Warnier - Mondialisation de la culture

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Warnier - Mondialisation de la culture
Jean-­‐Pierre WARNIER – La mondialisation de la culture (Quatrième édition) Edition : La Découverte, Collection : Repères, 1999 – rééditions 2003, 2007 INTRODUCTION : Le père Noël s’est-­‐il globalisé ?  Mondialisation de la culture = circulation de produits culturels à l’échelle globale  réactions contrastées : soit les promesses d’une planète démocratique unifiée par une culture universelle soit la cause d’une inéluctable perte d’identité soit un militantisme afin d’affirmer ses particularismes.  Rencontre de l’argent et des biens culturels sur un marché  polémique !  Octobre 2005 : Unesco  vote de la « Déclaration universelle sur la diversité culturelle ». I/. Art zen contre Titanic  Problèmes de la mondialisation de la culture se posent dans l’espace ouvert par cette différence : Que pèsent les cultures du monde face à l’assaut des industrie de la culture ?  « Culture » et « civilisation » = « totalité complexe qui comprend les connaissances, les croyances, les arts, les lois, la morale, la coutume, et toute autre capacité ou habitude acquise par l’homme en tant que membre de la société. » (Edward Taylor, 1871).  Culture se caractérise par son monde de transmission, que l’on désigne comme tradition. Tradition = « ce qui passé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante et acceptée par ceux qui la reçoivent et qui, à leur tour, au fil des générations, la transmettent. » (Pouillon, 1991).  Mondialisation de la culture est une conséquence du développement industriel.  Industrie fait intrusion dans cultures-­traditions et les transforme, voire les détruit. Cette intrusion est l’occasion de conflits.  Cultures anciennes // tradition ≠ cultures industrielles // innovation. LES CULTURES ET LA TRADITION  Aucune culture-­‐tradition non rattachée à une société donnée.  Aucune société-­monde sans culture propre. Toute culture est socialisée.  Au regard de la mondialisation, les cultures sont localisées.  Cultures sont singulières, extraordinairement diverses, et localisées (géographiquement parlant dans la majorité des cas mais peut revêtir dimension plus sociale que spatiale // diasporas).  Culture // langue. Assimiler une culture = assimiler une langue.  Communauté linguistique = groupe formé de locuteurs d’une même langue, qui se comprennent entre eux. Ces communautés sont des groupes pertinents dans le cadre des flux culturels à l’échelle du globe. La culture identificatrice  Langue et culture sont au cœur des phénomènes d’identité.  Identité = ensemble des répertoires d’actions, de langue et de culture qui prennent à une personne de reconnaître son appartenance à un certain groupe social et s’identifier à lui.  Dans le cadre de mondialisation de la culture, un même individu peut assumer des identifications multiples.  Tradition = ce par quoi se transmet la culture (dès l’enfance).  Identification individuelle et collective par la culture a pour corollaire la production d’une altérité par rapport aux groupes dont la culture est différente. La culture-­boussole  Culture, tradition et processus d’identification  fonction de boussole ou d’orientation.  Orientation = capacité que possède la culture à établir des rapports significatifs entre les éléments de l’environnement. 1  Culture = capacité à mettre en œuvre des références, des schémas d’action et de communication. La culture vivante  Langues et cultures changent car sont immergées dans turbulences de l’histoire. Afin d’assumer leur fonction d’orientation, elles doivent intégrer le changement.  Diversité culturelle contraste avec la diffusion planétaire des produits culturels de l’industrie qui ont largué leurs amarres locales. L’INDUSTRIE COMME CULTURE Les contacts interculturels à l’heure du machinisme  « Industrie culturelle » // 1947, Adorno et Horkheimer (école de Frankfurt). Pour eux, industrie culturelle = négative car cette modernité est incapable de transmettre une culture atteignant les sujets dans leurs profondeurs // création artistique mise en péril.  