Massacre à Charlie Hebdo - Haut-Rhin

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Massacre à Charlie Hebdo - Haut-Rhin
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Pour mieux comprendre
JE UD I 8 JANV IE R 201 5
L ' AL S A CE
TERRORISME
Massacre à Charlie Hebdo
Les policiers du Raid intervenaient tard hier soir à Reims, où auraient été localisés les trois terroristes qui ont attaqué en fin de matinée le journal
satirique Charlie Hebdo à Paris, tuant douze personnes et faisant onze blessés dont quatre sont dans un état grave.
« 5 minutes… »
La dessinatrice Coco, qui
travaille pour Charlie Hebdo, a témoigné des événements vécus de l’intérieur :
« J’étais allée chercher ma
fille à la garderie, en arrivant devant la porte de
l’immeuble du journal deux
hommes cagoulés et armés
nous ont brutalement menacées. Ils voulaient entrer,
monter. J’ai tapé le code. Les
deux hommes ont tiré sur
Wolinski, Cabu. Ça a duré
cinq minutes. Je m’étais
réfugiée sous un bureau. Ils
parlaient parfaitement le
Français. Se revendiquaient
d’Al Qaïda. C’était horrible,
un bain de sang ».
Rue Nicolas-Appert, après l’attaque.
Il est 11 h 20, hier, quand des
hommes cagoulés et habillés de
noir, tenant des fusils d’assaut de
type kalachnikov, sortent d’une
C3 noire et se précipitent au 6, de
la rue Nicolas-Appert, près du
boulevard Richard Lenoir (XIe arrondissement de Paris). Le bâtiment abrite les archives de
Charlie Hebdo. Puis ils se ruent
vers le numéro 10, où siège la
rédaction de l’hebdomadaire. À
l’entrée, ils forcent la dessinatrice
Coco, qui vient d’arriver avec sa
petite fille, à taper le code d’accès. Ils abattent un ouvrier de
maintenance et montent directement au deuxième étage où se
tient la conférence de rédaction
et tirent pas moins d’une cinquantaine de balles. Coco et sa
fille échappent à la tuerie en se
réfugiant sous une table.
Massacre dans la
salle de la rédaction
C’est l’hécatombe. Le dessinateur
Charb, directeur de la publication, est tué en compagnie du
policier qui était chargé de le
protéger. Il était, depuis des années, l’objet de menaces islamistes. Les deux terroristes ont
expressément demandé où était
Charb, selon les survivants. Le
garde du corps du journaliste n’a
Photo Alexandre Marchi
pas eu le temps de riposter. Puis
les dessinateurs Cabu, Wolinski,
Tignous, Honoré, l’économiste
Bernard Maris sont assassinés et
les tirs continuent. On dénombrera dix morts dans la salle de
rédaction : huit journalistes, le
policier chargé de la sécurité de
Charb et un invité, Michel Renaud, ex-directeur de la communication de la ville de ClermontFerrand. À leurs côtés, onze
blessés, dont quatre dans un état
grave. Les islamistes reprochent
au journal satirique d’avoir publié
en 2006 les caricatures de Mahomet éditées par un journal danois. L’ancien siège du journal
avait été incendié en 2011.
Filmés depuis le toit
Hier, dès le début de l’attaque,
des salariés d’une autre société
de l’immeuble occupé par Charlie
Hebdo se réfugient sur le toit,
d’où certains filment, après plusieurs minutes de détonations insoutenables, la sortie de deux
hommes qu’on entend distinctement hurler Allah Akbar (Dieu est
grand) sur une vidéo mise en
ligne. Les terroristes tirent sur pas
moins de trois patrouilles de policiers qui tentent de les intercepter. Lors de la troisième fusillade,
boulevard Richard Lenoir, un poli-
cier du commissariat local est
touché. L’un des terroristes sort
de la voiture et l’achève d’une
balle dans la tête. « On a vengé le
prophète Mahomet ! On a tué
Charlie Hebdo ! », crient les assaillants avant de repartir. La
poursuite s’engage dans les rues
de Paris. Place du colonel Fabien,
à l’est de la capitale, les fuyards
heurtent une Volkswagen Touran
et blessent la conductrice. Celle-ci
a pu constater que trois membres
du commando circulent dans la
C3 : l’un d’eux était donc resté
dans la voiture pendant l’attaque.
