Fil d`Ariane-outil en soutien à la résilience
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Fil d`Ariane-outil en soutien à la résilience
1 LE FIL D’ARIANE : UN OUTIL FAVORISANT LA RÉSILIENCE EN RÉADAPTATION Numéro spécial : Psychologie positive Jocelyn Chouinard, neuropsychologue et coordonnateur de recherche clinique Centre de réadaptation Estrie Gabriel G. Mélançon, étudiant et Lucie Mandeville (PhD), professeure Université de Sherbrooke Adresse Département de psychologie Faculté des lettres et sciences humaines Université de Sherbrooke 2500 boulevard Université, Sherbrooke, Québec Canada, J1K-2R1 Fax : Canada 819-821-7925 [email protected] LE FIL D’ARIANE : UN OUTIL FAVORISANT LA RÉSILIENCE EN RÉADAPTATION Résumé Concept fort de la psychologie positive, la résilience est le résultat d’un processus adaptatif d’une personne qui maintient un niveau de fonctionnement relativement stable et sain après avoir été exposée à l’adversité. Deux facteurs clés favorisent la résilience : la spiritualité et la recherche de sens. Dans le prolongement des études récentes sur le sujet, le Centre de réadaptation Estrie s’est intéressé à la résilience chez les patients ayant vécu un traumatisme. Adhérant à la philosophie Planetree, le Centre de réadaptation Estrie s’est s'interrogé sur la façon d'intégrer la résilience dans ses modes d'intervention actuels. Cela l’a amené à construire un outil, le Fil d’Ariane permettant de donner un sens à la trajectoire de vie du patient, afin d’orienter ensuite ses objectifs de réadaptation. Ce guide d’entrevue s’inspire de l’approche narrative, en privilégiant la spiritualité et la recherche de sens. Cet article discute de la résilience et présente le Fil d’Ariane. Mots-clés : Psychologie positive, résilience, spiritualité, recherche de sens, réadaptation Abstract Key concept of positive psychology, resilience is the result of an adaptative process of a person who maintains stability and healthy functioning after having been exposed to adversity. This paper explores two key factors related to resilience: spirituality and search for meaning. In the wake of some recent studies on the subject, the Centre de réadaptation Estrie is interested in the patient’s resilience following traumatism from a car accident. Wondering how to integrate resilience into its current intervention strategies, the Centre de Réadaptation Estrie created a tool called “Fil d’Ariane”, whose purpose is to bring meaning to the patient’s life and to orient the rehabilitation’s objectives. "Fil d'Ariane" is an interview guide inspired by the narrative approach and based on spirituality and search for meaning. This article talks about resilience and presents the tool “Fil d’Ariane”. Keywords: positive psychology, resilience, spirituality, search for meaning, rehabilitation [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 3 Depuis la fin des années 90, la psychologie positive s’intéresse à un sujet depuis longtemps négligé en se posant des questions au sujet du «meilleur» chez les personnes (Joseph & Linley, 2005). Sans négliger l’apport des études sur la maladie mentale et l’intervention curative, elle prétend qu’il est nécessaire de revisiter l’ensemble des domaines (neuropsychologie, psychologie du développement, psychologie sociale, etc.) de la discipline afin de favoriser une compréhension plus complète et intégrée de l’expérience humaine (Seligman, 2002). Cette perspective « positive » permet de prévenir et de traiter différentes problématiques psychologiques, mais plus encore, elle permet de favoriser la croissance des personnes et des communautés. Partant de l’étude des gens sains, créatifs et productifs elle propose d’apprendre quoi « faire » au lieu de se demander quoi « ne pas faire » (Quale & Shanke, 2010). La résilience Plusieurs études ont été conduites afin de décrire et de comprendre les aptitudes qui contribuent au bien-être psychologique, notamment comment des personnes ayant fait face à l’adversité continuent de s’épanouir (Ehde, 2010). En ce sens, la résilience est considérée comme une force positive et elle représente un concept central de la psychologie positive (Linley & Joseph, 2004; Pan & Chan, 2007; Yates & Masten, 2004)1. L’étude de la résilience s’est initialement penchée sur les enfants à risque de développer une psychopathologie suite à des conditions défavorables en termes d’héritage biologique, de conditions périnatales, d’environnement ou de circonstances (Richardson, 2002). Les chercheurs ont été surpris de constater que la plupart de ces enfants se développaient relativement bien malgré les conditions d’adversité (Masten, Cutuli, Herbers, & Reed, 2009), suggérant qu’ils soient « invulnérables » ou « résilients ». De nombreuses recherches ont été conduites sur le sujet permettant de conclure que la résilience n’est pas l’exception, mais plutôt la norme chez les enfants qui font face à l’adversité (Bonanno, 1 La résilience constitue un élément important des premiers chapitres de l’ouvrage de Peterson et Seligman (2004), elle n’est toutefois pas retenue dans leur classification des forces du caractère. 2004). Devenu un domaine largement étudié en psychologie, elle s’est ensuite intéressée au même phénomène chez l’adulte. La définition de la résilience Plusieurs auteurs s’entendent pour dire que la résilience est le résultat d’un processus adaptatif (Kent & Davis, 2010). Selon ces auteurs, ce processus adaptatif est composé d’une interaction dynamique positive entre différentes caractéristiques individuelles (flexibilité cognitive, altruisme, spiritualité, recherche de sens, etc.) et des conditions externes favorables (support des pairs, programmes sociaux, institutions religieuses, etc.). Présentée plus loin, l’histoire de Mathilda illustrera l’importance du soutien affectif dans l’émergence et le développement de la résilience. De plus, il est précisé que les caractéristiques individuelles ne sont pas fixes, mais peuvent plutôt être apprises et développées (White, Drive, & Warren, 2008). La résilience signifie qu’une personne ayant été exposée à l’adversité peut maintenir un niveau de fonctionnement relativement stable et sain (Bonanno, 2004). Une personne qui fait preuve de résilience n’est pas à l’abri d’une certaine forme de détresse (Quale & Schanke, 2010), elle peut vivre un déséquilibre face à l’adversité qui demeure toutefois transitoire. D’autre part, une personne résiliente dans une situation adverse peut ne pas l’être dans une autre, ou pour la même situation survenant à un autre moment de sa vie (Lepore & Revenson, 2006). L’adversité est ici définie comme une situation stressante et perturbatrice (Quale & Schanke, 2010), aussi appelée «événement traumatisant » (Bonanno, 2004). L’éventail de situations est très large, comme l’indiquent Yates et Masten (2004), elles peuvent être ponctuelles et aigues (ex : désastre naturel, viol) ou chroniques (ex : abus sexuels répétés, pauvreté). Elles peuvent provenir de l’environnement (ex : décès d’un enfant, situation de guerre) ou