La qualification aux fonctions de Maître de Conférences en

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La qualification aux fonctions de Maître de Conférences en
La qualification aux fonctions de Maître de Conférences en
Sciences de l’Education – Une étude quantitative
De quoi s’agit-il ?
Structure et nature du document
Ce document est constitué de deux textes enchâssés l’un dans l’autre. Le second est celui que vous êtes en train de lire :
c’est un commentaire du premier, qui est inséré plus loin.
Le texte initial est une note d’analyse communiquée en Avril 2003 aux membres de la 70ème section du CNU
(Sciences de l’Education). Les éléments qu’il comporte sont traditionnellement fournis aux membres de la section depuis
2000, pour leur propre usage et l’éventuelle diffusion aux instances syndicales ou associatives dont ils sont membres. Il
s’agit d’un travail réalisé bénévolement au profit de la communauté des enseignants chercheurs de Sciences de
l’Education et de ceux qui souhaitent intégrer cette communauté. Les données ont essentiellement été recueillies au vol
au cours des sessions de qualification MCF, d’abord par l’auteur seul, puis avec l’aide de deux collègues de manière à
alléger la pression d’attention constante que requiert cet exercice. L’observation est faite au moyen d’une grille sommaire
qui cherche à relever quelques points stratégiques pour l’analyse des candidatures et du sort qui leur est fait. Cette grille
est connue de tous les membres de la section, qui acceptent volontiers, à la demande des observateurs, de préciser tel ou
tel détail qui n’aurait pas été relevé au vol.
Le texte qui résulte de ce travail de recueil de données et de l’analyse qui s’ensuit ne se veut aucunement critique du
travail d’une instance à laquelle l’auteur a appartenu et appartiendra peut-être encore, mais plutôt des éléments
d’objectivation et de prise de distance par rapport à une pratique qui s’avère réellement difficile.
A y réfléchir quelques mois après, on peut se poser quelques questions sur la véritable nature de ce travail et du texte
qui le résume.
Une de ses dimensions est l’approche docimologique d’un processus de contrôle/sélection. Les règles du jeu de tels
processus pèsent lourd sur les destins individuels et, par régression, sur les stratégies appropriées pour les candidats et les
milieux qui les préparent.
Une autre est celle de l’évaluation, par les résultats, du fonctionnement d’une institution, évaluation où l’on retrouve la
trace des conditions concrètes de fonctionnement, mais aussi l’écho des contradictions entre les différentes positions
scientifiques et politiques que peuvent adopter les membres de cette institution, des négociations qui s’y produisent et de
leur perpétuelle mobilité.
Une caractéristique intéressante de cette évaluation est son côté autoscopique. Ce n’est pas un intervenant extérieur qui
recueille et analyse les données, mais un membre de l’institution, avec l’assentiment et la coopération des autres
membres. L’effort de prises de distance par des praticiens à l’égard de leur propre pratique est justifié par les enjeux des
opérations de sélection, le désir constant d’être à la fois humain, juste et rigoureux, et la crainte constante de ne l’être
pas assez. L’accueil positif accordé par les membres de l’instance à ce retour systématique sur les pratiques montre qu’il
est reçu comme une aide et non comme une critique. Un élément singulier et particulièrement facilitateur dans le
contexte est que la 70 ème section est celle des Sciences de l’Education, et que les processus de recrutement-sélection sont un
objet d’étude naturel pour ces sciences.
Une dernière dimension du travail est de nature méthodologique, statistique et informatique, avec une démonstration de
la faisabilité, sur la base d’un recueil de données relativement léger, d’analyses que leurs destinataires veulent bien juger
pertinentes, et qui leur sont fournies dans des délais assez courts pour être encore utiles. Dans le cas d’espèce, le texte a
été diffusé trois mois après la session où ont été recueillies les données les plus récentes. En fait, n’étaient d’autres
priorités et la question de la disponibilité, cela aurait pu se faire dans la quinzaine suivant la session.
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Avant de présenter le texte initial lui-même, on propose ici quelques éléments d’information et de réflexion destinés à en
faciliter la lecture et à en situer les tenants et aboutissants.
La règle du jeu
Il s’agit de la règle du jeu en vigueur entre 2000 et 2003. Elle a pu être différente auparavant (voir ci-après) ; elle peut
changer à nouveau à l’avenir. La règle elle-même est un enjeu, et de l’avis des joueurs les plus chevronnés, le seul qui
vaille.
Dans la période de référence, pour devenir enseignant chercheur, à commencer par le grade de Maître de Conférences, il
faut :
1) Préparer et soutenir avec succès un Doctorat. Le succès est a priori assuré dès lors qu’on est autorisé à
soutenir, mais certains détails auront de l’importance par la suite : la mention obtenue (système actuel :
Honorable, Très Honorable, Très Honorable avec Félicitations du Jury ; ces dernières étant, selon les
disciplines et les universités, interdites, contingentées ou librement accordées), la composition du jury (renommée
scientifique, diversité géographique et de chapelle), le rapport de soutenance (classiquement très bref en sciences
exactes, plusieurs pages en sciences humaines) et sa cohérence avec la mention délivrée. A ce stade du propos,
on est Docteur, et rien de plus.
2) Constituer et déposer dans les délais prescrits un dossier de candidature à la qualification auprès d’une section
appropriée (selon la discipline de la thèse) du Conseil National des Universités (ci-après nommé CNU). On a
le droit de faire acte de candidature dans plusieurs sections, quand on présente un profil pluridisciplinaire ou
« marginal sécant » ; en principe les autres sections ne sont pas averties de la multiplicité de candidatures, qui
ne peut donc nuire. Dans l’exemple développé ci-dessous, il s’agit de la 70ème section « Sciences de
l’Education ». Les procédures de sélection étant un objet d’étude pour la discipline correspondante, on est donc
dans l’autoscopie.
3) Obtenir la qualification : le dossier, qui peut comporter la thèse mais aussi d’autres publications antérieures
ou postérieures à la soutenance, est adressé à deux rapporteurs, membres d’une instance dite Section du CNU,
composé d’un nombre variable de membres mais respectant toujours les règles suivantes : moitié Professeurs,
moitié Maîtres de Conférences, deux tiers élus sur listes syndicales, régionales ou thématiques, un tiers nommés
par le Ministère sur des critères mal connus mais tendant apparemment à rétablir des équilibres de spécialité,
d’origine géographique, voire de préférences de chapelle ou politiques. Dans le cas de la 70ème, la section
comporte 24 membres, qui siègent tous ensemble (ils pourraient constituer des commissions). Les deux
rapporteurs font rapport, comme leur nom l’indique, à la section, qui accorde ou refuse la qualification. Les
procédures et les critères de décision peuvent varier grandement selon les sections. Ce qui suit n’engage que la
70ème section, et encore, pour la période considérée. La qualification vaut (actuellement) pour quatre ans. Si on
n’est pas parvenu à se faire recruter entre-temps, il faut demander à nouveau la qualification, et on n’est pas
sûr de l’obtenir, notamment si on a un peu faibli sur la production scientifique.
4) Etant qualifié, identifier dès parution au JO (et BOEN) les postes offerts au recrutement (on parle ici de la
voie réglementaire majeure, en ignorant pour la clarté de l’exposé les autres voies) dans la section dont on relève
ou dans des sections connexes, si l’on se situe dans des franges. Ces postes sont éventuellement assortis d’une
mention plus fine de spécialité qui indique les desiderata des équipes de recherche et de formation q ui recrutent,
mais ne constituent pas, comme l’expérience le montre, une condition sine qua non, tant on préfère parfois
recruter le brillant imprévu que le terne conforme. Constituer et expédier un dossier de candidature par poste
visé, etc.
5) Ayant fait acte de candidature sur un poste, le dossier ayant été examiné par deux rapporteurs (encore !) qui
rapportent à une Commission locale de Spécialistes, être convoqué pour une audition. NB : on n’est pas obligé
d’être qualifié dans la discipline du poste pour se porter candidat ; il suffit d’être qualifié quelque part. Ceci
dit, il ne faut pas exagérer.
