Candide - Flammarion enseignants
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G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 51 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 3 VOLTAIRE Candide n° 1290 / 2,80 € I. P O U R Q U O I É T U D I E R CANDIDE AU LYCÉE ? UN TEXTE FONDATEUR blouissant d’esprit, étincelant de malice, jubilatoire dans É la satire, et chef-d’œuvre de fantaisie et d’imagination : Candide fait depuis longtemps partie des œuvres du siècle des Lumières étudiées dans les classes de lycée, et à juste titre. Mais qui aurait imaginé – Voltaire en premier lieu – que, de toute l’œuvre du philosophe, ce conte resterait à la postérité comme son texte le plus lu chaque année par des milliers d’élèves ? Les lecteurs du XIXe siècle avaient une fréquentation bien plus assidue des textes historiques et philosophiques, ainsi que du théâtre et de la poésie de Voltaire, souvent jugés classicisants et impraticables aujourd’hui. Candide est à présent devenu une porte d’entrée irremplaçable au siècle des Lumières et à l’œuvre de son plus éminent ironiste. Cela non sans douleur ? Jean Goldzink avoue, dans la belle présentation qu’il donne à cette œuvre, « l’embarras » qui saisit à la vue d’un tel engouement scolaire l’amoureux du texte : « Plutôt tenter de regarder le chef-d’œuvre comme on ferait d’un être longuement aimé, qu’on voudrait revoir comme au premier matin, bien que sachant impossible la chose » (p. 8). Et c’est pourtant exactement cela qu’il faut à Candide, et ce que propose le préfacier : une lecture qui rafraîchit et éclaire le texte, qui suggère pistes, qui offre documents et réflexions supplémentaires. On aime certes à lire dans Candide l’écho des combats de Voltaire. On y détecte une leçon de tolérance Candide Édition avec dossier de Jean Goldzink G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 52 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 52 contre les fanatismes, une leçon de paix contre la « boucherie héroïque » (p. 43) des guerres, une leçon de justice et d’humanité contre toutes les inégalités, mais toutes ces leçons aboutissent finalement en leçon de doute, de relativisme, et de désillusion. Allemagne, Hollande, Portugal, Espagne, Argentine, Paraguay, Pérou, Surinam, France, Angleterre, Italie, Turquie… Le trajet de Candide est un aller-retour entre Europe et Nouveau Monde, une quête de sens qui, par le déplacement même qu’elle nécessite, trouve sa portée universelle. Parce que la chute originelle de l’Éden du château de Thunder-ten-tronckh qui fait entrer Candide dans l’Histoire et la quête signifie l’impossibilité de tout retour en arrière, la quête demeure vaine. Tout gain est aussitôt envolé, Cunégonde devient laide, les trésors rapportés d’Amérique sont volés ou perdus ; l’Eldorado lui-même n’apparaît qu’au milieu du conte dans deux des plus longs chapitres (p. 85-94), point axial où bascule le sens, et où la quête grandiose de l’utopie s’inverse en une philosophie pratique qui ne progresse plus que vers le retrait et l’humilité. Ne reste que la satire, et la verve subversive qu’elle adopte chez Voltaire. Éveilleur de consciences, l’auteur en appelle à des lecteurs critiques sachant goûter le plaisir de cette joyeuse destruction des systèmes suspects et des fanatismes religieux, à l’écoute de la dénonciation de ces aberrations politiques et de la misère humaine : Candide apparaît, plus que jamais, comme un texte d’une modernité criante et comme un texte de plaisir. ÉTUDIER CANDIDE EN CLASSE DE PREMIÈRE Candide se situe à la croisée de plusieurs objets d’étude de la classe de première. Il est exploitable dans le cadre de l’« Étude d’un mouvement culturel et littéraire du XVIIIe siècle », puisqu’il permet d’aborder bon nombre de questions littéraires ou philosophiques liées aux Lumières. La densité, en particulier, des chapitres du château, de l’Eldorado et du jardin permet d’envisager des questions philosophiques et culturelles extrêmement variées. En outre, ce conte est adapté à l’objet d’étude « Convaincre, persuader, délibérer : formes et fonctions de l’apologue », en ce qu’il permet de réfléchir aux différentes formes de l’argumentation, directe ou indirecte, ainsi qu’aux visées de la satire. Il n’est pas tant de textes aussi inventifs et efficaces sur le plan du trait satirique, et dont l’écriture soit aussi accessible. G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 53 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 53 Séance SYNOPTIQUE DE LA SÉQUENCE Support Objectifs Activités Séance 1 Couverture, illus- Introduction au texte, pré- Lecture d’image. trations, paratexte. sentation des probléma- Étude commentée tiques liées au genre. du paratexte. Séance 2 Ensemble du conte, La structure et le disposi- Étude comparée. et plus particuliè- tif argumentatif du conte rement chapitres I, philosophique. XVII-XVIII et XXX. Séance 3 Ensemble du conte, Formes et cibles et plus particulière- de la satire. ment chapitre III. Parcours de lecture. Séance 4 Chapitres VI et XIX. Parcours de lecture. Séance 5 Chapitres