Atelier 12 / Réforme des collectivités : impacts sur le personnel
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Atelier 12 / Réforme des collectivités : impacts sur le personnel
Atelier 12 / Réforme des collectivités : impacts sur le personnel territorial Animateur : Jean-Pierre BOUQUET Maire de Vitry-le-François, Président de la Communauté de communes de Vitry-le-François, membre du comité directeur de l’Association des Maires de France (AMF), membre du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale (CSFPT) Transfert, maintien, extension Jacques BOURDON Professeur à l’Université d’Aix-en-Provence La fonction publique territoriale se met au rythme de la RGPP Depuis le début de la décentralisation en 1982, les réformes qui concernent les collectivités territoriales touchent systématiquement leur personnel. Pourtant, le dernier texte que vient de voter le Parlement sur la réforme des collectivités territoriales n’a pas pour objet le personnel de ces collectivités. Et même, aucune partie du texte ne les concerne. Il faut dire que depuis 2007, la décentralisation est une démarche considérée comme achevée. Ce sentiment a été réaffirmé par le président de la République lors de son discours à Saint-Dizier, en septembre 2010, lorsqu’il a affirmé : « la décentralisation n’est plus à conquérir, elle est, comme la démocratie, un bien commun ». Mais si la nouvelle réforme des collectivités ne constitue pas le troisième acte de la décentralisation, de quoi s’agit-il ? En réalité, il semble qu’elle soit destinée à faire entrer les collectivités territoriales dans le cadre de la réforme de l’État. En effet, elles doivent contribuer à la réforme générale des politiques publiques (RGPP) et participer aux efforts annoncés en réduisant les dépenses ou en ne créant pas plus d’emplois que la fonction publique d’État n’en supprime. Pour cette raison, il ne figure dans ce texte aucune disposition relative au personnel des collectivités qui n’est, en réalité, touché par la loi que de façon indirecte. Ces dispositions peuvent se résumer en trois mots : transfert, maintien et extension. Transfert des agents Il s’agit d’accompagner le transfert des compétences entre les collectivités, en y associant, bien évidemment, un transfert partiel ou total des services et donc des agents. Grâce au principe d’unité de la fonction territoriale, les transferts de compétences peuvent s’effectuer entre tous les niveaux de collectivités et dans tous les sens : par exemple, d’un établissement public à une collectivité locale – et inversement – ou bien entre Département et Région. Dans ce cadre, le principe de mise à disposition des agents de la fonction publique territoriale facilite les changements. 1 Maintien des acquis Toutefois, les transferts et les déplacements d’agents territoriaux ne pourront s’effectuer que dans un cadre précis, qui garantit le maintien de certains acquis. En effet, l’évolution des compétences de chacun s’accompagne néanmoins : - du maintien du statut des fonctionnaires territoriaux ou des dispositions contractuelles le cas échéant - du maintien des droits acquis par les fonctionnaires territoriaux en matière de régime indemnitaire et d’avantages individuels - du maintien dans l’emploi. Extension des compétences Certaines compétences des agents de la fonction publique territoriale sont étendues. Ainsi, les compétences du comité technique paritaire à l’échelle des métropoles sont élargies. De même, un conseil communautaire peut désormais déléguer sa signature au directeur général des services ou à des cadres de l’établissement de la fonction publique. Grâce à cette dernière disposition, certaines décisions peuvent passer des mains de l’assemblée délibérante (le politique) à celles des services administratifs. Suppression ou création d’emplois ? L’article 59 de la réforme concerne la dissolution des Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) mais le sort réservé aux personnels n’y est pas précisé. La volonté manifeste du législateur est de réduire l’emploi dans la fonction publique territoriale, notamment grâce à la mutualisation des services. Mais certains présidents de conseils régionaux évoquent la nécessité de créer de nouveaux postes. La réforme, telle qu’elle est envisagée, nécessitera, en outre, le recrutement de gestionnaires et de juristes supplémentaires, capables de rédiger les conventions de transfert ou de mise à disposition des agents. Les collectivités devront également pouvoir s’appuyer sur des cadres capables de mener le changement. Jean-Pierre BOUQUET Le texte de la réforme devra être confronté à l’avis du Conseil constitutionnel. Il existe un principe d’égalité entre les collectivités territoriales ; or, la nouvelle organisation reposera essentiellement sur les métropoles, qui auront une emprise sur les compétences des Régions et des Départements. 