Starbuck
Transcription
Starbuck
"Julie des Batignolles", charmant hommage aux mots des années cinquante Lors de son dernier passage au théâtre La Bruyère, Eric Métayer avait fait un carton, grâce à une pièce récompensée de deux Molières (à l’époque où ceux-ci avaient encore cours). C’était avec Les 39 Marches, d’après Alfred Hitchcock, qui a tenu l’affiche pendant un peu plus de 500 représentations. Pour Julie des Batignolles, scène la pièce d’un auteur qui est un modeste hommage, comme à Michel Simon, et « Tontons Flingueurs ». Eric Métayer choisit de mettre en presque inconnu (Pascal Laurent), drôle et tendre, à Michel Audiard plus largement à l’époque des L’histoire présentée sur scène est celle d’une bande de branques à l’argot jaillissant de la bouche comme l’eau d’une source, qui décident de réaliser un kidnapping contre rançon. Le projet est de récolter assez de thunes pour financer un coup plus dingue : casser la Loterie Nationale. Bien évidemment, rien ne se passe comme prévu : l’otage est prise de logorrhée permanente, le plus jeune de la bande a la vivacité d’esprit d’une brique et pour couronner le tout, la planque qu’ils pensaient sûre ne l’est pas tant que ça… Toute cette histoire (un peu longue de temps à autre) est portée par les deux cerveaux de la bande (Philippe Lelievre et Viviane Marcenaro), très bons dans leurs rôles respectifs. Le spectacle est charmant, plein d’humour. C’est un plaisir d’entendre ces mots parigots vieillis en fût de chêne, avec la répartie et le sens de l’image qui les accompagne. Des paroles qui nous plongent dans une bonne intrigue à tiroirs au cœur des années cinquante, sans plagiat ni exagération. Pratique : Depuis août 2012 au théâtre La Bruyère, 5 rue La Bruyère (IXe arrondissement, Paris) – Réservations par téléphone au 01 48 74 76 99 ou sur www.theatrelabruyere.com / Tarifs : entre 10 € (jeunes) et 40 € (1ère catégorie). Durée : 1 h 50 Texte : Pascal Laurent Mise en scène : Eric Métayer Avec : Philippe Lelievre, Viviane Marcenaro, Thierry Liagre, Manon Gilbert et Kevin Métayer PROFIT-ons en! Quand Machiavel (1) rencontre Don Juan (2) et Dorian Gray (3) dans une multinationale américaine des années 90 ça donne : PROFIT. Jim Profit (Adrian Pasdar) est le héros en col blanc de cette série co-réalisée par David Greenwalt et John McNamarra par la chaîne FOX. Malgré toutes ces séries qui déboulent sur le marché un petit retour sur cette perle d’une seule saison sortie en 96 n’est pas fortuit. Une série en costards d’époque Après quelques images on ne peut que mesurer l’ampleur de l’évolution du monde du travail, évolution visible à l’œil nu. Ce n’était « que » 16 ans plus tôt et pourtant en matière de style et d’accessoires tout semble trop grand, trop gros, trop large si bien que parfois on a l’impression de regarder un film d’époque. Ça ne brûle pas la cornée mais les cravates bariolées irritent tout de même un peu. Les costumes de ces messieurs, les tailleurs de ces dames sont extra-larges et donnent des silhouettes cocasses aux jeunes requins présomptueux qui les portent. Quant aux vilains (très) gros ordinateurs sans navigateur, ils ne laissent guère présager la bureautique actuelle. Diantre pas d’Internet et une 3D assez folklo, ça fait drôle ! Même la déco des bureaux de Gracen & Gracen pourtant supposés être une société parmi les plus high-tech et grand luxe, prêtent à sourire. Alors quand, au plus fort du suspense, un jingle musical de type vieux rock est lancé à plein tube, là c’est bon on rigole. On rigole mais on est tout de même ostensiblement fasciné car les problématiques soulevées par le personnage principal, elles, n’ont pas pris une ride. Un précurseur charismatique Psychopathe ambitieux et séducteur hypnotique, Jim Profit est le pilier de la série. Il est motivé, intelligent et il ne compte pas ses heures. Il pourra l’écrire sur son CV. Mais s’il devait énoncer des défauts il aurait bien trop le choix… Un lien de parenté ténu fait de lui le père ou a minima « le tonton » de bons nombres de personnages au panthéon des séries cultes. – Un regard acéré sur le monde du travail et les intrigues de bureau. Don Draper (Mad Men 2007), as-tu changé de costume !? – Une éthique très personnelle, faites de malversations, chantages, extorsions, intimidations, viles manipulations. Tony Soprano, serait-ce donc toi (The Sopranos 1999) ? – Une double vie bien huilée. D’un côté un employé de bureau serviable et de l’autre un homme capable de tuer de sang froid son propre père. Dexter Morgan (Dexter 2006), n’as-tu donc rien inventé !? Trop pour l’époque Jim Profit est un prédateur de la plus vieille espèce, pas un Tricératops, un Tyrannosaure Rex. Il incarne le capitalisme dans sa forme la plus féroce et perverse. Il a les dents qui raient le parquet (et arrachent la moquette) et cache un passé plus que sombre. En ce sens il est repoussant. Il est amoral et mu par sa recherche de vengeance et de pouvoir, mâchoire serrée, bien décidé, il a un but et n’en démordra pas. Lors des premières diffusions TV, Est-ce l’aspect capitaliste extrême qui troubla ? Sont-ce les rapports incestueux avec sa mère qui choquèrent ? Est-ce que le téléspectateur s’est tristement reconnu dans le personnage avant de le rejeter ? Nul ne le saura jamais. Mais, un mythe toujours vivace 16 ans plus tard est intriguant, n’est-ce pas ? (1) Nicolas Machiavel est un penseur italien de la Renaissance, philosophe et auteur notamment de l’ouvrage Le prince qui regroupe des théories sur la guerre. (2) Don Juan, célèbre personnage de Molière inspiré à l’origine du Don Juan de Tirso de Molina de 1630. (3) Dorian Gray, personnage principal du roman Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, publié en 1890. Distribution Adrian Pasdar : Jim Profit Lisa Zane : Joanne Meltzer Sherman Augustus : Jeffrey Sykes Lisa Blount : Roberta « Bobbi » Stokowski Lisa Darr : Gail Koner Keith Szarabajka : Charles Henry « Chaz » Gracen Jack Gwaltney : Pete Gracen Allison Hossack : Nora Gracen Scott Paulin : Jack WaltersGracen Jennifer Hetrick : Elizabeth Gracen Walters Don S. Davis : l’ancien Shériff Merci à Olivier T. pour cette découverte. Impasse de la Providence Shmuel T. Meyer Petites misères, bonheurs fugaces, joies intenses. La trentainte de brefs récits que nous conte Shmuel T. Meyer dans son troisième recueil de nouvelles sont autant de fragments de vies. Vies consacrées au travail, à la littérature, à l’étude des textes sacrés, à la photographie, à la communauté ou encore à la famille. Au travers du récit de ses existences, c’est l’histoire de l’Etat d’Israël et de son peuple que le lecteur