consensus mou à la communauté urbaine
Transcription
consensus mou à la communauté urbaine
Dossier municipales CONSENSUS MOU À LA COMMUNAUTÉ URBAINE Qu'est-ce que le pouvoir communautaire à Lille ? Une assemblée de notables et des groupes plus ou moins informels qui permettent aux milieux industriels et d'affaires de peser sur les décisions. Pierre Mauroy, président sortant, a imposé un fonctionnement basé sur le consensus, fait de clientélisme et de petits arrangements. Son départ fait de la Communauté Urbaine le véritable enjeu des élections à venir, alors que son héritage fait l'objet d'un surprenant captage... par l'UMP. CUDL représentaient un appui essentiel, mais rthur Notebart et Pierre Mauroy ont faisant jusqu’alors défaut. Voilà comment été les deux grandes figures du pou- Mauroy réussit à imposer à la fois ses projets voir d'agglomération. Notebart d’aménagement, tout particulièrement Eurègne à la Communauté Urbaine de Lille ralille, et sa candidature à la tête de la CUDL (CUDL) de 1971 à 1989 et fait de sa prési- en 1989. dence une chasse gardée. L'ancien maire de Lomme impose ses vues, grillant la poli- Politiques et patronat s'accordent sur le développement de la métropole tesse à Roubaix et Tourcoing dans la course aux grands aménagements : l'extension de Une fois élu, Mauroy tranche avec le style de la ligne 2 du métro (jusqu'à Lomme) en son prédecesseur. Au revoir l'autoritaire No1983, avec son hôpital et son cinéma Kinétebart, bonjour le consensus. Le maire de Lille polis (la ligne sera étendue jusqu'à Tourprivilégie les alliances avec les édiles des pecoing au milieu des années 90). Avec les tites et moyennes communes et séduit ces « petits » maires, il met en place un système maires « sans étiquette » qui ne cachent pas clientéliste à coups de promesses de trotqu'ils accorderont leur voix au plus offrant1. toirs, rond-points et équipements. La CUDL devient alors une structure de planiDans les années 1980, Mauroy défend la fication éconocandidature de Lille pour en faire un centre mique locale TGV (le tunnel sous la Manche vient d'être alors que pludécidé) et sollicite le soutien des principaux sieurs groupes” responsables politiques de l’agglomération informels” se et de la région. Cette démarche est à l’oriconstituent gine de l’association «T.G.V. Gare de Lille», pour influer sur sorte de lobby qui doit montrer l’engageles changement d’une série d’acteurs politiques, écoments en cours. nomiques et de la société civile. Le Associant unirapprochement entre les principaux resversitaires, perponsables politiques de l’agglomération sonnalités de peut commencer. En 1987, l’arbitrage de la l’aménagement SNCF et du gouvernement en faveur de et de l’urbal’agglomération lilloise est conditionné au nisme, de la financement de la gare par les collectivités culture et du locales. Le refus de Notebart d’accorder ce monde sportif, financement ouvre une période de crise et le Comité de confrontation directe avec Mauroy. Grand Lille, Pour le maire de Lille et ses partisans, les élecvéritable joujou tions municipales et communautaires de 1989 du patronat, est sont le seul moyen de contourner le refus du l’exemple le président de la CUDL. Un pacte de gouverneplus frappant ment est conclu entre les cinq principales de cette réalité villes de l’agglomération (Lille, Roubaix, économique. Tourcoing, Villeneuve d’Ascq et Mons-enCréé en 1993 Baroeul) pour prendre le contrôle de la CUDL. sous l'impulCe pacte transforme les rapports entre les ression de Bruno ponsables politiques, passant ainsi d’une siBonduelle et d'Emmanuel d'André, directeur tuation de défiance à une logique de des Trois Suisses, c'est « une préfiguration de coopération. Une déclaration officielle (« ce que pourrait être une gouvernance poliCharte des grands maires »), en novembre tique et économique future »2. Ce groupe in1988, rend cet accord public. C'est un pacte formel de travail se réunit en 1994 pour d'échanges : l’appui apporté à Mauroy pour obtenir la reconnaissance culturelle et eurofaire financer la construction de la gare TGV péenne de la ville par la CUDL avait : il porte l’idée « Le maire de Lille n'est pas le patron s'il n'est pour contreparpas président