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6) A l’issue de l’audition, avoir été élu (comme digne d’occuper le poste) et classé (par ordre de mérite) sur le poste
(1er, 2nd, 3ème ).
7) Avoir été classé 1er, ou, étant classé 2nd, que le premier refuse le poste, ou classé 3ème, que les deux premiers
l’aient refusé.
8) Accepter le poste comme stagiaire pour un an si on était fonctionnaire, deux ans sinon.
9) Etre titularisé à la fin de la période de stage par la Commission locale de Spécialistes (ça n’est pas absolument
toujours une formalité).
On a à dessein décomposé les étapes, pour mettre en évidence le côté « parcours du combattant » de la chose.
Analyse
D’un point de vue docimologique, la situation est extrêmement intéressante : on connaît bien les deux espèces
antagonistes d’épreuves que sont l’examen et le concours. L’examen garantit un niveau, sans se soucier du nombre de
ceux qui l’obtiennent. Le concours classe par ordre de mérite en vue de l’accès à un nombre limité de places.
La soutenance de thèse est de toute évidence un examen, et d’ailleurs, indépendamment de la mention obtenue, elle
confère un grade : celui de Docteur.
L’élection par une Commission locale de Spécialistes est clairement un concours, avec une seule place (et une éventuelle
liste complémentaire de deux places par sécurité).
Le statut de l’étape n° 3, dite de Qualification, est plus original. Formellement, c’est un examen, puisque l’issue n’est
pas un classement, mais un jugement en oui/non. Toutefois, on y est, de l’intérieur comme de l’extérieur, extrêmement
attentif au taux de réussite, ce qui sent fort le concours.
En fait, la qualification par le CNU, qui agit comme filtre en aval d’un examen et en amont d’un concours, est un
instrument de contrôle et de régulation. Sa fonction est précisément de rompre la continuité entre le moment de la
production de la compétence (la thèse) et le moment de sa consommation (le recrutement sur un poste) de manière à
éviter ou limiter des dérives telles que le recrutement exclusivement local ou la constitution de chapelles étanches. Cette
position de « contrôle qualité » est plutôt délicate, puisqu’elle place parfois les membres du CNU en position de
censeurs de leurs pairs, notamment en ce qui concerne les thèses soutenues en comité trop restreint, ou dont la mention
entre en contradiction avec les termes du rapport de soutenance. De ce fait, le CNU exerce un peu des fonctions de
police interne (ou de conseil de l’ordre, selon les références qu’on préfère) ; cependant, son rôle ne s’arrête pas là : de
nombreuses candidatures émanent de disciplines plus ou moins voisines, voire pas voisines du tout. En dehors des
situations les plus caricaturales, des cas de conscience peuvent se poser : ce candidat et ses travaux sont-ils assez proches
des préoccupations scientifiques de la section pour permettre et promettre une possible intégration ? Sur ce registre, le
CNU fonctionne un peu, et là aussi voilà des métaphores risquées, comme une police de l’immigration, ou comme une
sorte de douanes : il s’agit de définir et de redéfinir de manière dynamique les frontières de la discipline.
Quelques éléments qui méritent qu’on y insiste
Le caractère temporaire de la qualification (validité de quatre ans) la rend très différente d’une inscription sur liste
d’aptitude. Cette dernière signifie très précisément que l’aptitude, une fois dûment constatée, est définitivement acquise.
Au contraire, la qualification limitée à quatre ans s’inscrit dans une perspective d’obsolescence des capacités, similaire
au coefficient de vétusté appliqué par les assurances à l’évaluation de biens à rembourser, ou à la sortie de cote de
l’Argus pour les véhicules automobiles. Cette entropie de la compétence doit être combattue par l’apport régulier de
travaux frais (publish or perish), qui n’améliorent pas intrinsèquement un dossier, mais le maintiennent dans un
état présentable. Ceci ne va pas sans poser de graves problèmes à la fraction des candidats qui, occupés à des fonctions
professionnelles sans rapport direct avec l’université et la recherche, ont pu franchir l’obstacle de la thèse au prix d’efforts
sacrificiels, mais que leurs conditions concrètes d’existence empêchent d’adopter le rythme de production régulier du
chercheur. Un paradoxe est que cette redoutable pression s’exerce sans douceur sur des gens qui ne sont pas encore des
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chercheurs de profession, mais qui demandent seulement les moyens de le devenir, alors qu’elle s’atténue relativement
pour les professionnels installés ; il est vrai qu’elle entrerait alors en conflit avec la sécurité des statuts, qui est aussi une
condition de l’indépendance d’esprit : qu’adviendrait-il d’une profession où la compétence pourrait être régulièrement
remise en question, jusqu’à être sanctionnée par la perte des fonctions correspondantes ?
La pression de production a parfois pour conséquence que l’évaluation d’un dossier de candidature (mais aussi de
promotion, de semestre sabbatique, etc.) peut se réduire à l’application d’un barème accordant un certain nombre de
points à une publication, avec des variantes selon la réputation de la revue, la signature seule ou en compagnie, le rang
dans la liste de auteurs dans ce dernier cas, et de même pour les colloques, les séminaires, les causeries, les posters, le
tout évidemment soumis aux coefficients de vétusté déjà évoqués. Certaines sections du CNU sont réputées travailler de
la sorte ; ce n’est pas le cas de la 70ème , qui n’accorde pas mécaniquement à une telle comptabilité des vertus
scientifiques, mais s’applique à opérer une évaluation holistique et qualitative des dossiers, ce en quoi elle a bien du
mérite compte tenu de ses conditions matérielles de fonctionnement. La très grande diversité des profils de candidature en
Sciences de l’Education, et surtout le fait que la carrière d’enseignant-chercheur constitue une seconde ou troisième
carrière pour nombre de ses ressortissants ne sont sans doute pas étrangers à un tel souci de finesse dans les jugements.
Si la partie la plus visible du travail du CNU est la session de qualification, elle n’est rendue possible que par le
travail préalable du Bureau, qui répartit les dossiers entre les rapporteurs en veillant à tenir compte des spécialités mais
aussi en évitant les incestes de jury ou d’équipe, comme de redonner au même rapporteur un dossier qu’il a déjà
expertisé négativement lors d’une session antérieure. Le travail d’instruction des dossiers, très long, doit s’opérer dans un
délai assez court, et tend à consommer une large partie des congés de Noël. Hormis les cas manifestes de dossiers sans
rapport avec les Sciences de l’Education, il est pratiquement impossible, même avec de l’entraînement, d’analyser un
dossier et de rédiger un rapport en moins d’une heure ; certains dossiers demandent souvent davantage de temps. Un
autre travail concerne ensuite le Bureau : les candidats qui ont été déboutés deux fois de suite peuvent faire appel devant
une instance nommée le Groupe, qui rassemble les Bureaux de plusieurs sections. Dans la procédure actuelle, cette
session d’appel comporte l’audition des candidats concernés.
En matière de procédure générale, les dispositifs ne sont pas éternels. Alors que la règle du jeu présentée ci-dessus met en
évidence une intervention du CNU en amont des recrutements locaux, une autre règle du jeu a existé, notamment en
1996 et 1997, qui le faisait intervenir en aval de ces recrutements. Les Commissions de Spécialistes locales classaient
sur chaque poste ouvert au recrutement un certain nombre de candidats (souvent trois), puis le CNU examinait les
dossiers classés et les validait ou non. Le cas de figure docimologique est celui d’un examen (le passage en CNU)
faisant suite à un concours (le recrutement local) faisant lui même suite à un examen (la thèse). La validation par le
CNU se faisait en principe en aveugle, c’est-à-dire sans que les rapporteurs fussent officiellement informés des postes sur
lesquels les candidats étaient classés ; bien sûr ils le savaient fréquemment, car les réseaux universitaires sont très
communicants. L’un des inconvénients du procédé était que dans certains cas, par malchance, tous les candidats classés
sur un poste étaient déboutés, et que le poste n’était donc pas pourvu ; il faut savoir que la répartition des postes se fait
au niveau des Conseils d’Administration des Universités, qu’il s’agit donc d’une ressource rare dont la répartition est
arbitrée par une instance politique, et que par conséquent il n’est nullement exclu que le non-pourvoi d’un poste soit un
motif de confiscation au profit d’une autre discipline l’année suivante. C’est dire que la péripétie des postes non pourvus
pouvait prendre l’allure d’une véritable catastrophe, et que les responsables locaux pouvaient préférer la thèse de la
malveillance à celle de l’accident. Le pouvoir attribué au CNU, et surtout le pouvoir de nuire, pouvait paraître
exorbitant, et c’est probablement une cause du changement de méthode.
