Obésité et sexualité

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Obésité et sexualité
Obésité et sexualité
De l’inflation de l’image du
corps à l’impact sexuel du
syndrome métabolique
Dr A.CORMAN
Toulouse
FRANCE
L’obésité: définition
• L’obésité doit être considérée comme
une maladie car elle peut mettre en
cause le bien-être psychologique,
somatique, et social de l’individu.
• C’est un excès de masse grasse dont
l’estimation repose sur le calcul de
l’indice de masse corporelle (IMC).
– Cet indice est le rapport du poids (exprimé
en kg) sur le carré de la taille (exprimée en
mètre).
• Chez l’adulte, l’obésité est définie par
un indice de masse corporelle égal ou
supérieur à 30 kg/ (m2).
L’importance du tour de taille
• Chez l’adulte, l’adiposité abdominale est
associée à des complications
métaboliques et vasculaires.
• Le tour de taille est l’indice
anthropométrique le plus simple pour
estimer l’importance des dépôts
adipeux abdominaux.
• Un tour de taille de plus de 90 cm chez
la femme et de plus de 100 cm chez
l’homme caractérise l’obésité
abdominale.
L’obésité: épidémiologie
• Le problème d'excès de poids dans la
population est en constante croissance.
– En 1987, 19% des personnes de 15 ans et plus
présentaient un excès de poids
– Aujourd’hui, 61% des adultes américains seraient
soit en surpoids soit obèses.
– On estime que l'obésité est responsable de 300.000
décès par an
– Environ 47 millions d'Américains soit 23% ( presque
1 adulte sur 4 ) ont un syndrome métabolique.
• Cette problématique se vit douloureusement à
une époque où règne le culte du corps et de la
minceur*.
*Schaefer et Mongeau, L'obésité et la préoccupation excessive à l'égard du poids,
Nov. 2000).
De l’inflation de l’image du
corps
« Non seulement l’image se pavane,mais elle
obéit en outre à la fièvre du crescendo: le
de-plus-en-plus est la seule loi qu’elle
connaisse…
L’apparence et l’image, prises de délire,
foisonnent à l’infini…
Cette inflation n’est-elle pas diabolique?..
Vladimir Jankélévitch
L’image du corps: définition
• C’est « la façon dont notre corps nous
apparaît à nous-mêmes »*
• Elle est d’abord la résultante des :
Représentations
Perceptions
Sentiments
Attitudes
que l'individu a élaborés
vis-à-vis de son corps
à travers les expériences qui ont jalonné son
existence
*Paul schilder, dans son ouvrage de 1935 (l'image du corps, traduction française, 1968
Bain culturel et image du corps
• Elle est aussi un fait social, collectivement élaboré
• Dans la société contemporaine, l’apparence a un rôle
très important
– Alors qu’elle apparaît comme une préoccupation frivole aux
yeux de nombreux chercheurs et scientifiques *
• Les standards de beauté se sont mondialisés
– Uniformisation frappante et croissante des jugements de
beauté émis **
• âge,sexe,catégorie sociale, ethnie
• via la publicité, la TV, le cinéma ou la presse
*J.F Amadieu , le poids des apparences Ed O.Jacob ,2002
**M.Bruchon-Schweitzer, « Ce qui est beau est bon: l’efficacité d’un stéréotype social », Ethnologie française, XIX,1989, p 111-117
Le poids facteur d’exclusion:
Pour les hommes aussi
• Silhouette et beauté
– Pour les hommes comme pour les femmes,
une norme relative au poids s’est imposée*
• Le « waist-to-chest ratio »(taille-torse)
(56% dans l’appréciation d’une belle silhouette d’H)
• Le sentiment du beau serait produit par:
– La symétrie des proportions et des formes**
– La moyenne des apparences observables
dans la réalité***
*D.S.Maisey et all « Characteristics of male attractiveness for women » The Lancet, 353, 1999, p.1500
**S.W.Gangestad « the evolution of human mating: trade-offs and strategic pluralism », Behavioral and Brain
Sciences, 23 2000
***J.H.Langlois « Attractive faces and bodies are only average » ,Psychological science, 1,1990? P 115-121
Le social marque nos chairs
« La beauté est devenue la qualité impérative de ceux qui
soignent leur visage et leur ligne comme leur âme »
Jean Baudrillard
• Le corps est modelé socialement
– On évite l’obésité pour signaler un mode
de vie et une alimentation distingués alors
qu’on était gros avant pour signifier sa
richesse et sa bonne santé*
• Le vocabulaire
– Préjugés touchent le gros, le gras
(« crasse », « grossier », « dégraisser »
P.Perrot, « Le travail des apparences » Paris, Seuil, 1984
Les hommes perçus comme « beau »
• Ont une vie sexuelle de meilleure qualité*
– Meilleure assurance de séduction
– Pratiques sexuelles plus diversifiées
– Fréquence de rapports supérieure même en
mono-partenariat
• Ont une meilleure appréciation d’eux-même
– Notée de 0 à 40, l’estime de soi passe de 16,10
chez les « non beaux » à 20, 18 chez les
« beaux »**
*H.Berscheid, « Social perception and inter-personal behavior, Journal of personal and social psychology, 35, 1977,
p656-666
**M.Bruchon-Schweitzer, « Ce qui est beau est bon: l’efficacité d’un stéréotype social », Ethnologie française, XIX,1989, p 111-117
La stigmatisation des obèses
• «Par stigmatisation, nous signifions le rejet et la
disgrâce qui sont associés à ce qui est vu (l’obésité)
comme une déformation physique et une aberration
comportementale» (Cahnman, 1968).
