Les enjeux de l`évaluation de la formation - gregor-iae
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Les enjeux de l`évaluation de la formation - gregor-iae
1995.09 Les enjeux de l'évaluation de la formation Philippe Vial D.E.S.S. de Gestion du personnel , Management avancé des ressources humaines et des relations de l'emploi à l'IAE de Paris Résumé : Pourquoi, malgré une abondante bibliographie sur le sujet, constatons nous si peu de mises en place d'évaluation de la formation? Nous avons tenté de répondre à cette question par une hypothèse : les intervenants dans ce processus n'ont pas toujours intérêt à mettre en place des évaluations efficaces. Pour aider les responsables formation à affronter ces comportements de retrait, nous avons bâti des outils d'analyse, de diagnostic et d'action à utiliser dans les situations auxquelles ils pouvaient être confrontés. Au delà de cette approche pragmatique, se dessine au fil de notre recherche [14] les contours d'une formation plus intégrée aux enjeux de l'entreprise, plus proche de l'intervention. Mots-clés : évaluation de la formation, formation, développement des organisations Abstract : Despite an abundant bibliography around professional training valuation, we record few practical applications. We tried to see why, starting from an assumption: it is not always in the interest of those taking part in the process to achieve it. In order to assist persons in charge of training to face up to these who are staying in background, we bought analysis, diagnose and action tools. Further to this practical approach of the problem, we discovered rising the new outlines of professional training: more integrated into organization stakes, closer to intervention process. Key-words : professional training valuation, professional training, organization development. 1 L'évaluation de la formation : beaucoup de discours, mais peu de résultats Le développement des techniques de gestion des ressources humaines et les impératifs d'adaptation des entreprises face à la crise économique ont fait de la formation un enjeu stratégique. Elle est souvent positionnée comme la réponse à bien des problèmes de développement des ressources humaines. Parallèlement, la crise a rendu les chefs d'entreprise plus exigeants sur la mesure de l'efficacité de cet outil à travers l'évaluation de la formation. C'est du moins ce qui apparaît à la lecture des derniers écrits sur le sujet. C'est une préoccupation légitime dans une période de compression des coûts. Que l'impulsion vienne de la D.R.H. ou de la direction; que le but soit de justifier ses dépenses, de mieux les maîtriser, ou de monter des formations efficaces et rentables par rapport aux objectifs et besoins de l'organisation, on retrouve souvent l'évaluation de la formation dans les discussions entre D.R.H., patrons d'entreprises, responsables opérationnels et responsables de formation. Mais qu'en est-il des pratiques ? IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 2 On peut les résumer en deux tendances. La première, la formation coût social, consiste à considérer la formation comme une dépense fiscale et sociale, sans forcément en attendre un retour. Elle fait partie des charges à payer pour maintenir la ressource humaine en adéquation avec la production qui lui est demandée. L'amélioration de sa rentabilité, comme celle de toute dépense, passe donc par une baisse de son coût global. Il s'agit ici d'évaluer les coûts de chaque formation par rapport à leur intérêt pour l'entreprise et opérer des arbitrages. La deuxième, la formation investissement, consiste à considérer la formation comme un outil de gestion nécessaire à l'accompagnement des changements dans l'entreprise. La mise en place de systèmes d'évaluation vise alors à analyser et quantifier si possible la place de la formation et sa contribution possible et réelle au processus de changement. La bibliographie sur l'évaluation de la formation est abondante : signe de l'intérêt manifeste des gestionnaires sur le sujet. Près d'une quarantaine d'ouvrages sur le sujet a paru à partir de la moitié des années 80. Nombre d'entreprises réfléchissent sur le sujet, constituent des groupes de travail et de réflexion. Même le CNPF y a consacré le 20˚ anniversaire de ses journées de DEAUVILLE en octobre 1993 [2]. A croire que tout a été dit et fait sur le sujet. Ces ouvrages exposent quasiment tous des méthodes d'évaluation de la formation diverses et variées. En tout cas, tout gestionnaire, tout responsable de formation a maintenant accès très facilement