Yoko Tsuno se mobilise contre le cancer du sein
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Yoko Tsuno se mobilise contre le cancer du sein
BELGIQUE - BELGË s w e n P.P./P.B. PÉRIODIQUE TRIMESTRIEL Septembre 2015 N ° 111 B-21 Yoko Tsuno se mobilise contre le cancer du sein 2 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 sommaire 3Edito 4 Cancer du sein et informations sur la qualité des soins : un droit bien légitime Pr J.-M. Nogaret 6 De l’importance de la chirurgie dans la prise en charge du cancer du sein Dr I. Veys 7 Recherche : la révolution en marche Dr Ch. Desmedt, Dr Ch. Sotiriou 12 De la recherche aux traitements Dr Ch. Desmedt, Dr Ch. Sotiriou 14 S’adapter tout au long de la maladie… Des interventions de soutien psychologique pour les femmes et leur famille I. Merckaert, Florence Lewis et le Pr D. Razavi Yoko Tsuno se mobilise… avec Roger Leloup 16 A. Cambier 19 Agenda Le 25 août dernier, l’ASBL 'Fonds Heuson' s’est mise en liquidation volontaire pour des raisons de simplification de gestion. Ses activités seront reprises par 'Les Amis de l’Institut Bordet' dès le début du mois d’octobre. Dans ce cadre, une bourse à la mémoire du Pr Jean-Claude Heuson sera créée au sein de notre ASBL. Nous reviendrons en détail sur ce changement dans la prochaine édition du Bordet News. "Bordet News" est la revue trimestrielle des "Amis de l'Institut Bordet" asbl. Editeur responsable: Ariane Cambier, 121, Boulevard de Waterloo, 1000 Bruxelles. Rédacteur en chef: Ariane Cambier. Comité de Rédaction : Dr J.-B. Burrion, A. Chotteau, Dr D. de Valeriola, D. Janssen, Dr D. Lossignol, Pr D. Razavi. Ont collaboré à ce numéro : Ariane Cambier, Dr Christine Desmedt, Florence Lewis, Isabelle Merkaert, Pr J.-M. Nogaret, Pr Darius Razavi, Dr Christos Sotiriou, Dr Isabelle Veys. Conception graphique: www.h2so4studio. com - Riozzi Manuela - cover ©DrAfter123_iStock AGENDA Les "Midis des Amis" Cycle de conférences organisées par "Les Amis de l'Institut Bordet": Auditoire Tagnon, Institut Jules Bordet, Boulevard de Waterloo, 121 1000 Bruxelles Renseignements: 02/541.34.14. > LUNDI 19 OCTOBRE 2015 A 12 heures 30 Dr Christine Desmedt “C ancers du sein : les dernières avancées de la recherche” > LUNDI 16 NOVEMBRE 2014 A 12 heures 30 Pr Jean-Marie Nogaret “D e l’influence du mode de vie sur la genèse des cancers ” > JEUDI 25 OCTOBRE 2015 A 18 heures “ Conversations avec ma mère” Avec Jacqueline Bir et Alain Leempoel. Soirée de gala à Wolubilis. > JEUDI 29 OCTOBRE 2015 A partir de 20 heures Soirée caritative chez Filigranes Au profit de la recherche contre le cancer du sein à l’Institut Bordet > SAMEDI 14 NOVEMBRE 2015 Dès 17 heures “ Rock for Life ” Festival au profit des "Amis" Tête d'affiche: Fred & the Healers Cité Culture de Laeken > DIM. 22 NOVEMBRE 2015 À 11 heures “ Uccle Ladies Run” Au profit de Bordet’n Wellness et de la lutte contre le cancer du sein. Forest de Soigne. www.amis-bordet.be www.vrienden-bordet.be 02/541.34.14 du lundi au vendredi de 9 à 17h. Compte dons : BE47 0001 0350 7080 3 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 Je suis particulièrement fière de vous présenter cette nouvelle édition du Bordet News entièrement consacrée au cancer du sein. Roger Leloup, l’un des plus grands dessinateurs belges de bande dessinée a en effet accepté de mettre son héroïne au service de notre cause. Ainsi, durant tout le mois d’octobre, Yoko Tsuno -que vous avez découverte en couverture- prêtera son image aux petits miroirs et aux signets que nous mettrons en vente au profit des « Amis » et de la recherche contre le cancer du sein à l’Institut Bordet. Ik ben uitermate trots u deze nieuwe editie van Bordet News voor te stellen die geheel aan borstkanker is gewijd. Roger Leloup, een van de grootste striptekenaars in België, heeft toegezegd om zijn heldin ten dienste te stellen van onze zaak. Zo zal Yoko Tsuno - die u op de omslag heeft zien staan - in de maand oktober haar gezicht lenen aan de kleine spiegels en de bladwijzers die we te koop aanbieden ten voordele van de "Vrienden" en van het borstkankeronderzoek in het Bordet Instituut. L’interview du Dr Isabelle Veys, chirurgienne mammo-pelvienne, vous permettra de saisir toute l’importance du geste chirurgical dans la prise en charge des pathologies mammaires. Un geste primordial tant dans le processus de guérison même que dans les aspects esthétiques de l’intervention. Nous avons souvent évoqué, au cours des derniers mois, les découvertes majeures réalisées par les chercheurs de l’Institut Bordet dans la lutte contre la maladie. Cette édition du Bordet News nous permet de revenir de manière synthétique, avec les Docteurs Sotiriou et Desmedt, sur l’ensemble de ces avancées, dont un certain nombre de patientes bénéficient d’ores et déjà concrètement. Une révolution est aujourd’hui bel et bien en marche ! Le cancer, s’il affecte les femmes dans leur chair, les atteint aussi au plus profond de leur être. Il constitue un véritable séisme auquel elles doivent faire face. De là toute l’importance, pour les accompagner, des interventions de soutien psychologique proposées tout au long de la maladie par l’équipe de psycho-oncologie de l’Institut. Des prises en charge que ses intervenants vous présentent également dans ce numéro. Enfin, comme vous le savez, la rentrée est souvent synonyme pour notre association de nombreuses activités. Nous ne dérogeons pas à la tradition. Vous pourrez ainsi assister, le dimanche 25 octobre, à notre grande soirée théâtrale et participer, le jeudi 29 octobre, à une soirée à notre profit à la librairie Filigranes… sans oublier, le 22 novembre, la Ladies Woman Run d’Uccle. U vindt in dit nummer ook de drie hele grote verwachtingen die prof. Jean-Marie Nogaret, hoofd van de borstkliniek van het Instituut, heeft voor het onderzoek dat op dit moment door de Stichting Kankerregister wordt uitgevoerd naar de kwaliteit van de zorg die in meer dan 50 borstklinieken in ons land wordt verleend. Door dit onderzoek moeten alle patiënten in staat zijn om doordacht te kiezen in welk ziekenhuis ze behandeld willen worden. In het interview met Dr. Isabelle Veys, chirurg voor borst en bekken, leest u over het belang van