Stratégie de la Banque africaine de développement - ovida

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Stratégie de la Banque africaine de développement - ovida
Stratégie de la Banque africaine de développement pour l’intégration en Afrique australe
Note de synthèse n° 24, Juin 2012
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NOTE DE SYNTHESE N° 24 Réalisée par Djenno Ngoua Melissa
Stratégie de la Banque africaine de développement pour l’intégration de l’Afrique australe Le Traité d’Abuja instituant en 1991 la
Communauté économique africaine (CEA), et
entré en vigueur en 1994, a posé les bases et
dicté le processus d’élaboration d’un marché
commun africain d’ici à 2025. L’ambition des
dirigeants africains de l’époque, d’instituer cette
Communauté, était de permettre une croissance
et une autosuffisance économiques pérennes
pour le continent. Pour assurer la mise en place
effective de la Communauté, il a été créé des
Communautés économiques régionales (CER),
supposés en être les piliers. Au nombre de sept ,
ces CER sont censées permettre l’instauration
progressive du marché commun africain.
"11,62 milliards d’UC, soit près d’un cinquième
de la valeur des prêts et dons qu’elle a
approuvé à ce jour en faveur de ses pays
membres régionaux". Elle compte renforcer cet
engagement et, pour ce faire, a établit une
stratégie pour l’intégration de la région;
stratégie qui porte sur la période 2011-2015.
Pour préparer l’avenir du continent et
promouvoir
notamment
son
intégration
régionale, dont la Banque africaine de
développement (BAD) a toujours fait une de ses
priorités stratégiques, elle a entrepris la
définition de stratégies visant à assister les
différentes régions africaines dans leurs efforts
sur ce plan. En Afrique australe, qui compte
cinq pays à revenu intermédiaire, la Banque
s’est engagée, jusqu’à présent, à hauteur de
Vers une Communauté économique
africaine enfin ?
C’est cette orientation stratégique que nous
allons présenter dans cette Note, afin de mieux
appréhender les différents axes et mécanismes
que la BAD entend mettre en œuvre pour
renforcer l’intégration régionale dans cette
partie du continent.
La situation économique et financière critique
que traverse actuellement le monde rappelle à
quel point l’intégration régionale jouerait un
rôle d’amortisseur des chocs externes auxquels
sont exposées, à des degrés divers, les
économies africaines.
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De ce fait, on ne pourra que renouveler
l’importance pour les pays africains de renforcer
leur intégration politique et économique s’ils
veulent pouvoir peser de manière significative
sur la scène internationale et espérer contribuer
de manière plus significative à l’économie
mondiale. Par ailleurs, seule une meilleure
synergie économique des nations africaines
pourra assurer le devenir du marché commun,
qui jusqu’à ces dernières années, est apparu
comme un quête moribonde.
La BAD semble partager cette lecture. La
Stratégie précise ainsi que "le programme
d’intégration régionale de l’Afrique australe a
pour objectif de créer une région entièrement
intégrée et compétitive au plan international, le
but ultime étant d’y faire reculer la pauvreté".
Dans le cadre du Traité d’Abuja, les Etats
africains s’étaient engagés à passer par un
certain nombre d’étapes1 et à mettre en œuvre
un certain nombre de dispositions. Parmi ces
dispositions figure également la rationalisation
des institutions d’intégration, l’Afrique australe
en comptant actuellement trois2. D’où la
nécessité pour l’engagement pris par la BAD
d’œuvrer à faciliter la fusion entre le COMESA,
la EAC et la SADC.
Etat des lieux de la région australe
La réalité en Afrique australe (comme d’autres
régions)
se
traduit
actuellement
par
l’appartenance de certains pays à plusieurs
CER. Comme le précise la BAD, "l’ensemble
1
Voir Note de synthèse n 10, "Etat des lieux de
l’intégration régionale en Afrique", avril 2011.
http://www.ovida-afrido.org/fr/ovidapdf/Synth%C3%A8se_Etat%20des%20lieux%20de%20l
%E2%80%99int%C3%A9gration%20r%C3%A9gionale
%20en%20Afrique_10_Avril_11.pdf.