survenir chez la personne (ex : cancer, handicap physique). Par ailleurs, Janoff-Bulman (2006) propose l’idée qu’une expérience d’adversité ne serait pas déterminée en fonction de l’ampleur des conséquences externes et observables qu’elle a sur la personne et sur [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 5 son environnement, mais plutôt sur la désorganisation de ses schémas fondamentaux, c’est-à-dire ce qui constitue la façon dont elle se représente le monde et elle-même. Le concept de résilience ne doit pas être confondu avec un autre qui lui est proche: la récupération. Bonanno (2004) précise que la récupération constitue une étape du processus d’adaptation, alors qu’une personne constate que son fonctionnement normal est altéré suite à l’adversité, la conduisant à vivre une certaine forme de dysfonction. Cet état demeure ainsi durant un certain temps jusqu’à ce que la personne retrouve son état psychologique initial précédant l’événement. À cette différence près, la résilience empêche non seulement d’éprouver une dysfonction psychologique, mais permet de vivre des émotions positives et des expériences satisfaisantes. De plus, la personne intègre l’événement adverse dans ses schémas fondamentaux de manière à éviter la désorganisation. Une personne confrontée à l’adversité peut non seulement faire preuve de résilience, elle peut se servir de cette occasion pour améliorer son fonctionnement psychologique à un niveau supérieur à ce qui prévalait avant l’événement (Linley et Joseph ; 2004). Ce phénomène appelé la croissance post-traumatique correspond à une reconfiguration positive et améliorée des cognitions, des croyances et des comportements en réaction à l’adversité (Ehde, 2010; Lepore & Revenson, 2006; Tedeschi & Calhoun, 2004). Quoique la résilience se distingue généralement de la croissance post-traumatique, Lepore et Revenson (2006) prétendent que cette dernière est un type de résilience, car la reconfiguration schématique positive qui survient alors permet à la personne de s’adapter à l’adversité. Selon Ehde (2010), la croissance post-traumatique peut se manifester par une plus grande appréciation de la vie, une redéfinition des priorités, un approfondissement des relations interpersonnelles significatives, ainsi qu’un changement positif sur le plan spirituel et la découverte d’un nouveau sens à sa vie. Ces deux derniers facteurs sont très importants lorsqu’il est question de résilience. La spiritualité et la recherche de sens Par l’étude de la résilience, la psychologie positive veut mieux comprendre comment une personne peut dépasser l’adversité en s’appuyant sur ce qu’il y a de mieux chez ellemême. Il ne s’agit pas seulement de savoir ce que celle-ci ne doit « pas faire » pour éviter d’être malade, mais aussi de savoir ce qu’elle peut « faire » pour être en santé psychologique (Dunn, Uswatte, & Elliott, 2009). Pour le découvrir, il importe de considérer deux éléments clés de la résilience et la croissance post-traumatique qui sont intimement liés l’un à l’autre: la spiritualité et la recherche de sens. La spiritualité est définie comme une démarche visant à attribuer un sens aux différents aspects qui constituent la vie quotidienne (Vrklja, 2000). Au cours sa vie, la personne est ainsi amenée à construire une représentation de son monde et d’elle-même, et ce, au fur et à mesure qu’elle vit ses expériences personnelles (Janoff-Bulman, 2006). Bien que la spiritualité et la religion puissent se manifester en parallèle, il faut toutefois les distinguer. Vrkljan (2000) précise que la religion fait référence à des pratiques liturgiques officielles fondées sur des croyances partagées par les personnes y adhérant. Contrairement à la spiritualité, la religion serait plutôt institutionnelle et moins liée à une démarche personnelle et subjective. La spiritualité joue un rôle important dans des situations d’adversité et elle est propice à l’amélioration du mieux-être (Elkins, 1995). En ce sens, elle est considérée comme un facteur de résilience (Pargament, Desai, & McConnell, 2006). La spiritualité peut être vue comme une dimension favorisant directement l’interprétation des situations traumatisantes, en leur donnant une cohérence qui pouvait échapper sur le coup à la personne (Peres, Moreira-Almeida, Nasello, & Koenig, 2007). Gallagher (1999) précise que les situations d’adversité ébranlent les représentations initiales du monde et de la personne, ce qui la laisse avec une impression de désorganisation interne. Afin de retrouver sa [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 7 cohérence, elle recherche un sens nouveau à son existence et renforce en retour la dimension spirituelle de sa vie. Comment la spiritualité peut-elle contribuer à dépasser les impacts négatifs d’un événement traumatisant ? Essentiellement, en misant sur la recherche de sens qui permettrait un meilleur ajustement face à l’adversité (Johnson, 2010). Steger (2009) définit la recherche de sens comme une démarche visant à trouver une utilité, une mission, un but ou une importance à son existence. Comme le propose Frankl (1967 ; 2006), de façon générale, la recherche de sens est à la base même de la motivation quotidienne à agir. La personne est motivée par le désir de trouver un sens à ses différentes expériences, activités, occupations ou relations avec les autres. Autrement, elle serait amenée à se désengager et éventuellement à développer un trouble psychologique. Par exemple, selon Keesee, Currier et Neimeyer (2008), les parents ayant trouvé aucun ou peu de sens à la mort de leur enfant seraient ceux qui rapportent la plus grande détresse. À l’opposé, les patients2 ayant subi eux-mêmes un traumatisme qui trouvent un sens à leur « nouvelle » existence seraient éventuellement plus heureux et satisfaits, auraient un plus grand sentiment de contrôle sur leur vie, seraient plus engagés dans leur travail, éprouveraient moins d’émotions négatives, de dépression, d’anxiété, d’idéations suicidaires, feraient moins d’abus de substance et auraient un moins grand besoin de psychothérapie (Steger, 2009). Des études récentes sur la résilience peuvent expliquer pourquoi il en est ainsi. Les études sur la résilience en réadaptation Dans le domaine de la réadaptation, Quale et Schanke (2010) ont identifié un manque d’études sur les trajectoires d’adaptation. C’est dans cette optique qu’ils ont conduit une 2 Dans le texte, le terme « patient » est préféré à celui d’ « usager », toutefois ce dernier est plus souvent utilisé dans les centres de réadaptation du Québec. recherche visant à estimer la prévalence de différentes trajectoires, soit celle de la résilience, de la récupération, ou, au contraire de la détresse chez les patients bénéficiant d’une réadaptation suite à une blessure sévère. Quatre-vingt patients âgés entre 16 et 68 ans ont été recrutés. Ces derniers souffraient de traumas multiples, de blessures à la colonne vertébrale ou des deux. Afin de classer les patients selon une des trois trajectoires (résilience, récupération, détresse), les chercheurs ont d’abord procédé à des entrevues semi-structurées visant à obtenir une vision globale de la situation de chaque participant, en plus d’obtenir des variables démographiques, dont l’âge, le sexe, le statut civil, le niveau d’éducation, ainsi que le statut professionnel. Ensuite, les chercheurs ont administré des questionnaires standardisés. Chaque questionnaire suivant - Impact of Event Scale-Revised (symptômes du TSPT), Anxiety and Depression Scale (symptômes d’anxiété et de dépression), Positive Affect and Negative Affect Schedule (présence d’affects positifs et négatifs), Life Orientation TestRevised (niveau d’optimisme/pessimisme) - a été administré entre une et trois semaines après l’admission aux soins (ou dès que la condition physique du patient le permettait), puis à la dernière semaine du traitement. La classification obtenue a été déterminée selon la définition de chaque concept. Ainsi, la résilience a été conceptualisée en fonction d’un bas niveau de détresse et un haut niveau d’affects positifs, tant à l’admission qu’au terme du traitement. La récupération a été définie en fonction d’une baisse de détresse ou de l’amélioration des affects positifs, entre le premier et le dernier temps de mesure. La détresse a été opérationnalisée en fonction d’un haut niveau de détresse, plusieurs affects négatifs ou un bas niveau d’affects positifs, autant à l’admission qu’à la fin du traitement. Quale et Shanke (2010) ont observé que la trajectoire la plus commune était la résilience, pour 54 % des patients contre 25% qui répondaient aux critères de la récupération et 21% à ceux de la détresse. Toutefois, les chercheurs notent des difficultés à la conceptualisation des différentes trajectoires, notamment celle de la résilience. Comme ils l’indiquent, il pourrait être pertinent de reconduire des études similaires en utilisant un [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 9 outil de mesure spécifique au concept de résilience. Cela s’avère d’autant plus pertinent que la résilience ne se limite pas qu’à l’absence de symptômes (Bonanno, 2004) et qu’elle peut être marquée par une détresse transitoire. Une autre étude de White, Driver et Warren (2010) a cherché à identifier les changements sur le plan de la résilience durant le processus de réadaptation de patients ayant subi des blessures à la colonne vertébrale. Diverses variables spécifiques d’ajustement ont été étudiées et mises en relation : les symptômes dépressifs, la satisfaction par rapport à la vie, la spiritualité et l’autonomie fonctionnelle. Quarante-deux participants âgés entre 16 et 60 ans ont été recrutés. Tous avaient subi une blessure à la colonne vertébrale suggérant qu’ils ne pourraient plus marcher au terme du traitement. Des questionnaires ont été administrés à la première semaine d’admission, à la troisième semaine après l’admission, et à la dernière semaine du traitement : le CD-RISC pour évaluer la résilience ; le Patient Health Questionnaire (symptômes dépressifs), le SWLS (composantes cognitives du bien être subjectif ; satisfaction par rapport à la vie), le Functional Independance Measure (niveau de capacités fonctionnelles des patients en réadaptation), et le ISS (spiritualité). Au terme du traitement, le niveau de résilience des participants n’avait pas changé. White et al. (2010) expliquent ce résultat parce qu’aucune intervention spécifique durant le processus de réadaptation ne visait le développement de la résilience. De plus, ils précisent que le CD-RISC est généralement utilisé pour évaluer l’état de résilience des patients au cours du dernier mois. Étant donné les mesures prises aux trois semaines, il se peut que le test n’ait pas été suffisamment sensible pour identifier un changement significatif dans cet intervalle. Néanmoins, des résultats positifs ont été observés pour chacune des autres variables d’ajustement, soit une diminution des symptômes dépressifs, une plus grande satisfaction face à la vie, une augmentation de l’autonomie fonctionnelle ainsi qu’une plus grande place accordée à la spiritualité. D’autre part, cette recherche démontre une relation notable entre la résilience et la spiritualité ; plus les patients font preuve de résilience, plus leur niveau de spiritualité est élevé, vice versa. Ce résultat supporte l’idée selon laquelle la spiritualité est un facteur de la résilience (Peres & Moreira-Almeida, 2007). Toutefois, les chercheurs ont remarqué un accroissement de l’importance de la spiritualité en début de traitement, puis un retour au niveau précédent au terme du traitement. Il semble qu’en étant confronté à l’adversité, la dimension spirituelle chez un patient puisse s’élever puis revenir au niveau initial (Hodge ; 2003). White et al. (2010) suggèrent alors de développer des interventions visant à promouvoir la spiritualité chez les patients atteints d’un handicap permanent, afin de favoriser positivement le processus de réadaptation. Considérant la notion de spiritualité intimement liée à la notion de recherche de sens, il est pertinent de citer l’étude de Keesee, Currier et Neimeyer (2008). Ces chercheurs se sont intéressés à l’impact de la recherche de sens chez des parents suite à la mort de leur enfant. Cent cinquante sept parents endeuillés ont été évalués à l’aide des instruments suivants : le Core Bereavement Items (questionnaire mesurant les éléments personnels, cognitifs et émotionnels du deuil sain) et l’Inventory of Complicated Grief (questionnaire évaluant les réactions mésadaptées du deuil). La recherche de sens et la recherche de gains ont été évaluées à partir d’une question de type qualitatif (question ouverte) et d’une mesure quantitative à l’aide d’une échelle de type Likert. Cette recherche conclut que la capacité de donner un sens à un tel événement traumatisant est de loin le plus grand prédicteur du niveau d’adaptation. Sans toutefois être capable de démontrer que la recherche de sens favorise le deuil des parents, elle révèle que les parents ayant été incapables de donner un sens (30 % des participants) ou très peu de sens (17 %) à la mort de leur enfant rapportent une détresse plus intense que les autres participants. Dans cette optique, Chan, Chan et Ng (2006) ont proposé un programme d’intervention dont le but est de favoriser la recherche de sens et l’identification de forces chez des personnes atteintes d’une maladie. Le programme nommé Strength-focused and meaning- [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 11 oriented Approach to Resilience and Transformation (SMART) se distingue des procédés orientés vers la pathologie par l’accent mis sur la résilience et la croissance posttraumatique. Il consiste en une approche multimodale guidée par le principe que la personne est formée d’une synthèse du corps et de l’esprit. Les patients sont amenés à rechercher du sens à leur expérience grâce à l’enseignement spirituel issu des traditions orientales. De plus, une version simplifiée de différentes pratiques (ex : Tai-chi, Yoga, etc.) leur