Science et technologie de la production des sucres cuits
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Science et technologie de la production des sucres cuits
La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 Science et technologie de la production des sucres cuits INFLUENCE DE LA COMPOSITION, CHANGEMENT D’ÉTAT ET CONTRÔLE DE LA QUALITÉ Photothèque CEDUS Ronald LEES Consultant, Walton on Thames, UK. Atelier de confiserie 69 La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 1 Introduction Les sucres cuits figurent parmi les plus anciennes sortes de confiserie connues des fabricants de l’ensemble des pays développés. En France, au XVIIIe siècle, Denis Diderot a rassemblé un certain nombre d’illustrations d’ateliers de confiserie de l’époque dans les encyclopédies regroupées sous le titre de “Dictionnaire Universel des Arts et Sciences”, et qui furent publiées entre 1749 et 1772. D’autres auteurs de l’époque, à Londres et ailleurs, ont aussi publié des ouvrages décrivant l’équipement utilisé*. Ces illustrations permettent d’entrevoir le principal problème posé aux confiseurs de l’époque, en l’occurrence les limitations imposées par un système de cuisson à feu nu d’un sirop de sucre. Lorsque que l’on dépasse une température d’ébullition de 110 à 115 °C, le sirop concentré prend une couleur jaune et développe un goût de type caramel. La cuisson à ce niveau de températu- Le changement opéré entre les méthodes de cuisson à feu nu, basées sur un fonctionnement discontinu (par lots ou “batch”), et le développement des cuiseurs sous vide ou, plus récemment, de l’utilisation de techniques d’évaporation en couches minces, a permis d'abaisser la teneur en eau résiduelle à 2 ou 3 % puis à 1,5 voire 1 %. Les systèmes récents permettent un mélange rapide et performant de l’ensemble des ingrédients tout en diminuant les risques d’inversion du saccharose et en abaissant les coûts de production. Concernant les valeurs de teneur en eau, il apparaît important de ne les considérer qu’en tant que valeurs indicatives ; elles sont tout à fait acceptables pour un usage pratique si les échantillons sont comparables en termes de conditions de production ou bien dans les limites d’une série d’expérimenta- Photothèque CEDUS *Des reproductions de ces premiers ateliers de confiserie sont réunies dans un livre de l’auteur du présent article : “A history of sweet and chocolate manufacture”, 1988, pub. Specialised Publications Ltd, Surbiton, Surrey, UK. re aboutit à une confiserie dont la teneur en eau est de 6 à 7 p. cent, ce qui ne donne qu’une faible durée de vie au produit. Ce problème n’était encore pas résolu au XIXe siècle, ainsi qu’on peut le voir sur les illustrations du livre de Edward Skuse (“Skuse’s Complete confectioner”) publié en 1893 et qui décrit les méthodes de production des bonbons développées à l’échelon commercial. Fonte de la dragée moulée 70 La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 tions. La répétabilité des résultats sera correcte si la même procédure est utilisée et si le produit est échantillonné de façon identique à chaque fois. 2 Types de confiseries Il existe au moins cinq types différents de produits de confiserie dont la texture dépend de l’état physique de leurs constituants pris individuellement. On distingue ainsi les bonbons possédant une phase mixte liquide/cristalline, représentés par les fondants-crêmes, les poudres ayant subi une pression, telles que les comprimés, les poudres à texture friable telles que celles utilisées pour les fourrages, les bonbons ayant une phase unique cristalline comme les confiseries Indiennes appelées Khandi, et enfin les produits dont la structure est vitreuse (état amorphe), à l’image des sucres cuits. Les sucres cuits constituent une famille à part en confiserie puisqu’il s’agit des rares produits dans lesquels on ne souhaite pas, en général, induire de cristallisation. Là encore, il est possible de distinguer cinq types de produits au sein des sucres cuits : • les sucres cuits clairs, produits traditionnels colorés et aromatisés • les sucres cuits étirés, dans lesquels on introduit des bulles d’air par une action mécanique, ce qui provoque aussi la cristallisation d’une partie du sucre • les sucres cuits clairs et étirés combinés, résultant d’un assemblage de bandes de différentes couleurs, bandes contenant du sucre recristallisé en cas de manipulation trop prolongée • les sucres cuits fourrés, correspondant à une enveloppe de sucre cuit qui contient un mélange de sucres de composition et de texture variables • les sucres cuits feuilletés, pour lesquels on obtient par des techniques d’étirage un fourrage de structure croquante et friable. 