Flichy, Miège et Tremblay  industries culturelles nécessitent de gros moyens, mettent en œuvre des techniques de reproduction en série, travaillent pour le marché = marchandassent la culture et sont fondées sur une organisation du L de type capitaliste.  Industries culturelles = activités industrielles qui produisent et commercialisent des discours, sons, images, arts « et toute autre capacité ou habitude acquise par l’homme en tant que membre de la société. » Les produits industriels comme biens cultures  Chaque culture-­tradition possède ses propres pratiques dans les domaines des techniques du corps, de la culture matérielle, des mœurs.  Produits de la production industrielle de biens de consommation sont en concurrence avec produits des cultures locales.  Industrie = culture car c’est juste une culture-­tradition dotée d’une puissance diffusion planétaire, l’industrie.  Au sens du ministère ou des industriels de la culture, cette-­‐dernière est ce qui se réduit à la culture du patrimoine et à la création artistique et littéraire.  Au sens des ethnologues, la culture = l’ensemble de ce qui est appris par chaque humain en tant que membre d’une société.  Biens culturels industrialisés submergent l’ensemble du globe // phénomène récent.  Fait culture // dynamique du changement et de la mobilité ≠ statique ou essentialiste. II/. Les cultures au passé antérieur LA M OBILITE HUMAINE : CONTACTS ET DIVERSIFICATION  Mobilité a permis à l’humanité d’être rapidement la seule espèce animale vraiment planétaire tout en conservant son unité biologique.  Apparition de l’ « agri-­ « culture » » (-­‐15000/-­‐6000 ans) // Culture urbaine se distingue de celle du village car ville = lieu de mélanges, de contacts, d’échanges, de communication et de production culturelle intense qui se nourrit des surplus agricoles villageois.  Selon Simmel, l’argent est le plus grand destructeur des « formes » sociales et culturelles car il permet la relation d’échange alors même que les sujets ne se connaissent pas et ne parlent pas la même langue.  Progression de l’économie de marché car : création de la monnaie (2000 av-­‐JC), définition culturelle d’une catégorie de biens susceptibles d’être achetés et vendus (≠ biens du patrimoine) et intensification de la division sociale du L et de la spécialisation régionale des productions.  Biens vendus ou achetés ≠ biens inaliénables qui définissent l’identité du groupe.  Faire le lien social : biens inaliénables (identificateurs) + biens aliénables VERS UN « SYSTEME-­MONDE »  Premier éléments de mise en réseau systémique de communautés locales en Mésopotamie du Sud il y a 5500 ans. Par la suite, nœuds d’échange se développent en Méditerranée orientale, en Égypte, dans l’océan Indien occidental et oriental. 2  Premier grand « système-­monde » fonctionnant de manière synchrone apparaît à l’époque où la Chine joue un rôle commercial moteur, dominant au tournant de l’ère chrétienne. C’est le système eurasiatique et africain centré sur l’océan Indien.  « Système-­monde » car constitue un univers à lui tout seul avec toutes les dimensions de l’économique, du politique, du religieux et du culturel.  Marcel Mauss : échange de biens aliénables par don, troc ou échanges marchands était l’élément fondamental du lien social.  Mobilité // envie d’aller voir ailleurs, de voyager, de découvrir  Première RI (1760-­‐1830) : « système-­monde » se recentre sur l’Atlantique, et l’Europe puis le pourtour de l’Atlantique Nord remplacent la Chine comme moteur du système.  XXI siècle : centre de gravité du « système-­‐monde » semble retourner en Asie.  Mobilité des humains // dispersion et diversification culturelles et linguistiques des groupes locaux + contacts entre ces groupes.  « Systèmes-­mondes » // économies-­mondes et cultures-­mondes. L’HUMANITE : UNE M ACHINE A FABRIQUER DE L’IDENTITE ET DE LA DIFFERENCE  Cultures-­mondes, fondées sur échanges et communication, sont des machines à produire de la différence et de l’homogénéité culturelle.  Échanges alimentent la diversification culturelle car alimentent les communautés locales et leur permettent de vivre et de se reproduire. Ces communautés transmettent un patrimoine inaliénable qui est facteur de différenciation et d’identité.  