permet de s’exprimer physiquement, de réduire leur stress et de redonner un sentiment de contrôle sur leur corps. Ensuite, la psychoéducation est utilisée afin de favoriser la résilience et la croissance post-traumatique, notamment par l’identification de leurs forces, la compréhension de la relation entre la spiritualité et le bien-être, l’appréciation des petits bonheurs quotidiens, ainsi que le développement de la compassion envers eux-mêmes et les autres. Enfin, le programme propose aux patients d’explorer leur histoire de vie afin de se remémorer leurs anciens rêves et buts, d’identifier les différents épisodes où ils ont fait preuve de résilience, ainsi que leurs exploits et victoires personnelles. Cet aspect du programme accroît la confiance en leurs capacités à affronter l’adversité. Dans l’étude que les chercheurs ont réalisée, la recherche de sens a été envisagée comme une stratégie d’adaptation, mais aussi comme une voie à la croissance. Afin de vérifier l’efficacité de leur programme, les chercheurs ont conduit une recherche auprès de 24 patients chinois souffrants du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) qui ont suivi le programme durant une journée. Quoiqu’il s’agisse d’un petit échantillon, les résultats préliminaires ont permis de constater que l’état psychologique des patients s’était amélioré et maintenu ainsi même après un mois grâce au programme. Par ailleurs, ce programme développé pour une culture orientale s’appuie sur des pratiques bouddhistes ou confucianistes qui sont plus ou moins accessibles à notre culture occidentale. De plus, il semble y avoir une ambiguïté sur la durée du programme ; il n’est pas clair qu’il soit appliqué sur une durée d’une journée ou au cours d’une période de six semaines. Malgré le manque de support empirique, le programme SMART montre que des efforts déployés pour favoriser la résilience, et plus spécifiquement la recherche de sens, chez une population clinique québécoise peuvent être bénéfiques. C’est le but du Fil d’Ariane. Le Fil d’Ariane : un outil pour soutenir la résilience en réadaptation En faisant émerger les dimensions porteuses de sens de son existence, le Fil d’Ariane vise à favoriser la résilience du patient admis au Centre de réadaptation Estrie. Le Centre de réadaptation Estrie Le Centre de réadaptation Estrie est un établissement public dont le mandat est de donner des services d’adaptation, de réadaptation et d’intégration sociale à des personnes qui ont des incapacités découlant d’une déficience physique congénitale ou acquise. Établi depuis plus de 30 ans à Sherbrooke, agglomération québécoise de près de 200000 habitants, il dessert une clientèle composée d’enfants et d’adultes et leur offre la possibilité de demeurer actifs et impliqués dans leur milieu de vie. Vers la fin des années 90, le Centre de réadaptation Estrie a traversé une période intense de remise en question suite à des années de gestion centrée sur des préoccupations administratives, au détriment des ressources humaines et des services à la clientèle. Forcée par son personnel de revoir ses valeurs et ses façons de faire, la direction entreprend alors un virage majeur visant à revaloriser la qualité des relations interpersonnelles. S’appuyant sur le postulat que des employés qui se sentent bien dans leur milieu de travail offrent des services de meilleure qualité à leurs patients, les dirigeants choisissent d’implanter une philosophie de soins favorisant le mieux-être et la santé globale de la clientèle et du personnel : la philosophie Planetree. Planetree Mis sur pied aux États-Unis au début des années 1980, Planetree est un organisme qui fait la promotion d’une philosophie intégrée de soins et de gestion dans les milieux [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 13 hospitaliers. Appliquée principalement aux États-Unis, mais aussi dans quelques établissements à travers le monde, elle met de l’avant des pratiques axées sur la dignité, la bonté et la compassion, non seulement dans les soins offerts aux patients et à leurs familles, mais aussi dans les relations avec les employés. L’approche globale de soins centrée sur le patient se préoccupe de ses dimensions physique, psychologique, spirituelle et sociale en : - valorisant les interactions entre elles; - impliquant la famille du patient et son réseau social ; - informant et éduquant le patient sur sa condition de santé ; - créant des espaces physiques favorisant la santé et le bien-être des personnes ; - offrant des aliments aux propriétés nutritives saines ; - faisant place aux arts dans les approches de soins ; - offrant la possibilité de thérapies complémentaires ; - accordant de l’importance au toucher dans la relation thérapeutique ; - donnant de l’importance aux ressources intérieures (spiritualité) dans le traitement ; - impliquant la communauté environnante. Une étude indépendante (Stone, 2008) réalisée en 2008 dans des hôpitaux américains révélait que le modèle Planetree avait des impacts positifs non seulement sur l’expérience de soins (augmentation du niveau de satisfaction) mais aussi sur les coûts et la durée de séjour des patients admis pour chirurgies de remplacement de la hanche ou au niveau du genou. Le Centre de réadaptation Estrie a aussi fait l'objet d'une étude non publiée faite par les professeurs Michel Coulmont et Chantale Roy de la faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke. Cette étude a démontré des impacts positifs de l'implantation du modèle Planetree sur des variables en ressources humaines: la diminution des frais d'utilisation de services professionnels par les employés, la diminution des coûts de la Commission de santé et sécurité au travail (CSST), la diminution des coûts de l'assurance salaire. Dès 2004, le Centre de réadaptation Estrie a entrepris une démarche d’agrément, pour devenir en 2008 le premier centre de réadaptation à se voir attribuer la désignation Planetree. Dans la foulée de ce changement, la direction a commencé à se préoccuper de la façon d’intégrer la dimension spirituelle dans les soins de réadaptation. Optant pour une conception inclusive de la spiritualité qui rejoigne les valeurs de sa culture, l’établissement s’est largement inspiré des travaux de l’Association canadienne des ergothérapeutes du Canada pour définir la spiritualité autour de la notion de sens de la vie (Law, Polatajko. Baptiste, & Townsend, 2002). Comme le mentionne Steeve Jeffers dans la seconde édition du livre Putting Patients First (Frampton et Charmel, 2009), la spiritualité devient le cadre de référence qui permet de comprendre non seulement le sens mais la finalité de la vie, fournissant aux personnes un cadre explicatif aux événements de la vie comme la maladie et la mort. Ainsi définie autour de la notion de sens, la spiritualité peut être considérée comme un important facteur de soutien à la résilience, permettant à la personne de surmonter une période d’adversité et d’atteindre un niveau d’ajustement et d’accomplissement satisfaisant (Bonanno, 