3 Composition des sucres cuits La composition de base des sucres cuits traditionnels présente un certain nombre de caractéristiques qui permettent de les distinguer des autres sortes de confiseries. En premier lieu, il y a une très forte concentration en sucres dans la confiserie. De plus, la teneur en eau résiduelle est extrêmement basse et enfin, le produit est entièrement à l’état vitreux. Ces éléments se combinent pour conférer à ce type de produit une longue durée de vie, ainsi que le Tableau 1 l’indique. Type de confiserie Teneur en eau Sucre cuit 1à3% Caramel 5à6% Fondant 11 à 13 % Marshmallow 18 à 20 % Durée de vie 12 mois 7 à 9 mois 6 à 8 mois 4 à 6 mois Tableau 1 : Durée de vie standard et teneur en eau de différents produits de confiserie. La recette pour des sucres cuits est bien plus simple que celle de mélanges complexes tels que ceux utilisés par exemple pour les confiseries du type pastilles de réglisse. Une formulation classique contient du sucre de canne ou de betterave, du sirop de glucose, une petite quantité d’arômes, de colorants et d’acides organiques le cas échéant. 4 Production des sucres cuits Les variables qui interviennent durant la production de sucres cuits sont les suivantes : 1. la part d’eau éliminée 2. le niveau d’inversion du saccharose (sucre de canne ou de betterave) en sucres simples 3. les parts respectives des différents sucres présents dans la formulation 4. le niveau de sursaturation du sirop de départ 5. la présence de glucides de haut poids moléculaire 6. la nature des acides organiques utilisés pour l’aromatisation et le stade auquel on les incorpore 7. enfin, la présence d’acides tamponnés La formule la plus simple d’un sucre cuit pourrait se constituer uniquement de sucre de canne ou de betterave. Cependant, la solubilité maximale du saccharose à 20°C est atteinte à 66,6 % en poids de solution (saturation). On atteint 72,4 % à 50 °C et 81,0 % à 90 °C. La quantité d’eau éliminée à des températures plus élevées n’est pas suffisante pour éviter à une confiserie “pur sucre” de recristalliser (ou grainer) à terme. Pour un produit composé exclusivement de sucre, une température d’ébullition de 122 °C aboutit généralement à un pourcentage de matières sèches d’environ 90 %. Heureusement pour le confiseur, une solution d’un seul sucre donné et des solutions de sucres en mélange, dont les compositions sont fixées et possédant les mêmes proportions d’ingrédients, vont toujours présenter le même point d’ébullition si l’opération est conduite dans les mêmes conditions atmosphériques. Il s’agit là d’un élément qui per- 71 La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 Concentration en saccharose (% poids de solution) Point d’ébullition (°C) 40 50 60 70 80 90 95 101,4 102,0 103,0 105,5 111,0 122,0 130,0 Tableau 2 : Point d’ébullition de solutions aqueuses de saccharose en fonction de la concentration, à pression atmosphérique. met au confiseur de contrôler la teneur finale en sucres totaux de son produit par le suivi de la température et le débit du sirop ainsi que le niveau du vide appliqué (Tableau 2). Lors du refroidissement, les solutions sursaturées de sucres peuvent ou non générer des cristaux. Ceci peut être expliqué par le coefficient de sursaturation noté “S” ; S correspond à la masse effective de sucre contenue dans 100 g d’eau à une température donnée rapportée à la masse de ce même sucre contenue dans 100 g d’eau, à la même température mais au seuil de saturation. Edulcorant Solubilité (% poids