concert baroque mis en espace et commenté
Transcription
concert baroque mis en espace et commenté
MOLIÈRE À L'OPÉRA MUSIQUES DE LULLY CONCERT BAROQUE MIS EN ESPACE ET COMMENTÉ DOSSIER PÉDAGOGIQUE 2016-2017 CONTACTS ACTION CULTURELLE Marjorie Piquette / 01 69 53 62 16 / [email protected] Eugénie Boivin / 01 69 53 62 26 / [email protected] RETROUVEZ NOTRE ACTUALITÉ SUR NOTRE BLOG : BLOG.OPERA-MASSY.COM 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 2 REPRÉSENTATION SCOLAIRE VENDREDI 25 NOVEMBRE | 14H Durée : 1h05 Réservations au 01 60 13 13 13 Les Paladins Direction musicale, mise en espace et commentaires Jérôme Correas Lumières Olivier Oudiou Costumes Alice Touvet Soprano Luanda Siqueira Ténors Jean-François Lombard, Guillaume Gutierrez Basse Virgile Ancely Les Paladins sont en résidence à l'Opéra de Massy PROGRAMME Jean-Baptiste Lully Airs de Monsieur de Pourceaugnac, Pastorale Comique, Le Bourgeois gentilhomme, Les Amants magnifiques... L’Opéra de massy est subventionné par: et remercie ses partenaires : Le service d’Action Culturelle de l’Opéra de Massy est membre du Réseau Européen pour la Sensibilisation à l’Opéra 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 3 SOMMAIRE 4-5 REPÈRES BIOGRAPHIQUES MOLIÈRE, LULLY 6 7 8-9 LA COMÉDIE-BALLET 11-19 LE SPECTACLE RÉSUMÉ, LES AIRS, BIOGRAPHIES, LES INSTRUMENTS, LES VOIX 20 QUIZ'OPÉRA LA MUSIQUE BAROQUE MOLIÈRE ET LULLY DUO INFERNAL 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 4 REPÈRES BIOGRAPHIQUES JEAN-BAPTISTE POQUELIN DIT MOLIÈRE (1622-1673) Ses dates : 15 janvier 1622, Paris - 17 février 1673, Paris Sa vie de dramaturge : Jean-Baptiste Poquelin décide de devenir comédien et fonde la compagnie « l’Illustre-Théâtre » après avoir refusé une promotion de tapissier du roi en 1643. Il prend la tête de la compagnie en 1644 sous le pseudonyme « Molière ». L’Illustre-Théâtre fait ses débuts dans le Marais, à proximité de deux concurrents : la troupe des comédiens de l’Hôtel de Bourgogne et la troupe du ro. La troupe de Molière ne connait guère de succès et le dramaturge est emprisonné pour dettes en 1645. À sa libération en 1646, la troupe entame une tournée en province. Associée aux troupes de Dufresne et de Béjart, la troupe de Molière se représente en Languedoc pour le comte du duc d’Epernon puis du comte d’Aubijoux. Pézenas, Montpellier, Carcassonne, Béziers, … la troupe élargie affirme progressivement son goût pour la farce et la comédie. C’est à Lyon en 1655 que Molière créé sa première comédie L’Étourdi ou Les Contretemps. Privée de soutien, la troupe rentre à Paris en 1657. Le frère du roi Louis XIV, « Monsieur », souhaite faire venir la troupe de Molière. Après deux représentations, Nicomède (une tragédie) puis Le Docteur amoureux (une farce aujourd’hui perdue), le Roi installe Molière au Théâtre du Petit Bourbon où se trouve la troupe italienne de Fiorelli. En 1659 Molière triomphe avec Les Précieuses ridicules, à la fois farce et comédie satirique de mœurs. Il joue Sganarelle en 1660 dans sa 4ème pièce Sganarelle ou Le Cocu imaginaire, avant de reprendre, suite au décès de son frère cadet, la charge de tapissier du roi. En octobre 1660, la troupe est contrainte de quitter le théâtre du Petit Bourbon qui va être démoli en vue de la construction de la colonnade du Louvre. Le cardinal Mazarin attribue alors un nouveau théâtre à la troupe : la salle du Palais Royal. A ses débuts au Palais Royal en 1661, la troupe de Molière alterne entre tragédies et comédies. Ses comédies, telle que L’École des maris, connaissent davantage de succès. La même année, Molière créé sa première comédie-ballet, Les Fâcheux. Il rencontre un fort succès en 1662 avec L’École des femmes dans laquelle il aborde des sujets importants tels que l’institution du mariage et l’éducation des filles. Molière connaît par la suite deux échecs avec Tartuffe et Dom Juan, la première interdite, la seconde abandonnée, les deux bousculant les mœurs. Les années 1660 sont exceptionnellement fertiles pour Molière. Il met au point différents genres de comédies – la grande comédie bourgeoise, la comédie de coulisses, la comédie à machines, la comédie-ballet – et écrit des pièces majeures : Le Médecin malgré lui, Le Misanthrope, L’Avare, Amphitryon, … Durant les trois dernières années de sa vie, malgré sa maladie (une tuberculose) et la perte de la faveur royale (passée à Lully), Molière triomphe avec Le Bourgeois gentilhomme (1670), Les Fourberies de Scapin (1671), Les femmes savantes (1672) et Le Malade imaginaire (1673). Ces pièces révèlent les influences de l’auteur, son style, ainsi que son talent de comédien. Ses principales œuvres : vers 1646 : La Jalousie du Barbouillé vers 1647 : Le Médecin volant 1656 : L’Étourdi 1656 : Dépit amoureux 1659 : Les Précieuses ridicules 1660 : Sganarelle ou Le Cocu imaginaire 1661 : Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux 1661 : L’École des maris 1661 : Les Fâcheux 1662 : L’École des femmes 1663 : L’Impromptu de Versailles 1664 : La Princesse d’Élide 1664 : Le Tartuffe ou L’Imposteur 1665 : Dom Juan ou Le Festin de pierre 1665 : L’Amour médecin ou Les Médecins 1666 : Le Misanthrope 1666 : Le Médecin malgré lui 1666 : Mélicerte 1667 : La Pastorale comique 1667 : Le Sicilien ou L’Amour-peintre 1668 : Amphitryon 1668 : L’Avare 1668 : George Dandin ou Le Mari confondu 1669 : Monsieur de Pourceaugnac 1670 : Les Amants magnifiques 1670 : Le Bourgeois gentilhomme 1671 : Les Fourberies de Scapin 1671 : Psyché 1671 : La Comtesse d’Escarbagnas 1672 : Les Femmes savantes 1673 : Le Malade imaginaire 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 5 JEAN-BAPTISTE LULLY (1632 - 1687) Ses dates : 28 novembre 1632, Florence - 22 mars 1687, Paris Sa vie de compositeur : Jean-Baptiste Lully entre au service de Louis XIV en 1653, comme danseur de ballet. Il était alors capable de composer de la musique et de tenir une place de violoniste dans un orchestre de la cour. Remarqué pour ses qualités de danseur et la beauté de ses mélodies, il devient surintendant de la musique et en 1662, maître de musique de la famille royale. Lully modifie l’écriture de son nom, reniant l’orthographe italienne Lulli, afin de pouvoir passer auprès du roi pour le représentant de la musique française. Courtisan subtil, il sait s’attirer la faveur du souverain n’hésitant pas à faire écarter, parfois sans beaucoup de scrupules, ses rivaux potentiels, dont Marc-Antoine Charpentier. Lully compose d’abord des ballets, tel Alcidiane (1658), pour la cour, et danse aux côtés du roi dans bon nombre d’entre eux. Collaborant avec Molière, il écrit la partie musicale de plusieurs comédies-ballets, notamment les fêtes des Plaisirs de l’isle enchantée et Le Mariage forcé (1664), Monsieur de Pourceaugnac (1669) et Le Bourgeois gentilhomme (1670). Exerçant un véritable monopole sur la vie musicale en France, il sut exalter les fastes et la pompe presque théâtrale de la cour de Louis XIV. En 1672, ses intrigues lui permettent d’obtenir la direction — et l’exploitation exclusive — de l’Académie royale de musique. Le ballet Alcidiane inaugure l’ouverture à la française. Lully utilise l’opposition lent-vif qui caractérisait le ballet de cour depuis le XVe siècle avec l’alternance des danses (pavane-paillarde, allemande-courante). Jusqu’à Lully, la musique était, à la cour de France, au