de chirurgische procedure bij de behandeling van borstkanker. Een belangrijke procedure, zowel voor het genezingsproces als voor de esthetische aspecten van de interventie. We hebben de afgelopen maanden vaak de belangrijke ontdekkingen vermeld die in de strijd tegen de ziekte werden gedaan door de onderzoekers van het Bordet Instituut. In deze editie van Bordet News komen we met artsen Sotiriou en Desmedt kort terug op deze vooruitgang, waaruit een aantal patiënten alvast concreet voordeel halen. Er is nu wel degelijk een revolutie aan de gang! Kanker treft vrouwen in hun lichaam, maar ook in het diepste van hun gemoed. Ze worden met een echte schok geconfronteerd. Vandaar het belang van begeleiding en psychologische steun die hen gedurende de hele ziekte wordt voorgesteld door het oncologisch psychosociaal team van het Instituut. Ook deze verzorging wordt u door de betrokkenen in dit nummer voorgesteld. Ten slotte staat de terugkeer naar school in onze vereniging, zoals u weet, gewoontegetrouw voor diverse activiteiten. We wijken dit jaar niet af van deze traditie. Zo kunt u op zondag 25 oktober onze grote theateravond bijwonen en op donderdag 29 oktober deelnemen aan een avond te onzen gunste in de bibliotheek Filigranes… en niet te vergeten: de Ladies Woman Run in Ukkel, op 22 november. Ik hoop u in de volgende weken te ontmoeten en wens u veel leesplezier! J’espère avoir le plaisir de vous rencontrer dans les prochaines semaines et vous souhaite une excellente lecture ! Ariane Cambier Secrétaire Générale / Algemeen secretaris © Benoît Deprez/Tif Vous découvrirez aussi dans ce numéro les très grands espoirs que Le Pr Jean-Marie Nogaret, Chef de la Clinique du Sein de l’Institut, place dans l’étude actuellement réalisée par le Registre Belge du Cancer sur la qualité des soins prodigués dans les plus de 50 cliniques du sein de notre pays. Une étude qui devrait permettre à toutes les patientes de choisir en toute connaissance de cause l’hôpital dans lequel elles souhaitent être traitées. onder vrienden Geachte mevrouw mijnheer Beste 'Vrienden' entre amis Madame Monsieur Chers 'Amis' 4 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 Cancer du sein et des soins : Pr Jean-Marie Nogaret Responsable de la Clinique du Sein Les résultats définitifs seront communiqués à chaque clinique avant la fin de l’année. La Communauté Flamande a d’ores et déjà, puisqu’il s’agit d’un bien légitime respect vis-à-vis des patientes et de la population en général, demandé que ces résultats soient accessibles à tous notamment via un site internet. Nous ne pouvons que souhaiter qu’il en soit de même pour la Région Wallonie-Bruxelles. Depuis de nombreuses années, il est clairement établi que les chances de guérison, d’ailleurs pour tout type de cancer, sont plus élevées lorsque le patient est traité par une équipe multidisciplinaire performante qui prend en charge annuellement, pour chaque type de pathologie, un nombre important de patients. Ceci reste bien entendu vrai pour le cancer du sein. En mai 1999, à Leuven, se sont réunis les représentants des diverses sociétés scientifiques européennes Le Registre Belge du Cancer finalise actuellement une remarquable étude impartiale sur la qualité des soins prodigués dans les diverses cliniques du sein (plus de 50) en Belgique. qui s’occupent du cancer du sein afin d’établir des normes qualitatives et quantitatives -l’une ne va effectivement pas sans l’autre-, qui permettraient à toutes les femmes porteuses de cette maladie de bénéficier de la même qualité de soins et donc des mêmes chances de guérison. Ces normes dites « EUSOMA » ont par ailleurs été reprises comme directive européenne afin d’être transformées en texte de loi par chaque pays de la Communauté. Ces normes établissaient qu’une clinique du sein devait impérativement disposer d’une équipe médicale composée de chirurgiens, d’oncologues médicaux, de radiothérapeutes, d’anatomo-pathologistes, de chirurgiens plasticiens, de radio-isotopistes, de radiologues…, dont l’activité professionnelle devait être essentiellement dédiée à cette pathologie. La clinique devait également bénéficier d’une équipe paramédicale essentiellement rattachée à cette clinique dont des infirmières (des infirmiers), des psychologues, des kinésithérapeutes….. La première consultation devait être obtenue dans un délai de 10 jours et le diagnostic posé dans un délai de 5 jours. Chaque clinique se devait d’offrir les traitements reconnus par les « guidelines » internationaux et discuter pour chaque cas, lors d’un colloque multidisciplinaire hebdomadaire. Pour que cette clinique soit crédible, un nombre minimum de nouveaux cas annuels de 150 (cela ne représente en réalité que 3 cas par semaine !) devait être atteint et il était également établi qu’un nombre minimum de 50 opérations annuelles par chirurgien (un cas par semaine !) devait être réalisé. Le suivi des patientes devait être assuré ainsi que la prise en charge dans une unité de soins palliatifs pour les patientes atteintes d’une maladie évolutive. Tous les dossiers 5 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 informations sur la qualité un droit bien légitime devaient être enregistrés et un audit permanent devait être réalisé. A l’Institut Jules Bordet, une telle structure avait été mise en place dès 1986. Depuis, notamment grâce au soutien des ‘Amis de l’Institut Bordet’, cette clinique, qui prend en charge annuellement plusieurs centaines de nouvelles patientes, n’a cessé de se développer et de rester toujours pionnière dans de nombreux domaines à la fois diagnostiques et thérapeutiques (nouveautés reprises dans les diverses éditions du Bordet News). A noter que le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) préconise un ensemble de recommandations de bonnes pratiques similaires ou complémentaires aux normes EUSOMA. Par respect pour chaque patiente, nous pouvons espérer que la reconnaissance des cliniques du sein soit effectuée dans l’avenir sur base d’une évaluation sérieuse de ces divers critères de qualité. Avant de recevoir officiellement les résultats objectifs du Registre du Cancer, nous avons déjà revu (grâce à l’excellent travail du Data Centre