Photométrie d`émission atomique de flamme

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Photométrie d`émission atomique de flamme
Photométrie d'émission atomique de flamme
(FEP : flame émission photometry, ou FES : flame émission spectroscopy, en anglais)
1. Présentation du phénomène physique d'émission atomique
1.1. Définition de l'émission atomique
L'émission d'un rayonnement électromagnétique du à la désexcitation d'atomes ou de molécules qui ont
été excités par un apport suffisant d'énergie est un phénomène physique bien connu (si on projette du
sel de cuisine dans une flamme au gaz de ville, une émission jaune caractéristique due au sodium
apparaît).
La photométrie d'émission atomique mesure l'émission d'un rayonnement électromagnétique UV ou
visible due à la désexcitation d'atomes qui ont été excités par l'énergie apportée par une flamme. Les
flammes utilisées en pratique permettent l'émission par les atomes des séries des alcalins, de quelques
alcalino-terreux et de quelques autres métaux (Na, K, Li, Ba ...). La mesure quantitative de l'émission
permet des dosages.
1.2. L'excitation des atomes d'un échantillon à doser par une flamme
Par la flamme, dont la température est élevée, l'objectif est de réaliser la combustion des molécules,
organiques et la vaporisation de la matrice de l'échantillon à analyser ainsi que la dissociation des
composés dans lequel l'élément à doser est engagé. L'élément à doser passe sous forme de vapeur
atomique. Sous I'effet des températures élevées, certains atomes sont excités et voient leurs électrons
passera des niveaux d'énergie supérieurs. Les niveaux excités sont instables et le retour au niveau
fondamental d'énergie minimale conduit à une libération d'énergie sous forme d'un rayonnement
électromagnétique de longueur d'onde caractéristique de l'atome qui se désexcite. C'est la mesure de
l'émission à une longueur d'onde caractéristique de l'atome à mesurer qui fonde la photométrie
d'émission atomique de flamme (FEP).
Soit l'exemple du chlorure de sodium dans une flamme air (dioxygène) - propane. Le sodium (présent à
l'état Na+ dans l'échantillon de départ) est atomisé par la flamme; une fraction du sodium atomique passe
à l'état excité et le retour à l'état fondamental s'accompagne d'une émission notamment à 589,0 et 589,6
nm.
v = ΔE / h, donc λ = hc / ΔE avec h constante de Planck, c célérité de la lumière, v fréquence, λ longueur
d'onde, ΔE saut d'énergie.
Le spectre présenté ci-dessus présente une partie seulement des transitions permises chez l'atome de
sodium. Les 2 raies très proches à 589,0 et 589,6 nm correspondent à un effet de changement ou pas
de spin. Déterminer a priori quelles sont les transitions énergétiques permises et leurs intensités chez un
atome est du ressort de la physicochimie quantique et est ici hors sujet. Il suffit de savoir qu'un atome
donné possède un spectre de raies d'émission caractéristique, ce qui permet des identifications. En FEP,
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on mesure l'émission pour une longueur d'onde caractéristique de l'atome à doser pour laquelle
l'émission est intense : c'est l'aspect sélectif des mesuraqes réalisés en FEP.
2. Instrumentation : schéma d'un photomètre de flamme
Un spectrophotomètre de flamme va permettre de réaliser des dosages (aspect quantitatif) sélectifs de
métaux alcalins et alcalinoterreux. 6 points à retenir :
arrivées à débits contrôlés (par contrôle de fente de sortie mesurant le flux émis dans une
pression) des gaz comburant et combustible
zone de flamme de température constante
nébuliseur nébulisant l'échantillon à débit constant sélection d'une longueur d'onde caractéristique du
dans la flamme
spectre de raies de l'atome à mesurer
brûleur
photoréception de l'émission ; traitement du signal
Le schéma présente la structure d'un photomètre de flamme. La partie nébuliseur a été détaillée. La
nébulisation utilise généralement l'effet Venturi : le comburant en provenance d'un réservoir de gaz sous
pression traverse un conduit qui se termine par un orifice étroit qui entraîne une vitesse de sortie élevée
et une dépression alentour. C'est là qu'est placée l'extrémité d'un tube plongeant dans l'échantillon à
analyser. L'échantillon est aspiré à débit continu constant et est <>gébau|i|éA. Les grosses gouttelettes qui
perturberaient la flamme sont éliminées lors de la traversée d'un bol où elles se déposent sur les parois.
