1 La démographie des chirurgiens-dentistes Synthèse de l`étude de

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1 La démographie des chirurgiens-dentistes Synthèse de l`étude de
 La démographie des chirurgiens-dentistes
Synthèse de l’étude de l’Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé (ONDPS) – Décembre 2013
02 /2014
Tous les tableaux ci-après sont tirés de l’étude de l’ONDPS
Jean VILANOVA – Juriste
[email protected]
1 L’ONDPS a en charge une mission définie par le décret n° 2010‐804 du 13 /07 /2010 : proposer aux ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur le nombre et la répartition des effectifs de professionnels de santé à former, par profession et spécialité et par région ou subdivision. A ce titre, l’Observatoire a rendu public, en décembre dernier, un état des lieux de la démographie des chirurgiens‐dentistes rapporté aux perspectives de consommation des soins dentaires dans les années à venir. Notons d’ores et déjà que les conclusions de l’étude n’auront pas permis de dégager des pistes claires relatives au nombre utile de praticiens à former à court et moyen terme. Pour notre part, nous nous bornerons exclusivement, dans le cadre de la présente synthèse à l’aspect « Démographie professionnelle » sans chercher à corréler cet aspect aux besoins de la population en matière de soins dentaires. I. ETAT DES LIEUX DE LA DEMOGRAPHIE DES CHIRURGIENS‐DENTISTES 1. Nombre de chirurgiens‐dentistes en activité en 2013 ‐ Densité On dénombre 40 000 praticiens sur le territoire de la métropole. Ils sont 40 833 en y intégrant les départements d’outre‐mer. Les effectifs se caractérisent par une assez grande stabilité même s’ils tendent à diminuer légèrement depuis 2007. Il reste à savoir si cette diminution présage d’une chute à venir plus marquée des effectifs. Du point de vue densitaire, la tendance s’oriente évidemment à la baisse car si le nombre de chirurgiens‐dentistes évolue peu depuis plus de 10 années, la population française, elle, a continué d’augmenter. En données chiffrées cela se traduit ainsi : 63,1 praticiens pour 100 000 habitants en 2013 contre 69,1 praticiens pour 100 000 habitants en 2000. La baisse devrait se poursuivre durant quelques années à venir. Pour autant, faut‐il s’en alarmer ? Est‐ce là que se situerait « le problème » de l’offre dentaire ? Attention à ne pas reproduire certains débats stériles qui, durant les précédentes décennies ont éloigné des vraies questions : nous faisons bien entendu référence aux interminables querelles sur le nombre de médecins ; trop ou pas assez nombreux. L’on sait aujourd’hui que le nombre de médecins importe au fond assez peu. Ce qui compte, c’est leur répartition sur le territoire. Et sans doute, nous le verrons plus loin en est‐il de même pour les chirurgiens‐
dentistes. 2 Effectifs et densité de chirurgiens‐dentistes depuis 1971 Source : Eco‐santé, mise à jour mars 2013 2. Profil et pyramide des âges L’âge moyen du chirurgien‐dentiste s’établit à 48,4 ans, donc à un niveau assez élevé. Par comparaison avec les autres professions « PACES », cet âge moyen est de 51,3 ans chez les médecins, 46,5 ans chez les pharmaciens et 40,1 ans chez les sages‐femmes. 3 Pyramide des âges des praticiens en activité en 2013 Source : RPPS, traitement DREES, 1er /01 /2013
Caractéristique d’une population vieillissante, la tranche d’âge la plus nombreuse se trouve entre 50 et 64 ans. Une simple photographie de cette pyramide montre que les jeunes générations sont en nombre insuffisant pour pallier les départs en retraite à venir. Quant au numerus clausus, outre ses effets sur le seul moyen terme (6 à 8 ans), il demeure trop contraint (1 200) pour atténuer durablement le phénomène à venir. 4 Part des chirurgiens‐dentistes femmes par tranche d’âge France métropolitaine. Source : RPPS, traitement DREES, 1er /01 /2013 La profession reste assez majoritairement masculine (à 60 %) mais un renversement se prépare. La féminisation s’avère importante chez les jeunes générations ainsi que le démontre le tableau ci‐dessus. A ce titre, il est d’ores et déjà temps de réfléchir aux conséquences possibles de cette évolution. Les femmes, on le sait travaille différemment de leurs confrères en termes de rythme ou d’appétence à l’association. 