Transports = techniques qui permettent de déplacer dans personnes et dans biens d’un endroit à un autre.  Communications liées aux contacts et à la diffusion culturels car la culture ne se réduit pas à l’information.  Transports + communications sont essentiels au développement des échanges marchands.  Pour que techniques de transport et de communication marchent, il faut une dynamique sociale, une culture technique et une transmission des savoirs + une ingénierie politique = une ou des cultures. CONTACTS, ETHNOCENTRISME, ACCULTURATION  Réseaux marchands se doublent de réseaux culturels intenses.  Conditions des cultures du monde : fragmentation culturelle et linguistique de l’humanité reste à l’extrême et partout dans le monde les société de la tradition sont incluses dans des maillages de transports et de communications qui sont des vecteurs d’hégémonies régionales.  Transformations sociales et techniques s’accompagnent d’un immense effort intellectuel et réglementaire pour comprendre et canaliser les contacts et les changements culturels.  Fin de la première RI : tendance à l’uniformisation culturelle sous l’hégémonie européenne semblait irrésistible. III/. Les cultures au passé simple : les industries contre les traditions  Les trois RI ont eu un impact culturel mondial dans trois domaines : celui des technologies impériales, celui des cultures matérielles et celui de la diversité des civilisations soumises à la pression des industries culturelles. LES TECHNOLOGIES IMPERIALES  Supériorité scientifique et industrielle dont l’Europe avait vivement conscience avérait le schéma évolutionniste.  Europe n’a innové ni sur le principe d’expansion impériale ni sur l’existence d’un projet culturel.  Impérialisme européen // ingénierie politique efficace mobilisant les ressources industrielles.  Plus les échanges mondiaux se sont développés, plus les marines marchandes se sont développées.  Poussée impériale a survécu jusqu’à la seconde moitié du XX siècle. 3 LES TRANSFORMATIONS D E LA CULTURE M ATERIELLE  Production industrielle a donné naissance à l’approvisionnement de masse qui est impliquée dans les relations sociales, les activités culturelles et les subjectivités.  Trois secteurs sont particulièrement chargés culturellement : les transports, individuels et collectifs, les techniques ménagères de soin du corps, du vêtement, de l’habitat, du propre et du sale et l’agroalimentaire.  En développant la culture matérielle et en la proposant dans le monde entier, l’industrie européenne a répondu à des attentes. Elle a transformé les cultures du monde. LES INDUSTRIES CULTURELLES ET LES M EDIAS  Développement industriel européen // essor des industries de la culture.  1840-­‐1900 : mise en place des éléments de base des industries culturelles et de la mobilité des personnes et des choses // ère nouvelle de l’humanité.  1998 et 2000 : Unesco  L’état de la culture dans le monde = outil de travail pour réflexion sur le devenir des cultures du monde face à la globalisation des flux culturels industrialisés.  Helmut Anheier et Yudhishthir Raj Isar : The Culture and Globalization Series (2007) = « GAGS »  Industries culturelles proposent une offre globalisée. La réception est, elle, localisée.  « Industries culturelles » = grands multinationales MAIS AUSSI autres opérateurs bénéficiant des outils fournis par l’industrie comme les États, organismes de recherche, fondations culturelles, ONG internationales, diverses religions du monde par exemple.  ONG = action qui ruine peu à peu les cultures du monde.  Les trois RI // basculement du centre de gravité politique, économique et culturel de l’océan Indien vers l’Atlantique Nord // hégémonie culturelle européenne en puissance.  Marshall Macluhan disait des industries de la communication : « Medium is message. » Medium issus des trois RI et sont en rupture avec ceux mis en œuvre par les sociétés de la tradition.  