Matériellement, cette façon d’opérer avait cependant du bon, parce que le travail du CNU concernait une sélection de
dossiers et non la totalité du vivier. Les effectifs traités par année sont éloquents à cet égard : de 1996 à 1999, 63, 92,
316 et 239 dossiers de qualification MCF traités , de 2000 à 2003, 290, 208, 288, 277. Ces chiffres concernent les
dossiers effectivement traités : les inscriptions ne donnant finalement pas lieu à dossier pour des raisons diverses (thèse
non soutenue à temps, par exemple) les alourdissent de quelques pour cent. Le saut de 92 à 316, entre 1997 et 1998,
correspond au changement de procédure. Les pics de 2000 et de 2002 sont l’effet des demandes de re-qualification de
1996 (début de la validité de quatre ans) et de 1998 (début de la nouvelle procédure). C’est peu de dire que les
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conditions de travail sont difficiles : sachant que chaque dossier est attribué à deux rapporteurs, que les professeurs ont
aussi à traiter les candidatures certes moins nombreuses à la qualification de professeur, et enfin que la section est
formée de 24 membres, chaque rapporteur peut se voir confier jusqu’à trente dossiers.
Voici maintenant le texte diffusé en Avril 2003 aux membres de la section. Ce texte est reproduit pratiquement sans
modifications, hormis l’ajout de quelques notes de bas de page destinées à éclaircir certains points potentiellement
obscurs.
Le texte diffusé en Avril 2003
Cette analyse de la session 2003 revêt un caractère particulier du fait qu’elle intervient en dernière
année de mandat1. Les variables recueillies pour l’analyse n’ont pas qu’un simple but de description
statistique ; elles suivent d’aussi près que possible certaines interrogations qui traversent sans répit le
travail de la section, relatives au risque de dérive malthusienne, à l’attitude à adopter vis à vis des
candidatures issues de disciplines voisines ou moins voisines, aux exigences à appliquer aux « très
jeunes dossiers », au modalités de communication en direction des candidats refusés, et notamment
des cas « presque acceptables ». Tous ces éléments sont l’objet de tensions, de débats, et parfois de
cas de conscience. C’est dire qu’en dessous de la froideur descriptive des chiffres bout la
confrontation des idées et des points de vue.
L’analyse utilise les mêmes variables que de 2000 à 2002 :
• Le genre
• L’âge
• Le domaine scientifique d’origine, repéré par la discipline de la thèse
• La situation professionnelle actuelle
• Le résultat de l’examen de la candidature
Dans les trois dernières variables, les positions utilisées résultent d’un compromis entre les choix
initiaux et l’évolution des points de vue par la suite. Ces variables renvoyant à des enjeux forts, leur
pertinence descriptive est elle-même un enjeu ; en d’autres termes, les faits et les instruments de leur
description tendent à bouger ensemble. Les catégories utilisées sont encore pertinentes pour une
dernière année et pour un bilan, mais si ce travail est prolongé par le CNU suivant, elles auront
sûrement besoin d’être retravaillées.
Une critique détaillée et des éléments de proposition pour l’avenir seront présentés plus loin dans ce
document.
Approche descriptive sur variables naturelles
Evolution du Gender ratio
Le genre des candidats selon la session
féminin
2000
130 45%
1
masculin
160 55%
Total
290 100%
En principe, la durée d’un mandat du CNU est de quatre années.
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2001
109 52%
99 48%
208 100%
2002
152 53%
136 47%
288 100%
2003
136 49%
141 51%
277 100%
Total
527 50%
536 50%
1063 100%
2
Khi2 = 4.49 n.s
Une simple fluctuation aléatoire autour d’une exacte parité : il y a sensiblement autant de candidates
que de candidats.
Ages 2003
Valeur modale : 42 (n=21)
Médiane entre 42 & 43
Moyenne 42.50, écart-type 8.20
20
15
10
5
0
30
35
40
45
50
55
60
En dépit de paramètres qui ne dépareraient pas une distribution approximativement normale, le
schéma affiche, beaucoup plus clairement qu’en aucune des autres années, une bimodalité 3 de
distribution, avec une série de six valeurs en minima locaux (de 35 à 40) : un population jeune et
centrée sur 32 ans, étendue sur l’intervalle 27-36 ans s’oppose à une population plus âgée, à
distribution asymétrique sur l’intervalle 36-60 ans, avec un mode à 42 ans. Des explications à une
bimodalité aussi marquée seront à rechercher du côté du poids des ATER dans le lot de
candidatures.
Les âges de 2000 à 2003
Session
Effectif
Moyenne
Ecart-type
2000
290
43.65
7.88
2001
207
42.29
8.17
2002
288
43.26
8.20
2003
277
42.50
8.20
2 Les données statistiques ont été traitées avec le logiciel Adso 3.3 (Presses Universitaires du Septentrion 1998) pour les
années 2000 et 2001, avec le logiciel Nestor (L’Ortho Edition 2002) pour les années suivantes et la synthèse. Ces deux
logiciels sont dus à l’auteur de cet article.
3 Une distribution bimodale présente deux pics distincts ; elle peut résulter du mélange de deux populations aux
caractéristiques nettement différenciées.
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Evidemment aucune différence significative. Remarquons toutefois qu’une moyenne d’âge d’environ
43 ans, pour ce qui n’est que la candidature à une autorisation préalablement nécessaire à se présenter
à des concours de recrutement de la fonction publique, est démographiquement préoccupante.
Rapproché du caractère systématiquement mesquin des méthodes de prise en compte des activités
antérieures4, à l’exception des professeurs du second degré, ce chiffre explique la fréquence des
carrières « traînantes » qu’on observe dans le milieu.
Les variable sensibles
Le domaine scientifique
Cette variable est issue d’un regroupement sur les champs scientifiques dans lesquels s’inscrivent les
thèses (et parfois les travaux ultérieurs). En dépit de certains défauts qui deviennent de plus en plus
sensibles, et dans le but de faciliter les comparaisons, on a utilisé les mêmes catégories qu’en 2000,
2001 et 2002:
• ScEduc : Sciences de l’Education clairement identifiées comme telles, par les champs, les
objets, les méthodes et la dominante des jurys, à l’exception des Didactiques.
• Didactiq : Toutes les didactiques des disciplines (repérées : Français, Histoire, Langues,
Mathématiques, Sciences et Techniques)
• EPS : Les travaux en Education Physique et Sportive, également dénommées STAPS, par
leur fréquence et les enjeux qu’ils soulèvent, méritent ici une catégorie particulière
• ScesHum : Les sciences humaines, dans une acception restreinte : ethnologie, psychologie,
sociologie
• Classiq : des disciplines fondamentales des Universités de Lettres et Sciences Humaines :
géographie, histoire, lettres, langues, philosophie
• ICom&Ntic : deux champs disciplinaires « émergents 5 » : Information & Communication et
Nouvelles Technologies
• Eloigné : l’ensemble très varié des champs disciplinaires où le lien avec les Sciences de
l’Education est difficile à percevoir : arts plastiques, droit, médecine, neuro-psychiatrie,
sciences économiques, physique et chimie, sciences politiques, urbanisme
Il s’agit clairement de catégories ad hoc visant à repérer les rapports de la 70ème section avec ses voisins
proches ou non, selon un modèle de cercles concentriques. Ces catégories renvoient à ce qu’on peut
percevoir de l’attitude de la section vis à vis de disciplines qui « frappent à la porte» et seront plus ou
moins bien reçues ; les catégories choisies en 2000 ont déjà perdu de la pertinence, tant les choses
vont vite.