2
COMESA (Marché commun de l’Afrique Orientale et
Australe), EAC (Communauté d’Afrique de l’Est), SADC
(Communauté pour le développement de l’Afrique
Australe).
des douze pays de la région sont membres de la
SADC, tandis que six appartiennent au
COMESA. Un pays est membre de la
Communauté économique des États d’Afrique
centrale (CEEAC), tandis que deux sont
membres de la Commission de l’Océan indien
(COI). Cinq pays constituent l’Union douanière
de l’Afrique australe (SACU), tandis que quatre
(hormis le Botswana) sont membres de la Zone
monétaire commune (ZMA) dont les membres
partagent une monnaie commune qui a une
parité fixe avec le rand sud-africain".
Cette situation loin de favoriser une intégration
effective de la région constitue au contraire un
obstacle significatif; elle induit des ressources
supplémentaires pour les pays concernés, mais
surtout est souvent à l’origine de contradictions
quant aux orientations et politiques mises en
œuvre dans le cadre de ces différentes
organisations.
En octobre 2008 a été lancé l’Accord tripartite
COMESA-EAC-SADC (CES)3 ayant pour
objectif
principal
le
renforcement
et
l’approfondissement de l’intégration de la
région australe et orientale et, à terme,
l’établissement d’une CER unique. Dans cette
optique, une feuille de route avait été rédigée
pour qu’une zone unique de libre échange
(ZLE) soit établie en janvier 2012. Toutefois,
certaines étapes du calendrier ayant pris du
retard, la feuille de route sera revisitée et la ZLE
repoussée à 2014-2015. L’appui à la mise en
œuvre de l’Accord tripartite CES et notamment
de cette nouvelle feuille de route représente un
des éléments essentiel du document de stratégie
d’intégration régionale (DSIR) pour l’Afrique
australe de la BAD. En effet, mise à part les
troubles politiques qu’on connu le Zimbabwe et
Madagascar, la partie australe du continent
3
Il regroupe 26 pays représentant environ 56% de la
population et près de 58% du PIB combiné de l’Afrique
en 2008.
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présente une stabilité politique favorable à une
croissance économique plus efficiente.
La région se caractérise par une croissance
économique portée par la "locomotive" Sudafricaine dont les investissements représentent
environ 70% des flux intra-régionaux. Acteur
majeur du NEPAD et de la SADC, l’Afrique du
Sud agit comme un moteur économique avec
71,5% du PIB régional en 2009. L’Angola,
deuxième économie de la région, représentait
elle 10% de ce PIB, alors que tous les autres
pays réunis ne capitalisaient que 18,5% du PIB.
C’est fort de ce constat que la BAD a estimé que
"l’amélioration générale des indicateurs
macroéconomiques au cours de la dernière
décennie est de bon augure pour l’intégration
régionale, dans la mesure où elle permet aux
pays de la région d’évoluer vers la convergence
macroéconomique". Par conséquent, fort de sa
conviction que l’"intégration régionale offre
aux pays de l’Afrique australe une précieuse
opportunité de lutter collectivement contre la
pauvreté et d’accroître leur pouvoir de
négociation international, tout en réduisant leur
exposition aux chocs exogènes liés aux
échanges commerciaux", et après un processus
participatif incluant, entre autres, les
Secrétariats de la SADC, du COMESA, du
NEPAD, les organisations du secteur privé et de
la société civile, la BAD a axé sa stratégie
autour de deux piliers4: l’infrastructure
régionale et le renforcement des capacités.
L’infrastructure régionale
Partant du constat que "l’un des principaux
obstacles au développement des échanges
régionaux
tient
à
l’insuffisance
de
l’infrastructure", il a été décidé de mettre
l’accent sur l’infrastructure de transport et la
facilitation des échanges, l’énergie et le
développement
des
Technologie
de
l’Information et de la Communication (TIC).
Infrastructure de transport
Malgré une croissance économique appréciable,
l’Afrique australe s’illustre par de mauvaises
performances dans ses échanges intrarégionaux. Cette situation est due, selon la
BAD, "au piteux état du réseau de transport et
de l’infrastructure (routes, rail, eau et air)". En
effet, il est démontré que les coûts du transport
représentent en moyenne 30% à 40% du coût
total des importations et des exportations dans
cette partie du continent, contre environ 4% en
Europe. Sans compter le fait que la logistique de
transport est fortement retardée par les lourdeurs
règlementaires, notamment les nombreux
barrages et les procédures frontalières qui
augmentent les coûts de transit des exportations.