5 3. Le numerus clausus Fixé à près de 2 000 lors de son instauration en 1971, le numerus clausus n’a ensuite cessé de diminuer, parfois assez drastiquement jusqu’en 1992. Il s’est stabilisé de 1992 à 2001 avant d’amorcer une remontée. On estime qu’à 1 200 aujourd’hui, il marque les capacités maximales d’accueil des UFR d’odontologie. Evolution du numerus clausus depuis 1971 Source : ONDPS 2013 6 Le tableau ci‐après fait apparaître une augmentation du numerus clausus en odontologie plus tardive qu’en médecine, en pharmacie et en maïeutique (sages‐femmes). De même, la progression, lorsqu’elle s’engage au début des années 2000 se fait moins forte que celles enregistrées en médecine et en pharmacie (mais plus forte qu’en maïeutique). Progression du numerus clausus : Médecine – Odontologie – Pharmacie ‐ Maïeutique Source : ONDPS 2013 7 Si l’on poursuit le comparatif entre ces 4 professions du point de vue des effectifs en activité entre 1990 et 2011, l’on constate qu’une fois encore c’est l’effectif des chirurgiens‐dentistes qui traduit le taux de croissance le moins élevé. Sur ce point, le décalage s’avère très grand entre les chirurgiens‐dentistes et les médecins d’une part (croissance modérée) et les pharmaciens et surtout les sages‐femmes d’autre part (croissance très soutenue). Progression comparée des effectifs : Médecine – Odontologie – Pharmacie ‐ Maïeutique Source : Eco‐santé IRDES
8 II. PROJECTION DE LA DEMOGRAPHIE DES CHIRURGIENS‐DENTISTES Ce que l’on écrivait en 2007 sur les évolutions à court terme de la démographie des chirurgiens‐dentistes… 1. Pas de « choc » ni de « catastrophe » démographique – Les raisons Nous avons reporté ci‐dessus la « une » d’octobre 2007 de la Lettre de l’Ordre National des Chirurgiens‐Dentistes – organe officiel de l’institution – ainsi que le titre donné à l’étude menée par la DREES au même moment. Il est question de choc démographique ou de catastrophe démographique à l’orée 2010. On peut affirmer aujourd’hui – et s’en féliciter – qu’il n’en a rien été et que l’avenir, certes compliqué quant à l’harmonie de l’offre de soins dentaire n’en laisse pas moins présager quelques lueurs d’espoir. L’ONDPS y voit deux raisons : ‐ d’abord le recul de l’âge moyen de cessation d’activité des praticiens les plus âgés ; ‐ ensuite l’augmentation du nombre de chirurgiens‐dentistes titulaires d’un diplôme étranger qui s’installent dans notre pays. 9 La France a longtemps été boudée par les professionnels de santé diplômés à l’étranger (exception faite des vétérinaires et des masseurs‐
kinésithérapeutes), ceux‐ci lui préférant la Grande‐Bretagne ou des destinations plus lointaines (USA, Australie). Une telle retenue semble s’effacer aujourd’hui. En effet, si les praticiens étrangers ne comptent que pour 3,9 % de l’ensemble des chirurgiens‐dentistes en activité en France, ils ont représenté 25 % des primo‐inscrits en 2012, soit 306 sur 1 386. L’ONDPS nous apprend qu’entre 2010 et 2012, la part des primo‐inscrits étrangers est passé de 15 % à 26 % des flux entrants. Le phénomène ne manque pas de surprendre par sa soudaineté et son ampleur. 2. Zoom sur les primo‐inscrits – Nationalité – Lieu d’obtention du diplôme d’Etat – Nombre de praticiens étrangers par tranche d’âge Evolution du numerus clausus depuis 1971 Source : ONCD Comme pour les médecins, la proportion de ressortissants originaires de Roumanie s’accroît de façon sensible (de 5,3 % à 13,1 % de primo‐inscrits entre 2010 et 2012, soit 125 praticiens de plus sur la même période). A flux réciproque, une vraie « filière » s’instaure entre nos deux pays (étudiants français partant se former en Roumanie et praticiens roumains venant exercer en France). 10 Ainsi que le démontrent les deux tableaux ci‐dessous, le pourcentage de chirurgiens‐dentistes formés à l’étranger est plus élevé parmi les jeunes générations. Cela ne surprendra personne. Part des praticiens formés à l’étranger par âge Source : ONCD juillet 2013 Lieu d’obtention du diplôme pour les praticiens étrangers selon l’âge Source : ONCD juillet 2013 11 Comme nous l’avons mentionné, les praticiens de nationalité étrangère représentent 3,9 % des chirurgiens‐dentistes en activité. En y incluant les praticiens français formés à l’étranger on arrive à 4,3 % (au total, 1 800 praticiens). Dans quelles zones les diplômes ont‐ils été obtenus ? Part des praticiens formés à l’étranger par âge Source : ONCD 3. Apport des praticiens diplômés à l’étranger par région Où les praticiens étrangers ou formés à l’étranger s’installent‐ils ? La question prend tout son sens en regard des déséquilibres de la démographie des chirurgiens‐dentistes d’une région à l’autre. Commençons par doucher quelques espoirs : ces praticiens ne s’installent pas nécessairement là où l’offre est la plus faible, dans les régions les moins bien dotées. Dans les faits, on ne note pas une orientation particulière quant au lieu d’installation. 