Le débat du CNU précédent sur les Didactiques paraît bien lointain 6. Les questions qui se posent
actuellement concernent le Français Langue Etrangère (qui est ici rangé dans « Classiq ») ; le débat
Après un recrutement comme Maître de Conférences, les anné es de travail antérieures sont reprises dans l’ancienneté,
selon des barêmes très défavorables à tous ceux qui n’étaient pas professeurs agrégés ou certifiés auparavant. Le passage à
l’université peut ainsi dans certains cas s’accompagner d’une catastrophe financière.
5 Ils émergent sans doute depuis assez longtemps pour qu’on ne les appelle plus ainsi, de même que les technologies ne
sont plus si nouvelles. De plus, Information et Communication est une section CNU à part entière (la 71ème ), tandis que
ce qu’on appelle maintenant les Technologies d’Information et de Communication pour l’Education, ou TICE, sont un
objet partagé entre Sciences de l’Education, InfoCom et Informatique.
4
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sur les nouvelles technologies n’a pas encore débouché sur une pratique stable, mais avec le temps et
les refus les stratégies des directeurs de thèse et des thésards ont évolué, et beaucoup prennent la
précaution d’afficher une claire appartenance « Sciences de l’Education », y compris dans la
composition des jurys.
Le champ de l’EPS, qui correspond à une autre section du CNU (la 74ème), réputée à tort ou à raison
dominée par la physiologie à l’exclusion de la pédagogie, constitue un autre cas à examiner avec
précaution : certaines des thèses de ce domaine sont soutenues en Sciences de l’Education, plutôt
que dans la discipline de référence officielle.
Les bénéfices de la comparaison incitent toutefois à conserver les mêmes catégories, peut-être une
dernière fois.
Domaine scientifique repéré par la famille de disciplines de la thèse (en 2003) :
éloigné 8%
iCom&Ntic 2%
classiq 12%
38% scEduc
scesHum 27%
7% didactiq
5% EPS
Effectif = 276
Que les thèses de Sciences de l’Education n’obtiennent pas la majorité absolue parmi les candidatures
n’est pas une nouveauté. Il est plus intéressant d’examiner les évolutions sur ces quatre années.
Répartition en domaines selon la session
scEduc
2000
74
26%
didactiq
57
--2001
81
40%
20%
EPS
24
+++
39
19%
117
41%
27
9%
classiq
64
22%
27
49
24%
7
iCom&Ntic
éloigné
Total
9%
13
4%
31
11%
290 100%
3%
7
3%
17
8%
204 100%
11
4%
27
9%
288 100%
+++
4
+++
2002
8%
scesHum
2%
--
11
4%
--64
22%
31
11%
Au début du mandat 1996-1999, la question se posait encore de savoir si les Didactiques appartenaient aux Sciences de
l’Education ou devaient plutôt être considérées comme une variété de la discipline de référence. La situation pouvait être
extrêmement variée selon les disciplines : ainsi, si la Didactique du Français s’était autonomisée des études de Lettres
depuis plusieurs années, il n’en allait pas de même des disciplines scientifiques. Pour séparer le bon grain de l’ivraie, la
70ème section du CNU utilisait un système de critères liés à la méthodologie et à la posture de recherche, critères qui
avaient du être élaborés au cours du mandat précédent, car ils semblaient familiers aux plus anciens des membres de la
section. Peu à peu ces critères spécifiques ont été évoqués de moins en moins souvent, jusqu’ à ce que les dossiers de
Didactique soient examinés comme tous les autres, parce que l’attention de « surveillance de la frontière » s’était déplacée
vers d’autres objets.
6
CNU 70ème Qualif MCF
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++
2003
104
38%
-20
7%
15
5%
75
27%
34
--Total
376
36%
143
14%
12%
6
2%
22
8%
276 100%
37
3%
97
9%
1058 100%
++
54
5%
252
24%
99
9%
Khi2 = 63.25 s. à .01
Les faits marquants en termes d’évolution, dans le tableau7, sont la diminution des dossiers
Didactiques, la stabilisation des dossiers Sciences de l’Education après la pointe de 2002 et des
dossiers EPS après le maximum de 2000 (mais il peut s’agir d’un effet de saisie) et la montée des
dossiers Classiques.
En termes de constantes, on repère que sur les quatre années, les dossiers clairement identifiés
comme Sciences de l’Education n’excèdent que de peu le tiers des effectifs. Si l’on admet la catégorie
Didactique comme particulièrement proche (ce qui reste, on l’a vu, affaire d’appréciation), les deux
groupes rassemblés peinent à représenter la moitié des dossiers.
La situation professionnelle
La nomenclature utilisée est la suivante :
• Div/sans : situations non codables dans les rubriques suivantes ou absence d’information
• Form/ws : la constellation des formateurs, éducateurs et travailleurs sociaux
• 1deg : les personnels de l’Education Nationale relevant du premier degré
• 2deg : les personnels de l’Education Nationale relevant du second degré et non affectés
dans le supérieur
• precSup : les personnels précaires de l’Enseignement supérieur et de la recherhe : assistants,
ATER, enseignants ou chercheurs contractuels, lecteurs
• past/ing ; les PAST, ingénieurs d’études et ingénieurs de recherche
• pr2dSup : les professeurs certifiés ou agrégés exerçant dans le supérieur, y compris l’IUFM
Là encore ces catégories sont conservées pour des besoins de comparaison, mais ne donnent pas
entière satisfaction : la catégorie ‘precSup’ rassemble des personnes qui ont trouvé un emploi
provisoire avant d’entamer une carrière régulière, mais aussi des personnes pour lesquels cet emploi
n’est qu’une étape de plus dans une série de « galères » , ou encore des personnes qui disposent d’une
situation professionnelle stable, mais qui pour une ou quelques dernières années de thèse ont obtenu
temporairement ce statut qui dans leur cas n’est pas précaire ; à vrai dire, même la catégorie formelle
des ATER n’est pas exempte de cette ambiguïté, puisqu’on y peut trouver des fonctionnaires,
lesquels peuvent y être maintenus jusqu’à quatre années sans perdre leur poste d’origine. En outre, le
7
Dans ce genre de tableau (tableau de contingence, résultant du croisement de deux variables nominales), les signes + et
– servent à repérer les écarts locaux à l’hypothèse d’indépendance, par la méthode des résidus standards ajustés. On peut
également considérer ces éléments comme l’analyse de la contribution de chaque case du tableau au χ² global. Le signe
indique un excès ou un déficit d’effectifs observés relativement aux effectifs théoriques. Le nombre de signes, 1, 2 ou 3,
correspond respectivement aux seuils de probabilité de .10, .05 et .01. Une série ‘+++’, par exemple, dénote un excédent
local d’effectifs très significatif.
CNU 70ème Qualif MCF
A. Dubus : Bilan 2000-2003
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personnel des IUFM se trouve ventilé entre ‘pr2dSup’ pour les certifiés et agrégés et ‘1deg’ pour les
formateurs de statut instituteur ou professeur des écoles.
L’objectif initial de la constitution de cette variable était de tester l’éventuel bénéfice de la proximité
institutionnelle, voire physique, avec les lieux de recrutement, proximité saisie à travers la situation
professionnelle. Ce bénéfice n’était pas significatif de 2000 à 2002, on verra qu’il l’est un peu en 2003.
Cependant la variable manque clairement de finesse, mais sans doute d’autres méthodes d’acquisition
de l’information seraient nécessaires pour l’améliorer.
