Manuel scolaire et formation d`enseignants

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Manuel scolaire et formation d`enseignants
Colloque 34
MANUEL SCOLAIRE ET FORMATION D’ENSEIGNANTS :
FORMATION À L’OUTIL ET OUTIL DE FORMATION
Présenté par : Elisabeth Plé (Université de Reims/ CEREP) [email protected], Christine Couture
(Université du Québec, Chicoutimi) [email protected]
Le manuel scolaire, cet « outil aux multiples facettes » (Lebrun, 2001), aux carrefours d’exigences contradictoires (Carette,
2001), est régulièrement l’objet d’études, de recherches et de rapports institutionnels. Les réformes éducatives dans
différents pays (Québec, Belgique…) ainsi que la nécessité d’agrément des manuels scolaires qui en découle, ont donné
lieu, lors de la dernière décennie, à une relance de la réflexion sur sa place, son rôle et ses usages. (Spallanzani, C., Biron,
D., Larose, F., Lebrun, J., Lenoir, Y., Masselter, G. & Roy, G.-R. 2001 ; Métoudi, M. & Duchauffour, H. (2001) ; Gérard, 2010 ; …)
En France, si le Ministère n’assure aucun contrôle sur les manuels scolaires, celui-ci produit régulièrement des rapports
faisant état des usages du manuel scolaire dans les classes ainsi que des recommandations (Borne, 1998 ; Bassy & Séré,
2010). Le dernier en date est produit dans un contexte de « mutation profonde de l’outillage pédagogique » lié à l’apport
du numérique. Tout en remarquant que le manuel traditionnel est devenu une ressource parmi bien d’autres, il invite à
ne pas «minimiser les effets de l’illusion qui consiste à mettre sur un pied d’égalité des sources informationnelles sporadiques et le discours que propose un ouvrage construit de manière méthodique...» ; il rappelle en particulier l’aspect
structurant du manuel. Parmi ses recommandations, il invite une nouvelle fois à développer, dans le contexte actuel, la
formation initiale et continue à cet outil.
Par ailleurs, le manuel scolaire reste toujours un vecteur privilégié pour vulgariser des recherches en didactique des
disciplines (Briand &Peltier, 2008) et de nombreux didacticiens produisent de tels ouvrages. Fidèle à la tradition qui a
contribué au développement de cet outil en France à partir du 18 ème siècle (Coutel, 1995), le manuel scolaire peut
encore apparaître comme un outil de formation des enseignants (Niclot, 2003), bien qu’un bon usage soit certainement
utopique (Rey, 2001). Cependant peu de recherches sont pratiquées pour connaître l’usage de ces ouvrages par les enseignants dans une perspective instrumentale (Goigoux, 2008) ainsi que la traduction des intentions des auteurs dans
les pratiques enseignantes (Plé, 2009).
Ce colloque se propose de questionner le rapport qu’entretient le manuel scolaire avec la formation des enseignants,
suivant deux axes :
- Former les enseignants à l’opérationnalisation de l’outil manuel scolaire : utopie, domaine à défricher ou peine perdue?
- Le manuel scolaire, outil de formation des enseignants: illusion des auteurs ou genèses instrumentales à étudier et
exploiter ?
• Le manuel pour rassurer l’enseignant...
Alain Braun (Université de Mons) [email protected]
Espérer que sans accompagnement le recours à un manuel aboutisse à des modifications de pratiques est assez illusoire. Néanmoins, il n’en est pas moins vrai qu’il peut, s’il est bien conçu, représenter un levier pour introduire dans les
pratiques de classe une innovation pédagogique de manière rassurante. En Fédération Wallonie-Bruxelles, nombreux
sont les praticiens qui se plaignent de devoir mettre en œuvre des pratiques pédagogiques décrétées par l’Autorité
politique sans pour autant disposer des outils adaptés à leur traduction concrète dans la classe. Le manuel, parce qu’il
offre un ensemble organisé de contenus structurés en séquences didactiques, peut répondre à cette objection et favoriser l’intégration de l’innovation tout en respectant l’autonomie de l’enseignant. Nous étayerons notre propos par deux
exemples pris dans l’enseignement du français langue maternelle au secondaire en Belgique : d’une part, le passage
à un code officiel de terminologie grammaticale, rompant avec le métalangage traditionnel et donc désarçonnant les
enseignants pour qui le Bon usage de Grevisse avait souvent servi de référence et, d’autre part, l’introduction d’un enseignement par compétences parfois perçu par l’enseignant comme une dégradation du statut des savoirs. Ces deux
exemples s’appuieront sur la présentation d’une série de manuels dont nous sommes co-auteur.