aux méthodes et techniques d'évaluation de la formation. Or, que se passe-t'il réellement dans les 1 entreprises en ce moment ? Les pratiques d'évaluation quelque peu développées sont rares . Certes, 83% des entreprises déclarent pratiquer l'évaluation de la formation. Par contre, seulement 45% évaluent ce que les gens ont appris et 33% ce qu'ils ont mis en pratique. Les outils utilisés sont la plupart du temps rudimentaires. Il y a loin du discours aux réalisations ! Certes les difficultés techniques existent, elles peuvent expliquer une partie des échecs, par contre peuvent elles expliquer cette distance entre le discours des gestionnaires concernés et le peu de réalisations ? Quelles sont les raisons autres que les difficultés techniques pour lesquelles les intervenants jugent qu'ils ont plutôt intérêt à jouer la passivité voire à entraver ou empêcher la mise en place d'une évaluation de la formation ? Pour répondre à ces questions, nous tentons une autre approche de cette problématique que 2 l'approche technologique . Nous abordons le problème sous l'angle des rapports humains entre les différents acteurs concernés par l'évaluation de la formation. Les rapports qui existent dans l'exécution de leurs tâches quotidiennes et ceux qui naissent de la mise en place de l'évaluation de la formation. Notre hypothèse consiste donc à dire qu'il existe des difficultés techniques dans la mise en place d'une évaluation de la formation, mais que celle-ci représente pour les intervenants des enjeux parfois négatifs qui entraînent un comportement passif ou réactif. Nous pensons que les outils de l'analyse sociologique nous permettent de déterminer ces enjeux et d'apporter des solutions aux responsables qui doivent les affronter. La sociologie des organisations nous apprend que les individus ou les groupes adoptent un comportement donné en fonction des caractéristiques des situations dans lesquelles ils se trouvent. Dans un premier temps nous adopterons une démarche systémique afin de positionner la formation et son évaluation par rapport aux domaines de l'entreprise qui les utilisent. Nous pourrons ainsi déceler en analysant les interactions entre les différents sous-systèmes définis, les sources des comportements de retrait des acteurs face à l'évaluation de la formation. Dans un deuxième temps, nous verrons comment utiliser ces enseignements pour mieux appréhender la formation et l'évaluation de la formation comme outil du changement en entreprise. 1. Enquète de la CEGOS lors des journées du CNPF de DAUVILLE [2] 2. Cet article est un extrait d'un mémoire de DESS consacré aux enjeux de l'évaluation de la formation [14] IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 3 2 Positions et enjeux de la formation et de l'évaluation de la formation 2-1 Position et enjeux de la formation 2-1.1 La formation par rapport aux autres sous-systèmes de l'organisation Dans sa définition actuelle, la formation agit sur le comportement et la performance des hommes au travail en fonction des objectifs de l'organisation. Le formateur doit, dans ce processus, concevoir un système de formation propre à développer les capacités des personnes et à combler les écarts de compétences. La formation n'aurait de valeur que par l'usage des comportements obtenus du formé par le commanditaire. Ces comportements devraient donc être en adéquation avec les besoins de l'entreprise. Il faudra vérifier si cette cohérence existe toujours. La formation est dans ce cas un outil au service du changement dans l'organisation. Dans notre optique il est intéressant de déterminer si les utilisations faites de cet outil sont les mêmes en fonction des commanditaires du changement : Direction, D.R.H., hiérarchie de proximité, voire futurs formés eux-mêmes. Or on peut lister des définitions/opinions multiples sur la place et le rôle de la formation en entreprise [9]. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 4 Figure 1 Utilisation de l'outil formation Politique de gestion des hommes D. R. H. Recrutement intÈgrer le personnel recrutÈ nt gestion individuelle des postes gestion collective du personnel gestion collect des emploi favoriser la maitrise du poste gÈrer l'Èvolution de la structure de la population besoins colle sur un emploi adapter les hommes aux objectifs adapter les hommes aux structures changer les mentalitÈs communiquer faire remonter l'information besoins de mobilitÈ : Èvolution des emplois Èvolution de la population adapter les hommes aux technologies Gestion de l'employabilitÈ FORMATION formation technique formation