Pour aider à la résolution de ces contraintes
infrastructurelles, la Banque entend contribuer
au développement de corridors de transport,
notamment le Corridor Nord-Sud5 et ses
corridors de liaisons (Maputo, Mtwara, Nacala,
Lobito et Beira) en y modernisant le transport
ferroviaire. De plus, un effort supplémentaire
sera fait pour promouvoir les financements
privés dans ce domaine. Ces apports en
financement seront complétés par du
renforcement des capacités et des actions visant
à faciliter les échanges, notamment afin
d’améliorer le temps de transit au postes
frontières et de réduire les coûts de transport.
4
Il faut également mentionner les questions transversales
telles que le genre, l’environnement, les changements
climatiques, la promotion de la convergence
macroéconomique et la gestion du savoir et le réseautage.
5
Etats membres du corridor: Afrique du sud, Botswana,
Zimbabwe, Mozambique, Malawi, Zambie, RDC.
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Développement de l’énergie
Un autre défi a relever est "le déficit énergétique
régionale".
La
Banque
entend
ainsi
"promouvoir la mise en valeur de sources
d’énergie propre et respectueuse du climat,
ainsi que les interconnecteurs régionaux afin de
faciliter les échanges d’énergie au plan
régional".
Pour ce faire, tout en appuyant la création de
centrales électriques au charbon propre,
principale source d’énergie dans la région et en
contribuant au financement de ces projets, la
BAD va axer sa stratégie sur trois catégories de
projets d’investissement: "les projets qui seront
mis au point par deux ou plusieurs pays aux fins
d’utilisation commune; les projets qui seront
exécutés par un pays, mais qui seront orientés
vers l’exportation; et les projets qui seront
exécutés par un pays sans aucune disposition
initiale relative aux Accords d’achat d’énergie6
(AAE), mais qui sont censés avoir des impacts
régionaux".
Les échanges régionaux d’énergie apparaissent
comme un avantage pour chaque pays car ils
leur permettront, à long terme, de faire face à la
demande nationale en offrant une électricité à
bas coût. C’est cela qui sous-tend également
l’intérêt exprimé par la BAD de faciliter les
accords de coopération bilatérale et multilatérale
afin que les excédents en énergie des pays
fournisseurs puissent bénéficier au pool
énergétique de l’Afrique australe (SAPP).
Technologies de l’Information et de la
Communication (TIC)
L’Afrique australe souffre également d’une
forte disparité quant à l’accès aux TIC et à la
disponibilité de la bande passante. En témoigne
6
Contrats entre deux parties, celui qui génère de
l’électricité aux fins de vente (le vendeur) et celui qui
cherche à acheter de l’électricité (l’acheteur). le fait que seuls quatre pays (Angola, Afrique du
Sud, Maurice et Mozambique) ont accès au
système international de câbles à fibres
optiques. Afin de participer à la réduction du
fossé numérique entre les zones urbaines et les
zones rurales et entre pays de la région, la BAD
s’attèlera à "promouvoir un programme
commun concernant un réseau interrégional
d’infrastructure de TIC à large bande sans
coupure et accéléré". La stratégie de la Banque
va ainsi s’articuler autour de quatre domaines
d’intervention (Madagascar et Maurice seront
également inclus): consolidation de la
connectivité, en faisant notamment appel à
l’investissement privé; intégration des TIC dans
la fourniture des services publics et les projets
sectoriels; promotion de la connectivité dans le
secteur de l’éducation, de l’innovation des TIC
et la création d’emplois; et gestion et partage du
savoir.
Renforcement des capacités
Ce deuxième pilier stratégique de la Banque en
Afrique australe se présente surtout comme un
élément venant à appui au développement de
l’infrastructure régionale et de la facilitation des
échanges.
Appui au mécanisme tripartite du CES et
renforcement des capacités institutionnelles
Considérant que "la faiblesse des capacités
institutionnelles et humaines freine les efforts
d’intégration régionale", la BAD oriente sa
stratégie en la matière, en apportant une aide
significative au bon déroulement du mécanisme
tripartite CES (COMESA, EAC, SADC) qui a,
entre autres objectifs, d’aider à une meilleure
harmonisation et convergence des trois
principales CER présentes dans la région.