découvre ou redécouvre. La force de la tradition qui se trouve confrontée à l’émergence de milieux artistiques. Mais aussi des rêves de vie qui s’effondrent. Des relations adultères. Des souvenirs éternels. Des passions qui s’allument. Des vies qui s’éteignent. Des amitiés qui naissent. Des carrières qui prennent fin. Toujours saisissants, souvent marqués du sceau de l’ironie et de l’humour, les récits de Shmuel T. Meyer ne laissent jamais indifférents. Seul regret que l’on peut avoir à la lecture de ce livre … celui de devoir se séparer des personnages quelques pages seulement après avoir fait leur connaissance. Auteur : Shmuel T. Meyer Editeur : Gallimard Date de parution : 18/05/2011 ISBN : 2070133435 "Six personnages en quête d'auteur" : Drame familial entre réalité et fiction Copyright Carecchio : Elisabeth Créée au festival d’Avignon, cette version de la pièce avec laquelle Pirandello a connu son premier succès auprès du public est bien construite, et heureusement adaptée à 2012. Ces dernières années, le drame pirandellien est souvent représenté de manière ennuyeuse. La faute ne vient pas du maître italien ni (forcément) de ses metteurs en scène modernes, mais du texte original. Souvent daté, poussiéreux, il ne correspond plus à notre époque, notre réalité. Et pourtant, la question de la réalité est au cœur même de cette pièce écrite en 1921. Réécrite par Stéphane Braunschweig, elle ne prend pas un nouveau sens « actuel », mais retrouve tout simplement son intérêt universel, avec son lot de questions à la fois drôles et captivantes. La pièce est d’ailleurs présentée comme « d’après » Pirandello. Une nuance qui s’avère bienvenue. Nous, spectateurs, assistons en catimini à la réunion d’une troupe en train de s’ennuyer pendant une séance de travail à table avec son metteur en scène (Claude Duparfait, brillant acteur !). Les comédiens sont perdus et entraînent leur directeur dans un questionnement sur le théâtre et l’intérêt du texte s’il n’est pas habité par l’acteur. Arrivent alors dans la pièce les six personnages. Visiblement, le drame les habite, mais l’auteur qui les a imaginés ne l’a jamais écrit. Ils ressentent le besoin impérieux qu’un écrivain s’en charge tout de même. Le metteur en scène de la troupe n’accepte pas immédiatement la demande qui lui est soumise par cette étrange famille, mais à force de réflexion il s’engage à retranscrire l’horreur qui les hante, à condition que ce soit avec ses acteurs. Il est vrai que le théâtre se doit d’être une imitation et non pas la retranscription de la réalité… La scénographie qui accompagne la création est un beau clin d’œil en ce sens… Quand les personnages commencent à jouer c’est très confus, conformément à la structure originale, ils veulent raconter leur histoire mais n’y arrivent pas par eux-mêmes. On ne comprend la toile du drame qu’à partir du moment où ils commencent à être guidés. Cette partie de la pièce est difficile à suivre, ce qui est logique puisque nous ne sommes pas censés être là (c’est une répétition). On accroche un peu plus quand, comme dans les contes pour enfants, on comprend que le personnage de théâtre est dans le même cas que le héros mythologique : tous deux ont besoin que nous croyions en eux pour exister. Sauf que là, c’est un peu l’histoire du Dr. Frankenstein à l’envers : la créature (ici, la famille) a échappé au maître (le metteur en scène) avant même d’avoir été créée. Peu à peu, ce dernier dompte la réalité qu’expose la famille pour en sculpter un vrai drame théâtral. Finalement, Braunschweig fait de ces « Six personnages en quête d’auteur » une intéressante pièce manifeste, en utilisant le corps de celle-ci pour pauser un certain nombre de questions sur le théâtre d’aujourd’hui. Quel est l’intérêt d’un texte figé ? Qu’en est-il de la possibilité de l’écriture collective ? Quelle part de l’inconscient de l’acteur joue dans une incarnation ? Jusqu’à quel point un acteur doit-il s’approprier le personnage ? Ici le comédien peut créer un fossé avec la personne qu’il interprète. Lui finit sa journée et sort du personnage, mais le personnage de son côté reste prisonnier de son drame comme Tantale de son supplice, condamné à le revivre chaque soir sur scène. N’est-ce pas là que réside l’horreur même ? Pratique : Jusqu’au 7 octobre dans le Grand Théâtre de La Colline – Théâtre National. Réservations au 01 44 62 52 52 ou sur www.colline.fr / Tarifs : entre 14 et 29 €. Durée : 1 h 55 Texte (d’après Pirandello) et mise en scène : Stéphane Braunschweig Avec : Elsa Bouchain, Christophe Brault, Caroline Chaniolleau, Claude Duparfait, Philippe Girard, Anthony Jeanne, Maud Le Grévellec, Anne-Laure Tondu, Manuel Vallade et Emmanuel Vérité Tournée : Du 10 au 20 octobre 2012 au Théâtre National de Bretagne (TNB), Rennes Du 24 au 26 octobre 2012 à La Filature, Scène nationale, Mulhouse Les 8 et 9 novembre 2012 au Théâtre de L’Archipel, Scène nationale, Perpignan Du 14 au 16 novembre 2012 au Théâtre de la Cité, Théâtre national de Toulouse-Midi-Pyrénées (TNT) Du 22 au 24 novembre 2012 à la Scène nationale de Sénart, Combs-la-Ville Les 28 et 29 novembre 2012 à La Passerelle, Scène nationale, Saint-Brieuc Du 5 au 7 décembre 2012 au Centre dramatique national Orléans/Loiret/Centre Les 12 et 13 décembre 2012 à la Comédie de Valence, Centre dramatique national Les 20 et 21 décembre 2012 au Centre dramatique national de Besançon et de Franche-Comté Les 10 et 11 janvier 2013 au Théâtre Lorient, Centre dramatique national de Bretagne (CDDB) Du 16 au 18 janvier 2013 au Théâtre de Caen Starbuck - Je suis ton père ... David Wozniak héros ou zéro ? Bienfaiteur dans le besoin d’une clinique de fertilité, cet Apollon bientôt quadragénaire se retrouve poursuivi par son passé. Et un passé à 1066 jambes … forcément vous rattrape rapidement ! Puisqu’il nous a emballés, tentons de dresser un portrait aux rayons X de ce personnage attachant. Qui du héros ( ) ou du zéro ( ) l’emportera ? – Cheveux hirsutes Le cheveu hirsute est l’apanage du penseur, philosophe ou mathématicien. Vous imaginez, vous, Albert Einstein avec la raie au milieu et les cheveux plaqués?! Non! David Wozniak n’est pas du genre gominé. Allez, allez, le style hipster c’est déjà dépassé! – Barbe naissante Cette barbe naissante (pour rester dans le thème qui nous intéresse aujourd’hui…) lui permet sans aucun doute d’aborder la jeune génération bardé d’une aura positive. Un a priori positif. Un quelque chose qui nous dit que cet homme là est gentil. Qu’il n’a pas tout à terminé sa transformation en adulte. Enfin David ? Même au Canada, Gilette Mach 3, vous devez connaître quand