de l’Institut Bordet) les divers indicateurs de qualité de notre clinique du sein, notamment en ce qui concerne la survie et la survie sans récidive à 5 ans en fonction du stade au moment du diagnostic pour les patientes traitées entre l’année 2000 et l’année 2008. Pour les tumeurs diagnostiquées à un stade locorégional, la survie varie de 87,2 à 98 %, c’està-dire largement dans la fourchette des chiffres considérés comme optimaux. Tous les autres indices de qualité ont également été revus pour les patientes prises en charge durant l’année 2012. Par rapport aux normes préconisées, tous étaient excellents sauf parfois en ce qui concerne le délai de la prise en charge qui pourrait encore être raccourci. Nous avons bien entendu l’espoir que nous pourrons prochainement résoudre ce problème lorsque nous aurons emménagé dans le 'New Bordet'. Nous ne manquerons pas de vous communiquer dans cette revue, dès qu’ils seront disponibles, les résultats de l’étude objective du Registre du Cancer. 6 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 De l’importance de la chirurgie dans la prise en charge En quoi le chirurgien joue-t-il un rôle essentiel dans la prise en charge du cancer du sein ? Dr Isabelle Veys Chef de Clinique – Service de chirurgie mammo-pelvienne Le cancer du sein se traite de manière multidisciplinaire. La chirurgie joue dans cette approche un rôle essentiel. Elle se veut d’abord thérapeutique. Mais grâce à l’acte chirurgical, on va aussi obtenir des données sur le type de cancer auquel on est confronté et sur son étendue locorégionale, informations additionnelles notamment fournies par les anatomopathologistes et qui permettront de définir les traitements systémiques éventuels les mieux adaptés. Autrement dit, vous intervenez en première ligne ? Le chirurgien intervient effectivement le plus souvent en première ligne. Les cancers étant aujourd’hui diagnostiqués de plus en plus tôt, il est donc confronté à des cancers de petite taille. C’est donc bien lui l’acteur premier dans la prise en charge thérapeutique de la patiente. Ces cancers étant souvent diagnostiqués à des stades infra-cliniques, il doit bien sûr compter en amont sur l’aide des radiologues pour repérer la lésion ce qui permet de l’enlever de la manière la plus précise et la moins mutilante possible. Si la lésion est de petite taille, on ne sait pas où elle est précisément localisée. Le radiologue effectue donc un repérage précis par échographie ou par stéréotaxie en procédant à un tatouage ou à la mise en place d’un harpon. Il injecte du noir de carbone pour repérer la lésion où un harpon est injecté. Le chirurgien suit quant à lui, durant l’intervention, le repérage jusqu’à une « flaque de carbone » se situant au-dessus de la tumeur ou dissèque autour du trajet du harpon. Arrivé à ce niveau, il sent souvent la tumeur et peut l’enlever avec des marges de sécurité suffisantes pour éviter le risque de voir réapparaître la maladie. Dans ce cadre, une nouvelle technique par fluorescence récemment développée à l’Institut Bordet vous vient en aide ainsi qu’aux anatomopathologistes ? Oui. Le principe est le suivant. Les cellules cancéreuses du sein sont avides du vert d’indocyanine, une molécule fluorescente qui n’est normalement pas 'visible' mais qui, quand elle est excitée par une lumière -des photons d’une longueur d’onde précise-, ré-émet des photons d’une longueur d’onde différente. La molécule devient alors fluorescente et donc visible. Son utilisation peut nous aider lors de l’acte chirurgical, notamment pour s’assurer de la bonne résection des lésions. En plaçant la pièce de tumorectomie sous la sonde à infra-rouge et en ne voyant pas de fluorescence en périphérie, on peut en effet supposer que les marges sont bonnes. Dans le cas d’une tumorectomie, cette technique va également aider le pathologiste ? Dans le cadre des analyses ‘extemporanées’, c’est-à-dire lorsque l’anatomopathologiste doit donner une réponse rapide au chirurgien qui attend à côté de la patiente endormie, avoir une molécule qui permet directement de « voir » en fluorescence le tissu tumoral simplifie une part du travail et rend l’analyse qu’il réalise plus précise et donc plus performante. 7 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 du cancer du sein Avoir un Service d’anatomopathologie à côté de la salle d’opération revêt donc pour le chirurgien une importance capitale ? Bien sûr ! Avoir un service d’anatomopathologie qui analyse la pièce opératoire en extemporané (immédiatement en per-opératoire) nous permet de rapidement savoir si les marges de sécurité que nous avons prélevées sont suffisantes. De plus, la prise en charge immédiate de la pièce opératoire permet le cas échéant de conditionner la tumeur suivant des modalités précises comme par exemple une congélation d‘une partie de la tumeur afin de procéder à des analyses complémentaires en vue d’éventuels traitements personnalisés ultérieurs (tumorothèque). Que se passe-t-il dans les hôpitaux ne disposant pas d’anatomopathologistes à proximité du chirurgien ? Dans ce cas, si les marges prélevées s’avèrent insuffisantes, lors de l’analyse définitive, le chirurgien devra réopérer. En va-t-il de même pour l’analyse du ganglion sentinelle ? Effectivement. La 1ère porte de sortie du cancer, quand il quitte le sein, est constituée par les ganglions axillaires. Depuis les années 90, l’une des grandes révolutions dans la prise en charge chirurgicale du cancer du sein, a été le développement de la technique du ganglion sentinelle (premier relais loco-régional qui draine la tumeur). Au départ, ce ganglion n’était pas analysé durant l’opération. S’il s’avérait positif, il fallait donc procéder à une 2ème intervention -et donc à une 2de anesthésie- afin de procéder à un évidement ganglionnaire complet (on enlève alors l’ensemble des ganglions). Aujourd’hui, dans des centres comme le nôtre, grâce à la proximité du service d’anatomopathologie, le ganglion sentinelle est analysé en per-opératoire. Le pathologiste procède non seulement à l’analyse du ganglion par des techniques de coloration classique mais aussi par des techniques d’immunohistochimie permettant une plus grande précision