• Peut-on être chercheur en didactique et auteur de manuels scolaires ?
Joel Briand (Université Bordeaux2- IUFM) [email protected], Marie Lise Peltier (Université Paris 7 -IUFM Normandie)
[email protected]
Le manuel scolaire est une interface entre ministère, éditeurs, enseignants, lieux de formation, et enfin parents. Les enseignants sont vus comme clients par l’éditeur et comme professionnels par les auteurs. En tant que tel, le manuel scolaire
est au carrefour d’injonctions et d’attentes souvent contradictoires. S’appliquer, en tant que didacticien, à la conception
d’un manuel relève d’un défi. Nous exposerons d’abord les différentes contraintes auxquelles sont soumis les auteurs
de manuels. Puis, après avoir précisé nos propres objectifs pour la conception d’un manuel scolaire en mathématiques
pour le premier degré, nous présenterons les outils théoriques du champ de la didactique des mathématiques qui nous
ont permis de les concrétiser. Mais un livre ne fait pas tout : à partir d’une même page de manuel, nous présenterons
trois scénarios possibles de mise en œuvre dans lesquels l’activité mathématique des élèves, le travail de l’enseignant et
son rôle sont néanmoins radicalement différents. Nous conclurons en justifiant pourquoi la conception et l’écriture de
manuels scolaires est un maillon déterminant dans la transposition des savoirs mathématiques à enseigner et sont donc
une « niche » privilégiée pour les didacticiens dans le nécessaire travail de vulgarisation des résultats de recherches en
didactique des mathématiques.
• L’internet: un nouvel outil pour de nouvelles pratiques de documentation pour la préparation de classe?
Philippe Charpentier (Université de Reims Champagne-Ardenne) [email protected]
Le manuel scolaire a été pendant longtemps le principal support utilisé par les maîtres de l’école primaire pour la préparation des leçons. Or, depuis peu, l’internet permet d’avoir accès à de l’information, des documents pour ces préparations. C’est à partir du cas de la géographie au cycle 3 de l’école primaire et d’une enquête par questionnaire auprès de
cent treize enseignants que nous tentons de mesurer l’impact de l’internet pour la préparation des leçons.
• Le manuel scolaire : à la recherche d’un rapport à établir pour la formation
Christine Couture (Université du Québec, Chicoutimi-_) [email protected]
La question de l’opérationnalisation des visées éducatives proposées dans un programme de formation se pose dans
tous les contextes éducatifs. Le passage difficile entre des propositions théoriques et leur mise en forme dans la pratique
n’est peut-être pas étranger à l’écart dénoncé par plusieurs entre le milieu de la recherche et le milieu de la pratique
(Desgagné, 1997; Weiss, 1997; Van der Maren, 2003). Malgré certaines tentatives de rapprochement entre chercheurs
et praticiens, le problème des faibles retombées de la recherche pour la pratique demeure entier. Or, le manuel scolaire
met en évidence tout le défi d’un rapprochement entre la recherche et la pratique. Certains s’interrogent sur le fait qu’il
soit un outil privilégié pour vulgariser des recherches en didactique (Briand & Peltier, 2008). Or, les débats sur le manuel
scolaire questionnent le rapport qu’entretiennent les enseignants et les chercheurs à son égard. D’un rapport technique
à un rapport critique, n’y aurait-il pas un rapport pragmatique-analytique pouvant contribuer à la formation des enseignants, en réponse au double besoin d’apprendre à faire et à situer ce qui est fait? Cette question est à la base d’une
réflexion proposée par une didacticienne, auteure de cahiers d’apprentissage en sciences et technologie, jouant aussi
les rôles de formateur en contexte universitaire et de superviseur de stage.