2004, Thompson, Coker, Krause, & Henry, 2003). Mais comment transformer un épisode de maladie ou d’incapacité en une occasion de croissance et de développement personnel (Black et Lobo, 2008)? L’approche narrative Le Centre de réadaptation Estrie s’est inspiré de l’approche narrative pour le développement du Fil d’Ariane. Cette approche s’intéresse à l’histoire de vie des personnes comme moyen permettant d’identifier la composante spirituelle de leur existence (Kirsh, 1996). Raconter son histoire vie donne l’occasion au patient de prendre du recul face à ses difficultés et d’y trouver du sens, de se reconstruire et s’engager dans un futur mieux adapté à sa nouvelle identité (Brown & Augusta-Scott, 2007). Plutôt que de limiter l’intervention à l’examen et au traitement de la psychopathologie (Kirsh, 1996), l’approche narrative tente de saisir l’essence de l’expérience subjective du [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 15 patient et le contexte dans lequel son expérience s’inscrit (Mattingly, 1991). L’histoire de vie, telle qu’elle la construit et la raconte, lui donne l’impression que sa vie est prévisible et a du sens. Une situation d’adversité (un traumatisme par exemple) peut altérer de façon significative cette histoire et en fragiliser la structure, amenant ainsi la personne à éprouver de la difficulté à en intégrer les différentes facettes (Neimeyer & Stewart, 2000). Pour cette raison, d’une même situation d’adversité peut résulter plusieurs expériences diverses selon l’histoire racontée (aussi appelée «récit de vie») par un patient (Mattingly, 1998). L’exploration structurée de l’histoire de vie du patient permet d’en identifier les éléments clés qui seront ensuite réutilisés dans les plans d’intervention, particulièrement les dimensions qui ont du sens pour lui (Kirsh, 1996). Selon Mattingly (1991), tout type d’intervention devient un court épisode au sein de l’histoire de vie du patient et le thérapeute doit en arriver à s’y inscrire, pour ensuite négocier le rôle qu’il jouera dans le processus de traitement. Par exemple, l’utilisation de l’histoire de vie avec un jeune homme peu collaboratif au processus de réadaptation, a permis à l’équipe d’intervention d’utiliser des éléments de son histoire et d’ajuster le plan de traitement, ce qui favorisa l’alliance thérapeutique, sa collaboration, et augmenta l’efficacité du processus de réadaptation (Chouinard et Tardif ; 2008). C’est de cette façon que le processus de traitement a pu prendre du sens pour lui en le rendant cohérent avec son récit. Le Fil d’Ariane : une expérience de transformation et de soutien de la résilience L’intérêt pour cette approche a servi de prélude au développement d’un outil appelé Le Fil d’Ariane (Chouinard et Tardif, 2005). Dans la mythologie grecque, Thésée avait réussi à vaincre le Minotaure et à trouver son chemin hors du labyrinthe grâce à un fil de soie qu’Ariane avait eu la prévoyance de lui remettre. Cette expression a traversé les âges et suggère aujourd’hui l’existence d’un fil conducteur qui joint les différentes expériences de vie d’une personne. Le Fil d’Ariane a été construit afin d’aider les intervenants à cerner ce fil conducteur dans la vie de leurs patients. Son contenu a été influencé par les travaux sur la logothérapie du psychiatre autrichien Viktor Frankl (2006) qui s’est beaucoup intéressé à cette notion de sens de la vie dans son approche thérapeutique. Frankl considère que la personne est motivée par un désir et une volonté de donner du sens à son expérience plutôt que par la recherche de plaisir ou de pouvoir. Le travail thérapeutique consiste à l’aider à prendre conscience de ses valeurs et des événements qui ont contribué à tracer la trajectoire de sa vie. La forme narrative du Fil d’Ariane est suggérée par l’anthropologue Cheryl Mattingly (2007) qui affirme que le récit de sa propre histoire à un tiers, donne à la personne qui vit des problèmes de santé, l’occasion de créer de la cohérence et de retrouver du sens à sa vie, là où la maladie n’avait engendré que confusion et chaos. En reconstituant et organisant son parcours de vie, le patient prend position au centre de sa propre histoire, et met en évidence ses perceptions, ses croyances, ses forces, les valeurs qui l’animent, de même que les liens qui peuvent exister entre son passé et ce qu’il vit au présent. De plus, le récit de sa propre histoire peut lui faire prendre conscience d’une certaine continuité sur laquelle il pourra s’appuyer pour interpréter ses nouvelles expériences, allant même jusqu’à susciter l’espoir de créer un nouveau projet de vie (White, 2008). D’autre part, le récit fournit aux thérapeutes un portrait de leur patient qui est rarement accessible via les outils d’évaluation clinique conventionnels. Kirsh (1996) suggère de réutiliser certains éléments clés de l’histoire dans les plans d’intervention de façon à permettre aux patients de s’engager dans des occupations plus significatives pour eux. Un guide d’entrevue Le Fil d’Ariane est construit comme un guide d’entrevue semi-structurée où le thérapeute aborde des questions touchant sept thématiques différentes (voir l’annexe). Ces thèmes sont présentés au patient sous forme d’illustrations : l’enfance et l’adolescence, les motivations de fond, les aspirations, les défis relevés, les expériences de transformation, les connexions, le bien-être. Sans aborder de front la spiritualité et la recherche de sens, le Fil d’Ariane est une occasion de découvrir le sens que donne le patient à différents [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 17 aspects de sa vie. Par exemple, le thème « bien-être » permet d'identifier des images ou des souvenirs qui pourraient être ravivés et utilisés comme refuge pendant les moments difficiles. Quant à l'objet symbolique, il sert à conclure l'entrevue, mais peut aussi donner des indications sur la façon de rédiger le récit du patient à l’aide de métaphores. Le thérapeute invite le patient à aborder les thèmes dans l’ordre de son choix, en effectuant des retours en arrière au besoin pour compléter une information. Les questions sont posées uniquement si nécessaire, pour initier ou supporter la poursuite du récit. Comme la perspective du Fil d’Ariane est résolument orientée vers les forces et les ressources de la personne, il est préférable de ne pas laisser le narrateur s’arrêter trop longuement sur la dimension négative des expériences vécues, mais plutôt l’aider à identifier un élément positif qui pourrait s’y rattacher. L’entrevue est filmée3 et le contenu repris par le thérapeute qui en rédige une courte synthèse en mettant en lumière les forces de la personne et sa trajectoire de vie. Contenu et forme sont ensuite validés par le patient et certains éléments peuvent être repris dans son plan d’intervention. Le contenu du Fil d’Ariane est alors discuté et présenté de façon à orienter les objectifs de réadaptation en tenant compte de cette ligne de sens, de ce Fil d’Ariane, de nature à susciter un meilleur engagement