commerciale adaptation de 'organisation polyvalence objectifs de production micro - management entretenir un rÈseau d'information Èvolution des compÈtences besoins su emplois fut Plans d'action objectifs court terme entretiens d'Èvolution Èvoluer dans l'organisation b I Èvoluer hors de l'organisation peur non adaptation La formation a évolué d'un rôle social souvent relativement flou (développement des hommes, récompense, sanction) vers celui d'un outil au service de la gestion des hommes. Elle est donc souvent intégrée aux processus de Gestion Prévisionnelle des Ressources Humaines (quand ils existent). Elle peut servir les différentes fonctions de la D.R.H. comme : le recrutement, la gestion des carrières, la gestion collective du personnel ou des emplois . Par ailleurs, l'action de ces différentes fonctions est influencée par les axes politiques définis par la direction générale. Parfois, celle-ci intervient directement en tant que commanditaire d'une action de formation, dans le cadre d'un vaste programme de changement. D'autre part, ces dernières années, les D.R.H. de plusieurs entreprises ont tenté de déconcentrer la formation dans les différentes unités opérationnelles de leurs entreprises, afin de les rendre plus proches des préoccupations du terrain. La formation dont les actions étaient souvent guidées par la direction générale ou la D.R.H. s'est donc trouvée face à de nouveaux interlocuteurs, plus proches des situations de travail vécues sur le terrain, avec des exigences différentes. Enfin, et il ne faut pas l'oublier, la formation par nature, s'occupe des individus. En situation de formation, ce n'est pas IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 5 un poste ou un métier qui est en face du formateur, mais une personne avec ses aspirations, ses centres d'intérêts, sa stratégie vis à vis de l'entreprise, vis à vis de la formation en général. Pour ces raisons, la formation se retrouve au confluent des intérêts individuels, de groupes d'acteurs et de l'organisation. Le formateur doit tenir compte de ce positionnement spécifique. Les conceptions de la formation sont souvent divergentes selon la position des acteurs. Le Responsable formation devra en tenir compte et aller au delà du simple constat en essayant de négocier une convergence sur l'action concernée. Les attentes peuvent être divergentes. La formation peut être plus ou moins intégrée à l'action de changement. Les conceptions peuvent aller au-delà du simple rôle de la formation. Comme, le fait que des individus puissent être intéressés par une formation qui va leur permettre de se créer un réseau de relations. Le Responsable formation dans son analyse de la demande devra donc tenter de définir les motivations du commanditaire et des participants. Jusqu'ici nous avons analysé les interactions entre la formation et les autres systèmes de l'organisation. Mais, ces différents sous-systèmes interagissent aussi entre eux en dehors des préoccupations de formation : La D.G. vis à vis de la D.R.H., du micro management ou plus rarement des individus, La D.R.H. vis à vis du micro management ou des individu, Le micro management vis à vis des individus, de manière plus générale, les opérationnels vis à vis des fonctionnels. C'est alors que la formation peut devenir accessoirement un outil de développement de stratégies liées à des enjeux qui ne la concernent pas au départ. Dans le même ordre d'idée, la formation se situe par rapport à un contexte d'entreprise. Son statut et sa valeur dans l'entreprise vont influer sur l'implication des acteurs dans ses processus. L'évaluation de la formation se situe aussi par rapport à ce contexte. Les réactions des acteurs seront donc fonction de la maturité de l'entreprise vis à vis des autres processus de "contrôle de sa gestion" (audits comptables, financiers, sociaux, contrôle de gestion,...) ou d'évaluation (évaluation du personnel, évaluation des activités,...). Selon que ses processus seront plus ou moins développés dans l'entreprise, l'évaluation de la formation paraîtra plus ou moins "normale". Restera aussi à analyser la cohérence entre elles des différentes méthodes de "contrôle" employées en différentes occasions dans l'entreprise. La non cohérence pourrait désorienter les intervenants concernés ou induire des quiproquo. Par ailleurs la perception qu'ont les différents acteurs de ces processus aura une influence sur l'évaluation de la formation. Parallèlement, l'image des systèmes d'évaluation dans l'entreprise pourra être incohérente avec celle de la formation. Pour