de solution) Glucose Fructose Lactose 47,3 78,7 18,0 Sorbitol Xylitol Saccharose 70,1 63,0 66,6 Tableau 3 : Solubilité de différents édulcorants massiques dans l’eau à 20°C, à pression atmosphérique. Photothèque CEDUS Pour des conditions de préparation identiques et une teneur en matières sèches de 95 % en poids, le point d’ébullition d’une solution de sucre inverti est de 127°C, celui d’un sirop de glucose standard (42 DE ou Dextrose Equivalent) est de 133°C. Les seuils de saturation d’autres édulcorants massiques sont donnés dans le Tableau 3 dans les conditions normales de température et de pression. Fonte de la dragée “en plomb” 72 La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 La zone de stabilité pour une solution de saccharose correspond à une valeur de S égale à 1,0 qui est le point de saturation. La zone délimitée par des valeurs de S comprises entre 1,0 et 1,3 est appelée “métastable”. Les cristaux de sucre ne se forment pas spontanément dans une telle zone mais une influence externe, telle qu’une agitation ou la présence de poussières de sucre, peut provoquer un grainage. A la limite de cette zone, l’effet d’éléments externes est plus prononcé et des noyaux cristallins peuvent apparaître ; on se trouve dans la région dite de faux grains. Enfin, la zone située au delà de la valeur de 1,3 est dite “labile” ; la cristallisation s’y produit spontanément. A noter toutefois que la précision des limites fixées pour ces zones est discutée. La cuisson d’une solution aqueuse de sucre de canne ou de betterave jusqu’à une forte concentration conduit à “traverser” ces différentes zones (métastable, faux-grains et labile) pour arriver jusqu’au stade de la cristallisation. Il est clair qu’une solution de saccharose concentrée à 80 % se trouve dans la zone labile et est ainsi susceptible de former des cristaux lors du refroidissement ; la solution tend en effet naturellement à revenir à son état d’équilibre le plus stable, qui est la saturation à 66,6 %. Un début de grainage peut être induit par une agitation mécanique de la solution ou même par un choc tel que les vibrations au démarrage d’une machine voisine ou bien par des poussières en suspension dans l’atmosphère de l’atelier. 5 Inversion du saccharose Il ressort du paragraphe précédent que la stabilité des sucres cuits trouve son explication dans d’autres phénomènes que la solubilité du saccharose. A l’origine, les confiseurs ajoutaient un agent permettant d’augmenter la solubilité globale de la préparation, appelé “doctoring agent” puisqu’il évite la recristallisation du saccharose, “maladie” caractéristique d’un sucre cuit. Le premier agent de la sorte fut la crême de tartre, un sel acide de l’acide tartrique, provoquant sous l’effet de la chaleur une inversion du saccharose en glucose et en fructose à parts égales. Le problème du confiseur reste double : d’une part, le degré d’inversion du sucre ne peut être contrôlé avec précision durant la fabrication ; d’autre part, une forte teneur en fructose dans un sucre cuit est particulièrement indésirable car ce type de sucre entraîne une adsorption d’humidité en surface, pouvant conduire à une destruction de l’aspect désiré ainsi qu’à une sévère réduction de la durée de vie du bonbon. Pour surmonter ce problème, l’une des méthodes possibles est de préparer des mélanges liquides de sucre inverti et de saccharose de composition déterminée. Les produits fabriqués avec ces mélanges sont de qualité supérieure à ceux fabriqués à partir des mélanges saccharose/sirop de glucose en terme de texture et de transparence mais le problème de reprise d’humidité demeure. Une solution acceptable réside dans l’utilisation des sirops de glucose. A l’origine, seul le sirop de glucose standard à 42 DE était disponible pour un mélange avec le saccharose mais il existe désormais une gamme élargie de sirops de glucose. Généralement, les confiseries produites à partir de sirops de glucose à bas DE présentent une faible tendance à la reprise d’humidité et sont moins enclines à cristalliser ; elles sont cependant plus denses en couleur et