XVII-XVIII. L’écriture utopique et sa Lecture cursive. Comparaison avec parodie. Les valeurs des Le Mondain. Lumières. Séance 6 Chapitre XXX. Séance 7 Formes et cibles de la satire (suite). Les combats de Voltaire. L’épilogue de Candide. Lecture cursive. Synthèse sur l’œuvre, ré- Sujet d’invention. flexion finale sur ses ap- Commentaire littéraire. ports à la modernité litté- Dissertation. raire et philosophique. III. D É V E L O P P E M E N T DE LA SÉQUENCE SÉANCE 1 INTRODUCTION À CANDIDE Objectif : Introduire à l’œuvre de façon dynamique, en suscitant la curiosité des élèves par des remarques sur des éléments significatifs du paratexte. • Travail préparatoire Une fois que l’œuvre aura été lue et qu’un repérage très précis aura été effectué épisode par épisode, les élèves pourront commenter et mettre en relation deux moments du texte illustrés par la couverture et la gravure reproduite p. 81. Quelle dimension de l’œuvre de Voltaire ces deux illustrations mettent-elles en évidence ? Candide II. T A B L E A U G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 54 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 54 • Remarques sur les illustrations L’illustration de couverture de l’édition GF fait référence à l’épisode qui ouvre le conte philosophique : il s’agit du passage où Candide est chassé du château de Thunder-tentronckh « à grands coups de pieds dans le derrière » (p. 40, 117). Les élèves pourront s’interroger sur le sens de l’œuvre mis en relief par l’éditeur : pourquoi le pied du baron est-il aussi disproportionné ? Pourquoi Candide n’apparaît-il que comme une petite silhouette ainsi renversée ? Peut-être est-ce sur la portée ironique et satirique que l’illustration insiste, figurant, outre le baron et Candide, le coup de pied de Voltaire et ses cibles – à moins qu’il ne s’agisse de l’ironie de Voltaire malmenant son lecteur ? Dans tous les cas, l’illustration annonce une lecture polémique, prête à bousculer, à renverser les certitudes, voire à les déplacer : une silhouette de navire, en bas de l’image, ne rappelle-t-elle pas justement la thématique du voyage ? La lecture d’image se poursuivra sur la question philosophique fondamentale de Candide : qu’incarnent les fleurettes, les pommes, et les livres ? Pourquoi l’éditeur a-t-il choisi une dominante rose pour la couverture de ce conte philosophique ? La thématique du « meilleur des mondes possibles » (p. 38, 52, 54, 138, etc.), formule qui apparaît de nombreuses fois dans le texte, pourra ainsi surgir d’une activité d’introduction stimulante. La gravure d’après Moreau le Jeune reproduite p. 81, particulièrement amusante, fait référence à l’un des épisodes les plus étonnants du conte : celui où Cacambo et Candide, avant d’arriver à l’Eldorado, aperçoivent deux singes poursuivant deux femmes nues. Aussi inconvenant sur le plan de la morale qu’il est osé sur le plan de l’inversion des signes et des valeurs, cet épisode apparaît comme emblématique. C’est l’audace philosophique et satirique de Voltaire qui est mise en évidence à travers l’illustration de cet épisode, qui n’est pas essentiel sur le plan de l’économie narrative mais qui prépare en revanche l’un des épisodes fondamentaux du conte : celui du pays d’Eldorado. • L’étude de la page de titre Le paratexte de Candide est riche de sens et cependant paradoxal : il permet de poser les grands axes de réflexion sur le conte philosophique. La page de titre (p. 35) est accompagnée G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 55 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 de notes de Jean Goldzink qui donnent les premiers éléments d’interprétation du texte. On sera plus particulièrement attentif aux aspects suivants, que la présentation et le dossier permettent de mieux comprendre : – Le double titre : Candide, ou l’Optimisme. Voltaire indique la double nature du genre que Candide inaugure : le « conte philosophique », dont les visées sont à la fois légères, divertissantes et sérieuses, appelant à la réflexion. Le Dossier retrace l’arrière-plan philosophique du terme « optimisme » (p. 153 sq.). – Le recours à la fiction auctoriale. Voltaire se cache ici sous les traits d’un auteur allemand, au nom pourtant bien britannique, un certain « Docteur Ralph » (cf. note 2, p. 35). La fausse attribution est une façon d’éviter les censures et les polémiques d’un texte dont le genre est, de plus, perçu comme mineur, et peu digne du philosophe. SÉANCE 2 LA STRUCTURE DU CONTE PHILOSOPHIQUE → Ensemble du conte, et plus particulièrement chapitre I (p. 37-40), chapitres XVII-XVIII (p. 85-94) et chapitre XXX (p. 136-140). Objectif : La structure du conte philosophique, entre narration et argumentation. Les modèles du récit picaresque, de l’utopie et du conte. Le travail de cette séance se fondera sur un parcours de lecture comparatif des trois principaux moments du conte. • Travail préparatoire En se reportant à l’itinéraire de Candide (voir carte donnée dans le Dossier, p. 168-169), les élèves feront apparaître un élément de structure fondamental : aller et retour de l’Europe au