Cinéfête 4

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Cinéfête 4
Cinéfête 5
La vie ne me fait pas peur
de Noémie Lvovsky
Dossier réalisé par Isabelle Hartmann, Service culturel de l’Ambassade de France à Berlin.
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FICHE TECHNIQUE ET ARTISTIQUE
Long-métrage français
Durée : 111 min
Sortie en France : 1999
Réalisatrice :
Scénario :
Dialogues :
Noémie Lvovsky
Noémie Lvovsky et Florence Seyvos
Noémie Lvovsky et Florence Seyvos
Directeurs de la photographie : Agnès Godard et Bertrand Chatry
Musique :
Bruno Fontaine
Interprétation :
Magali Woch (Emilie)
Julie-Marie Parmentier (Stella)
Camille Rousselet (Marion)
Ingrid Molinier (Inès)
Valéria Bruni-Tedeschi (la mère d’Emilie)
Jean-Luc Bideault (le père d’Emilie)
Marina Tomé (la mère d’Inès)
Luis Rego (le père d’Inès)
Genre :
Âge cible :
Niveau linguistique :
Comédie dramatique
à partir de 15 ans
à partir de trois ans de français
Prix obtenus :
Prix Jean Vigo, Léopard d’argent du Festival
International de Locarno en 1999
Echos de la presse :
« Noémie Lvovsky enregistre la furieuse énergie de ces quatre personnalités, la
présence de leurs corps et de leurs voix. Elle montre les figures dans la tension
entre désespoir et euphorie. A chaque instant, les sentiments peuvent basculer
d’un extrême à l’autre… La mise en scène (…) joue avec brio sur les différents
genres et atteint par ses surprenantes représentations filmiques une merveilleuse
légèreté. » Charles Martig, Zoom Tip
« C’est tout simplement bouleversant » Olivier de Bruyn, Positif
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« Cette chronique autour de quatre adolescentes amies à la vie à la mort dégage
un ton inédit, noir et solaire à la fois. Un film sans foi ni loi, comme la vie. »
Grégory Alexandre, Ciné Live
« Adieu les nuances, les demi-teintes proustiennes et les tergiversations des
jeunes filles en fleurs bien de chez nous, adieu les je-t’aime-moi-non-plus
pialatiens. Pour Noémie Lvovsky, la vie est un enfer, mais un enfer gai, bruyant
et plein de clarté. » Vincent Ostria, Les Inrockuptibles
« Les quatre filles dessinent à grands traits les arabesques de ce film dansant, la
plus extrême et la plus ample proposition de vie venue du cinéma français
depuis longtemps. Le plus exalté des défilements d’images colorées, futiles,
vagabondes, sans rang. » Olivier Joyard, Les Cahiers du cinéma
Résumé
Amies depuis le collège, Emilie, Stella, Marion et Inès forment un groupe
inséparable tout au long de leurs années d’adolescence. Âges de toutes les
« premières fois », ces années trépidantes les emmènent bras dessus, bras
dessous, sur les pistes des émotions fortes. Des couloirs de l’école aux plages de
l’Italie, la « vraie vie » les attend à chaque tournant, toujours hors du regard des
adultes.
Aux premiers émois « fleur bleue » succèdent les cruelles désillusions de
l’amour, à la belle assurance de l’enfance, les angoisses de l’avenir. Il y aura des
fous rires, il y aura des erreurs. Chacune, pourtant, trouvera dans le labyrinthe de
l’existence et des expériences communes, la force d’assumer son individualité et
de faire ses choix. Chacune, aussi, saura montrer que, confrontée aux épreuves
de la vie, rien n’enterre amitié et années folles.
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LES PERSONNAGES PRINCIPAUX : 4 filles fortes et soudées, des
parents en pointillé
Emilie / Magali Woch
Fille d’un opticien et d’une mère qui s’occupe plus de sa
poupée que de sa fille, Emilie grandit inquiète. Le départ de sa
mère, dont son père lui fait porter la responsabilité, la laisse très
déstabilisée. En perpétuelle quête de soi, elle ne cesse de
changer de look et de petit ami. Seules Inès, Marion et Stella
ainsi que le théâtre, sa grande passion, restent ses repères
invariables.
Stella / Julie-Marie Parmentier
Amie d’enfance d’Emilie, Stella est une fille extravertie,
facilement violente, que ses parents laissent très libre. Ils tiennent
un café et divorcent peu de temps après son succès au bac.
De tempérament très assuré, la fin de ses années d’adolescence
coïncide avec l’apparition d’une anxiété croissante face à son
avenir. Mais le bac et l’engagement dans la voie journalistique la
réconcilient avec elle-même. Elle se dirige plus apaisée dans sa
vie d’adulte.
Marion / Camille Rousselet
D’apparence « jeune fille de bonne famille », Marion est
une excellente élève tout au long de ses années de collège et de
lycée. Beaucoup plus introvertie que ses amies, elle est aussi
plus réfléchie. Cependant, elle fait partie de toutes les
expéditions du quatuor et sait se montrer courageuse et franche.
Fascinée par son professeur de philosophie, elle veut faire des
études en ce domaine.
Seule sa mère apparaît brièvement dans le film
Inès / Ingrid Molinier
Fille d’émigrés hispanophones, Inès allie à la fois douceur
de caractère et fascination pour la mort. Elle est indéfectiblement
attachée à ses amies et se montre perdue lorsqu’il lui faut faire
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des choix personnels. Ses parents, ouverts et très attachés à leur fille, l’aident en
ses moments de doute et se montrent très présents lorsqu’elle tombe malade.