et une pleine collaboration. L’histoire de Mathilda permettra d’illustrer l’utilisation du Fil d’Ariane. L’illustration qui suit est tirée de l’expérience clinique de l’un des auteurs (Jocelyn Chouinard). Elle met en relief la situation d’une usagère admise en réadaptation à la suite d’un accident de voiture, mais pour qui se réadapter n’a que très peu de sens, jusqu’au moment où elle a l’occasion de raconter son histoire dans le cadre de l’entrevue Fil d’Ariane. Le compte-rendu de la travailleuse sociale lui permet de mettre en lumière un facteur de résilience jusque là occulté par une série d’événements malheureux, dont le dernier épisode d’adversité vécu (accident) et l’abus dont elle a été victime par son père. Ce facteur symbolise le sens que pourrait prendre la vie de Mathilda à partir de ce qu’elle 3 Facultatif. Une copie de l’enregistrement peut être remise à la personne avec le récit. a raconté sur elle-même. Et c’est ce facteur de résilience qui peut nourrir sa motivation à se réadapter et à formuler un nouveau projet de vie, comme le lui propose l’intervenante. L’histoire de Mathilda Mathilda est une jeune femme âgée de 35 ans4 qui a été admise au programme de neurotraumatologie du Centre de réadaptation Estrie environ six mois après avoir été victime d’un accident de voiture. Depuis cet accident, elle se sent très différente : elle a l’impression de tourner en rond, se sent désorganisée, sans but ni attentes. Elle est plus ou moins convaincue des bienfaits qu’elle peut retirer de la réadaptation. Invitée à se raconter dans le cadre de l’entrevue Fil d’Ariane, elle prend conscience malgré son histoire d’abus, de négligence et de violences à répétition, de ses forces et de la ligne de sens qui pourrait être mise à profit pour donner du sens à sa réadaptation. D’abord, Mathilda est débrouillarde. Elle l’a prouvé pendant son enfance lorsqu’elle usait de divers stratagèmes pour se protéger et protéger ses sœurs de la violence de son père. De plus, l’école lui a appris qu’elle est intelligente et vive. Elle y a vécu ses premières réussites et ses premières expériences positives avec des adultes qui ne sont pas des abuseurs. Mathilda a aussi appris qu’elle peut s’ouvrir et faire confiance aux adultes. Lors d’une journée particulièrement difficile au secondaire, elle déballe un après-midi durant, toute son histoire d’abus à une enseignante qui l’écoute sans la juger. Cette rencontre devient un point tournant de sa vie : après plusieurs années d’échecs, elle retrousse ses manches et affronte avec courage et détermination les années d’études qui vont lui permettre d’accéder au CEGEP et à l’université. C’est pendant cette période de sa vie qu’elle découvre sa vocation d’aidante : elle choisit d’étudier plus en profondeur le phénomène de la violence faite aux enfants afin de faire en sorte que moins de petites filles aient à subir les comportements violents des adultes. 4 Plusieurs détails de l’histoire de cette femme ont été modifiés afin de ne pas permettre son identification. [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 19 Presqu’arrivée au fil d’arrivée, elle abandonne brusquement ses études: une grossesse non désirée, un conjoint violent et plusieurs démêlés avec les policiers et les services de protection de l’enfance vont la précipiter dans un nouveau cauchemar qui la mènera cette fois jusqu’à la tentative de suicide. C’est au cours d’une lente remontée qu’elle reprendra contact avec sa mère. Plusieurs mois à reconstruire ses forces, à refaire un tant soit peu confiance à la vie, à réapprendre à fonctionner, à se débrouiller avec les comptes, l’épicerie, le ménage, et surtout, à se défaire de l’emprise de son ex-conjoint et à prouver aux services sociaux qu’elle peut encore être une bonne mère malgré ses antécédents. Le Fil d’Ariane de Mathilda Après avoir recueilli les propos de Mathilda, voici le récit que lui présente l’intervenante du programme de réadaptation. « Ton histoire, Mathilda, c’est l’histoire du courage, de la ténacité et de la persévérance. C’est l’histoire d’une toute petite fleur qui s’accroche au rocher, malgré les vents et les fortes pluies. C’est l’histoire d’une petite fille qui a choisi de défier son père et sa destinée, pour s’accrocher à un rêve et devenir quelqu’un. Tu as appris pendant ton enfance la débrouillardise lorsque tu t’enfuyais de la maison avec ton chien pour te réfugier dans la forêt, là où tu savais que ton père ne pouvait te rejoindre. Ce chien qui est devenu ton confident, et avec qui tu as appris la parole. L’école t’a ensuite révélé ta valeur et la force intérieure qui t’animaient. La présence chaleureuse des enseignantes, la fierté que tu pouvais lire dans leurs yeux, leurs encouragements à poursuivre tes études, tout ça était tellement contraire à l’image que ton milieu familial te renvoyait, que tu avais même du mal à y croire. À un tel point que tu as décidé de faire passer un test de confiance à tous ces adultes pendant ces années de décrochage au secondaire. Puis il y a eu Hélène, une ancienne enseignante du primaire, qui a reconnu en toi la petite fille à qui elle aimait tant enseigner. Cet après-midi-là, tu as repris contact avec la parole libératrice et c’est au cours de cette rencontre que naquit ton projet de vie : tu allais devenir celle qui empêcherait les petites filles de se laisser abuser par leur père. Ce tournant eut un impact déterminant pour les années suivantes. Tu t’es presque rendue à la ligne d’arrivée de ce diplôme qui t’aurait permis d’exercer un métier et de rendre de précieux services à la société. Le hasard et une série d’événements malheureux ont voulu que tu rechutes, jusqu’à vouloir en finir avec la vie. Alors que tu ne t’y attendais plus, c’est ta mère qui a repris contact avec toi. C’est avec elle que tu as entrepris cette longue remontée de l’abîme. Aujourd’hui, un autre défi t’attend : celui de donner un nouveau sens à ta vie malgré tout ce qui est arrivé. À la lecture de ce que tu m’as raconté, ton désir d’aider et de protéger les autres semble être demeuré intact. Peutêtre est-ce là le sens de ta vie jusqu’ici ? Peut-être est-ce là ton fil conducteur, le Fil d’Ariane de ta vie ? Si tu acceptes, nous allons t’aider par nos interventions à trouver une façon de concrétiser ce désir dans quelque chose de bien réel, un projet à ta portée, dans lequel tu pourras te réaliser et donner du sens à tes actions ». Validation du Fil d’Ariane Mathilda répond ceci : « On dirait que ce n’est pas de moi qu’il s’agit dans cette histoire. Pourtant, tous les faits sont exacts. Ça m’est bien arrivé, vous n’avez rien inventé, mais je n’arrive pas à comprendre que vous puissiez parler de moi en ces termes, alors que je me perçois tellement à l’opposé de ça! On dirait que vous racontez mon histoire, mais avec des lunettes différentes de celles des autres. J’ai toujours cru que j’étais une ratée — mon père me l’a dit tellement souvent — alors que vous me dites que je suis quelqu’un, je n’arrive pas à croire que vous pensez vraiment ça