffirme régulièrement l’importance que revêt
l’avis d’inaptitude et quelle doit être sa rédaction en cas de danger immédiat.
Elle vient encore rappeler que la mention du danger immédiat doit figurer expressément
dans l’avis d’inaptitude pour que la procédure de licenciement consécutive à l’impossibilité
de reclassement du fait de l’inaptitude soit considérée comme valide.
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La sanction, rappelons-le, du non-respect de la procédure fixée par l’article R. 241-51-1 du
Code du travail est sévère dans la mesure où le licenciement est alors considéré comme nul.
L’intention du médecin du travail doit donc apparaître de manière très claire et l’employeur,
en cas de doute, peut solliciter une seconde visite.
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Nous savons qu’aux termes de l’article R. 4624-31 du Code du travail, le médecin du travail
ne peut constater l'inaptitude du salarié à son poste de travail qu'après deux examens médicaux espacés de deux semaines, « sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de
travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ».
Le médecin du travail peut-il faire référence au danger immédiat sur un support
distinct de l’avis d’inaptitude ?
La Cour de Cassation répond à cette question par la négative. Le défaut de mention du
danger immédiat sur l’avis d’inaptitude entraîne de lourdes conséquences pour l’employeur
qui licencie le salarié déclaré inapte à la suite d’un avis irrégulier du médecin du travail.
En l’espèce, une salariée en arrêt pour maladie professionnelle est déclarée inapte à son
poste de travail à l’issue de l’examen médical de reprise. Le médecin du travail rédige l’avis
d’inaptitude dans les termes suivants : « inapte à la reprise du poste de travail anciennement
occupé. Apte à un poste sans charges lourdes à porter, tirer ou pousser et sollicitations
répétitives des épaules. Il ne sera fait qu'une seule visite (cf. lettre) ».
Un mois plus tard, l’employeur licencie cette salariée pour inaptitude et impossibilité de
reclassement.
La Cour d’appel retient que le licenciement s’analyse en un licenciement nul et condamne
l’employeur au paiement de dommages-intérêts.
Celui-ci pouvait penser que l’inaptitude de la salariée avait été régulièrement constatée, dans
la mesure où la lettre annexée à l’avis précisait l’existence d’un danger immédiat justifiant la
reconnaissance de l’inaptitude en une seule visite.
Mais l’avis lui-même ne mentionnait aucunement l’existence d’un danger immédiat.
Elle énonce que « selon l'article R. 241-51-1 du Code du travail, sauf dans le cas où le
maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la
sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude
d'un salarié à son poste de travail qu'après deux examens médicaux espacés de deux
semaines ; qu'il s'ensuit que cette inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen
médical que si la situation de danger résulte de l'avis du médecin du travail ou si cet avis
indique, outre la référence à l'article R. 241-51-1 du Code du travail, qu'une seule visite est
effectuée ; que la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen dès lors qu'elle a relevé
que l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 25 avril 2005, s'il indiquait bien
qu'une seule visite était effectuée, ne faisait état d'aucun danger immédiat, peu
important la référence à une lettre » (Cass. soc., 21 mai 2008, n° 07-41.380).
La mention d’un danger immédiat qui seule, justifie la reconnaissance de l’inaptitude
en une seule visite, doit donc figurer sur l’avis d’inaptitude. Elle ne peut en aucun cas
être indiquée dans un document différent, quand bien même l’avis d’inaptitude y ferait
référence.
Les conséquences pour l’employeur sont lourdes. En effet, aux termes de l’article L. 1235-11
du Code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié est nul et que ce dernier ne demande
pas sa réintégration, celui-ci a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, et d'autre part à
une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement
qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.
Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011
La Cour de Cassation confirme ici une jurisprudence constante (Cass. soc., 19 oct. 2005,
n° 03-48383).
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Aussi, comment doit réagir l’employeur face à un avis d’inaptitude irrégulier ?