On note ainsi que le mécanisme tripartite CES
souffre du manque d’appropriation par les pays
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concernés; ceci se traduisant par un manque
d’appui politique et financier, d’harmonisation
et d’hiérarchisation des programmes des CER;
la Banque entend ainsi favoriser une meilleure
convergence de celles-ci.
Outre cet appui à l’Accord tripartite, une
attention
particulière
sera
portée
au
renforcement des capacités institutionnelles à
deux niveaux: d’abord au niveau du COMESA
et de la SADC, ainsi que des cellules nationales
d’exécution, en les aidant à développer des
projets pouvant bénéficier d’un concours
financier; ensuite au niveau national, la Banque
entend proposer des ateliers de formation et de
perfectionnement aux fonctionnaires, membres
de la société civile et du secteur privé, afin de
les doter des outils nécessaires à la mise en
œuvre efficiente des projets.
Facilitation des échanges et du transport et
aide pour le commerce
Les domaines sur lesquels la BAD entend
intervenir afin d’apporter sa contribution à la
facilitation des échanges et du transport portent
sur les "réformes et la modernisation des
services douaniers afin de simplifier les
procédures d’importation, d’exportation et de
transit pour les opérateurs économiques; la
facilitation du transport et du transit et de la
logistique, qui comprend la création et la
gestion de Postes Frontière à Guichet Unique
(PFGU),
l’harmonisation
des
procédures/règlements régissant le transport
transfrontalier". En plus de ces aspects, la
stratégie s’articule également autour du
développement d’instruments censés soutenir le
commerce; passant, entre autres, par une
évaluation des besoins, avant d’élaborer des
stratégies nationales et sous-régionales d’aide
pour le commerce.
Une intégration régionale réussie nécessite une
réelle volonté politique des pays concernés, des
infrastructures
(transport,
énergie,
communication), des stratégies et des plans de
développement régionaux, des institutions fortes
et efficaces, des hommes et femmes qualifiés et
compétents et un appui financier conséquent.
L’Afrique, et en particulier l’Afrique australe ne
sauront se permettre plus longtemps de négliger
cet aspect central et fondamental au
développement du continent. Dans cette
optique, un effort particulier devra être fourni
par les Communautés économiques de cette
région en rendant leurs zones de libre-échange
plus performantes afin que les Unions
douanières mises en place par la suite tiennent
réellement leurs promesses.
L’ambition de voir se réaliser l’objectif de
Communauté économique africaine n’est pas un
espoir vain. Pour cela, les Etats africains et
surtout leurs gouvernants doivent comprendre
que l’essor social, politique et économique du
continent passe par une meilleure intégration et
par l’union. Cette dernière ne sera réalisable que
si chaque sous-région parvient au préalable à se
renforcer, permettant ainsi à une véritable
synergie de naître de leur fusion.
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A PROPOS DES NOTES D’OVIDA Les “Notes d’OVIDA” s’inscrivent dans volonté et l’objectif de l’Observatoire de
promouvoir, rassembler et développer une expertise dans l’étude et l’analyse de certains des
enjeux s’articulant autour des questions de: Paix, Défense et Sécurité; Economie et
Commerce; Droits de l’Homme; et Environnement. Ces Notes portent également sur certains
des aspects relatifs aux canaux de la pratique diplomatique: bilatéralisme, régionalisme et
multilatéralisme.
Les contributions qui en résultent devront notamment permettre de dégager des éléments de
connaissance et de compréhension en offrant une réflexion, analyse et un décryptage sur des
thématiques ou sur des évènements et en faisant ressortir des idées maîtresses à des fins
d’information et d’amélioration de la connaissance.
NOTES D’OVIDA
NOTES D’ANALYSE
Dégager des éléments de
connaissance
&
de
compréhension en offrant
une réflexion, analyse &
un décryptage.
NOTES DE SYNTHESE
Faire ressortir & présenter
des idées maîtresses à des
fins
d’information
&
d’amélioration
de
la
connaissance.
• Sommets et évènements africains (UA, CEMAC, CEEAC,
CEDEAO, COMESA, SADC, Afrique-UE, Afrique-Corée,
etc.) & internationaux;
• Visites/tournées de dirigeants africains et étrangers;
• Questions ou thématiques particulières;
• Rapports & documents divers.
Edition: William Assanvo
Pour tous vos commentaires et suggestions, bien vouloir écrire à [email protected]