Situations professionnelles en 2003
6% div/sans
pr2dSup 15%
15% form/ws
past/ing 3%
13% 1deg
precSup 33%
15% 2deg
Effectif = 277
Situation professionnelle selon la session
div/sans
2000
99
34%
form/ws
25
1deg
9%
40
2deg
14%
38
precSup
13%
40
+++
2001
57
27%
17
6%
4
17
6%
44
190
18%
37
Total
14
5%
34
12%
290 100%
18%
27
13%
36
15%
41
15%
59
20%
12
6%
35
17%
208 100%
6%
41
14%
288 100%
3%
42
15%
277 100%
5%
152
14%
1063 100%
39
14%
72
25%
16
41
15%
91
33%
8
++
37
13%
++
114
11%
17%
--
+++
--Total
2%
---
--2003
14%
pr2dSup
---
+++
2002
past/ing
+++
173
16%
145
14%
239
22%
50
Khi2 = 161.98 s. à .01
Comme on l’avait déjà pointé en 2002, la diminution de la catégorie ‘div/sans’ et l’augmentation des
catégories ‘form/ws’ et ‘precSup’ sont des effets de recueil de données (comme l’augmentation de
certaines statistiques de délinquance quand les commissariats se mobilisent sur certaines catégories de
délits) : jusqu’en 2001, les informations de profession provenaient de l’application Ministérielle
Antarès, avec jusqu’à un tiers d’informations peu utilisables (les véritables professions externes aux
champs éducatifs sont rarissimes).
Une meilleure attention à ces aspects au cours des sessions 2002 et 2003, la présence de trois codeurs
simultanés et l’appel systématique à précision sur cette variable quand elle n’était pas fournie
CNU 70ème Qualif MCF
A. Dubus : Bilan 2000-2003
p 10 / 22
spontanément rendent assez peu comparables les données de 2002 et 2003 aux précédentes. En
particulier, ‘precSup’ s’enrichit d’un nombre insoupçonné de ‘petits boulots’ dont la légitimité
statutaire paraît incertaine dans la recherche universitaire ou parapublique, tandis que ‘form/ws’
pointe parfois des quasi-emplois précaires, surtout dans la formation continue. Une enquête sur la
précarité serait peut-être utile, dans les coulisses et les salles d’attente de l’enseignement supérieur.
Au delà de la confirmation de ces aspects, le trait original de l’année 2003 est la forte augmentation
de la catégorie ‘precSup’, gonflée par un afflux important d’ATER. Cette catégorie, qui atteint en
2003 un tiers de l’effectif, est majoritaire depuis 2002. L’augmentation de 2002 à 2003 absorbe la
diminution de la catégorie ‘1deg’, les autres catégories restant stables. Ceci explique-t-il cela ? Les
données disponibles ne permettent pas de le vérifier ; pourtant c’est après tout bien possible : sur les
cinq postes d’Ater en Sciences de l’Education occupés à Lille 3 en 2002-2003, deux l’étaient par des
professeurs de écoles. Un examen plus approfondi de la catégorie ‘precSup’ sera nécessaire.
Le résultat
Il s’agit de ce qu’a décidé le CNU et, en cas de refus, du motif qui accompagne la décision.
• Qualifié est évidemment le résultat positif
• Dem.pub réfère à une demande explicite de publication(s) complémentaire(s), dans le
champ des Sciences de l’Education et dans une revue à comité de lecture. Cette mention peut
s’appliquer :
à des thèses récentes non encore accompagnées de publications, et sanctionne en
quelque sorte une candidature prématurée. Cependant le principe est parfois affirmé
qu’une thèse brillante n’a pas besoin de publications d’accompagnement pour un
dossier MCF. Toutefois, dans les équipes où les thésards sont bien encadrés, il
devient coutumier de les faire publier et communiquer avant soutenance.
à des candidatures « en mouvement vers les sciences de l’éducation », à partir d’autres
rivages, candidatures auxquelles il est demandé de confirmer le mouvement
exceptionnellement, à des thèses insuffisantes, accompagnées de publications qui en
sont exclusivement tirées, et pour lesquelles il est réclamé une diversification
thématique, ou encore à des candidatures jugées dépendantes d’une sociabilité
scientifique trop restreinte et redondante, auxquelles il est demandé de prendre de
l’autonomie
• InsuffSci renvoie aux travaux jugés scientifiquement insuffisants, sans qu’une perspective
d’amélioration soit entrevue et justifie une demande de publication, qui pourrait présenter un
caractère d’engagement relatif. Il s’agit des candidats auxquels le CNU ne peut ou ne veut
rien promettre.
• HorsChamp désigne les candidatures dont les travaux se situent hors du champ des
Sciences de l’Education.
Le recueil de données, à partir de 2002, ne distingue plus « hors-champ manifeste » (tout le monde
est d’accord, dès l’énoncé du titre de la thèse) et « hors-champ discuté » (les enjeux de frontière de la
discipline sont évoqués), mais note séparément l’insuffisance scientifique et la demande de
publications. Cependant, il est rare de rencontrer à la fois la mention Hors Champ et la mention
Insuffisance Scientifique, ne serait-ce que parce que, hors du champ, on ne se préoccupe plus ou on
ne s’autorise pas à comparer les qualités scientifiques des dossiers ; aussi a-t-on compacté ces
potentielles variables disjonctives de manière à n’en conserver qu’une, en utilisant le principe de
priorité suivant : Qualifié est évidemment prioritaire sur tout le reste ; Dem.pub intervient ensuite,
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qu’il soit accompagné ou non d’une insuffisance scientifique ou d’un hors-champ ; InsuffSci est
utilisé même s’il accompagne un hors-champ, et enfin HorsChamp ne distingue pas les hors-champ
manifestes des hors-champ discutés.
La demande de publication mérite une attention particulière. En effet sa signification réelle peut
prêter à discussion. On peut demander une publication parce qu’on n’arrive pas, collectivement à
trancher sur un dossier proche de « la compétence minimale exigible » au sens de V. De Landsheere,
dont on n’est pas bien sûr qu’on a raison de le refuser, mais qu’on n’a pas très envie de qualifier, et
dont on se défausse ainsi sur la session suivante, avec peut-être d’autres rapporteurs plus
convaincants dans un sens ou dans l’autre, voire sur le mandat suivant, dans l’aléatoire complet,
puisqu’on ne saurait engager un groupe largement renouvelé. On peut aussi demander une
publication (au moins la lettre d’acceptation) pour entamer un dialogue semi-officiel avec la personne
qui candidate, dans une manière de semi contractualisation qui permettrait, à la session suivante, de
dire « cette personne a fait ce qu’on lui demandait, qualifions-là »8.
Dans cette seconde acception, le CNU garderait mémoire de sa demande, et qualifierait lors d’une
session ultérieure les candidats qui auraient su en tenir compte. Corrélativement, le message adressé
par le CNU serait entendu et compris par les candidats et les équipes qui, éventuellement, les
soutiennent.
Or, si on examine les demandes explicites de publication au cours des quatre sessions écoulées :
en 2000, on enregistre 34 Demandes de publication, dont
- 17 ne se manifesteront plus par la suite
- 2 seront à nouveau candidats, mais pas tout de suite
- 15 seront à nouveau candidats en 2001, dont 7 seront qualifiés
en 2001, on enregistre 50 Demandes de publication, dont
- 31 ne se manifesteront plus par la suite
- 1 sera candidat en 2003
- 18 seront candidats en 2002, dont 6 seront qualifiés
en 2002, on enregistre 54 Demandes de publication, dont 23 sont à nouveau candidats en 2003,
dont 14 seront qualifiés
en 2003, on enregistre 45 Demandes de publication
Remarques :
- le taux de qualification parmi les candidats qui ont fait l’objet d’une Demande de publication
et qui se représentent n’est généralement pas significativement différent du taux général (sauf
peut-être en 2003, année jubilaire9 ?)
- la récidive est le plus souvent immédiate
- il existe 3 candidats qui, DP 2000, DP 2001 derechef et refusés sans DP en 2002, ne se
représentent pas en 2003
- la majeure partie des destinataires d’une demande de publication ne se représente pas
Force est de conclure que la dimension « encourageante » de la demande de publication n’est pas
nécessairement bien perçue par les candidats, et peut-être à juste titre.
8 On peut utilement distinguer trois niveaux de communication entre le CNU et les candidats refusés : le niveau
réglementaire, avec l’avis motivé du CNU (et éventuellement la communication sur demande des rapports) ; le niveau
officiel, qui associe la voie syndicale (pour ceux qui ont pensé à se signaler à un élu) et la prise de contact éventuelle par
les membres du bureau (Président, deux VP, assesseur) ; le niveau officieux, via les réseaux de laboratoire ou d’UFR.