Nouveau Monde, avant et après l’Eldorado, soit parcours vers l’utopie, puis désenchantement provoqué par le nécessaire retour au réel. On rappellera, en retraçant cet itinéraire, les principaux épisodes du conte. La structure du conte est étroitement liée aux déplacements de Candide, dont l’apprentissage se fait au gré des thèses qu’il rencontre dans chacun des endroits visités. Chaque épisode répond ainsi à des questions Candide 55 G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 56 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 56 incontournables : formes de gouvernement, religions, tolérance, mœurs sociales, etc. La consultation de la suite apocryphe de Candide (1760) donnée dans le Dossier (p. 180-187) permettra de montrer aux élèves que, quoique dépourvu de la verve voltairienne, le pastiche est fidèle et obéit à des règles de construction précises. • Structure du conte philosophique Le travail sur la structure permet de mettre en lumière quelques traits marquants de l’écriture du conte philosophique. – L’absence de structure narrative profonde, sur le modèle du récit picaresque. Certes, les voyages de Candide sont déterminés par le souhait de retrouver Cunégonde et par la quête d’un « autre univers » où « tout est bien » (p. 63), mais la plus grande part en est laissée au hasard. On pourra s’attacher à montrer le fonctionnement épisodique du conte, en mettant en évidence l’autonomie de plusieurs passages ou de récits enchâssés (cf. « Histoire de la vieille », p. 64 sq.). La structure de l’apologue dans le conte philosophique est avant tout déterminée par une logique démonstrative, et non spécifiquement narrative. Les élèves se reporteront à l’adaptation théâtrale de Candide par Serge Ganzl (Dossier, p. 189196), dans laquelle on voit que les scènes s’enchaînent sur le mode de l’ellipse, ce que le conte prépare de toute évidence. – L’inversion de la structure traditionnelle du conte. Le château n’est pas le lieu auquel aboutit le héros au terme d’un parcours de quête ou d’initiation, c’est au contraire celui de la situation initiale, lieu de l’illusion philosophique et des préjugés, et la cible de la satire. À l’inverse, la situation finale du conte, après de nombreuses péripéties, montre un Candide plus sage ayant adopté une morale pratique et humble (voir Séance 6). – Trois lieux importants constituent les jalons d’une démonstration qui fait courir Candide de l’Europe au Nouveau Monde avant de revenir : le château de Thunder-ten-tronckh, au début du conte, l’Eldorado, et le jardin de la « Conclusion ». Le conte s’articule ainsi entre trois définitions du bonheur. G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 57 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 57 • Les trois moments de la démonstration voltairienne : le château, l’Eldorado, le jardin – d’un état social , caractérisé par un ordre de valeurs : hiérarchie rigide, monarchie éclairée, triomphe modeste de l’égalité ; – d’un état des connaissances : fallacieuses (la fameuse « métaphysico-théologo-cosmolonigologie » de Pangloss, p. 38) ou réelles, sciences ou superstitions, approuvées par le pouvoir, ou au contraire punies ; – d’une morale et de sa pratique : de l’éthique nobiliaire du château à l’épicurisme courageux du jardin, en passant par l’hédonisme de l’Eldorado. On montrera que ces chapitres fonctionnent comme colonne vertébrale de l’argumentation dans le conte. La structure de Candide est donc un élément majeur du projet des Lumières comme du dispositif argumentatif. Elle mène, par une succession d’épisodes organisés autour de celui de l’Eldorado, de l’illusion à la vérité, des faux-semblants du discours philosophique à une philosophie pratique et épicurienne caractérisée par son humilité et son accessibilité. • Repères pour l’étude du chapitre initial Puisque les chapitres de l’Eldorado et de la conclusion seront abordés plus loin, on peut travailler en guise d’ouverture sur le chapitre I : « Comment Candide fut élevé dans un beau château, et comment il fut chassé d’icelui » (p. 37 sq.). – L’écriture du conte. On s’intéressera plus particulièrement aux éléments traditionnels du conte : contexte aristocratique, thèmes de la félicité originelle, du péché qui entraîne l’exclusion et la quête qui s’ensuit, expressions stéréotypées (« Il y avait », « icelui »), expressions mélioratives ou superlatives (« le plus grand », p. 39). On attirera l’attention des élèves sur le fait que ce premier chapitre est également une parodie du début de la Genèse. Candide Quelle conception du bonheur est donnée à lire dans chacun des chapitres suivants : I, XVII-XVIII, et XXX ? Le travail préparatoire demandé à la classe permettra de mettre en regard les trois passages autour desquels s’articule le conte, et d’y observer des similitudes d’écriture, qui pourront être représentées sous forme de tableau. À chaque fois il est question en effet de la définition : G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 58 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 58 – La parodie et la satire de l’aristocratie , dont les valeurs sont jugées illusoires. Voir la galerie stéréotypée de personnages ; le jeu de décalage sur les référents et les mots qui servent à les désigner semble évident (« palefreniers », « piqueurs », « vicaire », « grand aumônier » p. 38). L’esprit satirique se manifeste aussi dans l’invention des noms : « Thunder-ten-tronckh ». L’ironie de Voltaire porte en outre bien souvent sur les nombres, des « soixante-douze quartiers » requis pour marier Cunégonde aux « trois cent cinquante livres » de la baronne, qui lui valent « une très grande considération » (p. 37-38). SÉANCE 3 FORMES ET CIBLES DE LA SATIRE → Ensemble du conte, et plus particulièrement chapitre III, de « Rien n’était si beau » à « pour lui apprendre à vivre » (p. 43-44). Objectif : Il est nécessaire que des élèves de première puissent, dans la perspective de l’épreuve orale, disposer de solides outils d’analyse de la satire. Quoiqu’elle fasse converger des effets, la satire voltairienne met en œuvre des cibles, des types de discours et des outils différents, dont l’étude et la variété constituent un enjeu en soi, et que ce parcours de lecture est chargé d’explorer. • Travail préparatoire Le Dossier (« De Dieu, du mal et du bien », p. 143 sq.) donne un aperçu de la philosophie leibnizienne contre laquelle Voltaire tourne ses pointes satiriques, ainsi que de la lecture faite par Voltaire de cette philosophie. Les extraits des Essais de théodicée de Leibniz (p. 144-151), du Poème sur le désastre de Lisbonne de Voltaire, ainsi que de la Correspondance littéraire de Grimm et Diderot (p. 151-153) permettent d’introduire aux débats de l’époque. Ce travail préalable intéresse de près l’analyse de la satire voltairienne puisque celle-ci dessine en creux et en négatif, épisode après épisode, la philosophie qu’elle se charge de remettre en cause. G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 59 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 59 On étudiera notamment dans ce début de chapitre le registre héroï-comique qui résulte du contraste entre la réalité atroce de la guerre et les caractéristiques du registre épique parodié. – L’expression du registre épique n’est ici que parodique puisqu’elle va de pair avec les marques de l’ironie la plus flagrante. Les élèves pourront ainsi relever pluriels, nombres et énumérations épiques, travailler sur les rythmes et les anaphores, ou encore envisager ce qui, dans la description du combat, permet de le lire comme un spectacle accompli pour le plaisir des monarques. (Étudier en particulier les effets de symétrie d’un camp à l’autre, premier indice que cette épopée n’est en fait qu’une boucherie inutile.) – Le travail de l’ironie : Voltaire réserve à nombre de ses phrases des effets de chute qui en inversent le sens épique. Il détourne également à plusieurs reprises des termes philosophiques (« raison suffisante », p. 43), façon pour lui d’identifier la cible de la satire : derrière la description de la guerre, c’est la philosophie optimiste qui est visée. On relèvera le travail sur l’oxymore (« cette boucherie héroïque »), la litote, l’euphémisme, l’hyperbole et l’antiphrase, et sur les modalisations : cf. l’évaluation des pertes qui, volontairement imprécise, en souligne l’horreur, tout en créant un climat d’incertitude propre au discours ironique. Au terme de l’étude de ce passage fameux, les élèves rédigeront une fiche consacrée à la satire et à ses procédés, qui sera complétée dans les séances suivantes. • Étude du discours de Pangloss Pour avoir un aperçu de la diversité des procédés satiriques utilisés par Voltaire, l’étude d’un passage où le discours du leibnizien par excellence qu’est Pangloss n’est cité que pour être raillé pourra être conduite. C’est par le discours du personnage que la satire fonctionne en se tournant contre lui ; ce procédé se distingue, par son efficacité, de l’ironie narratoriale. – La nature des théories panglossiennes. Étude des jeux de construction verbale : le philosophe de Thunder-ten-tronckh enseigne la « métaphysico-théologo-cosmolonigologie ». On notera en outre les parodies des généalogies et énumérations Candide • Repères pour l’étude du chapitre III G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 60 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 60 bibliques (p. 139), et le travail sur la citation. Pangloss ne fait que citer : son savoir vain et emprunté apparaît de façon criante comme un contenu vide de sens face à l’expérience gagnée par Candide. – La parodie de l’argumentation. La démonstration de Pangloss, parodique, conduit à détruire la philosophie qu’il incarne. Sa parole, marquée par l’accumulation, se révèle n’être que vide, ou n’être qu’une fausse démonstration : répétitions du mot « prouver », p. 37, 38, 50; logique bancale des démonstrations (« le chocolat et la cochenille », p. 47-48) et trivialité des exemples convoqués (les lunettes, les chausses, le porc, p. 38-39). – La dévalorisation des discours par l’expérience. Le discours théorique et creux de Pangloss devient odieux ou se ridiculise lui-même