• De nombreux auteurs (Matusewich, 1983, Benson
et coll, 1980, Karris, 1977, Myers et Rosen, 1999)
ont montré comment un certain nombre d’attitudes
négatives à l’égard des sujets obèses peuvent se
transformer en véritables discriminations.
• Ces attitudes négatives sont largement représentées
même au sein du corps médical: (Najman et Munro,
1982 ; Myers et Rosen, 1999) ou encore chez les
étudiants en médecine (Blumberg et Mellis, 1985).
Dimensions individuelles de
la stigmatisation
• La stigmatisation aggrave et entretient le
surpoids dans un cercle vicieux difficile à
vaincre et à stabiliser.
• Elle désocialise le rapport à l’alimentation,
• Elle accroît l’anxiété du mangeur,
– ce qui brouille les signaux internes de faim et de
satiété, et favorise les conduites de compensation.
• Une auto-dépréciation de soi empêche parfois
les relations sociales et la construction d’une
relation d’amour.
Conséquences de l'obésité
sur la sexualité masculine
•Structure psycho-pathologique
•Le syndrome métabolique
Structure psycho-pathologique
La séquence comportementale normale peut s’écrire :
Besoin —> manque —> désir —> objet —> plaisir
Le futur obèse cherche à toucher la prime de plaisir
en court-circuitant le manque et le désir
Cette absence de temporisation des pulsions
Précipitation sur l’objet toujours disponible— à
savoir la nourriture —
Sans pour autant accéder à un DESIR
authentique.
Troubles du désir et troubles
relationnels
La vie
amoureuse reste
pauvre et insatisfaisante
Le recours
systématique
à l’objet-nourriture
Dégrade le corps
et son image
L’obésité dégrade aussi le corps
•
L'obésité peut s’accompagner de
diverses perturbations métaboliques:
Hyper-triglycéridémie
– Hypo-HDL cholestérol
– HTA
– Augmentation de la glycémie à jeun >
1g/l
–
*OMS et International Diabetes Federation Berlin 2005
L’ obésité androïde
• Les hommes sont plus susceptibles que
les femmes de développer des
problèmes de santé reliés à leur poids
• Leur excès de poids est localisé à
l'abdomen, la masse graisseuse se
trouvant ainsi mêlée aux viscères.
• Ils sont d'ailleurs proportionnellement
plus nombreux à présenter un excès de
poids (32% vs 24%)
• D’autant plus s’ils sont sédentaires
Le Syndrome Métabolique
• Ces dernières années ont vu se préciser une
nouvelle entité médicale : « le syndrome
métabolique ».
• Il est important pour quatre raisons :
= Il est de plus en plus fréquent dans le monde occidental.
= Il est associé à un risque très élevé de maladies cardiovasculaires, de diabètes de type 2 et de décès prématurés.
= Il est très souvent méconnu par les malades, parfois
même par certains professionnels de santé.
= Quand il est reconnu, il peut être traité efficacement pour
prévenir les complications
Physiopathologie
Le point de départ est une
Insulinorésistance.
Le pancréas augmente sa production
d’insuline.
Hyperinsulinémie.
Anomalies du syndrome
métabolique :
Si l’insulinorésistance est importante,
elle provoque un diabète de type 2.
Les triglycérides augmentent et
entraînent une baisse du HDLcholestérol.
L’insulinorésistance provoque une
augmentation du sodium dans
l’organisme
– entraînant une hypertension. (50% des
hypertendus ont une insulinorésistance.)