INTRODUCTION DU FILM PAR L’IMAGE
Il n’existe qu’une seule affiche de « La vie ne me fait pas peur » : elle
montre quatre jeunes filles sautant de joie, sur un fond jaune « inachevé »
(comme peint au balai brosse), encadré par un double trait noir. Le titre s’inscrit
en lettres rouges, de typographie assez enfantine sur le dernier tiers de l’affiche.
! quelle impression générale se dégage de l’affiche ?
Une première partie des débats pourrait se focaliser sur le dynamisme et
l’énergie de l’affiche.
Plusieurs éléments y participent.
• La vivacité des couleurs : jaune et rouge. Les vêtements de
personnages sont très colorés.
• L’attitude des quatre jeunes filles imprime beaucoup de
dynamisme à l’affiche. Elles sautent de joie, au sens littéral de
l’expression, et « La Vie » semble leur servir de trampoline. Le
spectateur est invité à participer à cette joie par les regards des
personnages, qui sont résolument tournés vers lui.
Une seconde partie des débats pourrait relever le caractère juvénile imprimé à
l’affiche.
• Mouvement des personnages : leur saut est plutôt enfantin, et
elles semblent s’amuser (titre comme trampoline, visages rieurs,
bras levés, absence de chaussures…).
• La typographie renforce cette impression (irrégulière et un cœur
à la place du point sur le « i »).
! quels thèmes semblent être au centre du film ?
Au regard des éléments précédents et d’une interprétation du titre, les
élèves pourraient relever plusieurs facettes d’un même sujet formant le cœur du
film : l’adolescence et ses difficultés.
• L’adolescence est le thème principal : cf éléments graphiques
rapportés plus haut en lien avec le dynamisme... On notera par
ailleurs que le fait que la couleur jaune ne remplisse pas le cadre
peut être interprété comme un symbole d’une vie « en chantier »,
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•
•
•
•
•
i.e. qui n’est pas achevée et peut encore prendre des voies très
diverses, comme les offre l’adolescence.
S’agissant des difficultés, l’amour vient sans aucun doute au
premier rang et une importance toute particulière semble lui être
conférée dans le film. C’est en effet le seul thème précis auquel
est fait une allusion directe dans l’affiche (cœur sur le mot
« vie »).
Toutefois, il est possible de distinguer d’autres indices sur les
thèmes traités. Le fait que les quatre jeunes filles soient
présentées ensemble permet par exemple de supposer que le film
s’intéresse à leur amitié et à leur vie en tant que groupe.
Cela ne semble d’ailleurs pas incompatible avec leur autonomie.
En effet, si elles sont indubitablement proches et sur la même
longueur d’onde (saut commun et de même amplitude), les
personnages ne se regardent cependant pas et le titre est une
déclaration fière, voire bravache, qui reste personnelle (…ne me
fait pas peur).
D’autres obstacles, indéterminés, peuvent être évoqués. Le titre
fait référence à « la peur ». Même si elle est abordée sous une
forme négative, la peur n’est pas absente des interrogations et
des expériences des jeunes filles. Pourquoi ? Dans quelle
mesure ? Ces questions ne peuvent trouver de réponse à ce stade.
L’affiche invite donc à visionner le film.
Il est possible de supposer que les personnages réussiront à
traverser l’épreuve de l’adolescence. Le dynamisme et la
réactivité des jeunes dominent, aucun élément mélancolique
n’est à observer dans l’affiche. Le cœur qui remplit le point peut
aussi signifier l’amour de la vie : celle-ci, précisément, ne fait
pas peur.
EXTRAITS DE DIALOGUES DU FILM
-Les scènes de TV
Emilie : « J’ai eu cinq maris. Mais mon préféré c’était le premier. Il s’appelait
Gary, il avait les yeux bleus. Il est mort à la guerre.
Stella : Moi, j’ai eu sept maris. Parce que j’aimais bien changer. J’étais très très
célèbre. Dès que je sortais dans la rue, il y avait des hommes qui arrivaient de
partout. Ils me faisaient des cadeaux. Ils me disaient : « Stella, je t’aime, je peux
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pas vivre sans toi. Tu es la femme de ma vie. » Mais je ne pouvais pas les
choisir tous. Alors des fois ils se battaient, j’étais obligée de regarder.
Marion : Moi, j’ai habité dix ans dans une roulotte. J’avais trois chevaux, cinq
chiens, trois chats, un bébé panthère et des colibris qui volaient tout le temps audessus de la roulotte. Et puis j’avais un singe qui s’appelait Fifi. Il était tout le
temps avec moi, il comprenait tout ce que je disais. Il était hyperintelligent.
Emilie : Pendant la guerre, y a une bombe qui est tombée sur ma maison. Et j’ai
eu trois enfants qui sont morts sur le coup. Et un autre enfant qui n’est pas mort,
mais qui avait les deux bras et les deux jambes arrachées. J’ai tout fait pour le
soigner mais il a fini par mourir quand même.
Inès : J’allais chercher des grands blocs de glace dans les montagnes et ensuite
je les ramenais en Afrique. J’avais inventé un emballage spécial pour pas que ça
fonde.
Emilie : Et il y a une bombe qui a explosé juste devant les yeux et pendant un
mois, j’ai été aveugle. Gary pleurait beaucoup. Il voulait se faire enlever les
yeux pour qu’on me les mette, mais j’ai dit que je voulais pas.