et sécurité d’analyse. Il est donc très rare que l’on doive réopérer lorsque le ganglion sentinelle s’est avéré faussement négatif. Sur les 700 cancers annuels opérés à l’Institut, seulement 1 à 2 patientes doivent subir une deuxième intervention. Quel chemin parcouru dont la santé et le confort de nos patientes tirent un si grand bénéfice. Le fait de traiter un nombre important de patientes par an est aussi important ? Quand on a une grosse activité, on est plus à l’aise lors de l’acte chirurgical et on tient également énormément compte de l’aspect esthétique de l’intervention. Pour les tumorectomies, on procède à un modelage de la glande mammaire restante pour que le résultat soit le plus beau possible. La technique du Mobetron vous est aussi utile dans ce cadre-là ? Oui, avec le recul et la possibilité de procéder à une radiothérapie per-opératoire grâce au Mobetron, on se rend compte que les patientes ayant bénéficié de cette technique il y a 4-5 ans ont des résultats esthétiques à long terme beaucoup plus beaux , probablement parce que la peau n’a pas été exposée à la radiothérapie. Les cicatrices sont plus grandes mais s’estompent davantage. Quel bilan personnel dressez-vous de votre parcours de chirurgienne ? Chaque fois que je dois enlever un sein -et c’est heureusement de moins en moins fréquent-, cela m’est très difficile. Je suis donc contente que le dépistage ait énormément progressé au cours des dernières années et que les bilans sénologiques soient de plus en plus performants, ce qui permet d’éviter un nombre important de mastectomies. 8 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 Recherche : la révolution Dr Christos Sotiriou, Dr Christine Desmedt Laboratoire de Recherche Translationnelle en Cancérologie Mammaire La caractérisation moléculaire du cancer du sein Au début de ce siècle, une révolution technologique importante nous a permis de mieux caractériser la biologie des tumeurs mammaires. Cette révolution concerne les avancées considérables des techniques de séquençages de l’ADN. Il serait faux de penser que les équipes de recherche travaillent seules dans leur coin pour identifier les mutations présentes dans les différents cancers. Des initiatives comme 'l’International Cancer Genome Consortium' ou le ‘Cancer Genome Atlas’ ont pour objet de constituer de vastes bases de données où les tumeurs seront caractérisées à différents niveaux moléculaires. Toutes ces données sont ensuite partagées entre tous les chercheurs, permettant ainsi de faire avancer la recherche. Le Laboratoire de Recherche Translationnelle en Cancérologie mammaire de l’Institut Bordet a activement participé à l’ICGC, ainsi qu’à d’autres projets caractérisant les tumeurs mammaires à l’aide de ces techniques de séquençage et les résultats ont abouti à des découvertes majeures. Premièrement, le paysage mutationnel de chaque tumeur est différent, chacune présentant une combinaison de mutations différente. De nouvelles mutations suscep- tibles d’être ciblées par des traitements précis ont été identifiées. Elles ne sont cependant présentes que chez une faible proportion de patientes. Deuxièmement, en examinant les différents types de mutations, il a été possible de reconstruire les processus mutationnels responsables du développement de la tumeur. Si pour certaines tumeurs, tels que les cancers du poumon ou de la peau, les agents mutagènes (le tabac et les rayons utraviolets respectivement) ont déjà été bien décrits, de nombreuses inconnues entourent encore les origines du cancer du sein. Une étude récente coordonnée par l’Institut Sanger a démontré que différents mécanismes mutationnels intervenaient dans le développement des tumeurs mammaires et qu’ils pouvaient différer d’une tumeur à l’autre. Alors que le profil mutationnel le plus fréquent semble lié à l’âge, les mutations affectant les gènes BRCA1 et BRCA2, sont aussi associées à des profils bien particuliers. Une découverte aujourd’hui interpelante est celle de la découverte de mutations probablement liées à l’activité de certains enzymes luttant en temps normal contre les infections virales mais qui pourraient également endommager le matériel génétique de leur hôte et 9 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 en marche favoriser le développement de cancers. De manière intéressante, notre laboratoire, en collaboration avec d’autres, a démontré que si des mutations existaient au niveau de l’ADN dans le cancer du sein, d’autres touchaient l’ARN (le support intermédiaire des gènes pour synthétiser les protéines). De nouvelles études approfondies sont aujourd’hui en cours afin de continuer à améliorer la compréhension des processus liés à l’apparition des tumeurs mammaires, avec l’espoir futur de pouvoir empêcher leur développement. Les nouvelles techniques de séquençage ont aussi permis à notre laboratoire de se pencher sur des catégories de cancer du sein moins étudiées comme les cancers du sein lobulaires, lequel représente 10-15% de l’ensemble des carcinomes mammaires. Ces cancers sont aujourd’hui toujours traités en pratique clinique comme les autres cancers du sein canalaires alors qu’ils présentent des comportements cliniques différents. Ils ont ainsi tendance à rechuter plus tard que les cancers canalaires et préférentiellement dans d’autres organes. Une étude englobant 600 patientes de l’Institut Bordet, de l’UCL et de deux centres à Milan et à Marseille vient de démontrer que le cancer lobulaire présente des différences génomiques par rapport au cancer canalaire, différences qui Le Dr Michail Ignatiadis et Françoise Rothé pourraient influencer la prise en charge thérapeutique de la maladie. Ainsi par exemple, la majorité exprime des récepteurs hormonaux mais pas HER2. Or on s’est rendu compte que des mutations du gène HER2 pouvaient être présentes chez ces patientes sous une autre forme. En plus des mutations dites HER2, on a aussi découvert chez certaines de ces patientes des mutations dans un gène de la même famille, à savoir le gène HER3, mutations activant la même voie de signalisation. Cela signifie que l’on pourrait traiter ces patientes dont les tumeurs présentent des mutations pour ces gènes HER2 et HER3 