Si le médecin du travail déclare le salarié inapte en une seule visite et que l’avis d’inaptitude
établi par le médecin du travail ne mentionne pas l’existence d’un danger immédiat, la Cour
de cassation a précisé qu’il lui appartient de saisir le médecin du travail pour demander une
seconde visite.
En effet, dans un arrêt du 12 mars 2008, la Haute juridiction a énoncé que « l'employeur
s'était abstenu de saisir, comme il le devait, après le premier examen, le médecin du travail
pour faire pratiquer le second des examens exigés par l'article R. 241-51-1 du Code du
travail, l'arrêt en déduit qu'il avait, ce faisant, commis une faute dont il devait réparation »
(Cass. soc., 12 mars 2008, n° 07-40.039).
L’employeur doit donc agir et ne peut se retrancher derrière la référence faite par l’avis à des
documents annexes, ceux-ci n’ayant aucune valeur au regard de la mention de danger
immédiat. Les médecins du travail, mais également les employeurs doivent donc rester
vigilants s’agissant de la reconnaissance d’une inaptitude en une seule visite.
A
DEFAUT DE DANGER IMMEDIAT, L’EMPLOYEUR DOIT SOLLICITER UNE
SECONDE VISITE
Source : IM du CISME, n° 32 - Mai 2008
Cass. soc., 12 mars 2008 - n° 07-40.039
L’attention des SIST, et plus particulièrement celle des médecins du travail, doit être appelée
s’agissant de la rédaction des avis d’inaptitude dans le cas où un danger immédiat serait
constaté.
La Cour de cassation rappelle aujourd’hui cette règle. Elle précise également que lorsque
l’inaptitude en un seul examen n’est pas régulièrement déclarée, il appartient à l’employeur de saisir le médecin du travail pour demander une seconde visite.
A défaut, l’employeur commet une faute dont il doit réparation.
En l’espèce, une salariée, engagée en qualité de vendeuse, est victime d'un accident du
travail le 6 mai 1999.
Après avoir été en arrêt de travail de ce fait jusqu’au 4 mars 2001, elle est prise en charge
au titre de la maladie jusqu’au 3 mai 2004.
Le 5 avril 2004, elle est classée en invalidité deuxième catégorie.
Par lettre du 23 avril 2004, l'employeur l'invite à se présenter à la médecine du travail le
30 avril, date à laquelle la salariée est encore en arrêt de travail.
Une visite, apparemment considérée comme une visite de reprise par le médecin du travail,
a lieu et met ainsi fin à la suspension du contrat de travail.
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De jurisprudence constante, le médecin du travail peut en effet déclarer un salarié inapte en
un seul examen seulement s’il indique clairement sur la fiche d’aptitude la mention de l’article
R. 241-51-1 du Code du travail et du danger immédiat (Cass. soc., 21 mars 2007,
n° 06-41.678).
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Lors de cette visite, le médecin du travail la déclare définitivement inapte à son poste de
vendeuse en précisant qu'il n'y a pas lieu de prévoir une seconde visite. L’avis ne fait
toutefois pas référence à l'article R. 241-51-1 du Code du travail, ni au danger immédiat.
Après avoir engagé à deux reprises une procédure de licenciement à laquelle il ne donne
pas suite, l'employeur demande finalement à la salariée de se rendre à une nouvelle visite
médicale.
La salariée est ainsi déclarée, aux termes de deux visites, inapte à son poste de vendeuse
mais apte à un travail assis / debout sans port de charges, puis licenciée le 27 avril 2005,
soit un an après la date de l’examen médical de reprise.
Les éléments de faits dont nous disposons ne nous permettent pas de connaître précisément la date de la seconde visite.
Celle-ci a cependant sans doute eu lieu en mars ou avril 2005, compte tenu de la date à
laquelle est intervenu le licenciement.
La salariée saisit par la suite la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de ses
salaires pour la période du 30 mai 2004 au 29 avril 2005 sur le fondement de l'article L. 12224-4 du Code du travail.
Les juges du fond font droit à sa demande et condamnent l’employeur.