lorsqu’il est confronté à l’expérience : l’exemple abat la thèse, procédé de satire qui structure les épisodes du récit. L’exemple d’application des leçons de « physique expérimentale » (p. 39) à la femme de chambre de la baronne suffit pour ridiculiser la « raison suffisante » de Pangloss, de même que le tremblement de terre de Lisbonne, la guerre, l’esclavage de Surinam interdisent de croire en l’optimisme. • Éléments de conclusion La satire voltairienne fait feu de tout bois. La séance aura permis un travail détaillé et illustré d’exemples sur les principaux procédés satiriques mis au service de l’ironie, qui convergent pour leur majorité vers une dénonciation de l’optimisme leibnizien, discrédité au terme du conte. Mais Candide n’est-il pour autant qu’un texte « pour rire » ? N’y a-t-il pas, dans la succession des horreurs traversées par Candide, quelque chose de plus urgent que la réfutation d’une théorie philosophique ? Le regard d’un Voltaire compatissant n’apparaît-il jamais ? Un extrait de l’Histoire des voyages de Scarmentado de Voltaire (Dossier, p. 178-180), première ébauche du récit de l’autodafé, permettra d’interroger le travail de la satire par opposition au texte de fiction. On pourra, en guise de conclusion et de transition pour la séance qui suit, faire s’interroger les élèves sur l’ambiguïté de la satire : comment la peinture de l’horreur s’accommode-t-elle du traitement satirique, c’est-à-dire du rire ? G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 61 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 61 SÉANCE 4 LES COMBATS DE VOLTAIRE DANS CANDIDE Objectif : Compléter l’étude de la satire, tout en mettant en évidence d’autres dénonciations opérées par Voltaire, parmi lesquelles la barbarie de l’esclavage et l’intolérance religieuse. La légèreté satirique des passages étudiés précédemment laisse ici place à un regard plus grave, voire pathétique dans l’épisode du nègre de Surinam. • Travail préparatoire Bon nombre de références historiques et contextuelles sont nécessaires pour prendre la pleine mesure de l’écriture de ces deux chapitres. Quoique conte philosophique, Candide est un texte nourri des chroniques et des savoirs de l’époque. On pourra donc demander aux élèves des recherches contextuelles, sur l’Inquisition (voir l’illustration page suivante), le tremblement de terre de Lisbonne, et les échos que celui-ci a pu avoir au XVIIIe siècle (voir Dossier, p. 148-153). Des précisions sur la traite et l’esclavage au XVIIIe siècle, sur le commerce triangulaire, ainsi que sur le Code noir pourront aider à la compréhension du texte et de ses enjeux. • Étude de l’épisode de l’autodafé – La satire de l’intolérance et de la superstition religieuse. Le chapitre est bref, et obéit à une construction riche de sens. Ses articulations permettent de dégager son intention satirique : après la description minutieuse de l’autodafé, l’inutilité de celui-ci apparaît de façon saillante, avec la mention suivante : « le même jour la terre trembla avec un fracas épouvantable » (p. 54). – La description des supplices. On relèvera tous les éléments qui s’accordent à faire de ces supplices et châtiments une vision spectaculaire (rituel, costumes et musique) : les commentaires d’appréciation esthétique de la part du Candide → Chapitre VI (p. 53-54) et chapitre XIX, de « En approchant de la ville » à « en pleurant il entra dans Surinam » (p. 94-95). © Archives Flammarion G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 62 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 Diverses manières dont le Saint-Office fait poser la question Gravure de Bernard Picart (1722) Paris, Bibliothèque des Arts décoratifs Créée par la papauté pour lutter contre l’hérésie, l’Inquisition, organisme judiciaire ecclésiastique, fut active à partir du XIIIe siècle dans l’Europe chrétienne et dans les colonies espagnoles. Les inquisiteurs, lorsqu’ils arrivaient dans un foyer d’hérésie ou de sorcellerie, laissaient un temps de grâce durant lequel ceux qui abjuraient spontanément étaient réconciliés moyennant une pénitence légère. Puis l’enquête commençait, sur dénonciations. La mise à la question fut autorisée par Innocent IV en 1252. Cette gravure de 1722 donne à voir les différents supplices que les inquisiteurs utilisaient pour obtenir des aveux : le feu, l’eau, et surtout la poulie (garrucha) : l’accusé, attaché à une corde, était soulevé du sol, puis brutalement relâché. Les sentences étaient proclamées lors d’un sermon général, ou « acte de foi » (l’auto-da-fe espagnol), les peines allant du port de signes infamants à la prison, en passant par la flagellation ou encore la confiscation des biens. Ceux qui refusaient d’abjurer étaient condamnés au bûcher. G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 63 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 narrateur visent à produire un effet de distanciation, aux antipodes des conventions du conte. – Le passage est essentiellement fondé sur une ironie mordante qu’il faudra analyser avec précision, notamment dans ses figures de style