Marion : Alors, j’ai du vendre le ranch à mon pire ennemi ! »
Quelques pistes de travail :
! Langue :
• Relevez toutes les fautes de français dans cet extrait et corrigez les.
• Donnez des synonymes et antonymes pour « hyper intelligent »
dans différents registres de langue.
• Emilie ne cesse de rajouter des invraisemblances. Quel procédé
stylistique utilise-t-elle inconsciemment ?
! on découvre les personnalités des quatre amies : Stella et Emilie, qui
cherchent les succès de séduction, qui connaissent elles-mêmes une
certaine violence des rapports humains, adeptes du sensationnel ;
Marion, plutôt calme et attirée par la simplicité, meutrie à l’idée de
devoir renoncer à quelque chose qui lui tient à cœur ; Inès, rêveuse, qui
veut réaliser quelque chose d’impossible (ou presque).
-Le refus de Jérôme
Marion : « Jérôme, tu veux bien venir boire un café avec moi ?
Jérôme : Boire un café ?
Marion : Ouais, maintenant, parce que c’est très important. D’accord ?
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Jérôme : D’accord.
Marion : Juste là.
Marion : Ca va ?
Jérôme : Ouais.
Marion : J’ai un truc intime et important à te demander.
Jérôme : Ben, vas-y !
Marion : Rigole pas, c’est pas drôle.
Jérôme : Personne a dit que c’était drôle.
Marion : Je voulais te demander si tu voudrais bien coucher avec moi une fois.
Jérôme : Ben ça alors !
Marion : Je t’avais prévenu que c’était pas drôle.
Jérôme : Ah, ça va, c’est pas la mort !
Marion : Si.
Jérôme : Ben non.
Marion : Tu veux ?
Jérôme : Attends, t’emballe pas.
Marion : Ecoute, j’ai bien réfléchi, y a pas d’autres solution. C’est très important
pour moi.
Jérôme : Pourquoi moi ?
Marion : Parce que. C’est comme ça. Ca peut être que toi.
Jérôme : Mais t’es qu’une gamine…
Marion : Ben ouais, justement…
Jérôme : T’as déjà couché avec un mec ? Ah ouais, d’accord, je vois !
Marion : Non ! Tu peux pas savoir
(…)
Marion : Ecoute, il faut absolument qu’on le fasse. Parce qu’y a pas d’autres
solutions ! Je peux pas tout te dire mais j’ai des raisons personnelles. Tu peux
bien faire ça ! Pour moi, c’est très important et pour toi, c’est pas grand’ chose
pour toi de faire ça !
Non, t’en va pas !
Jérôme : T’en fais pas, ça te passera
Marion : Non ça passera pas.
Jérôme : Si. »
Quelques pistes de travail :
! Rapports au sexe opposé : discours volontairement désincarné de
Marion (elle semble ne pas vouloir révéler ses propres sentiments),
homme comme objet sexuel, relation sexuelle comme performance et
non comme acte d’amour, incompréhension de Jérôme pour l’extrême
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importance de cette étape dans la vie d’une jeune fille –réponses
cinglantes de Jérôme (« Mais t’es qu’une gamine ; t’en fais pas, ça te
passera »), naïveté de Marion.
! Analyse du lexique : registre familier
-une gamine >> une petite fille (aussi un gamin)
-ben >> contraction de « bien » ; exprime l’indécision
-un truc >> une chose, quelque chose
-rigoler >> rire
-c’est pas la mort >> cela n’est pas très grave
-t’emballe pas >> signifie « ne crois pas que tout est acquis »
-un mec >> un garçon, un homme
-coucher avec quelqu’un >> faire l’amour avec quelqu’un
-ouais >> oui
-c’est pas grand’ chose >> cela n’a pas beaucoup de valeur,
d’importance
-ça passera >> cela va disparaître (comme sentiment, comme
douleur…)
-La révolte de Stella
Stella : « Bon, alors, vous venez ?
Marion, Emilie et Inès : Ben non, on peut pas, il
faut qu’on travaille
Stella : Mais bientôt vous serez rangées dans de
petites boîtes. Vous me faites gerber, vous êtes des
moules. Puis on se fait chier ! Tout le monde est
con !
Marion : Si toi t’en as rien à foutre d’avoir ton bac, nous on a en pas rien à
foutre.
Stella : Ca va, flippez pas, vous l’aurez votre bac, vous êtes programmées pour
ça ! Toi, ta gueule, putain, ta gueule ! Merde !
Le prof : Mais qu’est-ce qui se passe ?
Emilie : Rien M’sieur, elle a mal à la tête.
Le prof : Ah oui… »
Quelques pistes de travail :
! Relevez les mots et les expressions particulièrement vulgaire ou
ordurier :
-me faire gerber : me dégoûter (gerber : vomir)
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-vous êtes des moules : vous êtes des nulles, des poltrons
-se faire chier : s’embêter, s’ennuyer
-con : bête, idiot
-en avoir rien à foutre : en avoir rien à faire : n’avoir aucun
intérêt pour quelque chose, être totalement indifférent
-flipper : avoir peur
-ta gueule : tais-toi ! (la gueule : bouche d’un animal)
-putain : exprime l’énervement
-merde : exprime l’agacement
-M’sieur : contraction de « Monsieur »
! Stella en opposition à la société. Les parents / les adultes en général
sont considérés comme étant les personnes « programmées » et
rangées dans les « petites boîtes ». (Voir l’analyse des parents dans les
pistes d’exploitation). L’anxiété de Stella est mise en exergue.
