Chapitre 2 La mondialisation n`est (toujours) pas coupable» (p. 49
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Chapitre 2 La mondialisation n`est (toujours) pas coupable» (p. 49
Social-démocratie 2.0 Le Québec comparé aux pays scandinaves Stéphane Paquin, Collectif , Pier-Luc Lévesque Collection « Politique mondiale », PUM, 2014 Chapitre 2 La mondialisation n’est (toujours) pas coupable» (p. 49 à 75), StéPhane Paquin Résumé du chapitre 2 Deux thèses s’opposent sur les effets de la mondialisation sur l’État-providence et sur la social-démocratie : celle des déclinistes et celle des transformationnistes. Selon les déclinistes, le projet social-démocrate tire à sa fin, puisque les États ne seraient plus capables d’assurer une forte croissance économique ou même d’intervenir efficacement pour favoriser la création de la richesse et la redistribuer. Après la Seconde Guerre mondiale, les États occidentaux ont mis sur pied des États-providence dont les caractéristiques essentielles reposent sur la démocratisation de l’éducation, sur une plus grande accessibilité aux soins de santé, sur des régimes d’allocation pour les chômeurs et sur des politiques sociales plus importantes comme des régimes de retraite, des congés de maternité ou des garderies publiques. À l’abri de la concurrence mondiale, ils pouvaient augmenter plus librement les niveaux de taxation et créer des États-providence très généreux. C’est ce qu’ils ont fait durant la période des Trente Glorieuses. La crise économique des années 1970 aurait sonné le début de la fin de l’État interventionniste L’ouverture progressive au commerce mondial, l’échec de politiques de relance de type keynésien et l’apparition de la stagflation forcent les pays occidentaux à adopter des politiques à même le registre néolibéral et monétariste. Avec les Trente Laborieuses qui suivent, ces pays sont contraints par la mondialisation de l’économie à diminuer la taille de l’État, à sabrer dans les programmes sociaux, à augmenter les droits de scolarité, à privatiser de nombreuses sociétés d’État et à liquider leurs politiques industrielles pour les remplacer par des politiques de libéralisation des échanges commerciaux. Les échanges renforce la concurrence mondiale, ce qui accentue encore plus la pression sur les États occidentaux pour diminuer les dépenses dans les programmes sociaux et abaisser encore davantage les niveaux de taxation. On entre donc dans une période « d’austérité permanente ». La mondialisation, la croissance phénoménale du nombre de multinationales, les délocalisations et l’augmentation de la concurrence mondiale, des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) au début du XXIe siècle, accentuent davantage la pression sur les pays développés. Les pays dont l’avenir serait le plus sombre sont ceux qui possèdent d’importants programmes sociaux, qui taxent beaucoup, qui connaissent un taux de syndicalisation élevé et qui ont une attitude très conciliante envers les droits des travailleurs. La Suède, la Finlande, le Danemark et le Québec seul État social-démocrate en Amérique d Nord, seraient ainsi particulièrement vulnérables. Les transformationnistes remettent en question la thèse des déclinistes. Les pays qui possèdent des taux de taxation élevés, de forts taux de syndicalisation, ainsi qu’un État très interventionniste s’en sortent souvent mieux, en termes relatifs, que les pays qui ont le plus déstructuré leur Étatprovidence depuis les années 1980. L’auteur cite des études qui montrent que la mondialisation n’est pas coupable et que les données empiriques ne confirment pas les hypothèses du retrait de l’État dans les sphères économiques et sociales. Ceux qui annoncent la fin de l’État-providence et de la socialdémocratie, négligent souvent d’identifier les mécanismes par lesquels elle affecte la capacité de l’État et, ce faisant, ils exagèrent indûment les effets de la mondialisation et propagent des préjugés. Au contraire, selon certains, les récents développements de la social-démocratie sont des produits de la mondialisation. On voit donc naître une nouvelle thèse selon laquelle l’ouverture au commerce international en favorise la construction. Les économies ouvertes au commerce international tendent à posséder de plus haut taux de concentration industrielle, ce qui favorise la présence de syndicats plus importants. L’ouverture des économies au commerce international est également corrélée avec la présence de gouvernements sociaux-démocrates, avec des taux de syndicalisation importants, ainsi qu’avec de fortes régulations sur le plan du marché du travail. Dans un contexte d’ouverture internationale croissante, les syndicats font pression sur les partis sociaux-démocrates pour qu’ils mettent sur pied des États-providence généreux