de la communauté urbaine » de la candidatie la réalisation M-P Daubresse ture olympique de projets d’enpuis de Lille2004. vergure pour les autres villes (comme le Cette action de lobbying auprès des ministres métro pour Mons-en-Baroeul, Eurotéléport de l'UE a pesé dans la désignation de Lille pour Roubaix, une technopôle pour Villecomme capitale européenne de la culture. neuve d’Ascq, et une plate-forme logistique Cette implication du monde patronal est repour Tourcoing). Cette nouvelle coalition délayée par le monde politique local, majoritaimontre un basculement concernant les atrement à gauche. Par sa capacité à mobiliser tentes des édiles envers la CUDL : le besoin les « acteurs du développement » dans un d’améliorer les conditions de gestion de ces mouvement de « gouvernance métropolicinq villes pour lesquelles les moyens de la taine », Mauroy met en oeuvre la pluralisa- A CUDL LMCU QUID La Communauté Urbaine de Lille (CUDL ou aujourd'hui LMCU Lille Métropole Communauté Urbaine) s'annonce comme l'appât des prochaines élec�ons municipales : depuis 40 ans, ses compétences se sont élargies à tel point que les municipalités ont été vidées de leurs préroga�ves. À voir l'évolu�on de son budget, qui a�eint 1489 milliards d'euros en 2007 , on comprend mieux pourquoi Mauroy a abandonné la mairie de Lille en 2001 ! Les 170 élu-e-s de la CUDL (pour 85 communes représentées) sont désignés pour six ans au suffrage indirect par le conseil municipal de leur commune. La répar��on des sièges entre les communes est fixée à la propor�onnelle et corrigée pour perme�re la présence de toutes les communes. Ainsi, le nombre d’élu-e-s par commune varie d’un représentant – le ou la maire – pour les plus pe�tes communes à 24 pour la plus importante (d'où l'impor- tion de l'espace politique lillois. On l'aura compris, certains projets ne renforcent pas une démocratisation des dispositifs de cette fumeuse « gouvernance urbaine », mais font émerger des formes de pouvoir tout à la fois collégiales et élitistes, créant un entre-soi qui ne fait qu'éloigner la population de ces institutions. Fin du consensus et du compromis ? Quoi qu'il en soit, la CUDL est un théâtre indispensable à l’élu-e qui veut exister politiquement. C'est l'arène aux fauves... sauf que les animaux s'arrangent entre eux. Des tensions peuvent se créer sur la question du choix des conseillers communautaires : suffrage universel direct ou désignation par les communes comme actuellement. Question qui s'inscrit dans une lutte d'influence entre barons locaux. En 1995, André Diligent, sénateur de Roubaix, fait voter discrètement un amendement au Sénat : le nombre de conseillers passe de 140 à 155. Les maires de Warneton ou Deûlémont, petites communes de droite, ont voix au chapitre, donc à l'élection du président. « Je n'étais pas là au moment du vote », plaidera Mauroy. « Et pour cause, la torpille lui était destinée »3. Il ressort alors les vieilles méthodes clientélistes de Notebart et l'emporte devant MarcPhilippe Daubresse. C'est le triomphe de la diplomatie secrète et locale. Fraîchement ré-élu en 2001, le marionettiste Mauroy nomme Daubresse (UMP) vice-président et le pousse à un accord de gestion qui brouille les pistes. Voilà pourquoi, ces derniers temps, les louanges sur Mauroy s'accumulent chez les personnalités politiques de la région4. Quelle ironie d'entendre Daubresse se réclamer de l'héritage socialiste ! Comment le leader local de l'UMP peut-il se poser en successeur de Mauroy ? « La droite essaye de capter cet héritage fait de consensus, de bonhomie, pour perpétuer un sytème où tout se passe globalement sur des modalités de relations d'échanges entre maires et tance des élec�ons à Tourcoing pour l’avenir de la CUDL). En début de mandat, les conseillers communautaires élisent le président de la CUDL et le bureau. Assisté par 43 vice-présidents (!) auxquels il a donné une déléga�on par�culière, tels que le 'Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme' (Daubresse) ou 'Développement économique' (Aubry), le président est chargé de la mise en œuvre de la poli�que communautaire. Le bureau est composé du président, des vice-présidents et de 8 secrétaires. La plupart