Medium industriel = message = « les cultures de la tradition doivent disparaître pour laisser place à la culture industrialisée. »  Géants des médias forment des réseaux internationaux // lourde responsabilité MAIS bénéfice des NTIC (nouvelles techniques de l’information et de la communication) qui ont permis au industriels de la culture de combiner plusieurs supports, contenus, médias. CULTURES DU M ONDE ET DIVERSITE CULTURELLE : M EME COMBAT  Disparition de pans entiers de la diversité.  Sociétés de traditions sont en rivalités face à la biodiversité et la création culturelle. IV/. L’adieu aux traditions  Gobineau ne faisait la distinction entre « race » et « ethnie » MAIS est très éloigné du racisme.  Pour Gobineau, âge d’or des cultures humaines = Aryens primitifs qui se sont perdus par métissage. LA DIVERSITE CULTURELLE EN HERITAGE  Pour anthropologues, dans l’espèce humaine, la culture > le patrimoine génétique dans l’adaptation à des environnements divers.  Il existe trois mécanismes de diversification culturelle : biotopes ; pluralité des choix adaptatifs des société au sein d’un même biotope et le talent de création culturelle de l’humanité.  Aucune culture ou société ne survie sans donner une création culturelle permanente.  Industrie  affranchissement des contraintes environnementales. LES DECLINAISONS DE LA DIVERSITE  Diversité en matière d’habitat, de mobilier, de cuisine, de vêtement/parure, de productions artistiques et de technique de production et de transformation des matériaux. LES UNIVERS SYMBOLIQUES ET RELIGIEUX  Religions sont nées là où il y avait un fort brassage des personnes et des univers culturels. 4  Cultures corporelles et matérielles des religions sont diversifiées ++. LE PATRIMOINE CULTUREL DE L’HUMANITE  Notion de patrimoine culturel née à la fin du XVIII siècle.  Notion moderne de patrimoine est directement issue de l’aventure européenne et partout en Europe elle a imposée des politiques du patrimoine menés par des organismes publics.  Patrimoine  pratiques d’inventaire, de restauration et de protection du patrimoine local, national et mondial.  Ethnologues analysent et documentent les dynamiques culturelles. L’UNESCO ET L’INVENTAIRE DU PATRIMOINE M ONDIAL  Naissance de l’Unesco en novembre 1945. (Aujourd’hui, 190 membres).  Projet : prendre la culture et l’éducation comme moyens au service d’une paix dont chaque partie prenante se faisait une idée différente.  Unesco active dans domaines du patrimoine mondial et défense de la diversité culturelle  financement de campagne de sauvetage et de conservation.  Unesco met en réseau toutes les ressources documentaires à l’échelle mondiale (www.unesco.org).  Unesco travaille avec ICOMOS qui est une ONG de professionnels de la conservation. TOUTES LES CIVILISATIONS SE VALENT-­ELLES ?  Stade le plus avancé = « civilisation occidentale » OU, pour Marx, le stade communiste (disparation de la société de classes et de l’État ainsi que libération des forces productives industrielles.)  Pour d’autres, toutes les civilisations ne se valaient pas et la meilleure appartenait au passé.  Entre deux guerres, chez les anthropologues américains, naissance du relativisme culturel qui nie toute universalité de l’esprit humain. Ce relativisme culturel = tout trait culturel n’a de validité qu’à l’intérieur de son contexte d’usage.  Aujourd'hui, ethnologues d’accord pour dire que toutes les cultures ne se valent pas (ex : esclavagisme).  Presque toutes les cultures mêlent du bon et du moins bon.  Aujourd'hui, consensus assez large sur préservation du patrimoine.  Depuis RI, rien ne sera plus comme avant, les cultures de traditions sont moribondes. V/. Les politiques de la diversité  Toutes les sociétés ont pris part aux flux internationaux initiés par la globalisation. REVITALISATION DES TRADITIONS ET POLITIQUES CULTURELLES  Réinvention des traditions et de création culturelle en fonction des trajectoires locales du politique et du culturelle.  Effacement des cultures de tradition  émergence de politiques culturelles d’où maintien de la diversité.  Politique culturelles se fondent sur trois constats : les activités culturelles sont une branche importante de l’économie ; le domaine des activités culturelles inclut les médias et les industries culturelles et la transmission des traditions culturelles s’appuis sur le patrimoine hérité du passé. LES POLITIQUES EDUCATIVES  École = enjeu culturel majeur partout dans le monde car sous couvert d’enseignement, une politique culturelle forte est soumise à un projet national. C’est un projet économique, politique et culturel.  