service de la danse. Elle jouait les utilités en explicitant par un ou deux couplets ce que le thème du ballet pouvait avoir d’obscur. Lully parvint, dès le Ballet de Flore (1669), à composer une musique qui occupait le devant de la scène et dirigeait l’action. Reprenant le rythme caractéristique de la démarche royale (une note longue, une note brève), il créa des airs qui se retenaient facilement. Il inséra des parties chantées, dépourvues d’actions dansées, et changea progressivement le ballet de cour en opéra dansé. S’associant au librettiste M. Quinault qui prit pour modèle les tragédies classiques de ses contemporains, Pierre Corneille et Jean Racine, tous deux se lançèrent dans une série d’opéras, intitulés « tragédies en musique » — une quinzaine environ —, dont on retiendra Cadmus et Hermione (1673), Alceste (1674), Atys (1676), Persée (1682), Amadis (1684) et Armide (1686). Ces partitions majestueuses et solennelles visaient avant tout à mettre en valeur la prosodie de la langue française, leurs ballets élaborés et leurs chœurs grandioses trouvant leur origine dans les danses de cour. L’écriture vocale, jamais virtuose, privilégiait la déclamation du texte, l’orchestre jouant un rôle essentiel dans le dispositif. Il codifia ainsi les règles de l’opéra français qui devaient lui survivre pendant plus d’un siècle. Ses principales œuvres : 1664 : Le Mariage forcé (comédie-ballet) 1665 : L’Amour médecin (comédie-ballet) 1670 : Le Bourgeois gentilhomme (comédieballet) 1674 : Alceste (tragédie lyrique) 1675 : Thésée (tragédie lyrique) 1676 : Atys (tragédie lyrique) 1678 : Psyché (tragi-comédie) 1680 : Proserpine (tragédie lyrique) 1682 : Persée (tragédie lyrique) 1683 : Phaéton (tragédie lyrique) 1684 : Amadis (tragédie lyrique) 1685 : Roland (tragédie lyrique) 1686 : Armide (tragédie lyrique) 1686 : Acis et Galatée (pastorale) 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 6 LA COMÉDIE-BALLET Genre dramatique, musical et chorégraphique, la comédie-ballet est inventée par Molière en 1661, pour sa pièce Les Fâcheux, lors de la fête donnée par Fouquet à Vaux-le-Vicomte, marquant ainsi le début de la collaboration entre Molière et Beauchamp. Mêlant la musique et la danse dans une action unique (contrairement à l'opéra-ballet, plus composite), la comédie-ballet traite des sujets contemporains et montre des personnages ordinaires de la vie quotidienne. Le mariage en est souvent le thème central. On trouve dans cette catégorie des pièces appartenant à des genres très différents : comédie de mœurs avec intermèdes bouffons (le Bourgeois gentilhomme), « tragédie-ballet » (Psyché), pastorale aristocratique (La Princesse d’Élide), pièce mythologique (Amphitryon), farce musicale (Monsieur de Pourceaugnac, George Dandin), etc. Dans chacune de ces pièces, Molière sut allier comédie et ballet avec une cohérence et une harmonie inégalées. L’histoire de la création des Fâcheux lors des fêtes de Vaux en explique la nature et la raison d’être. Molière raconta lui-même que, pour la représentation, afin de donner aux danseurs le temps de se changer entre les différentes entrées du ballet, on intercala celles-ci entre les scènes de la comédie : procédé de l'intermède, qui n'était pas nouveau. Ce qui l'était, ce fut l'initiative de Molière (semblait-il) de donner à la comédie et au ballet le même sujet, afin « de ne pas rompre le fil ». Les Fâcheux, comédie « à tiroir », présenta ainsi, tour à tour, des « fâcheux dansant » et des « fâcheux parlant ». Lully ne collaborait à cette œuvre que pour une courte pièce. La comédie-ballet apparut ainsi, dès l'origine, comme la fusion du ballet de cour, genre musical favori en France, et de la comédie proprement dite. Representation du Malade Imaginaire à Versailles En 1664, Molière et Lully donnèrent ensemble le Mariage forcé et, dans les années suivantes, ne créèrent pas moins de dix œuvres : La Princesse d'Élide (1664), L'Amour médecin (1665), La Pastorale comique (1667), Le Sicilien (1667), Georges Dandin (1668), Monsieur de Pourceaugnac (1669), Les Amants magnifiques (1670), Le Bourgeois gentilhomme (1670). Après la rupture entre Molière et Lully, qui suivit de près la tragédie en musique de Psyché (1671), Molière tenta de poursuivre dans le genre de la comédie-ballet, dont le succès resta très grand, et fit appel à Marc-Antoine Charpentier pour La Comtesse d'Escarbagnas (1671-72), Le Malade imaginaire (1673) et les reprises de quelques pièces antérieures avec une musique nouvelle (Le Sicilien). Certaines œuvres souffrirent de l'alliance artificielle d'une comédie et de divertissements musicaux (Georges Dandin). Mais, dans la plupart des cas, les deux artistes eurent le souci d'intégrer les deux domaines, et Molière accumula les situations où il était « naturel » que musique et danse apparussent : la sérénade à la fenêtre (Le Sicilien), la leçon de chant et de danse (Le Bourgeois gentilhomme), etc. Dans les meilleurs cas, l'élément musical et chorégraphique servait à faire rebondir l'action (colère de Mme Jourdain lors de la sérénade donnée par son mari). Si certaines comédies-ballets ne se différencièrent guère par leur sujet des thèmes habituels à Molière, elles le conduisirent parfois à glisser vers des sujets plus lyriques et à créer un climat particulier (La Princesse d'Élide). 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 7 LA MUSIQUE BAROQUE Succédant à la Renaissance et précédant le Classicisme, le baroque couvre une grande période dans l’histoire de la musique, s’étendant du début du XVIIe siècle au milieu du XVIIIe siècle, de façon plus ou moins uniforme selon les pays considérés. Le mot baroque serait né du mot portugais barroco qui désigne des perles de forme irrégulière. Ce terme est d’abord utilisé dans l’art et l’architecture avant d’être appliqué à la musique. Le mouvement baroque se caractérise par l’exaltation des sentiments, les effets de contrastes, la prolifération et la déformation des volumes et des formes, le goût pour l’illusion, l’exubérance des ornements… L’ère de la musique baroque débute, conventionnellement, en Italie avec l’Orfeo, opéra de Claudio Monteverdi (1567-1643) – véritable créateur du genre opéra – et se termine avec les contemporains de Johann Sebastian Bach et Georg Friedrich Haendel. Bien des œuvres de l’époque baroque sont tombées dans l’oubli à la fin du XVIIIe siècle pour n’être redécouvertes qu’au milieu du XXe siècle. Au cours de la période baroque, la musique instrumentale s’émancipe : elle ne se contente plus de son rôle d’accompagnement des polyphonies vocales, mais fait ressortir ses propres possibilités techniques et expressives. C’est aussi un moment important pour l’élaboration de la théorie musicale : la gamme tempérée et les modes majeur et mineur apparaissent, posant ainsi les bases de l’harmonie classique. Les principaux pôles de la musique baroque sont l’Italie, l’Allemagne et la France dont les styles sont fortement opposés malgré des influences réciproques. La musique baroque est marquée par un style fleuri et une grande expressivité. Elle se caractérise notamment par l’importance du contrepoint puis par une harmonie qui s’enrichit progressivement, par l’importance donnée aux ornements et par la technique de la basse continue. L’avènement de la basse continue (également appelée continuo) – partie instrumentale