L’avalanche de propos orduriers veut cacher une absence
d’argumentaire, symbolisée par l’exclamation classique d’une jeunesse
un peu perdue « Tout le monde est con ! »
PISTES D’OBSERVATION
-Cadre temporel :
! Relever les indices qui permettent de dater l’action.
-Cadre spatial :
! Relever les indices permettant d’identifier les lieux où se déroule l’action. Y
en a-t-il beaucoup ? Pourquoi ?
-Le passage à l’âge adulte
! Quels sont les indices qui peuvent marquer le passage à l’âge adulte ? (par
ex : ce que l’on n’utilise pas / ne prend pas / ce à quoi on ne s’intéresse pas
généralement lorsque l’on est enfant)
! Partage de la classe en groupes : chaque groupe observe un thème parmi ceux
proposés ci-dessous et son évolution (ou, pour les groupes un peu plus
faibles, la présence de chacun des indices dans un personnage) : apparition
dans le temps, disparition, atténuation ? Laquelle des filles tente l’expérience
en premier ? L’essai de l’une a-t-elle une influence sur les autres ? Dans
quelle situation font-elles ces essais (quand il est possible de le relever) ? Estil possible de souligner des différences dans les expériences des filles ?
Lesquelles ? Cela signifie-t-il qu’elles ne grandissent pas à la même vitesse ?
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• Maquillage, coiffures,
• Vêtements, bijoux,
• Expériences d’adultes : relations sexuelles, utilisation de
véhicules de locomotion, alcools, cigarettes,
• Autres, selon les idées lancées par les élèves après le travail sur
l’affiche et le début de la discussion sur le passage à l’âge
adulte.
! Observez les génériques de début et de fin. Sont-il semblables (conception,
graphisme, musique) ? Pourquoi ?
-Les filles et le groupe
! L’affiche montre les quatre filles en groupe. Chacune, pourtant, a un
caractère très différent. Relevez dans le film tous les indices que vous
trouvez sur la famille et le milieu social de chaque personnage. La famille et
le milieu ont-ils une influence sur les personnages ? Sur leur
développement ? Dans quelle mesure ? Comment les filles acceptent-elles
ces déterminants sociaux ? Se révoltent-elles ? Comment ?
! Quelle autonomie ont les différents personnages par rapport au groupe ?
Relevez l’évolution de leur groupe (qui part, reste, revient… ? quand ?
pourquoi ?). Quelle signification cela peut-il avoir par rapport au thème / titre
du film ?
-Les autres personnages
! Comment sont considérées les personnes qui n’appartiennent pas au groupe ?
• Les garçons / les hommes
• Les parents
• Les professeurs
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(ce sont des outsiders, des étrangers, que l’on ne considère pas vraiment comme
une « personne » dans la majorité des cas >> impression renforcée par les scènes
de fantaisie rêvées, où la rencontre des hommes reste irréelle)
! Observez les apparitions des parents. Sont-ils souvent présents ? Quel rôle
jouent-ils ? Est-il important ? Evolue-t-il ?
-Le thème de l’école
! Relevez les différences (ou les situations, personnages que vous ne
comprenez pas) entre l’école française et l’école allemande.
-La violence
! Parler de la violence ne se rapporte pas seulement à la violence physique. On
considère souvent que la violence peut aussi être verbale, institutionnelle,
qu’elle peut émerger des situations… Relevez dans le film différentes
situations « violentes ». Quel(s) rôle(s) jouent ces scènes ?
-L’exagération
! « La Vie ne me fait pas peur » a souvent été décrit comme un kaléidoscope
de sensations et de sentiments. Il multiplie en effet les saynètes, construisant
par des plans d’apparence hétéroclite une image globale cohérente de
l’adolescence. L’une des caractéristiques de ces scènes est de souligner la
disproportion des réactions des jeunes filles par rapport aux situations
auxquelles elles sont confrontées. Relevez les scènes où les réactions de l’une
(ou plus) des filles vous paraissent outrées. A quelle période cela se passe-t-il
en particulier ?
-Les éléments dramatiques dans le film
! Le film met en lumière une multitude d’instants plus ou moins importants
pour les quatre filles. Relevez les événements qui, selon vous, ont une
intensité dramatique.
• NB : on pourra, à cette occasion, expliquer les différentes facettes du
mot « dramatique », la facette théâtrale et la facette tragique/gravité.
• Ainsi, la question posée peut être traitée sous deux aspects : l’intensité
dramatique permet à l’élève de chercher les ressorts de l’action, et,
plus classiquement, les passages graves dans les vies des quatre filles.
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-La musique
! La musique est très présente dans le film. Essayer de classer les différents
types de musiques et leur rapport à l’action. Analyser la place et le rôle de la
musique dans le film.
PISTES D’EXPLOITATION
-Le titre
! Après avoir visionné le film, estimez-vous que le titre « La vie ne me fait pas
peur » est approprié ? Pourquoi ? Trouvez un autre titre au film en français et
en allemand.
-Cadre temporel
! Le film ne contient qu’une seule indication temporelle explicite. Le
journaliste de TF1 présente le jugement du criminel reconnu coupable
d’avoir enlevé et assassiné une enfant, le 3 juin 1974. Si cela permet
d’évaluer la période à laquelle se situe l’action, le spectateur reste dans
l’impossibilité de la dater avec précision, l’année du jugement restant
inconnue.