Occident  mythes d’innovations culturelles  production de science moderne comme fait de culture. Science = connaissance à valeur universelle ET produit culturel de l’Occident.  Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a longtemps été beaucoup mieux maitrisé dans les pays d’Occident ce qui fait que les étudiants des pays du tiers monde se sont déplacés en Occident et se sont acculturer à cet Occident et à ses langues MAIS la situation est en train de changer. 5  Histoire contemporaine // conflits culturels voire ethnocides.  Politiques culturelles de l’éduction ne peuvent prendre en compte les particularismes que si ces-­‐derniers ne représentent pas une menace d’irrédentisme politique et ne sont pas mourants.  Dans les pays pauvres, linguistiquement fragmentés, la plupart des politiques éducatives sont brutalement unificatrices.  État = rôle central dans les politiques culturelles et sont donc responsables de l’ethnocide de leurs propres minorités mais cela conduit à l’ouverture de brèches dans les défense identitaires qui permet aux produits des industries culturelles de s’engouffrer. LA CULTURE, UNE AFFAIRE D’ÉTAT  Politiques culturelles // questions de droit.  Droit relatif aux activités culturelles est un terrain d’affrontements durables et profonds sur la liberté d’expression.  Mondialisation des flux culturels et marchands  législation changeante ET élaboration de droits régionaux ou mondial de la culture.  État doit définir une politique culturelle pour arbitrer entre sauvegarde du patrimoine et intérêts des industries culturelles MAIS conflits subsistent. LES POLITIQUES M ONDIALES DU COMMERCE CULTUREL  Organisations commerciales comme OMC ont donc un rôle majeur : établir les règles du jeu des échanges commerciaux à l’échelle mondiale. (industries culturelles = commerce).  2005 : Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle voté à l’unanimité par les pays membres, sauf Etats-­‐Unis et Israël.  Cette déclaration donne une définition de la culture et affirme que tout peuple a un droit inaliénable à préserver son patrimoine culturel. De plus, elle affirme que les cultures du monde font partie du patrimoine commun de l’humanité.  « Diversité culturelle »  problème car elle risque d’être revendiquée par des régimes politiques et par des groupes caractérisés par une idéologie d’intolérance, personnalisation du pouvoir, censure, autodafés, contrôle des médias et de la culture. (ex : Iran).  De ce fait, est précisé dans la déclaration que : une minorité ou un État ne peuvent se réclamer de la diversité pour affirmer leur différence et revendiquer une pratique qu’à l’intérieur du périmètre défini par le respect des droits de l’homme. LE VER DE L’ARGENT AU CŒUR DU FRUIT PATRIMONIAL  Patrimoine = ce qui est déjà là avant que les enfants n’arrivent pour en hériter.  Patrimoine // actes des créations.  Capacité de création dépendante des moyens mis en œuvre = question économique.  Capacité créatrice d’un groupe social ne peut être maintenue qu’au prix d’une mutualisation des coûts.  Création ≠ logiques marchandes DONC seule manière de mutualiser les coûts et les risques de la création = service public et responsabilité de l’État. VI/. Un foisonnement de créations culturelles UNE FUNESTE ILLUSION D’OPTIQUE Le local et le global  Edmund Leach, en 1970, affirmait que l’unité culturelle de l’espèce humaine est une chimère.  Circulation des biens culturels à l’échelle planétaire est un fait de communication.  Point de vue global sur la mondialisation de la culture isole les produits culturels de leur contexte, les agrège par catégories et en quantifie la production et la distribution à l’échelle de la planète.  Du point de vue local, la consommation culturelle appartient au contexte des activités multiples et quotidiennes d’une communauté.  Débat sur mondialisation de la culture est victime d’une illusion d’optique qu’il faut révéler et dénoncer. 