même, ça fait très négligé! – T-shirt délavé Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé. Un vrai rebelle ce David, ni dieu, ni maître. David ne craint personne à part son employeur de père immigré polonais dur à cuire de la vieille époque. Le t-shirt délavé pas net ça fait pas très mature voire carrément ado attardé et fauché… – Jean troué A l’arrache David, non jamais! Après le « jean boyfriend » le « jean Wozniak », le must de l’été 2012. Se porte sale, troué et large. Toile râpée, couleur fanée un tel falzar démontre un certain laisser-aller… Tu n’es pas vraiment de ceux qui prennent le taureau par les cornes mais de ceux qui courent pour ne pas se faire encorner et tentent parfois des feintes audacieuses pour détourner la bête. – Vieilles baskets Les baskets, même défraîchies, sont un vrai plus quand on doit pouvoir pousser une pointe, poursuivi par des enfants biologiques en mal de père ou des créanciers peu amènes. Sans aller jusqu’à soutenir ceux qui disent que les chaussures reflètent beaucoup de la personnalité de celui qui les porte… disons que tu ne respectes guère le dicton de l’élégante Coco Chanel disant qu’il faut toujours « soigner les extrémités » . – Appartement Ami camelot et adepte du « Bon coin » tu as trouvé la caverne d’Ali Baba ! Un joyeux bric-à-brac témoin d’une vie bien remplie et d’une passion pour le ballon rond Ces dames de « C’est du propre » vont s’arracher les cheveux, la déco passe encore mais la crasse, ça ne passera pas. Chance de survie d’un bébé dans un milieu hostile comme ton appartement : 1 heure max ! Héros ou zéro … qu’il est difficile de départager ! Et pourtant, quand on y réfléchit bien, qu’on prend un peu de recul avec ce film, qu’on y repense quelques jours après … Tous ces éclats de rire pendant la séance. Toute cette simplicité dans ses rapports aux autres. Tout ce bien qu’il nous a procuré pendant presque 2 heures. Sans conteste, David Wozniak est un héros des temps modernes ! Justement car il représente cette certaine idée du zéro à laquelle nombreux sont ceux qui aspirent. A la rencontre de plusieurs générations, la sienne à laquelle il ne veut pas ressembler, et la suivante, celle de ses enfants, dans laquelle il s’intègre sans problème … bien malgré lui, et parfois au désespoir de son entourage ! Point positif tout de même, en entamant la quête de leur père biologique, les 533 enfants du généreux donateur ne se doutaient certainement pas qu’ils allaient découvrir un personnage aussi attachant que ce David Wozniak. Et pour terminer, un dernier conseil … Si vos parents ont voyagé au Canada dans les années 80, Et si vous avez un doute sur la paternité de David Wozniak à votre endroit. Un test de paternité est disponible sur le site internet, sait-on jamais … http://www.starbuck-lefilm.com/test-paternite/. Réalisation : Ken Scott Scénario : Ken Scott et Martin Petit Production : André Rouleau, Caramel Films Direction photo : Pierre Gill Montage : Yvann Thibaudeau Costumes : Sharon Scott Compositeur : David Laflèche Casting Patrick Huard : David Wozniak Julie Le Breton : Valérie, la petite amie de David Antoine Bertrand : l’ami avocat Igor Ovadis : le père de David Marc Bélanger : Paul, frère de David David Michaël : Antoine, un fils de Starbuck Patrick Martin : Étienne, un fils de Starbuck David Giguère : le porte-parole des enfants de Starbuck Sarah-Jeanne Labrosse : Julie, une fille de Starbuck Patrick Labbé : Maître Chamberland Dominic Philie : l’autre frère de David Rentrée Gaîté en légèreté à la Lorsque l’on sort rue de la Gaîté à Paris, c’est la légèreté et les réjouissances que l’on recherche (je fais ici allusion aux différents théâtres qui la jalonnent et non aux sexshops). Cependant on ne sait jamais quel sort sera réservé à nos zygomatiques ?! Rira-t-on gras, jaune à la folie ou pas du tout ? Avec la pièce Une semaine pas plus au Théâtre de la GaîtéMontparnasse on rit sans se forcer et on retrouve le pavé de la Gaîté, guilleret. Un scénario prétexte à des débordements réjouissants Le scénario est simplissime. L’un (Paul) s’est lassé de l’autre (Sophie), sa moitié, et souhaite s’en débarrasser. Non pas la zigouiller, on ne rejoue pas un épisode de « Faites entrer l’accuser », plutôt l’éjecter cordialement de l’appartement qu’ils occupent ensemble. Pour cela, Paul aurait pu agir seul et parler à cœur ouvert à celle qui fut sa dulcinée. Mais non, c’est une manière détournée que Paul va plébisciter en passant par l’entremise (non de sa tante Artémise*, mais celle) de son meilleur ami (Martin). La mayonnaise prend doucement mais elle prend bien Progressivement les éléments du subterfuge imaginé par Paul (Clément Michel) pour faire fuir Sophie (Maud le Guénédal) se mettent en place : le décor, la dynamique et les rôles de chacun. La pièce mise en scène par David Roussel et Arthur Jugnot (le fils de Gérard) pâtit de certaines longueurs mais la mayonnaise monte joyeusement. Il faut dire que Clément Michel s’y emploie avec fièvre et mouille la chemise. Fairevaloir agité de ses comparses, il besogne en Sganarelle contemporain pour mettre en place sa supercherie : un beau château de sable. La théorie du château de sable. Bien malgré lui, la troisième roue du carrosse, Martin (Sébastien Castro), est embarqué pour pourrir le quotidien du petit-couple. Mais c’est une bonne pâte ce Martin. Il est jovial, facile à vivre, bricolo et bien élevé…. Sauf quand on lui demande d’être « vilain ». Là, Sébastien Castro se lâche et comme un môme sur la plage, piétine le château de sable dans une interprétation récréative à souhait de son personnage. Le fauve est lâché. Quelle fripouille ce Sébastien Castro qui sait faire rire sans tomber dans le lourd ou la simplicité. Voici un acteur à suivre avec, à son actif, une série de pièces qui a très bien fonctionné. Gage de la bonne humeur qui rayonne de la pièce, on sent parfois le fou-rire poindre entre les trois acteurs. A la ville on ne sait pas – ceci ne nous regarde pas- mais à la scène ces trois là s’entendent à merveille. Un trio bien huilé, on ne regrette pas son choix. Une semaine pas plus est une comédie fort sympathique. Gaîté Montparnasse 2 rue de la Gaîté 75014 Paris http://www.gaite.fr/actualite-theatre.php Une comédie de Clément Michel Mise en scène par Arthur Jugnot et David Roussel Avec Sébastien Castro (Martin), Maud Le Guénédal (Sophie) et Clément Michel (Paul). *Vous aviez évidemment reconnu les paroles de la chanson Le Telefon de Nino Ferrer ! 