Conséquences sexuelles
• Les conséquences sexuelles sont liées
aux complications vasculaires
• Chacune des anomalies qui constituent
le syndrome métabolique (Diabète,
obésité androïde, désordres des
graisses, hypertension)
• Sont des facteurs qui augmentent le
risque d’accidents cardiovasculaires
Prévalence de la DE
dans la Population Cardiologique.
• 62 omnipraticiens –
1240 sujets d'étude –
Australie 2000
• HTA traitée: 52 % DE ,
(26 % DE complète)
• Ischémie myocardique:
61 % DE , (38 % DE
complète)
• Artériopathies: 86 %
DE , (57 % DE
complète)
KK Chew, CM Earle, BGA Stuckey, K Jamrozik
and EJ Keogh; Erectile dysfunction in general
medicine practice: prevalence and clinical
correlates. IJIR 12 (2000) : 41-45
• Prévalence chez les
coronariens
• DE comprise entre
49%(1) et 75%(2)
• Soit une moyenne de
63%
(1) Kloner R et al J Urol 2003;170: S46-S50
(2) Solomon H et al Am J Cardiol
2003;91:230-231
Le syndrome de Pickwick
• Il se définit par l’apparition chez un sujet
obèse d’apnées obstructives du sommeil, d’une
somnolence la journée, d’une augmentation de
la concentration de gaz carbonique dans le
sang avec baisse de la concentration en
oxygène.
• Des complications cardio-pulmonaires peuvent
être associées : hypertension artérielle
pulmonaire et insuffisance cardiaque droite
• Des troubles de l’érection sont fréquent avec
diminution ou absence des érections nocturnes
Le surpoids entraîne un excès
d’œstrogènes pouvant entraîner
•Une gynécomastie
Aromatase
Tissus adipeux
Oestradiol
•Une inversion du rapport
testostérone /oestrogènes
Glandes mammaires
La liaison entre le SM et la DE
• Implique que ce qui convient à un vaut aussi
pour l’autre.
• L’obésité, l’hypercholestérolémie et un taux
élevé de triglycérides à un âge moyen est un
facteur prédictif de maladies
cardiovasculaires, mais aussi de DE *
• La modification des modes de vie pourrait
agir sur la DE comme sur les maladies
cardiovasculaires **
*Fung MM, Bettencourt R, Barrett-Connor E. Heart disease risk factors predict erectile dysfunction 25 years later. The
Rancho Bernardo Study. Journal of the American College of Cardiology 2004;43(8):1405-1411.
**Communiqué de presse de l’American College of Cardiology : Long-term data show heart disease risk factors predict
erectile dysfunction.
L’importance du mode de vie
• Le surpoids constitue un facteur de risque :
les sujets ayant un indice de masse
corporelle (IMC) > 28,7 ont 30% de risque
de plus de DE que les sujets d'IMC < 23.
• La pratique sportive diminue le risque de DE
– 3 heures de course à pied par semaine diminuent
le risque de trouble érectile de 30% versus
sédentaires
– A l’inverse, regarder la télé plus de 20 heures par
semaine, accroît le risque de DE.
Rimm Eric et coll., Harvard University, Boston, Massachusetts, août 2003
Une étude sur plus de 30.000 hommes âgés de 53 à 90 ans.
La prise en charge de l’obésité
doit être globale.
• Le traitement ne se réduit pas à la perte
de poids :
• Il faut traiter les complications:
– HTA, diabète, dyslipidémies.
– Respiratoires (syndrome d’apnée du sommeil)
– Cardio-vasculaires (insuffisance cardiaque et
coronaire).
• Il faut prendre en compte les objectifs
psychologiques et sociaux.
– la priorité peut être donnée à la restauration
de l’estime de soi, et de l’image du corps, ainsi
qu’à la lutte contre le rejet social.
Conclusion
• La prise en charge des complications sexuelles
de l’obésité chez l’homme peut être l’occasion
d’une démarche préventive des complications
du SM
• Ces complications peuvent constituer une
motivation pour le patient obèse à mieux se
prendre en charge
• L’évaluation des procédures thérapeutiques
doit inclure, outre l’évolution du poids, les
effets sur les complications et les facteurs de
risque vasculaire, et sur la qualité de vie.
• Cet objectif nécessite une démarche clinique
holistique familière à la Médecine sexuelle
"Un gros espère toujours un peu
malgré ses innombrables échecs.
Le regard de l’autre lui demande
d’espérer. Un regard lourd à porter,
beaucoup plus lourd que son
poids."
Anne Zamberlan