6 L’invention de la différence  Identifications en antagonismes politiques s’articulent avec alliances et conflits politiques.  Identifications culturelles sont fonction des rapports de pouvoir et doivent faire l’objet d’un déchiffrement politique.  Cornelius Castoriadis (1975) : imagination = facteur de diversification culturelle et sociale à l’infini à proportion de la fragmentation des groupes. Elle instrumentalise la consommation de masse afin de produire de l’identité et de la différence.  Standardisation de la production ≠ homogénéisation de la consommation.  Consommation est devenue un espace de production culturelle car pratiques singulières du consommateur individuel ou d’un ménage.  Le véritable problème est l’éclatement et dispersion des références culturelles et non l’homogénéisation ! LES REVENDICATIONS IDENTITAIRES : CHOC DES CULTURES OU CONFLITS POLITIQUES ?  Questions posées par la fragmentation et les brassages culturels émergent dans le débat politique sous la forme de revendications identitaires.  Pratiques des franges minoritaires de certaines religions ne sont qu’une manifestation particulièrement vindicative d’un phénomène banal de fidélité à la tradition.  Samuel Huntington (1996) : culture et identité sont les facteurs explicatifs des conflits à l’échelle planétaire.  Jean-­‐François Bayart (2004) : le politique fournit la clé de déchiffrement des facteurs identitaires. Faits de coopérations et de conflits qui caractérisent l’action en société mobilisent et structurent les identifications culturelles en fonction des intérêts des groupes et des catégories sociales.  Ignacio Ramonet (1997) : approche globalisante de la géopolitique mondiale qui est subordonnée aux faits culturels. Crainte du développement d’une « pensée unique » qui serait le fait du libéralisme économique imposé par le pouvoir des entreprises multinationales.  Débat sur les risques d’américanisation de la planète = faux débat inscrit dans les angoisses de l’imaginaire !  Humanité = machine à fabriquer de la différence. VII/. Les cultures au futur LA PRODUCTION DE « RECITS »  Tout groupe social, tout pays, toute nation produit à son propre endroit un ou plusieurs récits qui visent à définir le groupe concerné en rendant compte de ce qu’il est, de ses origines, de ses aspirations, de ses capacités, de son avenir. Récits sont au cœur de la culture du groupe dans ses fonctions d’identification et de boussole.  Chaque société de la tradition a produit un récit.  Chaque État a son récit. (ex : récit de a fondation de Rome ou des cités grecques). Chaque Empire a son récit impérial qui concerne une dynastie ou un peuple élu fédérant autour de lui une mosaïque d’autres peuples aux statuts différenciés.  Quels que soient le pays, la classe sociale, le récit de la modernisation a été validé partout dans le monde (ou presque). Il est universel. LA CRISE DES RECITS (DEBUT DU XX SIECLE)  Globalisation des flux pèse sur récits de la tradition, trop particularistes. MAIS dans le même temps, elle ne fournit aucun récit de rechange car flux sont trop complexes et trop volumineux qu’aucun individu ni même aucun groupe au monde ne peut s’en faire une représentation adéquate.  Essor des pays émergents a remis en cause le grand récit de l’hégémonie occidentale et de ses valeurs de civilisation.  Conflits armés endémiques rendent de moins en moins crédible les récits de ceux qui les mènent c'est-­‐à-­‐dire les récits impériaux de civilisation, de la « bonne gouvernance » ou de la 7 « démocratie » qui ne servent qu’à masquer des intérêts économiques et stratégiques la plupart du temps. (ex : guerre en Irak menée par les Etats-­‐Unis et la Grande-­‐Bretagne).  Crise environnementale ruine le récit de la modernisation en tant que progrès socio-­‐