possèdent de moins bonnes qualités organoleptiques. Les sirops de glucose riches en maltose ont les mêmes effets bénéfiques pour les confiseries ; ils aboutissent à des produits plus clairs mais également plus sensibles à des craquelures. En tous les cas, les sucres cuits fabriqués à partir d’un mélange saccharose/sirop de glucose sont plus stables que ceux n’employant que du saccharose ; ils sont de moindre qualité à la dégustation mais leur durée de vie est très largement augmentée. Plus récemment, la liste des produits sucrants disponibles pour le confiseur s’est agrémentée de substituts du saccharose destinés à trois types d’applications : produits diététiques, acariogènes et pour diabétiques. Ces nouveaux édulcorants sont le sorbitol, le maltitol, l’isomalt, le lactitol, le mannitol, le xylitol. L’intérêt pour ce type de produits est manifeste mais les procédés de fabrication doivent être adaptés spécifiquement et ces édulcorants ne permettent pas toujours l’obtention de sucres cuits satisfaisants. Un mélange saccharose/sirop de glucose peut être amené jusqu’à une valeur de sursaturation d’environ 84 à 85 p. cent de sucres totaux à 20°C ; de nouveau, cette valeur est insuffisante pour expliquer à elle seule la stabilité au stockage des sucres cuits, et notamment l’absence de cristallisation. 73 La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 6 Influence de la viscosité L’une des principales caractéristiques des sirops de glucose utilisés en association à du saccharose est leur action sur la viscosité du mélange. Des courbes issues des travaux de Thieme (1981) et du centre de recherches de Leatherhead (Anon.,1980) montrent que des sucres cuits contenant environ 96,6 % de sucres totaux voient leur viscosité quadrupler lorsque le rapport saccharose/sirop de glucose passe de 60/40 à 40/60. Il existe par ailleurs une littérature abondante permettant de constater que plus la viscosité d’un sirop de sucre sursaturé est élevée, plus la tendance au grainage du produit fini est faible, ce qui est bien connu au stade de la commercialisation. Cet élément doit être pris en compte lors de la fabrication de sucres cuits en mélangeant des sirops de forte viscosité aux sirops de glucose standard et en éliminant autant d’eau que possible, pour obtenir un mélange final très visqueux qui soit un sirop “solide”. 7 Résistance à la reprise d’humidité En cas de conditions défavorables, l’eau contenue dans l’air ambiant peut se condenser à la surface du sucre cuit. Cette eau peut alors dissoudre une partie du sucre de la confiserie. En cas d’alternance de la température à l’occasion de nuits froides suivies de journées chaudes, le film de sirop présent en surface du bonbon va perdre de l’eau et progressivement dépasser son seuil de sursaturation. Le saccharose cristallise et les cristaux formés vont servir de “semences” pour une cristallisation à l’intérieur du bonbon. Lorsque le processus est engagé, il impossible de contrôler ce grainage accidentel ; pour des confiseries à teneur en eau plus élevée que dans les sucres cuits, comme les caramels par exemple, le grainage peut transformer complètement la texture du produit. gement d’état de l’enveloppe du bonbon, passant d’une structure uniquement amorphe à une couche cristallisée, dont l’épaisseur ira en augmentant. Chaque produit de confiserie est environné par sa propre mini-atmosphère, générée par la composition du bonbon. L’eau joue bien sûr un rôle important dans l’humidité relative de cette mini-atmosphère mais les composants du bonbon sont tout aussi influents. Certains ingrédients retiennent en effet l’eau résiduelle au point qu’elle devient de l’eau liée, tandis que d’autres ne freinent pas son élimination sous forme d’eau libre. La méthode de calcul théorique des effets de différents ingrédients sur la rétention d’eau est détaillée par Lees et Jackson (1983). On obtient ainsi par calcul l’humidité relative à l’équilibre (HRE) que l’on peut directement comparer à l’humidité relative (HR) de l’air. Une faible HRE signifie que le produit reprendra de l’eau à l’air ambiant humide de nos