Parrainer un enfant

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Parrainer un enfant
Familles
Parrainer un enfant
pourquoi pas vous
J'aurais peur de ne pas le rendre
heureux... Mes propres enfants
seraient jaloux... Je n'aurais
plus de temps pour moi...
Les objections ne manquent
pas. Mais, pour Yvette, marraine
depuis six ans, aucune ne tient
devant «la joie d'un enfant».
Parrainer, ce n'est pas compliqué, affirme
Marianne Daliers, assistante sociale,
qui accueille les candidats dans le cadre
du Service laïque de parrainage, première
association à avoir introduit cette formule
en Belgique en 1986. «Vous vous engagez à
recevoir un enfant chez vous un week-end
sur deux et la moitié des vacances, pas à
bouleverser vos habitudes. Vous continuez
à faire vos courses en famille le samedi
matin, déjeunez chez les grands-parents
le dimanche ... Il ne s'agit pas de changer
votre vie, mais d'y faire une place pour
l'enfant.»
DU BON TEMPS D'ABORD
Il n'est pas question de «sauver» l'enfant,
ni de lui assurer un avenir meilleur. «Une
famille de parrainage n'est ni une famille
d'adoption ni une famille d'accueil, souligne
Catherine Vanbelle, la psychologue de
l'équipe. Pour l'enfant, elle représente une
relation complémentaire, qui peut sans
doute lui ouvrir de nouvelles perspectives,
mais dont le but principal est de lui permettre
de prendre du bon temps. Parce qu'un
enfant a besoin de rire, de jouer, de profiter
de la vie.» Certains des enfants parrainés
vivent en institution - dans des maisons
d'enfants où ils ont été placés par un juge tandis que les autres, issus d'un milieu
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12-2009 Femmes d'Aujourd'hui
défavorisé, sont souvent élevés par un père
ou une mère isolé(e), en butte à des difficultés de tous ordres: maladie, problème de
santé mentale, difficultés financières, etc.
UN BALLON D'OXYGÈNE
«Pour ces enfants, le parrainage est un
véritable ballon d'oxygène, explique Marianne
Daliers. La plupart ont très envie de tenter
l'expérience, ne fût-ce que pour ne pas
passer tous leurs week-ends à surveiller
leurs frères et soeurs ou à regarder la télé.
Quand on leur demande ce qu'ils attendent
d'un parrainage, ils sont unanimes: aller
s'amuser ailleurs et se faire de nouveaux
amis!» Mais les parents de ces enfants,
comment envisagent-ils l'intrusion de ces
parrains étrangers dans leur vie? «Si
étonnant que cela puisse paraître, les
parents sont demandeurs, précise Catherine
Vanbelle. Ils se disent que le parrainage est
une bonne chose pour leurs enfants, mais
aussi pour eux. Cela leur permet d'avoir
deux week-ends par mois pour souffler un
peu...»
TOLÉRER POUR MIEUX AIMER
Parents et parrains se rencontrent le vendredi
soir, lorsque la famille de parrainage vient
chercher l'enfant chez lui, et le dimanche
+
POUR ALLER PLUS LOIN
> Se rv ice laïque de parrainage
asbl Rue Blanche 42, 1060
Bruxelles, 02 538 51 35,
,
e-mail
www.parrainage.be
.
Parrain - ami asbl Avenue
des Anciens Combattants 40,
1340 Ottignies, 010 40 12 27,
[email protected] ,
www.parrain-ami.org .
>
Un parrain pour grandir asbl
Rue Hors-Château 59/2, 4000
Liège, 04 223 55 08, psychoj@
scarlet.be , www.guidesocial.be/
parrainageliegeois.
>
> CCSJ (Conseil de Coordination
des Services Jeunes) - Famille Relais Bd de la Meuse 111,
5100 Jambes, 081 26 00 60,
[email protected] .
soir, lorsqu'elle le ramène. «Les parrains
ont ainsi le feed-back de la quinzaine
écoulée, et les parents sont informés de la
manière dont le week-end s'est déroulé,
remarque Marianne Daliers. Lorsque
l'enfant vit en institution, les rapports
parents-parrains sont évidemment plus
superficiels, voire inexistants, mais nous
nous efforçons tout de même d'obtenir
l'accord verbal des parents, afin que
l'enfant n'ait pas l'impression de les trahir
quand il passe un bon week-end! En
principe, les parents ne risquent donc pas
de se retourner contre les parrains. Mais
nous insistons pour que ceux-ci fassent
preuve de tolérance envers la famille de
l'enfant et son milieu de vie.»