12 Certaines régions dites « sur denses » comme l’Ile‐de‐France ou PACA n’en accueillent pas moins un fort pourcentage de chirurgiens‐dentistes de diplôme étranger. A l’inverse, la Picardie – désert médical s’il en est – en reçoit fort peu tandis que la Haute‐Normandie, autre désert médical séduit davantage (tableau ci‐dessous). Il n’est pas possible de mettre tout ceci en équation. Situation des régions en fonction de leur densité de praticiens formés à l’étranger et de praticiens formés en France 13 4. Conclusion Vieillissante, la démographie des chirurgiens‐dentistes demeure un sujet de préoccupation. On reste proche d’un point de rupture entre les besoins de santé publique et une offre sinon fragile d’un strict point de vue quantitatif, en tout cas par trop déséquilibrée selon les régions ou les villes. Cependant, l’effondrement redouté de cette démographie ne s’est pas produit. Voilà une bonne nouvelle pour tout le monde : patientèle, société, praticiens eux‐
mêmes… et leurs assureurs spécialisés ! Le numerus clausus tel qu’il est actuellement fixé ne permettra pas avant longtemps – plusieurs décennies – un renversement de tendance de la pyramide des âges. Pour autant, dès que les premières générations de praticiens bénéficiaires de ce numerus clausus relativement élargi sortiront diplômés des UFR, l’élargissement du socle de la pyramide commencera à s’opérer. A l’instar des médecins, les chirurgiens‐dentistes travaillent plus longtemps et contribuent ainsi à maintenir à flot la démographie. Quant aux praticiens étrangers ou formés à l’étranger, eux aussi semblent désormais participer de ce maintien. Toutefois, le phénomène est trop récent pour d’ores et déjà en tirer des leçons. Il faut attendre confirmation. Mais il y a là un espoir sérieux et, pour tout dire, inattendu. Les vrais enjeux portent sur la nécessité du rééquilibrage densitaire de l’offre de soins. Comment y parvenir ? Il importe d’abord disposer d’un outil, ici une démographie non point atone sans quoi rien n’est possible. Sans doute parviendra‐t‐on à user de cet outil. A partir de là, certaines pistes – jusqu’ici peu convaincantes – s’ouvrent.  Celle consistant en mesures incitatives offertes aux jeunes praticiens pour qu’ils aillent exercer là où l’on a le plus besoin d’eux. Cette option a été de peu d’effets en médecine.  D’aucuns évoquent la voie de la coercition : obliger ces jeunes praticiens à exercer là où l’on a besoin d’eux. Ce serait un échec pour tout le monde. Alors pourquoi ne pas s’attaquer, enfin, aux causes structurelles du déséquilibre de cette démographie ? L’une d’entre elles par exemple, s’inscrit dès le cursus à partir d’une mécanique invariable. Qu’on en juge. 14 Chacun le sait, les praticiens s’installent en priorité là où ils ont été formés. Or, la répartition des places en odontologie (comme en médecine) s’avère extrêmement inégale selon les régions : en 2012/2013, 185 postes en Ile‐de‐France, 116 en région PACA contre 20 postes en Basse‐Normandie, 28 dans la région Centre et en Picardie. D’aucuns parmi les observateurs les plus avisés prônent désormais une sorte de numerus clausus régionalisé. Les postes se verraient déterminés en fonction des besoins sur place et non plus, comme aujourd’hui, fixés globalement, au niveau national. Des postes en plus s’ouvriraient là où les besoins sont les plus grands, d’autres se fermeraient là où l’offre est excédentaire. Cela nécessiterait de puissants efforts d’adaptation des structures d’accueil et d’enseignement mais les enjeux le justifient. A une échéance pas très lointaine, il n’y aura sans doute plus d’autre choix sauf à mettre fin au numerus clausus en tant que tel, hypothèse à laquelle nous ne croyons guère. 15