• Peut-on former (et comment ?) à l’utilisation des manuels scolaires ? L’exemple des langues anciennes
Richard Etienne (Université Montpellier3- LIRDEF) [email protected], Dominique Augé (LIRDEF- EA3749) retienne@
wanadoo.fr
Pour les langues anciennes, la question des manuels s’est posée du 17ème siècle (De uiris illustribus) à nos jours (projet
Hélios). Expériences pédagogiques et Instructions Officielles poussent à la publication de nouveaux ouvrages. Nous
montrerons qu’ils font du neuf avec du vieux. Il semble que le manuel soit toujours le garant d’une didactique traditionnelle, pensée pour une élite. Les auteurs cherchent à séduire enseignants et élèves par des présentations attrayantes,
mais le parcours proposé reste quasiment identique : sur 100 lycées sondés, on compte un usage plébiscité du Nathan
en latin et du Hatier en grec. Cette unanimité est modérée par le recours à des sites en ligne. Nous nous interrogerons sur
ce que peut être un manuel totalement ou partiellement en ligne afin de faire évoluer la « didactique pratique » (Martinand, 1994). Enfin, une formation intégrée peut-elle s’inspirer du projet Néo-p@ss et partir de l’activité pour la typicaliser
? Quelle forme pour un manuel capable de transmettre des savoirs et d’initier leur apprentissage ? Comment les parts
dévolues au concepteur, à l’utilisateur et au guide sont-elles idéalement réparties ? Quelle formation à son utilisation
tenant compte de l’activité des élèves et de l’enseignant ?
• Recherche, formation didactique et manuel scolaire: un terreau fertile pour le développement professionnel des enseignants
Johanne Lebrun (Université de Sherbrooke - CRCIE-CREAS) [email protected], Marie-Pier Morin (Université de Sherbrooke - CRCIE-CREAS) [email protected]
Au Québec, le question entourant l’adéquation des manuels scolaires occupe peu d’espace dans la formation à l’enseignement comme le révèlent les résultats d’une enquête effectuée auprès des futurs enseignants de quatre universités
québécoises quant à leur connaissance des manuels scolaires (Oliveira et al., 2006). Cette question n’étant pas ou peu
abordée dans la formation universitaire, la conception des futurs enseignants serait fortement influencée par celle des
enseignants qu’ils côtoient dans le cadre de leur stage en milieu de pratique, donc s’ancrant à un vécu professionnel expérientiel non formalisé. Or, maintes recherches révèlent que ce sont surtout les aspects motivationnels, pédagogiques
et organisationnels qui sont scrutés par les enseignants lors de la sélection ou du jugement porté sur la qualité et l’utilité
d’un manuel scolaire. La dimension didactique est ainsi largement occultée. En ce sens, la formation didactique se doit
d’intégrer des activités d’analyse critique et réflexive des propositions didactiques des manuels scolaires. Suite à une
brève présentation du statut du manuel scolaire au Québec et d’une synthèse des résultats des principales recherches,
la communication propose sur la base d’un cadre conceptuel arrimant formation didactique et développement professionnel, des axes de formation visant le développement d’un regard didactique critique.
• Démarche d’investigation en sciences et manuel scolaire: le contexte vietnamien
Huong Nguyen Thanh (ENS de Hanoï-VIET NAM) [email protected], Thi-Thân Nguyen (ENS de Hanoï-VIET
NAM) [email protected], Maryvonne Stallaerts (UNIRèS) [email protected], Thanh-Son Tran (INRA Tours) son.