2 Des menaces latentes Françoise DESCAMPS-CROSNIER Maire de Rosny-sur-Seine, Conseillère régionale d’Île-de-France, membre du bureau de l’Association des Maires de France (AMF), membre du CSFPT Petites avancées et grandes régressions De multiples réformes, votées ou en cours d’adoption, ont bouleversé le paysage de la fonction publique territoriale : suppression de la taxe professionnelle associée à une perte d’autonomie fiscale, projet de la seconde Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure (LOPPSI 2), adoption de la loi Grenelle II… Pour sa part, l’actuelle réforme des collectivités territoriales s’apparente à une avancée – elle permet le renforcement des intercommunalités – mais également à une régression, car elle réduit leur capacité à agir. Pourtant, en raison du contexte de la crise économique dont ils ressortent affaiblis, les usagers souhaitent pouvoir s’appuyer sur des services publics forts. En réalité, une volonté de recentralisation de l’État sous-tend le contenu de cette réforme. Bouleversement du fonctionnement de l’emploi public La loi entrera progressivement en vigueur entre 2011 et 2015. Elle imposera un nouveau découpage territorial, des transferts de compétences, la mutualisation de services… Ce reformatage territorial modifiera la situation des agents territoriaux. Par rapport à la métropole, les compétences des conseils régionaux et des conseils généraux feront nécessairement l’objet de changements, mais leur teneur reste inconnue. De même, la mutualisation des compétences des intercommunalités et des communes s’accompagnera de la fusion ou de la création de nouveaux services. Il reviendra aux cadres dirigeants de mettre en œuvre ces nouvelles organisations. Enfin, la rémunération des agents est menacée car, pour faire face à la diminution des ressources financières (issue de la baisse de l’autonomie fiscale), les salaires risquent de servir de variable d’ajustement pour équilibrer les budgets. En outre, il ne faut négliger le risque latent de suppression d’emplois, qui visera en premier lieu les contractuels. À terme, ne serait-ce pas le statut de la fonction publique territoriale qui serait menacé ? Des contraintes budgétaires en toile de fond Jean-Pierre BOUQUET La suppression de la taxe professionnelle a entraîné une restriction des budgets des communes. De plus, depuis 2008, le système de dotations de l’État se rigidifie et il n’est pas à exclure que son évolution soit un jour gelée. Des contraintes budgétaires de plus en plus lourdes pèsent donc sur les collectivités communales. Mais depuis la crise, il faut bien avoir conscience que la situation économique des pays européens est encore très fragile et que l’argent public se fait encore rare. Les collectivités territoriales doivent tenir compte de cette situation et accepter que les intérêts supérieurs du pays les contraignent à une certaine rigueur budgétaire. 3 Préserver l’organisation du dialogue social Antoine BREINING Président de la FA-FPT, membre du CSFPT Le projet de réforme de la fonction publique territoriale aura des répercussions importantes sur la situation des agents. Il n’a pas été soumis à l’avis du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale (CSFPT), qui aurait pourtant souhaité exprimer officiellement les inquiétudes suscitées par son contenu. En effet, si aucune disposition du projet de loi n’est consacrée au sort réservé au personnel des collectivités, certains de leurs acquis semblent menacés. Ainsi, rien ne garantit que les agents territoriaux conserveront leurs avantages acquis en matière de protection sociale lorsqu’ils seront déplacés d’une collectivité à une autre. De même, nul ne sait si chacun pourra préserver ses droits acquis en matière d’évolution de carrière. De telles incertitudes génèrent un sentiment d’inquiétude croissant parmi les agents de la fonction publique territoriale. Pour cette raison, les organisations syndicales ont souhaité que le CSFPT se saisisse de ces problématiques, afin que les acteurs territoriaux disposent, le moment venu, des moyens de les gérer. Échanges avec la salle Protection du fonctionnaire : garantie des acquis et risques de licenciement Jean-Pierre BOUQUET La réforme en cours ne relève pas de la décentralisation, mais plutôt d’un processus de recentralisation. Dans de telles circonstances, il n’est donc pas étonnant que le CSFPT peine