confiée à la basse et soutenant les parties supérieures – est une nouvelle manière de concevoir l’écriture sonore. En projetant la mélodie hors de l’architecture polyphonique, la basse continue a permis l’épanouissement des genres vocaux (opéra, oratorio et cantate). La basse continue était exécutée par un instrument grave monodique (violoncelle, viole de gambe ou basson…) jouant la ligne de basse notée par le compositeur, et un instrument polyphonique (clavecin, orgue, luth...) réalisant le chiffrage d’accords noté au-dessus de la basse, donc improvisant un accompagnement harmonique. Musiciens baroques La basse obstinée, procédé d’écriture musicale également très apprécié pendant la période baroque, place à la partie de basse un motif ou un chant constamment répété pendant toute la durée du morceau et sur lequel les parties supérieures réalisent des variations. La naissance de l’opéra coïncide avec cette mise en avant de la ligne mélodique et du texte. On parle de bel canto baroque. Les recherches furent alors nombreuses, aboutissant par exemple à la création du récitatif soumis aux lois du discours parlé. Au service d’une écriture nouvelle, se développent les voix tout à fait particulières des castrats dont la virtuosité inouïe provoque l’admiration à travers toute l’Europe. En effet, à cette époque, la supériorité est donnée aux voix aiguës. Les sopranos et castrats se disputent alors les rôles titres et la hauteur du chant est le reflet du rang social. Ainsi est-il courant d’entendre un castrat chanter le rôle d’une princesse et d’attribuer un rôle de prince à une soprano. La mise en avant du texte correspond sans doute à une volonté d’exprimer avec force l’univers des passions des personnages : les héros juxtaposent les thèmes de la vie et de la mort, de l’amour, de la jalousie et de la vengeance avec une intensité jusque-là inégalée. L’alternance entre le récitatif et l’aria participe de cette esthétique du contraste et permet aux chanteurs de briller dans la reprise de l’aria (le da capo) en proposant une variante très ornée et virtuose. L’orchestre baroque bénéficie d’un effectif centré d’une part sur la basse « réalisée » par un instrument polyphonique (orgue ou clavecin par exemple), soulignée par un instrument monodique (viole de gambe, basson par exemple) et d’autre part sur la mélodie. Généralement, l’orchestre est composé d’une vingtaine d’instruments. Les cordes en constituent la base, les hautbois et les flûtes vont par paire tandis que les cuivres ne s’y rencontrent que lorsque leur timbre est nécessaire à l’action. Les instruments sont toujours choisis avec précision afin de renforcer le caractère de l’aria ou du récitatif accompagné. De nombreuses études mettent aujourd’hui en valeur la véritable richesse de la musique baroque et posent entre autres la question du diapason (dont la hauteur a oscillé tout au long de la période), la question du tempo, de l’ornementation, et de la réalisation de la basse continue. En ce sens, cette musique permet une interprétation sans cesse renouvelée, aboutissement d’une recherche partagée entre les musiciens. 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 8 ALLER PLUS LOIN : LULLY ET MOLIÈRE, DUO INFERNAL Pour obtenir une distinction du roi Louis XIV, le compositeur Lully et le comédien Molière vont s'affronter jusqu'à la mort. L'hiver 1672 a été pluvieux, la Seine est haute, les cachots de la Conciergerie prennent l'eau. A l'aube du 3 mars, deux hommes descendent les escaliers blanchis par le salpêtre : le surintendant de la Musique du roi, JeanBaptiste Lully, accompagné de son notaire. Ils viennent visiter un prisonnier très courtisé, Pierre Perrin. Cet écrivain lyonnais, abbé à ses heures, a inventé l'opéra français. Et surtout, en 1669, le roi lui en a accordé le privilège, entendez sa licence commerciale. L'entreprise vaut de l'or. Les artistes du royaume veulent son privilège à tout prix. Et son obtention va diviser les grands amis que sont Molière et Lully. Rien ne prédisposait pourtant «les deux Baptiste», comme l'époque et Madame de Sévigné l'écrivent, à s'intéresser à l'opéra. Pour l'aristocratie, ni Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, ni Jean-Baptiste Lully ne possèdent de nom de famille, juste un prénom de valet. Libertins, bons vivants, doués l'un et l'autre pour la farce et la comédie, ces amuseurs royaux se sont rencontrés durant la jeunesse de Louis XIV, lorsque divertissements et ballets de cour se succédaient sans jamais s'interrompre, sauf pour le Carême. A cette époque Lully ne s'écrit pas encore avec ce «y» si français. Il est né en 1632, à Florence. Remarqué par Mazarin, ce violoniste et danseur est devenu indispensable au jeune Louis passionné de spectacle. Il compose de nombreux ballets de cour. En 1659, il triomphe avec le Ballet d'Alcidiane. Favori du roi, Lully prend le pouvoir sur les musiciens français, qui vont lui garder une rancune féroce. A la même date, Molière s'impose avec Les Précieuses Ridicules. Après avoir couru la France avec sa troupe, connu la faveur puis l'errance, il rencontre enfin le succès. De dix ans l'aîné de Lully, Molière possède les mêmes capacités, la musique en moins, l'imaginaire théâtral en plus. 1661 : mort de Mazarin, chute de Fouquet. Le jeune roi met des hommes à lui aux commandes. Les deux Baptiste étaient à Vaux-le-Vicomte pour la mémorable fête qui a précipité la disgrâce de Fouquet. Molière y donnait Les Fâcheux, première comédie-ballet tandis que Lully faisait danser le roi. Ils deviennent ses ministres festifs. Entre 1660 et 1670, tout deux font preuve d'une énergie phénoménale. Lully compose, interprète, danse et supervise des spectacles. Il réorganise l'orchestre et engage les musiciens. Par l'intermédiaire des Menus Plaisirs, l'institution qui régente les divertissements de Sa Majesté, les deux Baptiste sont en relation directe avec le roi. Louis choisit quels divertissements sont à produire. Ses résidences (Fontainebleau, Saint-Germain-en-Laye, Chambord, les premiers jardins de Versailles) se métamorphosent. On construit de complexes féeries aquatiques et végétales. Les Plaisirs de l'Ile enchantée puis Les Festes de Versailles voient le jour. Ensemble, ils créent Le Bourgeois gentilhomme Les deux Baptiste inventent la comédie agrémentée de ballets. Le genre a surgi dans l'esprit de Molière à la fois par hasard et par nécessité. Les danses entre les actes sont disposées afin de donner aux comédiens le temps de changer de costume sans rompre le fil de l'action. Les deux Baptiste enfantent ensemble Le Bourgeois gentilhomme, Monsieur de Pourceaugnac, Le mariage forcé, Le Sicilien, Les Amants magnifiques... Au cours de cette même décennie, ils deviennent bourgeois et gentilshommes. Molière est fait Tapissier du roi, tandis que Lully est nommé surintendant de sa musique. Lulli devient Lully : il est naturalisé français. Il se fait édifier un hôtel particulier, toujours visible rue SainteAnne. Pour le faire, il a emprunté 11 000 livres à Molière, enrichi par son théâtre. Leurs charges ne signifient pas rentrées régulières d'argent. Le roi paye les spectacles selon son bon plaisir. Mais Molière a le droit de donner en son théâtre du Palais-Royal les pièces conçues pour la Cour. Ses succès l'enrichissent. Les familles de Lully et de Molière s'accroissent. Les bons amis deviennent parrains respectifs de leurs progénitures. En 1670, une cheville foulée met brusquement à mal cette double ascension sociale. Le 7 février, Louis XIV, « l'Apollon de son siècle », le plus illustre danseur du royaume, se blesse en interprétant le dieu des arts dans Les Amants magnifiques. A 36 ans, il ne sera plus l'étoile de la Cour. Désormais, il va s'asseoir et regarder le spectacle. Jusqu'à cet incident, les ballets de cour formaient l'ossature de la vie mondaine. Le roi, au milieu de danseurs professionnels et de ses pairs, évoluait dans une succession de scènes luxueuses et chamarrées, les entrées. Se donner en spectacle à ses sujets faisait partie intégrante du métier de roi. C'était l'une des obligations de la monarchie absolue : au cours de ces noces somptuaires, le corps du roi épousait ceux de ses vassaux. Il y allait de la propagande royale : les ambassadeurs invités propageaient «sa gloire et sa beauté aux quatre bords de l'univers», comme le clame la rhétorique du temps. 