pays d’Europe occidentale, alors qu’un produit à forte HRE se desséchera en libérant de l’eau dans l’air ambiant. Le problème pour le fabriquant de sucres cuits est illustré dans le tableau 4, en comparaison à d’autres types de confiseries, où l’on remarque que les sucres cuits auront toujours une tendance à la reprise d’humidité. Les principaux paramètres permettant de réussir la production de sucres cuits ont été identifiés. En résumé, ce type de confiserie requiert : 1. une teneur en eau finale maximale de 3 % 2. une formulation bien équilibrée quant au rapport saccharose/sirop de glucose 3. une sélection méticuleuse du type de sirop de glucose requis 4. une cuisson du sirop de sucre jusqu’à une viscosité élevée 5. une protection efficace vis-à-vis de l’humidité atmosphérique 6. une cuisson rapide pour éviter les colorations 7. une réduction des risques d’inversion du saccharose Type de confiserie Pour une cristallisation de cette nature, le saccharose cristallise en dehors du sirop “solide”. Lorsque la cristallisation se met en place, la surface exposée à l’air ambiant augmente. Les cristaux continuent de croître lorsque le processus de grainage a commencé. La température en surface du bonbon subit peu de changement malgré la libération de chaleur de cristallisation. On obtiendra finalement un chan- 74 Sucre cuit Caramel Fondant crème Gélifiés Teneur en eau 1 5 11 20 à à à à 3% 6% 13 % 22 % HRE 20 42 75 65 à à à à 30 % 52 % 82 % 75 % Tableau 4 : Influence de la composition sur les valeurs d’humidité relative à l’équilibre (HRE). La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 8. une agitation mécanique modérée pour éviter d’incorporer trop de bulles d’air Enfin, un sucre cuit de bonne qualité doit posséder une couleur attractive, des arômes naturels francs, une bonne sensation en bouche et une stabilité correcte sans recristallisation. 8 Structure des sucres cuits A la différence de la plupart des autres confiseries, la structure d’un sucre cuit s’apparente à un verre. Un verre est obtenu par le refroidissement d’un mélange de matériaux présents soit à l’état fondu soit sous forme d’un sirop fortement concentré. Le produit qui en résulte ne cristallise pas à froid mais reste sous sa forme amorphe. Bien qu’un sucre cuit soit un sirop fortement concentré, sa viscosité est si élevée qu’il apparaît comme étant un solide. L’arrangement des molécules dans un produit vitreux est semblable à celui d’un liquide. Ainsi, on ne retrouve pas de motif ordonné en chaînes comme dans les cristaux. Travaillant sur du sucre vitreux, Palmer et al. (1956) ont montré par des techniques de diffraction de rayons-X qu’il se formait un film d’eau lorsque le sucre recristallisait, ce film séparant les cristaux de la matrice amorphe. Les auteurs ont suggéré que la couche de cristaux formés inhibe l’élimination de cette eau dans l’atmosphère ambiante. Makower et Dye (1956) ont montré qu’un sucre à l’état vitreux est en équilibre avec l’atmosphère avant que la cristallisation ne soit achevée. Ils ont indiqué pour leur part que l’eau libérée durant la cristallisation peut diffuser vers l’atmosphère. Ce dernier point nous semble probable pour une fraction de l’eau libérée, le reste pouvant dissoudre encore du sucre et accélérer le processus de cristallisation. Plus récemment, Herrington et Branfield (1984) ont confirmé l’existence d’un film d’eau entre les couches de cristaux et la matrice amorphe du bonbon. Ils ont aussi mis en évidence que la teneur en eau de cette couche cristalline est identique à celle de la matrice amorphe. Enfin, leurs travaux font apparaître que, pour une teneur en sucres totaux Photothèque CEDUS De nombreux chercheurs ont examiné les “verres” obtenus avec du saccharose, notamment Roos (1986) par des techniques de calorimétrie différentielle ainsi que Chinachoti et Steinberg (1982) par des analyses de diffraction de rayons-X. L’objectif est de déterminer la température de transition vitreuse et la température de recristallisation. Ces résultats correspondent à des conditions de laboratoire et ne sont pas transposables au niveau de la production industrielle. Atelier de confiserie de chocolat. 