• Faute de l’employeur
Dans le premier moyen du pourvoi, l’employeur conteste notamment la qualification de la
visite, dite « de reprise ». En effet, cette dernière a eu lieu à l’initiative de l’employeur alors
que la salariée était toujours en arrêt de travail.
En clair, la Cour de cassation ne remet pas en cause la qualification de la visite de reprise et
affirme que l’employeur aurait dû solliciter une seconde visite. A défaut, il commet une faute
dont il doit réparation.
La chambre sociale n’apporte aucune précision dans cet arrêt sur le délai dans lequel doit
être sollicité le second examen prévu par l’article R. 241-51-1 du Code du travail.
Dans un arrêt du 10 novembre 1998, elle avait affirmé que l’employeur n’avait commis
aucune faute dans la mesure où le second examen avait été sollicité dans un délai de deux
semaines.
La chambre sociale précisait en effet alors qu’« en l'absence de faute de l'employeur qui, par
application de l'article R. 241-51-1 du Code du travail, a saisi, dans le délai légal de deux
semaines à compter du premier examen médical du salarié, le médecin du travail en raison
de la nécessité de faire constater l'inaptitude de l'intéressé à son poste de travail, une cour
d'appel décide exactement qu'en vertu de l'article L. 122-24-4 du Code du travail, l'employeur
n'est tenu au paiement du salaire qu'à l'expiration du délai d'un mois à compter de la date du
second de ces examens » (Cass. soc., 10 nov. 1998, n° 96-44.067).
Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011
La Cour de cassation ne suit pas l’employeur sur ce point et retient « qu'après avoir relevé
que l'employeur s'était abstenu de saisir, comme il le devait, après le premier examen
en date du 30 avril 2004, le médecin du travail pour faire pratiquer le second des
examens exigés par l'article R. 241-51-1 du code du travail, l'arrêt en déduit qu'il avait,
ce faisant, commis une faute dont il devait réparation ; qu'ayant ainsi, par ce seul motif,
justifié sa décision, la cour d'appel n'encourt aucun des griefs du moyen ; que celui-ci n'est
pas fondé ».
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Il appartient donc, à notre sens, à l’employeur de prouver qu’il a effectivement saisi le
médecin du travail dans un délai de deux semaines suivant la date du premier examen afin
de prouver qu’il n’a commis aucune faute.
• Indemnisation
Pour condamner l'employeur à payer à la salariée les salaires dus pour la période du
30 mai 2004 au 29 avril 2005 en application de l’article L. 122-24-4 du Code du travail, la
cour d’appel avait retenu qu'en laissant la salariée pendant une année entière dans une
situation ne lui permettant ni de reprendre le travail en percevant ses salaires ni d'obtenir la
rupture régulière de son contrat de travail pour inaptitude définitive, l’employeur avait commis
une faute.
La Cour de cassation censure les juges du fond sur ce point en considérant « qu'en statuant
ainsi, alors que, s'agissant d'un dommage qu'il convenait de réparer, il appartenait à la
cour d'appel d'allouer à la salariée non pas le paiement de salaires sur le fondement
de l'article L. 122-24-4 du Code du travail inapplicable mais une indemnisation du
préjudice réellement subi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
La salariée ne pouvait effectivement pas solliciter le versement des salaires à l’expiration du
délai d’un mois suivant la seconde visite dans la mesure où la procédure n’a pas été
considérée comme régulière.
En revanche, elle était fondée à demander la réparation du préjudice réellement subi.
La Cour de cassation confirme ainsi sa jurisprudence de 2002 selon laquelle, lorsque le
médecin du travail déclare irrégulièrement le salarié inapte à l’issue d’un seul examen, le
délai d’un mois ne peut commencer à courir (Cass. soc, 10 juill., n° 00-42.912).
Si la procédure d’inaptitude en un seul examen (danger immédiat) est irrégulière,
l’employeur doit donc solliciter une seconde visite.