9 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra Extrait de GEO, histoire n°14 (Louis XIV et Versailles), janvier 2011 Sur scène apparaissent des machineries extravagantes Le roi ne dansant plus, le ballet de cour perd sa fonction symbolique et politique. Aux artistes alors d'inventer un nouveau divertissement. Pour les deux Baptiste, le moment est dangereux. Ils ne sont pas les seuls amuseurs à la Cour. Un genre nouveau, l'opéra, les inquiète. Mazarin l'avait introduit en France avant la Fronde. L'Orfeo de Luigi Rossi, créé en 1652, a ébloui avec ses machineries extravagantes et ses voix hallucinantes. Pour tout artiste chargé de divertir la Cour et le roi, en devenir le maître d'œuvre est l'enjeu majeur. Louis XIV ne vient-il pas de commenter Pomone - le premier opéra français écrit par Pierre Perrin sur une musique de Robert Cambert - en ces termes: « Un tel art de réciter en musique procurera à la ville de Paris de nouveaux loisirs et sera par conséquent fort utile au public. » Il faut savoir lire son Louis : il déclare donner son agrément au spectacle et à sa commercialisation. L'intention est inscrite dans le privilège attribué à Pierre Perrin. Citons le texte : « Permission est accordée d'établir en la ville de Paris et autres du royaume des Académies composées de tel nombre et qualité de personnes que l'on avisera pour y représenter et chanter en public, moyennant un droit d'entrée, des opéras et représentations en musique et vers français, pareilles et semblables à celles d'Italie. » Détail piquant : permission est également « donnée aux personnes nobles de s'y illustrer sans déroger. » La tradition du ballet de cour, où la noblesse, les «people» du temps, dansent et chantent en public, perdure. Qui ne paierait pour assister à un tel spectacle ! L'ancien maître de l'art lyrique est jeté en prison pour dettes L'utilisation du privilège est strictement encadrée. Pour se garder de la concurrence, on a concédé à Perrin une exclusivité de douze ans dans tout le royaume. Etablir des opéras autres que le sien est passible d'une amende de 10 000 livres, de la confiscation des machines, du théâtre et des costumes. Hélas, Perrin s'est mal débrouillé. La première académie, sise au Jeu de Paume de la Bouteille (entre le 42 rue Mazarine et le 43 rue de Seine) ne désemplit pas. Mais les associés dont il s'est entouré, Sourdéac et Champeron, sont connus en Bretagne pour avoir filouté sur les gabelles et les tailles (deux taxes de l'époque). Ils détournent les fonds et ne payent pas les artistes. Perrin, naïf, n'a signé aucun contrat avec ses acolytes. Lorsque les créanciers se présentent c'est lui, seul détenteur du privilège, qu'on jette en prison pour dettes. A la Conciergerie, il y a bientôt défilé de prétendants pour extorquer sa licence. Le 3 novembre 1671, Molière et Lully offrent à la Cour un sommet de leur collaboration : Psyché, à la fois tragédiecomédie et ballet d'une durée de cinq heures. Elle a été commandée par le roi, mais la ville est invitée à voir le spectacle au cours de soirées qui lui sont réservées. A 1 500 livres de bénéfice par représentation, Psyché rapporte gros. Alors pourquoi Lully se présente-t-il seul devant Perrin pour lui racheter son privilège ? C'est que la dissension s'est installée entre les deux amis. Psyché a connu trente-huit représentations. Sur ces 57 000 livres, rien n'a été reversé à Lully, auteur de la partition. Ce n'est pas la première fois que Poquelin se montre avare. Il rémunère Lully moins que ses comédiens. De plus, il ne cache pas vouloir le privilège pour lui seul. Il opère des transformations dans le théâtre du Palais-Royal qui ne laissent guère de doute à Lully: création d'une fosse d'orchestre, aménagements pour des machineries neuves, nouvelles loges. Lully dispose d'un atout de taille en la personne du troisième Baptiste de cette histoire: Colbert. Le « principal ministre » est son appui indéfectible. Jadis homme de l'ombre de Mazarin, il œuvre à la réalisation testamentaire du cardinal-ministre : glorifier, immortaliser et multiplier l'image du roi de France. Louis XIV est un absolutiste de la décision. A chaque fonction un homme, et un seul. Colbert, obéissant, choisit un homme-clé pour chaque poste. De même qu'il ne saurait y avoir deux Lebrun ou deux Le Nôtre, il ne peut y avoir deux maîtres de l'opéra français. Les deux Baptiste sont mis en compétition ouverte. Ce sera au plus rapide de gagner le privilège. En mars 1672, Molière connaît les assauts répétés de la tuberculose. Lully en profite pour racheter à Perrin, devant notaire, son privilège pour 15 000 livres. L'abbé sort de prison. Le surintendant se rue à la Cour pour dénoncer le précédent privilège et s'en faire attribuer un nouveau, à son seul nom. Lully n'oublie pas ses droits d'auteur : son privilège le rend rétroactivement propriétaire des vers mis en musique. Cela vise Molière. Brouillé avec son ancien complice, Poquelin s'adjoint alors les services de Marc-Antoine Charpentier pour la comédie-ballet du Malade imaginaire. Le 17 février 1673, trois mois après l'ouverture de l'Académie royale de Lully, Molière meurt en scène dans ce rôle. La vengeance du Florentin ne s'arrête pas là. Son Académie royale d'opéra s'était installée rue de Vaugirard, au jeu de paume du Bel-Air, face à l'actuel Sénat. Le succès est tel qu'il lui faut une salle plus spacieuse. Lully se fait alors attribuer la salle de Molière, au Palais-Royal. Il en chasse les comédiens de Poquelin qui refluent rue Mazarine, dans l'ancienne académie de Perrin, au préalable fermée par la justice en vertu du privilège du surintendant de la Musique du roi. Par un sinistre jeu de chaises musicales, l'Académie royale de musique s'installe là où est mort Poquelin. Et L'Illustre Théâtre, là où est mort le premier opéra français. 