Espaces pluriels de la parenté. Approches
Transcription
Espaces pluriels de la parenté. Approches
Appel à communication Espaces pluriels de la parenté Approches ethnographiques des (re)configurations publiques et privées dans le monde contemporain Entangled Kinship Spaces Ethnographic approaches of contemporary public and intimate (re)configurations Colloque international 20-21 octobre 2016, Université de Liège (Belgique) Les multiples systèmes, formes, catégories et pratiques de la parenté ont retenu l’attention des anthropologues comme une dimension centrale des façons dont les individus et les groupes humains conçoivent et vivent leurs rapports à eux-mêmes, aux autres, aux sociétés et au monde qui les entoure. Dans différents contextes et périodes historiques, des évolutions - tant démographiques, politiques, socio-culturelles, économiques, juridiques, scientifiques, médicales, ou encore relatives aux âges ou aux genres - ont contribué à sa (re)définition constante. Force est de constater que les innovations récentes concernant, entre autres, les technologies de procréation médicalement assistée (PMA) et de gestation pour autrui (GPA), ou les débats autour du « mariage pour tous » et de l’adoption par des couples du même sexe, ont parfois été interprétés en termes de profondes ruptures par rapport à des conceptions plus « traditionnelles » de la parenté (Cadoret 2007; Gross 2015), ce qui leur confère un certain caractère inédit et polémique (Gourarier & Mathieu 2016). D’un point de vue anthropologique, ces reconfigurations de la parenté témoignent de différentes modalités d’articulation entre le social et le biologique, faits de nature et faits de société, inné et construit, dans la définition de la parenté (Carsten 2004 ; Courduriès & Fine 2014 ; Godelier 2004 ; Grilli & Zanotelli 2011 ; Schneider 1980 ; Solinas 2010 ; Strathern 1992 ; Viveiros de Castro 2009). Cela amène à repenser la parenté dans toutes ses dimensions, du public à l’intime. Partant de l’anthropologie, et afin d’élargir le champ des réflexions empiriques, théoriques et épistémologiques, ce colloque invite à croiser les perspectives sur les (re)configurations contemporaines de la parenté dans les sciences humaines et sociales en privilégiant les approches ethnographiques. Les pistes de réflexion suggérées se répartissent selon deux axes principaux et non exclusifs. Le premier axe entend appréhender les manières dont la question des (re)configurations contemporaines de la parenté est posée dans différents espaces publics et intimes. Le second axe ouvre quant à lui un débat épistémologique sur les regards croisés et comparatifs entre divers contextes, thématiques ou disciplines en invitant à analyser les enjeux, apports et limites issus de tels travaux de recherche. Axe 1. Espaces pluriels de la parenté L’émergence récente de « nouvelles » formes et pratiques de la parenté semble bousculer certaines normes et modèles en vigueur, et ce de manière accentuée dans le contexte actuel de globalisation (Browner & Sargent 2011). Surgissent ainsi des ambivalences et contradictions entre des catégorisations sociales et juridiques et les manières dont celles-ci sont vécues au jour le jour (Fine & Martial 2010 ; Ouellette 2000 ; Théry 1998). Citons par exemple la complexité des parcours de parents-en-devenir pour recourir à l’usage de technologies génétiques et médicales de procréation (Franklin & Roberts 2006 ; Thompson 2005), des possibilités d’adoption internationale (Yngvesson 2007) ou des enjeux relatifs à la parentalité (Marquet, 2006), en l'occurrence la paternité (Martial 2012), maternité (Fonseca 2011 ; Hayden 2004), ou pluriparentalité dans des familles recomposées (Cadolle 2007 ; Martial 2003) ou géographiquement dispersées (Razy 2010). Par ailleurs, cela peut donner lieu à des échanges virulents lorsque ces ambivalences et contradictions sont portées dans l’espace public