récurrentes : litotes et antiphrases sont légion et servent à décrire, sous des dehors riants, une réalité terrifiante. La parataxe voltairienne (« Candide, épouvanté, interdit, éperdu, tout sanglant, tout palpitant ») est le trait majeur de cette ironie : supprimant tout lien logique entre les différents termes de la phrase, elle contribue à dénoncer l’absurdité du châtiment religieux : « prêché, fessé, absous et béni » (p. 54). • Un épisode pathétique : le nègre de Surinam Les travaux réalisés jusqu’à présent pourraient faire croire que Candide n’utilise, pour dénoncer les horreurs traversées par les héros, que la satire et l’ironie. Il n’en est rien. On pourra ainsi montrer dans le chapitre XIX comment la dénonciation des barbaries du système esclavagiste échoue à prendre les couleurs habituelles du rire voltairien. Candide, à cette occasion, ne manque pas – chose rare dans le texte – de formuler explicitement la thèse anti-leibnizienne : « c’en est fait, il faudra qu’à la fin je renonce à ton optimisme » (p. 95). – Le recours au dialogue. Le changement de registre peut s’expliquer par la forme du texte. Il s’agit avant tout d’un dialogue entre des personnages que l’expérience de l’horreur scandalise. Ce n’est pas un narrateur satiriste qui s’indigne de l’esclavage, ni un Pangloss qui pose des questions au nègre de Surinam : par le biais de Candide, le narrateur semble se situer, dans ce dialogue avec l’esclave mutilé – témoin sobre des atrocités de l’esclavage –, sur un plan de compassion sincère que d’autres passages du texte ne rendent pas sensible de la même façon. Les élèves compareront cet épisode avec les autres passages où la mutilation est évoquée (cf. par exemple l’histoire de la vieille ayant perdu une fesse, p. 70). – Le caractère pathétique de la scène est perceptible dans la description de l’esclave et de son « état horrible » (p. 94) – l’esclave est triplement diminué : couché, à demi nu, et mutilé. Il apparaît ensuite dans son discours. L’esclave parle en effet en tant que témoin d’une situation générale monstrueuse où les bourreaux n’apparaissent presque pas (utilisation des pronoms « nous », « on », p. 30), hormis Candide 63 G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 64 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 64 M. Vanderdendur, évoqué en des termes sobres. Les anaphores énumérant les punitions infligées contribuent au caractère pathétique de la scène. Le récit de l’enfance et de l’histoire de l’esclave, vendu par ses parents, l’humanise considérablement. – La réécriture du Code noir. Voltaire ne reprend de ce Code que quelques éléments, pour le faire paraître dans toute sa barbarie et son absurdité (voir p. 95, notes 1 et 2). – Le regard de Voltaire. On pourra enfin s’intéresser aux traces d’ironie qui subsistent malgré tout dans le discours de l’esclave. Même s’il interroge une victime pour dénoncer ses bourreaux, Voltaire se coule dans cette parole testimoniale pour laisser entendre l’ironie qui lui est propre. En témoignent les expressions suivantes : « les fétiches », « je ne suis pas généalogiste », « fortune » (p. 95). SÉANCE 5 L’UTOPIE → Chapitre XVII-XVIII (p. 85-93) ; Le Mondain, de Voltaire. Objectif : Ce chapitre est un passage incontournable dans l’étude de l’œuvre. Sa place centrale en fait le lieu d’un enjeu tout particulier. On y analysera notamment l’écriture de l’utopie, et l’enjeu de cette arrivée à l’Eldorado – « meilleur des mondes possibles » où « tout est au mieux » – sur le plan des valeurs et de la leçon philosophique proposée par Voltaire. • Travaux préparatoires Outre une lecture attentive du texte, on pourra demander aux élèves de faire une recherche sur le mythe de l’Eldorado. « Le pays doré », pays mythique décrit par les premiers conquistadores – Francisco de Orellana notamment –, était supposé renfermer les trésors inestimables d’une civilisation agricole prospère. Le voyage de La Condamine en Amazonie, en 1744, contribua à remettre en cause l’existence de ce pays, qui est donc déjà mythique à l’époque où Voltaire écrit Candide. On se reportera au Dossier, qui propose un développement sur l’utopie du XVIe au XVIIIe siècle, à partir de définitions et d’extraits de textes (p. 158-167). G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 65 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 65 Il est nécessaire d’analyser, avant le chapitre de l’Eldorado proprement dit, les éléments qui préparent la découverte de ce monde utopique. On relèvera tout d’abord les signes de l’arrivée dans un monde aux valeurs inversées : Cacambo devient le guide de Candide (p. 75), et l’épisode des femmes et de leurs amants singes incarne ce renversement des valeurs et des mœurs (p. 80-82). L’épisode paraguayen qui précède celui de l’Eldorado, enfin, annonce celui-ci : l’Europe considérait en effet l’organisation des missions jésuites avec beaucoup de curiosité et d’intérêt, du fait de l’originalité et des succès de son système social fondé sur une morale chrétienne, comme le montre la réponse de Cacambo (p. 75). • Caractéristiques