afin de limiter le risque que représente l’exposition croissante à l’économie mondiale. Et c’est ainsi que mondialisation de l’économie favorise la mise en place de la social-démocratie. Le rôle de l’État-providence serait de réduire les risques et les inégalités inhérents aux économies de marché, notamment aux plus ouvertes aux échanges. La croissance de l’État-providence est soutenue par la hausse marquée des exportations, car les entreprises nationales qui sont présentes sur les marchés internationaux connaissent une croissance rapide, offrent de bons emplois et payent beaucoup de taxes, tout comme leurs employés, ce qui a un effet très positif sur les revenus de l’État. Par ailleurs, il n’existe que très peu de preuves empiriques qui permettent de soutenir l’idée que des niveaux de taxation élevés ou les autres formes de politiques fiscales touchent significativement les investissements directs étrangers (IDE) que reçoit un pays. Contrairement à l’affirmation concernant la mobilité internationale du capital […] la capacité fiscale des gouvernements démocratiques de financer une variété de niveau et de dosage de protection sociale et de services est relativement résiliente face à l’internationalisation des marchés. Le taux de taxation des grandes entreprises n’a pas significativement diminué depuis les quarante dernières années. Le fardeau fiscal général des entreprises a, dans les faits, légèrement augmenté depuis le milieu des années 1980. Les preuves empiriques ne confirment pas l’hypothèse de la convergence néolibérale et de la course vers le bas, mais démontrent plutôt la persistance et même la différenciation plus importantes des modèles de capitalisme : 1) le modèle néolibéral (États-Unis, Canada, GrandeBretagne), 2) le modèle méditerranéen (Italie, Espagne), 3) le modèle continental (Allemagne, France) et 4) le modèle social-démocrate (Suède, Danemark, Finlande) Il semble que des petits États interventionnistes s’adaptent à une économie mondiale de plus en plus concurrentielle. Nos trois pays scandinaves étaient en déroute au début des années 1990, ils ont rebondi. Trois hypothèses fondamentales divisent les écoles décliniste et transformationniste. Les trois hypothèses portent sur 1) la mondialisation et le retrait de l’État, 2) la concurrence mondiale et les exportations et 3) la fiscalité et les investissements étrangers. Selon les études auxquelles l’auteur fait référence, l’école transformiste est plus en phase avec la réalité des cinquante dernières années que l’école décliniste. Les données empiriques nous indiquent en effet que, depuis les années 1960, la hausse des dépenses publiques mesurée par rapport au produit intérieur brut (PIB) est très importante parmi les pays membres de l’OCDE, même s’il est vrai que certains pays ont connu un recul depuis les années 1990. De plus, c’est également le cas pour les dépenses de protection sociale qui ont augmenté depuis les années 1960 (congés parentaux, garderies publiques, assurance médicaments, etc.). Selon les données de l’OCDE, l’âge d’or de l’État-providence, mesuré par le pourcentage des dépenses sociales par rapport au PIB, se situe plus au milieu des années 1980 qu’en 1960. Nos pays sociaux-démocrates s’en sortent également très bien, en termes relatifs, sur le plan des exportations. Lorsque l’on mesure les exportations sur le PIB. Sur le plan de l’attraction des investissements directs étrangers (IDE), les pays sociaux-démocrates attirent même, sur une base par habitant, plus d’investissements directs étrangers que les pays anglo-saxons ou néolibéraux, mais également que les BRIC. Hypothèse 1 : la mondialisation et le retrait de l’État Peut-on constater un retrait de l’État en lien avec la mondialisation ? Selon cette hypothèse, la concurrence serait si considérable que les pays développés sont contraints de diminuer la pression fiscale des entreprises et de remettre en question de nombreux avantages sociaux des travailleurs afin que ces dernières restent dans la course aux exportations. Privés de revenus importants, les États doivent diminuer leurs investissements dans les dépenses publiques et sociales. Les États ont-ils sabré dans les dépenses publiques et sociales parce qu’ils ont massivement diminué les taxes afin de permettre à leurs entreprises nationales d’être compétitives dans l’économie mondialisée ? Si c’était le cas, nous devrions pouvoir constater une diminution des dépenses publiques sur le PIB. Au contraire, nous remarquons plutôt une croissance marquée des dépenses publiques en pourcentage du PIB qui valide la thèse des transformationnistes. La croissance nette des dépenses publiques entre 1960 et 2005 est de 16 % au Royaume-Uni, de 20 % aux États-Unis, de 37 % en France, de 39 % en Allemagne, de 45 % au