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 10 LE SPECTACLE Introduction Molière et Lully forment un duo mythique : pendant plus de dix ans, « les deux Baptiste » écrivent, jouent, chantent et dansent pour le roi. A la poursuite d’un art total où le divertissement burlesque inspiré de la Commedia dell’Arte n’est pas exempt de gravité ou de rêverie, les deux complices forgent de toute pièce un type de spectacle typiquement français où tous les arts de la scène se mêlent : théâtre, chant, danse, musique instrumentale, acrobatie, machines nous entraînent vers un imaginaire plein de fantaisie, d’audace, de liberté et de modernité. La fameuse brouille entre Lully et Molière, dont on ne saura jamais exactement la cause, met fin à cette belle collaboration. Chacun reprend son chemin, Lully vers la tragédie lyrique, et Molière vers d’autres collaborations. Mais la rencontre de Molière avec Charpentier rend possible d’autres expériences que viennent malheureusement écourter la mort de l’acteur pendant les représentations du Malade imaginaire en 1673. Molière est très attentif à la musique, issu lui-même d’une lignée de musiciens. Il va donc s’entourer successivement des deux plus grands compositeurs français du XVIIe siècle. L’un est italien et ne rêve que de musique française, l’autre français imprégné de musique italienne. Avec le premier Le Bourgeois gentilhomme, avec l’autre, Le Malade imaginaire, deux des pièces les plus célèbres du répertoire théâtral français vont voir le jour. A côté de ces chefs d’œuvre, d’autres pièces : Le Mariage forcé, la Princesse d’Elide, l’Amour médecin, Georges Dandin, Monsieur de Pourceaugnac, Les Amants magnifiques, Le Sicilien ou Psyché forment une collection d’œuvres hybrides et surprenantes écrites sur mesures pour des artistes au fort tempérament, dont Molière et Lully eux-mêmes : dans Monsieur de Pourceaugnac, les deux médecins italiens armés de clystères poursuivent Pourceaugnac pour lui administrer un lavement ; dans Le Bourgeois Gentihomme, Lully joue le Grand Muphti tandis que Molière joue Monsieur Jourdain. « Molière à l’opéra » est un parcours dans l’univers musical de Molière, où règnent l’insolence et l’extravagance : on y croise des médecins, des avocats, des bergers, des turcs, des italiens, des espagnols, des animaux. On s’aime, on se bat, on discute, on monologue, on pleure et on rit. Reflet d’une époque où la vie passait vite. Carpe Diem… Jérôme Correas Le programme Jean-Baptiste Lully Pastorale Comique Entrée des magiciens 3 magiciens : Déesse des appas, ne nous refuse pas Un magicien : Ô toi, qui peux rendre agréable La Chaconne des Magiciens : Ah, qu’il est beau… ...Qu’il est joli Monsieur de Pourceaugnac Entrée des procureurs et des sergents. L’avocat traînant ses paroles et l’avocat bredouilleur : La polygamie est un cas pendable Entrée des Matassins Deux musiciens italiens en médecins grotesques : Piglialo su, signor Monsu ! Psyché Plainte italienne : Dei, piangete al pianto mio Entrée de la suite d’Apollon Apollon : Le dieu qui nous engage à lui faire la cour Deuxième air en suite Les Amants Magnifiques Plainte de Caliste : Ah ! Que sur notre cœur… Sommeil : Dormez, beaux yeux Le Bourgeois gentilhomme Ballet des Nations 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 11 LES AIRS PASTORALE COMIQUE (1667) « Déesse des appas, ne nous refuse pas » LES MAGICIENS Déesse des appas, Ne nous refuse pas La grâce qu’implorent nos bouches : Nous t’en prions par tes rubans, Par tes boucles de diamants, Ton rouge, ta poudre, tes mouches, Ton masque, ta coiffe et tes gants. « Ô toi qui peut rendre agréable » UN MAGICIEN Ô toi ! qui peux rendre agréables Les visages les plus mal faits, Répands, Vénus, de tes attraits Deux ou trois doses charitables Sur ce museau tondu tout frais. Déesse des appas, Ne nous refuse pas La grâce qu’implorent nos bouches : Nous t’en prions par tes rubans, Par tes boucles de diamants, Ton rouge, ta poudre, tes mouches, Ton masque, ta coiffe et tes gants. « Ah qu’il est beau.. Qu’il est joli » LA CHACONNE DES MAGICIENS Ah ! qu’il est beau, Le jouvenceau ! Ah ! qu’il est beau ! ah ! qu’il est beau ! Qu’il va faire mourir de belles ! Auprès de lui, les plus cruelles Ne pourront tenir dans leur peau. Ah ! qu’il est beau, Le jouvenceau ! Ah ! qu’il est beau ! ah ! qu’il est beau ! Ho, ho, ho, ho, ho, ho. Qu’il est joli, Gentil, poli ! Qu’il est joli ! qu’il est joli ! Est-il des yeux qu’il ne ravisse ? Il passe en beauté feu Narcisse, Qui fut un blondin accompli. Qu’il est joli, Gentil, poli ! Qu’il est joli ! qu’il est joli ! Hi, hi, hi, hi, hi, hi. MONSIEUR DE POURCEAUGNAC (1669) « La polygamie est un cas pendable » L’AVOCAT, traînant ses paroles : La polygamie est un cas, Est un cas pendable. L’AVOCAT BREDOUILLEUR : Votre fait Est clair et net ; Et tout le droit Sur cet endroit Conclut tout droit. Si vous consultez nos auteurs, Législateurs et glossateurs, Justinian, Papinian, Ulpian et Tribonian, Fernand, Rebuffe, Jean Imole, Paul, Castre, Julian, Barthole, Jason, Alciat, et Cujas, Ce grand homme si capable ; La polygamie est un cas Est un cas pendable. Tous les peuples policés, Et bien sensés ; Les Français, Anglais, Hollandais, Danois, Suédois, Polonais, Portugais, Espagnols, Flamands, Italiens, Allemands, Sur ce fait tiennent loi semblable, Et l’affaire est sans embarras ; La polygamie est un cas, Est un cas pendable. 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 12 « Piglialo su, signor Monsu ! » LES DEUX MEDECINS Piglia-lo sù, Signor monsu ; Piglia-lo, piglia-lo, piglia-lo sù ; Che non ti farà male. Piglia-lo sù questo servitiale, Piglia-lo sù, Signor monsu ; Piglia-lo, Piglia-lo, piglia-lo sù ; Prenez-le, monsieur, prenez-le ; il ne vous fera point de mal. PSYCHÉ (1672) « Dei, piangete al pianto mio » traduction FEMME DESOLEE Deh ! piangete al pianto mio, Sassi duri, antiche selve ; Lagrimate, fonti, e belve, D’un bel volto, il fato rio. FEMME DESOLEE Mêlez vos pleurs avec nos larmes, Durs rochers, froides eaux, et vous, tigres affreux ; Pleurez le destin rigoureux D’un objet dont le crime est d’avoir trop de charmes. PREMIER HOMME AFFLIGE Ahi dolore ! PREMIER HOMME AFFLIGE O dieux ! quelle douleur ! SECOND HOMME AFFLIGE Ahi martire ! SECOND HOMME AFFLIGE Ah ! Quel malheur ! PREMIER HOMME AFFLIGE Cruda morte ! PREMIER HOMME AFFLIGE Rigueur mortelle ! SECOND HOMME AFFLIGE Empia sorte ! SECOND HOMME AFFLIGE Fatalité cruelle ! TOUS TROIS Che condanni a morir tanta beltà ! Cieli, stele, ahi crudeltà ! TOUS TROIS Faut-il, hélas ! Qu’un sort barbare Puisse condamner au trépas Une beauté si rare ! Cieux, astres plein de dureté, Ah ! quelle cruauté ! « Le dieu qui nous engage à lui faire la cour » APOLLON Le Dieu qui nous engage A luy faire la Cour, Deffend qu'on soit trop sage. Les Plaisirs ont leur tour, C'est leur plus doux usage Que de finir les soins du Jour ; La Nuit est le partage Des Jeux, et de l'Amour. 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 13 LES AMANTS MAGNIFIQUES (1670) « Ah ! Que sur notre cœur… » CALISTE Ah que sur notre cœur La sévère loi de l’honneur Prend un cruel empire ! Je ne fais voir que rigueurs pour Tircis, Et cependant, sensible à ses cuisants soucis, De sa langueur en secret je soupire, Et voudrais bien soulager son martyre. C’est à vous seuls que je le dis, Arbres, n’allez pas le redire. Puisque le Ciel a voulu nous former Avec un cœur qu’amour peut enflammer, Quelle rigueur impitoyable Contre des traits si doux nous force à nous armer, Et pourquoi sans être blâmable Ne peut-on pas aimer Ce que l’on trouve aimable ? Hélas ! que vous êtes heureux Innocents animaux, de vivre sans contrainte, Et de pouvoir suivre sans crainte Les doux emportements de vos cœurs amoureux : Hélas ! petits oiseaux, que vous êtes heureux De ne sentir nulle contrainte, Et de pouvoir suivre sans crainte Les doux emportements de vos cœurs amoureux. Mais le sommeil sur ma paupière Verse de ses pavots l’agréable fraîcheur, Donnons-nous à lui toute entière, Nous n’avons point de loi sévère Qui défende à nos sens d’en goûter la douceur. TIRCIS Vers ma belle ennemie Portons sans bruit nos pas, Et ne réveillons pas Sa rigueur endormie. Les Amants Magnifiques, gravure « Dormez beaux yeux » TOUS TROIS Dormez, dormez, beaux yeux, adorables vainqueurs, Et goûtez le repos que vous ôtez aux cœurs, Dormez, dormez, beaux yeux. TIRCIS Silence, petits oiseaux, Vents, n’agitez nulle chose, Coulez doucement, ruisseaux, C’est Caliste qui repose. TOUS TROIS Dormez, dormez, beaux yeux, adorables vainqueurs, Et goûtez le repos que vous ôtez aux cœurs, Dormez, dormez, beaux yeux. 