9 Où l’on effacerait les dettes ?
CNU 70ème Qualif MCF
A. Dubus : Bilan 2000-2003
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Répartition des résultats en 2003
horsChamp 23%
36% qualifié
insuffSci 25%
16% dem.pub
Effectif = 277
Résultats selon la session
N
%L
+
qualifié
insuffSci
dem.pub
horsChamp
Total
2000
105
37%
31
11%
---
87
30%
+
64
22%
287
100%
2001
62
30%
50
24%
+++
56
27%
39
19%
207
100%
2002
101
35%
56
19%
71
25%
60
21%
288
100%
2003
101
36%
45
16%
68
25%
63
23%
277
100%
Total
369
35%
182
17%
282
27%
226
21%
1059
100%
Khi2 = 18.91 s. à .05
Le seul fait saillant du tableau est le record relatif de demandes de publications en 2001. Pour le reste,
les proportions sont quasi-constantes.
Etude de relations
Quoique le taux de qualification n’ait pas baissé, le texte suivant, commentaire de la même rubrique
dans le rapport de 2001 comme dans celui de 2002, reste d’actualité :
« La préoccupation de la section CNU et particulièrement de son bureau quant aux interprétations possibles
d’un taux de qualification MCF bas au point de risquer le soupçon de malthusianisme peut s’accentuer à
l’issue d’une session qui se conclut par un taux de qualification encore plus bas. Les hypothèses spontanées
évoquées l’année précédente sont émises à nouveau (candidatures exotiques « pour voir »), voire renforcées
(poursuite d’une recherche de promotion professionnelle chez des personnels d’Iufm, éventuellement sans
véritable conversion à une posture de recherche, et après que les candidats les plus proches de l’habitus
universitaire ont été intégrés). Les croisements ci-dessous sont porteurs d’une double interrogation : continuer à
rechercher les causes de cette « difficulté à qualifier », soumettre à la critique les explications que l’instance en
tant que groupe humain accepterait le plus volontiers. »
CNU 70ème Qualif MCF
A. Dubus : Bilan 2000-2003
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Le champ de la thèse
Qualification selon le Domaine scientifique de la thèse en 2003
N
%L
+
Qualifié-
Qualifié+
S/LIGNE :
scEduc
61
59%
43
41%
104 100%
didactiq
11
55%
9
45%
20 100%
EPS
10
67%
5
33%
15 100%
scesHum
43
57%
32
43%
75 100%
classiq
24
71%
10
29%
34 100%
iCom&Ntic
6 100%
+
6 100%
-
éloigné
20
91%
+++
2
9%
---
22 100%
S/COLONNE:
175
63%
101
37%
276 100%
Khi2 = 11.57 pour 6 d.d.l. avec 1 correction(s) de Yates, s. à .10
Dans l’ensemble, les différences entre disciplines sont peu ou pas significatives. Lors des années
précédentes, la section était, assez logiquement, plus généreuse avec ses « ressortissants », les
‘ scEduc ’ qu’avec les autres origines, et, en 2000, cette faveur s’étendait au Didactiques et même aux
disciplines émergentes ‘ iCom&Ntic’ , qui avaient connu, cette année-là, le résultat exceptionnel de
69% de qualification. En 2003, ce n’est plus qu’un souvenir, puisque les ‘ iCom&Ntic ’ rejoignent
dans l’échec les ‘ Eloignés ’, c’est-à-dire les thèses sans rapport aucun avec la discipline. Cela dit,
plusieurs dossiers ont abouti à la qualification avec une thèse de Sciences de l’Education à
composante Nouvelles Technologies, et ce qui apparaîtrait brutalement comme une exclusion est
peut-être une forme d’assimilation progressive.
L’enseignement le plus important de ce tableau n’est donc pas à chercher du côté des associations
locales les plus significatives (les +), mais dans le fait que les thèses de Sciences de l’Education ne
reçoivent pas meilleur accueil, et même plutôt pire, que les Didactiques et les Sciences Humaines.
Serait-ce finalement vis à vis de sa propre discipline que la section pose le plus d’exigences ? Faut-il
évoquer la théorie de la segmentation du marché des thèses10 ?
Cette analyse nécessite d’être approfondie par l’étude détaillée des motifs de refus.
10 Cette théorie « de comptoir » chère à l’auteur, pose que la thèse, notamment en Sciences de l’Education, est un marché
découpé en segments bien cloisonnés. Le cœur du marché est la thèse préparée au sein d’un labo, avec publications
précoces et bon conseils pour le dossier ; le cercle suivant concerne les thèses de praticiens qui souhaitent passer au plan
théorique, thèses encadrées autant que le métier en laisse le loisir, et qui peuvent donner de bons produits au prix de
lourds efforts ; le cercle suivant concerne les « thèses de plaisir » préparées par des personnes dont on pense qu’elles
n’ont plus d’enjeux de carrière et pour lesquelles on adoucira les critères en pensant, parfois à tort, qu’elles ne
déboucheront pas sur des candidatures ; le dernier cercle, qu’on ose à peine évoquer, est celui des thèses « export
seulement », qu’on fait préparer à des étudiants du tiers monde en leur dissimulant le fait que leurs chances d’être recrutés
en France sont minimes. Naturellement les chances de succès professionnel décroissent en fonction de l’éloignement du
centre. Cette théorie, mûrie par l’auteur au cours de débats passionnés lors des pauses café d’interminables sessions de
qualification, n’a pas de prétention scientifique.
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Résultat selon le Domaine scientifique de la thèse en 2003
N
+
%L
scEduc
qualifié dem.pub insuffSci horsChamp S/LIGNE :
43
41%
18
didactiq
9
45%
EPS
5
32
scesHum
17% 41
39%
+++
2
2%
---
104 100%
5
25%
5
25%
1
5%
--
20 100%
33%
4
27%
2
13%
4
27%
15 100%
43%
12
16% 12
16%
19
25%
75 100%
classiq
10
29%
iCom&Ntic
3
9%
4
12%
-
17
50%
+++
34 100%
1
17%
1
17%
4
67%
+++
6 100%
2
9%
2
9%
-
16
73%
+++
22 100%
16% 67
24%
63
23%
276 100%
éloigné
2
S/COLONNE: 101
9%
---
37% 45
Khi2 = 86.68 pour 18 d.d.l. avec 10 correction(s) de Yates, s. à .01
En ce qui concerne les motifs de refus, le tableau, où les différences sont très significatives, présente
la même structure que les autres années : le principal mécanisme d’éviction des Classiques et des
Eloignés, rejoints par les iCom&Ntic, est la déclaration de Hors-Champ. La demande de publication
pèse spécialement sur les Didactiques et les EPS, quoique cela ne soit pas particulièrement significatif
compte tenu de leurs faibles effectifs.
A nouveau, le fait majeur, qui renforce l’analyse du tableau précédent, est que le critère d’Insuffisance
Scientifique s’applique préférentiellement aux dossiers formellement « pures Sciences de
l’Education », comme en 2000 et en 2001. La section juge mauvais 39% de ces dossiers (contre 32%
en 2002), en soumet 17% au purgatoire de la Demande de publication, et en trouve encore 2% de
Hors-Champ, contre 6% en 2002 il est vrai, ce qui paraît saugrenu, et semble plutôt une critique aux
jurys et aux directions de thèses qui laissent soutenir de telles choses sous l’appellation « Sciences de
l’Education ».
L’analyse factorielle illustrative du tableau ci-dessus présente les mêmes caractéristiques structurelles
que les autres années. L’axe principal, dont la proportion d’inertie ne fait que croître ( 90% après
84%, 86%, 88% en 2000, 2001, 2002) oppose essentiellement le HorsChamp aux autres résultats, et
les éloignés au double noyau identitaire ‘ Sceduc ’+ ‘ Didactiq ’. ‘ EPS ’ et ‘ iCom&Ntic ’ sont des
éléments mobiles d’une année à l’autre sur cette carte plutôt figée, sans qu’il faille surinterpréter ces
faits concernant des groupes peu nombreux. Pour le reste, les Classiques se font plutôt rejeter pour
Hors-Champ. Quant aux Sciences Humaines, placées près du centre de gravité du nuage, elles
recueillent le succès ou l’échec, vraisemblablement selon que l’objet traité relève ou non des
questions éducatives, tant il est vrai que, comme il est souvent affirmé pour combattre une défense
étroitement identitaire des frontières de la discipline, que « les sciences de l’Education ne sont pas les
seules sciences à étudier les faits éducatifs ».