! Cependant, le passage des différentes modes, le déroulement de la scolarité
des quatre amies, les musiques écoutées, permettent d’estimer la période au
cours de laquelle se déroulent les expériences des jeunes filles : entre
1975/76 et 1983/84 environ.
! On peut douter de l’intérêt de dater plus précisément l’action. Le film, bien
que défini dans le temps, a, de par son sujet même, vocation à
l’intemporalité. Aujourd’hui encore, il reste moderne car il se situe après la
révolution des mœurs de 1968, l’introduction des moyens contraceptifs et la
légalisation de l’avortement. C’est bien ce contexte de post-libération de la
femme qui semble poser de réelles bornes chronologiques et rend le film
intéressant pour des jeunes du XXIè siècle.
! Pensez-vous que notre époque soit aussi marquée culturellement,
sociologiquement que l’étaient les années 70 et 80 (ex : mode particulière,
naissance de nouveaux types de musique, mouvement hippies…)?
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-Cadre spatial
! L’action se déroule principalement en France. On remarque que le cadre
spatial est presque parfaitement anonyme (quelques indices seulement
montrent que l’on se trouve à Paris). Ce que vivent les quatre jeunes filles
pourrait se passer dans n’importe quelle ville de France, même de petite
taille. La cinéaste universalise ainsi leurs expériences et rend possible
l’identification de nombreux adolescents, surtout des filles, aux héroïnes.
! L’Italie, très clairement identifiée, est le second espace important pour
l’action. Bien qu’elle soit un pays mythique pour son histoire (voir les prises
de photos à Rome), il est bien certain que ce n’est guère cela qui attire les
quatre amies. Les Italiens, en effet, sont tout aussi mythiques ! Ils ont en
France la réputation d’être des charmeurs invétérés, ayant pour seul objectif
de faire tomber dans leurs bras –et leur lit—les jolies filles qui passent. A ce
titre, le voyage en Italie n’est pas anodin pour Inès, Stella et Marion. Au-delà
des plaisirs de la plage, séduire et se laisser séduire fait partie des souvenirs
de vacances (voir la nostalgie qui imprègne la chanson des trois filles quand
elles rentrent en France, chacune ayant bien des choses à raconter à Emilie).
Aussi, l’Italie est-elle à interpréter comme un lieu initiatique, une étape
presque obligée du cheminement vers l’âge adulte. Elle symbolise l’abandon
du cocon habituel, qui provoque des réactions exacerbées.
! Quelles images/préjugés avez-vous par rapport à la France ? à l’Italie ? Que
pensez-vous que de jeunes français pensent de l’Allemagne ? (lire le dernier
sondage réalisé pour l’OFAJ/DFJW sur cette question sur
www.ofaj.org/fr/ofaj/40ans/sondagerapport.pdf )
-La musique
! 3 types de musique :
• la musique écoutée par les filles pour leur propre plaisir
• la musique d’ambiance de film et influence sur le montage (ex :
la marche égyptienne pour la scène dans les couloirs du collège)
• la musique « intérieure » : impression que le chanteur chante
pour soi, qu’il a le même vécu (ex : Emilie et Higelin)
• La musique marque aussi une époque (70s/80s : début du
hard…)
! Les procédés de mise en valeur par la musique sont utilisés à de nombreuses
reprises. Donnez des exemples de couple musique-action (aussi hors du cadre
de ce film)
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-L’exagération
! Quel est le rôle des scènes d’exagération ?
• Mise en lumière de l’évolution des caractères, des centres d’intérêt, de
l’importance que les filles accordent aux choses/personnes qui les
entourent (ex : l’enthousiasme de Marion à l’enregistrement de la voie
de Jérôme).
• Affirmation de leur opposition à un certain ordre établi qui ne leur
convient pas (ex : l’exclamation d’Emilie lorsqu’elle sort avec Marion
du bureau de la conseillère)
! En quoi vous semblent-elles exagérées ? Auriez-vous réagi différemment ?
Comment ?
! Analyser l’effet grossissant du cinéma qui vaut dans la plupart des films.
-La violence
La violence apparaît notamment comme affirmation de soi, comme opposition
face à la société, comme moyen d’expression d’un trop-plein émotif.
! La violence est-elle un moyen d’expression
légitime ? Pourquoi ? Donner des exemples de
situations violentes (pas seulement physiques
>> aussi les autres types) dans le film ou dans
votre vie.
-Le thème de l’école
! Quelles différences avez-vous relevées ?
! Qu’est ce que le baccalauréat ? Comment se passe le bac en France, en
Allemagne ? Que pensez-vous du fait que toutes les séries sauf les séries
professionnelles (donc les séries générales –Littéraire, Scientifique,
Economique et Sociale—et technologiques) aient des cours de philosophie
en terminale et une épreuve de philosophie au bac ?
-La place des parents
! Les parents des quatre filles ont clairement un rôle secondaire. Plusieurs
indices mènent à ce constat.
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• Si l’on considère en premier lieu le nombre de scènes où les parents
sont présents, on remarque qu’il est minime. Concentrées au début et à
la fin du film, leurs apparitions n’influent pas sur l’action de manière
directe. Les jeunes filles semblent disposer d’une grande liberté, qui
n’est guère entravée par l’autorité parentale. Même les références des
quatre amies à leurs parents sont pratiquement inexistantes : après la
remarque faite par Marion à Emilie après la scène de rock (« J’ai une
famille, moi ! »), il n’y en a aucune. L’action se poursuit longtemps
sans intervention des parents.