Le .nébuliseur doit absolument fournir un débit constant d'échantillon dans la flamme. Il existe des
systèmes de nébulisation à ultrasons.
3. Justification de l'aspect quantitatif de l'émission atomique
Soit un système permettant d'introduire un échantillon par nébulisation dans une flamme (cela signifie
qu'il est introduit sous forme d'un fin brouillard de gouttelettes de quelques dizaines de µm de diamètre).
Soit ce même système permettant d'introduire l'échantillon nébulisé à débit continu et constant dans une
flamme obtenue par combustion à débit continu et constant de 2 gaz: le combustible et le comburant
(dans chaque zone de la flamme, la température sera constante). Soit une température de flamme
parfaitement constante. Soit cette même flamme convenable (assez chaude) pour l'atomisation de
l'élément à doser et l'excitation d'une fraction des atomes.
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On montre que :
Seule une fraction très faible des atomes obtenus (alcalins ou alcalino-terreux à doser) est excitée. Cette
fraction est en équilibre dynamique, elle émet un flux de photons d'intensité constante aux longueurs
d'onde correspondant au spectre de raies des atomes excités. On peut revoir à ce propos un cours de
physique sur la statistique de Boltzman (à 2000°K la fraction d'atomes de sodium excités pour l'émission
à 589,0 nm est de 9,9.10-6 ; à 4000°K cette fraction est de 4,4.10-3,...)
Si on choisit de mesurer le rayonnement émis à une longueur d'onde caractéristique de l'élément
à doser, l'intensité est proportionnelle à sa concentration dans l'échantillon. A la stricte condition
que le débit et la température de flamme soient constant).
Soit C la concentration en élément à doser de l'échantillon.
Si le débit d'introduction de l'échantillon nébulisé dans la flamme est constant, alors :
DatT = k C
(a)
(avec k coefficient constant pour l'analyse et DatT le débit total en atomes à doser dans la zone mesurée
de la flamme)
Si la température de flamme est constante, le rapport entre les atomes à l'état fondamental et à l'état
excité est un coefficient donné constant (k'), donc :
Dat* / Dat0 = k'
(b)
(avec Dat* pour les atomes excités et Dat0 pour les atomes à l'état fondamental et Dat* + Dat0 = DatT).
Or, l'émission à un instant t est proportionnelle au nombre d'atomes excités. On a ainsi :
Φe = coef Dat*
(c)
(avec Φe flux lumineux émis)
La combinaison de (a), (b) et (c) montre ainsi que (à débit nébulisé et à température de flamme
constants) Φe est proportionnel à C.
Remarque: en fait, une partie de l'énergie émise sous forme de photons peut être absorbée par un
élément (de même espèce) non excité (excitation par photon de λ convenable). La linéarité est une
pseudo-linéarité ...
Remarque: la relation de Boltzmann qui donne la fraction d'atomes excités à une température donnée
est :
Ne / N0 = e-ΔE/kT
avec Ne nombre d'atomes excités, N0 nombre d'atomes à l'état fondamental, ΔE écart d'énergie entre
niveau excité et fondamental, T température absolue, k constante de Boltzmann.
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4. Bilan concernant les fonctions de la flamme
La flamme d'un appareillage FEP remplit plusieurs fonctions :
• chaleur suffisante pour la création de la vapeur atomique de l'élément à doser ;
• excitation thermique de l'élément à doser.
Selon sa température, telle ou telle flamme est plus ou moins apte à atomiser et exciter tel ou tel
élément à doser.
Il convient de se référer aux données de la littérature.