5 bonnes raisons de découvrir Game of Thrones Vous en avez entendu parler, vous avez peut-être même aperçu quelques images, le dernier phénomène TV s’appelle Game of Thrones. Peut-être parce que les personnages sont habillés à la mode médiévale ou alors parce que vous avez entendu le mot « fantasy », vous vous êtes dit que ce n’était pas pour vous et pourtant… voici 5 bonnes raisons de découvrir la nouvelle série de HBO. En matière de séries, vous avez déjà transhumé plusieurs fois de la côte Est à la côte Ouest américaine*. Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage : de Malibu (Baywatch) à Atlantic City (Boardwalk Empire), de Los Angeles (Mac Gyver) au New Jersey (The Sopranos), puis par exemple de la Nouvelles Orléans (Treme) à San Francisco (Monk), de Baltimore (The Wire) à Miami (Dexter), ou encore du mortel comté du Kentucky (The Walking Dead) à Albuquerque au Nouveau-Mexique (Breaking Bad). Mais le téléspectateur, même avide, que vous êtes en a les jambes fourbues. Le petit détour à Rome ne vous a pas tellement détendu… 1. Envie d’ailleurs ? Vous n’êtes peut-être pas désireux de vous (re)plonger dans un univers américain ou américanisé. En revanche qu’en serait-il d’aventures dans une nouvelle « Terre du milieu »? Au travers de la saga littéraire Le Trône de fer, George R. R. Martin, a mis au monde un univers constitué de 7 royaumes avec ses propres codes, alliances et légendes : Westeros. La transposition sur petit écran des ouvrages cultes a été confiée à David Benioff et D. B. Weiss début 2011. La critique a d’ailleurs salué de façon rare et unanime l’adaptation jugée convaincante. La série se passe donc dans un monde imaginaire de type féodal et fantastique. Le générique rythmé et primé en 2011 par un Emmy Award dévoile en prenant de la hauteur la carte de ce nouveau monde et des villes à l’architecture prodigieuse qui peuplent le territoire. Le décor de la série tant extérieur qu’intérieur y est saisissant. Il a dû à n’en point douter engloutir une bonne partie de l’impressionnant budget estimé à entre 50 et 60 millions de dollars pour la première saison. Au bout de quelques épisodes les noms des cités de Winterfell ou Port-Réal vous seront presque aussi familiers que Lyon et Auxerre … mais ne cherchez pas sur le site de la SNCF, aucun TGV ne dessert ces fabuleuses villes. Difficile de faire plus dépaysant !? 2. Envie de changer votre perception sur les personnes de petites tailles ? A bien y réfléchir, à la TV ou au cinéma, peu de héros, gentils ou méchants, qui fussent atteint de nanisme. Car oui cessons donc séance tenante nos circonvolutions, nous parlons ici d’un nain : le personnage de Tyrion Lannister incarné par l’acteur Peter Dinklage. Tyrion est un personnage ambivalent, ambitieux, rusé et attachant. Ainsi, The imp (en français Le lutin ou Le nain) comme il est appelé dans la série vous fera oublier les prestations du serviable Passepartout de Fort Boyard. Car si Passepartout a eu l’obligeance de conserver avec entrain les clés des cellules du Fort, Peter Dinklage a remporté un Primetime Emmy Award en 2011 puis un Golden Globe en 2012 pour son rôle dans Game of Thrones. Il a donc été sacré « Meilleur acteur dans un second rôle » à deux reprises. 3. Envie de passer de passer du XXème au XXIème siècle : The Wall ? Si lorsqu’on vous parle de « The Wall » vous pensez aux Pink Floyd qui donnaient de la voix sur les ondes fin 1979 avec leur onzième album … il va falloir désormais changer de siècle. The Wall au XXIème siècle désigne un mur colossal qui délimite le royaume le plus au Nord. Ce mur est glacé et fait l’objet de l’attention toute particulière d’une fraternité un peu allumée et élitiste vêtue de noir et prête à en découdre : The Night Watch (Garde de Nuit). Savoir ce qu’il y a par delà le mur, c’est comme regarder sous son lit lorsqu’on est petit, ça fout la frousse. 4. Envie d’une vraie intrigue ? Dans Game of Thrones, plus de 20 personnages principaux font progresser une intrigue dont la construction ressemblerait à celle du fameux stade de Pékin, le nid d’oiseau. Comme dans l’heptalogie (7 romans) : jamais de parti pris, jamais de personnage principal unique. On passe donc de l’un à l’autre en découvrant aussi bien les motivations de chacun, que leurs petits et plus gros secrets. Les Arryn, Baratheon, Greyjoy, Lannister, Targaryen ou encore Stark, tous veulent le pouvoir : le trône de fer. A grand renfort de stratagèmes, d’espionnages, de meurtres, de guerres, chacun mène sa barque ou son armée dans un remake un peu plus musclé et plus tordu de « Tout le monde veut prendre sa place ». 5. Envie de savoir ce qui va se passer quand ce fichu hiver va débarquer ? « Winter is coming » est la devise de la maison Stark (non, rien à voir avec le designer). On ne sait guère à quoi s’en tenir à propos de ce mystérieux hiver. Pourquoi diantre, l’hiver ferait-il si peur ? Certaines jeunes générations ne l’ont jamais connu mais parlent de chimères assoiffées de sang, de disparitions étranges, de mort. Quand l’été, lui, apporte prospérité et foisonnement des biens … Cet hiver doit être dantesque pour faire ainsi trembler les habitants parfois revêches des 7 royaumes. Il semblerait pourtant peu probable de voir apparaître des meutes de barbares chaussés de Uggs ou de Crocs dans un royaume médiéval ! Mais alors, si leur style primitif est préservé, que craignent-ils ? Evidemment, pour profiter pleinement de cette série, il vous faudra pardonner quelques scènes osées pas forcément très constructives (sans vouloir jouer à « Sœur la vertu ») et rester concentré pour mémoriser la pléiade de personnages, mais on a dit 5 bonnes raisons de regarder Game of Thrones… Titre original : Game of Thrones Titre en français : Le Trône de fer Scénario : D. B. Weiss, George R.R. Martin, David Benioff Réalisation : Timothy Van Patten, Daniel Minahan, Brian Kirk, Alan Taylor Décors : Richard Roberts Durée épisode : Environ 60min * Appui documentaire : http://seriestv.blog.lemonde.fr/2012/01/11/une-carte-des-seri es-americaines/ "Les Papis font de la Résistance" (L. Sepulveda) L’ombre de ce que nous avons été – L. Sepulveda Coup de coeur en cette semaine de rentrée pour certains dont je fais partie. Ce court roman de l’auteur chilien paru en 2009 nous conte l’histoire d’anciens révolutionnaires de Santiago. Réunis bien des années après leurs faits d’armes (ou d’idées), ils rêvent toujours de propager la révolution. Et c’est bien ce à quoi ils comptent occuper leurs retrouvailles. Dans la chaleur étouffante de la capitale chilienne, Arancibia, Salinas et Garmendia préparent un nouveau coup, avec l’aide du « spécialiste ». Hélas, ce spécialiste n’arrivera jamais, victime malgré lui de la chute d’un tournedisque qui lui est fatale. Citation 