• Dans les scènes où les parents jouent un rôle, on remarque qu’ils sont
toujours présentés en relation avec leur fille. Dans la majorité des cas,
ce n’est pas une position très avantageuse :
♦ Bien que le père d’Emilie apparaisse aimant dans les premières
images, le spectateur se pose quelques questions sur son état
mental lorsqu’il danse et chante devant sa femme, transformée
par l’entonnoir en figure symbolique de « la folle ». La mère se
révèle être folle au fil du film.
♦ Les parents de Stella, que l’on n’aperçoit que très tardivement,
divorcent. Le père, en emportant la caisse du café, détruit
l’image positive qu’il avait aux yeux du spectateur (il s’était
enthousiasmé pour l’obtention du bac de Stella).
♦ En ce qui concerne les parents de Marion, que l’on suppose
mariés, on ne connaît que la mère, aperçue dans le dernier tiers
du film. Fatiguée par les courses, sa réaction face à la remarque
de sa fille souligne une incompréhension certaine des
transformations –en l’occurrence psychologiques—que Marion
est en train de vivre (influence du professeur de philosophie).
• Les parents représente, pour les quatre amies, ce que l’on ne doit pas
devenir. (cf la scène où Stella menace les trois autres d’être rangées
dans de « petites boîtes »).
• L’absence des parents, leur incompréhension, servent en négatif à faire
ressortir la richesse de la vie adolescente.
• Seuls les parents d’Inès apparaissent sous une lumière moins crue.
Couple stable, amoureux, très attentifs à leur fille et présents pour ses
amies, ils sont les parents idéaux. Aussi, le fait que le film « clôture »
la présentation des parents par ceux-là peut être analysé comme la
volonté de réintroduire la figure parentale dans un rôle plus positif. Le
conflit de générations larvé (ne pas devenir les parents) que l’on
pouvait sentir, se trouve ainsi dépassé. Les parents retrouvent
partiellement leur rôle de référant naturel. Cela est aussi mis en
exergue par la « réconciliation » d’Emilie et de son père (scène devant
la télé).
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-Le problème de l’orientation (voir le dialogue des « petites boîtes »)
! Les quatre filles se montrent très préoccupées par leur avenir professionnel.
A quoi cela se voit-il ? Rappeler les dialogues qui traitent de ce thème pour
chacune d’entre elle. Leur attitude est-elle absolument similaire ? Pourquoi ?
! Quels sont les métiers qu’Inès pourrait avoir envie de faire et qui n’existent
pas ? Et pour vous ?
! Etes-vous inquiets pour votre orientation ? Qu’avez-vous envie de faire ?
Pensez-vous que les craintes de l’orientation disparaissent en grandissant ?
Pourquoi ?
-Les moments de fantaisie
! Plusieurs épisodes du film sont présentés sous une forme originale : scène de
rêve, jeu vidéo. Pourquoi ? (légèreté de traitement de sujets difficiles :
angoisses, espoirs, maladie…)
-Thèmes subsidiaires :
L’adolescence :
« Un adolescent, c’est un homard pendant la mue : sans carapace, obligé de s’en
fabriquer une autre et, en attendant, confronté à tous les dangers » (Françoise
Dolto, psychanalyste)
! Pensez-vous que cette analyse vaille pour Inès ? Marion ? Stella ? Emilie ?
Pourquoi ? Quelles sont leurs forces et leurs faiblesses ?
! Comment se construit cette carapace selon vous ? Quel rôle attribuez-vous à
l’amitié, à l’opposition aux parents,… dans ce processus ?
! Pouvez-vous vous identifier aux héroïnes ? Pourquoi ? Avez-vous vécu
certaines des expériences présentées dans le film ?
! Comment avez-vous rencontré votre meilleur(e) ami(e) ?
Comparaison avec le roman de jeunesse et d’apprentissage
! Le film suit quatre adolescentes de 13 à 22 ans environ. Au vu de leurs
expériences, des sensations et des sentiments montrés, de l’évolution de leur
caractère ou de leur rapport aux autres, de la découverte d’un maître,
estimez-vous que « La Vie ne me fait pas peur » tient plutôt du roman de
jeunesse ou du roman d’apprentissage ?
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! Possibilité d’étude des différences et similitudes entre le roman
d’apprentissage à la française et à l’allemande (côté picaresque des romans
allemands contre découverte d’un milieu dans les français ; voyage
individuel dans les deux cas… ) :
• Ex : Les Confessions (J.J. Rousseau), Les Illusions perdues, Le
Père Goriot (H. de Balzac), La guerre des boutons (Louis
Pergaud), Sa majesté des mouches (William Golding)
• Ex : Wilhelm Meisters Lehrjahre (Goethe), Heinrich von
Öfterdingen (Novalis), Aus dem Leben eines Taugernichts
(Eichendorff), Demian (H. Hesse)…
Analyse détaillée des personnages
! Emilie
Emilie est celle des quatre amies qui évolue de la manière la plus
manifeste.
Alors qu’une première partie la montre énergique et à tendance autoritaire
(scènes de jeu avec Stella lorsqu’elles sont petites, scène de danse avec Marion
dans sa chambre), elle dévoile au fil du film toute la sensibilité de son caractère.
Son physique ne correspond pas à cette caractéristique : plutôt ronde, vite
formée, un visage qui se durcit aisément, elle ne semble guère perméable aux
critiques. Mais tout comme elle se montre physiquement douillette (voir la scène
du pacte par ex.), elle prend très à cœur les reproches qui lui sont adressés, que
cela soit fait dans un cadre familial (son père lui fait porter la responsabilité du
départ de sa mère), ou collectif (l’humiliation des cours de sport, le professeur et
les élèves de son cours de théâtre). Du quatuor, elle est celle que l’on voit le plus
pleurer.