par des individus, familles et groupes divers. Qu’il s’agisse de manifestations pour l’ouverture du mariage aux couples homosexuels et la reconnaissance de différentes configurations homoparentales (Tarnovski 2012 ; Théry 2013) ou d’actions militantes de collectifs de parents d’enfants porteurs de handicap pour l’application des principes de l’inclusion (Ginsburg & Rapp 2001), ces démarches ont en commun de politiser la parenté pour mettre en cause les catégorisations imposées par la loi ou dominantes. Ce colloque a pour objectif de comprendre comment les différents traitements publics de la parenté s’infiltrent dans les conceptions, discours et pratiques de l’intime, mais aussi comment ceux-ci sont inversement négociés à partir des expériences vécues au quotidien. Il propose ainsi de s’intéresser aux articulations, désarticulations et réarticulations des « espaces » pluriels de la parenté, géographiques ou temporels, publics ou intimes, où se jouent aussi bien la structuration de l’ordre social et politique que les représentations et expériences quotidiennes. Quels sont ces espaces pluriels où la parenté est continuellement défaite, faite et refaite ? Quelles questions ces reconfigurations incessantes et variées posent-elles ? Dans ce cadre, il semble également opportun d’analyser les dynamiques de subjectivation et de désubjectivation individuelles et collectives relatives à la parenté (Wieviorka 2012). C’est en effet par celles-ci que se façonnent les sujets, leurs identités, citoyennetés et capacités d’agir, ainsi que les enjeux pour la construction de ces subjectivités, en ce qu’elles constituent un espace significatif de médiation entre le politico-social et les états et émotions intimes (Agier 2012). Axe 2. Approches ethnographiques des (re)configurations contemporaines Un second objectif de ce colloque est de faire le point sur le champ d'étude de la parenté dans les sciences humaines et sociales, et plus particulièrement en anthropologie. Durant les dernières décennies, les études classiques ont fait face à une remise en question (Collard 2000 ; Courduriès & Herbrand 2014). Cela a notamment conduit à dévoiler l’ethnocentrisme à leur base (Geffray 1990 ; Meillassoux 2000 ; Strathern 1992) et certaines limites des théories interprétatives qui en sont issues (Schneider 1984). Les chercheurs_es ont également exploré de nouveaux terrains et thématiques afin d'aborder les « nouvelles » formes et pratiques de la parenté, revisitant des théories et concepts classiques telles la filiation et l'alliance (Godelier 2004 ; Goody 2001 ; Segalen & al. 2002). Comment les études de la parenté peuvent-elles être repensées pour faire face aux « défis contemporains » (Bamford & Leach 2009 ; Porqueres i Gené 2009) ? Comment saisir par des approches ethnographiques les articulations, désarticulations et réarticulations entre principes politico-juridiques, actions publiques, et expériences intimes ? Comment diversifier les angles d’observation afin de dépasser les approches dualistes entre études des structures et ethnographies des pratiques quotidiennes (Morgan 1996) ou de la « parenté pratique » (Weber 2005) ? Ou encore, quels sont les enjeux, apports et limites des perspectives comparatives entre divers contextes, thématiques ou disciplines – dont l’anthropologie de la parenté, la sociologie de la famille, les Kinship studies, les Gender studies, ou encore les Science and Technology Studies ? Alors que la parenté est continuellement réinventée sur différents modes, répétitifs ou créatifs – comme celui du « Make Kin Not Babies ! » d’Haraway (2015) qui invite à inclure dans le concept une myriade de temporalités et de spatialités, d’entités humaines ou autres – les chercheurs_es sont invités_es à réfléchir à la pertinence de leurs approches empiriques, théoriques et épistémologiques sur les dynamiques contemporaines de (re)configuration de la