75 La Cristallisation - 3ème Colloque - Paris, novembre 94 donnée, il existe une teneur en eau déterminée au delà de laquelle la vitesse de cristallisation augmente rapidement. Ce seuil de teneur en eau est un critère déterminant pour le processus de recristallisation. Ces valeurs seuils sont en outre étroitement liées à la température et chutent lorsque la chaleur du sucre amorphe augmente. Enfin, ces auteurs ont montré que la température de transition vitreuse est fonction de la teneur en eau résiduelle à l’issue de la fabrication, et non pas des proportions des matières sucrantes de la formulation. Nous devons donc prendre en compte un certain nombre de paramètres qui sont importants pour la production d’un sucre cuit, étant donné la structure particulière de la matrice amorphe : 1. la teneur en eau résiduelle est d’une importance capitale pour s’assurer que le produit restera stable sous une forme vitreuse 2. il existe un seuil de teneur en eau au delà duquel la cristallisation peut commencer 3. ce seuil peut varier si la température de stockage du produit fini se modifie 4. lorsque le saccharose recristallise, de l’eau est piégée entre la couche externe de cristaux et la matrice vitreuse du bonbon 5. cette couche de cristaux freine le départ d’eau libre vers l’air ambiant Ainsi, pour éviter tout risque de modification de l’aspect et de la structure vitreuse d’un sucre cuit par une recristallisation progressive de la masse du bonbon (phénomène de tournage), il est nécessaire de satisfaire à 5 conditions : 1. la teneur en eau résiduelle du bonbon doit être la plus basse possible 2. le sirop de base doit posséder une forte viscosité 3. l’agitation mécanique doit être limitée durant la fabrication 4. le produit fini doit être mis en forme et refroidi aussi rapidement que possible à l’issue de la cuisson 5. le sirop d’origine doit être mis au point pour présenter un niveau de sursaturation qui soit compatible avec les qualités attendues du produit fini. Conclusion La durée de vie d’un sucre cuit peut être augmentée en modifiant la formulation par une augmentation de la proportion de “non sucres”, notamment ceux qui possèdent une fraction plus 76 importante de polysaccharides. Les conditions de fabrication peuvent être modifiées pour éliminer plus d’eau du produit. Enfin, un conditionnement protégeant la confiserie de toute pénétration d’air humide est nécessaire. En cas de problèmes de qualité sur les produits finis, nous suggérons un examen en cinq points : compatibilité des ingrédients, proportions adéquates des ingrédients dans la formulation, conditions de fabrication, manutention à l’issue de la fabrication et stockage. Il faut enfin se rappeler que les besoins du client sont légèrement différents de ceux du fabricant. Un client souhaite acheter un produit dont l’aspect est agréable et qui possède une texture et un goût satisfaisant ; ce produit doit pouvoir se conserver et être accessible à un prix raisonnable. Le fabricant recherche un produit bien structuré, avec une acceptabilité maximale en termes de flaveur et de texture, mais permettant une forte capacité de production avec des coûts en matériel et en travail les plus bas. Ces objectifs ne sont pas trop difficiles à atteindre pour les sucres cuits mais le problème est bien différent pour ce qui concerne les autres types de confiserie. Bibliographie • Anon. (1980), Leatherhead Food Research Association, Report 338 5, Leatherhead, Royaume Uni. • Chinachoti (1982), Journal of Food Science, V.47, p.134 •Herrington T.M. et Branfield A.C. (1984), Journal of Food Technology, V.19, P.409 • Lees R. et Jackson E.B. (1983), Sugar Confectionery and Chocolate Manufacture, Pub. Blackie Acad. & Prof., Londres, Royaume Uni. • Makower B. et Dye W.B. (1956), Journal of Agric. and Food Chemistry, V.4, p.72 • Palmer K.J., Dye W.B., Black D. (1956), Journal of Agric. and Food Chemistry, V.4, p.77 • Roos Y. (1986), Journal of Food Science, V.51, p.684 • Thieme (1981), Séminaire ZDS 21 nov. 1981, Solingen, Allemagne.