nous aider dans 1 cette approche, nous pouvons utiliser les travaux de Festinger sur la dissonance cognitive . Il a démontré que " l'individu tend à réduire la dissonance possible entre les différents éléments cognitifs présents". [...] Il y a dissonance quand, de deux éléments se présentant ensemble, l'un implique la négation de l'autre." Que penser alors de l'attitude du stagiaire dans le contexte où il perçoit la formation comme un moment agréable et dans le2même temps où les systèmes d'évaluation ont une image de moment désagréable ou de sanction ? Dans le même esprit, il faudra rechercher une cohérence cognitive entre les enjeux du changement, de la formation et de l'évaluation. Souffrir lors de l'évaluation pour un enjeu de changement qui en vaut la peine ne constituera pas une dissonance cognitive. Par contre une évaluation difficile pour un enjeu inexistant ou mal perçu constituera une dissonance. Enfin, la formation se situe souvent entre les opérationnels et les fonctionnels. Elle est le bras séculier de la D.R.H. et accessoirement de la D.G.. Elle est un moyen de se rapprocher du siège pour bon nombre d'opérationnels. Sa position, son statut dans l'entreprise va entraîner des stratégies de retrait ou d'implication dans les processus de formation et leur évaluation. La formation se situe donc dans un contexte organisationnel dont les caractéristiques peuvent influer sur le déroulement de son évaluation. Elle n'est plus "le service à part" où on fait des expériences en chambre. Elle dot donc prendre en compte les enjeux véhiculés par le contexte dans lequel elle va agir. Maintenant, pénétrons plus en avant vers la situation spécifique que va rencontrer la formation en tant qu'outil au service du changement. 1. W. DOISE nous en donne une synthèse [3] 2. image souvent liée à des expériences de notation et echec scolaires IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 6 2-1.2 La formation dans l'action de changement Si on replace une action de formation dans le cadre de l'action de changement dans laquelle elle s'insère, les deux sous-systèmes vont interagir, toujours selon le même principe systémique. Il serait donc pertinent pour le formateur d'analyser les caractéristiques de l'action de changement et le positionnement de la formation dans cette action. D'après R. Sainsaulieu [12] le renouvellement des connaissances induit une redistribution du savoir dans la situation de travail, dont il faudra analyser les impacts sur la distribution des pouvoirs. Cette redistribution pourra être source de freins ou d'implications dans la formation. De manière plus générale, la formation est un "mouvement de découverte de soi". C'est aussi par là même un jeu à découvert par rapport aux autres. Selon la composition des groupes, mais aussi selon la communication de ce qu'il s'est passé via l'évaluation, il faudra analyser les freins à cette découverte. Par ailleurs, la situation de formation entraîne une "rupture dans le temps et l'espace" de la situation de travail. Elle peut donc entraîner une remise en cause ou une redistribution de ces ressources rares (nouvelle répartition de la maîtrise du temps dans l'équipe de travail par exemple), et donc des enjeux positifs ou négatifs. Enfin, la perception plus ou moins positive de l'action de changement par les différents acteurs va influer sur la manière dont ils vont accueillir et participer à la formation et son évaluation. Il est donc important pour le formateur, dans son diagnostic d'aller saisir les caractéristiques de cette action de changement et les enjeux qu'elles peuvent provoquer parmi les acteurs, à travers la remise en cause de zones de pouvoir, la redistribution des rôles, les zones de flou dans le projet qui peuvent porter à interprétations,... 2-2 Position et caractéristiques de l'évaluation 2-2.1 Position de l'évaluation A l'issue d'un stage organisé soit dans l'entreprise, soit à l'extérieur, les commanditaires de la formation, responsables de formation, responsables hiérarchiques ou direction voudront connaître le "rendement" de la formation, c'est à dire quelles sont les capacités nouvelles acquises par les participants, dans quelle mesure ces capacités vont être appliquées (transformées en compétences) et vont contribuer à l'amélioration des performances de travail et des performances du sous-système de l'organisation concerné. Dans cette approche, l'évaluation consiste en un suivi des effets de la formation sur le changement voulu. Elle se situe au carrefour de la formation et l'action. Elle mesure le lien