parenté. Modalités de participation L’appel à communication s’adresse aux chercheurs_es en sciences humaines et sociales dont les travaux traitent des (re)configurations de la parenté dans le monde contemporain, quelle que soit la discipline, la thématique et le terrain dans lesquels ils s’inscrivent. Les intéressés_es sont invités_es à envoyer avant le 25 mai 2016 un résumé de leur communication en français ou en anglais d’une longueur maximale de 500 mots, accompagné des renseignements relatifs à leur statut, affiliation, et coordonnées de contact à l’adresse suivante : [email protected]. Les notifications d’acceptation ou de refus seront envoyées le 30 juin. Le colloque sera bilingue. Il aura lieu les 20 et 21 octobre 2016 à l’Université de Liège (Belgique). Des informations plus détaillées concernant le programme et les keynote speakers seront données en temps voulu. Les frais de déplacement et d’hébergement seront à la charge des participants. Contacts Pour toute information complémentaire, veuillez contacter le comité organisateur à l’adresse : [email protected] Comité scientifique Natacha Collomb (Chargée de recherches CNRS, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux, Paris, France) Fanny Duysens (Doctorante, Centre de recherches SPIRAL & Laboratoire d’Anthropologie Sociale et Culturelle, Université de Liège, Belgique) Jacques Marquet (Professeur ordinaire, Institut d’analyse du changement dans l’histoire et les sociétés contemporaines, Université Catholique de Louvain, Belgique) Agnès Martial (Chargée de recherche CNRS, Centre Norbert Elias, Marseille, France) Elodie Razy (Chargée de cours, Laboratoire d’Anthropologie Sociale et Culturelle, Université de Liège, Belgique) Alice Sophie Sarcinelli (Chargée de recherches F.R.S.-FNRS, Laboratoire d’Anthropologie Sociale et Culturelle, Université de Liège, Belgique) Flavio Luiz Tarnovski (Professeur Adjoint, Universidade Federal do Mato Grosso, Cuiaba, Brésil) Comité organisateur Fanny Duysens (Doctorante, Centre de recherches SPIRAL & Laboratoire d’Anthropologie Sociale et Culturelle, Université de Liège, Belgique) Jacques Marquet (Professeur ordinaire, Institut d’analyse du changement dans l’histoire et les sociétés contemporaines, Université Catholique de Louvain, Belgique) Elodie Razy (Chargée de cours, Laboratoire d’Anthropologie Sociale et Culturelle, Université de Liège, Belgique) Alice Sophie Sarcinelli (Chargée de recherches F.R.S.-FNRS, Laboratoire d’Anthropologie Sociale et Culturelle, Université de Liège, Belgique) Charlotte Simon (Etudiante de Master en Anthropologie, Faculté des Sciences Sociales, Université de Liège, Belgique) Références Agier M., 2012, « Penser le sujet, observer la frontière. Le décentrement de l’anthropologie », L’ Homme, 203-204, pp. 51-76. Bamford S., Leach J. (Eds.), 2009, Kinship and beyond. The genealogical model reconsidered, Oxford, Berghahn. Browner C. H., Sargent C. F. (Eds.), 2011, Reproduction, Globalization, and the State. New theoretical and ethnographic perspectives, Durham & London, Duke University Press. Cadolle S., 2007, « Allons-nous vers une pluriparentalité ? L'exemple des configurations familiales recomposées », Recherches familiales, 1(4), pp. 13-24. Cadoret A., 2002, Des parents comme les autres. Homosexualité et parenté, Paris, Odile Jacob. Cadoret A., 2007, « L'apport des familles homoparentales dans le débat actuel sur la construction de la parenté », L' Homme, 3 (183), p. 55-76 Carsten J., 2004, After kinship, Cambridge, Cambridge University Press. Collard C., 2000, « ‘Kinship Studies’ au tournant du siècle », L’ Homme, 154-155, pp. 635-658. Courduriès J., Herbrand C., 2014, “Gender, kinship and assisted reproductive technologies: future directions after 30 years of research”, Enfances, Familles, Générations, 21, pp. xxviii-xxiv. Fine A., Courduriès J., (Eds.), 2014, Homosexualité et parenté, Paris, Armand Colin. Fine