avec des traitements spécifiques qui existent déjà. L’hétérogénéité moléculaire de la tumeur primaire Dans un quart des cas, le cancer du sein est dit multifocal, dans la mesure où il comprend plusieurs tumeurs invasives dans un même sein au même moment. Il s’agit d’un type de cancer qui représente un véritable défi pour les pathologistes et les cliniciens car souvent associé à des caractéristiques plus agressives. Actuellement, pour définir le meilleur traitement contre ces cancers, le Collège Américain des Pathologistes recommande de caractériser la plus grande lésion et de définir le traitement sur cette base-là. Or, une étude que nous avons réalisée à 10 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 l’Institut Jules Bordet, en collaboration avec l’Institut italien Meldola et l’Institut Sanger de Cambridge, a été plus loin et prouve qu’en réalité, même si les lésions présentent des caractéristiques pathologiques similaires -dont l’expression des récepteurs hormonaux et HER2-, dans un tiers des cas, elles diffèrent d’un point de vue génomique, surtout quand les lésions étaient éloignées les unes des autres dans le sein. C’est la raison pour laquelle plusieurs hôpitaux, dont l’Institut Bordet, ne se contentent plus aujourd’hui d’analyser la plus grande lésion. Ces résultats, même s’ils doivent encore être confirmés sur un plus grand nombre d’échantillons, suggèrent qu’une analyse plus approfondie de ce type de tumeur pourrait non seulement avoir un bénéfice direct pour la patiente en terme de choix et de réponse aux traitements utilisant les diverses thérapies standard et ciblées, mais aussi permettre d’acquérir une meilleure compréhension de l’évolution de la maladie. L’importance du microenvironnement tumoral La tumeur n’est pas simplement un amas de cellules cancéreuses mais un ensemble de cellules cancéreuses et de cellules saines, associées à la tumeur qui contribuent à son développement et qui forment le microenvironnement tumoral. Au cours des dernières décennies, de très nombreuses observations ont mis en évidence l’importance des interactions entre les cellules cancéreuses avec leur microenvironnement au cours des différentes étapes de l’évolution de la maladie. Dans notre laboratoire, en collaboration avec le laboratoire d’Immunologie du Dr K. Willard-Gallo, nous nous sommes ainsi penchés depuis plusieurs années sur certaines cellules présentes dans ce microenvironnement tumoral, à savoir les lymphocytes. Nous avons notamment démontré dans plusieurs études que certaines tumeurs présentaient un système immunitaire plus actif que d’autres avec, à la clef, une meilleure réponse à la chimiothérapie et à certains traitements ciblés. Ces résultats sont à la base d’études sur la possibilité de développer des vaccins permettant de lever le frein du système immunitaire ainsi que de nouvelles molécules susceptibles de renforcer celui-ci et de le moduler. Vers une meilleure compréhension de la progression de la maladie Jusqu’à présent, le choix du traitement des métastases repose sur l’analyse de la tumeur primaire. Une meilleure compréhension de la maladie métastatique est importante afin de pouvoir la traiter au mieux. Malheureusement, l’étude de la dissémination de la maladie, de la tumeur primitive à la maladie métastatique, est difficile car elle ne peut être valablement menée que sur l’analyse de toutes les métastases de la patiente, autrement dit par autopsie de patientes décédées. Dans une étude entamée il y a 5 ans, nous avons pu interroger la biologie de toutes les métastases de patientes conservées à l’Université de Budapest. Nous avons ainsi pu reconstituer leur historique et constater que dans certaines rechutes proches du diagnostic initial, les caractéristiques étaient proches, d’un point de vue génomique, de celles de la tumeur primaire. Par contre, dans le cas de rechutes plus tardives, les différences moléculaires s’avèrent plus importantes. Ceci signifie que si la récidive est rapide, l’étude de la tumeur primaire s’avère suffisante. Par contre, si la rechute se 11 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 fait des années après le cancer initial, il est recommandé d’étudier les caractéristiques propres aux métastases en vue d’un traitement plus adapté. La médecine dite « personnalisée » s’inscrit dans ce contexte, et préconise l’application directe des techniques de séquençage à haut débit dans la pratique clinique quotidienne. Par exemple, l’utilisation du séquençage ciblé d’un ensemble d’aberrations prédéfinies et cliniquement importantes, pourrait être utile pour la prise de décision thérapeutique, en particulier pour le choix de traitements ciblés. Le concept de la biopsie liquide Le concept de biopsie liquide est d’identifier les anomalies génomiques (mutations) présentes dans la tumeur du sein ou les métastases à partir d’une simple prise de sang. Un des avantages de cette technique est de pouvoir interroger ces anomalies dans le sang à la place d’effectuer de multiples biopsies des métastases, ce qui en pratique est difficile voire impossible à réaliser et qui comporte, de plus, de nombreux inconvénients. Récemment, nous avons mené une étude en collaboration avec la société wallonne OncoDNA, qui nous a permis de montrer qu’il était possible d’identifier dans le plasma (partie liquide du sang) des mutations présentes dans les métastases de ces patientes. A titre d’exemple, nous avons identifié dans le plasma de certaines patientes, la présence de mutations affectant le gène du récepteur aux œstrogènes, responsable de la résistance à l’hormonothérapie. D’une manière étonnante, ces mutations sont rarement détectables à partir de l’analyse des tumeurs du sein au moment de l’opération. Les patientes qui présentent ces mutations détectées dans le sang (plus de 30% des patientes atteintes d’un cancer du sein avancé) pourraient bénéficier de nouveaux traitements capables de lever cette résistance. Le but est d’initier prochainement à l’Institut Bordet une étude mesurant ces mutations dans le sang chez des patientes bénéficiant déjà d’une hormonothérapie afin de détecter précocement l’apparition de ces mutations en vue d’adapter leur traitement d’hormonothérapie. Il faut aussi savoir que les biopsies liquides permettent d’identifier plus tôt une éventuelle récidive comparé à l’imagerie médicale. Ici, l’objectif est de pouvoir mettre au point un « super-marqueur » qui nous permettrait de suivre facilement la maladie par une simple prise de sang afin d’éviter une récidive en administrant un traitement le plus tôt possible. Toutes ces découvertes ouvrent des perspectives inédites dans la prise en charge des cancers du sein, tous types confondus. Il est important de préciser que toutes ces recherches n’auraient pas pu avoir lieu sans la participation des patientes et le soutien généreux des " Amis de l’Institut Bordet " et de ses donateurs ! 