économique indéfini et sans nuisance.  Des minorités conservent tout de même leur identité en adoptant le récit de la modernité et en le tournant à leur profit.  Globalisation des flux = renforcement de l’appareil de contrôle dont l’État dispose pour limiter les migrations, surveiller les minorités, renforcer ses capacités militaires dans un monde conflictuel. MAIS récit de l’État-­‐Providence garant du bonheur de tous les citoyens travers une crise profonde.  Récit impérial européen n’aura tenu que de 1880 à 1917. Il meurt avec la doctrine de Wilson et la création de la SDN.  Récit de la modernité est porteur d’espoirs immenses mas devra être reformulé pour survivre car il est beaucoup trop occidental, athée et lié à la crise environnementale. IL N’Y A PAS DE M ONDIALISATION CULTURELLE  Titre de ce livre a été imposé par la maison d’édition. À la base, il aurait du s’appeler « Le non-­‐
mondialisation de la culture »  illustration de la tension entre logique commerciale de l’éditeur et logique plus culturelle de l’auteur.  Il y a, tout au plus, une globalisation de certains marchés des biens dits « culturels » comme le cinéma ou le disque.  Humanité reste aujourd'hui une machine à fabriquer de la différence et donc des clivages.  Marché = moyen d’échange globalisé. Il joue donc un rôle irremplaçable.  Machine à produire de la différence semble s’emballer sous la pression des inégalités croissantes, de la pauvreté, de la compétition pour le pouvoir, de la disqualification des instances politiques.  Mise en réseau de la diversification ruine tous les grands récits, quelque soit leur nature. QUELS RECITS CULTURELS POUR L’AVENIR ?  Perspective d’un émiettement culturel en l’absence de tout récit, de doute mise en intrigue de ce que pourrait être la vie humaine sur la Terre à l’avenir, et qui dégagerait des énergies en donnant envie de s’y projeter.  Récits concernant l’avenir doivent prendre en compte les innovations considérables et indispensables dans les domaines des cultures techniques, des cultures politiques et de la culture matérielle de la vie quotidienne.  Récit de la modernité jouissait d’une certaine autonomie par rapport à toutes les utopies. Elle était pragmatique et neutre sur le plan religieux.  Seul le projet d’une modernité dégagée de sa matrice occidentale est susceptible d’un partage global mais ce n’est pas acquis. Cette modernité serait compatible avec la diversité religieuse, culturelle et linguistique. Elle serait internationaliste. QUELS AUTEURS POUR UNE M ISE EN RECIT DE L’AVENIR DES CULTURES ?  Les récits sont le plus souvent été des œuvres collectives et anonymes faites de myriades d’innovations cumulatives et de tri.  Au XXI siècle, la mise en récit des cultures n’a plus été faite depuis bien longtemps alors que la globalisation a mis en relation l’humanité entière. Le travail a accomplir est colossal et complexe, il doit se faire à tous les niveaux : global et local.  Un nouveau récit du monde exige une masse énorme d’innovations dans les technologies, les styles de vies, les organisations politiques et sociales.  Tout citoyen est impliqué mais il existe des moteurs comme les prix Nobel.  Il n’y a pas de soucis à se faire quant à ces innovations car l’humanité est créatrice MAIS cette activité nécessite beaucoup de moyens et de la liberté. Or, sur ces deux plans, l’avenir est plutôt sombre.  Il faut que les politiques publiques travaillent main dans la main avec les initiatives financières privées. 8  L’argent est nécessaire. Le marché possède des avantages énormes et l’humanité ne peut se priver d’un tel instrument MAIS les raisonnements simplistes conduisent à des ravages !  La création exige des politiques publiques afin de coordonner les financements privés et publics et de mutualiser les coûts de création en finançant les créations non rentables par celles qui le sont.  Création exige également la liberté de créer et donc de discuter, d’argumenter, de critiquer MAIS avec respect des autres créations ! CONCLUSION  Au regard de son avenir culturel, l’humanité est pourvue d’une grande capacité d’innovation et de production d’identité et de diversité culturelle sur la base de son histoire.  De plus, elle dispose d’énormes moyens d’échange et de circulation des biens culturels.  MAIS elle souffre d’un triple déficit : déficit d’anticipation, de moyens au service de la création et de régulation qui entrave la liberté de faire de la recherche, d’informer et de créer.  Une question s’impose dès lors, celle des politiques relatives à la culture ! 9