CNU 70ème Qualif MCF
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iCom&Ntic
insuffSci
éloigné
scEduc
horsChamp
classiq
dem.pub
didactiq
scesHum
qualifié
EPS
89,95% de l'inertie sur l'axe 1 horizontal
7,38% de l'inertie sur l'axe 2 vertical
La position professionnelle
L’esprit initial de cette variable était de tester l’hypothèse selon laquelle la proximité institutionnelle,
le fait « d’être déjà dans la maison », procurait de meilleures chances de succès.
Qualification selon la situation professionnelle en 2003
N
%L
Qualifié-
Qualifié+
S/LIGNE :
+
div/sans
15
88%
2
++
12%
17 100%
--
form/ws
29
71%
12
29%
41 100%
1deg
23
62%
14
38%
37 100%
2deg
31
76%
10
24%
41 100%
+
precSup
49
54%
42
--
46%
91 100%
++
past/ing
3
38%
5
62%
8 100%
pr2dSup
26
62%
16
38%
42 100%
S/COLONNE:
176
64%
101
36%
277 100%
Khi2 = 13.45 pour 6 d.d.l. avec 1 correction(s) de Yates, s. à .05
Les différences n’étaient pas significatives en 2002. Elles le sont moyennement en 2003, avec le faible
taux de réussite des ‘ div/sans ’, et le bon résultat des ‘ precSup ’, qui serait encore plus net si on leur
adjoignait les ‘ past/ing ’. Ce résultat semble corroborer l’hypothèse, mais il y faut apporter des
nuances : en 2003, la catégorie ‘ precSup ’, emplois précaires du supérieur, est à la fois
particulièrement nombreuse et particulièrement saturée en ATER, lesquels sont, théoriquement,
placés dans les conditions idéales – ailleurs on les trouverait simplement normales – pour réussir à
CNU 70ème Qualif MCF
A. Dubus : Bilan 2000-2003
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boucler la thèse et surtout pour être initiés aux règles de la sociabilité scientifique et à l’art de la
construction du dossier 11.
Le genre
Qualification selon le genre en 2003
N
%L
Qualifié-
Qualifié+
S/LIGNE :
+
féminin
81
60%
55
40%
136 100%
masculin
95
67%
46
33%
141 100%
S/COLONNE:
176
64%
101
36%
277 100%
Khi2 = 1.83 pour 1 d.d.l. , n.s.
Pas plus que les autres années, le genre n’a de relation significative avec le succès. Voilà au moins un
souci que la section n’a pas à se faire.
L’âge, et autres facteurs
Contrairement aux autres années, les qualifiés sont légèrement plus jeunes que les non qualifiés
Analyse de la variance de (Age) selon les positions de (Qualifié) en 2003
Classe
Effectif
Moyenne
Ecart-type
Qualifié-
176
43.35
7.83
Qualifié+
101
41.03
8.62
277
42.50
8.20
ENSEMBLE
F(1,275) = 5.18, s. à .05
Plus de deux ans de différences, résultat moyennement significatif qu’on peut probablement attribuer
à la réussite particulière de jeunes ATER en 2003, ce que l’on va vérifier par la suite.
Cependant, sur l’ensemble des quatre années, l’âge au recrutement ne varie pas de manière
significative, et 2001 présentait déjà une qualification plus jeune en moyenne :
Age des qualifiés selon les années
Classe
Effectif
Moyenne
Ecart-type
2000
105
42.92
7.47
2001
62
40.87
7.94
2002
101
42.50
8.63
2003
101
41.03
8.62
ENSEMBLE
268
42.29
8.07
Dans une tendance similaire aux autres années, sans doute liée à l’âge des candidatures et aux
caractéristiques de celles-ci, l’âge moyen du recrutement MCF en Sciences de l’Education continuera
Chaque rapporteur traite de 20 à 30 dossiers chaque année. Un dossier mal construit a peu de chance d’être retenu :
parce qu’il est difficile et long à lire ; parce que, même simplement brouillon, il est facilement soupçonné d’insincérité ;
parce qu’il témoigne d’une insuffisance de socialisation dans une équipe de recherche, sous l’hypothèse que les « patrons »
font leur boulot.
11
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à poser, dans les laboratoires, les UFR et les départements, de multiples problèmes pour l’équilibre
des équipes et la durée de l’investissement scientifique.
Les analyses des autres années montraient que, même si l’âge de qualification différait peu ou pas du
tout de l’âge de candidature, les motifs de refus ne sont pas en relation avec les mêmes âges :
Analyse de la variance de (Age) selon les positions de (Résultat) en 2003
F(3,273) = 9.31, s. à .01
40.32 horsChamp n=63
40.76
41.03 qualifié n=101
41.13
42.49 dem.pub n=45
42.50
.01
46.72 insuffSci n=68
L’analyse des contrastes 12 montre que la seule dichotomie valide, très significative, oppose les
Insuffisants Scientifiques aux Qualifiés et aux autres motifs de refus.
Si l’on reprend les conclusions de 2001 sur ce point :
« La typologie approximative élaborée en 2000 conserve une grande part de sa force explicative. Rappelons-en
les éléments :
• De jeunes et très jeunes chercheurs qui se livrent à des candidatures « en aveugle », inutiles et
coûteuses, sans considération de pertinence.
• Des praticiens de l’éducation, qui viennent de soutenir leur thèse après une reprise d’étude
intervenue une dizaine d’années après l’insertion professionnelle, et qui n’ont pas encore eu le temps
de publier, ou qui ont des difficultés à trouver les bons circuits, par exemple des instituteurs. Le
CNU reconnaît la qualité de leur travail mais leur demande un signe complémentaire d’intégration à
la communauté scientifique, comme il peut le faire pour des candidatures peu éloignées, mais jugées
insuffisamment proches.
• Des praticiens chevronnés, qui valorisent tardivement une recherche ancienne, ou qui entreprennent
dans une perspective de promotion une recherche tardive, sans nécessairement emporter la conviction.
A nouveau, on note un élément de paradoxe : pour les qualifiés, la distribution des âges ne diffère pas
significativement de celle de l’ensemble des candidats ; on pourrait dire que le CNU ne tient pas compte de
l’âge des candidats (il n’en a d’ailleurs pas le droit). Ce sont les causes d’échec qui varient avec l’âge. Plus
exactement, des profils de candidats variés à divers point de vue, y compris quant à l’âge, échouent pour des
raisons contrastées : du point de vue de l’âge, les qualifiés sont encadrés de Hors-Champs plus jeunes qu’eux,
et de candidats dont le dossier est jugé insuffisant ou à qui on demande une publication, plus âgés.
Seul le troisième point de l’énumération ci-dessus reste dans l’ensemble convaincant. Il faudra maintenant
attendre le bilan de la quatrième et dernière année de mandat de cette section du CNU pour stabiliser un
portrait, au-delà des fluctuations annuelles. »
12 Cette technique, propre au logiciel Nestor dans cette présentation, accompagne l’analyse de variance : le logiciel essaie
toutes les dichotomies possibles entre groupes de positions de la variable nominale, et retient celle qui maximise le |t| de
Student (comparaison de moyennes entre groupes indépendants), et garantit donc le contraste maximum. La manœuvre
est réitérée récursivement sur les sous-groupes ainsi créés, jusqu’aux positions élémentaires. A chaque bifurcation, un
cartouche porteur d’une mention telle que .01, .05 ou .10 signifie que le |t| associé à cette dichotomie est significatif au
seuil correspondant. Une absence de cartouche indique que le |t| n’est pas significatif. Par construction, les dichotomies
les plus élevées sont les plus significatives.
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sans être totalement contredite par les faits, l’explication paraît désormais insuffisante. L’interaction
entre différents facteurs demande à être approfondie.