12 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 De la recherche Traitement de la maladie précoce (Traitement néo-adjuvant), chirurgie, radiothérapie et traitement adjuvant LE PROCESSUS DE PRISE EN CHARGE EST LE SUIVANT : 1. Examen clinique Examen des seins et des ganglions lymphatiques voisins, par observation et palpation. 2. Examen radiologique Examen des seins par mammographie (radiographie) complétée par une échographie des seins et des ganglions voisins. Une radiographie du thorax, une échographie abdominale et une scintigraphie osseuse sont réalisées pour exclure la présence de métastases. 3. Examen anatomo-pathologique Examen en laboratoire d'un échantillon de la tumeur (prélevé lors d'une biopsie) qui confirmera le diagnostic de cancer du sein et fournira davantage d’informations sur les caractéristiques du cancer (grade et type histologique, expression des récepteurs hormonaux…). Dans le cas de cancers multifocaux, les différentes lésions seront étudiées. 4. Examen moléculaire Dans certains cas, un examen moléculaire supplémentaire de la tumeur est conseillé afin de mieux déterminer l’agressivité de la tumeur (tel que le Grade Génomique, développé par le laboratoire de recherche translationnelle en cancérologie mammaire). Quelques définitions reprises de ‘Cancer du sein : Un guide pour les patients’ de l’ESMO Traitement néo-adjuvant: Traitement administré préalablement au traitement principal, qui consiste généralement en une intervention chirurgicale, dans l’objectif de réduire la taille de la tumeur. La chimiothérapie, la radiothérapie et l’hormonothérapie sont des exemples de traitements néoadjuvants. Traitement adjuvant:Un traitement adjuvant est un traitement prescrit en complément de la chirurgie. Chez les patientes atteintes d’un cancer du sein de stade I à III, les traitements adjuvants possibles sont la radiothérapie, la chimiothérapie*, l’hormonothérapie et les thérapies ciblées*. Dans ce schéma, la radiothérapie constitue un traitement local alors que la chimiothérapie, l’hormonothérapie et les thérapies ciblées peuvent traiter les cellules cancéreuses qui se seraient propagées dans d'autres parties du corps. Les traitements de cette nature sont appelés traitements systémiques. Thérapie ciblée: Médicaments ou autres substances telles que des anticorps monoclonaux permettant d’identifier et d’attaquer des cellules cancéreuses spécifiques. Une thérapie ciblée peut avoir moins d’effets secondaires que les autres types de traitements anticancéreux. Type histologique: Catégorie de classification des tumeurs tenant compte des caractéristiques de leurs cellules et de leurs autres structures observées au microscope. Grade histologique : Description d’une tumeur en fonction de l’aspect anormal des cellules cancéreuses examinées au microscope et de la 13 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 aux traitements Dr Christine Desmedt et Dr Christos Sotiriou Traitement de la maladie avancée Traitement de la maladie métastatique LE PROCESSUS DE PRISE EN CHARGE EST LE SUIVANT : 1. Examen radiologique Examens complémentaires pour déterminer la présence des métastases et réalisation d’une biopsie d’une métastase si possible. 2. Examen anatomo-pathologique Examen en laboratoire de l’échantillon métastatique (quand il est disponible) qui confirmera le diagnostic de métastase du cancer du sein et fournira davantage d’informations sur les caractéristiques de cette métastase (grade et type histologique, expression des récepteurs hormonaux…). 3. Examen moléculaire Dans certains cas, un examen moléculaire supplémentaire de la tumeur est conseillé afin de mieux déterminer la présence de certaines cibles thérapeutiques qui pourraient permettre à la patiente de bénéficier d’un traitement dans le contexte d’un essai clinique (programmes PRECISION ou AURORA actuellement en cours à l’Institut Bordet). Outre les bénéfices potentiels que la patiente pourrait en tirer, la participation à des essais cliniques est aussi encouragée vu qu’ils représentent le seul moyen de faire progresser la recherche clinique. 4. Contrôle de la maladie Ceci repose sur l’évolution de l’examen clinique, des symptômes, de la qualité de vie de la patiente, des analyses de sang et des examens radiologiques successifs. Avec les avancées de la recherche, la maladie pourra bientôt aussi être suivie de plus près encore par l’analyse moléculaire des biopsies liquides. vitesse à laquelle la tumeur est susceptible de grossir et de se propager. Les types de grade sont différents d’un type de cancer à l’autre. HER2: Protéine impliquée dans la croissance des cellules. Elle est retrouvée dans les cellules de certains types de cancer, dont le cancer du sein et de l’ovaire. La présence de HER2/neu dans les cellules cancéreuses prélevées peut être testée afin d’aider à décider du meilleur type de traitement. Récepteurs hormonaux: Il existe deux hormones (l'oestrogène et la progestérone) qui sont responsables de la croissance et du développement normal des seins. Ces hormones peuvent également influencer la croissance de certains cancers du sein. Des tests seront réalisés sur un fragment de tissu de la tumeur pour évaluer s'il y a présence ou non de récepteurs pour ces hormones (récepteurs hormonaux). S'il n'y a pas de récepteurs sur la tumeur, on dit qu'elle a des récepteurs négatifs. À l'inverse, si la tumeur exprime ces récepteurs, on dit qu'elle a des récepteurs positifs ou encore qu'elle est hormonodépendante. La connaissance