Rue de Meaux, près de la Villette,
ils percutent un poteau et s’emparent par la force d’une Renault
Clio. Les policiers perdent la trace
des agresseurs au niveau de la
porte de Pantin. La Direction générale de la sécurité intérieure
(DGSI), la sous-direction de l’antiterrorisme de la PJ (SDAT) et la
section antiterroriste (SAT) de la
PJ parisienne ont été chargés de
l’enquête sur l’attentat le plus
meurtrier perpétré sur le sol français depuis la guerre d’Algérie,
soit depuis plus de 50 ans.
Le Raid intervient
à Reims
Une opération de police du Raid
était en cours tard hier soir à
Reims d’où serait originaire l’un
des trois assaillants présumés,
Saïd Kouachi, 34 ans. Un quartier
entier, celui de la Croix rouge
était bouclé. Les policiers du raid
avertissaient les journalistes présents sur place : « Prudence, ça
va rafaler ».
Auparavant, plusieurs dizaines de
véhicules de police avaient quitté
le commissariat de Reims pour se
rendre dans une caserne de CRS,
dans le quartier Croix-Rouge dans
l’ouest de la ville. Les policiers
avaient retrouvé la carte d’identité de Saïd Kouachi dans la C3
accidentée et abandonnée à Paris. Son frère Chérif serait également membre du commando. Âgé
de 32 ans et originaire de Pantin
en banlieue nord-est parisienne,
Chérif Kouachi, a été condamné
en mai 2008 dans le cadre de la
filière djihadiste irakienne dite du
XIXe arrondissement de Paris. Il
avait écopé de trois ans de prison
dont 18 mois avec sursis pour
association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Le troisième terroriste serait
également identifié. Il se nommerait Hamyd Mourad, serait né en
juillet 1996 et aurait résidé près
de Charleville-Mézières dans les
Ardennes. Il serait actuellement
SDF et pourrait être le chauffeur
du groupe.
L’attaque
11 h 25, en pleine conférence de rédaction
Vers 11 h 25, deux hommes vêtus de noir, encagoulés et armés
chacun d’une kalachnikov se présentent au numéro 6 de la rue Nicolas-Appert (XIe arrondissement de Paris). Ils hurlent : « C’est ici Charlie Hebdo ? » Voyant qu’ils sont à la mauvaise adresse, ils se
dirigent alors au numéro 10 de la rue, où se trouve le siège de l’hebdomadaire satirique. Ils ressortent en hurlant : « On a tué Charlie
Hebdo ! »
La fuite
11 h 30, la confrontation avec les policiers
Les deux agresseurs prennent la fuite en criant « Allah Akbar » et
« nous avons vengé le prophète Mahomet ». Dans la rue, à bord
d’une voiture Citroën C3 noire, ils font face à un véhicule de police
sérigraphié. Ils tirent une dizaine de coups de feu sur le pare-brise de
cette voiture sans blesser les policiers. D’autres policiers font feu sur
les assaillants, qui ripostent. L’un des deux tire une balle en pleine
tête à l’un des policiers blessé et à terre.
Les blessés
Le cauchemar sous leurs fenêtres
dérais les journalistes comme des amis.
Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai eu envie
de hurler. C’est horrible ». Une autre lectrice est sonnée : « J’ai appris le drame alors
que je lisais le dernier numéro de Charlie
Hebdo paru ce matin (hier). Je suis venu
immédiatement. C’est juste du délire de
vivre cela en France en 2015. Cela fait peur.
J’espère que les gens vont se lever, manifester ».
Patrice Barrère
Dans le quartier du journal Charlie Hebdo,
à quelques encablures de la place de la
Bastille à Paris, les riverains ont du mal à
réaliser le cauchemar qui s’est déroulé sous
leurs fenêtres.