A défaut, l’employeur commet une faute dont la réparation du préjudice causé peut
être réclamée.
Nous pouvons, en outre, craindre la multiplication des litiges entre adhérents et SIST au
motif de la rédaction d’avis ne comportant pas l’ensemble des mentions exigées par la Cour
de cassation…
DANGER
IMMEDIAT
:
ABSENCE DE PORTEE DE LA MENTION DANS UNE
LETTRE ANNEXEE A L’AVIS
Source : IM du CISME, n° 15 - Décembre 2005
Cass. soc., 19 oct. 2005 - n° 03-48.383
Repenser le concept de l’aptitude / inaptitude devient de plus en plus urgent pour les
employeurs… La Cour de cassation vient de réaffirmer sa position en matière de rédaction
d’un avis devant faire expressément mention du « danger immédiat ».
Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011
Une telle jurisprudence pourrait conduire les employeurs à solliciter une seconde visite,
y compris lorsque le médecin du travail fait clairement référence, dans l’avis qu’il rédige, à un
danger immédiat. La peur du contentieux plane en effet…
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Les deux arrêts rendus le 19 octobre 2005 précisent ainsi l’orientation, notamment prise
depuis la salve d’arrêts rendus en 2005 sur l’inaptitude, et plus précisément sur la notion de
danger immédiat (voir commentaires dans les IM de Janvier à Mars 2005, p. 16, et dans les
IM d’avril à juin 2005, p. 24).
Aux termes de l’article R. 241-51-1 du Code du travail, « sauf dans le cas où le maintien
du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la
sécurité de l’intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater
l’inaptitude du salarié à son poste de travail qu’après une étude de ce poste et des
conditions de travail dans l’entreprise et deux examens médicaux de l’intéressé
espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires
mentionnés à l’article R. 241-52 ».
La conséquence du non-respect de cette procédure est sévère dans la mesure où le
licenciement prononcé à l’issue d’une seule visite, en dehors des conditions précitées, est
nul (C. trav., art. L. 122-45).
Dès lors, le médecin du travail, lorsqu’il entend exclure la nécessité d’une seconde visite en
raison du danger immédiat que présente le maintien du salarié à son poste aussi bien pour
lui-même que pour les tiers, se doit d’être très explicite.
Nous savons, depuis les arrêts rendus le 19 janvier 2005 confirmés le 11 mai suivant, que le
médecin du travail se doit d’être extrêmement vigilant lorsqu’il rédige un avis et entend se
référer à une situation de danger immédiat.
C’est la raison pour laquelle nous avons recommandé aux médecins du travail de viser
clairement, dans cette hypothèse, la situation de danger immédiat et l’article R. 241-51-1 du
Code du travail.
Mais quelle valeur peut avoir le courrier d’un médecin évoquant le danger immédiat,
annexé à un avis qui n’en fait pas mention lui-même ?
La Cour de cassation vient de rendre un arrêt malheureusement dépourvu de toute ambiguïté sur cette question (Cass. soc., 19 oct. 2005, n° 03-48.383).
Le 26 octobre suivant, le médecin précise par courrier que « la reprise du travail présentait
un caractère de dangerosité pour la santé du salarié entraînant une inaptitude totale à l’issue
de cette seule visite ».
La Haute juridiction affirme alors clairement que « selon l’article R. 241-51-1 du Code du
travail, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger
immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail
ne peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste de travail qu’après deux examens
médicaux espacés de deux semaines ; qu’il s’ensuit que cette inaptitude ne peut être
déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l’avis du
médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence à l’article R. 241-51-1 du Code
du travail, qu’une seule visite est effectuée ».
Et elle ajoute « qu’il ne résultait pas de l’avis du médecin du travail du 13 octobre 2000
une situation de danger immédiat pour le salarié et que, dans le délai de deux
semaines suivant le premier examen médical, un second n’avait pas eu lieu ».
La procédure suivie était donc nulle.
Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011
En l’espèce, un salarié est examiné par le médecin du travail le 10 octobre 2000, lequel le
déclare « inapte total et définitif à son emploi d’ouvrier agricole et à tout autre poste dans
l’entreprise ».
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En conséquence, l’avis, et seulement l’avis, compte. Nous vous conseillons donc
d’être extrêmement vigilants et de mentionner expressément dans l’avis rendu qu’une
seule visite est nécessaire compte tenu du danger immédiat pour la santé ou la
sécurité du salarié, ou de celles des tiers, au visa de l’article R. 241-51-1 du Code du
travail.
La Haute juridiction a rendu un autre arrêt le 19 octobre dernier dans le même esprit
(Cass. soc., 19 oct. 2005, n° 03-46.942).
En l’espèce, suite à un arrêt de travail pour maladie, une salariée bénéficie d’une visite de
reprise. Le médecin du travail la reçoit le 23 juin 2000 et indique qu’« après une nouvelle
visite effectuée ce jour et après avis du médecin inspecteur du travail, je certifie que l’état de
santé actuel de Mme Y ne lui permet pas une reprise du travail dans son entreprise ».
Le 31 juillet 2000, ce médecin précise à l’employeur qui l’avait interrogé sur cette procédure
que « suite à votre courrier du 13 juillet 2000, je vous confirme qu’il s’agit bien d’une réintégration impossible au sein de son entreprise et non au niveau d’un poste en particulier ».
La salariée est licenciée le 5 septembre suivant pour inaptitude physique.
Pour débouter la salariée, la cour d’appel énonce que le médecin du travail a constaté
l’inaptitude de la salariée à tout emploi au sein de l’association et a, le même jour, informé
pour avis le médecin inspecteur du travail qu’il estimait que le maintien de l’intéressée à son
poste de travail entraînait un danger immédiat pour sa santé. Elle considère ainsi que
« le fait que cette interprétation restrictive n’ait pas été mentionnée sur l’avis d’inaptitude
n’ôte rien à sa portée et qu’il en résulte que le deuxième examen médical prévu par l’article R. 241-51-1 du Code du travail n’avait pas à être réalisé ». Mais la Cour de cassation
censure ce raisonnement dans des termes identiques à ceux du précédent arrêt : « qu’il ne
résultait pas de l’avis du médecin du travail du 23 juin 2000 une situation de danger
immédiat pour la salariée et que dans le délai de deux semaines suivant le premier avis
médical, un second n’avait pas eu lieu ».
Il en va de même des avis d’inaptitude rendus par le médecin du travail s’agissant de la
mention du danger immédiat. Mieux vaut en être avertis. Les employeurs devant faire face à
des avis ne comprenant pas la mention expresse du danger immédiat devront donc
nécessairement solliciter une seconde visite dans un délai de deux semaines.
La Cour de cassation écarte toute possibilité de motivation externe à l’avis d’inaptitude luimême, et adopte une position beaucoup moins pragmatique que celle choisie dans l’arrêt du
19 janvier 2005 susvisé.
Elle avait alors, rappelons-le, procédé à une appréciation « in concreto » des faits pour
reconnaître l’existence d’une situation de danger immédiat (IM - Janvier-Février-Mars, p. 16).
Il importe d’éviter tout contentieux pouvant entraîner la nullité du licenciement fondé
sur un avis émis par le médecin du travail qui entend exclure la nécessité d’une
seconde visite en mentionnant l’ensemble des points précités.
Jurisprudence Aptitude/Inaptitude - Juillet 2011
On ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec la position tenue par la Cour de
cassation en matière de motivation d’une lettre de licenciement. En effet, elle affirme depuis
des années que seuls les motifs énoncés dans le courrier de licenciement fixent les termes
du litige (Cass. soc., 13 nov. 1991). Un employeur ne peut ainsi invoquer, lors d’un éventuel
contentieux, un motif qu’il n’aurait pas soulevé dans la lettre de licenciement elle-même.
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L’Equipe Juridique
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