1 : « Concepcion Garcia fit alors une description assez cohérente et détaillée d’une vie ratée à cause des dettes, du manque d’espoirs et de l’indolence d’un mari qui, d’après ce que comprirent les deux policiers, était passé d’un radicalisme politique disparu dans les années quatre-vingt à une vie consacrée au septième art en qualité de spectateur domestique. » En moins de 150 pages, Sepulveda arrive à transmettre à son lecteur un riche aperçu de l’histoire mouvementée qu’a connu son pays durant les deux derniers siècles. Communisme, anarchisme, socialisme modéré, conservatisme, tous les courants politiques qu’a connus le pays sont dépeints à travers les luttes des différents personnages. Citation 2 : « Ce fameux gendre est aujourd’hui un des hommes riches du monde, il a fait fortune en achetant bouchée de pain les industries nationales et les a ensuite avec des bénéfices impossibles à évaluer.Ce les plus pour une revendues doit être dur de dormir serré contre les jambes poilues d’une idiote, à titre de compensation il a donc reçu les forêts du Sud et en a fait du petit bois. » A grand renfort d’un humour bien senti et de situations parfois absurdes, Sepulveda nous transmet l’ambiance qui pouvait alors régner dans ce pays. Délation et espionnage alimentaient la peur quotidienne au ventre des habitants de Santiago. Il n’y avait alors plus d’amis ou de voisins qui ne tenaient. Beaucoup étaient victimes d’une amnésie subite (et subie). La chaleur n’arrange rien au sentiment d’étouffement face aux combats qui se déroulaient alors dans les rues, ou, plus secrètement, dans les arrière-salles des cafés, des bureaux ou encore des administrations. Elle est heureusement contrebalancée, dans le récit, par bien des répliques et des situations qui auraient fait pâlir de jalousie un des frères de Marx (non pas le socialiste … Groucho !). Bref, vous l’aurez compris, un livre à lire et à relire ! Instructif, documenté, et terriblement (et peut-être aussi étrangement) drôle et loufoque. L’Ombre de ce que nous avons été – Luis SEPÚLVEDA Titre original : La sombra de lo que fuimos Traduit de l’espagnol par Bertille Hausberg Ed. Métailié Paru le 14/01/2010 160 pages, 17 € ISBN 978-2-86424-710-4 P.S : merci à Stef pour ce titre fabuleux ! Les Enfants de Belle Ville Dilemme sans fin Affiche du film Sorti en Iran en 2004, « Les Enfants de Belle Ville » est le deuxième long métrage du réalisateur iranien Asghar Farhadi. Il a fallu attendre le 11 juillet 2012 pour le voir à l’affiche dans l’Hexagone. Le succès de son dernier long métrage « Une Séparation »(dont nous vous parlions il y a tout juste un an) a sans aucun doute été déterminant dans le choix des producteurs français d’en faire profiter le public français, même tardivement. A l’image de ses autres longs métrages, Asghar Farhadi dépeint dans « Les Enfants de Belle Ville » un portrait de la société iranienne actuelle, souvent bien loin des clichés encore trop répandus dans le Vieux Continent européen. Au coeur de cette nouvelle histoire, deux jeunes gens de Téhéran : Firoozeh et Ala. Et cette nouvelle histoire de coeur est confrontée aux dures réalités de la société iranienne. Akbar, frère de Firoozeh, vient de fêter ses 18 ans dans un centre de rétention pour mineurs, où il purge une peine de prison pour le meurtre de sa petite amie, la fille de M. Abolqasem. Funeste anniversaire s’il en est, puisque la majorité est synonyme d’éligibilité à la peine capitale. Ainsi, à peine soufflées les bougies, le voilà transféré dans un établissement pour adultes, où il attendra l’exécution de sa sentence. Son exécution. Ala, un de ses comparses du Centre pour Mineurs s’engage alors à obtenir le retrait des poursuites du plaignant, M. Abolqasem. S’ensuit alors un chassé croisé psychologique entre Ala, Firoozeh, M. Abolqasem, sa femme, et le religieux du quartier. Ni coupable ni victime Cette course au pardon va faire naître un marathon amoureux entre les deux jeunes gens, à l’issue conditionnée par le destin d’Akbar. Ce destin que l’on comprend dépendant des interprétations et des intérêts de chacun. Le prix du sang : deux fois plus cher pour le coupable (un homme) que celui de la victime (une femme). La force du pardon et de la miséricorde dans l’Islam. Ce pardon revient sur toutes les lèvres. Mais sous ses traits de principe inaltérable, de valeur transcendante, il cache dans la situation présente bien des bassesses de la nature humaine, la cupidité notamment. Apparaissent alors nombre de dilemmes pour l’ensemble des personnages de ce film. Dilemme entre amour pour une fille assassinée et amour pour une vivante. Dilemme entre respect d’une promesse et passion amoureuse. Dilemme entre amour conjugal et amour maternel. La force de ce film est sans doute de ne jamais (sauf à un moment bien précis) tomber dans la facilité. De ne jamais essayer de simplifier les situations et les épreuves que la vie met en travers du chemin des personnages. Et c’est bien cette force dans le récit et dans les images que l’on a retrouvée plus récemment dans « Une Séparation ». Comme il est troublant d’ailleurs de ne pouvoir distinguer clairement le Bien du Mal. Les grosses productions ne nous y préparent bien souvent pas. Elles préfèrent nous mâcher la réflexion, ériger des positions nettes et franches, de peur que le spectateur ne se trompe dans son jugement. Ne commette une erreur d’appréciation. Ne se range du mauvais côté. Mais dans « Les Enfants de Belle Ville », comme dans « Une Séparation », pas de manichéisme simplificateur. Mention spéciale Et quitte à rapprocher « Les Enfants de Belle Ville » des autres longs métrages d’Asghar Farhadi, il me paraît nécessaire de mentionner l’excellente prestation de Taraneh Allidousti (Firoozeh). La jeune actrice iranienne s’était fait connaître du public français par son rôle d’Elly dans « A Propos d’Elly » du même réalisateur, sorti en 2009 dans les salles obscures. Elle interprète également Rouhi dans « La Fête du Feu » (toujours du même réalisateur). Dans « Les Enfants de Belle Ville », Firoozeh incarne un certaine image de la femme iranienne. Une éclaircie brille au loin dans sa condition de femme, mais un poids des traditions et de la société parfois l’écrase et la blesse. Seul bémol, car il en faut un … le dénouement … Je vous laisse juge ! Prochain rendez-vous pour Asghar Farhadi à l’automne prochain. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas Téhéran, mais la France qui accueillera le tournage de son nouveau film, un « thriller social » selon son producteur français Memento Films. Dans les rôles principaux : Tahar Rahim -à l’actualité chargée en cet été 2012- et Marion Cotillard. A suivre donc … Titre original : , شهر زیباShahr-e ziba Titre français : Les enfants de Belle Ville Réalisation : Asghar Farhadi Pays d’origine : Iran Durée : 1h41 Sortie en Iran : 2004 Sortie en France : 11 juillet 2012 Distribution : Taraneh Allidousti : Firoozeh Babak Ansari : Ala Faramarz Gharibian : Rahmati Abolqasem Hossein Farzi-Zadeh : Akbar Ahu Kheradmand : la femme de M. Abolqasem Farhad Ghaiemian : Ghafouri : le propriétaire du kiosque Jésus et Bouddha candidats au couch surfing Voici des vacanciers intergalactiques dont vous n’attendiez pas de carte postale cet été ! Et pourtant sous la plume de Hikaru Nakamura, Jésus Christ et Bouddha en jeans Tshirt trainent respectivement auréole de sainteté et couronne d’épines, au pays du soleil levant. A la cool et incognitos, ces deux icônes religieuses personnifiées et « personnifiables » visitent, découvrent et s’adaptent à la vie quotidienne du XXIème siècle. Cocasse donc de découvrir ces deux saintetés en coloc, l’un impulsif -Jésus-, l’autre plus réfléchi et près de ses sous –Bouddha. Leur pèlerinage parmi les mortels se décline en plusieurs mangas (quatre traduits en français à ce jour) toujours gentillets blasphématoires . et divertissants, mais jamais Cela porte vraiment à sourire d’imaginer Bouddha au supermarché collectant les points cadeaux ou bien Jésus qui se gratte la tête devant la demande d’amitié sur Facebook de Judas. L’imagination débordante de son auteur amène nos deux compères dans le métro, à la piscine, dans un parc d’attraction, au sauna… A l’image des aventures d’une certaine Martine, cela pourrait durer longtemps mais attention à ne point trop tirer sur la corde! Le dessin, comme souvent dans les mangas, prête une attention toute particulière aux détails et à l’hyper-expressivité du visage. Au fil des planches en noir et blanc, Hikaru Nakamura dévoile des découpages temporels esthétiques, exploitant pleinement les modularités offertes par le Shitei (1). De truculents anachronismes, liés le plus souvent au comique de situation, se succèdent. L’œil avisé des lecteurs ne saura louper les références, bien amenées, à leur sainte histoire (multiplication des pains, baptême, jeûne, …). En revanche, une fois passé le choc culturel de leur rencontre avec le Japon de l’ère digitale et toutes ces petites pépites humoristiques, il ne reste pas grand-chose. L’absence d’une analyse un peu plus poussée ou tout simplement d’une approche un peu plus caustique, qui n’apparaît tout d’abord qu’en filigrane aux yeux du lecteur, finit par nettement se faire ressentir … Les Vacances de Jésus et Bouddha c’est donc un manga comique agréable mais lisse à déguster dans une chaise longue, les doigts de pieds en éventail et les neurones… eux aussi en vacances. (1) Shitei : manga de type humoristique pour petits et grands (source Wikipedia) Titre original : 聖☆おにいさん, Sei Onii-san (Saint Young Men) Titre Français : Les Vacances de Jésus et Bouddha Collection : Kurokawa Auteur : Hikaru Nakamura Ken Loach - La part des anges : "Ta mère en kilt" … Quand la jeunesse turbulente de Glasgow part à la rencontre de la noblesse fortunée des Highlands ! Dans son dernier film, le cinéaste britannique nous emmène dans les quartiers défavorisés de Glasgow. Comme bien souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, les personnages qu’il nous fait rencontrer subissent de plein fouet les affres de la vie : chômage et délinquance côtoient les environnements familiaux chaotiques et s’unissent pour faire disparaître toute trace d’espoir dans le quotidien de leurs victimes. C’est parmi ces naufragés, bien souvent repris de justice, que se rencontrent Robbie (Paul Brannigan), Albert (Gart Maitland), Rhino (William Ruane) et Mo (Jasmin Riggins). Condamnés à servir l’intérêt général pour leur éviter le supplice des prisons, ils vont se lier d’amitié. Et c’est à l’occasion de la visite d’une distillerie organisée par Harry (John Henshaw), le surveillant de la bande, que Robbie va découvrir la puissance de son goût et de son odorat. Le whisky, cause de tant de désespoir dans leurs familles respectives, va alors se révéler être son unique source d’espoir. Ironie de l’histoire sans doute … Le whisky et ses saveurs, véritable reflet de la condition humaine : âcre, tourbé, à l’image des héros du film; ou au contraire céréale, fruité, comme le quotidien des richissimes amateurs de malt des Highlands. Le whisky et sa fabrication, métaphore de la vie et de ses épreuves. Le whisky tire profit de chaque fissure, chaque imperfection et chaque brèche présentes dans les alambics qu’il traverse. Sans cette histoire qui lui est propre, il perdrait à jamais sa saveur et son authenticité. Cette vie qui s’acharne, sans pour autant que la caméra de Ken Loach ne tombe dans le misérabilisme si tentant. Car c’est encore une fois l’authenticité qui triomphe dans ce nouveau film du Britannique. Il n’est pas question pour Robbie, Albert, Rhino ou Mo de céder, de se laisser emporter par le courant de la violence sociale. Là où tant d’autres auraient sans doute baissé les bras, abandonné la lutte, la « Dream Team » de nos jeunes héros ne plie pas les genoux. Elle se tient prête à affronter son destin. Et quelle preuve plus évidente de cette dignité intacte, de cette détermination sans faille, que l’humour « so british » présent tout au long du film. Comme souvent dans l’oeuvre de Ken Loach, cette légèreté constitue une échappatoire précieuse à la gravité des lendemains de ses personnages. Au-delà de l’humour et de l’ironie, c’est toute la palette de sentiments que déploie le réalisateur dans « La part des anges », et ce comme rarement il en avait eu l’occasion. Larmes de rire, larmes de désespoir. Fou rire, violence folle. Espoir, fatalité. La vie. Rien que ça. Le Jury du dernier festival de Cannes ne s’y est pas trompé en attribuant au film son prix 2012. Pour tous ceux qui, au son de « Ken Loach » se disent : « Ah non, pas encore un film d’art et d’essai chiant à mourir » … Essayez quand même. On ne sait jamais. Une bonne surprise est si vite arrivée ! Titre original : The Angels’ Share Réalisateur : Ken Loach Acteurs : Robbie : Paul Brannigan Harry : John Henshaw Albert : Gary Maitland Nikki : Siobhan Reilly Rhino : William Ruane Mo : Jasmin Riggins Thaddeus : Roger Allam Producteur : Rebecca O’Brien Scénariste : Paul Laverty Avignon 2012 "Nouveau Roman", sauce Honoré Christophe Honoré n’en est pas à son premier passage au festival d’Avignon. En 2005, il y présentait « Dionysos impuissant », en 2009 il revenait pour un drame d’Hugo, « Angelo, tyran