de moi… Mais ça me fait du bien d’entendre cette histoire, ça me donne même le goût de continuer. J’ai envie de la relire encore pour m’assurer que c’est bien de moi qu’il s’agit… ». Limites Le Fil d’Ariane a été utilisé à plusieurs reprises par les intervenants du Centre de réadaptation Estrie, mais n’a jamais fait l’objet d’étude ni de compte-rendu démontrant sa [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 21 pertinence comme outil pour favoriser le processus de résilience. Deux projets de recherche ont pour objectif de pallier en partie cette lacune. Le premier, réalisé par des étudiants de la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, cherche à comprendre l’impact du Fil d’Ariane sur la pratique des intervenants de réadaptation, notamment sur la qualité de la relation thérapeutique avec l’usager. Le second projet soumis par des chercheurs du Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation de Montréal, vise cette fois à vérifier l’impact du Fil d’Ariane sur le processus de résilience d’usagers participant à un programme de réadaptation physique. Conclusion L’étude récente de la résilience chez l’adulte donne l’occasion aux chercheurs et aux cliniciens de développer des programmes et des outils de prévention et d’intervention favorisant le bien-être des personnes ayant fait face à de l’adversité (Yates & Masten, 2004). Dans sa dimension quête de sens, la spiritualité peut représenter un puissant facteur de résilience pouvant soutenir la personne en réadaptation et l’aider à « rebondir et à s’adapter en dépit de l’adversité » (Rutter, 1985). L’épisode de réadaptation a le potentiel de devenir une expérience significative de croissance, en autant qu’il s’inscrive dans un projet de vie qui lui donnera du sens. C’est dans cette perspective positive que le Centre de réadaptation Estrie poursuit le développement du Fil d’Ariane. RÉFÉRENCES Black, K. et M. Lobo, (2008). « A conceptual review of family resilience factors », Journal of Family Nursing, vol. 14, n° 1, p. 33-55. Bonanno, G. A. (2004). Loss, trauma, and human resilience: Have we underestimated the human capacity to thrive after extremely aversive events? American Psychologist, 59(1), 20-28. Brown, C, & Augusta-Scott, T. (2007). Narrative therapy : Making meaning, making lives. Thousand Oaks, CA, US : Sage Publications. Chan, C. L. W., Chan, T. 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ANNEXE CONSIGNES À L’INTERVENANT Vous invitez la personne à aborder les thèmes dans l’ordre de son choix, sans obligation d’aborder tous les thèmes, en revenant en arrière au besoin pour compléter une information. Chaque thème cible un objectif plus ou moins spécifique. Vous n’avez pas à lire cet objectif à l’usager. Nous vous suggérons des questions qui peuvent servir d’amorces à la narration : sentez-vous à l’aise de les adapter. Au besoin, expliquez le sens du thème en vous servant du rationnel fourni. Dans la mesure du possible, il est préférable de ne pas terminer un thème sur une note négative, mais plutôt d’aider la personne à identifier un élément positif qui pourrait se rattacher à son expérience. L’objet symbolique n’est pas considéré comme un thème du Fil d’Ariane. C’est une façon que nous vous proposons de terminer l’entrevue. CONSIGNES À L’USAGER « Vous êtes le personnage principal d’une histoire unique. L’expérience que nous allons vivre ensemble va permettre de dégager les grandes lignes de cette histoire pour mieux vous connaître et mieux vous aider. Chacun des cartons qui se trouvent devant vous illustre un thème particulier. Ces thèmes ont été choisis afin de mettre en lumière différents aspects de vous. J’aimerais que vous choisissiez un de ces thèmes et je vous poserai des questions sur ce sujet. Je reviendrai sur ce que vous avez bien voulu me dire et j’en ferai un récit, une brève histoire. Lors d’une prochaine rencontre, nous reprendrons cette histoire ensemble de façon à ce que vous puissiez en valider le contenu. Si vous le désirez, ce récit sera présenté au reste de l’équipe de réadaptation et à vos proches. L’entrevue sera filmée. Nous vous remettrons le document en souvenir de votre réadaptation. Avec lequel des dessins qui se trouvent devant vous aimeriez-vous commencer votre histoire? » THÈMES 1. ENFANCE ET ADOLESCENCE Disposez les photos devant la personne. Rationnel : L’enfance et l’adolescence sont la période de la vie souvent représentée par un creuset. L’évocation de cette période par l’usager doit permettre de dégager des [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 29 moments déterminants qui ont pu influencer son parcours de vie et lui donner une couleur particulière. Objectif : avoir accès aux souvenirs importants vécus pendant cette période de la vie. Amorces suggérées : Choisissez une photo parmi celles-ci et dites-moi ce qu’elle évoque pour vous. Y a-t-il des événements particuliers qui ont été déterminants dans votre vie? Quel était votre principal passe-temps (jeu, activité)? Dans quelle activité étiez-vous bon? Quel est le plus beau cadeau que vous avez reçu? Comment se passaient les Fêtes dans votre famille? Aviez-vous un héros? Comment vous inspirait-il? 2. MOTIVATIONS DE FOND Rationnel : ce thème réfère aux forces qui déterminent le comportement de la personne, ce qui influence ses choix, son engagement, son actualisation, les raisons pour lesquelles sa vie vaut d’être vécue. Objectif : identifier les raisons profondes (valeurs, croyances, besoins) qui ont déterminé les choix de vie et qui pourraient aider à établir de nouveaux projets. Questions suggérées : Reportez-vous lorsque vous étiez adolescent ou plus tard dans votre vie de jeune adulte et dites-moi ce qui vous animait, vous motivait tout particulièrement? À quoi rêviez-vous? Quelles étaient vos valeurs, vos croyances? Est-ce que ces valeurs ou croyances ont orienté ce que vous avez fait par la suite? Aujourd’hui, avez-vous les mêmes valeurs ? Quelle place occupent-elles dans votre vie? Qu’est-ce qui donne du sens à votre vie? Dans quoi êtes-vous engagé? Qu’est-ce qui vous passionne? Pourquoi? 