Les flammes utilisées en pratique sont décrites dans le tableau ci-dessous :
comburant utilisé pour le combustible correspondant température
dioxygène
propane
2000°C, adaptée pour doser Na+, K+, Ca2+.
dioxygène
butane
dioxygène
acétylène
protoxyde d'azote acétylène
3200°C, adaptée pour doser Na+, K+, Ca2+.
5. Applications de la FEP et réalisation des mesures
Appareillages entièrement automatisables utilisés pour l'analyse des éléments alcalins et alcalinoterreux de solutions aqueuses ou organiques.
5.1. Applications
Dosages d'éléments alcalins ou alcalino-terreux Na, K, Ça, Li, Fe, Ba ...(qui sont en fait sous forme
ionisée Na+, K+, Ca2+, Li2+ , Fe2+ avec Fe3+, Ba2+... dans la plupart des échantillons biologiques) dans :
• liquides biologiques comme le plasma sanguin ;
• produits pharmaceutiques ;
• produits alimentaires, boissons ;
• rejets industriels, eaux usées ;
• produits minéraux utilisés en métallurgie.
5.2. Exécution des mesures
On règle le monochromateur à une longueur d'onde caractéristique et si possible spécifique de l'élément
à doser.
Les dosages sont réalisés par comparaison avec les résultats d'émission obtenus pour des solutions
étalons de l'élément à doser. On établit une fonction d'étalonnage dans la zone pseudo-linéaire de la
fonction émission = f(concentration), là où la sensibilité sera la meilleure.
Les particularités techniques sont multiples, quelques unes sont exposées ci-dessous.
5.2.1. Effet émission par le fond de flamme et la matrice de l'échantillon à doser.
Dans la flamme, la flamme elle-même, la matrice de l'échantillon à mesurer et le solvant de dilution
émettent un spectre lumineux (c'est la somme du fond spectral de la flamme et du fond spectral de
matrice et de solvant de dilution). Il convient donc de régler le "zéro" d'émission de l'appareil en
nébulisant une matrice et un solvant judicieusement choisis. Il faudra aussi en tenir compte pour réaliser
les solutions étalons.
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5.2.2. Formations chimiques stables de l'élément à doser dans la flamme
L'éléments à doser peut exister sous forme de formations chimiques stables dans certaines flammes. Le
dosage est donc faussé par défaut puisqu'on mesure les atomes excités et donc on ne mesure pas
l'élément à doser demeuré dans les formations chimiques stables. C'est par exemple le cas de l'oxyde
de calcium, de certains phosphates et silicates de calcium dans les flammes air/propane ou air/butane.
La présence dans l'échantillon à mesurer d'autres anions ou cations que ceux de l'élément à doser peut
modifier le rendement d'atomisation de la flamme. Le dosage est ainsi perturbé par de tels interférents.
Plusieurs solutions permettent de remédier à ces phénomènes.
• Changer de flamme pour une flamme plus chaude, déstabiliser les formations stables par ajouts de
réactifs.
• Les solvants pour réaliser les dilutions, les étalons prennent en considération les phénomènes cités cidessus. Il convient de préparer les échantillons et les étalons à l'aide de solvants amenant les «
perturbateurs » selon leurs proportions connues dans l'échantillon à doser. Il convient donc de connaître
l'origine de l'échantillon à doser.
• Étalonner par la technique des additions d'étalons à l'essai (méthode dite des ajouts dosés).
5.2.3. Appareillages avec mesure d'un étalon interne
Les meilleurs appareils permettent des mesures mettant en œuvre l'étalonnage avec étalon interne
(introduction d'un élément étranger mesurable à une 2° longueur d'onde caractéristique différente de
celle de l'élément à mesurer ; voir chapitre spécialisé sur les étalonnages avec étalon interne). Ceci
permet d'éliminer les inconnus liés aux traitements préalables aux mesures des échantillons à doser et
d'éliminer les erreurs dues aux variations éventuelles du débit de nébulisation dans la flamme.
5.2.4. Sensibilité et détectabilité usuelles
Les dosages sont très précis. La sensibilité et la détectabilité sont excellentes même si elles sont un peu
inférieures à ce qu'on obtient en absorption atomique (voir pourquoi dans le chapitre absorption
atomique). On peut réaliser des dosages de traces de l'ordre de 0,1µg/mL. La verrerie en verre est donc
non convenable pour les dosages de traces puisque le verre peut adsorber et libérer les ions à doser de
façon mesurable !