« J’ai entendu plusieurs détonations. Une
sorte de pétarade, comme pour le Nouvel
an chinois. Je suis sorti dehors. J’ai vu des
hommes aux silhouettes noires qui portaient des cagoules. J’ai compris que c’était
sérieux. Je suis rentré chez moi me barricader ». Félix habite à quelques mètres du
siège du journal : « Les terroristes, en
sortant de chez Charlie Hebdo, semblaient
calmes. Ils marchaient tranquillement ».
Fatoumata semble perdue, terrorisée. Le
cordon de police l’empêche de traverser la
rue Nicolas-Appert où, au numéro 10, se
trouve le siège du journal martyr. « Je suis
franchement inquiète. Je devais aller chercher ma petite-nièce d’un an qui se trouve
dans la halte-garderie juste à côté de
Charlie Hebdo. Quand j’ai traversé le boulevard Richard Lenoir, j’ai vu une marre de
sang (Ndlr : l’endroit où le policier a été
froidement exécuté).
« Mon petit frère de onze ans est à l’école
un peu plus loin. À midi, comme il ne
revenait pas de l’école. Je suis descendu à
sa rencontre. Je n’ai toujours de nouvelle.
Plusieurs riverains ont vu les terroristes sortir
de chez « Charlie Hebdo ».
Photo AFP
Peut-être que quelqu’un l’a récupéré. J’espère », tremble Mamadou.
« J’ai eu envie de hurler »
Très vite les techniciens de la police scientifique commencent à travailler dans la rue.
Ils relèvent des balles dans un mur. Les
ambulances défilent. Un silence pesant
troublé envahit le quartier, brisé par les
sirènes des pompiers. Les habitants descendent dans la rue, comme pour respirer
après s’être cloîtrés pendant le drame.
« J’ai un fils journaliste. C’est très préoccupant. Je suis choqué », explique Léon, 84
ans. Puis quelques lecteurs de Charlie
Hebdo commencent à arriver. Isabelle se
présente avec un bouquet de roses rouges :
« Je lis depuis longtemps Charlie. Je consi-
« Comprendre
l’incompréhensible »
Avant midi, le premier bilan tombe
Au siège de Charlie Hebdo, c’est le carnage. Les assaillants ont tué
11 personnes à l’intérieur, un policier à l’extérieur et fait 11 blessés,
dont 4 en « urgence absolue ». Les cinq dessinateurs vedettes
de l’hebdomadaire satirique sont sauvagement assassinés.
La traque
Parmi les journalistes, l’animateur de la
matinale de France Inter, Patrick Cohen. Il
n’est pas présent pour un reportage. Il a
des amis à la rédaction de Charlie Hebdo.
Quelques minutes après son arrivée, il
décroche son téléphone qui sonne. Le choc.
Il vient d’apprendre qu’un de ses amis et
chroniqueur, l’économiste Bernard Maris,
fait partie de la liste des victimes.
Il est maintenant 15 h 30. Sur le boulevard
Richard-Lenoir, en dehors du périmètre de
sécurité, de nombreuses personnes affluent. On essaye de comprendre l’incompréhensible. On commente. Un homme qui
se dit musulman dit à des lycéennes :
« Que l’on soit musulmans, juifs, chrétiens… on ne tire jamais sur un journaliste.
Sinon, c’est la démocratie que l’on assassine. Cet attentat est signé par l’intolérance. »
LII02
En soirée, sur la piste des criminels
Après avoir percuté une automobiliste, les assaillants abandonnent leur
voiture dans le Nord de Paris. Ils braquent ensuite un conducteur porte de
Pantin et s’enfuient à bord de son véhicule. Dans la soirée, des perquisitions
étaient en cours à Reims d’où serait originaire l’un des trois assaillants
présumés, Saïd Kouachi, 34 ans. Un autre, son frère, serait originaire de
Pantin en banlieue nord est parisienne. Il pourrait s’agir de Cherif Kouachi,
né en 1982 à Paris, un homme déjà condamné en mai 2008 dans le cadre de
la filière djihadiste irakienne dite du XIXe arrondissement de Paris. Le troisième serait aussi identifié. Il se nommerait Hamyd Mourad, serait né en
juillet 1996 et aurait résidé près de Charleville-Mézières dans les Ardennes.