Canada, de 64 % en Finlande, de 68 % en Suède et de 108 % au Danemark. Depuis les années 1990, nous pouvons cependant noter un recul des dépenses publiques sur le PIB pour certains pays. Dans les pays traditionnellement très interventionnistes et ouverts au commerce mondial, le recul depuis le sommet de 1990 est important. Ces pays ont cependant encore aujourd’hui des dépenses gouvernementales en pourcentage du PIB très largement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. Que se passe-t-il à la suite de la récession de 2007-2008 ? Dans les faits, les dépenses publiques repartent à la hausse. Cette hausse s’explique par la combinaison du déclin du PIB et la hausse des dépenses publiques, notamment pour financer les plans de relance. Ainsi, au regard des dépenses gouvernementales totales par rapport au PIB, l’action des gouvernements est en forte progression depuis 1960 même s’il est vrai que les dépenses publiques en pourcentage du PIB sont en décroissance certains pays depuis le début des années 1990, notamment dans les pays scandinaves. Mais quelle est la situation plus particulière des dépenses pour les programmes sociaux ? Quelle est la situation plus particulière des dépenses pour les programmes sociaux ? Se peut-il que les dépenses gouvernementales totales augmentent, mais que ce ne soit pas le cas des mesures de protections sociales? Est-ce possible que la hausse des dépenses serve à autre chose qu’aux politiques sociales.Un rapport de l’OCDE publié en 2008, donc avant la récession, ne confirme pas cette hypothèse. Au regard des dépenses publiques pour les programmes sociaux, on constate une hausse importante des dépenses en pourcentage du PIB depuis les années 1960. Aucun pays ne possède moins de dépenses sociales en 2012 qu’en 1960 ou qu’en 1980. Ainsi, globalement, les données empiriques vont dans le sens des transformationnistes. Hypothèse 2 : la concurrence mondiale et les exportations Parallèlement, dans tous les cas, incluant les pays qui taxent beaucoup, la croissance des exportations sur le PIB est très prononcée depuis 1970. Mieux encore, les pays sociaux-démocrates sont en surplus de leurs soldes commerciaux presque sans discontinuer depuis 20 ans. Lorsque l’on compare la balance des opérations courantes en pourcentage du PIB depuis 2004, c’est le groupe de pays sociaux- démocrates qui obtient les meilleurs résultats, alors que les pays néolibéraux obtiennent les moins bons. En matière d’exportation, la performance des pays scandinaves, et plus globalement celle des pays membres de l’OCDE, tend également à confirmer la thèse des transformationnistes. Hypothèse 3 : la fiscalité et les investissements étrangers À propos de la fiscalité et des investissements étrangers, la théorie des déclinistes va comme suit : avec la mobilité de plus en plus importante du capital, en d’autres mots la finance mondialisée, les espaces taxés font fuir les investisseurs qui peuvent placer leurs capitaux où bon leur semble. Historiquement, la situation commence à changer dans les années 1960-1970, alors qu’un nombre croissant d’États se font les promoteurs des 3-D, c’est-à-dire de la déréglementation, du décloisonnement et de la désintermédiation bancaire. Les gouvernements vont progressivement supprimer leur contrôle sur le capital. Cette libéralisation propulse à l’avant-scène une série de nouveaux produits financiers souvent très peu contrôlés. Depuis les années 1960-1970, les détenteurs du capital détiennent désormais de multiples possibilités d’investir partout dans le monde, notamment dans les pays à très bas salaires. La conséquence de cette transformation, selon les déclinistes, c’est que les États qui possèdent une main-d’œuvre à bas salaire ou qui ont le plus réduit leur Étatprovidence et leurs impôts s’en tireraient le mieux. Est-ce que la prédiction des déclinistes s’est réalisée ? Pour répondre à cette question, l’auteur a défini trois groupes : les pays sociaux-démocrates (Suède, Danemark et Finlande), les pays « néolibéraux » (États-Unis, Grande-Bretagne et Canada) et finalement les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). L’auteur présente les entrées nettes d’IDE (Investissements Directs Étrangers) selon deux mesures : les IDE en pourcentage du PIB en $ US courants et les IDE par habitant en $ US courants., pour les pays de l’OCDE. Depuis les vingt dernières années, les sociaux-démocrates sont dans l’ensemble premiers. Une proportion importante d’IDE transite par des paradis fiscaux. Ainsi, il est difficile de valider hors de tout doute raisonnable l’hypothèse des déclinistes, concernant les investissements internationaux. Pour l’instant, les données disponibles nous démontrent même le contraire. Contrairement aux prédictions les plus sombres concernant la