effectif entre une situation souvent hors contexte (de travail) : la formation, et la situation de travail. A travers l'évaluation de la formation, le formateur est placé comme acteur dans le système des relations de travail [12], puisqu'il va agir dessus en modifiant ses paramètres (nouveaux acquis, nouveaux points de vues sur la manière de gérer la situation de travail pour les formés). Le système de relations de travail dans lequel il va être placé va peut-être aussi agir en retour sur la manière dont sera perçue la formation et son évaluation. Il devra donc y analyser les forces et enjeux en présence. Le processus d'évaluation lui-même va le plus souvent confronter au moins deux personnes: l'évaluateur et l'évalué. Il faudra donc analyser les enjeux qui peuvent naître de cette relation. 2-2.2 Le fonctionnement de l'évaluation Maintenant, si nous nous reportons à la définition Petit Larousse, "évaluation : Action d'évaluer"; "évaluer : Déterminer la valeur, le prix, l'importance de". L'évaluation consiste essentiellement en un jugement de valeur porté sur des comportements observables par rapport à une norme. Le responsable de formation devra tenir compte des mécanismes de fonctionnement de l'acte d'évaluation qui peuvent favoriser, voire provoquer, des stratégies de retrait ou d'implication chez les différents acteurs. J.-M. BARBIER [1] considère l'évaluation comme prenant la forme d'un procès de travail. Elle peut donc être analysée selon quatre composantes - Le référentiel : Il s'agit des normes, points de repères par rapport auxquels le jugement de valeur va être porté. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 7 - Le référé de l'acte d'évaluation : Il s'agit des données de départ, des informations, qui vont servir de matériau à partir duquel va être porté le jugement de valeur. - La description des rapports de travail de ce procès qui permet de déterminer les interactions entre acteurs et leurs implications. - Le produit de ce procès et son usage sont aussi déterminants dans l'analyse. Figure 2 : Fonctionnement de l'acte d'évaluation qui le fixe ? qui choisit les indicateurs partage de la norme acceptation de la notion de norme filtre d'aprÈhension de la rÈalitÈ RÈfÈrentiel RÈfÈrÈ Èvaluateur Evaluation Rapport de travail oeuvre ? Èv rapport entre Èvaluateur et ÈvaluÈ situation de travail Qui en fixe l'utilisation ? Qui l'utilise ? Quelle en est l'utilisation ? But partagÈ par tous ? Respect des frontiËres d'utilisation Les autr Produit de l'Èvaluation 2-2.3 Les différents niveaux d'évaluation Que va-t-on évaluer en formation ? : l'action du formateur, l'action de formation, le résultat de ces actions: le comportement obtenu chez le formé (pendant, après l'action, sur le poste de travail,...) le formé, le système de formation (service formation, formateurs occasionnels,...). Les divers intervenants dans le processus d'évaluation peuvent tour à tour se poser la question avec des réponses parfois différentes, divergentes en fonction de leurs enjeux, de leur position dans le système 1 d'évaluation. Nous avons regroupé tous les niveaux repérés dans l'importante bibliographie sur le sujet autour des cinq modalités : le diagnostic de l'action de changement, l'évaluation de la mise en oeuvre, l'évaluation des acquis à la fin de l'action de formation, l'évaluation des applications ou de la mise en pratique "sur le terrain" des acquis, l'évaluation de l'impact de l'action de formation sur l'organisation. Ces étapes nous renvoient aux principaux objectifs de l'évaluation de la formation : positionner la formation par rapport à l'action de changement et mesurer les forces en présence, vérifier la mise en oeuvre du dispositif mis en place, porter un jugement sur les acquis en fin de cursus, vérifier que ces acquis ont été mis en pratique et enfin juger des impacts de la formation sur l'organisation. Nous avons ensuite recensé les différents enjeux sources de comportements de retrait décrits dans la bibliographie. Enfin, il nous a semblé intéressant de les situer à l'intérieur d'une relation de couples d'acteurs 1. Cf. principalement [1], [2], [4], [6], [9], [11], [12] IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 8 (hiérarchique/apprenant par exemple) ou de groupe d'acteurs (formation/opérationnels, ensemble des acteurs entre eux). Ce reclassement donne un aperçu des différents jeux d'acteurs qui peuvent se développer à chaque niveau d'évaluation. Figure 3 : enjeux du diagnostic de l'action de changement Se dÈbarrasser d'un problËme par la "solution formation" peu