de l’Eldorado voltairien – L’Eldorado est donné à voir par l’emploi de termes dénotant la richesse et l’abondance, d’accumulations, de figures de style (anaphores). Ce chapitre propose ainsi le modèle d’un royaume idéal, rempli de plaisirs pour les sens et l’esprit, qui sait se souvenir des précédents du genre, comme La Cité du Soleil de Tommaso Campanella et L’Utopie de Thomas More, dont des extraits sont proposés en fin de volume (Dossier, p. 158-167). – L’écriture de l’utopie passe par un retournement des valeurs et des coutumes (l’extraordinaire devient l’ordinaire), censé prouver au lecteur que les siennes ne sont que relatives et provisoires. Indirectement, ce sont les référents réels de l’utopie qui se voient dégradés. – Une parodie de l’écriture traditionnelle de l’utopie. Le jeu de questions et de réponses qui structure traditionnellement l’utopie (voir le dialogue entre l’Hospitalier et le Génois dans La Cité du Soleil, p. 166 sq.) laisse ici la place à une mise en évidence de la superficialité du regard de Candide : en témoigne le long déroulement des réceptions données par le roi, loin des préoccupations philosophiques. La tendance à l’exagération se manifeste à travers l’emploi d’hyperboles et les redondances ; l’idéal, ainsi poussé à l’extrême, en devient impraticable : l’Eldorado n’est qu’une utopie abstraite, une pure fiction, destinée, elle aussi, à faire sourire. Les indices d’ironie, le pastiche du style du roman précieux et la description du roi le montrent. Candide • Avant l’Eldorado : les signes annonciateurs G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 66 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 66 – Cependant, l’Eldorado n’est pas exempt d’une leçon philosophique : il incarne, au beau milieu de Candide, un certain nombre d’idéaux des Lumières. Déjà l’humaniste More avait fait usage de l’utopie pour parler des formes de gouvernement, de religion, ou encore du système pénitentiaire (Dossier, p. 159 sq.). L’Eldorado est ici un pays sans châtiments ni crimes, où le pouvoir est tolérant et non répressif, incarné par un monarque proche de ses sujets et libéral (« l’usage […] est d’embrasser le roi », p. 91). Il s’agit en outre d’une société préoccupée de science, d’une civilisation urbaine heureuse et hédoniste, où esthétique et urbanisme, synonymes de progrès pour Voltaire, s’allient. • Lecture complémentaire : Le Mondain On comparera ce chapitre avec le poème Le Mondain, de Voltaire (1736). Deux conceptions du bonheur au XVIIIe siècle s’opposent dans ces deux œuvres, qui se distinguent aussi sur le plan de la rhétorique de l’argumentation (d’un côté, l’apologue, de l’autre, le poème argumentatif). Le chapitre de l’Eldorado montre l’évolution de Voltaire depuis la guerre de Sept Ans et le tremblement de terre de Lisbonne. S’il pouvait affirmer, dans Le Mondain, « le paradis est où je suis », désormais l’idéal philosophique ne peut guère plus se trouver que dans le chapitre utopique d’un conte. Le mal réapparaît d’ailleurs bien vite dans le texte, avec l’épisode du nègre de Surinam, tandis que les moutons sont un à un perdus, symbole de l’impossibilité de rapporter les valeurs utopiques dans le réel. SÉANCE 6 LA LEÇON FINALE DE CANDIDE → Chapitre XXX (p. 136-140). Objectif : L’évolution des personnages du conte. La confrontation ultime de trois philosophies, aboutissant à la formulation de la philosophie du jardin. G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 67 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 67 • Travail préparatoire • La confrontation de trois philosophies Avant que le livre se referme, trois philosophies incarnées par des personnages et leur modèle de vie font une dernière apparition. – La parabole du derviche. L’épisode du derviche permet de montrer l’évolution des personnages : les questions de Pangloss et de Candide suggèrent d’une part l’impossibilité de progression du pseudo-sage enfermé dans une rhétorique ampoulée et creuse (le derviche le fait « taire », p. 138), d’autre part la sagesse nouvelle de Candide, fruit de son expérience, qui le pousse à poser, enfin, la question du mal de façon juste 1. Le derviche ne donne qu’une parabole laconique (« Quand Sa Hautesse… »), qui fait appel à une métaphysique proprement épicurienne : les dieux ne se soucient aucunement des hommes. – La maxime du vieillard. Le vieillard complète la vision du derviche en donnant l’exemple pratique d’une philosophie épicurienne. Le fait qu’il a vécu des horreurs semblables à celles qu’a vécues Candide le situe sur un même plan d’expérience que lui, et donne du crédit à la solution qu’il propose. Bon, calme, simple, le vieillard illustre par ses actes la conception qu’il se fait de l’existence. Une maxime constitue le cœur de son enseignement. On notera l’accumulation de présents de vérité générale qui fonctionnent comme autant de prescriptions morales (« Le travail éloigne de nous », p. 139). Son exemple est l’occasion de la description d’un Eldorado miniature, plus concret, comme le montrent les « fruits du 1. On pourra mettre en