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 14 LE BOURGEOIS GENTILHOMME (1673) « Ballet des Nations » TOUS À moi, Monsieur, à moi de grâce, à moi, Monsieur, Un livre, s’il vous plaît, à votre serviteur. HOMME DU BEL AIR Monsieur, distinguez-nous parmi les gens qui crient. Quelques livres ici, les dames vous en prient. AUTRE HOMME DU BEL AIR Holà ! Monsieur, Monsieur, ayez la charité D’en jeter de notre côté. FEMME DU BEL AIR Mon Dieu ! qu’aux personnes bien faites, On sait peu rendre honneur céans. AUTRE FEMME DU BEL AIR Ils n’ont des livres et des bancs, Que pour Mesdames les grisettes. GASCON Aho ! l’homme aux libres, qu’on m’en vaille, J’ai déjà lé poumon usé, Bous boyez qué chacun mé raille, Et jé suis escandalisé De boir és mains dé la canaille, Cé qui m’est par bous refusé. AUTRE GASCON Eh cadédis, Monseu, boyez qui l’on pût être ; Un libret, je bous prie, au varon d’Asbarat. Jé pense, mordy, qué lé fat N’a pas l’honnur dé mé connaître. LE SUISSE Mon’-sieur le donneur de papieir, Que veul dir sti façon de fifre, Moy l’écorchair tout mon gosieir À crieir, Sans que je pouvre afoir ein lifre ; Pardy, mon foi, Mon’-sieur, je pense fous l’être ifre. VIEUX BOURGEOIS BABILLARD De tout ceci, franc et net, Je suis mal satisfait ; Et cela sans doute est laid, Que notre fille Si bien faite et si gentille, De tant d’amoureux l’objet, N’ait pas à son souhait Un livre de ballet, Pour lire le sujet Du divertissement qu’on fait, Et que toute notre famille Si proprement s’habille, Pour être placée au sommet De la salle, où l’on met Les gens de Lantriguet : De tout ceci, franc et net Je suis mal satisfait, Et cela sans doute est laid. VIEILLE BOURGEOISE BABILLARDE Il est vrai que c’est une honte, Le sang au visage me monte, Et ce jeteur de vers qui manque au capital, L’entend fort mal ; C’est un brutal, Un vrai cheval, Franc animal, De faire si peu de compte D’une fille qui fait l’ornement principal Du quartier du Palais-Royal, Et que ces jours passés un comte Fut prendre la première au bal. Il l’entend mal, C’est un brutal, Un vrai cheval, Franc animal. HOMMES ET FEMMES DU BEL AIR Ah ! quel bruit ! Quel fracas ! Quel chaos ! Quel mélange ! Quelle confusion ! Quelle cohue étrange ! Quel désordre ! Quel embarras ! On y sèche. L’on n’y tient pas. GASCON Bentré jé suis à vout. AUTRE GASCON J’enrage, Diou mé damne. molière à l'opéra SUISSE Ah que ly faire saif dans sty sal de cians. 2016-2017 Opéra de massy 15 VIEUX BOURGEOIS BABILLARD Allons, ma mie, Suivez mes pas, Je vous en prie, Et ne me quittez pas, On fait de nous trop peu de cas, Et je suis las De ce tracas : Tout ce fatras, Cet embarras Me pèse par trop sur les bras : S’il me prend jamais envie De retourner de ma vie À ballet ni comédie, Je veux bien qu’on m’estropie. Allons, ma mie, Suivez mes pas, Je vous en prie, Et ne me quittez pas, On fait de nous trop peu de cas. GASCON Jé murs. AUTRE GASCON Jé perds la tramontane. SUISSE Mon foi ! moi le foudrais être hors de dedans. Ballet à Versailles, Charles-Nicolas Cochin 1745 VIEILLE BOURGEOISE BABILLARDE Allons, mon mignon, mon fils, Regagnons notre logis, Et sortons de ce taudis, Où l’on ne peut être assis ; Ils seront bien ébaubis Quand ils nous verront partis. Trop de confusion règne dans cette salle, Et j’aimerais mieux être au milieu de la Halle ; Si jamais je reviens à semblable régale, Je veux bien recevoir des soufflets plus de six. Allons, mon mignon, mon fils, Regagnons notre logis, Et sortons de ce taudis, Où l’on ne peut être assis. 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 16 PORTRAIT D'ARTISTES JÉRÔME CORREAS DIRECTION MUSICALE Jérôme Correas débute l’étude du piano dès l’âge de cinq ans puis très vite se passionne pour le clavecin. Il devient l’élève du grand claveciniste et musicologue Antoine Geoffroy-Dechaume dont l’enseignement, basé sur l’improvisation et la souplesse rythmique, le marque durablement. Sa curiosité pour le chant l’amène à se présenter au CNSM de Paris où il obtient un Premier Prix d’Art lyrique dans la classe de Xavier Depraz, et de chant baroque dans celle de William Christie. Remarqué par ce dernier, il débute au festival d’Aix-en-Provence sous sa direction dans The Fairy Queen de Purcell et devient membre des Arts Florissants de 1989 à 1993. Jérôme Correas entre à l’école de chant de l’Opéra de Paris sur la recommandation de Régine Crespin, entre 1991 et 1993. Il travaille ensuite sous la direction de nombreux chefs, dans les répertoires lyrique ou baroque. Dans son parcours, il privilégie l’interprétation de la mélodie française qu’il chante en France et dans de nombreuses tournées aux Etats-Unis. En 2001, Jérôme Correas fonde Les Paladins. Aux côtés de metteurs en scène tels Dan Jemmett, Christophe Rauck, Vincent Tavernier, Vincent Vittoz ou Irène Bonnaud, Mireille Larroche ou Jean-Denis Monory, il présente de nombreux opéras français, italiens ou anglais, de Monteverdi à Haydn en passant par Purcell, Marin Marais ou Rameau. Il enregistre une trentaine de disques et se produit dans de nombreux festival en France et à l’étranger (USA, Angleterre, Italie, Suisse, Belgique, …). La richesse de son parcours musical, sa connaissance de nombreux répertoires, sa double expérience de claveciniste et de chanteur lui permettent alors d’envisager une interprétation toute personnelle fondée sur la théâtralité, la respiration et le rubato, mais surtout une recherche sur l’art du « Parlé-Chanté », dont on n’a pas encore percé tous les secrets aujourd’hui. Il cherche ainsi à transmettre cette recherche artistique, tant au CRR de Toulouse où il enseigne le chant baroque, que dans les projets qu’il dirige en tant que chef invité. Jérôme Correas est Chevalier des Arts et Lettres depuis 2011. fusion du ballet de cour, genre musical favori en France, et de la comédie proprement dite. LES PALADINS ENSEMBLE BAROQUE En 1760, Jean-Philippe Rameau compose Les Paladins, ultime chef-d’œuvre de l'esprit baroque français, délibérément placé sous le signe de la fantaisie et de l'imaginaire. C’est dans cet esprit que Jérôme Correas fonde son ensemble vocal et instrumentalen 2001 qui explore principalement le répertoire musical dramatique italien du XVIIème siècle. Toute l’interprétation des Paladins est tournée vers le théâtre. Du fait de sa double formation de chanteur et d’instrumentiste, Jérôme Correas a trouvé un style et un son propres à son ensemble. C’est là la genèse de tout le travail sur le « Parlé-chanté ». Cela a permis aux Paladins de développer une approche interprétative fondée, non sur l’écriture seule de la partition, mais sur toutes les possibilités