Agora 9 - Europa

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Agora 9 - Europa
Agora 9 – Nightriders – adapter la formation aux
styles de vie des jeunes (1)
Jane Lavelle (2)
Permettez-moi de me présenter brièvement. J’ai commencé à enseigner en 1975, puis suis passée en
1983 vers l’éducation sociale, en gérant les activités d’éducation des adultes, de jeunesse et de
loisirs. En 1998, je suis devenue responsable pour la jeunesse et les activités communautaires de
Newport, où j’ai géré et développé un service de jeunesse, ce qui était assez inhabituel à une époque
où de nombreuses autorités au Royaume-Uni réduisaient leurs activités dans ce domaine. Nous
avons beaucoup grandi et nous avons aujourd’hui quatre-vingts collaborateurs à temps partiel, qui
travaillent dans le secteur de la jeunesse à raison de quatre à trente heures par semaine. En outre,
nous allons recruter de nouveaux personnels, ce qui portera nos effectifs à dix salariés à plein temps.
Le service de jeunesse travaille avec des jeunes de 11 à 24 ans à Newport, dans le cadre de divers
projets. Une bonne partie de notre travail concerne les jeunes qui ne vont pas à l’école ou qui en ont
été exclus. Nous travaillons en partenariat avec les écoles pour soutenir ces jeunes. Certaines écoles
emploient maintenant des animateurs pour leurs activités post-scolaires.
Nos programmes sont conçus pour ces jeunes et mettent particulièrement l’accent sur leur
développement personnel et les activités de soutien. Les programmes sont souvent redéfinis pour
tenir compte des besoins des individus.
L’accent principal porte sur l’adaptation du système en vue d’une réinsertion et réinclusion. Là aussi,
il est essentiel d’identifier les mentors personnels adéquats pour soutenir les jeunes qui reprennent
leurs études.
Nous avons travaillé sur une extension du projet basé sur l’école, que nous avons appelé projet
Nightriders ou Youth growth, et qui dispose actuellement d’un financement européen. Nous
travaillons avec des jeunes de 16 à 24 ans qui ont quitté l’école sans aucun diplôme. Cette année,
nous nous sommes occupés de quelque quatre cents jeunes, dont 75 % ont repris le chemin de
l’éducation, de la formation ou de l’emploi.
Le County Borough Council a obtenu un financement européen il y a quatre ans, en 1997, par le
biais de l’établissement d’enseignement tertiaire qui existait alors dans la zone. Nous disposons
maintenant d’un financement du Borough Council local, qui assure la partie principale de nos
ressources. Nous faisons partie du département de l’éducation à l’instar des écoles. Nous avons des
partenariats avec de nombreuses agences à Newport, dont les écoles.
(1) Ce texte est une transcription d’un enregistrement de Jane Lavelle, du 26 juin 2002.
(2) County Borough Council Youth Service, Pays de Galle (Royaume-Uni)
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Pour qui travaillons-nous? Pour des jeunes, de 16 à 24 ans, comme nous l’avons dit, ayant un faible
niveau d’études, au chômage, ayant peu d’estime d’eux-mêmes et perçus comme défavorisés sur le
plan environnemental, social et culturel.
Comme le projet fonctionne-t-il? Il fonctionne lorsque les jeunes sont présents et sur les lieux de leur
présence. Les animateurs travaillent dans les rues et rencontrent les jeunes là où ils traînent. Ils les
encouragent à reprendre leurs études. Beaucoup de jeunes de 16 ans avec qui nous travaillons n’ont
plus été à l’école depuis deux, trois, voire quatre ans, et ont donc raté toutes les chances qui se
présentaient alors. Ils parviennent même parfois à échapper aux nouveaux programmes mis en place
par le gouvernement, et souvent disparaissent. C’est donc nous qui devons aller les rencontrer là où
ils se trouvent et les aider à prendre des décisions pour leur vie.
Le projet vise à leur redonner confiance grâce à l’écoute et au soutien, car beaucoup d’entre eux,
comme vous l’imaginez, ont un mauvais souvenir de l’école, proviennent de milieux familiaux difficiles
et n’ont pas de véritables modèles à imiter. Les animateurs sont souvent les seules personnes avec
qui ils réussissent à établir des relations positives.
Le projet apporte aux jeunes encouragement et soutien. Comment peuvent-ils progresser si nous ne
les cherchons pas là où ils vivent, avec leurs problèmes? S’ils ne retrouvent pas le chemin de
l’éducation, ils ne peuvent aller nulle part.
Comme nous y prenons-nous? Nous rencontrons les jeunes, individuellement, et l’animateur engage
une relation avec un jeune en particulier. Il souhaite inciter ce jeune, lorsqu’il le rencontre dans la rue,
à retourner à l’école et il commence à lui parler de plans et de programmes individuels de formation.