de ces récepteurs est importante, car si la tumeur possède des récepteurs hormonaux positifs, certains médicaments peuvent être utilisés pour ralentir ou stopper la croissance du cancer (l’hormonothérapie). Métastase: La propagation du cancer du sein à un autre organe. Une tumeur formée par des cellules qui se sont propagées est appelée une “tumeur métastatique” ou une “métastase”. BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 14 S’adapter tout au Des interventions de soutien psychol Les progrès thérapeutiques réalisés dans le cadre du cancer ont changé l’horizon de bien des malades, et ce tout particulièrement en ce qui concerne le cancer du sein. La guérison est de plus en plus de l’ordre du possible. Alors qu’hier, les maladies cancéreuses étaient bien souvent fatales, elles sont devenues des affections chroniques associées à un avenir incertain. Pr Darius Razavi Ce changement de statut étend le champ des interventions psychologiques. Dès l’annonce de la maladie, tout au long du parcours médical mais également à la fin de celui-ci, des interventions sont proposées aux personnes qui le souhaitent par des psychologues de la Clinique de Psycho-oncologie de l’Institut Bordet. Ces interventions variées, individuelles, de couple, familiales ou de groupe peuvent consister en des prises en charge brèves ou de plus longue durée en fonction des besoins et souhaits de chaque patiente et de ses proches. Depuis plus de cinq ans maintenant, dans le cadre des deux « Plans Cancer », des interventions de groupe ont été proposées aux femmes atteintes d’un cancer du sein terminant leur traitement de radiothérapie. A la fin des traitements, ces femmes vivent très souvent des émotions contradictoires. Elles peuvent se sentir soulagées tout en éprouvant des inquiétudes pour l’avenir. Elles peuvent se sentir heureuses et impatientes de retourner à une vie quotidienne tout en se sentant déboussolées, sensibles émotionnellement. Elles peuvent avoir l’envie de faire de nouveaux projets tout en doutant de l’avenir. Ces interventions ont permis de les accompagner dans cette délicate période de transition. Elles ont également mis en évidence à quel point la peur que le cancer ne revienne est présente durant cette période. La peur que le cancer revienne ou progresse est l’un des problèmes qui, en effet, a été le plus souvent rapporté par les patientes dans ces groupes. Ces plaintes rejoignent la littérature scientifique qui montre qu’il s’agit d’une des plaintes principales des patientes en rémission et l’une de celles qui sont le moins prises en charge. Si cette peur est normale et légitime lorsqu’elle est transitoire et n’entrave pas le quotidien, elle 15 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 long de la maladie… logique pour les femmes et leur famille ©istock/vm Isabelle Merckaert*, Florence Lewis* et Pr Darius Razavi* *Clinique de Psycho-oncologie de l’Institut Bordet peut, chez de nombreuses patientes, se maintenir au fil du temps ou s’intensifier. Les femmes peuvent alors se sentir perdues ou confuses. Les émotions semblent alors incontrôlables et les pensées se bousculent entraînant des difficultés dans la « réadaptation » conjugale, familiale, sociale et professionnelle. Activée tant par des sensations internes (douleurs, fatigue, …) que par des stimuli externes (média, examens médicaux, …), la peur de la récidive peut ainsi devenir un précurseur de la détresse émotionnelle, être associée à des troubles du sommeil, réduire la qualité de vie et augmenter le recours inutile aux soins de santé dans une recherche de réassurance. Il est, par conséquent, primordial de construire et d’évaluer des interventions qui permettront d’aider les patientes à mieux réguler cette peur et l’anxiété qui y est associée. Les résultats de l’étude réalisée dans le cadre des deux " Plans Cancer " indiquent que les interventions de groupe et l’hypnose sont des composantes thérapeutiques adaptées pour aider les patientes à mieux réguler leur anxiété. Ils confirment la faisabilité et l’acceptabilité de ce type d’intervention psychologique. Cette première expérience est prolongée aujourd’hui dans le cadre d’une nouvelle intervention de groupe proposée aux femmes atteintes d’un cancer du sein et achevant leur traitement par radiothérapie, intégrant les techniques cognitivo-comportementales et l’apprentissage de l’hypnose. Elle s’appuie également sur une composante de coaching quotidien visant à accompagner les patientes dans leur vie de tous les jours. Un programme de recherche est également organisé afin d’évaluer l’efficacité de cette nouvelle intervention de groupe. 16 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 Yoko Tsuno se mobilise… avec Roger Leloup Interview : Ariane Cambier Roger Leloup, infatigable scénariste et dessinateur belge de Yoko Tsuno, a généreusement accepté cette année de mobiliser sa célébrissime héroïne au profit de la lutte contre le cancer du sein à l’Institut Bordet. Nous avons eu le privilège de le rencontrer dans son antre wavrienne. L’œil aussi malicieux que tendre, cette figure emblématique de la BD belge nous parle de son engagement à nos côtés. 17 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 Roger Leloup, qui est Yoko Tsuno ? Quelles sont ses principales qualités ? Yoko est une jeune japonaise qui n’a pas accepté un certain carcan traditionnel japonais. Compte tenu de sa double origine -elle a une grand-mère chinoise-, je dirais que Yoko représente à la fois la « poésie » chinoise et l’efficacité japonaise. Elle peut être mise dans toutes les situations, elle s’adapte toujours. Mais ce n’est pas une super-woman pour autant. Elle éprouve aussi des sentiments ! La manière dont vous avez créé la série Yoko est assez surprenante… Oui. Les éditions Dupuis me pressaient de rentrer un projet d’album. Or, j’étais cloué au lit avec une bronchite. Je leur ai donc envoyé une histoire que je me racontais enfant, pensant ainsi gagner un peu de temps. Et ils m’ont répondu de façon enthousiaste ! Comme quoi, il a fallu que je sois malade pour lancer Yoko ! Que pouvez-vous nous dire de Yoko tirant à l’arc ? La première fois que Yoko apprit à tirer à l’arc, celui-ci