expressives et théâtrales liées à la langue quelle qu’elle soit, et les rapports qu’elle entretient avec les sons. Recherches sonores et théâtrales sont intimement liées, avec un travail sur lerubato, la liberté face à la partition, l’improvisation, la réflexion sur les couleurs de la voix et de l’instrument, le passage de la voix chantée à la voix parlée, avec toutes les nuances intermédiaires. Parmi les événements scéniques marquants : la création du Couronnement de Poppée et du Retour d’Ulysse dans sa patrie de Monteverdi mis en scène par Christophe Rauck et salué par la critique, le spectacle pluridisciplinaire Dans les rues de Naples chorégraphié par Ana Yepes et mis en scène par Olivier Collin, L’Egisto de Mazzocchi et Marazzoli mis en scène par Jean-Denis Monory, La Fausse Magie de Grétry mis en scène par Vincent Tavernier, La Servante Maîtresse de Pergolèse mis en scène par Vincent Vittoz et La Zingara, opéra comique de Favart mis en scène par André Fornier. En 2015, la création des Indes Galantes de Rameau (mise en scène Constance Larrieu) mêlant chanteurs et marionnettes poursuit le travail de rencontre avec d’autres modes d’expression artistique. 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 17 LUANDA SIQUEIRA SOPRANO Après avoir suivi des études en chant lyrique à l'École National de Musique de Rio de Janeiro, Luanda Siqueira se perfectionne en chant baroque au CNR de Paris, où elle obtient en 2003 son prix à l'unanimité et avec félicitations du jury. Premier prix du Concours International du Château de Chimay, présidé par W. Christie en 2002, Luanda a chanté au sein des Jeunes voix du Rhin (l'atelier lyrique de l'Opéra National du Rhin) sous la direction de G. Neuhold, D. Bernet, E. Haïm et R. Alessandrini. Elle s’est produite en tant que soliste avec l’Opéra de Lyon (W. Eddins), Le Parlement de Musique (M. Gester) et avec le Poème Harmonique (V. Dumestre), dans Cadmus et Hermione de Lully et l'ensemble Opera Fuoco. JEAN-FRANÇOIS LOMBARD TÉNOR Né dans une famille de musiciens, Jean-François Lombard chante sur scène pour la première fois à l’âge de dix ans dans Tosca de Puccini à l’Opéra de Rouen. Il rejoint ensuite les classes de chant, solfège et histoire de la musique du Conservatoire à rayonnement régional de Rouen. Passionné de musique ancienne, il poursuit son parcours au sein de la maîtrise du Centre de musique baroque de Versailles. Remarqué d’emblée pour sa rare tessiture de ténor haute-contre, il collabore avec les principaux ensembles de musique baroque. À l’opéra, Jean-François Lombard incarne le rôle-titre dans Platée de Rameau en République tchèque, Arnalta et la Nourrice dans Le Couronnement de Poppée de Monteverdi à l’Opéra de Massy et à l’Opéra royal de Versailles, Pisandre et la Fragilité humaine dans Le Retour d’Ulysse dans sa patrie de Monteverdi à l’Opéra de Nice, la Nourrice dans Cadmus et Hermione de Lully à l’Opéra-Comique à Paris et au Grand Théâtre du Luxembourg, Tigrane dans Caligula delirante de Pagliardi à l’Amphithéâtre de l’Opéra-Bastille à Paris, Erice dans L’Ormindo de Cavalli à l’Opéra de Rennes, Valère et Damon dans Les Indes galantes de Rameau à l’Opéra de Reims… GUILLAUME GUTIERREZ TÉNOR Diplômé du Jeune Choeur de Paris dirigé par Laurence Equilbey, Guillaume Gutierrez collabore depuis en tant que soliste avec les ensembles Correspondances, Le Balcon, La Rêveuse, Le Banquet Céleste ou Sagittarius, en France et en Europe. Dans l’opéra, il interprète les rôles de Bastien, Platée, Acis. Ne négligeant aucun répertoire, il chante aussi bien dans Le Bourgeois gentilhomme aux côtés de François Morel que Renard de Stravinsky avec l’ensemble Le Balcon, concert des Folles journées de Nantes. Il interpréte à Buenos-Aires le rôle de Diego Pablo dans Avenida de “Los Incas”, opéra de Fernando Fiszbein. À l’Opéra de Bordeaux et de Versailles il est le deuxième Songe dans Dardanus de Rameau avec l’ensemble Pygmalion puis Monsieur Argant dans Le Soldat Magicien de Philidor à l’Opéra de Reims avec la compagnie Les Monts du Reuil. En 2016, il interprète, le rôle de Vergi, dans Raoul Barbe-Bleue de Grétry (auditorium de la BNF, Opéra de Reims, Opéra de Metz) et la Première Parque dans l’Orfeo de Rossi à l’Opéra de Nancy puis de Versailles, avec l’ensemble Pygmalion, (production reprise en 2017 aux opéras de Bordeaux et de Caen). VIRGILE ANCELY BASSE Virgile Ancely aborde le chant au conservatoire de Roubaix et poursuit sa formation au CRR de Paris au sein du Département Supérieur pour Jeunes Chanteurs créé par Laurence Equilbey, où il obtient en 2008 son Prix de perfectionnement. Lauréat en 2009 du concours international de chant de Clermont-Ferrand, il collabore régulièrement en tant que soliste (Ariadne auf Naxos de Strauss, Le Balcon d'Eötvös, La Métamorphose de Levinas au Théâtre de l'Athénée) avec l'ensemble Le Balcon créé par Maxime Pascal et Alphonse Cemin, ainsi que de nombreux ensembles baroques tels que les Arts florissants, le Poème harmonique, le Concert spirituel, les Paladins, Pygmalion, les Ombres... Parmi ses récents engagements à l'Opéra, citons le petit prince de M. Levinas (le roi, le buveur, l'allumeur de réverbère, l'aiguilleur) à l'Opéra de Lille, Don Quichotte chez la Duchesse de Boismortier, mis en scène par Shirley et Dino (Merlin, Montésinos) à l'Opéra Royal de Versailles, Les Indes galantes (Bellone, Osman, Alvar) au Théâtre impérial de Compiègne et à l'Opéra de Reims, Il ritorno d'Ulisse in patria (Antinoo, Nettuno ,Tempo) aux Opéras de Reims, Massy et Nice, et Castor & Pollux (le grand prêtre) au Festival Radio-France de Montpellier, enregistré chez Harmoni Mundi. 18 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra LES INSTRUMENTS DE L’ORCHESTRE LES INSTRUMENTS À CORDES : LES CORDES FROTTÉES LE VIOLON Il se situe au terme de l’évolution des cordes à archet. Ses ancêtres datent du IXe siècle au moins auxquels furent ajoutées petitaà petit des caisses de résonance. Au XVIIIe siècle il remplace les violes de gambe dans la musique de chambre comme dans les orchestres symphoniques. Pour tous les luthiers, le modèle de référence est celui du célèbre Antonio Stradivari (1644-1737). L’ALTO Il est plus grand que le violon sans que sa taille soit clairement définie : elle peut varier de 10 centimètres. En fait, la forme de l’alto n’est pas la forme idéale qu’il devrait avoir. Pour sa tonalité, il devrait être plus gros, plus grand. Mais il doit garder une taille jouable ; peu épais pour pouvoir se loger sur l’épaule de l’altiste, ne pas avoir un manche trop grand... Bref, l’alto est un compromis. Seul son timbre est clairement reconnaissable, très chaud dans les graves. Il a longtemps été le parent pauvre des orchestres. Quelques œuvres pour alto ont été écrites par des compositeurs romantiques tel Carl Ditters von Dittersdorf. LA BASSE DE VIOLON La basse de violon pouvait être à 4 ou 5 cordes. La basse de violon à quatre cordes est un gros instrument dont la caisse avoisine 85cm, soit 10 cm de plus qu'un violoncelle. Elle fait sonner les cordes juste un ton au-dessus de celles du violoncelle et est accordée un ton au-dessous ce celui-ci. Elle a été peu à peu remplacée par la basse de violon à cinq cordes, pour disparaître tout à fait aux alentours de 1715. LES INSTRUMENTS À CORDES : LES CORDES PINCÉES LE THÉORBE Basse de la famille du luth, le