fiche 1 BD

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HDA: fiche n°1: illustration d'une Lettre de poilu par Juanjo Guarnido.
Lettre de Maurice Drans à sa fiancée Georgette, 17 mai 1917, illustrée par Juanjo Guarnido.
Introduction:
L'auteur: l'auteur de cette illustration est Juanjo Guarnido. Il est né en 1967 en Espagne et est l'auteur de
plusieurs BD. Il travaille actuellement en France pour les studios Disney.
La bande dessinée: cette illustration est issue d'une bande dessinée intitulée Paroles de Poilus. En 1998, après
une demande faite par Radio France, des centaines de lettres et de carnets de la guerre vont être collectés. Un
certain nombre de ces écrits seront publiés en librio. Suite à cette publication, Radio France va faire appel à une
vingtaine d'illustrateurs afin de mettre en image certaines lettres. Juanjo Guarnido a choisi d'illustrer une lettre
de Maurice Drans à sa fiancée Georgette.
Description de l'œuvre:
Il s'agit d'une planche unique d'assez grande dimension pour une bande dessinée puisqu'elle se place sur une
double page et a les dimensions d'un panoramique.
Elle montre un personnage accroupi sur un charnier et portant sur la droite un texte très court « O ma Georgette,
je devrais te parler d'amour et je te parle de ça!... »
Analyse de l'écriture:
Le prénom de Georgette est celui de la fiancée réelle de Maurice Drans mais permet tout de même de dater
cette histoire au début du siècle. L'emploi du conditionnel présent suggère un regret de la part l'auteur de la
lettre. En effet, le personnage, submergé par ses visions cauchemardesques parvient difficilement à oublier sa
réalité. La volonté de parler d'amour permet de rappeler que cette lettre a été écrite par un jeune homme de 23
ans qui était amoureux dans le civil, loin de la guerre.
Le soldat regrette de ne pouvoir sortir de « ça ». L'utilisation de ce pronom montre à quel point il est difficile de
mettre un mot précis sur ce que vivent les soldats pendant la première guerre mondiale. Un autre poilu se
demandait d'ailleurs: « comment décrire? Quels mots prendre? ».
Analyse du dessin:
La technique utilisée par l'illustrateur est l'aquarelle. Ce dessin montre avec un réalisme cru la réalité de ce
« ça » dont il est question dans la lettre de Maurice Drans.
Cette aquarelle joue sur des nuances de gris et des couleurs sombres pour représenter, de façon caricaturale, la
réalité d'un champ de bataille. Il place au-dessus du personnage un ciel entièrement blanc et sans fond, ce qui
suggère que le monde extérieur n'existe pas. Le seul personnage encore vivant se trouve comme juché sur un
« tas » immense de cadavres. En effet, ce tas occupe presque la moitié de l'image et arrête le regard du lecteur.
Les cadavres d'êtres humains sont montrés avec crudité: membres disloquées, vêtements arrachés, bouches
ouvertes, grimaces de souffrance et corbeaux venant manger et arrachant des bouts de chair sur les corps. Cette
scène est encore rendue plus difficile par la position du seul être humain vivant de cette image.
Ce personnage, central dans cette aquarelle, représente un soldat armé d'une baïonnette et équipé de son
« barda ». Il est représenté accroupi et regarde en face le spectateur. Le visage de ce personnage est caricatural
et extrêmement expressif. En effet, on lit dans les traits de cet homme toutes les peurs et les interrogations qu'il
porte à ce moment là: ces yeux sont cernés et arrondis et sa bouche semble formuler une question muette. On
voit aussi qu'il a raison d'avoir peur car un corbeau, dont l'attitude est menaçante, est déjà juché sur son sac et
attend qu'il tombe pour venir le dépecer. Le fait que son regard soit tourné vers le lecteur montre qu'il prend
celui-ci à témoin de ce qui se passe. Ce regard interpelle celui qui contemple cette œuvre et ne le laisse pas
indifférent.
Interprétation:
On peut supposer que la volonté de Juanjo Guarnido en peignant cette aquarelle a été de montrer toute l'horreur
de la guerre 14-18 en jouant sur des contrastes. En effet, ce soldat effrayé se trouve environné de milliers de
cadavres humains alors qu'il voudrait parler d'amour. Il y a un contraste saisissant entre ce qu'évoque le mot
« amour » et la face de ce pauvre soldat. Le regard qu'il porte sur le lecteur semble porter en soi une question
muette sur le « pourquoi ». « Pourquoi suis-je ici? Que faut-il faire? Comment survivre? ». Ces questions,
présentes dans le regard de l'homme sont directement posées à celui ou celle qui contemple cette illustration et
l'amène à réfléchir à ce qu'est la guerre.
On peut donc également y voir une forme de dénonciation de la guerre qui est ici montrée dans sa réalité crue et
absurde. Aucun être vivant n'y a sa place, sauf les charognards. L'être humain plongé dans cette situation ne
peut y connaître que du désarroi et de la peur.
Ce personnage nous regardant nous interpelle directement. En effet, avec ce regard, l'identification du lecteur
est immédiate. Ce soldat, ce pourrait être nous. Et nous serions comme lui, effrayé et dans l'incompréhension.
Nos souhaits seraient de parler d'amour et nous serions plongés dans cette réalité, morbide et abjecte.
Conclusion:
En réalisant cette aquarelle de dimension panoramique, Juanjo Guarnido a souhaité interpeler le lecteur en le
mettant face à une réalité difficilement soutenable et en montrant toute la misère du soldat sur le champ de
bataille.
Il montre ainsi, comme bien d'autres avant lui, toutes les souffrances qu'ont endurées les Poilus dans les
tranchées et nous propose une œuvre choquante afin de faire réagir son lecteur. Il s'inscrit ainsi dans la suite
d'un peintre comme Otto Dix qui a représenté les horreurs de la guerre afin de mieux la dénoncer.