[email protected]
Au Vietnam, les manuels scolaires sont édités par le ministère de l’éducation : tous les professeurs et tous les élèves
d’un même niveau disposent du même ouvrage et ont l’obligation de le parcourir simultanément au cours de l’année
scolaire. Ces manuels se substituent ainsi aux programmes scolaires et en constituent l’outil de mise en œuvre. De plus,
dans un contexte où la réussite sociale est une priorité, le manuel est un outil pour les parents qui incitent leur enfant
à anticiper le travail scolaire Dans la dynamique mondiale de rénovation des systèmes éducatifs, et plus spécialement
dans celle qui consiste à introduire des démarches d’investigation actives en sciences chez les élèves, des formations
d’enseignants ont été organisées ces dernières années. Les échanges avec les enseignants font apparaître que le manuel scolaire est présenté de façon récurrente comme un des freins à la mise en œuvre de démarches d’investigation
en classe : guide de la prestation de l’enseignant, outil d’anticipation de la leçon par les élèves, il semble dénaturer
toute tentative d’investigation. Afin d’aller au delà de ce constat et de mieux comprendre en quoi le manuel peut faire
obstacle à une modification des pratiques enseignantes, cette communication se propose d’analyser les résultats d’une
recherche sous forme d’enquête menée auprès d’enseignants de l’école primaire.
• Le manuel en sciences à l’école primaire : des génèses instrumentales
Elisabeth Plé (Université de Reims/CEREP) [email protected]
Cette communication fait suite à un travail de recherche qui a consisté à étudier les usages des manuels de sciences
à l’école élémentaire, en France, à partir d’enquêtes, sous forme de questionnaires, et d’entretiens auprès de 13 enseignants. Après avoir présenté les usages déclarés des enseignants (débutants et confirmés) et quelques genèses instrumentales réalisées par des enseignants, nous nous interrogerons sur les capacités formatrices du manuel scolaire en
sciences pour les enseignants de l’école élémentaire:
Dans le processus de transposition de résultats de recherche en didactique des sciences en propositions pour
la classe, quelle « niche » privilégiée le manuel scolaire représente t-il ? quelles sont aussi ses faiblesses ?
En quoi ce « maître de papier » (Plé, 2009), particulièrement taillable, malléable, et corvéable, peut-il contribuer
à renforcer, sous couvert d’une image quasi institutionnelle, certaines conceptions enseignantes sur l’apprentissage
scientifique ?
Cette réflexion nous conduira à faire des propositions pour redonner un statut d’instrument d’apprentissage à cet objet en complémentarité avec différentes modalités d’investigation ; il va de soi que l’instrumentation (Rabardel, 2005)
n’est pas immédiate et nécessite, au même titre que les autres instruments d’apprentissage au service de l’investigation
scientifique, un minimum de formation.
• Le manuel de mathématiques : outil de formation-en-acte pour le professeur des écoles ?
Maryvonne Priolet (Université de Reims/CEREP) [email protected]
Nous nous demandons dans quelle mesure l’usage du manuel scolaire* peut participer à la formation du professeur des
écoles.
L’étude a été conduite dans le domaine de l’enseignement des mathématiques à l’école élémentaire, dans le contexte
français. A partir de données issues :
d’une enquête par questionnaire proposée à des professeurs débutants et à des professeurs expérimentés,
maîtres formateurs ;
de l’analyse des cahiers journaux et des fiches de préparation de professeurs ayant déclaré recourir au guide
pédagogique de l’enseignant,
d’entretiens individuels visant à cerner l’identification des transformations des pratiques professionnelles provoquées par l’usage de cet outil,
nous nous proposons d’exposer :
les relations entre l’utilisation du manuel de mathématiques par le professeur des écoles lors de la préparation
des séquences d’enseignement et son parcours de formation. Les motifs qui ont présidé au choix et à l’utilisation de ce
manuel seront étudiés ;
l’identification des transformations induites par le manuel scolaire sur les pratiques et les conceptions des enseignants.