implicante N+2 ou Commanditaire viter la remise en cause du nctionnement du service, la se en Èvidence des dÈfauts de management Garder la reconnaissance de leur savoir faire de psychopÈdagogues de s'engager sur ultats vis ‡ vis de a hiÈrarchie Garder la maÓtrise du budget formation Eviter les rivalitÈs avec les autres acteurs Ne pas Ítre contredit dans son propre diagnostic Ne pas se dÈjuger auprËs de ses anciens collËgues opÈrationnels Eviter le discrÈdit sur son coeur de mÈtier Les autres Apprenant prÈserver l'image de la formation fin en soi et donc son pouvoir sur ce systËme Eviter le discrÈdit sur son coeur de mÈtier Interlo For IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 9 Figure 4 : enjeux de l'évaluation de la mise en oeuvre de la formation Responsable Formation Garder la maÓtrise du budget for Maintenir le flou sur la qualitÈ de ses prestations HiÈrarchie Commanditair AUTRES Èviter la remise en cause des choix pÈdagogiques er sa personnalitÈ, ntÈgritÈ, sa structure pport avec les s Apprenant Eviter un conflit avec le formateur, entre le formateur et le RF garder la satisfaction comme seul critËre de son apprÈciation Prestataire de Formation IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 10 Figure 5 : enjeux de l'évaluation des acquis Hiérarchie Garder son poste, son emploi Garder le pouvoir privatif sur son équipe, lié à la reconnaissance et la diffusion d'un savoir Eviter tout conflit avec la hiérarchie, maintenir le flou de sa zone de pouvoir Garder l'exclusivité de l'évaluation de son subordonné Eviter les revendications liées à la reconnaissance du nouveau savoir Eviter la désorganisation du service préserver l'image de la formation fin en soi, recette magique et donc son pouvoir sur ce système Préserver une t zone desesflou sur compétences Pres de fo S'exprimer librement, à l'abri de la pression hiérarchique. Purger. Responsable Formation garder une bonne image Responsable de For Minimiser le travail hors salle (préparation, suivi, évaluation) pour produire plus de jours d'animation IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 11 Figure 6 : enjeux de l'évaluation des effets Commanditaire Eviter la remise en cause des choix opérés Préserver son autonomie de décision dans le domaine de la formation Garder sa zone de pouvoir. Eviter les conflits avec son hiérarchique Maintenir la Formation en position de sous traitant pour éviter de partager le pouvoir Se garder la faculté de rejeter la faute sur l'autre Ne pas bouleverser l'équilibre de pouvoirs en place entre hiérarchie et apprenant Eviter la remise en cause du fonctionnement du service, la mise en évidence des défauts de management Se débarrasser d'un problème par la "solution formation" peu implicante. Garder la maitrise du système d'évaluation In préserver l'image de la formation fin en soi et donc son pouvoir sur ce système Préserver la déconnec formation par rapport a Eviter les conflits entre formation et l'encadrem Garder le pouvoir sur son équipe N+1 Eviter tout conflit lié à la formation qui rejaillirait sur ses autres fonction Nous y avons regroupé les enjeux autour de l'évaluation de la mise en pratique et des impacts de la formation. Ce travail visualise l'aspect dynamique et systémique du problème. L'attitude de retrait d'un acteur est ainsi souvent en accord (tacite) avec celui des autres acteurs, pour des raisons différentes comme nous l'avons évoqué précédemment, mais dans ces cas convergentes. C'est comme si le jeu de retrait se fondait la plupart du temps sur un consensus sous-jacent autour de la notion de formation : il doit exister une frontière entre l'action de formation et le terrain. Tout le monde peut trouver un intérêt à maintenir cette frontière qui délimite bien les zones de pouvoir et de responsabilité de chacun. L'évaluation efficace, dans la mesure ou elle porte un jugement à la fois sur la formation et sur son application sur le terrain, trouble ce jeu. Ces tableaux peuvent donc aider le Responsable Formation qui cherche à définir, lors d'un diagnostic par exemple, l'état d'esprit des autres intervenants lors de la mise en place d'une évaluation de la formation. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 3 12 Comment gérer le changement à travers la formation et son évaluation Tout au long du travail de recherche que nous avons effectué nous nous sommes attachés à déduire de notre réflexion des pistes de comportement à adopter par le formateur/évaluateur. Dès le démarrage de son travail, celui-ci doit appréhender le contexte organisationnel dans lequel il s'inscrit. Démarche qui ne peut être effectuée qu'avec le recours à un diagnostic sociotechnique préalable à l'action. Cette approche nécessite de passer du temps sur le terrain afin de mieux appréhender les situations de travail, évaluer les effets de ses actions, animer au plus près du terrain, expliquer ses actions et démontrer leur efficacité. Le responsable de formation a la mission globale de maître d'oeuvre. Il doit assurer la complémentarité des missions de chaque acteur, ce qui nécessite d'abord de bien expliquer à chacun ce qu'on attend de lui et l'intérêt qu'il a à tirer de l'expérience. Il doit créer et entretenir une cohérence globale entre les objectifs et attentes des différents acteurs. Ce sera à lui d'analyser et prendre en considération leurs différents enjeux à chacune des étapes du processus. Cependant, cette approche est contingente. Si le Responsable formation s'aperçoit à l'issue de son diagnostic que tous les acteurs en présence sont demandeurs non seulement de la formation mais aussi d'un retour sur l'efficacité de cette formation, il devra adopter une stratégie de changement imposé. Le projet est clos. Il est inutile de négocier. Le formateur est là pour agir rapidement. Ses efforts devront se limiter à une parfaite maîtrise des techniques de formation et d'évaluation. Si par contre, le diagnostic fait apparaître des résistances de la part de certains acteurs, il devra adopter plutôt une stratégie de changement négocié et planifié. Pour ce faire, il pourra s'inspirer des travaux de K. LEWIN sur les processus de changement ou de M. 1 CROZIER . Dans ce cadre de gestion du changement, l'évaluation se positionne comme un outil de contrôle (au sens contrôle de gestion) du développement de la formation et du changement comme l'illustre le tableau suivant. Tableau 1 : GESTION DU CHANGEMENT 1/ PrépaAnalyser les objectifs ration du pro- : jet Qu'est ce qui est ac- TYPE D'EVALUATION Diagnostic socio-technique cessoire ou pas dans le changement planifié (définir le noyau dur, non négociable)? Quelles sont les conditions de réussite? Quelles sont les étapes? 2/ InforDéfinir les enjeux des mation sur le intervenants grâce à une projet information sur le projet Diagnostic socio-technique 1. On consultera aussi les ouvrages de P. MORIN [10] IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 13 Tableau 1 : 3/ OpéraFaire une expérience tion pilote pilote sur un groupe de personnes représentatives mais pas trop opposées au changement, de manière à favoriser la réussite du test et en même temps mesurer les difficultés techniques. Formation test et : Evaluation de la mise en oeuvre Evaluation des acquis 4/ ExtenFavoriser l'extension Mini diagnostics socio-technision de l'expérience réussie en ques (vérification des conditions défaisant sa promotion terminées lors des étapes auprès des décideurs et précédentes) des personnes impliEvaluation de la mise en oeuvre quées. Evaluation des acquis Evaluation des mises en pratique 5/ InstituFaire disparaître les Allégement des procédures d'évationnalisation moyens exceptionnels luation des mise en oeuvre et en pramobilisés pour l'opéra- tique. tion. Institutionnaliser les Audit nouveaux mécanismes de comportement rodés Dans ce cadre le formateur doit associer le plus grand nombre à la démarche. Il doit donc aller sur le terrain, ménager les susceptibilités en tenant compte des intérêts des parties en présence, solliciter et accepter leur contrôle. Il doit s'attacher, non pas à condamner, mais à comprendre, puis à modifier les ressorts des situations (caractéristiques) pour changer les comportements. Ce phénomène est cumulatif ; plus il pratiquera des évaluations réussies, plus on lui fera confiance pour les suivantes. Il doit cependant rester exigeant sur le respect de son rôle et de celui des autres parties. Enfin, pour être crédible, il doit montrer sa bonne connaissance de son métier bien sûr, mais aussi des situations terrain en question. Il ne doit plus rester enfermé sur son monde mais organiser la pression d'apprentissage en jouant sur les variables de commande de la situation. Cette approche a cependant des limites. L'interprétation des résultats d'une évaluation est toujours délicate. Elle doit s'effectuer en fonction du contexte, ce qui démontre encore la pertinence de notre approche. Une bonne mise en application dépend du lien entre les capacités développées dans l'action de formation et les besoins nécessaires à la situation de travail. Plus ce lien est fort et évident pour les formés et leur entourage, plus la