théorbe a une coquille très bombée et à côtes. Il possède un double manche, mais relativement plus court que l'unique manche du luth. Le chitarrone (théorbe de Rome, par opposition au théorbe ordinaire, dit de Padoue) avait, au contraire, un double manche très long et une coquille assez petite. La table est percée d'une ou de deux ouïes. Les théorbes comprenaient de six à dix cordes graves de bourdon (tendues sur le second chevillier au-dessus de la caisse de résonance, à côté de la touche) et ordinairement quatorze cordes mélodiques (allant par paire) tendues sur le manche à sillets. Théorbe et chitarrone, en honneur du XVIe au XVIIIe siècle, ont joué un rôle important dans la tenue de la basse continue et l'accompagnement de la voix. LE CLAVECIN Le clavecin peut être muni de un, deux ou trois claviers. Il apparaît au début du XVIe siècle, dérivé du psaltérion. Tout d’abord simple remplaçant du luth comme instrument d’accompagnement du chant, il prend une importance croissante jusqu’au XVIIIe siècle. Puis il est abandonné pour le pianoforte avant de réapparaître au XXe siècle avec la grande claveciniste Wanda Landowska. 19 LES CHANTEURS LYRIQUES [ CANTOR / CANTATRICE ] Et quand tout ce beau monde se met à chanter ensemble duos d’amour, trio, quatuor, quintette (Rossini est le spécialiste des disputes et autres règlements de compte familiaux), c’est l’occasion d’entendre les complémentarités entre tessitures masculines et féminines. © SOPHIE CHAUSSADE 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra EN SAVOIR PLUS... SUR LA VOIX Selon que l’on soit un homme, une femme ou un enfant, le chant lyrique connaît une classification spécifique par tessiture. À savoir la partie de l’étendue vocale ou de son échelle sonore qui convient le mieux au chanteur, et avec laquelle il évolue avec le plus d’aisance. Les tessitures sont associées à des caractères : en général, les méchants ou les représentants du destin (mains vengeresses) comme Méphistophélès dans Faust, Le Commandeur dans Don Giovanni ou Zarastro dans La Flûte Enchantée sont basses. Le héros est ténor ou baryton. Le baryton est plus un double vocal du héros, l’ami, un protagoniste, un intrigant. Les héroïnes, âmes pures bafouées, victimes du destin, sont sopranos comme Gilda dans Rigoletto ou concernent les rôles travestis : Chérubin dans Les Noces de Figaro, Roméo dans Les Capulets et les Montaigus ou Octavian dans Le Chevalier à la Rose. Il existe des sopranos lyriques, légers, coloratures selon la maturité vocale du personnage. On associe également à des compositeurs des caractères vocaux (soprano wagnérienne, verdienne). Ils ont composé spécifiquement pour valoriser ces tessitures. Les matrones, servantes, nourrices, confidentes, pendant négatif ou positif de l’héroïne sont souvent des mezzosopranos mais elles peuvent endosser le rôle principal, comme Carmen de Bizet ou Marguerite du Faust de Gounod. Une voix plus rare, la contralto ou alto est la voix la plus grave qui possède une sonorité chaude et enveloppante, par exemple : Jezibaba, la sorcière de Rusalka. Enfin, les enfants sont assimilés à des sopranes, ils interviennent fréquemment en chorale, comme dans le Chœur des Gamins de Carmen. Il n’est pas exagéré de comparer la vie professionnelle d’un chanteur d’opéra à celle d’un sportif de haut niveau. Acquérir une voix lyrique, c’est-à-dire une voix cultivée, prend plusieurs années. Il faut commencer jeune, après la mue pour les garçons et vers 17 ou 18 ans pour les filles. La voix lyrique se distingue par la tessiture et la puissance. Le corps est l’instrument de la voix car il fait office de résonateur. Le secret de la voix lyrique réside dans le souffle. Il faut apprendre à stocker méthodiquement l’air, puis chanter sans que l’on sente l’air sur la voix. Cela nécessite d’ouvrir la cage thoracique comme si l’on gonflait un ballon, c’est une respiration basse, par le ventre, maintenue grâce au diaphragme. Cette base permet ensuite de monter dans les aigus et de descendre dans les graves, sans que la voix ne soit ni nasale ni gutturale. Les vocalises, basées sur la prononciation de voyelles, consonnes, onomatopées servent à chauffer la voix en douceur et à la placer justement. Vous pouvez être surpris de voir l’expression du visage des chanteurs lorsqu’ils sont plongés dans l’interprétation d’une œuvre. Les mimiques, la gestuelle des chanteurs que l’on peut trouver caricaturales, sont souvent des aides techniques. Il faut dégager le voile du palais comme un bâillement, écarquiller les yeux d’étonnement. 2016-2017 Opéra de massy molière à l'opéra 20 QUIZ’OPÉRA : SECRETS D'OPÉRA ÊTES-VOUS VRAIMENT INCOLLABLE SUR L’OPÉRA ? FAITES LE TEST POUR FAIRE LE POINT SUR VOS CONNAISSANCES ! « CÔTÉ COUR/CÔTÉ COEUR » COMME UN PHARE DANS LA NUIT Si je me trouve face à la scène, de quels côtés se trouvent la Cour et le Jardin ? Le Jardin est à ma gauche et la Cour à ma droite. « Côté cour/côté coeur » est la formule que les artistes utilisent comme moyen mnémotechnique. Au XVIIe siècle, étant sur le plateau et regardant la salle, la loge d'avant-scène du Roi était du côté droit et celle de la Reine du côté gauche. Le côté droit était donc appelé le « côté du Roi » et le côté gauche le « côté de la Reine ». La Révolution supprima tout ce qui pouvait rappeler la royauté ; c'est ainsi que le côté droit (côté du Roi) devint le côté jardin à cause du jardin des Tuileries et le côté gauche (côté de la Reine) devint le côté « cour » à cause de la cour du Carrousel. Si vous passez sur la scène de l’Opéra un jour de relâche, vous y verrez un curieux spectacle. Les rideaux de fer sont baissés de part et d’autres de la scène, isolant la cage de scène de la salle et de l’arrièrescène. Seule une lumière, perchée sur un haut pied reste allumée. C’est la servante, âme du théâtre qui veille lorsqu’il n’y a plus personne et qui accessoirement évite au premier technicien arrivé de chercher l’interrupteur ! ÉGALITÉ Pourquoi tous les artistes sont-ils maquillés avant d’entrer en scène ? Tous les types de peaux subissent la lumière intense des projecteurs, les spectateurs à distance de la scène ne voient pas les visages mais une face de couleur presque uniforme. Difficile dans ses conditions de trouver l’expression du personnage et de ressentir son émotion ! TRUCS ET ASTUCES À quoi peut bien servir la bouteille de vodka qui traîne dans l’armoire des costumières ? La vodka existe depuis le XIVe siècle et a longtemps été prescrite par les médecins et vendue en pharmacie. On lui attribuait des vertus multiples : idéale contre l'infertilité, la colique ou même la peste ! Nos costumières, elles, l’utilise pour apporter un peu de fraîcheur aux costumes qui ne peuvent être lavés à l’eau. L’alcool contenu dans la vodka tue les bactéries responsables des odeurs. Comme il s’évapore rapidement, les tissus ne conservent aucune odeur, même pas celle de la vodka ! ET SI MOLIÈRE AVAIT PRIS DE L’ARSENIC ? D’où vient la superstition de la couleur verte au théâtre ? La teinture verte employée au XVIIIe siècle contenait de l'arsenic. Les costumes fabriqués avec des tissus teints étaient susceptibles de laisser la substance s'imprégner dans la peau des comédiens. Et pour ajouter un petit plus à la superstition, Molière est mort sur scène (plutôt quelques minutes plus tard) dans un costume de couleur verte.