était trop grand pour elle et l’on se moquait d’elle. Son précepteur lui dit « Yoko, ne t’inquiète pas. Demain, je prendrai un arc à ta taille. » Le lendemain, il lui dit : « Tu devras apprendre à ne pas tirer sur deux cibles à la fois ». Elle ne comprendra que plus tard ce qu’il voulait dire et constitue en fait le principe du Kyudo : la cible importe moins que l’objectif que l’on s’est fixé. Ce qui compte, c’est atteindre l’esprit de concentration nécessaire pour atteindre ce but. Cela étant, quand elle tire à l’arc, Yoko est aussi proche de l’aïkido, qui permet de capter la force de son adversaire pour le désarçonner. Vous avez toujours été fasciné par la technologie. D’où vous vient cette passion ? des avions, des chars… Et aujourd’hui encore, je dois démonter les choses pour voir comment elles fonctionnent. Et si on dessine n’importe quoi, si on ne donne pas assez de détails, les gens n’y croient pas ! Les robots jouent un rôle central dans votre œuvre ? Oui et l’une des questions qui se pose est de savoir quelle place on va leur donner quand ils auront encore gagné en intelligence. Je pense qu’ils nous apportent énormément, en nous aidant par exemple à résoudre des questions scientifiques complexes, mais ils ne se substitueront jamais à l’homme. Vous êtes aussi attiré par le médical et avez, là aussi, le sens du détail… Je pense notamment à votre album « La frontière de la vie », dans lequel une petite fille est mise en hypothermie pour ralentir son développement cellulaire et dans lequel vous inventez un sang artificiel… J’ai toujours adoré ce qui était scientifique. Quand j’étais petit, mon grand-père ramenait des exemplaires de « Science et Vie » à la maison. Je les dévorais littéralement ! Pour ce qui est de « La frontière de la vie », je n’ai pas voulu jouer Frankenstein. J’aime que les choses paraissent vraies. Je me suis donc énormément renseigné auprès de Baxter, de Siemens. J’ai même assisté à une opération à cœur ouvert… Au point de susciter des vocations chez certaines petites filles ? Oui, une de mes lectrices m’a dit être devenue hématologue grâce à cet album. Une fresque avec Yoko se trouvant à Bruxelles promeut d’ailleurs les carrières scientifiques auprès des filles. Quel message Yoko veut-elle faire passer en se mobilisant pour la lutte J’ai toujours été fasciné par la mécanique. contre le cancer du sein ? Pendant la guerre, j’ai eu l’occasion de voir des tas de machines : des trains, des locomotives, La femme, quand elle est jeune, se sent peu concernée. Or elle peut être touchée à tout 18 BORDET NEWS - SEPTEMBRE 2015 moment. Yoko se mobilise car elle se dit que cela pourrait lui arriver, à elle aussi. Son message est le suivant : « Si cela peut m’arriver, alors cela peut vous arriver, à vous aussi. Nous sommes toutes vulnérables ; cela n’arrive pas qu’aux autres. Il faut donc prendre soin de soi ». On fait régulièrement des révisions de sa voiture pour s’assurer que tout va bien. Pourquoi dès lors ne ferait-on pas une mammographie en temps utile ? On attend toujours du médecin qu’il soit toutpuissant et fasse des miracles. Or, ce n’est pas toujours possible. Yoko pense également aux femmes atteintes par la maladie… Oui, bien sûr. Yoko est consciente que le cancer du sein est pour la femme une maladie aussi difficile physiquement que psychologiquement. Il la touche dans une partie de son corps symboliquement très importante. Non seulement le sein est un objet de séduction et, à ce titre, je suis heureux de rendre Yoko jolie. Mais le sein a aussi une fonction nourricière essentielle. bien… Oui, avec Yoko, je joue au magicien. Je sauve des vies. Je termine toujours mes histoires de manière positive. D’un coup de crayon ou de gomme, je guéris une petite fille, je ressuscite Yoko… Je vis dans mon univers, cela me permet d’édulcorer une réalité parfois difficile. Vous avez sorti, au mois de juin un nouvel album, « Le secret de Khâni », -dans lequel vous parlez d’ailleurs de cellules souche- et vous travaillez déjà à sa suite. Vous êtes un infatigable passionné ? Oui, je travaille actuellement à mon 28ème album. Il faut savoir que chaque album représente 2 années de ma vie. Cela passe vite… Et vous aimez les histoires qui finissent Miroir Prix : 5 euros En vente, dès le 5 octobre, au profit des 'Amis' et de la recherche contre le cancer du sein à l’Institut Bordet Informations : 02/541 34 14 Signet Prix : 3 euros Soirée caritative chez Filigrane au profit de la lutte contre le cancer du sein à l’Institut Bordet Pensez d’ores et déjà à vos achats de fin d’année. Filigranes, c’est près de 3.000m2 de livres, jouets, CDs… le tout dans une ambiance conviviale avec bar et petite restauration à disposition. à partir de 20 h 20% de la recette de la soirée et 100% de la recette du bar seront versés aux 'Amis'. En présence de nombreux auteurs, personnalités et du Pr Jean-Marie Nogaret qui parlera des dernières avancées dans la prise en charge du cancer du sein. 22 NOV à 11 h Forêt de Soignes (départ : Avenue de l'hippodrome) 2015 L’ambiance musicale sera assumée par le violoniste Grégoire Dune. Au profit de la lutte contre le cancer du sein et de Bordet’n Wellness Parlez-en autour de vous ! Motivez vos amies ou collègues et formez votre équipe ! Vous ne pouvez pas participer ce jour-là ? Parrainez une coureuse ! Superbe parcours 100% vert, hors circulation 3 - 6 ou 9 km - Allure libre. Echauffement en musique. Prix des inscriptions: 6-7-8 € sur place Un montant forfaitaire prélevé sur chaque inscription sera reversé à la lutte contre le cancer du sein à l’Institut Bordet. Inscription : www.womanrace.be Préventes : Drève olympique 50 - 1070 Anderlecht S EQUOIA - Chaussée de Saint-Job, 532 - 1180 Uccle En collaboration avec Madame l’Echevin des Sports d’Uccle Carine Gol-Lescot SOIRÉE DE GALA au profit de la recherche contre le cancer à l’Institut Jules Bordet Dimanche 25 Octobre 2015 18H - Wolubilis CONVERSATIONS AVEC MA MÈRE DE SANTIAGO CARLOS OVÈS MISE EN SCÈNE DE PIETRO PIZZUTI AVEC JACQUELINE BIR ET ALAIN LEEMPOEL INFOS ET RÉSERVATION : 121 BLD DE WATERLOO BRUXELLES - 7ÈME ÉTAGE PAIEMENT PAR BANCONTACT POSSIBLE 02/541 34 14
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