de Padoue ». Cette année, trois de ses créations sont programmées, parmi lesquelles « Nouveau Roman », qui retrace l’histoire du mouvement littéraire éponyme avec ceux qui l’ont créé. Chronologie indissociable des éditions de Minuit dans la France de l’après-guerre. Tous les acteurs sont sur scène en permanence. La scénographie mixe les attributs du tribunal et ceux du plateau télévisé. Bien que bourrée d’anachronismes (des téléviseurs à écran plat diffusent ponctuellement le témoignage d’auteurs actuels), l’ambiance des années cinquante est très parisienne. Le temps passe mais le papier peint ne se décolle pas. Le Nouveau Roman est recréé devant le public, le temps qui passe est ponctué des prix gagnés par les auteurs (Renaudot, Goncourt et Nobel), une horloge en fond de scène indique l’heure, le public ne perd pas la notion du temps. On pense alors aux collectifs d’artistes et écrivains qui ont fait le foisonnement littéraire de la France, jusqu’à l’hisser comme la première nation en nombre de prix de Nobel en la matière. La pièce est riche, nostalgique, érudite, la radicalité habite les concepts énoncés. Difficile de trouver des équivalents à notre époque. Que donnerait un cercle de réflexion réunissant Foenkinos, Levy et Musso ? L’idée même porte à sourire, la possibilité d’un mouvement baptisé la « Nouvelle Naiserie », « L’Amour Plat », ou tout simplement « La SNCF » ? Le collectif n’est pas dans l’air du temps, il n’a plus sa place, les auteurs sont seuls et le groupe du « Nouveau Roman » nous le rappelle. Au premier abord très dense, l’humour fin, la salsa et les chansons apportent légèreté et respiration au texte, composé d’écrits et d’interviews. Des mots dits en majorité sous la forme du discours, un micro à la main. Les interventions des héros (Alain-Robbe Grillet et un Jérôme Lindon très matriarcal en tête) nous replongent dans les questions posées en cette période d’intense émulsion cérébrale, rare et réussie, sans pour autant n’être qu’une pièce-documentaire. Composée de dialogues aériens, intellectuels, vifs, on ne tombe pas la « private joke » pour public savant. Les discussions de bureau (et quel bureau !), alternent avec les moments de solitudes des protagonistes où chacun raconte son expérience de la guerre, sa rencontre avec différents types de sexualité, ses remises en question. Chacun des comédiens montre une maîtrise particulièrement impressionnante à habiter la psychologie de son personnage. Peu avant l’entracte, le public est invité à poser des questions à la bande. On peut questionner Jérôme Lindon, Nathalie Sarraute ou Claude Ollier comme si ils étaient face à nous. Ici, les réponses forcément déstabilisantes de justesse. improvisées sont Le « Nouveau Roman » à la sauce Honoré n’est pas une pièce littérale où les extraits de livres donnent des indications sur la vie de leurs auteurs (ce qui aurait été dur pour cette bande en particulier). Rigoureuse sans se prendre au sérieux, à la fin de la pièce, Jérôme Lindon classe les auteurs par « importance ». Une importance dont le critères est le nombre de noms de rues, d’écoles et places publiques qui portent le nom de chacun. Pour le public, ils seront tous inoubliables. Tournée : – Du 10 au 12 octobre 2012 au CDDB-Théâtre de Lorient Centre Dramatique National – Les 17 et 18 octobre 2012 au Théâtre de Nîmes – Du 23 au 26 octobre 2012 au Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées – Du 7 au 10 novembre 2012 à la Maison des arts de Créteil – Du 15 novembre au 9 décembre 2012 à La Colline – Théâtre National à Paris – Du 10 au 12 janvier 2013 au Théâtre Liberté de Toulon – Du 17 au 19 janvier au Théâtre de l’Archipel à Perpignan Mise en scène : Christophe Honoré Avec : Brigitte Catillon, Jean-Charles Clichet, Anaïs Demoustier, Julien Honoré, Annie Mercier, Sébastien Pouderoux, Mélodie Richard, Ludivine Sagnier, Mathurin Voltz, Benjamin Wangermee La bibliographie du spectacle est téléchargeable sur : www.letheatredelorient.fr/nouveau-roman Nouveau Roman a été créé le 8 juillet 2012 dans la Cour du lycée Saint-Joseph, Avignon. Avignon 2012 – The Master and Margarita, du jamais vu Après Le Suicidé en 2011, la Russie comme symbole de la lutte contre l’oppression est encore bienvenue en Avignon. Le britannique Simon McBurney s’est emparé du chef d’œuvre de Mikhaïl Boulgakov, « Le Maître et la Marguerite », pour sublimer la Cour d’Honneur de façon monu-mentale. Le Maître est un écrivain qui n’a pas supporté la critique littéraire moscovite, à tel point qu’il se retrouve en hôpital psychiatrique. Marguerite, celle qu’il aime, veut l’en libérer. Heureux hasard de la vie, Satan et sa suite rôdent justement dans cet empire soviétique des années trente, ils « viendront en aide » à Marguerite sans se faire prier. Toute la pièce est jalonnée d’effets spéciaux vertigineux projetés sur les murs du Palais. A eux seuls, ils méritent le déplacement. Le Palais des Papes grandit, s’effondre, elle est le ciel de Jérusalem et de Russie. Bien heureusement, ce n’est pas la seule richesse qui découle de cette adaptation. Dès les premières minutes, les histoires croisées se chevauchent dans une ambiance étrange où chaque scène baigne dans le mystère. McBurney réussit la prouesse virtuose de nous dépeindre une fresque romancée (et à la faire exploser !) où les époques se croisent sur le fil. Le dispositif est rendu possible par une mise en scène millimétrée, soutenue par un jeu de lumière précis. Les comédiens, tous excellents, réussissent à s’employer parfaitement au service de la furie créatrice du metteur en scène. Mention particulière pour celui qui est le Satan glacé et le Maître dépressif, Paul Rhys. Le texte critique et révolutionnaire (largement censuré dans l’URSS de Staline), pose la question de l’autorité, de la possession du pouvoir, de l’amour entre les peuples, de la compassion. On y reflue les symboles, on bouscule les codes jusqu’à croire ouvertement en Dieu dans une Russie « communiste ». L’Hymne patriote est coupé avec des « shut up ! » hurlés par le chat du diable. Se risquer à la comparaison avec notre époque semblerait simpliste, il est plus sage de se laisser entraîner par l’histoire, importante en son temps, où les interrogations sur la condition humaine sont récurrentes. Le professeur Woland (Satan), pose à plusieurs reprises la question, « les gens ont-ils changé ? ». Non, bien évidemment, aujourd’hui pas plus qu’hier. « Le Maître et la Marguerite » dure trois heures (sans entracte). Quelques passages plus « psychologiques », parties intégrantes de l’action, font perdre un peu de rythme à cette création