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Initiation aux dosages par photométrie d'émission atomique (FEP) : effets
d'interférence, effets matrice, méthode des ajouts dosés : application au
dosage du potassium.
1. Données
En FES un certain nombre d'interférences et d'effet de matrice sont possibles. Dans le cas qui intéresse
ici, on envisage de tenir compte de l'effet d'interférence des ions Na+ pour le dosage des ions K+ dans un
milieu biologique où le rapport [Na+]/[K+] est voisin de 33.
On pourrait aussi s'intéresser à un effet matrice lié aux protéines éventuelles d'un échantillon, surtout si
elles sont concentrées ou autres ...
Note : l'énergie d'une flamme air/propane ou butane est suffisante pour ioniser en partie les éléments alcalins
comme Na et K selon l'équilibre chimique atome ↔ cation + électron. Et on rappelle qu'en FES, on mesure ensuite
l'émission des seuls atomes excités. Dans un échantillon, la présence d'un autre alcalin que celui à doser va
libérer des électrons qui vont déplacer l'équilibre présenté ci-dessus vers la gauche. Ainsi, à concentration égale,
l'émission d'un alcalin est plus forte dans un échantillon qui contient un autre alcalin suffisamment concentré. On a
un effet interfèrent avec une perturbation de type « mesure en excès ».
2. Travail pratique proposé
Utiliser de l'eau bidistillée et de la « verrerie » plastique correctement conditionnée! En effet, le verre à
tendance à piéger les cations sodium et potassium puis à les re-larguer... On dispose de la verrerie
nécessaire, d'eau bidistillée et de deux solutions :
- S1: NaCI à 25mmol/L environ (NaCI Ar = 58,5) ;
- K1: KCI à 12,5mmol/L exactement (KCI Ar = 74,6).
Réaliser une gamme potassium seul en eau bidistillée (donc sans sodium) :
K1
0,0125
[KCI] en mmol/L
K2
0,050
K3
0,125
K4
0,250
Réaliser une gamme potassium en présence de sodium 33 fois plus concentré :
KN1
[KCI] en mmol/L
Interfèrent Na+
KN2
KN3
KN4
0,0125
0,050
0,125
0,250
Présent environ 33 fois plus concentré que K +
Préparer aussi un essai potassium par dilution exacte convenable de l'échantillon à mesurer (attendu
vers 4mmol/L en potassium et 33 fois plus en sodium).
Étalonner le photomètre de flamme en mettant en œuvre la gamme potassium sans sodium. Le zéro est
réalisé avec de l'eau bidistillée. Attention aux particularités techniques de l'appareil pour son réglage de
zéro, de sensibilité et d'amplitude de l'échelle relative des signaux d'émission. Puis étalonner avec la
gamme potassium avec sodium avec le même réglage de l'appareil. Puis mesurer l'essai dilué.
Réaliser aussi un dosage par la méthode des ajouts :
échantillon
Etalon KCI
Eau bidistillée
[K+] en mmol/L
AD0
1mL
0mL
AD1
1mL
0,100mL
AD2
1mL
0,200mL
AD3
1mL
0,400mL
X
Qsp 100mL en fiole jaugée
X + 0,0125
X + 0,0250
X + 0,050
AD4
1mL
0,600mL
X + 0,0750
Signal FEP
3. Compte rendu
• Tableaux de réalisation des gammes et des essais exposant le matériel utilisé, le protocole suivi et les
résultats obtenus ; graphes d'étalonnages, commentaires.
• Résultats des essais et commentaire.
Bibliographie : J-P. Père, Techniques spectroscopiques en biochimie analytique, CRDP Aquitaine, 1999. Max
Feinberg, La validation des méthodes d'analyse, Masson, 1996 F. Lafont, C. Plas, P. Cazaubon, Exercices de
biochimie, 2" édition, Doin, 2000
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