3. DÉFIS Rationnel : la personne se construit à travers les défis qu’elle relève et les épreuves qu’elle traverse. Pendant la réadaptation, ce thème lui donne l’occasion de prendre du recul par rapport à ses difficultés actuelles et de reprendre contact avec ses forces et ses réussites. Objectif : faire ressortir et reconnaître les forces intérieures (ex : sensibilité, humour, optimisme, persévérance, réalisme, courage, combativité, etc.) qui pourraient être utilisées dans le cadre de la réadaptation. Questions suggérées : Y a-t-il une ou des réalisations, des défis que vous avez relevés et dont vous êtes particulièrement fier? Qu’est-ce que cela vous a demandé? Vous souvenez-vous de moments particulièrement difficiles dans votre vie? Comment vous en êtes-vous sorti? Seul ou avec l’aide de quelqu’un d’autre? Est-ce que vos croyances vous ont aidé à affronter et à surmonter ces difficultés? Quelle est votre attitude face aux défis ou aux épreuves de la vie? 4. EXPÉRIENCES DE TRANSFORMATION Rationnel : certaines expériences de vie touchent davantage et induisent des changements fondamentaux au niveau des rôles, des relations, et même du sens de la vie. Ces expériences agissent comme révélateurs de ce qui est important pour la personne. Objectif : faire ressortir le potentiel de transformation de l’usager, sa capacité à entrevoir sa réadaptation comme un point tournant dans sa vie, ce qui nécessite de l’ouverture à changer, la capacité à s’abandonner, à prendre du recul. Questions suggérées : Y a-t-il un ou des événements ou encore une ou des expériences qui ont influencé le cours de votre vie (ex : naissance, rencontres, autres)? Décrivez cette expérience et ce que vous en avez dégagé? Depuis cet événement particulier, vos croyances ont-elles changé? Votre façon de voir le monde? Vos relations avec les autres? Vos pratiques religieuses? Le sens de votre vie? Aviez-vous une idole? Un héros? Un mentor? Comment vous inspire-t-il? Qu’est-ce que cette expérience vous révèle de vous-même 5. ASPIRATIONS Rationnel : l’être humain est mû par un élan qui le pousse à croître et à actualiser son potentiel vers la réalisation d’un objectif de vie. Objectif : faire ressortir les passions, les rêves, les raisons qui font que la personne se mobilise et se dépasse. La façon de se positionner face à ses propres rêves donne une idée du sentiment de sécurité personnelle de l’individu, sur ses façons de réagir à l’inconnu. Ces éléments pourraient guider la personne dans le choix d’un projet de vie et donner une couleur particulière à son plan d’intervention. [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 31 Questions suggérées : Aussi loin que vous pouvez remonter dans votre enfance, y a-t-il quelque chose que vous auriez toujours voulu faire ou accomplir? Êtes-vous animé par une cause? Avez-vous toujours des rêves, des projets que vous aimeriez réaliser? Dans votre vie, avez-vous fait quelque chose d’un peu fou, qui sortait de l’ordinaire, ou quelque chose que vous aimeriez faire dans le futur? Si on vous disait que vous partez en voyage bientôt vers l’accomplissement de cette mission, à quoi ressemblerait ce voyage? (développer sous forme d’imagerie). 6. CONNEXIONS Rationnel : l’être humain a besoin d’être en relation : c’est l’un des facteurs de sens à sa vie. Objectif : dégager les forces découlant de la capacité à se connecter avec les autres, avec la nature, avec une force supérieure (capacité à aimer, espoir, sensibilité, générosité, etc.). Questions suggérées : lien avec les autres Qui sont les personnes les plus importantes ou significatives dans votre vie ? Pourquoi le sont-elles ? Comment décrieriez-vous vos relations avec ces personnes ? Vous sentez-vous appartenir à une communauté ? Laquelle ? Qu’est-ce que cette communauté vous apporte ? Dans quels moments avez-vous l’impression d’appartenir à la communauté humaine ? Questions suggérées : lien avec la nature Quels sont les moments où vous vous sentez lié à la nature ? Comment vous sentez-vous lorsque vous êtes en nature ? Avez-vous un animal de compagnie ? Quelle importance les animaux ont-ils dans votre vie ? Questions suggérées : lien avec une force supérieure Vous décrieriez vous au sens le plus large du terme comme une personne croyante, spirituelle ou religieuse ? En qui ou en quoi croyez-vous ? Actuellement, quelle est la place de cette croyance dans votre vie ? 7. BIEN-ÊTRE Rationnel : les moments de bien-être peuvent servir de refuge ou d’ancrage pour la personne qui traverse une période d’adversité Objectif : faire ressortir la façon de prendre soin de soi, la façon d’être présent à soimême Questions suggérées : Qu’est-ce qui vous procure des moments de bonheur? Qu’est-ce qui vous fait du bien? Quelle est votre activité préférée? Votre musique préférée? Avez-vous un passe-temps? Avez-vous déjà ressenti le plaisir de créer quelque chose ? Pratiquez-vous un art ? Si oui, quelles sont vos sources d’inspiration? Si vous étiez un artiste, qui seriez-vous ? Pourquoi ? Dans quels moments vous sentez-vous en harmonie avec vous-mêmes ? Qu’est-ce qui vous aide à atteindre une paix intérieure ? Que faites-vous pour vous recentrer sur vous-mêmes ? UN OBJET SYMBOLIQUE Rationnel : un objet peut traduire différents aspects de la personne et jeter un éclairage sur sa façon de se représenter. Objectif : conclure l’entrevue, faire ressortir la perception que la personne a d’elle-même (son regard), mais sous une forme imagée. Questions suggérées : Y a-t-il un objet qui vous représente? Que représente-t-il pour vous ? C’est possible que cet objet évolue au fil du temps que vous passerez avec nous. Nous pourrons alors en discuter. [Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation] 33 GUIDE DE RÉDACTION DU FIL D’ARIANE Vous avez en main les informations vous permettant de rédiger le Fil d’Ariane de l’usager. Cette histoire doit faire ressortir, comme son nom l’indique, le fil conducteur ou la ligne directrice qui a contribué à donner du sens à la vie de l’usager avant son arrivée en réadaptation. Cela vous oblige à porter une attention particulière aux thèmes Aspirations et Motivations de fond, sans toutefois délaisser les autres qui pourront apporter un éclairage sur les forces et les facteurs de protection personnels et environnementaux de la personne. Cette notion de fil conducteur est centrale à la démarche, et pourra servir à ajouter du sens à la réadaptation et en augmenter l’efficacité. Le ton du Fil d’Ariane se doit d’être résolument positif : rappelez-vous que ce court récit représente le regard que vous portez sur votre usager, et que ce regard se mêlera au sien pour le faire grandir et l’aider à traverser sa réadaptation, voire même en faire une expérience de transformation. La forme du récit peut varier d’un usager à l’autre. Il s’agit d’adapter le texte à l’usager, à son âge, à son niveau de langage et d’abstraction. Vous pouvez construire votre texte autour d’une métaphore (inspirée ou non des images de l’usager) si vous croyez que ce langage est susceptible d’être mieux compris. L’important, c’est que vous puissiez cerner en quelques lignes (environ une page) l’essence de l’histoire de vie de cet usager. Un truc : essayez de trouver un mot, un verbe d’action qui pourrait résumer le fil conducteur. Enfin, la dernière étape consiste à valider votre écrit par l’usager. À noter que cette validation porte davantage sur le contenu (les faits) que sur votre perception, celle-ci étant de par sa nature subjective. Ne soyez pas étonné si l’usager a du mal à se reconnaître dans votre récit : s’il admet les faits que vous rapportez, il aura peut-être besoin d’une période de temps pour s’approprier le traitement que vous en avez fait. C’est maintenant le temps de vous mettre à la rédaction. Laissez-vous guider par ce qui vous a le plus touché, ce qui vous a impressionné chez l’usager. C’est probablement ce qui donnera une couleur particulière à votre narration. Faites-vous confiance…