brillante. Du jamais vu en Avignon, c’est certain. Jusqu’au 16 juillet dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes d’Avignon Tournée : – Du 25 au 28 juillet au GREC de Barcelone – Du 2 au 10 février 2013 à la MC93 de Bobigny Mise en scène : Simon McBurney Avec : David Annen, Thomas Arnold, Josie Daxter, Johannes Flaschberger, Tamzin Griffin, Amanda Hadingue, Richard Katz, Sinéad Matthews, Tim McMullan, Clive Mendus, Yasuyo Mochizuki, Ajay Naidu, Henry Pettigrew, Paul Rhys, Cesar Sarachu, Angus Wright. Le Maître et Marguerite est adapté du roman de Mikhaïl Boulgakov, oeuvre posthume publiée en URSS en 1966 dans une version amputée, mais écrite entre 1928 et 1940, année de sa mort. Ce roman est disponible en Pavillon Poche chez Robert Laffont. Avignon 2012 William Kentridge épris de temps Dans l’opéra d’Avignon, théâtre italien situé sur la place de l’Horloge, William Kentridge partage avec le public ses interrogations sur le temps. Réflexion qu’il a entamée avec le physicien américain Peter Galison. Kentridge est un artiste pluridisciplinaire. Il est homme de théâtre, plasticien et dessinateur (c’est à lui que l’on doit l’affiche du festival cette année). La scène est un reflet de sa personne. Elle est une sorte de fourre-tout créatif où le brouhaha d’un orchestre qui s’accorde accueille le public. Pendant 1 temps qui machines actionnent h 30, acteurs, musiciens, chanteurs interrogent le passe, aidés par des vidéos surréalistes et autres silencieuses que les occupants des planches tout en dansant des chorégraphies contemporaines. Le spectacle est une alternance entre chansons et réflexions lues par Kentridge. Tous les temps y passent, de la création à la destruction. Il est heure, destin, joie et mort. On commence par le mythe de Persée pour arriver à la frayeur des trous noirs interstellaires. Entre les deux on passe par le temps des colonies d’où le metteur en scène est originaire (Afrique du Sud). Parfois amusant, souvent ennuyeux (il faut ajouter à la représentation le temps de la montre que l’on consulte), le rendu est assez brouillon tellement le sujet est vaste, même si l’aspect poétique et ironique sont intéressants. Une mention particulière à cette vocaliste qui réussit la prouesse de chanter en reverse. Au final, ce « Refuse the hour » ne convainc pas part son sujet, mais plutôt par la manière, un peu à la Tim Burton, dont il est traité. Une (petite) victoire de la forme sur le fond. Jusqu’au 13 juillet à l’opéra-théâtre d’Avignon Tournée : – 15 au 18 novembre 2012 au Teatro Argentina de Rome dans le cadre du festival RomaEuropa – 22 au 25 novembre 2012 à l’Onassis Cultural Center d’Athènes Mise en scène : William Kentridge Avec : Joanna Dudley, William Kentridge, Dada Masilo, Ann Masina, Donatienne MichelDansac, Thato Motlhaolwa, Bahm Ntabeni. Musiciens : Waldo Alexander, Adam Howard, Tlale Makhene, Philip Miller, Vincenzo Pasquariello, Dan Selsick, Thobeka Thukane. Spectacle créé le 18 juin 2012 au Holland Festival (Amsterdam) Laurence Anyways - Un projet plus grand que nature Le jour de son trentième anniversaire, Laurence (Melvil Poupaud) révèle à sa compagne, Fred (Suzanne Clément) son désir d’être une femme. Profondément ébranlée par cette déclaration mais néanmoins amoureuse, Fred fait le choix de l’accompagner dans sa démarche avant de perdre, à son tour, son identité. Xavier Dolan, l’insolent réalisateur de ce filmfleuve brillant, nous offre à voir une décennie de déchirements où se nouent et se dénouent toutes les problématiques du changement de sexe. Ecce homo, « Voici l’homme »… Montréal, dans les années 1990. Laurence entame sa métamorphose. Pour le réalisateur, cette ville cosmopolite aurait dû accueillir mieux que n’importe quelle autre un projet aussi fou que changer de sexe. Réputées sans tabou, les communautés gays lesbiennes y revendiquent le droit à la différence depuis de nombreuses années. Mais tous les tabous n’ont pas le même poids. Xavier Dolan le reconnait : « Un enseignant transsexuel soulèverait l’inquiétude, l’ire de parents anxieux de voir leurs enfants tanguer vers l’anticonformisme. La personne la plus évoluée se félicite encore intérieurement de démasquer un transsexuel dans la rue, et les ghettos identitaires sont hostiles envers le troisième sexe. » Pas d’asile pour les trans. Voici l’homme, pardon la femme, fuyez. Autre mythe qui s’effondre. N’est pas fou qui veut, n’est pas sain qui croit. Laurence Alia veut changer de sexe, certes. Mais il n’est peut-être pas le plus dingue de tous. C’est un écrivain reconnu et un enseignant apprécié. Malgré d’évidents problèmes familiaux, il s’occupe de sa mère colérique (Nathalie Baye –géniale) et de ses amis tordus. Il est patient, réfléchi et drôle. Campé par un Melvil Poupaud au sommet de son art (on ose le dire), il glisse dans sa nouvelle peau dignement. Et surtout, il aime Fred d’un amour absolu qu’une décennie de heurts ne saura pas changer. Finalement, il est peut-être le plus normal de tous : celui qui veut aimer en s’aimant. Ce qui change, c’est l’identité du couple, son image, sa résonance. Et c’est une mutation que Fred ne peut supporter. Depuis qu’ils se sont rencontrés, Laurence et elle listent les choses qui leur enlèvent beaucoup de plaisir. Perdre l’homme qu’elle aimait tel qu’elle le connaissait lui retire tout le sien. « J’ai imaginé alors ce que ça pouvait être d’avoir devant soi un ami, un parent, un compagnon qui, du jour au lendemain, revendique l’impossible, et remet en question, s’il ne l’efface pas entièrement pour certains, l’entièreté des moments vécus ensemble. » explique Xavier Dolan. Finalement, le drame n’est pas d’être né homme quand on voudrait être femme mais bien de croire que l’amour ne peut pas résister à tout. La liste des choses qui nous procurent beaucoup de plaisir Suzanne Clément a obtenu le prix de la meilleure interprétation féminine à Cannes cette année. Une récompense que Melvil Poupaud aurait largement méritée également… Après J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires, le jeune réalisateur prodige de 23 ans réalise son plus beau film. Laurence Anyways a obtenu le grand prix du film romantique à Cabourg. Un petit pas pour l’homme… un grand pas pour l’humanité. Réalisé par : Xavier Dolan Avec : Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Nathalie Baye, Monia Chokri Pays d’origine : Canada / France Année de production : 2012 Durée : 2h39 Date de sortie : 18/07/2012 Participez au jeu concours Arkult et gagnez vos places de cinéma pour le film Laurence Anyways. Rendez-vous sur www.facebook.com/arkult.fr pour connaître les modalités de jeu.