De manière plus générale, elle apparaît souvent désemparée par la vie et ses
expériences. L’insouciance de l’enfance est perturbée par les désillusions de
l’amour (sa mère ne lui apporte pas de cadeau ; son père dessine une pomme ; il
lui reproche plus tard d’avoir fait fuir sa mère, elle veut se suicider peu de temps
après ; scène de boum et remarques des garçons, critique méprisante du prof de
théâtre sur les femmes qui aiment sans retour, jeux de séduction sans suite lors
de la scène de menuet). Elle tente deux fois de se suicider.
La quintessence de ce mal-être, causé par l’abîme qui existe entre sa vision de la
vie et de l’amour (amour « actif » comme elle l’explique elle-même par cours de
théâtre interposé), peut être appréhendée lorsqu’elle chante en karaoké la
chanson de Jacques Higelin.
Cependant, Emilie fait aussi preuve d’une grande force de caractère.
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Si ses deux tentatives de suicide sont réelles, elles semblent bien plus la
conséquence romantique et mal évaluée d’un désespoir passager qu’une envie
profonde d’en finir avec la vie. En effet, elle se montre comme apaisée par la
suite et passe très vite à autre chose (scènes dans les couloirs pour voir les
garçons ; scène avec son père devant la TV, études pour son bac…).
Par ailleurs, elle se révèle mûre beaucoup plus tôt que ses amies. Elle est la
première à fumer, à avoir une relation sexuelle par amour avec un homme
(contrairement à Inès), se « libère » du groupe en préférant ses stages de théâtre
en France au voyage en Italie avec Inès, Stella et Marion. De ce fait, elle
fréquente des personnes plus âgées qu’elle, qui influencent aussi son
comportement (habillement, maquillage très prononcé, coiffure, attitude
paradoxalement plus posée et moins hystérique que ses amies).
! Stella
Amie d’enfance d’Emilie, elle a en commun avec elle une violence et une
énergie qui peuvent s’exprimer de façon très inattendue (rencontre avec Marion,
scène de bagarre après le cours de sport, dans la chambre d’Inès avant le
bac…). Cette dureté de caractère trouve son parallèle dans sa résistance
physique, que les autres sont obligées d’imiter (scène de rite initiatique avec
serment scellé par le sang…) et à elle-même (elle se frappe fortement après la
bagarre qui suit le cours de sport), et qui lui confère parfois un rôle de leader
dans le groupe (dans la scène du pacte, c’est elle qui dicte le serment et le
clôture). Son tempérament très entier la pousse par ailleurs à prendre des
risques inconsidérés. Ainsi, c’est elle qui se décide en premier à monter dans la
voiture des Italiens.
Apparemment très sûre d’elle-même, assumant parfaitement son corps et
les changements qui lui sont imposés par l’adolescence (elle a un « look » très
étudié tout au long du film, combinaison de la mode des années 1970-80 et de sa
propre fantaisie), elle révèle cependant au cours du film une réelle fragilité.
La violence physique dont elle fait preuve à de multiples reprises—et qu’elle ne
parvient pas à dompter même en grandissant (voir la scène dans la chambre
d’Inès)—souligne sa difficulté à maîtriser l’ensemble des événements auxquels
elle se trouve confrontée : tant l’injustice que l’anxiété de ses 17-18 ans trouvent
à s’exprimer dans la violence (épisode de la faute de handball ; épisode dans la
chambre d’Inès).
Sa violence prend une autre forme avec le temps et devient plus intériorisée. La
révolte envers la société (épisode dans la salle de cours ou, dans une moindre
mesure, chez la professeure de piano) s’avère dès lors n’être qu’un paravent
pour cacher sa peur de l’échec. Preuve en est le soulagement que lui procure
l’obtention du bac et le choix, enfin possible, de la voie journalistique : le
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rangement dans les « petites boîtes » dont elle menaçait ses amies la concerne
aussi. Dès lors, elle réintègre symboliquement le groupe, dont elle craignait
d’être séparée (voix off lors des oraux du bac).
! Marion
D’apparence assez « jeune fille de bonne famille », Marion est
certainement celle des quatre amies qui semble la plus raisonnable.
Elle apparaît dès le début comme une excellente élève, que le professeur
d’histoire félicite. Toujours habillée de manière assez classique, souvent coiffée
très « décemment », ne se décidant à se maquiller que tardivement et sans excès,
elle n’est guère sujette aux changements de mode (contrairement à Emilie ou
Stella). Par ailleurs, elle se montre sur la défensive lorsqu’elle est sans ses
amies. Il en est ainsi avec Jérôme, qu’elle n’ose pas regarder en face, de même
avec Cesare ou avec l’Italien qui l’emmène dans les bois. Elle prend la fuite
plutôt que d’accepter une longue confrontation verbale.
Cet aspect de son caractère ne saurait cependant occulter ceux qui
prennent le dessus lorsqu’elle est avec Inès, Stella et Emilie.
L’appartenance au groupe, loin de l’intimider d’une quelconque façon, lui
permet de faire preuve d’une réelle capacité d’initiative : elle devient
naturellement meneuse. Dès l’épisode du sitcom, elle est placée dans le rôle du
régisseur. C’est aussi elle qui organise la première des soirées « initiatiques » :
elle choisit le thème de la soirée, le lieu, la boisson, le tirage au sort... Lors de la
découverte du squelette, c’est elle qui tente de lui trouver un nom qui soit à la
fois féminin et masculin.