Interactions
Pour permettre de procéder à une analyse factorielle de correspondances multiples sur un ensemble
de variables dont les interactions semblent complexes, on crée une nouvelle variable « Classe d’âge »,
dont les catégories sont « junior » jusqu’à 38 ans et « senior » ensuite.
Ce point de coupure est inspiré par la bimodalité de la distribution des âges (cf. plus haut), la coupure
se situant approximativement au milieu du minimum qui sépare les deux principaux modes de l’âge.
La légitimité de ce point de coupure se retrouve d’ailleurs renforcée par la distribution des âges dans
le sous-ensemble des Qualifiés :
Age des qualifiés 2003
10
8
6
4
2
0
30
35
40
45
50
55
On trouve ci-après le résultat de l’Analyse Factorielle de Correspondances opérée sur les variables
Domaine scientifique, Situation professionnelle, Résultat et Classe d’âge (en 2003)
La part d’inertie du premier axe, horizontal, est d’environ 60%, la part du second axe d’environ 24%,
soit en tout 84%
Les grisés de fond correspondent à la densité en sujets. Les étiquettes sont rattachées à des points
repérant le centre de gravité de chaque catégorie ayant participé à l’AFC.
On vérifie que les variables impliquées sont associées entre elles par des Khi² significatifs 13.
Domaine scientifique, Situation professionnelle, Résultat et Classe d’âge en 2003
Matrice des coefficients de contingence Khi²
DomaiScien SituaProfe Résultat
DomaiScien
77.80***
SituaProfe
77.80***
Résultat
86.68***
40.99***
ClasDÂge
23.28***
65.59***
ClasDÂge
86.68***
23.28***
40.99***
65.59***
18.45***
18.45***
Toutes les variables sont associées entre elles par des Khi2 significatifs à .01, ce qui garantit la
cohérence de l’AFC, et autorise à la commenter.
Comme l’a montré P. Cibois dans un article déjà ancien relatif à l’homothétie, l’AFC à elle seule n’a pas de valeur
probante, parce cette technique met toujours en évidence des oppositions, aussi ténues soient-elles.
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Projection des deux premiers axes de l’AFC sur les variables Domaine scientifique, Situation
professionnelle, Résultat et Classe d’âge en 2003
0.60
0.40
div/sans
éloigné
0.20
horsChamp
2deg
insuffSci
classiq
senior
1deg
-.50
didactiq
scEduc
iCom&Ntic
pr2dSup
0.50
form/ws
dem.pub
EPS
scesHum
past/ing
-.20
qualifié
junior
precSup
-.40
Le premier axe oppose
quant aux domaines, les disciplines du noyau étendu (scEduc, Didactiques) à toutes
les autres.
quant aux situations professionnelles, les métiers de l’enseignement et du travail social
aux autres professions, à l’absence de profession et aux précaires du supérieur (dont
ATER)
quant aux résultats, les échecs pour insuffisance scientifique (et dans une moindre
mesure les demandes de publication) aux échecs pour horsChamp. La qualification
est neutre à l’égard de cet axe, puisque, située sur l’axe vertical, elle se projette au 0 de
l’axe horizontal.
quant aux classes d’âge, les seniors aux juniors
On peut donc l’entendre comme un axe de l’âge, sur lequel se cartographient disciplines et métiers.
Le second axe oppose
peu les domaines, à part « éloigné », qui diverge au nord-est
plus clairement, et secondairement, les situations autres que de l’enseignement, entre
le « dedans » (precSup) et le « dehors » (div/sans)
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assez fortement, le succès à l’échec, la demande de publication apparaissant alors
comme un stade intermédiaire
encore un peu, mais moins que le premier axe, les juniors aux seniors
On peut donc l’entendre essentiellement comme un axe du succès.
La proximité des étiquettes « ScesHum », « precSup » et « junior » renvoie assez bien aux
« impressions d’audience » relatives à un inhabituel taux de réussite de jeunes ATER de Psycho ou de
Socio. Apparemment, pour ces jeunes aux thèses de bonne tenue, soutenues tôt dans un
environnement favorable, les choses sont claires : ou l’objet est raisonnablement éducatif, et ils sont
qualifiés, ou ce n’est pas le cas, et ils sont hors-champ. Les choses sont beaucoup plus complexes et
disputées à proximité du «cœur de métier », les Sciences de l’Education. La section, volens nolens,
semble avoir adopté une politique de janissaires 14 : faute de pouvoir recruter dans son bassin de
clientèle de quoi conserver la démographie des postes dans une fourchette acceptable, elle recrute
chez ses voisins des sciences humaines des jeunes, qu’elle espère brillants, et surtout capables de
s’acclimater à la discipline.
-
Retour sur la méthodologie
Les catégories d’analyse ont vieilli, et surtout elles introduisent des amalgames nocifs entre éléments
qu’on souhaiterait distinguer.
En ce qui concerne le champ disciplinaire au sein duquel se développent les travaux des candidats,
question qui rappelle l’enjeu des frontières des sciences de l’éducation, la discipline de la thèse
constitue une indication trop grossière. La réflexion sur le souvenir des débats montre que d’autres
éléments seraient à prendre en compte, comme le caractère éducatif des phénomènes pris comme
objet d’études, quelle que soit la discipline, ou encore les méthodes de recherche, compatibles ou non
avec les paradigmes admis en sciences de l’éducation (contre, par exemple, ceux de la psycho expé
« dure »). Des éléments plus formels de sociabilité scientifique, voire de simple courtoisie, sont
souvent cités, comme la présence ou l’absence au jury d’un témoin des sciences de l’Education.
En ce qui concerne les situations professionnelles, il conviendrait au moins, entre autres, de
distinguer parmi les personnels du premier degré ceux qui ont des responsabilités de formation en
IUFM et les autres, et parmi les précaires du supérieur, les « petits boulots de recherche », les ATER
dans une démarche de formation initiale et les ATER ayant exercé au moins 10 ans une autre activité
salariée.
Une telle finesse de recueil d’information n’est pas possible « au vol », quelle que soit la capacité
d’attention de l’équipe de saisie. En fait, seule une bonne connaissance du dossier permettrait
d’informer correctement certaines rubriques. Une solution à la disposition du prochain CNU
pourrait être de demander aux rapporteurs d’informer, en marge de leur rapport, une fiche
stéréotypée sur des variables convenues collectivement ; la solution serait peu coûteuse et pourrait
même constituer une aide à la rédaction du rapport.
Restent deux grandes questions qui ne relèvent pas seulement de la méthodologie, mais de la
politique du champ, de la négociation entre les forces qui le constituent, et des compromis entre
différentes conceptions docimologiques du recrutement : jusqu’à quel point arrive-t-on à préciser le
motif pour lequel on refuse un dossier, et jusqu’à quel point le CNU en tant qu’instance délibérative
14 Ce nom désigne des chrétiens du Caucase, essentiellement tcherkesses (ou circassiens), que les ottomans, dit-on,
enlevaient enfants à leurs familles pour les élever dans des sortes de casernes et en faire des combattants d’élite.
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peut-il prendre et peut-être tenir, dans la communication avec les candidats refusés, des engagements
conditionnels ?
Ici s’achève le texte diffusé en Avril 2003 aux membres de la 70 ème section du CNU
Pour conclure
Un enseignement de ce travail est que la mise en place d’un dispositif d’observation par une instance de ses pratiques et
résultats n’est pas si coûteuse qu’on le pourrait croire, et peut sans doute être largement améliorée avec un peu de
coopération. Il n’est pas prouvé qu’un audit externe, avec ses pompes et ses coûts, aurait rapporté des informations plus
pertinentes ou plus utiles. Ce qui n’est pas évalué, dans cette démarche d’évaluateurs qui évaluent leur évaluation, c’est
en quoi cette démarche se rapproche de la recherche-action, en ce que les pratiques et les positions évoluent aussi en partie
sous la pression de l’information en retour fournie par l’observation et l’analyse. Cela demandera une investigation très
différente, probablement par l’analyse à froid, plus tard, des perceptions des membres de la section.
Août 2003, Alain Dubus
UFR des Sciences de l’Education
Université Charles-de_Gaulle Lille 3
Equipe Théodile EA 1764
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