L'EXPÉRIENCE DE LA VIOLENCE
Les parrains, d'ailleurs, n'ignorent rien du
passé de l'enfant. «Ils doivent savoir ce qu'il
a traversé, souligne Catherine Vanbelle.
Car ses week-ends dans sa famille de
parrainage, il va les vivre en fonction de son
histoire à lui. Ainsi, un couple qui aurait
l'habitude de se quereller, juste pour le
plaisir de la réconciliation, pourrait avoir la
mauvaise surprise de voir l'enfant se réfugier
sous la table, terrorisé, parce qu'il a fait
l'expérience de la violence dans sa famille
d'origine!» En pareil cas, les parrains peuvent
s'adresser aux responsables du service, qui
assurent un suivi rapproché pendant toute
la durée du parrainage. «Un parrainage,
on sait quand ça commence, mais il n'y a
pas de date limite, commente Marianne
Daliers. Souvent, le système des week
ends n'est plus respecté à l'adolescence, le
jeune préférant passer un coup de fil ou
passer boire un verre à l'occasion. Mais le
lien n'est pas rompu pour autant ... »
UNE RELATION AU LONG COURS
Le parrainage est donc une relation à long
terme, et la sélection des parrains ne se fait
pas à la légère. «Familles, couples avec ou
sans enfants, jeunes et moins jeunes: toute
personne de 25 à 65 ans qui veut apporter
quelque chose à un enfant peut poser sa
PARRAINAGE PRATIQUE
> Comment s'opère la sélection?
Par deux entretiens successifs, une visite à domicile, des témoignages de moralité
et un certificat de bonnes vie et moeurs.
> Qui choisit l'enfant?
Le service de parrainage. Il tient compte des desiderata (sexe, âge) des candidats,
pourvu qu'ils lui paraissent justifiés.
> Les parrains reçoivent-ils une aide financière?
Non, le parrainage est bénévole. Quand l'enfant est chez elle, la famille
de parrainage doit le prendre totalement en charge.
> Existe-t-il une assurance parrainage?
Le service de parrainage souscrit une assurance de type responsabilité civile, et la famille
de parrainage signale la présence de l'enfant à sa propre compagnie d'assurances.
candidature. A condition que son projet soit
axé sur l'enfant, et non sur ses propres
manques, besoins ou désirs. Notre priorité
à nous, ce sont les enfants.» Cette année,
malheureusement, douze d'entre eux n'ont
pas trouvé de parrain ou de marraine. Et la
pénurie risque de s'aggraver. «L'époque
n'est pas à l'optimisme, reconnaît Marianne
Daliers. Les gens ont l'impression de ne pas
avoir grand-chose à offrir. Mais, pour
parrainer, il n'est pas nécessaire d'être
un modèle. Soyez vous-même, -tout
simplement: un enfant n'en demande pas
plus!»
•
Elles l'ont fait!
> MARIANNE «Nous parrainons Chana
depuis cinq ans et tout se passe
à merveille. Comme elle n'a pas
d'autre famille que sa maman, nous
lui avons recréé un climat familial.
Bien sûr, ce n'est pas évident de la
laisser partir à la fin du week-end,
en sachant très bien que chez elle,
elle n'aura plus les soins que nous
lui donnons. Mais sa maman reste
sa maman et, au fond d'elle-même,
Chana est toujours contente de
rentrer à la maison.»
> YVETTE «En même temps que
beaucoup de tendresse, j'espère
assurer un peu de stabilité à Elodie
dans la continuité de notre relation.
Mais ce parrainage nous a également
apporté un certain équilibre. Judith,
notre petite dernière, qui était gâtée
par tout le monde, a compris que
tous les enfants n'avaient pas autant
de chance qu'elle, et elle a appris à
partager... aussi bien l'amour de
ses parents que ses jouets!»
>A
RETENIR
Un enfant parrainé aspire à sortir de sa
réalité quotidienne et à profiter d'une
ambiance affective nouvelle. Ne changez
pas vos habitudes ni votre façon d'être pour
l'accueillir.
TEXTE Marie- Françoise Dispa COORDINATION Catherine Pirlot
PHOTO Shutterstock
12-2009 www.femmesdaujourdhui.be
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