à trouver une place dans le débat. Par ailleurs, il faut retenir que le changement ne pourra se dérouler sans la volonté des élus et la compréhension des agents. Une collectivité déstabilisée évoluera forcément avec difficulté. Jacques BOURDON La loi stipule clairement que le statut de la fonction publique territoriale est maintenu. Tout employeur sera donc tenu de garantir les acquis des agents. Jean-Pierre BOUQUET Qu’en sera-t-il du licenciement des agents territoriaux ? Jacques BOURDON En matière de licenciement, les agents de la fonction publique territoriale sont mieux protégés que les fonctionnaires de l’État. En effet, les conditions de licenciement des agents territoriaux ne peuvent être modifiées que par une loi et non par décret. De la salle Quel lien peut-on établir entre la réforme de la fonction publique territoriale et la Prime de Fonctions et de Résultats (PFR) ? 4 Françoise DESCAMPS-CROSNIER La PFR est l’une des logiques qui sera mise en place dans le même temps que la réforme. L’un comme l’autre s’inscrivent dans une perspective libérale. L’émergence d’un statut « bis » de la fonction publique territoriale De la salle (François DESCAMPS, chargé de mission, CSFPT) Le président de la République a affirmé sa volonté de résoudre la question du régime contractuel de fonction publique. En 2011, un projet de loi concernant toutes les fonctions publiques devrait permettre le recrutement direct d’agents territoriaux en Contrat à Durée Indéterminée (CDI). Parallèlement au statut de titulaire, un statut « bis » des fonctionnaires est donc en train de naître. Jacques BOURDON En effet, une fonction publique composée d’agents engagés sur la base d’un contrat émerge progressivement. Toutefois, cette évolution n’est pas récente puisque de nombreux agents territoriaux ne sont pas fonctionnaires mais contractuels. On pense communément que la gestion des contractuels est plus souple que celle des fonctionnaires. Mais en réalité, l’application du code du travail se révèle souvent plus complexe que celle du code de la fonction publique territoriale. Un employeur ne peut se séparer d’un salarié aussi facilement qu’il y paraît. Enfin, il ne faut pas oublier que les dispositions du projet de loi évoquées plus haut ne sont pas encore définies. Les organismes paritaires et le CSFPT ont tout intérêt à faire entendre leur voix sur ce sujet. Antoine BREINING Les syndicats ont un avis réservé sur la mise en place de la contractualisation. Néanmoins, il faut bien reconnaître que les personnels sous contrat méritent autant de respect et de droits que leurs homologues fonctionnaires. Il est donc urgent de se préoccuper de l’amélioration de leur sort. Françoise DESCAMPS-CROSNIER La création d’un statut de fonctionnaire sous contrat s’inscrit dans la continuité de la mise en œuvre d’une idéologie libérale portée par l’actuel gouvernement. S’il faut en effet sécuriser la position des agents contractuels, il ne faudrait pas que cette démarche aboutisse à la suppression du statut originel de la fonction publique territoriale. De la salle (Fabienne SCHUBERT) Plutôt que de créer un statut parallèle à celui du fonctionnaire traditionnel, il faudrait mettre en place des procédures pour intégrer les agents contractuels dans l’actuel statut de la fonction publique territoriale (création d’une troisième voie dans les concours, par exemple). Aujourd’hui, de plus en plus de collectivités préfèrent recruter des agents contractuels plutôt que des agents titulaires, car il leur semble que le statut des premiers est plus facile à gérer. 5 Création des SPL De la salle (Daniel GAUTRAUD, Ville de Dunkerque) Que pensez-vous de la création des Sociétés Publiques Locales1 (SPL) ? Jacques BOURDON À l’heure actuelle, il ne faut pas exagérer le rôle de ces sociétés, car leur création nécessite un engagement financier important et risqué pour les collectivités territoriales. Elles ne sont pas aujourd’hui dans une situation qui leur permette de s’engager dans un tel projet. 1 Les Sociétés Publiques Locales sont des sociétés anonymes, régies par le code du commerce. Leur capital est intégralement détenu par au moins deux collectivités territoriales. 6 Sigles AMF : Association des Maires de France CDI : Contrat à Durée Indéterminée CSFPT : Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale LOPPSI : Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure PFR : Prime de Fonctions et de Résultats RGPP : Réforme Générale des Politiques Publiques SPL : Service Public Local Compte-rendu des Entretiens territoriaux de Strasbourg 1er et 2 décembre 2010 © CNFPT INET 2010 Réalisation : 7