parallèle ce passage avec l’Histoire de Jenni, dont un extrait est présenté dans le Dossier (p. 153 sq.) : Birton et Freind se posent la question du mal, sur laquelle portent tous les entretiens entre Pangloss et Candide. Candide On demandera aux élèves de montrer que le dernier chapitre de Candide a à la fois une valeur démonstrative et une valeur narrative. Ils compléteront cette lecture par celle de « La parabole du jardin » (Dossier, p. 170 sq.). L’accent sera mis sur les idées ainsi que sur les dispositifs argumentatifs et les rhétoriques mis en place : le derviche, le vieil homme et Pangloss utilisent en effet des procédés discursifs très différents. G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 68 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 68 jardin », les « deux filles » et les « barbes parfumées » qui rappellent tous les plaisirs du pays d’Eldorado (p. 139). – La rhétorique creuse de Pangloss. Le personnage emblématique de la philosophie de Leibniz, Pangloss, nie toute valeur à l’expérience et reproduit à la fin du texte sensiblement le même discours qu’au début. Voltaire se plaît ici encore à le tourner en ridicule. L’intervention de Pangloss est remarquable par ses références pêle-mêle et non maîtrisées (car mal traduites) de la Bible : cf. jeu sur les nombres, zeugme ironique (« par Aod » et « par les cheveux », p. 139), mélange de liens de causalité et de liens chronologiques, etc. • L’évolution des personnages C’est un Candide plus sage qui apparaît à la fin du conte. Désormais, il coupe la parole à Pangloss (cf. le « Je sais » de Candide contre le « Vous savez » du philosophe, p. 140) : le savoir tiré de l’expérience s’oppose au savoir préconçu et faux. La certitude du savoir expérimental est mise en avant par les répétitions « Il faut » à deux reprises (p. 140). Candide a accédé à la réflexion, les modalisations de son discours le montrent (« ce bon vieillard me paraît », p. 140). Pangloss, a contrario, a perdu toute crédibilité. La fin du conte est donc marquée par une inversion des rôles : Candide est devenu philosophe, laconique comme le derviche ; il n’est plus séduit comme avant par les grands discours (« entendre le plus grand philosophe […] de toute la terre », p. 39). Pangloss, lui, n’a pas changé. Écouté au château, il ne peut être que discrédité dans le jardin, lieu des réalités et non des fauxsemblants. • L’épilogue apologue L’épilogue donne à lire, dans un court récit final, une morale à l’œuvre. Il est remarquable par la désillusion qu’il cherche à produire, assumant des valeurs simples, humbles, et concrètes. Si le merveilleux caractérisait la situation initiale au château, c’est à des valeurs réalistes – celle du travail notamment – qu’aboutit la quête de savoir dans le jardin de Constantinople. Pas de bonheur utopique, pas de princesse à la fin de ce conte-ci : Cunégonde est devenue laide et les héros n’accèdent qu’à une vie de travail, assumant cette sagesse épicurienne. La philosophie du jardin tient en G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 69 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 69 une formule, prononcée par Martin le premier (« Il faut cultiver notre jardin », p. 140), qui exprime l’aspiration à la paix tranquille et à la sagesse plus qu’au bonheur. L’action remplace les discours dans un refus des raisonnements inutiles. Le Dossier permettra de clore la séquence en montrant que Candide a fait l’objet de nombreuses réécritures, suites, imitations ou pastiches, preuve de son universalité. On lira notamment la suite apocryphe de 1760, qui prend l’épilogue comme point de départ (« On se lasse de tout dans la vie […] et Candide […] s’ennuya bientôt de cultiver son jardin », p. 181), et l’extrait de Candido ou Un rêve fait en Sicile, de Leonardo Sciascia (p. 187 sq.), qui permettra de préparer le sujet d’invention de la séance suivante. On pourra enfin proposer aux élèves la lecture d’un extrait du Nouveau Candide de Dominique Jamet (Flammarion, 1994). SÉANCE 7 ÉVALUATION • Sujet d’invention Un Candide, contemporain de notre XXIe siècle, vient d’arriver sur les lieux d’une terrible catastrophe (crash aérien, accident industriel, raz-de-marée, famine, inondation, etc.). Vous rédigerez le récit de son passage sur les lieux du désastre en dénonçant les causes de cette catastrophe au moyen des procédés de l’ironie et de la satire. • Commentaire composé Chapitre XIV, de « Tu as donc été déjà dans le Paraguay ? dit Candide » à la fin (p. 75-77). • Dissertation Vous commenterez cette phrase de Jean Starobinski, extraite de son ouvrage Le Remède dans le mal (Paris, Gallimard, 1989, p. 144) : « Candide n’est pas, même de loin, une représentation du monde. […] Les éléments de “réalité” qu’il Candide • Lectures complémentaires G3Zip-D67599 (3)-51 à 70 Page 70 Mardi, 27. février 2007 3:16 15 70 contient sont portés à une dimension caricaturale excluant toute commune mesure. » IV . O R I E N T A T I O N S BIBLIOGRAPHIQUES Voir la Bibliographie p. 206 sq. Étienne LETERRIER
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