A., Martial A., 2010, « Vers une naturalisation de la filiation ? », Genèses, 1 (78), pp. 121-134. Fonseca C., 2011, “The De-Kinning of Birthmothers. Reflections on Maternity and Being Human”, Vibrant – Virtual Brazilian Anthropology, 8 (2), pp. 307-339. Franklin S., Roberts C., 2006, Born and Made. An Ethnography of Preimplantation Genetic Diagnosis, Princeton, Princeton University Press. Geffray C., 1990, Ni père ni mère. Critique de la parenté : Le cas Makhuwa, Paris, Seuil. Ginsburg F., Rapp R., 2001, “Enabling Disability: Rewriting Kinship, Reimagining Citizenship”, Public Culture, 13, pp. 533-556. Godelier M., 2004, Métamorphoses de la parenté, Paris, Fayard. Goody J., 2001, La Famille en Europe, Paris, Seuil. Gourarier M., Mathieu S., 2016 (à paraître), « Des parentés contemporaines ? », Journal des Anthropologues, 144-145. Grilli S., Zanotelli F., 2011, Scelte di famiglia. Tendenze della parentela nella società contemporanea, Pisa, Edizioni ETS. Gross M. (Ed.), 2015, « Homoparentalités, transparentalités et manifestations de la diversité familiale : les défis contemporains de la parenté », Enfances, Familles, Générations, 23. Haraway D., 2015, “Anthropocene, Capitalocene, Plantationocene, Chthulucene: Making Kin”, Environmental Humanities, 6, pp. 159-165. Hayden C.P., 2004, “Gender, genetics, and generation: reformulating biology in lesbian kinship”, in Parkin D., Stone L. (Eds.), Kinship and Family. An Anthropological Reader, pp. 378-394. Marquet J. (Ed.), 2006, L’évolution contemporaine de la parentalité, Bruxelles, Politique Scientifique Fédérale, Academia Press. Martial A., 2003, S’apparenter. Ethnologie des liens de familles recomposées, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme. Martial A., 2012, « Paternités contemporaines et nouvelles trajectoires familiales », Ethnologie française, 42, pp. 105-116. Meillassoux C., 2000, « Parler parenté », L’ Homme, 153, pp. 153-164. Morgan D.H.J., 1996, Family Connections. An Introduction to Family Studies, Cambridge, Polity Press. Ouellette F.R., 2000, « Parenté et adoption », Sociétés contemporaines, 38 (1), pp. 49-65. Porqueres i Gené E., 2009, Défis contemporains de la parenté, Paris, Editions EHESS. Razy É., 2010, « La famille dispersée : une configuration pluriparentale oubliée ? », L’ Autre, 11 (3), pp. 331-339. Schneider D., 1984, A Critique of the Study of Kinship, Ann Arbor, University of Michigan Press. Segalen M., Lapierre N., Attias-Donfut C., 2002, Le nouvel esprit de famille, Paris, Odile Jacob. Solinas P.G., 2010, La famiglia. Un'antropologia delle relazioni primarie, Roma, Carocci Editore. Strathern M., 1992, After nature. English kinship in the late twentieth century, Cambridge, Cambridge University Press. Tarnovski F., 2012, « Devenir père homosexuel en France: la construction sociale du désir d’enfant », Etnográfica, 16 (2), pp. 247-267. Théry I., 1998, Couple filiation et parenté aujourd’hui : Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée. Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au garde des Sceaux ministre de la Justice, Paris, Odile Jacob. Théry I. (Ed.), 2013, Mariage de même sexe et filiation, Paris, Editions de L’EHESS. Thompson C., 2005, Making Parents. The Ontological Choreography of Reproductive Technologies, Cambridge & London, MIT Press. Viveiros de Castro E., 2009, “The gift and the given: three nano-essays on kinship and magic”, in Bamford S., Leach J. (Eds.), Kinship and beyond: the genealogical model reconsidered, Oxford, Berghahn Books, pp. 237-268. Weber F., 2005, Le sang, le nom, le quotidien. Une sociologie de la parenté pratique, Paris, La Courneuve, Aux lieux d’être. Wieviorka M., 2012, « Du concept de sujet à celui de subjectivation/dé-subjectivation », Fondation Maison des Sciences de l’Homme, 16. Yngvesson B., 2007, “Refiguring Kinship in the Space of Adoption”, Anthropological Quarterly, 80 (2), pp. 561-579.