Un bon cuisiniste doit proposer un grand nombre

Transcription

Un bon cuisiniste doit proposer un grand nombre
Idée reçue n°15
Un bon cuisiniste doit proposer
un grand nombre de marques d’encastrables
Cette idée s’est répandue telle une nécessité motivée par des
intérêts particuliers qui sont souvent contradictoires avec
l’intérêt général, pénalisant au final chacune des composantes de
la filière cuisine et altérant la vocation des cuisinistes à être des
spécialistes.
De
la crise de
confiance des
consommateurs à la prise de conscience
par les fabricants d’électroménager de la
valeur ajoutée de l’encastrable pour relever
le niveau de leurs marges et améliorer leur
bilan, il n’y aura eu qu’un pas, allégrement
franchi depuis deux ans. Non que cette
famille de produis n’existaient pas
auparavant, bien sur, mais un mouvement
de fond s’est développé pour y axer les
stratégies, et accorder une nouvelle
considération aux cuisinistes, jugés à juste
titre les meilleurs - parce que les plus
légitimes - vecteurs de commercialisation
d’appareils encastrables. Soyons justes :
certaines marques, historiquement ancrées
dans
ce
circuit
de
distribution,
entretiennent depuis longtemps une
relation étroite et fidèle avec les réseaux et
magasins de cuisines. Mais force est de
1/2 2011 © Culture Cuisine • www.culturecuisine-lemag.com
constater que d’autres tentent de les
séduire massivement depuis un an environ,
en faisant le forcing pour être référencées
par les grandes centrales de distribution
intégrée que sont le groupe Fournier, la
Salm ou à moindre degré l’ensemble
Cuisine Plus / Ixina.
réflexe bien humain qui incite à voir midi à
sa porte : chacun croît en effet que les
effets négatifs de dispersion des ventes
pénalisent ses concurrents, mais que luimême y échappe grâce à sa position parmi
les leaders, son image ou ses bons rapports
avec le distributeur.
De fait, afin de justifier leur présence aux
côtés d’un nombre déjà important de
marques déjà référencées, les prétendantes
à la sélection avancent qu’il est avantageux
pour un bon cuisiniste de disposer de
l’offre d’encastrables la plus complète
possible. Il ne s’agit pas ici de condamner
cette argumentation, motivée par la volonté
d’exister sur un marché au contexte
concurrentiel de plus en plus tendu, mais
de porter un éclairage sur son
invalidité (on notera d’ailleurs
au passage que les mêmes
marques candidates tiennent le
discours opposé lorsqu’il s’agit
de faire digue à leurs concurrents
là où elles sont déjà présentes).
Croire que les cuisinistes ont intérêt à
diversifier leur offre procède de la même
erreur. Il leur est déjà souvent compliqué
de connaître les catalogues, les spécificités
techniques et l’argumentaire de vente de
leurs deux ou trois fournisseurs habituels
(d’où l’importance des
formations
dispensées régulièrement) : il leur est
impossible d’avoir des connaissances
précises pour 5 marques ou d’avantages.
La dilution de ce savoir risque
d’altérer l’image de spécialiste
dont ils bénéficient, d’autant
plus que les consommateurs sont
sensibles à la qualité des
conseils). Ces derniers euxmêmes sont donc pénalisés par
cette baisse de connaissances qui
leur est délivrée et par le fait
qu’au sein d’une offre plus large
et d’une concurrence accrue,
certains vendeurs auront la
tentation de proposer le four ou
la table de cuisson lui
garantissant la meilleure marge, plutôt que
les modèles correspondant aux véritables
besoins du client.
Une telle argumentation est
même erronée car aucun échelon
de la filière ne gagne à sa mise
en pratique. A commencer par
l’amont que constituent les
constructeurs d’appareils euxmêmes : en effet, plus les marques sont
nombreuses à être référencées par un
magasin, plus elles se partagent le même
gâteau des ventes réalisées, tout en devant
investir financièrement pour soutenir leur
image afin de ne pas se retrouver noyée
dans la masse. Concrètement, cela revient
à dépenser beaucoup pour une simple
présence, et ce ratio d’efficacité diminue à
mesure que s’élargit la palette des marques
proposées par le distributeur. Si les
responsables des firmes d’encastrables ont
tendance à nier ce fait, c’est en raison d’un
Confortant cette nécessité de rectifier
l’idée reçue résumée dans le titre de cet
article, rappelons une règle du commerce
en vertu de laquelle être sélectif dans ses
choix de référencements, c’est faire valoir
à la fois ses connaissances, ses
compétences et son positionnement de
spécialiste pour se distinguer des
généralistes. Jusqu’à preuve du contraire…
 Jérôme Alberola
2/2 2011 © Culture Cuisine • www.culturecuisine-lemag.com