Certaines agences nous envoient également des jeunes et nous ne travaillons donc pas seulement
dans la rue. Nous tentons avec les jeunes d’identifier leurs besoins et de comprendre comment ils
vivent. Nous commençons donc par le début. Que font-ils? Que souhaitent-ils faire? Pour élaborer
un programme personnel, nous réfléchissons à la formation et aux activités à mener avec d’autres
agences en vue d’un soutien permanent. Nous travaillons avec les services de santé, ainsi qu'avec les
unités de lutte contre la drogue et nous pouvons donc aider les jeunes dans tous les domaines de leur
vie, avant d’envisager un programme d’études.
En ce qui concerne la formation, lorsque nous avons commencé ce projet nous pensions qu’elle
serait un vecteur important. Nous pensions rencontrer les jeunes dans la rue, les intéresser à la
formation et les confier à d’autres agences. Mais, en réalité, il n’y avait pas de formation accessible à
ces jeunes. Nous avons donc réfléchi à la formation que nous pouvions proposer nous-mêmes, avec
nos propres moyens, pour que les jeunes se sentent en confiance avec les animateurs et les
enseignants. Et nous avons conclu que la communication et la formation doivent être adéquates,
intéressantes, considérées comme réussies et reconnues comme valables par les jeunes.
Adéquate, cela signifie que la formation doit correspondre à la compétence des jeunes qui,
rappelons-le, n’ont pas suivi l’école, ne maîtrisent souvent pas les bases élémentaires, présentent
souvent des problèmes d’aptitude sociale, mais qui comprennent que la formation peut leur apporter
quelque chose et qu’elle les valorisera également dans la rue.
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Cette approche est réaliste, car pour la première fois beaucoup de jeunes avec qui nous avons
travaillé disposent d’un certificat après avoir raté toutes les possibilités qui s’offraient à l’école. Le
processus lui-même est aussi important que la qualification obtenue: la rencontre, le travail en
commun et le travail de développement. Il y a deux ans, quelques jeunes se sont rendus en France à
un festival de musique, dont beaucoup n’avaient jamais quitté leur quartier de Newport.
Nous avons essayé de leur fournir autant d’occasions plaisantes que possible. Cette photo montre le
café que nous avons créé. C’est un bâtiment rond, situé au milieu d’un quartier, peint et décoré par
les jeunes qui ont obtenu une accréditation pour leur travail. Ici, nous les voyons appliquer une
mosaïque sur le mur intérieur, et pour cela ils ont obtenu un certificat et une accréditation. Ils peuvent
en faire état dans leur CV et ont ainsi quelque chose à montrer à des employeurs potentiels.
L’approche doit être interactive. Nous travaillons avec des jeunes sur une base individuelle mais une
bonne partie de l’enseignement et bon nombre de disciplines relèveraient en réalité d’une sorte de
«cuisine». Tout ce qui est important pour eux sera traité en petits groupes de travail.
La formation doit avoir une valeur. Ce jeune homme participe à un programme d’insertion, dont les
participants travaillent trois jours par semaine dans des bâtiments de la localité: peinture, jardinage et
apprentissage de diverses compétences, et ils passent également deux journées de formation avec
nous. Ainsi, avec leurs compétences de base, ils seront en mesure d’établir un lien avec le travail
qu’ils effectuent, doser la peinture, mesurer le papier peint. Toute formation a donc une importance
pour répondre à leurs besoins.
Ce projet doit donner des résultats, de bons résultats, sans quoi les jeunes ne reviendront pas. Nous
sommes actuellement bénévoles et nous ne les forçons pas à participer. Notre réussite dépend du
plaisir qu’ils trouvent.
Et leur formation doit être reconnue. Nous avons de nombreux jeunes, dont certains sont déjà pères
et mères, et nous devons être capables d’en tenir compte et leur fournir une crèche et d’autres
formes d’aide. Leur parcours doit être reconnu par leurs pairs et parents, et par les employeurs
potentiels. De nombreux ateliers que nous organisons développent la compétence pour chercher un
emploi et, comme nous l’avons mentionné précédemment, les compétences dont ces jeunes ont
besoin pour être employables.
En résumé:
Au cours des quatre dernières années, le projet Nightriders s’est intéressé à des jeunes de plus en
plus jeunes. Nous avons un projet basé sur l’école pour des jeunes de 14 à 16 ans, dans le cadre
duquel les animateurs proposent des programmes de développement personnel à l’école même.
Dans une école par exemple, nous avons mis en place un programme intitulé «Training tracks», qui
échange les programmes pour un groupe particulier de jeunes. Au lieu de nous adresser à eux en
dehors de l’école dans un service de jeunesse, nous travaillons avec eux directement à l’école. Cet
échange permanent semble donner de bons résultats. Sur ce groupe de vingt-deux jeunes, vingt ont
participé régulièrement cette année. Il s’agit de jeunes qui n’avaient pas participé du tout l’an dernier,
et on peut donc parler d’un certain succès rendu possible par le partenariat et la coopération entre
différentes agences. Si nous pouvons aborder le problème à un âge plus tendre et inférieur à 14 ans,
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peut-être dans la phase de transition de l’école primaire à l’école secondaire, vers l’âge de 11 à
12 ans, il se pourrait fort bien que le programme Nightriders ne soit plus nécessaire d’ici à dix ans.
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