mondialisation, l’État-providence et la socialdémocratie, les données concernant les IDE sont favorables aux pays sociodémocrates. Conclusion Pour reprendre le titre d’un ouvrage de Paul Krugman (2000), la mondialisation n’est (toujours) pas coupable. Les pays scandinaves ont maintenu leurs dépenses sociales et ils exportent plus en pourcentage de leur économie et attirent plus d’IDE sur une base par habitant que les autres modèles. Cela ne signifie pas que la mondialisation est un mythe qui ne touche pas les politiques publiques. Le défaut de l’analyse des déclinistes, outre la faiblesse méthodologique sur le plan de la validation empirique de leurs hypothèses fondamentales, c’est son déterminisme implicite. Ces auteurs semblent postuler que les pays sociauxdémocrates sont incapables d’adapter leur pays à la mondialisation ou encore que ces pays ne peuvent se réformer pour faire face à la concurrence mondiale. Comme nous le constaterons tout au long de cet ouvrage, cette hypothèse ne tient pas la route. Mots-clés (notions) 3-D ( déréglementation, décloisonnement et désintermédiation bancaire. contrôle sur le capital par les pays avantages sociaux balance des opérations courantes en pourcentage du PIB BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) commerce mondial concurrence mondiale et exportations congés de maternité convergence néolibérale et course vers le bas des programmes sociaux (hyp.), déclin du PIB et la hausse des dépenses publiques, notamment pour financer les plans de relance déclinistes dépenses de protection sociale (congés parentaux, garderies publiques) assurance médicaments dépenses gouvernementales en pourcentage du PIB dépenses publiques en pourcentage du PIB sont en décroissance certains pays depuis le début des années 1990, notamment dans les pays scandinaves. dépenses publiques et sociales dépenses publiques par rapport au produit intérieur brut (PIB) dépenses publiques sur le PIB dépenses sociales par rapport au PIB détenteurs du capital déterminisme droits de scolarité droits des travailleurs économie mondialisée économies de marché État interventionniste État interventionniste État-Providence États occidentaux exportations sur le PIB. finance mondialisée fiscalité et investissements étrangers forts taux de syndicalisation garderies publiques IDE IDE (Investissements Directs Étrangers IDE en pourcentage du PIB en $ US courants IDE par habitant en $ US courants investissements directs étrangers (IDE) investissements internationaux démocratisation de l’éducation mobilité de plus en plus importante du capital mobilité internationale du capital modèle continental (Allemagne, France) modèle méditerranéen (Italie, Espagne) modèle néolibéral (États-Unis, Canada, GrandeBretagne) modèle social-démocrate (Suède, Danemark, Finlande) modèles de capitalisme mondialisation mondialisation et retrait de l’État niveaux de taxation nouveaux produits OCDE ouverture au commerce international favorise la construction de la socialdémocratie (hyp.) Paul Krugman pays « néolibéraux » (États-Unis, Grande-Bretagne et Canada) pays anglo-saxons ou néolibéraux pays néolibéraux pays sociaux- démocrates pays sociaux-démocrates (Suède, Danemark et Finlande), politiques de libéralisation des échanges commerciaux politiques de relance de type keynésien politiques monétaristes politiques néolibérales politiques sociales pression fiscale des entreprises privatisatisation de sociétés d’État programmes sociaux récession de 2007-2008 régimes d’allocation pour les chômeurs régimes de retraite soldes commerciaux stagflation taille de l’État taux de concentration industrielle taux de syndicalisation taux de taxation transformationnistes Trente Glorieuses Les articulations logiques du texte Opposition des thèses décliniste et transformationniste concernant les pays sociaux-démocrates. Plan du texte Intro Hypothèse 1 : la mondialisation et le retrait de l’État Hypothèse 2 : la concurrence mondiale et les exportations Hypothèse 3 : la fiscalité et les investissements étrangers Conclusion Thèmes secondaires Capitalisme Commerce mondial Concurrence internationale (entre les pays) Déterminisme en économie La mondialisation Politiques économiques des pays Thèses en sciences économiques Idée maîtresse du texte Contrairement à ce que prédisaient les détracteurs néo-libéraux, les pays scandinaves ont maintenu leurs dépenses sociales et ils exportent plus en pourcentage de leur économie et attirent plus d’investissements sur une base par habitant que les autres modèles (néo-libéraux et pays en développement). La mondialisation n’annonce donc pas la fin de la social-démocratie. La thèse du déclin des pays socio-démocrates suite à la mondialisation ne tient pas la route. C’est faire fi de la capacité d’adaptation de ces pays.