formation a des chances de réussir. Des résultats mauvais peuvent traduire, soit une formation inadaptée, soit une mauvaise compréhension de la cohérence des enjeux formation et changement par les acteurs. Par extension, un stagiaire ne va adhérer à la formation que s'il est motivé pour acquérir les nouvelles capacités proposées. Et on n'est pas motivé dans l'absolu, mais bien par une problématique rencontrée dans la situation de travail. Les démarches performantes demandent souvent du temps à un moment, où la plupart des acteurs sont persuadés de détenir la solution et sont donc pressés de la mettre en oeuvre. Elles sont plus faciles à mener dans une structure à taille humaine et pour une demande ponctuelle que dans une grande structure ou les enjeux sont parfois plus difficiles à diagnostiquer ou dans des projets incluant des populations nombreuses. Dans certains cas l'analyse des enjeux ou attentes des stagiaires n'est pas suffisante pour réussir son action. La formation mise en application peut faire naître des enjeux négatifs auprès d'autres intervenants de la situation de travail. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 14 Tout ceci nécessite de revoir la position du formateur en entreprise. Il devient un des agents du changement. Il doit acquérir des compétences et un statut de médiateur, analyste des situations de travail. Une des voies de ce changement de position consiste à faire reconnaître la valeur de son travail par une évaluation de ses effets, une présence régulière et systématique sur le terrain. Dans ce contexte, la formation n'est elle donc pas en train d'évoluer vers le domaine de l'intervention. Notre propos ne vise pas à prévoir une fin proche des actions de formation traditionnelles. Selon nous elles auront toujours leur place dans des contextes précis : ceux du perfectionnement du professionnalisme, ceux de la formation à l'extérieur de l'entreprise, soit à chaque fois que les enjeux de la formation et l'évaluation sont partagés par le commanditaire et l'apprenant (à plus forte raison si ce sont les mêmes personnes). Il s'agit simplement ici d'illustrer une évolution de fond des objectifs de formation et par conséquent des techniques employées et des compétences nécessaires pour les formateurs. Il s'agit aussi de positionner l'évaluation comme un outil de contrôle de la formation mais aussi de liaison entre les capacités transmises et le changement planifié, l'évolution des personnes et celle des structures. Dans ce nouveau contexte, le formateur professionnel doit faire évoluer ses compétences et, partant de sa formation de base de psychologue (la plupart du temps), se perfectionner dans la gestion des phénomènes de développement des organisations afin de maîtriser les enjeux qui vont se développer autour de son action et mieux gérer le changement. 4 Bibliographie [1] Jean-Marie Barbier, L'évaluation en formation, Presses Universitaires de France, 1985 [2] CNPF, Deauville 93 Evaluer la formation, CNPF, 1993 [3] Willem Doise et al., Psychologie sociale expérimentale, Armand Colin, 1991 [4] C. Hadji, L'évaluation, règles du jeu. Des intentions aux outils, ESF, 1989 [5] Daniel Hameline, Les objectifs pédagogiques, ESF, 1979 [6] Gilles Hauser, L'investissement Formation, Ed. de l'Organisation, 1985 [7] G. Le Boterf, Serge Barzucchetti, Francine Vincent, Comment manager la qualité de la formation, Ed. de l'Organisation, 1992 [8] R. Mager, Comment définir des objectifs pédagogiques, Bordas, 1975 [9] Alain Meignant, Manager la formation, Ed. Liaisons, 1991 [10] Pierre Morin, Le management et le pouvoir, Ed. de l'Organisation, 1991 [11] Abraham Pain, Evaluer les actions de formation, Ed. de l'Organisation, 1992 [12] Renaud Sainsaulieu et le C.E.S.I.., L'effet formation dans l'entreprise, DUNOD, 1982 [13] Bertrand Schwartz, Moderniser sans exclure, La Découverte/Essais, 1994 [14] Philippe Vial, Les enjeux de l'évaluation de la formation, Mémoire de DESS de gestion du personnel, Management avancé des ressources humaines et des relations de l'emploi à l'IAE de Paris, 1995 1995.09 Les enjeux de l'évaluation de la formation Philippe Vial D.E.S.S. de Gestion du personnel , Management avancé des ressources humaines et des relations de l'emploi à l'IAE de Paris DE PARIS UNIVERSITÉ P A R I S I PANTHÉON - SORBONNE Les papiers de recherche du GREGOR sont accessibles sur INTERNET à l’adresse suivante : http://www.univ-paris1.fr/GREGOR/ Secrétariat du GREGOR : Claudine DUCOURTIEUX ([email protected]) IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1995.09 - 16