des décisions sont prises à la majorité simple. Seules les décisions qui concernent les missions de la cudl doivent être adoptées à la majorité des deux �ers. Les compétences de la CUDL sont très larges. Elle s'occupe du développement économique, de l'aménagement et du renouvellement urbain avec des principes qui laissent songeur (ex : favoriser l'accueil des gens du voyage). Elle intervient aussi en ma�ère d'aménagement par le biais des chartes intercommu- présidents de groupes, où tout est soigneusement calculé en fonction du poids politique des uns et des autres. »5 Paradoxalement, Aubry se situerait moins dans l'héritage du président sortant. Elle voudrait politiser la CUDL avec un projet politique métropolitain. Daubresse et la droite mettent en garde et agitent chez les « petits » maires « la crainte de voir appliquer la même recette qu'à la mairie de Lille, c'est-àdire une gestion managériale avec projets transversaux qui menace l'équilibre intercommunal. La CUDL n'est pas un pouvoir audessus des communes mais cogéré par les communes : il suffit de voir le nombre de vice-présidents, c'est l'armée mexicaine. (...) Ce n'est pas paradoxal mais ça en dit long sur le système politique local dont on hérite »6. La « Dame des 35 heures » est la première maire de Lille à ne pas cumuler de mandats (ce n'est pas faute d'avoir essayé !). Comme elle a du temps, elle veut diriger. Au final, les projets d'Aubry et de Daubresse sont assez similaires et se résument dans la rupture... tranquille. L'avenir politique de la communauté urbaine risque de se jouer à Tourcoing, actuellement à gauche et décisive pour l'élection du président de la CUDL. Pour cela, Daubresse n'hésite pas : « Je partage les mêmes valeurs que Christian Vanneste » et ce sont même les barons de la droite (dont Paillé, secrétaire général adjoint de l’UMP) qui se déplacent pour soutenir celui qui semblait condamné avant les dernières élections législatives (voir P 13). Tourcoing devient « le combat emblématique » de la métropole lilloise. Cela n'empêche pas Daubresse de louer le bilan Mauroy à l'exception du développement économique dont le mandat était assuré par... Aubry. Mauroy a donc fait de sa succession une vague navigation entre l'héritage de son mandat et le système qu'il a mis en place. Et pour toutes ces girouettes, le vent ne cesse de tourner. C.G 1 : Marc Prévost, Le petit théâtre de Pierre Mauroy, 2007, Les lumières de Lille 2 : La Voix éco, « Naissance de la CCI Grand Lille : un arc tendu vers le futur », mai 2007. Bonduelle est président de l'Apim, chargé de la promotion de la métropole lilloise, mais aussi de NFX, l'agence de prospection internationale de la région et du Comité Grand Lille. 3 : Marc Prévost, Le petit théâtre de Pierre Mauroy. 4 : L'Express, “Mauroy, et après ?”, Décembre 2007. 5 : Conférence des Amis du Monde diplo : Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki - professeurs de sciences politiques à Lille 2 et membres du Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS) - « Comment une domination politique (celle des socialistes) peut-elle se maintenir aussi longtemps, quelles en sont les conséquences ? » Entretien sur le site d'info solidaire et citoyenne Passerelle Sud. 6 : IDEM nales de développement et d'aménagement, des schémas directeurs et des documents d'urbanisme, des programmes locaux de l'habitat sans oublier la créa�on et l'équipement des zones d'habita�on, de réhabilita�on ou de rénova�on urbaine, de zones industrielles ou ar�sanales... Elle prend en charge des services publics, tels que les transports urbains, les services du logement et organismes HLM, la voirie, la signalisa�on, les parcs de sta�onnement, l'eau, l'assainissement et les résidus urbains, le marché d'intérêt na�onal... Elle a enfin un objec�f « d'a�rac�vité » et de « rayonnement interna�onal » matérialisé dans la stratégie culturelle et spor�ve de Lille 2004, du musée d'art moderne de Villeneuve d'Ascq ou encore du fameux grand stade. Bref, une ins�tu�on tentaculaire qui s'est rendue incontournable aujourd'hui, notamment après les lois de décentralisa�on de Mauroy en 1982 et les lois Chevènement et Voynet sur l'intercommunalité en 1999. -9-