Corrélativement, elle joue un rôle de conciliatrice (lors du sitcom, après la
bagarre du cours de sport, auprès de la conseillère d’éducation pour les photos
de classe…)
Au fil du film, elle se révèle beaucoup moins « sage » et ingénue qu’il n’y paraît
au premier abord. Lors de sa première rencontre avec Stella, c’est bien Marion
qui, après avoir provoqué Stella en émettant un cri semblable à celui d’un singe,
engage le « combat de singes », alors qu’elle porte un chemisier en dentelle !
Plus tard, elle demande directement à Jérôme s’il veut faire l’amour avec elle,
alors qu’elle n’a que 14 ou 15 ans.
Par ailleurs, elle participe à toutes les activités du groupe, sans s’offusquer
comme aurait pu le faire une « jeune fille de bonne famille » de ce que les
parents ne soient pas au courant, etc…
Ainsi se forge la Marion sûre d’elle-même et au tempérament très affirmé de la
scène finale.
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! Inès
Inès est celle des quatre amies qui reste le plus en retrait. A la fois rêveuse
(comme le montre par exemple son intervention à la TV avec ses amies) et
attirée par le morbide, elle semble osciller entre le réel et le fantasmagorique, la
mort faisant le lien entre ces deux mondes.
La première scène où elle apparaît souligne déjà ce trait de caractère (scène du
livre présenté à Stella et Emilie). Plus tard, on la voit fascinée par le jugement
d’un crime violent commis contre un enfant ; en cours de physique-chimie, c’est
elle qui découvre le squelette du bébé en haut de l’armoire ; lors de la
conclusion du serment, elle tend à vouloir faire de l’événement quelque chose de
particulièrement solennel et demande de se piquer le doigt aussitôt après Stella.
Son personnage semble ainsi balancer entre des périodes de « veille », où elle
est assez effacée, et des moments où elle fait preuve d’une forte présence, où ce
qui sourd en elle-même peut soudainement « exploser ».
C’est notamment le cas en Italie où son excellente connaissance de l’italien lui
donne une aisance et une liberté d’action particulières, même si elle ne parvient
pas à gérer parfaitement cette liberté. (Elle se laisse en effet emmener par
l’Italien de la discothèque alors qu’elle refusait au départ de discuter avec lui.
Inès est ainsi la première des quatre amies à avoir une relation sexuelle. Si elle
en tire une certaine fierté, sa réaction de nervosité, immédiatement après le
rapport, permet de douter de sa réelle volonté de faire l’amour avec ce garçon.
De la même façon, c’est Inès qui décide concrètement de monter dans les
voitures des Italiens, mais elle semble plutôt guidée par la peur).
Le retour en France, assez nostalgique, la fait revenir dans une de ses périodes
de veille. Elle disparaît presque de l’écran, fondue dans la masse des élèves en
train de passer le bac. Elle ne s’oppose guère à Stella qui la prend violemment à
parti chez elle, et préfère insulter son père plutôt que son amie.
Sa fidélité au groupe est particulièrement profonde et ce n’est que
tardivement qu’elle est filmée en tant que personne indépendante. Les difficultés
du « devenir adulte » sont traitées, avec le personnage d’Inès, de façon plus
explicite.
Les situations présentées sont relativement insatisfaisantes (rapport sexuel avec
l’Italien, discussion avec ses parents sur son avenir). Cette dernière séquence
souligne son angoisse face à son orientation. Pour la première fois, elle se trouve
à décider seule, et pour elle-même. Le rêve se heurte à la réalité avec violence :
ce qu’elle aimerait faire n’existe pas comme métier.
Interprété à la lumière des angoisses des adolescentes face à l’âge adulte, le
séjour d’Inès à l’hôpital marque une double victoire : une victoire personnelle
tout d'abord, puisqu’il lui permet de surmonter son cancer, et, symboliquement,
les pièges de l’adolescence ; une victoire « collective » ensuite, puisque Inès
réunit ainsi ses amies, séparées après le bac. La part de rêve paraît ainsi de
nouveau excéder celle de la réalité, et il semble que le retour à l’innocence des
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premières années de collège soit possible. Mais avoir côtoyé la mort et réussi sa
guérison marque chez Inès une « normalisation » de ses rapports à la vie. La
tendresse avec laquelle elle regarde son journal intime souligne la fin de son
rapport fantasmagorique à la réalité et la clôture de ses années de jeunesse.
L’entrée dans la vie adulte déclenche une explosion d’énergie (scène finale).
REFERENCES
Un autre film qui a marqué le cinéma français sur le même sujet : Le Péril
Jeune, de Cédric Klapisch
Articles sur le film :
• « Cérémonies secrètes : à propos de La vie ne me fait pas peur
de Noémie Lvovsky », Olivier Joyard, Cahiers du cinéma,
n°537
• « C’est un beau roman, c’est une belle histoire… Rencontre avec
Noémie Lvovsky et Florence Seyvos », idem
• « La vie ne me fait pas peur », Olivier de Bruyn, Positif,
septembre 99, n°463
Critiques sur le film :
• www.zoom.ch/tip/film/10-99.htm
• www.jump-cut.de/filmkritik-petiteslavie.html
• www.allocine.fr/film/critique_gen_cfilm=20359&affpub=0.html
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